Marbrume


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 Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]

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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptySam 26 Sep 2020 - 3:20
Satisfait de son inspection olfactive, Kornog était aller s'allonger aux pieds de sa maîtresse, toujours assise sur le lit. Tel un sphinx d'obsidienne, il gardait les oreilles droites et la tête haute, observant le manège de cet homme étrange qui ne se comportait pas comme le faisait tous les autres. Mais il restait sage, tant que son humaine ne lui faisait pas signe de la protéger, il pouvait se contenter d'observer.

Pour sa part, Ombeline suivait les déplacements du prêtre à l'oreille. N'ayant rien à cacher, elle le laissait volontiers farfouiller dans ses vêtements et même ses parfums si cela pouvait l'apaiser, tant qu'il ne cassait rien et remettait les choses à leur place. Elle ne rechignait pas à ranger elle-même le bazar, cependant son organisation était conditionnée par son handicap et elle préférait ne pas avoir à tout remettre sa place en perdant un temps fou à identifier chaque objet. Sans interrompre l'inspection, ni en action ni en paroles, elle se contenta de s'asseoir en taille sur son lit et de faire quelques tresses dans ses longs cheveux noirs pour s'occuper les mains. La jeune femme n'avait aucune idée de ce que pouvait chercher Cesare. À quoi devait ressembler des preuves contre une sorcière ? Un oiseau mort cloué à une porte ? Des symboles écrits avec du sang ? Une lettre d'aveux ? Elle n'était pas assez versée dans la pratique de la chasse aux créatures maléfiques pour avoir une idée claire et ce n'était peut-être pas plus mal : si elle avait été au courant de la moindre pratique de sortilège chez l'une de ses amies, peut-être aurait-elle bêtement essayé de dissimuler des preuves pour éviter le pire. Ne sachant pas ce qui pouvait être incriminant, elle ne pouvait donc ni aider ni saboter le prêtre en dehors de l'accès qu'elle lui donnait aux chambres. Une faveur pour laquelle elle espérait ne pas se faire attraper.

À bien y réfléchir, n'était-ce pas la première fois qu'elle acceptait de mettre en péril le fragile équilibre de sa maison close pour quelqu'un de l'extérieur ? La solidarité toute féminine qui régnait dans ce bordel avait toujours fait loi et même en temps de désaccords, catins et patronne faisaient toujours front commun. Et voilà qu'à présent Ombeline laissait entrer un homme pour qu'il puisse mener sa petite enquête... Bien sûr elle avait toute confiance en ses amies et savait que c'était dans l'intérêt de la Balsamine d'être rapidement écarté de la liste des endroits suspects, aussi ne s'écartait-elle pas vraiment du droit chemin, mais cela restait une forme de trahison. Le faisait-elle uniquement pour sauver ce qui était aujourd'hui son chez-elle ? Ou devait-elle s'alarmer de vouloir également faire plaisir à ce ronchon de prêtre qui lui faisait sans cesse des remarques agaçantes ? Faire plaisir sans contrepartie, ce n'était pas vraiment son genre. Pas avec les hommes en tout cas.
Un frisson lui descendit dans le dos, souvenir d'une désagréable mésaventure dans les catacombes qui aurait certainement signé sa fin si Cesare n'était pas intervenu. Elle se rappelait la fièvre de sa convalescence et son dos en charpie, mais aussi l'odeur désormais reconnaissable des herbes cicatrisante et de l'encens qui accompagnait toujours le prêtre. Elle lui devait incontestablement la vie. Et au-delà de cette dette, elle devait admettre un certain attachement qui allait jusqu'à penser à lui dans des moments incongrus, comme lors de cette terrible invasion pendant les joutes. Jamais elle ne s'était trop penché sur la question et il semblait naturel de songer à Cesare comme à un ami cher. Mais à bien y réfléchir...

La jeune femme ramena ses genoux contre elle alors que le prêtre demandait à jeter un œil sous le lit. Quelque chose en elle était presque déçue qu'il ne se détourne pas de sa mission, pas même une seconde alors qu'il se trouvait pourtant dans la chambre d'une catin à fouiller dans ses tiroirs. Mais le Père Cesare serait-il vraiment lui-même sans cet esprit implacable ? Elle eut un sourire en coin malgré elle à cette pensée.

Je crois que ton chien a effrayé la sorcière. Qui oserait t’approcher avec un garde aussi loyal ? Bon, je dois avouer que je suis soulagé de ne rien trouver dans ta chambre. On va devoir visiter tes amies.

Kornog est le meilleur gardien que l'on puisse rêver. Tendre, affectueux, dévoué et fiable. Et toi, barbare, tu voudrais que je lui mette une muselière. Tsstsstss... plaisanta-t-elle en mimant un air navré.

Pas de preuves de sorcellerie chez elle, voilà qui la soulageait malgré elle ! Au moins elle ne serait pas traînée dans un cachot pour être questionnée sur des pratiques dont elle ne savait rien. C'était rassurant de savoir que personne ne complotait dans son dos.
La question à propos des plantes l'intrigua, mais elle la prit avec sérieux et réfléchit à son tour.

Eh bien je pense que celle qui en sait le plus, c'est Fleur. Elle est ici depuis longtemps mais elle a grandi dans une ferme des Faubourgs alors elle en sait un rayon sur les plantes. Quand on tombe malade, c'est à elle qu'on demande conseils avant d'aller chez un rebouteux ou un herboriste. Manon a toujours vécue en ville, la Fange a ruiné sa famille et elle a fini par devoir nous rejoindre pour avoir de quoi manger, mais avait ça elle apprenait surtout à broder et faire de la dentelle, pas à distinguer les herbes, affirma Ombeline avec un hochement de tête convaincu. Et puis Clothilde... Je crois qu'en dehors de quelques remèdes de grand-mère que Fleur a pu lui apprendre, elle ne s'intéresse pas du tout à ces choses-là.

Réalisant qu'elle accusait implicitement l'une de ses amies, la brunette se redressa d'un bond et saisit le prêtre par le bras, l'air inquiète.

Mais c'est impossible que ça soit Fleur ! Elle va au temple toutes les semaines et parfois plus ! Elle prie avec ferveur pour nous toutes, elle m'a veillé de nombreuses fois quand j'étais toute petiote et malade, elle rêve d'être mère. Ça ne peut pas être elle, jamais elle ne pourrait faire de mal à une mouche. Tu le verras par toi-même en inspectant sa chambre.

Réalisant qu'elle lui tenait fermement le bras à deux mains, la fleur de trottoir relâcha son emprise doucement et se rassit.

Ici on a des marins, des marchands et surtout des miliciens. Pas vraiment des médecins ou des herboristes. Les gens les plus savants sont les quelques sang bleu qui parfois descendent pour s'acoquiner avec des filles de rien comme nous. Mais peut-être que eux ils connaissent des gens savants...

Elle haussa les épaules, l'air de dire qu'elle n'en savait pas plus. Remonter l'arbre des connaissances de quelqu'un lui semblait un peu tiré par les cheveux pour essayer de retrouver une sorcière, mais après tout ce n'était pas son travail.
Un grincement typique de l'autre côté de la porte lui fit lever la tête : une personne seule montait l'escalier et le rythme ainsi que la démarche lui laissait penser qu'il devait s'agir de Manon. Cette petite fouine devait faire mine d'aller chercher quelque chose dans sa chambre pour essayer de deviner ce qui se passait ici, dans cette pièce. Ombeline maudit la curiosité de cette petite peste qui ne savait pas se mêler de ses affaires. Les autres lui avaient déjà fait la remarque après avoir réalisé qu'elle répétait ce petit manège assez souvent, mais visiblement ça ne l'avait pas dissuadé. Ombeline la soupçonnait même d'essayer de surprendre quelque chose qu'elle ne devrait pas dans l'espoir de pouvoir se faire bien voir de Madame.

Bien décidée à décevoir les attentes secrètes de sa compagne d'infortune, la brune se leva de nouveau et posa un doigt sur sa bouche pour faire signe à Cesare de ne pas prononcer un mot. Le bruit de pas était étouffé par les conversations en contrebas, mais pour une oreille aussi aiguisée que la sienne il était très distinct. Elle put l'entendre ralentir jusqu'à presque s'arrêter juste devant la porte. Levant les yeux avec exaspération vers le plafond, il lui vint une idée : sans attendre, Ombeline posa sa propre main contre sa bouche et mima un gémissement étouffé. De l'autre elle froissa sa jupe, passa contre sa taille et ses jambes dans un discret mais reconnaissable bruit qui ressemblait à s'y méprendre à des caresses impatientes contre le vêtement. Forçant un peu le trait pour être certaine d'être entendue, elle simula quelques autres halètements et soupirs coupables avec brio jusqu'à ce qu'elle ait la satisfaction d'entendre les pas redescendre les escaliers. Elle mit fin à la comédie d'un soupir agacé et rejeta ses cheveux en arrière pour avoir l'air détachée.

Au moins on sait désormais que Manon n'est plus dans sa chambre... fit-elle avec un air dégagé, comme si tout était parfaitement normal. La prochaine fois, je compte sur toi pour participer à la comédie, Cesare. Ce n'est pas drôle de faire semblant toute seule.
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Cesare



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyJeu 1 Oct 2020 - 23:24

« Quels terrifiants secrets peuvent être trouvés dans la noirceur des ténèbres ? »

Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 Candles_by_lewdtea-da5ioh0


À l’entendre décrire son chien, on croirait qu’elle parlait de l’époux idéal. Cette idée fit sourire l’apprenti chasseur de mages qui s’imagina Kornog en tenue de cérémonie. Peut-être qu’il n’était pas aussi rustre et désagréable, à le voir veiller sagement sur sa maîtresse. Une telle loyauté était admirable et surtout précieuse pour quelqu’un comme elle, à la merci de fausses affections et de l’appétit des hommes. Elle avait clairement besoin de vrais amis sur qui compter, des personnes dont les intentions ne soient nullement animées par de sombres desseins ou de détestables pulsions. Depuis quand se souciait-il d’une catin, lui ? Cette question le piqua au vif tandis qu’il prenait place aux côtés de son alliée, intrigué. Il n’y avait jamais vraiment songé, toujours concentré sur ses objectifs comme une flèche manipulée par l’arc des divins, à toucher sa cible sans se soucier des éléments extérieurs, des distractions du monde. Pourtant, il fallait bien qu’il essaye d’éclaircir dans sa tête sa relation avec Ombeline. Plusieurs événements les avaient liés, depuis leur première altercation des plus envenimée, à des discussions profondes et philosophiques, la dernière chose à s’attendre en compagnie d’une fille de joie. Il s’était surprit à apprécier leurs longs duels verbaux, son caractère si indocile et capricieux … et il se souciait pour elle, c’était indéniable, sans quoi il l’aurait abandonné dans les catacombes sans s’interposer face à un aîné. Sans quoi il n’aurait guère prêté une pensée à la jeune fleur de trottoir lors des événements de la place des pendus, à aller rencontrer de front la Fange sans avoir échangé une dernière plaisanterie avec elle.

Peut-être qu’elle était vraiment son amie la plus précieuse, maintenant qu’il essayait de faire une liste de ceux qui pouvaient se targuer d’être dans le cercle de confiance de l’ascète. Ils se comptaient sur les doigts d’une main mutilée, et c’était généreux ! Dans sa rigide doctrine et son aveugle dévouement pour son sacerdoce, il se rendait compte qu’il manquait cruellement d’alliés, d’épaules sur lesquelles se reposer ou d’oreilles à l’écoute. Qui écouterait les confessions et les doutes du prêtre si ce n’est lui-même, les gardant en son fort intérieur comme on ravalerait une bile amère. Ombeline n’avait pas hésité à accepter de l’aider dans cette mission, n’était-ce pas une preuve qu’elle était justement cette aide providentielle qu’il souhaitait si secrètement sans se l’avouer ? Dans sa quête têtue d’essayer de sauver l’âme de la malicieuse brune, il avait l’impression de guérir aussi, comme s’il empruntait un chemin paisible et parfumé de roses. C’était étrange, cette sensation. Très apaisante et agréable.

Il ne s’attarda pas d’avantage à ses réflexions lorsque la courtisane entreprit de répondre à ses questionnements avec maints détails. Sa collaboration était très appréciée, vu qu’elle révélait des informations qu’il ne pensait pas avoir sur les amies d’Ombeline, se doutant qu’elle essaye de les couvrir. Chose qu’elle entreprit immédiatement de démentir en saisissant le bras du pratiquant pour le convaincre qu’aucune des filles ne pouvait clairement être suspectée de pratiques suspectes.

« Hm. »

Pouvait-il clairement avouer ses doutes à Ombeline ? Il y avait des rumeurs et des craintes qui gangrenaient même le saint Temple. Des informations qu’il ne serait pas discret de divulguer à une oreille étrangère. Ses yeux se portèrent vers les douces mains de la prostituée qui recouvraient la sienne. À plusieurs reprises, il l’avait vu comme une sorte d’épave, un récif sur lequel les marins imprudents s’écrasaient pour rencontrer l’étreinte glacée des profondeurs. Mais là, en ce moment précis, il se sentait plutôt être le naufragé qui cherchait l’ilot qui le sauverait de la longue et agonisante noyade.

