Nom : La va-nu-pieds

Prénom : Caela

Age : 19 ans

Sexe : Féminin

Situation : Célibataire

Rang : Peuple

Lieu de vie : Le Goulot

Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs : (voir topic Système Rp & Xp - Carrières)
Carrière du voleur, Rang 1
+ 1 END +1 HAB +2 INT

Compétences et objets choisis : (voir topic Système Rp & Xp - Compétences)
+1 Survie en milieu hostile / +1 Vol à la tire / +1 Bas Fond / +1 Empathie animale
– Chat : Maggritte
– Un coutelât à la lame ébréchée
– Une tunique assortie d’un pantalon en toile déchirée
– Un petit médaillon avec une gravure qu’elle ne sait pas lire

Le reflet d’une flaque d’eau glauque lui renvoyait l’image qui la rebutait le plus au monde : son visage. Ses trais émaciés, presque rendus invisibles par la fine pellicule de crasse qu’elle entretenait minutieusement, s’étaient figés en un masque de dégoût. Le liquide boueux ne rendait pas justice à la beauté de ses yeux gris rendus brillants par la colère de s’être arrêtée, ne serait-ce qu’un instant. Son pied nu, recouvert de fange, écrasa rageusement ce tableau peu reluisant.

Propulsée par un instinct de survie plus fort que tout, la jeune femme se mit à marcher d’un pas rapide, la tête baissée et le visage caché par une chevelure noire indisciplinée. Ses vêtements déchirés cachaient mal les cruautés que la faim avait infligées à son corps juvénile si chétif. Le regard vif, et sans jamais ralentir, Caela se faufilait à vive allure le long des caniveaux malodorants de Labourg. Quand la cacophonie des chasseurs de garces, ces braillards bouffis de vin et aux poches vides, s’élevait des recoins sombres de la ville, sa démarche se faisait alors boiteuse. Même les violeurs n’avaient pas envie de trop s’approcher de cette créature malodorante, habillée de guenilles et si sale qu’on avait souvent du mal à la distinguer dans la fumée épaisse vomie par les bûchers. Ce ne fut qu’une fois confortablement installée dans la cachette miteuse qu’elle appelait « maison », qu’elle consentit enfin à se redresser de toute sa hauteur, et à desserrer ses poings aux ongles fendillés.

– Tu sais Magritte, tu devais apprendre à plus me respecter, lâcha Caela en caressant doucement le pelage miteux du chat sur ses genoux. Après tout, c’est à moi que tu dois ta pitance.

L’animal miaula nonchalamment avant de se tourner de sorte à lui présenter son arrière-train.

– Ignore-moi, tiens ! Tu as bien raison. Comme on dit : « rien ne définit plus un homme que le chat qui accepte sa caresse ». Nous sommes les mêmes, toi et moi. Farouche, aussi prompt à la fuite qu’à sortir les griffes en cas de danger. De toute façon, même les dieux nous ont abandonné… Chut il ne faut pas qu’ils nous entendent.

Son seul ami se mit à lui lécher les doigts, comme pour lui signifier son accord.

– Mon père disait toujours qu’on ne pouvait me faire confiance, que j’avais la rage au fond des yeux et la violence ancrée dans le cœur. Il avait raison tu sais, mais il est mort lui. Pas moi… Pas nous. Je t’ai vu tu sais, jouer avec cette corneille, avant de la tuer. Moi aussi je pourrais tuer s’il le fallait. Je ne suis pas bien forte, mais je suis rapide et j’ai de l’astuce !

La boule de poil, énervée que sa maîtresse se soit perdue dans ses délires humains, lui mordit les doigts. Caela, un sourire attendrit aux lèvres, écouta l’injonction silencieuse et se remit à la tâche délicate des caresses affectueuses.

– De toute manière, personne ne se soucie de moi désormais. C’est très bien ainsi. Comme je le dis toujours « si on ne te regarde pas, qu’on ne te remarque et qu’on ne t’attrape pas, alors tu survivras ». Oui, je sais que ce n’est pas très poétique ! Et alors Maggrite ? Oh ! Ne t’énerve donc pas, cajola-t-elle l’animal en l’attrapant avant de coller son front au sien. Tu es mon seul ami. Tu le sais, ça ? Je n’ai besoin de personne, je ne me sens pas seule !