« Je ne sais pas, Ombeline, je ne sais plus quoi croire. Même ceux qui me semblaient être intouchables par la corruption des vices m’ont prouvé le contraire. Des rumeurs circulent, le doute gagne le cœur de tous mes confrères au Temple. On ne sait plus qui croire et qui suspecter. Avec le coup d’intrigue des Purificateurs, on a compris que nos ennemis venaient de l’intérieur, de l’humanité même. Ils pouvaient être n’importe où, tous les visages deviennent de potentiels suspects, de probables assassins, comploteurs, manipulateurs. J’ai l’impression … » déglutissant bruyamment, Cesare porta une main contre son torse pour serrer le tissu délavé qui constituait son petit costume. « … que je n’arrive plus à accorder ma confiance comme par le passé. Cette mission me rend malade, à me rappeler que même avec la menace des fangeux, on ne peut compter sur les nôtres. Peut-être qu’ils ont raison, peut-être que nous avons réellement dégouté nos dieux. »

Secouant brusquement sa tête, il s’excusa dans un balbutiement sans grande conviction, agitant nonchalamment une main devant lui pour chasser les inepties qui avaient quitté ses lèvres.

« Je tergiverse. »

Soudain, sa complice lui fit signe de se taire. Pourtant il n’avait rien entendu. L’ouïe de la belle brune était plus fine qu’il ne l’aurait imaginé, comme quoi la comparer à un renard aux aguets n’était pas aussi ridicule et moqueur. Intrigué, il attendit, les nerfs à vif. Un intrus viendrait-il quérir les services d’Ombeline à un moment pareil ? Comment allait se défendre la propriétaire de cette modeste chambre ? Cacherait-elle une dague comme une seconde protection ? Cesare se sentait stupide de ne pas avoir apporté son propre poignard pour garantir sa sécurité lors d’une tâche aussi dangereuse. Son inexpérience, à nouveau, lui faisait défaut dans les moments les plus critiques.

Puis elle commença son petit manège et, comme n’importe qui pouvait s’y attendre, le prêtre devint cramoisi. Le regard écarquillé et les lèvres tremblotantes, il s’était presque recroquevillé sur le lit de la courtisane. Mille mots essayaient de percer une brèche dans le mur de silence qui tentait désespérément d’empêcher l’ascète de gronder Ombeline pour l’obscénité des sons qu’elle produisait devant lui. Par tous les Trois et leurs saints serviteurs, ce chant était aussi déstabilisant qu’une claque qu’on lui aurait administré, lui dont les oreilles de puritain n’écoutaient que la mélodie des chants religieux et le monotone orchestre des activités du Temple. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il avait sentit autre chose, un sentiment indescriptible mais assez gênant pour le rendre mal. Quelque chose d’impur et vicieux ne se montrait pas très indifférent de ce manège, ce qui inquiéta le clerc qui quitta la couche pour faire face à un des murs adjacents à la porte, cancre se punissant lui-même dans son coin. La vue de la petite fenêtre l’aiderait peut-être à défenestrer son trouble. Quand, enfin, le cirque prit fin et que la voix de la belle-de-nuit brisa le silence, il marmonna :

« Pas de temps à perdre, allons voir l’autre chambre de ton amie. »

Spoiler:

Rien n’avait attiré l’attention du prêtre hors des murs de la Balsamine. Rien de suspect, tout du moins. Sifflant entre ses lèvres plissées, il se retourna pour rejoindre Ombeline.

« Et si vous possédiez un entrepôt ? Quelque part où vous gardez vos provisions. Je serais curieux d’inspecter les lieux aussi. Ce serait une cachette idéale pour camoufler quelques ingrédients peu recommandables. »

Glissant sa main droite le long de son menton, il ajouta sur un ton plus pensif tout en grattant à la porte pour indiquer qu’il souhaitait rapidement se diriger vers leur second point d’enquête :

« À moins que la Balsamine ne soit qu’un point de passage. Je ne connais pas trop votre quotidien, mais je suppose que votre dame vous envoie chez certains privilégiés ? Y a-t-il des nobles qui ont récemment quémandé vos services durant les deux dernières semaines ? »
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptySam 3 Oct 2020 - 16:30
Amusée par la réaction du prêtre, la jeune femme ne chercha pas plus à la tourmenter. Elle se doutait bien qu'il n'avait pas apprécié sa petite improvisation, quand bien même elle était nécessaire pour leur permettre de poursuivre l'enquête tranquillement. Elle le faisait d'ailleurs autant pour lui que pour elle : si d'habitude elle n'avait aucune honte face à ses clients, elle se sentait malgré tout coupable d'imposer cela à Cesare. La donzelle était loin de correspondre à l'image d'une femme correcte, mais elle n'oubliait pas que face à un prêtre il était préférable d'avoir un peu de décence. Ou du moins, face à ce prêtre.

La remarque à propos d'un stockage un peu à part la fit réfléchir. Elle ne pouvait pas nier que si l'une de ses amies était véritablement impliquée dans cette sombre affaire, l'endroit parfait pour cacher ses potions serait la réserve près de la cuisine. De nombreux tonnelets, boîtes et caisses s'y entassait, dont certains étaient vides et à l'abandon dans le fond de la pièce depuis que la ville vivait dans le dénuement. Faute de pouvoir remplir le garde-manger, on avait au moins conservé les cageots de transport dans l'espoir de pouvoir les remplir de nouveau un jour. Un endroit parfait pour y glisser herbes, charmes et sortilèges sans que personne n'ait l'idée d'y fouiller.
Détournée de ses pensées par une nouvelle hypothèse, Ombeline y prêta peu d'attention. Quelque chose dans l'idée du garde-manger comme cachette lui titillait l'esprit mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.

Lancés de dés:

Incapable de mettre des mots sur son trouble, elle chassa cette pensée de sa tête. La méfiance de Cesare devait déteindre sur elle si elle se mettait à avoir des doutes sur ses compagnes de misère ! Ouvrant doucement la porte, elle répondit à voix basse et rapidement à la dernière question du prêtre :

Peu de nobles descendent ici et depuis l'invasion c'est encore plus vrai. Ils ne prennent pas le risque de s'aventurer hors des murs de l'Esplanade. La seule personne d'influence qui vient est un sergent qui fait une cour assidue à Clothilde. Il est venu presque tous les jours depuis un mois. Il serait de la milice affectée à l'Esplanade, justement.

Par réflexe, elle prit la main de Cesare et le tira à sa suite en veillant à rester le plus proche du mur possible et ne pas se faire remarquer. En trois grandes enjambées ils furent devant la porte de la chambre de Manon. Puisqu'elle espionnait aux serrures, elle serait la première à être fouillée ! Vilaine curieuse.
La belle-de-nuit entra sans hésiter en entraînant le prêtre avec elle et referma en silence. Elle aurait beau dire que l'espionnage n'était pas sa tasse de thé, elle démontrait tout de même quelques aptitudes naturelles à la filouterie et la discrétion.
La pièce était de la même taille que celle d'Ombeline, mais on devinait clairement que la résidente n'était pas là depuis aussi longtemps : la décoration était plus que sommaire, un tapis fatigué au sol et un petit rideau à la fenêtre mais pas de bibelots ou de mobile accroché au plafond. En revanche, la blondinette avait une jolie collection de parfums et d'huiles parfumées, ainsi que du maquillage sur la petite table qui lui servait de coiffeuse.

Même si elle a tout perdu, Manon a réussi à garder pas mal de ses affaires en arrivant ici. Elle a plusieurs robes et même quelques bijoux. Tu vas sans doute devoir fouiller un peu plus, mais fais attention à tout remettre exactement à sa place sinon elle le remarquera, conseilla Ombeline en s'approchant de la fenêtre.

En jetant un œil dehors, elle remarqua alors que s'il était impossible d'arriver dans sa propre chambre par la petite fenêtre donnant sur la cour, il était tout à fait faisable d'entrer ici en passant par le toit. Il fallait être un peu acrobate bien sûr, mais le toit du bâtiment d'à côté était parfaitement à la hauteur de la fenêtre et même l'aveugle aurait pu se risquer à poser un pied dehors par cette voie.

Cesare ? Est-ce que tu crois que quelqu'un aurait pu entrer par ici pendant que Manon était en bas ou endormie ? On ne peut pas verrouiller nos fenêtres, elles doivent bien pouvoir s'ouvrir depuis l'extérieur... J'imagine qu'un tire-laine au pied léger pourrait très bien aller de toit en toit jusqu'à arriver ici. Ou une sorcière aidée de quelques sortilèges pour s'élever dans les airs.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptySam 10 Oct 2020 - 22:22
Avait-elle seulement réagi aux craintes exprimées par son inquiétude le rongeant comme une gangrène ? Non, ou du moins n’avait-elle prêté qu’une oreille distraite, occupée à suivre les pas de la dénommée Manon. Son cœur s’était légèrement sentit pincé malgré lui, comme s’il avait tendu une main dans le vide. Amer, il secoua légèrement des épaules. Après tout, il était habitué à ruminer ses pensées pour lui-même, quand bien même le goût de ces dernières était amer.

« Un sergent serait donc un régulier ? S’il n’a pas de sang noble, je doute qu’il soit versé dans l’art de l’érudition. Connaissant le rythme effréné de leurs fonctions, les miliciens hauts-gradés sont d’improbables candidats sur notre liste de chasse. »

Cette sorcière était plus élusive qu’il ne l’aurait pensé, camouflant ses traces avec l’experte perfidie qu’on attribuait à son espèce. Dans un monde où ces servantes du mal étaient traquées comme la vermine, elles ne pouvaient exercer leurs arts interdits que sous la discrétion la plus totale, chose qui n’était pas à la portée de tous. Les supérieurs du prêtre lui avaient raconté que certains groupes d’ensorceleuses formaient une sorte de sororité nommée sabbat et organisaient des recrutements ciblant les proies les plus prometteuses, d’habitude des femmes solitaires au cœur noirci par la rancœur, la haine ou la tentation. Souvent jeunes, l’âge où elles sont les plus aisément influençables et tentées par l’inconnu. Une fille de joie était donc une possibilité plus logique qu’un sergent, dans ce contexte.

L’improbable duo pénétra assez rapidement la nouvelle scène d’enquête, une chambre relativement semblable à la précédente, mais dont le parfum était bien plus ponctué. Le prêtre ne pouvait se targuer d’avoir l’odorat aussi affiné que celui de sa complice, mais il pouvait aisément reconnaître les bonnes odeurs vu le vaste panel de fidèles de toutes odeurs qui venaient se confesser au Temple en sa présence. Du doux parfum de pain chaud aux relents âcres de l’humble poissonnier, Cesare avait toujours droit à un copieux mélange de démonstrations olfactives. Les parfums détenus par Manon ne pouvaient qu’attiser en lui un sentiment de bien-être étrange, un peu comme un désir de voleter autour de la source de cette odeur comme un petit nuage de gaieté.

Effleurant du bout des doigts les nombreux flacons, il murmura pour lui-même :

« Peut-on camoufler réellement les exhalaisons du péché ? »

C’était une juste question dans l’esprit d’un zélé adorateur de la Trinité. Si certains se soucient du prix du pain ou de la possibilité de faire une bonne prise en mer pour se survivre un jour de plus et que d’autres hésitent quant à la manière dont ils assassineront leurs détestables rivaux, un prêtre comme notre triste héros avait toujours une périphérie de pensées orientées vers sa Ô combien importante et sacrée profession. Le sacerdoce de Cesare était aussi admirable que la volonté du Roi de sauver Marbrume (si tel était réellement son désir, enfermé qu’il était dans les mystères de sa forteresse intouchable).

Spoiler:

Qu’était-ce donc que cela ? Oui, quelque chose avait soudain saisi le regard intrigué de l’investigateur clérical. Il s’accroupit et passa ses mains contre le plancher, frottant lentement la pulpe de ses doigts contre la surface. La couleur était sombre si ce n’est quelques fines marques à peine perceptibles, légèrement plus claires que le reste. Ces marques formaient une sorte d’arc de cercle qui se terminait aux pieds de l’étagère à parfums, ce qui laissa Cesare imaginer que ce meuble avait été déplacé à un angle précis à plusieurs reprises pour laisser de telles traces. Se relevant avec une lenteur presque cérémoniale, il passa ses deux mains de chaque côté de l’étagère avant de tirer dessus en essayant de ne pas provoquer de grincement susceptible de rappeler au galop la propriétaire des lieux.

Une bourse tomba, délivrée de la pression qui la gardait clouée contre le mur. Cousue dans du cuir de chèvre à en juger par la fourrure caractéristique, il ne retrouva aucun sigle ou autre sceau cabalistique qui pourrait trahir une présence maléfique, aussi dénoua t’il la bourse pour en révéler le contenu. Une toute petite fiole, de la taille d’un auriculaire, tomba silencieusement sur la paume gauche de Cesare qui l’exposa à la lumière provenant de la fenêtre, de plus en plus intrigué.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? On dirait un de ces parfums si chers qui faisaient fureur chez la noblesse. J’avais entendu dire que des marchands venus de lointains pays vendaient des essences dans de minuscules flacons, mais dont la fragrance pouvait enchanter corps et esprit. »

Autrement dit, tout ce qui rendait l’ascète mal à l’aise, lui qui associait si facilement ce genre de produits à une perfide alchimie. Si c’était bien un de ces fameux parfums venus d’au-delà du royaume, ce n’était guère étonnant qu’il soit si précieusement caché aux regards avides de tout client qui serait assez téméraire pour tenter de dépouiller la chambre de son amante provisoire. Mais la question était de savoir comment une simple courtisane s’était procurée un si précieux trésor. Cette pensée l'empêcha de se focaliser sur la remarque pourtant pertinente d'Ombeline concernant la fenêtre.

« Tu penses qu’un de vos … clients serait assez éprit par ton amie pour lui offrir un présent de cette valeur ? » persifla le clerc, regagnant son amère criticisme envers tout ce qu’il méprisait comme luxure et cupidité. Ceci dit, il était particulièrement curieux de savoir ce que pouvait cacher ce flacon comme pouvoir. Une essence divine, disait une de ses consœurs. Quel secret cachait cette merveille d’outre-mer ? Incapable de résister à la tentation de découvrir ce qui pouvait pousser les riches de ce monde à dépenser une fortune pour une si petite chose, le pratiquant retira (avec difficulté) le bouton métallique qui servait de bouchon, avant de porter la fiole vers ses narines. « Doux Dieux ! »

Qualifier l’étrange effluve qu’il inspira de puissante serait un euphémisme. En vérité, c’était loin d’être un parfum de luxe tant son odorat était complètement bousculé par le torrent de sensations qui traversaient désormais son nez jusqu’à sa tête, faisant larmoyer celui qu’on croyait incapable de pleurer à cause de son cœur de glace. Cesare toussa et referma maladroitement le flacon avant de le reposer précipitamment sur l’étagère, manquant de peu de faire tomber les autres trophées du meuble.

« C’est fort … je n’ai jamais senti une chose pareille, je n’arrive même pas à la décrire. »

Et elle continuait à grignoter l’intérieur de son crâne. L’étrange sensation s’amplifiait tandis que le prêtre se sentait de plus en plus bizarre, comme si son corps perdait peu à peu de sa consistance. Il devenait léger, non il commençait à devenir nuage, un corps de coton flottant par la seule force de sa volonté. Pourtant, ses doigts étaient électrifiés par des milliers de picotements qui se propageaient tout au long de ses bras. Des formes étranges, aux couleurs imperceptibles, commencèrent à parasiter la vision du prêtre qui tenta de les chasser avec de lents mouvements de bras devant son visage. Cligner des yeux ne servait à rien et le décor autour de lui commençait à changer drastiquement, tanguant de gauche à droite comme au sen d’un navire secoué par la fureur des océans.

« Que … qu’est … »

Ne reconnaissant plus que vaguement la chambre, Cesare tenta de réfléchir, mais c’était comme si ses pensées étaient un troupeau de brebis espiègles qui, à chaque fois qu’il s’approchait, fuyaient plus loin en ricanant comme des pucelles. Qu’est-ce qu’il faisait déjà, ici ? Et pourquoi cette chambre semblait si riche en couleurs ? Faisant un pas en arrière, l’agent du Clergé perdit l’équilibre précaire sur lequel il était appuyé et tomba sur sa croupe comme un ivrogne. Plutôt qu’un grognement de douleur, c’était un petit rire bête qui s’échappa de sa bouche, un sourire béat étirant son visage étrangement rêveur.

« Qui m’a fait un croche-pied ? Ombeline, vilaine fouine ! »
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyMar 20 Oct 2020 - 2:38
N'obtenant pas de réponse, la jeune femme se retourna pour insister sur ce point qui lui semblait être une piste solide, mais elle suspendit sa question en devinant Cesare aux prises avec un meuble près du mur. Curieuse, elle l'observa en déduisant des mouvements sous ses yeux et du bruit qu'il déplaçait ledit meuble pour une raison qui lui échappait. Peut-être son flair de prêtre chasseur de sorcière s'était-il réveillé et avait flairé quelque chose derrière la grosse armoire ?
Ombeline était prête à se fendre d'une petite remarque moqueuse, sûre qu'il n'y avait rien à voir derrière le meuble qu'un mur vide, cependant elle fut bien forcée de reconnaître que Cesare avait eu une bonne intuition lorsque le bruit mat d'un objet mou tombant au sol lui parvint. Prenant son mal en patience, elle laissa l'enquêteur en herbe fouiller l'objet qui devait être un morceau de tissu replié ou une petite poche puisqu'il en tira un petit trésor secret. Malheureusement, c'était si petit que même en le voyant tendre le bras pour exposer la trouvaille à la lumière, Ombeline était incapable de voir que le prêtre tenait quelque chose entre les doigts. Elle fut donc silencieusement reconnaissante qu'il lui décrive succinctement sa découverte.

— Tu penses qu’un de vos … clients serait assez épris par ton amie pour lui offrir un présent de cette valeur ?

Non, on n'a pas tant de nobles qui descendent par ici et depuis le Fléau, on s'estime déjà heureuse d'être payées avec de la monnaie sonnante et trébuchante. Alors des cadeaux de luxe...

Encore une fois, Ombeline pensa à Irène. La jeune comtesse ne lui avait jamais offert de robes ou de bijoux - elle les aurait de toute façon refusées - mais elle l'avait déjà accueilli plusieurs fois chez elle, l'avait invitée à partager des repas comme la jeune femme n'en avait jamais goûté et lui avait prêté plusieurs fois des vêtements d'intérieur qui valait plus qu'une nuit de plaisir. Ne s'agissait-il pas de cadeaux de luxe en quelque sorte ? La brunette n'en n'avait jamais parlé à aucune des filles et encore moins à sa patronne, sa relation avec Irène étant un secret farouchement gardé. Elle chassa donc ce souvenir de sa mémoire pour qu'il ne vienne pas parasiter son raisonnement et revint à la situation présente.

Manon n'est pas toujours très claire là-dessus, mais avant la Fange elle ne manquait vraiment de rien. Son père était dans le commerce maritime et avait un bon train de vie à ce qu'on raconte. Peut-être qu'elle tient le flacon de cette époque ? C'est assez petit pour qu'elle ait pu le cacher et le garder avec elle tout ce temps, suggéra la fleur de trottoir en haussant légèrement les épaules.

Elle ne manquait rien de l'odeur forte qui se dégageait de la petite bouteille pourtant fermée et ne voulait pas s'en approcher plus. S'il s'agissait d'une fragrance exotique, ce n'était pas à son goût. Ayant le nez fin, elle n'aimait que les parfums naturels et légers, ceux qui ne se remarquent qu'en se penchant dans le creux du cou et qui restent sur la peau. Cette odeur-là était si puissante qu'elle lui donnait même le tournis.
Le petit "pop" du bouchon l'avertit que son compagnon d'aventure était bien plus ouvert d'esprit à ce sujet et elle n'eut pas le temps de dire "Tu ne devrais pas" qu'il s'exclamait déjà en réalisant la puissance du parfum. Bien fait pour lui, ça lui apprendrait !

— C’est fort … je n’ai jamais senti une chose pareille, je n’arrive même pas à la décrire.

Tu l'as bien cherché. Voilà ce que l'on gagne à se distraire avec les affaires d'une femme pendant une enquête, le gronda-t-elle en le dépassant pour essayer, à tâtons, de retrouver la petite fiole pour la ranger.

Si l'objet était caché alors Manon remarquerait tout de suite qu'il avait été déplacé. Mieux valait au moins le remettre dans la bourse et pousser le tout sous l'armoire. La propriétaire du parfum penserait sans doute qu'elle avait mal remis l'armoire et que la bourse avait glissé, sans plus. Ombeline se demanda tout de même de quoi était composé ce parfum car les restes d'effluves contenus dans le flacon refermé lui parvinrent dans une bouffée involontaire lorsqu'elle referma la bourse et son tournis empira immédiatement. D'un geste rapide elle jeta la bourse sous le meuble.

Le fracas d'un prêtre se retrouvant au sol les quatre fers en l'air la fit sursauter et il lui fallut un petit instant après s'être retournée pour deviner que Cesare était bel et bien tombé au sol sans raison. Rendue perplexe par le gloussement parfaitement inédit du prêtre, Ombeline s'approcha avec précautions et posa un genou à terre pour lui prendre le visage dans les mains. D'accord l'odeur était puissante, mais tout de même pas au point d'en tomber au sol.

Hé, si c'est une blague elle n'a rien d'amusant. Bien sûr que ce n'était pas moi, j'étais en train de ranger le bazar que tu as mis.

À sa grande stupéfaction, elle put sentir l'ascète dodeliner de la tête comme s'il avait du mal à la garder droite et ses joues semblaient un peu plus chaudes, deux symptômes qui suivaient souvent une forte consommation d'alcool ou une très forte fièvre. Sauf qu'à sa connaissance, il n'avait bu que deux ou trois gorgées de bière un peu plus tôt et qu'il était parfaitement sain. Ce n'était quand même pas suffisant pour rendre ivre un homme de sa taille, si ?

Aller mon Père, on se remet sur pied. Hé ho Cesare, tu m'entends ? Aller, fais un effort, grogna-t-elle tandis qu'elle le tirait à deux mains pour qu'il se redresse tout en luttant contre son propre tournis qui lui donnait l'impression de marcher sur un plancher incliné. Mais qu'est-ce qui te prends à la fin ?

Le prêtre riait tout seul et tanguait comme s'il se trouvait en pleine tempête, cognant tantôt une chaise, tantôt un lit. Autant dire que sans le brouhaha de l'étage d'en-dessous, ils auraient été repérés depuis longtemps. Parfaitement prise au dépourvu tant par l'étrange comportement de son partenaire que par son propre esprit qui semblait toujours troublé par les vapeurs de parfum, Ombeline tenta d'organiser sa pensée pour parer au plus urgent.

Lancer de dé:

Avant tout il fallait sortir d'ici pour ne pas se faire prendre. Aux fangeux l'enquête, elle devait sauver sa peau et celle du prêtre en premier, et puisque ce dernier semblait soudainement prit de folie douce, elle allait limiter les dégâts en le ramenant dans sa chambre. Qu'il se cogne donc dans les meubles là où personne ne trouverait ça étrange ! Saisissant Cesare par les poignets, la jeune femme le tira vers la sortie en l'encourageant avec un sourire.

Je crois que tu as besoin d'une petite pause, hein ? Aller viens, il n'y a plus rien à voir ici. Les parfums, ça te tourne la tête mon pauvre petit poussin.

Ombeline maudit sa mauvaise vue de ne pouvoir déduire plus facilement ce qui arrivait à son compagnon, mais elle parvint sans trop de difficultés à le faire réintégrer sa chambre sans s'étaler dans le couloir. Guider les hommes en perte d'équilibre et de repères, elle savait faire même avec son handicap. Et pour une raison inconnue, que ce soit la bière ou le parfum mystérieux, Cesare avait tout du client méchamment éméché. Conclusion que la jeune femme se fit un devoir de vérifier en poussant le prêtre d'une brève impulsion contre le torse pour qu'il aille s'écraser sans délicatesse contre le matelas de son lit. Il grommela quelque chose d'incompréhensible et se retourna en faisant un grand geste avec le bras mais ne parvint pas à se remettre debout. Théorie confirmée, il était ivre ! Ou du moins il agissait comme tel. Et cela la fit pouffer de rire sans qu'elle sache bien pourquoi.

Très bien, ça suffit Cesare, le gourmanda-t-elle en croisant les bras, mais un sourire en coin sur les lèvres. Personne ne peut être rond comme une queue de pelle après seulement deux gorgées de bière. Et encore moins en humant du parfum ! Je ne sais pas à quel jeu tu joues, mais je sais comment te faire cesser la comédie alors n'espère pas pouvoir te jouer de moi longtemps.

Les paroles incohérentes du prêtre, ses gestes maladroits et son tournis qui ressemblait, sans qu'elle ne fasse le lien, aux premiers effets de l'ébriété la firent glousser de nouveau. La situation n'avait rien de drole pourtant, elle s'en rendait bien compte, mais c'était comme plus fort qu'elle.
Soudainement décidée à gagner cette partie où le but était de prendre l'autre de court - du moins c'était là son interprétation des règles - la jeune femme quitta la porte contre laquelle elle s'était adossée en entrant et se hissa sur le lit à son tour, enjambant Cesare pour s'asseoir à califourchon sur ses jambes.

Combien de temps tu penses pouvoir simuler l'ivresse si je m'y mets moi aussi, hm ? Tu sais que je gagnes toujours à ce jeu-là.

Un sourire malicieux lui étirait les lèvres et lui plissait le coin des yeux tandis qu'elle enlaçait sans hésitation le prêtre.
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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyMar 20 Oct 2020 - 22:15
Jamais on n'avait vu Cesare ivre. Jamais ! Depuis son plus jeune âge, son sévère mais juste mentor, le défunt Père Cuthbert connu pour sa rigueur dogmatique, l’avait éduqué à voir l’alcool comme un des vices conçus par l’humanité même dans leur propre quête de perdition. Une eau croupie qui altère les esprits et affaiblit le corps, donnant une fausse sensation d’euphorie sensée être un indigne substitut au réconfort de la religion. Le petit avait alors, par le passé, déjà eu droit à quelques gorgées de bière légère de la part de ses parents paysans à l’époque où il aidait encore à nourrir le bétail et moissonner. Avec Cuthbert, l’eau était devenue sa boisson de prédilection, tout banalement, même s’il se permettait de temps à autre le petit plaisir d’une lampée après une journée particulièrement éprouvante, encore plus rarement s’il s’agissait de vin dont il ne se permettait qu’une minuscule dégustation lors d’événements particuliers. Autant dire que si le pratiquant pouvait se voir en cette situation, il s’en flagellerait de honte.

Ceci dit, ce n’était clairement pas l’œuvre perfide de l’alcool, il ne s’était accordé que de petites gorgées avant de grimper à ce maudit étage. Le peu de raison qui s’accrochait encore désespérément à la psyché du chasseur de sorcières en herbe devinait que c’était l’artifice de ce flacon étrange. À cette époque de Marbrume, on n’avait pas encore de notions sur les substances qui parviennent à créer des illusions au réalisme prenant dans l’esprit, tout au plus les herboristes et autres érudits aux connaissances questionnables mentionneront quelques champignons ou herbes peu communes dans ces régions marécageuses pouvant faire rêver un homme éveillé. Ainsi donc, Cesare ne saurait jamais qu’il s’agit d’un hallucinogène d’une puissance redoutable, tout au plus fera t’il comme toute décente personne de cette ère et décrira ce bijou d’alchimie venue d’ailleurs comme de la sorcellerie pure et simple, un fruit des artifices odieux d’une personne peu scrupuleuse. Seul un alchimiste s’étant plongé dans les arts développés par ses lointains compères d’au-delà les mers pourrait être à même de deviner le contenu de la fiole … ou un autre genre moins recommandable de connaisseurs.

Les hallucinations continuaient donc de s’enchaîner dans la tête du père spirituel, cette simple inhalation trahissant la forte efficacité du parfum de Manon. L’homme essayait de saisir entre ses mains des formes étranges qui flottaient paisiblement devant lui, mais ses doigts ne rencontraient que l’air moqueur. Cligner des yeux à plusieurs reprises ne chassait aucunement ces manifestations qui, au contraire, se multipliaient jusqu’à recouvrir son champ de vision et lui donner la nausée. Son corps même ne lui appartenait plus tant il se sentait pâteux et léger, tenant difficilement l’équilibre à mesure que les effluves persistaient dans ses narines, lui rappelant encore et encore le début de son voyage aux portes de la démence.

Appuyé sur une Ombeline des plus serviables, le prêtre ne se rendait pas compte du nombre de fois où il avait percuté ses pieds baladeurs contre un meuble quelconque, gloussant intelligiblement entre ses lèvres plissées en un sourire narquois. Pourquoi le couloir semblait tanguer comme dans un navire ? Et par les Trois, que quelqu’un chasse ces petits êtres qui s’empressaient autour de ses jambes ! Cherchant son équilibre, il dressa sa main droite à mesure qu’il marchait devant lui, comme pour congédier les manifestations surnaturelles qui s’opposaient à sa route.

« Arrière, démons ! »

Il chassa d’un geste rageur un essaim de couleurs qui s’étaient installés dans son champ de vision et glissa, manquant de peu de tester le confort du sol avec son faciès rougi si ce n’était l’appui providentiel de la jeune demoiselle qui le tenait vaillamment. La main qui tenta de chercher un appui rencontra alors un lieu qu’elle n’aurait jamais approché si son propriétaire avait tout contrôle sur ses capacités cérébrales, quelque chose que l’ascète qualifierait d’extrêmement indécent. Pour faire simple, ses doigts s’étaient malencontreusement et par un coquin hasard refermées sur le buste de sa complice, plus précisément sur un de ses seins. En temps normal, pareil accident ne durerait qu’une infime seconde où le brun implorerait avec gêne et honte le pardon de la prostituée et celui de ses divins protecteurs, mais il n’en fit rien. Pire encore, le contact se prolongea l’espace de longues et honteuses secondes où le visage du pratiquant avait pris un sérieux inquiétant. S’arrêtant brusquement, il murmura alors avec tout le sérieux du monde : « C’est toi, maman ? »

Inutile de chercher trop loin le sens d’une phrase née des pensées incohérentes d’un homme drogué, ce n’était pas l’expression d’un subconscient peu vertueux ou un souvenir refloué, seulement les tergiversations de notre malheureux clerc qui se laissa effondrer sur la couche d’Ombeline comme un vieux tapi ayant perdu toute sa souplesse. Le rigoureux croyant devait se ressaisir, une petite voix au fond de lui le sommait de lutter contre cette marée montante d’émotions contradictoires et d’illusions de plus en plus dérangeantes. Ce maléfice ne saurait venir à bout de celui qui se proclamait comme le fidèle servant de la Trinité, un parangon de la Foi et de la vertu ! De plus, la présence de la fleur de trottoirs à son immédiate proximité sonnait une alerte naturelle au fond de lui, un peu comme un chien instinctif qui aboierait pour réveiller son maître avant que la menace ne toque à sa porte. C’est qu’il ne se rendait pas compte que la capricieuse renarde était en train de jouer à un coquin jeu en grimpant sur lui, pauvre victime privée de ses forces.

Concentration. Chasser le doute, la confusion, les murmures. Ne se focaliser que sur une chose, se débarrasser de cette sensation intrusive qui prenait le contrôle de son corps. L’agent du Clergé inspirait plus bruyamment et frénétiquement, cherchant avidement l’air qui lui permettrait d’évacuer ce qu’il interprétait comme “un mauvais vent” qui le possédait. Ses pupilles palpitaient, fixées directement sur une Ombeline juchée à califourchon sur lui sans vraiment la voir. Ou plutôt, il avait l’impression de voir autre chose de plus … impressionnant. N’en croyant pas ses yeux, il secoua à plusieurs reprises sa tête de gauche à droite, mais à chaque fois que son regard rencontrait celui de la marchande d’amour il voyait les traits féminins qui l’avaient fasciné, ceux des statues de marbre représentant la grande déesse-sirène, l’ultime matriarche, celle dont la sculpture au sein du Grand Temple était si réaliste qu’on croyait voir la pierre se mouvoir sous la respiration de la divine entité. Anür le visitait enfin, lui l’indigne esclave de Sa volonté, pitoyable manant passant son existence à glorifier Son nom et à implorer Sa clémence. Ému, des larmes commencèrent à faire briller l’ambre de ses prunelles sans qu’elles ne parviennent à transpercer la herse de ses cils bien tenaces.

« Anür, je Vous appartiens. Acceptez mon indigne âme dans Votre lumière, je Vous en conjure, Ô suprême déesse. »

Il délirait ! Il fallait qu’il se débarrasse de cet état de torpeur euphorique avant qu’il ne commette un acte que son âme de fidèle religieux ne pourrait jamais se pardonner. Les Dieux le mettaient à l’épreuve et il devait, une fois encore, puiser dans ses ressources de piété et de volonté pour vaincre les forces de la tentation qui avaient fait de lui leur proie de prédilection. Après tout, les plus vertueux sont ceux qui souffrent le plus des murmures pervers des démons.

Spoiler:

Dans un grognement de dernière volonté, il s’administra des claques sonores, flagellant son visage avec la paume de ses mains pour en chasser l’esprit qui le possédait. La douleur semblait faire peu à peu son effet tandis que sa vision s’éclairait et qu’il reprenait légèrement conscience de son entourage. Une idée lui traversa l’esprit, certes peu élégante et clairement médiocre, mais avait-il réellement l’embarras du choix ? Glissant index et majeur entre ses dents, il appuya sur sa langue pour simuler l’envie pressante de vider sa panse. Si cette pratique était assez efficace pour recracher les substances nocives qu’un malheureux pouvait avoir ingurgité, il doutait de son efficacité face à ce vil arome, mais peut-être que cela éclaircirait un peu son esprit ? Ceci dit, il n’eut guère à forcer d’avantage, se rendant compte que les battements de son cœur s’apaisaient d’eux même au même rythme que sa respiration frénétique. Les effets du maléfice s’estompaient enfin, un miracle vu l’endurance du prêtre qui avait tout à envier aux éphèbes et autres champions de joutes. Anür avait surement eut pitié de lui et l’avait délivré de cette mystification, c’était la seule réponse logique pour lui.
Or, en parlant d’Anür, il se rendit compte que la déesse avait cédé la place à une courtisane particulièrement attachante et joueuse. Confus au début, son instinct d’indomptable puritain refit brutalement surface lorsqu’il s’exclama sur un ton scandalisé : « Doux Dieux ! Du vent, pie-grièche ! »

Se faisant un devoir de la pousser sur le côté, il n’y parvint cependant pas, constatant qu’il était toujours affaibli par son expérience surnaturelle. Une sensation de fatigue continuait à marteler sa tête inhabituée à de telles expériences psychiques.

« Que Rikni foudroie le damné qui a conçu cette sorcellerie. Ce que j’ai vu est l’œuvre d’un serviteur des démons ! J’avais l’impression de devenir fou, fou ! »

Claquant des dents, il couvrit ses yeux avec ses mains moites de sueur, éprouvé par ce bref mais intense combat mental entre sa volonté et la drogue olfactive. Maintenant il comprenait pourquoi la chasse aux forces du mal était une entreprise aussi périlleuse que la vie d’un mercenaire. Les pièges étaient partout, attendant patiemment de saisir la vie de l’infortunée victime. Pareils artifices alimentaient d’avantage l’imagination superstitieuse de l’ascète qui maugréa alors :

« Cette fille … Manon. Je dois savoir si c’est elle qui a ensorcelé l’héritier du chatelain avec son … sa … cette potion. »


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OmbelineProstituée
Ombeline



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptySam 24 Oct 2020 - 1:39
Elle s'était attendu à tout, même l'esprit embrouillé par les vapeurs de cette potion étrange, mais s'entendre appeler Anür... Une grimace se peignit sur son visage et instinctivement, elle s'écarta un tantinet. Il faisait fort, vraiment très fort, elle devait le reconnaître. Et s'il cherchait comment la rebuter, il pouvait se vanter d'avoir trouvé un moyen plutôt efficace. Se faire peloter le sein, passait encore, mais se faire appeler du nom de la déesse de l'océan, c'était un peu trop étrange pour elle venant de la part d'un prêtre.

Euh... Disons que tu as gagné pour cette fois, d'accord ? Maintenant arrête s'il te plaît, demanda-t-elle en lui lâchant le cou mais sans se lever.

La tête lui tournait toujours et depuis qu'elle s'était installée, ses jambes lui semblaient lourdes.
Percevant les gesticulations de Cesare sans comprendre ce qu'il cherchait à faire - sauf pour les claques évidemment, puisqu'elle pouvait les entendre distinctement - Ombeline demeura coite et partagée entre inquiétude et perplexité. Était-il vraiment devenu fou ? Et reviendrait-il à ses sens un jour ou fallait-il s'attendre à ce qu'il finisse ses jours dans une cellule du temple à maugréer et rire sans raison ? Devait-elle donner l'alerte maintenant ? Non, surtout pas ! Si on retrouvait un prêtre fou dans sa chambre alors qu'il était précisément en train d'enquêter sur une sorcière, elle serait accusée sans hésitation. Et puis elle ne pouvait pas le laisser dans cet état le pauvre...

Les Trois durent sentir son inconfort et ses doutes car les gesticulations prirent rapidement fin. Heureusement pour le pauvre ascète, la brune n'avait rien vu de sa tentative de se faire vomir car dans le cas contraire, elle l'aurait certainement fichu dehors à grands coups de pied dans le derrière. La tête légèrement penchée sur le côté et l'air intriguée, la jeune femme attendit que son invité prenne la parole le premier comme si elle craignait de dire quelque chose qui puisse le replonger dans son agitation étrange.

— Doux Dieux ! Du vent, pie-grièche !

Ouf ! Il était redevenu lui-même ! Pour le punir d'avoir usé d'un nouveau nom d'oiseau, Ombeline se campa un peu mieux sur sa victime en croisant les bras et refusa de bouger d'un iota malgré les faibles efforts déployés pour l'éjecter sans manières. Il manquait de forces ? Bien fait, encore !

Non mais dis donc, c'est des manières de parler à quelqu'un qui n'arrête pas de t'aider par pure bonté d'âme ? La prochaine fois je te laisse te cogner à tout le mobilier et tu expliqueras toi-même pourquoi tu te trouves là où tu n'as rien à faire, tiens !

— Que Rikni foudroie le damné qui a conçu cette sorcellerie. Ce que j’ai vu est l’œuvre d’un serviteur des démons ! J’avais l’impression de devenir fou, fou !

Ça je ne te le fais pas dire... grogna la belle-de-nuit, visiblement mécontente de voir que le retour à la raison de Cesare le rendait ingrat.

Ou peut-être était-ce de n'avoir pas profité plus de sa folie passagère ? N'aurait-il pas été plaisant d'interrompre un peu cette mission sacrée pour prendre le temps de... Non non, le parfum toxique devait lui retourner le cerveau, ce n'était pas des pensées à avoir. Détourner les petits novices du droit chemin c'était une chose, profiter de la faiblesse passagère d'un prêtre endurci en pleine mission c'en était une autre. Même elle ne pouvait pas s'abaisser à ça. Et puis pourquoi voudrait-elle d'un râleur pareil de toute façon ? Il suffisait de voir comme il la traitait pour être simplement assise sur lui ! Non décidément elle n'avait pas les idées claires.

Portant une main à son front pour s'assurer qu'elle n'avait aucune fièvre, Ombeline poussa un profond soupir. Toute cette histoire la dépassait. Une chasse aux sorcières, l'inspection secrète des chambres, le flacon mystérieux derrière l'armoire, la folie et les étourdissements, le manège des émotions et à présent le nom de Manon qui revenait encore... Tout cela concluait à merveille un début d'automne morose pour la Balsamine. Fallait-il y voir un signe du ciel ? Elle s'était portée volontaire pour aider le prêtre dans l'espoir de blanchir son établissement et finalement les soupçons étaient encore plus lourds à présent. Le sort avait-il décidé que la maison close devait sombrer ? D'abord la mort de trois filles, puis la rumeur d'un tueur de catins, la clientele en baisse et enfin ça.

D'accord.

Cesare n'avait pas besoin de son autorisation mais c'était plus une affirmation de son abandon de lutter contre le destin qu'une permission d'interroger sa compagne. Elle avait essayé par tous les moyens mais c'était peine perdue.

Manon va être emmenée et interrogée. La milice sera au courant et la rumeur va faire son trou comme un ver qui creuse une pomme. D'ici cet hiver il n'y aura plus personne pour venir ici et alors ça sera chacune pour soi... Un sourire amer lui tordit la bouche. Tu devrais te réjouir : même si elle n'est pas coupable, la Balsamine n'en a plus pour très longtemps. Un bordel de moins en ville, ça devrait rendre bien parmi tes faits d'arme.

Elle hocha la tête. Ce n'était pas vraiment la faute du prêtre, elle devait le concéder. Il s'agissait simplement d'une suite logique d'événements qui ne faisaient qu'entraîner par le fond l'établissement qu'elle considérait comme un foyer. Au moins avait-elle la chance de le savoir la première et de pouvoir trouver une issue.
Sans se soucier de la gêne du prêtre, Ombeline se laissa retomber contre lui avec un nouveau soupir résigné. L'oreille contre le torse de Cesare, elle chercha à entendre le battement rassurant du coeur, une musique qui avait toujours eu le don de la tranquilliser. Lorsqu'elle était abattue, soucieuse ou simplement triste, c'était sa façon à elle de s'enivrer pour mettre un peu de distance entre elle et ses problèmes. Les candidats n'avaient jamais vraiment manqué pour lui fournir, sans le savoir, son remède. Quoi que dernièrement...

Je préférais quand tu étais devenu fou et que ça me faisait rire. Maintenant je n'ai même plus envie de sourire. Juste de m'enterrer.

La pensée insidieuse qu'elle avait trahie une de ses soeurs de misère se disputait avec le sentiment horrifié d'avoir été elle-même trahie par une possible sorcière déguisée en innocente jeune fille. Non loin derrière venait l'impression d'être la cause de tous ces malheurs : Berangère était morte en la protégeant, elle n'attirait pas assez de clients et maintenant elle oeuvrait à ce qu'on accuse l'une de ses amies. Une spirale infernale de pensées noires prenait rapidement forme dans son esprit et même les battements sourds du coeur de Cesare n'arrivaient pas à couvrir le boucan de toutes les pensées parasites qui arrivaient si vite et sans prévenir. Devait-elle mettre ça aussi si le compte de la potion odorante ou s'agissait-il au contraire d'un brutal retour à la réalité ?

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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyDim 25 Oct 2020 - 15:38
La délivrance psychique était éprouvante, les barrières mentales qu’il avait érigées pour surmonter les impétueux assauts de cette concoction malfaisante avaient puisé dans ses ressources spirituelles, le laissant épuisé. Il était plus aisé pour lui, en cet état, de ressentir de l’empathie pour ses patients ayant souffert de maux similaires, que ce soit le triste citoyen ayant vidé à plusieurs reprises ses tripes sur les dalles du Temple ou l’infortuné noble ayant survécu miraculeusement à une tentative d’empoisonnement de la part d’un obscur rival. Et il n’avait qu’inspiré pour un bref instant cette arôme étrange. Redoutable.

Désirant être néanmoins libéré d’une autre emprise bien plus gênante pour le vertueux personnage, il céda à contrecœur face à l’obstination de son alliée de fortune, se promettant de bien la gronder après pour cette audace dans un moment de faiblesse. Fronçant des sourcils, Ombeline pouvait être rassurée sur une chose : le caractère grognon du clerc avait repris le dessus sur son agitation de tout à l’heure, un retour à la normale et la promesse de réprimandes éloquentes.

Le pratiquant s’apprêtait à dicter la démarche à suivre pour aller interroger la dénommée Manon en toute discrétion pour en soutirer les précieuses informations qui allaient conclure cette étrange aventure, mais la froide réaction de la fille de trottoir freina brutalement les propos qui s’apprêtaient à bondir hors de ses lèvres avides de justice. Le ton utilisé ne lui échappait pas. Il avait écouté les confessions de centaines de fidèles, des plus pieux aux moins scrupuleux, tous cherchant la rédemption, à se libérer du fardeau de leurs secrets et regrets, de leurs doutes et tentations. Quand on exerce cette mission d’une infinie délicatesse, c’est apprendre à jouer le jeu dangereux d’un funambule marchant sur une corde des plus fines, au-dessus d’un précipice terrifiant. C’était l’équilibre complexe entre s’ouvrir à autrui pour éprouver sa peine et l’aider à retrouver contact avec la lumière divine tout en s’enfermant derrière un écran inquisiteur pour se protéger de la noire corruption qu’était le partage de ces révélations souvent pesantes. Comme une affliction noire, ses sombres veines se propagent en insidieuses racines tout le long de votre cœur, malmenant votre esprit dans ses fondements même. Certains prêtres s’en retrouvaient à jamais traumatisés, épaves d’anciens bienfaiteurs aux esprits réduits en lambeaux, ayant perdu toute foi en l’humanité. Dans de rares mais mémorables cas, certains vénérables avaient rompu leur devoir terrestre de la manière la plus expéditive pour se libérer des chaînes qui les torturaient, la mort bienfaitrice devenant le doux réconfort. Cesare se sentait très fortuné d’avoir réussi à tenir convenablement la robustesse de son mental face aux épreuves de cette tâche ardue et y avait gagné l’expertise de savoir déceler dans le timbre de la voix les sentiments qui trahissaient une profonde détresse.

Quand elle parla, il comprit et se mordit la lèvre inférieure. Aveuglé qu’il était par la justesse de sa quête et les promesses de gloire céleste qu’il pouvait acquérir aux yeux de ses supérieurs, il en avait oublié le sort que pouvait être réservé à un prétendu repaire de sorcière. Au mieux, il serait évité comme la peste pour des décennies, au pire une foule galvanisée par quelques agitateurs haineux prendrait d’assaut la bâtisse pour purger leur cité de ce nid de maléfices. Il allait condamner prestement plusieurs vies à une existence de misère encore plus sinistre que celle qu’ils menaient parce qu’ils avaient l’infortune d’être impliqués de loin à une affaire de sorcellerie. Père Volkmar avait toujours dit qu’il fallait un cœur de pierre et une impitoyable résolution pour prendre le chemin épineux de l’exorcisme actif. S’il s’était crut capable de ne pas se laisser influencé par ses sentiments, l’ascète venait d’avoir une piqure de rappel sur qui il était. Malgré son apparence de statue taillée dans le marbre froid, de ce cœur de glace et de son expression toujours mimant celle des inquisiteurs parangons de la Foi, il n’était pas moins humain que tout autre être ici présent. S’était-il adoucit au fil de ces mois passés à fréquenter cette fille qui, la première fois, ne lui avait inspiré que dégoût et rancune ? À cette époque, il n’aurait pas hésité à claquer des doigts pour qu’un contingent armé de miliciens endurcis n’enfonce les portes de la Balsamine pour traîner chaque habitant et client dans la boue des ruelles jusqu’aux portes du Temple pour y être interrogés et jugés. Aujourd’hui, il l’avait à ses côtés comme une précieuse complice et partageait avec elle, contre toute attente, une confiance qu’il n’aurait jamais accordé à quelqu’un de son genre.

Si elle avait espéré se bercer dans le rythme d’un cœur paisible et au battement soutenu, elle serait surprise du brusque changement de cadence quand elle s’étala contre lui. La cavalcade d’un troupeau sauvage ou la danse endiablée d’une quelconque mélodie étrangère, l’organe vital du prêtre s’était emballé dans une agitation nerveuse quand la belle-de-nuit brisa pour de bon le peu de pudeur qui avait toujours séparé les deux personnages jusqu’à présent. Collée à lui, c’était une image que Cesare avait toujours chassé de son esprit pour son indécente implication, pourtant cette situation était si différente. Aucune obscénité ou tentative salace de jouer avec les limites imposées par son dogme. Juste un sentiment de défaite qu’il ressentait en elle, comme si leur proximité immédiate lui permettait d’absorber à son tour ses vertigineuses et morbides appréhensions.

La main droite du prêtre tremblait, mais il savait ce qu’il devait faire. Ce n’était pas si différent d’une séance de confessions, si ? Ce n’était pas très orthodoxe, mais il n’allait pas bondir à nouveau sur les règles. Pas en ce moment. La main alla donc, hésitante au début puis d’une douceur presque paternelle, se glisser le long de la chevelure de la fleur nocturne, les doigts traversant avec une infinie délicatesse la mer sombre de sa chevelure soyeuse. Maladroit dans sa tendresse, il prenait un temps fou à caresser la tête de celle qui était devenue sa protégée, réitérant lentement son geste à mesure que ses muscles de dégourdissaient de l’emprise glacée de sa rigide rigueur, de sa froideur cérémoniale et de son dogme inflexible. Le prêtre de pierre cédait la place à un ami d’infortune, un confident.

« Je regrette de t’avoir traîné dans cette affaire. » chuchota calmement Cesare avec un ton étrangement mielleux et amical, lui qui d’habitude s’exprimait avec un mélange de vertueuse éloquence et de condescendance lassée. « Je ne te hais pas … plus. Ni toi, ni tes amies. Je sais que par le passé j’ai clairement exprimé mon désir de voir ta maison fermée. Je vous voyais tellement comme un fléau de plus dans la liste des maux qui gangrènent notre monde. Puis … »

Silencieux un moment, il s’humecta les lèvres, penchant légèrement sa tête pour mieux regarder la désormais fragile créature emmitouflée contre lui. Un faible soupir se glissa entre le corail de ses lèvres à mesure qu’il continuait à envelopper sa tête avec la paume de sa main.

« J’ai appris à te connaître, à voir le monde comme tu le perçois. Vous êtes autant victimes de la cruauté du destin que tout autre malheureux enfermé derrière ces murailles. Je serais le plus abject des bourreaux si je n’en ressentais aucune once de compassion. »

Se redressant légèrement, il saisit entre ses deux mains le visage engouffré contre son buste sans le brusquer, cherchant à ce que la femme, derrière le voile laiteux qui recouvrait ses prunelles nébuleuses, puisse apercevoir ne serait-ce que faiblement de l’éclat sincère de son propre regard. Un éclat qui se voulait aussi brûlant d’une détermination nouvelle, celle du serment que faisait tout homme portant la robe cléricale : protéger les enfants des Trois.

« Aide-moi. Ensembles, on approchera Manon pour lui demander des explications. Inutile de sauter sur des conclusions hâtives, j’aimerais connaître sa version de l’histoire, mais je ne peux l’approcher sans la terroriser, car je ne suis qu’un monstre froid et intimidant. Toi, tu sauras la convaincre d’être coopérative. Je te promets que je ferais tout pour ne pas condamner ceux qui te sont chers, pas tant qu’il reste une lueur d’espoir. »

Et il sourit. Un sourire maladroit, comme ce qu'on peut attendre de quelqu'un qui n'a que trop longtemps figé son visage dans la morne monotonie d'une vie de piété et de pénitence. Mais peut-être que ce sourire n'en était que plus précieux pour sa rareté fugace et sincère.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyMar 27 Oct 2020 - 21:08
Ombeline n'était pas une pleurnicheuse. Elle ne fondait pas en larme à la moindre contrariété et s'il lui arrivait souvent de se fâcher ou d'être morose, elle ne s'effondrait pas pour autant, ne mouillait pas son oreiller en pleurant à chaudes larmes. Envisager la fin de la Balsamine était terrifiant, mais si elle devait être honnête avec elle-même alors il fallait bien admettre que cette pensée l'avait traversée bien avant que Cesare ne vienne enquêter. Depuis environ un mois elle s'interrogeait sur son propre avenir au sein de l'établissement : la clientèle était un peu plus rare et bientôt Madame prendrait des solutions plus radicales pour maintenir son commerce, à commencer par mettre dehors les gagneuses les moins rentables avant d'en embaucher d'autres. Et malgré la générosité d'Irène qui la réclamait régulièrement, Ombeline n'était plus bonne qu'à faire le service en salle, la cuisine avec Dom et passer un coup de balai. Rien d'irremplaçable et elle en avait bien conscience.
La différence majeure était que Madame ne la mettrait jamais dehors aux portes de l'hiver. Elle savait que quoi qu'il arrive, elle aurait un foyer jusqu'au printemps au moins et que par bonté d'âme, la patronne ne la laisserait pas mourir de froid dehors. En revanche si le Temple se chargeait de mettre à nue les sombres secrets de l'établissement... Il ne faudrait alors pas compter sur la bonté d'âme des clients pour faire tenir le bordel jusqu'au retour des beaux jours.

La confession de Cesare lui arracha un sourire un peu triste. Oui, elle aurait aimé ne pas être mêlée à cette affaire, ne serait-ce que pour ne pas avoir l'impression d'être la cause d'une chûte précipitée de la Balsamine. À présent qu'elle savait, elle avait la sensation qu'un poids terrible reposait sur ses épaules. Quoi qu'elle dise ou fasse, elle aurait désormais une part de responsabilité. Pourtant il était juste d'aider le Temple, n'est-ce pas ? Juste d'aider un prêtre en mission, juste de rendre service à un ami. Fleur avait l'habitude de dire "Les Trois vous le rendrons", aussi la brunette espérait-elle que les dieux soient effectivement enclin à lui être redevable de cette aide qu'elle apportait à leur divine cause. Et pourtant, eux seuls savaient à quel point elle était horrifiée à l'idée d'envoyer aux cachots l'une de ses amies, toute sorcière qu'elle puisse être.

La caresse l'apaisait malgré tout et les paroles du prêtre étaient plaisantes à entendre. Elle était heureuse de savoir qu'il n'éprouvait plus cette répulsion furieuse qui était la sienne lors de leur première rencontre. La jeune femme n'était pas grand-chose au sein de la cité, mais si elle avait pu assouplir la vision de l'ascète à propos de la condition des filles de joie, c'était une petite contribution qu'elle était fière d'avoir apporté.
Relevant la tête, la joue appuyée contre le creux de la main de son compagnon, Ombeline s'entendit souffler un rire bref par le nez, touchée par cette volonté de faire le moins de mal possible. Cela n'arrangeait rien, la potion était belle et bien dans la chambre de Manon, ses effets improbables avaient été expérimentés sans doutes possibles et qu'elle l'utilise ou non pour faire le mal n'enlevait rien au fait qu'elle possédait un maléfice en bouteille. Qu'elle soit accusée d'avoir rendu un noble fou ou qu'elle ne s'en tire qu'avec un blâme ne changeait rien à la découverte que l'improbable duo avait fait. Comment faire confiance après cela ?

Tu as les mains plutôt chaudes pour "un monstre froid et intimidant", fit-elle en posant ses doigts sur ceux du prêtre pour qu'il ne la retire pas immédiatement. Mais puisque je suis plongée jusqu'au cou dans cette histoire, autant prendre une bonne inspiration et mettre la tête sous l'eau. Je ne peux pas croire que Manon ait fait du mal à ce noble dont tu parles, officiellement elle n'a personne de sang bleu dans ses clients. Cependant elle possède bien un sortilège dans ce flacon et je ne sais pas si je pourrais encore la consiéder de la même façon à présent.

Un soupir lui échappa et elle laissa reposer sa tempe contre le torse de Cesare, soucieuse. Elle ne voulait pas tendre de traquenard à Manon, mais il faudrait qu'elle lui parle en privé pour éviter que tout le bordel soit au courant.

Comment suis-je supposée la convaincre de te parler librement ? Je n'avais pas à être dans sa chambre et encore moins à fouiller ses affaires. Dois-je simplement lui demander de monter ici ? Et si elle refuse de dire quoi que ce soit ? Et si elle ment, tout simplement ?

La jeune femme ferma les yeux et rabattit ses cheveux sur son visage en grognant de frustration et s'inquiétude. Cette situation n'avait pas de bonne débouchée. Quoi qu'il arrive ce serait le drame.
Nouveau soupir abattu.

Ces vapeurs m'ont donné mal à la tête... Que lui arrivera-t-il, Cesare ? Vas-tu l'envoyer à la potence pour avoir été détentrice d'une potion ? J'ai l'impression d'être la pire des traîtresses.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyMer 28 Oct 2020 - 9:43
Oui, qu’arriverait-il à Manon ? La jeune prostituée disposait d’un objet des plus exotiques, pour ne pas utiliser un terme plus occulte. Autant dire que le simple citoyen lambda de la cité ne verrait rien d’autre qu’une odieuse alchimie à l’œuvre, rien de plus. Les complexes artifices des sciences d’au-delà les mers ont toujours suscité une peur sceptique et viscérale, ainsi qu’une tendance à jeter dans le feu tout ce qui échappait à la compréhension de leurs intellects des plus modestes. Au Temple, on avait l’occasion de faire des recherches et expériences tout en restant dans la limite sacrée des dogmes inculqués. La curiosité étant le premier allié de la perdition, les savants au sein des rangs du Clergé s’armaient d’une mer de prudence et de méfiance avant de pénétrer dans l’exploration de ce que l’esprit humain ne parvenait pas à appréhender. Ceci dit, les récits de sages s’étant fait accuser, à tort ou à raison, de sorcellerie à la suite de pratiques livrées au nom de la découverte ont rapidement réduit au déclin le nombre d’initiatives de ce genre, poussant les nouvelles générations à adopter le rôle d’inquisiteur avec plus de ferveur que celui d’érudit, ne serait-ce que pour ne pas s’attirer les foudres d’une population bien trop sensible aux contes et racontars.

Avouer à Ombeline ce qui attendait ceux qui étaient marqués par le sceau de l’hérésie ne serait pas digne d’un ami, du moins pas tant qu’il n’était pas assuré que la fille de joie était réellement une manipulatrice des sombres arcanes et arts interdits et non une victime d’un complot plus grotesque et extravagant. Les récentes expériences qu’avait vécu le Temple et ses agents avec les nombreuses intrigues de corruption et sacrilèges commis par des fanatiques et autres lunatiques aux tendances meurtrières suscitait la plus vive précaution chez le serviteur de la Trinité. Rien n’avait plus cette simplicité d’autan où on pouvait joindre une vision manichéenne à tout ce qui nous entoure, à distinguer le blanc et le noir, le bien et le mal, ce qui devait être protégé et ce qui méritait d’être purgé de la surface de ce triste monde. Plus maintenant. Tout se mêlait et s’entremêlait, s’enlaçait et se tordait en racines toujours plus tortueuses et complexes. Tout n’était plus que jeux d’ombres et intrigues, de complots de pouvoir et de secrets. Tant de choses que Cesare haïssait comme le péché le plus scandaleux. Le monde vrillait dans un tourbillon de nuisances et de folie, chutant lentement dans la bourbe affamée d’une décadence rampante et lui, malheureux, était un de ces fous qui battaient désespérément des bras pour en sortir ses protégés.

«La détention d’un artefact classé dans la catégorie de l’occultisme peu avoir de très lourdes conséquences. Cependant je ne vais pas bondir sur des conclusions hâtives. Mon instinct me dit qu’il y a quelque chose d’autre qui nous échappe. Rien n’est aussi simple que ça.»

Reprenant peu à peu contrôle de son corps et son esprit, il constata non sans joie que les effets du parfum des asphodèles s’estompaient, le libérant des fils manipulateurs qui se jouaient de li comme un pantin. Et avec le retour de son contrôle sur soit, il était temps qu’il rompe ce contact certes affectif, mais encore bien trop inédit pour le prêtre. Non décidément ce n’était pas quelque chose à laquelle il était habitué, c’était trop différent, trop proche, trop … trop. Quand elle était restée couchée sur son buste, il avait senti des choses qu’il ne se serait pas soupçonné d’avoir, d’étranges sentiments contradictoires qui avaient fait fureur dans son cœur à la manière d’une meute de loups s’affrontant pour un gibier de taille. Son sang-froid était mis à rude épreuve et toutes ces années de solitude volontaire s’en retrouvaient outrageusement empiétés dans leur territoire par l’intrusion d’une sensation outre celle du froid réconfortant des cellules du Temple ou de la caresse martiale du martinet pour lui rappeler qu’il n’était qu’un fragile mortel.

Repoussant donc avec toute la délicatesse dont il était capable sa partenaire, il remit de l’ordre dans sa tenue fripée, cherchant à s’inspirer de la sainteté qui émanait de cette relique de tissu et de martyrs. Cesare était peut-être hagiomaniaque sans qu’il le sache, mais le réconfort des reliques et icônes sacrés était pour lui un tonique plus précieux que le vin ou une caresse. Toussotant pour chasser ses turbulentes pensées plus que pour s’éclaircir la voix, il se redressa sur le lit et croisa ses doigts sous son menton dans une attitude réfléchie.

«La cachette était certes astucieuse, mais je sais que les manipulateurs de la sorcellerie sont passés maîtres dans l’art de camoufler leurs crimes pour échapper aux flairs des limiers du Temple. Une seule façon de s’en assurer, il faut la confronter directement.»

Pour ce faire, il fallait l’inviter à discuter dans un environnement discret, à l’abri des regards et oreilles indiscrètes. Il se pourrait bien, en effet, que l’intéressée n’exprime son scandale d’une voix bien trop haute pour que le secret de la mission en soit assuré, ou qu’elle ne réagisse d’une façon inattendue. Les accusations de sorcellerie peuvent ébranler le calme du plus stoïque sergent de la Milice. La chambre d’Ombeline serait probablement le lieu le moins suspect pour attirer Manon dans la salle d’interrogatoire improvisée, encore fallait-il trouver une idée assez potable pour ne pas éveiller les soupçons de la catin.

Plongeant ses mains derrière sa nuque, il grogna tout en essayant de creuser les retranchements de son inventivité pour trouver une solution. Puis petit à petit, un scénario se créait devant ses paupières fermées. Ainsi qu’une légère rougeur qui raviva les couleurs des joues de l’ascète. Serait-ce cette présence prolongée dans ce nid d’hédonisme débridé ou la compagnie de la malicieuse renarde à ses côtés qui lui inspirait des idées aussi indécentes ? Qu’importe, elle semblait être la plus à même de garder Manon dans un environnement om elle était confortable, si ses idées-reçues sur les pratiques faites dans ces ruches de la luxure étaient correctes et non le fruit de mensonges exagérés.

«J’ai une idée, mais j’en ai honte.» S’humectant les lèvres à plusieurs reprises comme si les mots qu’il allait prononcer risquaient d’assécher sa bouche, il poursuivit sur un ton plus bas et empreint de pudeur gênée. «Tu peux l’approcher pour lui dire que ton … client est intéressé par elle et que … je … enfin si elle le désire, voudrais bien qu’elle nous rejoigne ici. Pour faire sa profession contre rémunération.»

Cesare avait prononcé ces dernières paroles avec toute la force de volonté qu’il pouvait pour enjamber la barrière de sa pudeur, sentant sa force se diluer et se flétrir tandis que ces mots lui brûlaient la langue comme du charbon incandescent. Cachant son visage entre ses mains, il marmonna :

«Je ne vais jamais me remettre de ce séjour ici.»
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyMar 10 Nov 2020 - 17:02
Quelque chose d'autre leur échappait ? Peut-être bien, mais en cet instant la jeune femme ne se sentait pas concernée outre mesure par les détails de l'enquête tant que cela n'impliquait pas directement son amie ou son établissement. Elle prêtait son concours à Cesare et ferait son devoir envers le Temple et le Roi en ne cachant aucune information pouvant mettre la main sur une sorcière, mais il ne fallait pas non plus s'attendre à la voir se transformer en enquêtrice chevronnée. Elle n'était qu'une catin aveugle ! Les interrogatoires et les conclusions, c'était le travail du prêtre, pas le sien, aussi s'abstint-elle de tout commentaire à ce propos.

Sans protester, Ombeline se laissa basculer sur le côté pour laisser se relever Cesare. Pour sa part, elle ramena contre elle ses genoux et se recroquevilla, le nez dans la couverture et les yeux fermés. La tête lui tournait toujours et elle aurait aimé boire quelque chose de très froid pour essayer de mettre fin au tangage de son cerveau maltraité par les vapeurs magiques de la potion. Elle n'en perdait cependant pas l'ouïe et continuait d'écouter attentivement ce qu'on lui disait.
Confronter Manon directement et sans attendre... Elle n'aimait pas l'idée. En proposant son aide elle s'était elle-même contrainte à devoir tendre un traquenard à son amie pour être interrogée par un prêtre en mission, et certainement pas l'un des plus tendres. Si elle refusait maintenant, ce serait faire le travail à moitié et après les aveux aimables de Cesare elle ne se sentait pas le courage de le décevoir.

Ombeline se sentait si indigne de confiance qu'elle ne releva même pas l'idée comme pouvant être inédite pour son compagnon. Ça lui semblait juste être une idée plutôt logique pour obtenir ce dont ils avaient besoin, rien de plus. Se redressant mollement en essayant d'ignorer son tournis, elle poussa un nouveau soupir qui en disait long sur son désir d'en arriver à cette extrémité. Elle tapota l'épaule du prêtre pour lui faire signe qu'il ne devait s'inquiéter pour sa réputation simplement parce qu'il avait eu une idée.

N'en fais pas une maladie, c'est moins rare que tu ne le penses de demander ce genre de choses. Je vais aller la chercher, mais avant je veux que les choses soient claires.

La jeune femme quitta le lit et passa rapidement les mains dans ses cheveux pour les recoiffer à la va-vite avant de s'attaquer au laçage de sa robe qu'elle dénoua et désserra sans le retirer complètement. Il fallait bien qu'elle donne le change si elle voulait avoir l'air d'être en plein travail.

Je la fais monter et c'est tout. Je ne participe pas à ton interrogatoire, je n'appuie pas tes découvertes et je ne témoigne pas pour toi. C'est déjà bien assez de trahir quelqu'un en allant fouiller ses affaires et en lui tendant un piège, je refuse de participer à son accusation plus avant. De nous deux, tu es celui qui recherche une sorcière, pas moi.

Elle eut un signe de tête désolé qui affirmait qu'elle ne reviendrait pas sur cette décision, c'était une offre à prendre ou à laisser. En tendant la main vers le prêtre, elle lui effleura la joue et ajouta :

Je t'aime beaucoup Cesare, et ça me semble juste de t'aider. Mais n'attends pas de moi que je me compromette plus au sein de mon propre foyer pour les besoins d'un travail qui est le tien. Mes récentes actions vont déjà avoir des conséquences désagréables pour moi, je ne souhaite pas que cela empire.

Sans plus attendre, elle prit la direction de la sortie et de la salle principale, se composant rapidement un teint un peu plus rosé et un sourire de façade. Si seulement ils n'avaient rien découvert dans cette chambre... Elle n'aurait pas eut besoin de révéler sa faute si tout avait été en ordre car il n'y aurait pas eu besoin d'interroger qui que ce soit. Manon allait savoir que l'une de ses compagnes avait fait entrer un étranger dans sa chambre dans l'intention de la fouiller pour suspicion de sorcellerie et si elle savait, alors Madame saurait également. Une conversation désagréable et une punition attendait sans aucun doute l'aveugle. Agir contre la Balsamine, même avec de bonnes intentions et même en faveur du Temple, méritait toujours une punition aux yeux de la gérante, elle ne savait bien. Elle espérait juste qu'en ne mettant pas plus les pieds dans le plat elle parviendrait à amoindrir les désagréments à venir.

À peine quelques minutes après avoir quitté la pièce, de nouveaux bruits de pas se firent entendre dans l'escalier. La porte s'ouvrit sur Ombeline, suivie de près par une petite jeune femme aux longs cheveux blonds et brillants. Son petit air mutin et ses joues roses lui donnait un air angélique et on pouvait sans peine l'imaginer rayonnante et à son aise dans de beaux vêtements, comme ce devait être le cas à une époque désormais révolue. Elle était également plus maquillée qu'Ombeline et portait un parfum beaucoup plus prononcé.
Un peu étonnée de voir que le "client" n'était pas déjà nu et impatient de les avoir pour lui tout seul dans une couche, la jeune fille ne se démonta pas et approcha du prêtre sans rien se douter. Ombeline, restée près de la porte, siffla alors son chien pour qu'il sorte de son panier et approche.

Je serai dans la cuisine, dit-elle simplement, la tête basse, avant de tirer la porte derrière elle pour la refermer alors qu'elle sortait de la chambre.

Quoi qu'il se dise dans cette pièce, elle ne voulait pas y être mêlée. Et pour une fois, elle remercia les dieux de lui avoir ôté la vue, ainsi elle n'eut pas à emporter dans son sillage le regard plein d'incompréhension et d'inquiétude que Manon lui lança en comprenant qu'elle allait rester seule avec un inconnu.
La brunette descendit les escaliers sans s'attarder plus sur le seuil et trouva refuge dans la cuisine derrière le comptoir. Dom se trouvait déjà là, s'occupant de préparer ce qui serait le ragoût du soir que l'on servirait bientôt à ceux qui en fairait la demande. Il ne posa aucune question, ne fit aucune remarque et se contenta de poser quelques légumes sur une planche à découper près de lui. Ombeline se retroussa les manches et se mit au travail sans attendre, secrètement reconnaissante.

Dom était un homme secret, taiseux et entièrement dévoué à Madame malgré les années qui les séparait. Pourtant il avait pour Ombeline une affection toute particulière puisqu'il avait été ce qui se rapprochait le plus d'un père pour elle. Ils avaient passé tant de jours dans cette cuisine, à entretenir la salle et à servir les clients avant que la jeune femme ne se mette à exercer la profession... Il n'avait jamais pris en pitié son handicap et lui avait mis entre les mains des couteaux, des marmittes pleines à ras bord, des tisonniers chauds ou des sacs de navets plus gros qu'elle. Il ne l'avait jamais sous-estimée ni rabaissée, il avait eu la patience de lui apprendre comment faire malgré sa vue basse et il en attendait autant d'elle que si elle était tout à fait normal. Dans un sens, c'était à lui qu'elle devait de pouvoir faire tant de choses par elle-même sans se sentir limitée par ses yeux.
Instinctivement, Ombeline rapprocha sa planche de celle du vieux ronchon et fit un pas sur le côté pour pouvoir appuyer une épaule contre lui. Il ne se déroba pas.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyMar 1 Déc 2020 - 21:21
Ce qu’il faisait était noble, vertueux et surtout, juste. Traquer le mal dans toutes ses formes, l’arracher aux recoins les plus sombres de la terre pour le traîner sous la lumière de la Trinité et l’exposer à la justice du Clergé. Existait-il plus glorieuse croisade ? Pourtant, un doute insidieux obscurcissait le cœur du prêtre. Pourquoi avait-il l’impression de blesser Ombeline dans sa mission comme un destrier qu’on épuiserait à mort dans une chevauchée infernale ?

Quand ses doigts délicats se posèrent sur son visage, un long soupir s’échappa malgré lui de ses lèvres, abaissant imperceptiblement les paupières tandis que sa tête était encore embuée par les effets narcotiques de cette mixture étrange. Depuis quand laissait-il ses émotions planter les graines du doute en lui, le parangon de foi et de vertu ? Le pratiquant servait la lumière et agissait dans l’intérêt de tous, il savait que la route qu’il avait empruntée était pavée de ronces et de braises, il savait que le sacrifice était la voie des vertueux et des martyrs. Pourquoi prétendre encore que cette chasse à l’homme était une affaire dont les choix qu’elle imposait étaient aussi simple que piquer son poison à la taverne du coin ? Il avait beau visualiser dans sa tête la justesse de sa cause, son importance et les sacrifices nécessaires, la voix de sa complice lui donna l’effet d’une révélation bouleversante. Il avait l’impression de trahir une amie, de s’en servir pour arriver à ses fins tel un manipulateur aguerri et impitoyable.

Quand elle quitta sa chambre sur un dernier soupir las, l’agent du Temple se releva avec une lenteur de mort-vivant, la mine sombre. Pestant au fond de lui, il pinça l’arrête de son nez entre son pouce et son index, le front si plissé qu’on croirait distinguer de nouveaux visages grotesques dessus. Il avait besoin de la clairvoyance des divins et de leurs conseils, mais il n’avait ni chandelles, ni encens, ni aucune idole reluisante qui lui permettrait d’y catalyser ses pensées contradictoires. Sa main, désespérée de se défouler pour ignorer le stress palpable qui l’enveloppait, serrait et desserrait frénétiquement le vêtement délavé qu’il portait, n’arrivant pas à y puiser l’énergie spirituelle de son défunt porteur. L’hagiomane se sentait terriblement délaissé et en proie à une réflexion pénible. Tel une souris dans un labyrinthe, il voyait que les nombreux chemins menaient tous à quelques pièges qui allaient le mutiler à jamais. Aucune échappatoire, il pouvait déjà entendre le grincement des escaliers tandis que le moment fatidique approchait à chaque pas. Que faire pour éviter de jeter dans les flammes de la rédemption une autre innocente ? La pénitence a toujours été un sujet phare de ses discours enflammés dans le Grand Hall du Temple, convaincu qu’il était que l’humanité ne pourrait se racheter aux yeux des Dieux et se libérer de la malédiction du fléau fangeux qu’on empruntant le chemin épineux de l’absolution douloureuse et sincère, à afficher fièrement ses stigmates aux yeux de tous comme autant de flambeaux de lumière face aux ténèbres grandissantes qui encerclaient Marbrume, cependant la belle-de-nuit n’avait-elle pas déjà souffert bien des maux durant son existence privée de lumière ?

Mains croisées derrière son dos, il entendit la porte s’ouvrir. Il inspira profondément pour se donner courage, sachant qu’il se devait d’être extrêmement prudent dans cette étape cruciale de leur traque, mais surtout qu’il devait s’évertuer de diplomatie et d’éloquence pour ne pas incriminer sa complice.

Se retournant, il essaya de sourire pour ne pas alarmer Manon, cette dernière visiblement perturbée et confuse par la disparition de sa congénère dans le feu de l’action. Devait-il la confronter directement, avec sa caractéristique froideur inquisitrice et sa rigueur de pierre ? Cette approche était celle à laquelle il était le plus confortable, s’étant révélé être un intimidant éducateur au même titre que son défunt mentor. Les dogmes de Père Cuthbert lui avaient toujours permis d’instiller la crainte et le respect dans le cœur des fidèles, mais peut-être que, juste pour cette fois, il pouvait faire appel à plus de tact.

« Bonjour Manon. Je suis désolé de t’avoir traîné ici, mais j’ai besoin de te parler de choses importantes. »

Visiblement confuse et sceptique, la prostituée à la chevelure d’or fit un pas en arrière, un sourcil arqué. À la voir, on aurait du mal à croire qu’elle s’adonnerait à des pratiques malveillantes de magie noire. Ombeline devait sans doute avoir raison à son sujet, aussi jouait-il la carte du doute. Il lui devait bien ça, au moins.

« Ombeline m’a dit que vous nous vouliez toutes les deux, elle ne m’a pas dit que vous vouliez papoter d’abord. C’est une sorte de jeu, c’est ça ? »

Secouant la tête en signe de négation, il laissa planer un long silence, fixant le plafond avec un air concentré, cherchant les mots exacts en espérant ne pas briser la fine pellicule de glace sur laquelle il allait avancer prudemment.

« Je ne vais pas tourner autour du pot, alors finissons-en. Je suis un envoyé du Clergé, plus précisément un prêtre responsable du Haut Temple. »

Devant l’expression de Manon où plusieurs émotions se défilaient le long de son visage candide, il tandis ses deux mains, paumes exposées, en signe d’apaisement.

« Je viens en ami. Je ne vais pas te le cacher, mais votre profession a toujours attiré beaucoup de rumeurs infondées ou non à votre sujet. L’une d’elles vous accuse d’être le nid de sorcières. »

« Par Anür ! Doux Dieux, c’est un mensonge, un effroyable mensonge ! Personne ici … personne … »

« Calmes-toi, Manon. Je te crois. Je ne viens pas t’accuser, ni toi ni les autres. Mais je dois mettre le voile sur ce mystère, quitte à fouiller chaque pierre de cet établissement. C’est un ordre du Clergé, les accusations de sorcellerie ne peuvent être ignorées à la légère. »

La fleur-de-trottoir était dans tous ses états, il s’y attendait. N’importe quelle personne saine d’esprit paniquerait à la simple mention qu’un chien du Temple avait été envoyé flairer l’hérésie dans leur jardin. Elle pouvait réagir avec violence et brusquerie, aussi gardait-il ses distances, les mains toujours exposées pour la rassurer.

« Ombeline ! Est-ce que … »

« C’est moi qui lui ai forcé la main. Elle n’a eu de cesse de vous défendre, toi et les autres. Elle était convaincue de votre parfaite innocence, mais je ne peux me baser sur la simple conviction d’une bonne âme. Il me fallait des preuves tangibles. Vous semblez être comme des sœurs, unies face à l’adversité et ça ne me laisse pas indifférent, voilà pourquoi je te donne une chance de m’aider à résoudre cette énigme de bon gré. »

« Mais c’est ridicule, je peux vous assurer que vous vous faîtes des idées ! C’est surement ces mégères qui ne cessent de cracher des mensonges derrière notre dos ! »

« Manon … silence. »

Le ton autoritaire, cassant, la foudroya sur place. Tout au plus se permit-elle de déglutir bruyamment en jouant nerveusement avec les pans de sa robe, incapable de briser le contact visuel avec l’homme de foi. Soupirant, ce dernier croisa des bras sur son torse en regardant le plancher d’un air blasé.

« J’ai trouvé dans ta chambre un flocon au contenu douteux. Cet objet seul peut te valoir un interrogatoire très peu agréable dans les geôles. Quand vas-tu saisir que je t’offre mon aide ? Mes ordres sont de capturer une sorcière, si je n’arrive pas à en trouver une, alors une complice potentielle ou quelqu’un détenant un objet à la nature suspecte peut très bien satisfaire le bûcher, mais je ne veux pas jouer le rôle du monstre, pas cette fois. Réponds à mes questions ici, dans la sécurité de la Balsamine et entre nous, ce sera toujours mieux qu’enchaînée et livrée au tortionnaire. Je serais juste, si tu es innocente alors tu n’as rien à craindre de moi. »

Avec une lenteur calculée, il tendit sa main en direction de la fille de joie, cette dernière le regardant toujours avec ce mélange de peur, de méfiance et d’impuissance. S’efforçant de sourire avec une douceur paternelle, il murmura sur le ton le plus amical qu’il pouvait produire :

« Laissez-moi vous aider, toi et tes sœurs. »

Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 Candles_by_lewdtea-da5ioh0

Combien de temps s’était écoulé dans cette chambre ? Les clients les plus curieux et attentifs penseraient que la jeune blonde devait faire découvrir toutes les merveilles et acrobaties à son partenaire, les laissant dubitatifs quant à la capacité de cette dernière à les satisfaire par la suite. Qui penserait qu’une discussion lourde de conséquences se déroulait sous leur tête, dans une maison close qui plus est ?

Finalement, la forme de Cesare apparut, descendant avec précipitation les escaliers sans pour autant alarmer les habitués qui riaient de bon cœur avec leur compagnie privilégiée. Le prêtre semblait dans tous ses états, cachant difficilement l’excitation visible sur son visage aux joues rouges. L’on croirait qu’il avait eu la plus intense aventure intime, sauf pour ceux qui le connaissaient vraiment. Repérant Ombeline dans un coin, un signe de tête quelque peu exagéré la somma de le rejoindre dehors, tandis qu’il rabattait sa cape au-dessus de sa tête en quittant les lieux à grandes enjambées.

Dépassant la portière, il avança encore d’avantage, s’éloignant rapidement mais pas trop afin de laisser la brune le rejoindre avec son rythme propre à elle. Quand il fut convaincu qu’ils étaient à l’abris des regards et oreilles indiscrètes, il se retourna et saisit les épaules de sa partenaire avec fermeté, ses yeux brûlant d’une flamme nouvelle.

« Tout est clair maintenant, Ombeline, tout est clair ! Quelle histoire, quelle tortueuse et complexe suite d’événements … oh, que les Divins sont sages et puissants pour nous avoir guidé sur ce chemin ténébreux jusqu’à la vérité ultime. Loués soient-ils, loués soient-ils. »

Constatant qu’il emprisonnait un peu trop fort la fleur-de-trottoir entre ses doigts, il la relâcha avec gêne, frottant ses mains les unes contre les autres comme pour contenir une marée d’émotions qui traversaient son corps jusqu’à en faire dresser ses cheveux.

« Ton amie est une incorrigible kleptomane, mais son petit péché nous a révélé de précieuses informations. Manon dit qu’elle avait été payée par l’héritier de Blanchemuraille pour une nuit dans son manoir à l’insu de son vieux père, mais que ce dernier tarda à la rejoindre dans sa chambre au moment de … tu sais quoi. Il se trouve que ton amie a vraiment une curiosité maladive, car elle est allée fouiner dans les parages avant de surprendre le jeune seigneur à échanger avec une mystérieuse dame transportant un vaste attirail de potions dans une besace. Elle l’a aussi vu boire une des fioles offertes par la femme avant qu’elle ne s’éclipse. Un aphrodisiaque, d’après ce qu’elle avait entendu. Il se pourrait bien que ce soit cette potion qui ait causé la folie du châtelain. Quant au petit flacon, elle dit l’avoir gardé lorsque son client la congédia sur une saute d’humeur anormale. »

Epuisé par sa tirade, il reprit longuement son souffle, ses yeux clignant à plusieurs reprises comme pour apaiser le tambourinement furieux de son cœur. L’excitation de la chasse, la promesse d’une victoire éclatante du bien contre le mal … c’était un sentiment qui électrifiait chaque parcelle de peau du clerc. On aurait presque dit un enfant débordant d’énergie, si on mettait de côté l’implication morbide de sa satisfaction.

« J’ai bien sûr conseillé à Manon de détruire sa trouvaille, mais une chose est sûre : je suis maintenant sûr une nouvelle piste qui innocente totalement la Balsamine. J’ai peur qu’il ne s’agisse encore d’un de ces odieux jeux d’intrigues et de complots si caractéristiques de l’Esplanade, un territoire dangereux. Quelque chose de plus vicieux et obscur se trame dans l’ombre … mais sois rassurée : tu ne crains plus rien, ni toi ni tes amies. Je t’en donne ma parole, d’autant que j’ai convaincu Manon que je t’ai obligé à coopérer sous la menace. Elle ne t’en voudra pas, quitte à ce que ma réputation de monstre sans cœur persiste. Un maigre prix à payer pour ta sécurité. »

Confus par cette dernière phrase, il rougit et se rattrapa après un toussotement gêné, détournant le regard vers un vol imaginaire d’oiseaux.

« Que Marbrume soit en sécurité, je veux dire. »
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OmbelineProstituée
Ombeline



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyJeu 10 Déc 2020 - 17:46
Un plateau dans les mains, Ombeline faisait mine de faire le service en attendant de percevoir le bruit caractéristique de l'escalier pour savoir qui des deux descendrait en premier. Au moins il n'y avait pas eu d'éclats de voix ou de porte ouverte à la volée, aussi supposait-elle que tout se passait bien. Cesare semblait sincère lorsqu'il promettait de faire tout son possible pour la préserver et ne pas nuire à l'établissement, mais elle savait trop bien comme le tempérament du prêtre pouvait lui jouer des tours. Tant que lui et Manon restaient cordiaux, tout devrait bien se passer... en principe.

Le grincement du bois (la troisième marche de l'escalier en partant du haut) fit lever le nez à la jeune femme et elle devina une silhouette en train de descendre. La couleur et la taille ne correspondaient pas à son amie, aussi devina-t-elle qu'il s'agissait de l'ascète. Ce dernier traversa avec un certain empressement et elle crut le voir regarder dans sa direction, mais n'aurait pu en jurer. Maudits yeux qui n'y voyaient rien ! Le prêtre ne s'arrêta pas pour l'attendre et ne vint pas à sa rencontre, prenant immédiatement la porte. Au sommet des escaliers, la silhouette de Manon cette fois fit son apparition.
Que s'était-il donc passé à l'étage ? Le prêtre avait-il toutes les informations nécessaires ? Allait-il finalement dénoncer la Balsamine pour abriter des sorcières ou tout cela n'était-il qu'un malentendu ? La blonde descendit à son tour, avec moins de précipitation, et vint immédiatement trouver Ombeline. La prenant doucement par l'avant-bras, elle lui murmura à l'oreille :

Vas-y, je te remplace. Il faudra qu'on parle, toi et moi.

La brunette haussa les sourcils mais accepta le remplacement, trop heureuse d'avoir une excuse pour s'enquérir de ce qu'il se passait. Cesare devait être encore dans les parages, ne serait-ce que pour se changer de nouveau. C'était l'occasion de le rattraper et de lui demander comment s'était passé l'interrogatoire. Au moins Manon ne semblait pas particulièrement en colère, peut-être un peu inquiète mais ses mots ne sonnaient pas comme une menace.
L'aveugle lui serra brièvement la main en retour et disparut en cuisine pour ne pas avoir à sortir par la porte principale. Elle pouvait faire le tour, ce serait plus discret. Profitant que Dom soit occupé au comptoir, elle traversa la cuisine en quelques enjambées et se faufila par la porte donnant sur l'arrière-cours. Personne ne l'attendait dans l'embrasure de la porte cochère aussi poussa-t-elle jusqu'à la ruelle pour essayer d'apercevoir l'homme de foi qu'elle cherchait. Une forme dans l'ombre un porche s'avança et elle reconnut à la voix le prêtre. Il l'avait donc attendue, tant mieux. Ç'aurait été vexant d'être laissée dans l'ignorance après tout ce qu'elle avait fait pour lui.

Ensemble ils descendirent un peu la ruelle et s'arrêtèrent dans une petite cours déserte où traînaient quelques tonneaux vide et des caisses depuis longtemps inutilisables. La jeune femme allait demander ce qu'il s'était passé, impatiente de connaître le fin mot de l'histoire, lorsque ce fut Cesare qui prit les devant en lui saisissant les épaules avec beaucoup d'enthousiasme. L'espace d'un très bref instant, une myriade de scénarios plutôt osés traversèrent l'esprit de la donzelle, qui musela bien vite sa propre imagination pour accorder à son partenaire l'attention qu'il méritait.
Ce dernier semblait transporté de bonheur et loua un instant les dieux avant de reprendre un peu contenance et de lui expliquer plus en détail l'affaire : Manon aurait été invitée chez un noble qui, comme beaucoup d'habitants de l'Esplanade, préférait faire venir les filles chez lui pour rester discret. Et cette greluche n'avait rien trouvé de mieux à faire que de chiper quelque chose chez lui ! Non mais quelle idiote... Peut-être que cette mésaventure la dissuaderait de chaparder à l'avenir. La réputation de la Balsamine serait à jamais détruite si la noblesse commençait à se plaindre que les filles de là-bas étaient des voleuses. Mais puisque cela avait servi à retrouver un potentiel coupable, alors tant mieux.

Je suis tellement soulagée, admit la jeune femme avec un soupir, la main sur le cœur. Je ne sais pas comment j'aurais réagi s'il s'était avéré que Manon soit une véritable sorcière. Merci de lui avoir parlé et de l'avoir ménagée.

Le prêtre lui assura également qu'il avait couvert ses arrières en prétextant avoir proféré des menaces pour avoir de l'aide, aussi la jeune femme avait-elle effectivement de bonnes chances de se racheter envers son amie. Ce n'était peut-être rien, mais à ses yeux il était important qu'on ne la considère pas comme une traîtresse parmi les filles.
Ses joues prirent une jolie teinte rose soutenu lorsque Cesare tenta un peu trop tard de rattraper ses mots et elle s'en voulut de prendre tant à cœur ce qui n'était probablement qu'un élan de bonté amicale. C'était bien trop dangereux de se monter le bourrichon en se basant sur quelques mots, elle le savait, mais c'était plus fort qu'elle. Malgré tout, elle lui prit le poignet à deux mains pour le monter à hauteur de son visage et posa sa joue contre sa paume. Il avait déjà le bout des doigts un peu froid, il fallait qu'il se dépêche de se remettre en route avant d'attraper un mal quelconque. L'hiver approchait trop vite cette année.

Merci pour tout, Cesare. Tu as réussi à épargner la Balsamine et même à m'épargner une dispute désagréable. Je suis contente de savoir la vérité.

Une voix rauque résonna alors dans la ruelle : Dom appelait Ombeline à plein poumons la sommant de rentrer sans tarder, où qu'elle se cache. On avait certainement remarqué son inactivité un peu trop longue et si tout le monde était plutôt complaisant, il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin. Il y avait du travail et elle n'avait pas à bayer aux corneilles.

Ah, je crois que c'est la fin de mon rôle d'enquêtrice... soupira-t-elle avec un sourire. Prends soin de toi dans tes recherches, ne vas pas t'attirer les foudres d'une sorcière, d'accord ? Et reviens me voir plus souvent.

Avec un petit air malicieux, elle déposa un baiser dans l'intérieur du poignet de son partenaire et s'enfuit avec un signe de la main. Ce n'était pas très respectueux de projeter ses désirs sur un homme de foi, les Trois finirait par la punir si elle ne prenait pas garde. Elle aurait tout le temps de demander pardon le soir même pendant sa prière.
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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] - Page 2 EmptyLun 14 Déc 2020 - 11:25
« … attends ! »

Trop tard. La capricieuse brune s’était déjà éloignée, répondant à l’appel de ses bergers. Son hésitation l’avait empêché de prononcer ne serait-ce qu’un mot quand elle s’était emparée de sa main. Il n’avait pas ressenti cette détestable et déroutante promiscuité qu’il abhorrait de par son dogme inflexible, mais quelque chose de plus doux et tendre. Elle lui rappelait des souvenirs si lointains et enfouis dans son cœur qu’il se sentit vivre dans une bulle onéreuse où l’espace et le temps n’avaient aucune emprise sur lui.

La main qu’il avait maladroitement tendu en direction d’Ombeline resta suspendue en l’air, comme dans l’espoir que par ce geste même la jeune fleur de trottoir serait rappelée à lui et reprendrait sa main glacée entre ses doigts chauds, soyeux, réconfortants.

La rabattant enfin contre lui, il ne put s’empêcher de parcourir avec un air béat la pulpe de son pouce sur la parcelle de peau qui avait accueilli les lèvres de la fille de joie. Ses pensées s’étaient alors éloignées du bourbier qu’était sa tumultueuse chasse aux viles matriarches, de la peur qu’il avait porté comme un fardeau tout au long de cette macabre enquête, des précieux indices qu’il désirait partager avec l’inquisiteur Volkmar pour obtenir cette précieuse reconnaissance tant envers ses supérieurs ecclésiastiques qu’envers ses divins protecteurs. Pour la première fois, il semblait que son cœur s’ouvrait vers une autre terre fertile que celle de son sacerdoce, qu’il se languissait sans l’admettre d’une chose nouvelle qu’il avait réprouvé à la frustration au fond de son être.

Il ne la quitta pas des yeux, du moins il ne voulait pas rompre le contact visuel jusqu’à ce que sa silhouette furtive s’engouffre dans cet hôtel de la luxure. Elle devait retourner travailler, avait-elle dit. Travailler. L’ascète se pinça les lèvres avec intensité, se souciant peu de la douleur éprouvée par sa chair sous l’ivoire de sa dentition. D’habitude, il mépriserait avec dégoût son acharnement à cette tâche que d’autres jugeaient comme une pièce d’un vaste puzzle qu’était la vie sociale, mais ce n’était pas ça qui avivait une sorte d’aigreur et de colère au goût amer dans sa bouche. L’imaginer dans d’autres bras, avec quelqu’un d’autre, lui donna un frisson glacé dans l’échine qui n’avait rien à voir avec la température pourtant mordante de la cité portuaire.

« … » Le pratiquant sentit ses doigts s’engourdir et il les leva à hauteur de ses yeux ambrés, constatant que les articulations de ses phalanges avaient pris une teinte plus pâle qu’un mort. L’homme de foi ne s’était pas rendu compte qu’il avait serré des poings tandis que son imagination s’était aventurée sur un terrain bien trop indécent pour un fidèle de la Trinité.

Eberlué par les réactions de son propre corps trahissant les réflexions passionnées de son cœur au détriment de l’indignation de son esprit dogmatique, Cesare leva la tête vers le ciel comme à la recherche d’une réponse, d’un signe. La mer grisâtre et nuageuse ne lui conféra aucun motif mystique, seulement la caresse d’un vent glacial. Le prêtre frissonna et rebroussa chemin, traînant des pieds comme si une chaîne invisible le retenait de s’éloigner de la Balsamine, de cette demeure maudite et malsaine qui, pourtant, enfermait quelque chose que le clerc considérait désormais comme précieuse.

À son retour au Temple sacré, sous le couvert bienveillant de son immense toit et sous le regard bienveillant de la statue des Trois, on le verra assis seul, comme à son habitude. Les frères et sœurs les plus attentifs, en revanche, remarqueraient cette légère, très subtile différence dans sa position naturelle. Nul collier de prières, nul parchemin pour y inscrire des versets à l’eau divine fraîchement conçue, nul reliquaire à astiquer fébrilement. Ses mains n’étaient pas jointes en prière, mais l’une d’elles continuait à parcourir son poignet tandis que le regard du prêtre se portait au-delà de la figure des Trois, vers d’autres mondes inconnus jusqu’à ce jour à lui.

Un premier pas vers un monde nouveau.
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