Sa voix étranglée ne parut pas déranger le chat, qui se contenta de lécher en ronronnant les larmes qui dévalaient les joues crasseuses de sa maîtresse.

La lumière doucereuse du soleil couchant réchauffait le visage détendu de Caela. Perchée sur l’un des rares toits solides du Goulot, elle attendait son bienfaiteur. Son esprit souvent dans les méandres de ses propres souvenirs à cette occasion. Comme si son cerveau avait besoin de revivre toute son histoire pour se préparer à raconter celle des autres. Ses doigts aux ongles fendillés tournaient lentement sur la surface luisante de son médaillon.

Invariablement, lui revenaient en mémoire les premières remembrances de leur arrivée en ville. Son père et elle n’y avaient pas toujours vécu , préférant aux murs de Marbrume les forêts et les fermes. La nostalgie lui serrait le cœur, quand les réminiscences de cette enfance pleine de rires, d’embrassades et d’air pur lui envahissaient l’esprit. Son géniteur, alors braconnier, lui apprenait d’une voix douce les rudiments du maniement du couteau, jouait à toute sorte de frivolités en sa compagnie… Que tout cela lui paraissait loin désormais…

Le jour du départ pour la ville, tout avait basculé. En toute hâte, son père avait rempli ses fontes de leurs maigres possessions avant de l’attraper, sans mot lui dire, pour l’entraîner en direction de cette maudite cité. Il ne lui avait jamais expliqué la raison de leur fuite. Elle se rappelait ses yeux rouges hagards, de la prise ferme sur son bras qui lui avait laissé de grosses marques, qui lui semblait encore sentir par moment. Leur nouvelle vie s'était parée des couleurs bariolées et malodorantes du quartier Est, de son port bourdonnant d’activité et de son écheveau de maisons entassées les unes sur les autres. Si Caela avait eu l’impression d’étouffer dans cette immensité labyrinthique son père, lui, s’était laissé mourir à petit feu. Bien peu de gens étaient prêts à donner du travail à un étranger, et encore moins un étranger que la nostalgie des jours meilleurs avait rendu alcoolique. Les fangeux n’avaient rien arrangé à leur situation, apportant avec eux la peur, les réfugiés et bien plus de méfiance envers les allochtones qu’ils étaient.

La terreur inspirée par les fangeux s’était infiltrée au plus profond des esprits de tous, brisant celui de son paternel en un millier d’éclats pointus qui venaient souvent lui griffer l’âme. L’enfant qu’elle avait été cauchemardait sur les monstres au-delà des murs de la ville, et sur celui qui vivait sous son toit. Ne trouvant ni travail, ni repos, son père s’était réfugié dans la violence, l’alcool et les filles de joie. Pour payer ses travers, ils avaient dû déménager au quartier du Labourg. Si le gibier avait changé de nature, l’habileté de son géniteur, elle, n’avait rien perdu de son doigté, leur permettant de manger à leur faim. Leurs jeux rieurs avaient vite laissé place aux crises de colère fracassantes. Son assassin de père n’avait cependant jamais arrêté de lui dispenser ses leçons du maniement de couteau. Jamais il n’aurait raté une occasion pour la rosser en lui martelant des proverbes inventés selon son inspiration du moment.

Caela ferma les yeux, tant la douleur que lui suscitaient ces souvenirs lui faisait mal à la poitrine. Elle se recroquevilla, les bras serrés en étaux contre ses jambes repliées. D’une voix étranglée, elle marmonna une prière à l’intention d’Anür pour un futur meilleur que son passé. Au plus profond de son cœur, elle ajouta une supplique à l'adresse de Rikni qu’elle préférait depuis toujours. Un travers que son paternel lui avait appris à taire à coup de taloche. La jeune femme savait bien que les fangeux n’existaient que pour leur rappeler l’ire d’Anür face à leurs âmes pécheresses. La vision de son père déchiré par un monstre lors du couronnement funeste lui hantait encore l’esprit. Ce fameux 1er mai, le peuple avait gagné un roi, et elle avait perdu l'unique personne pour qui elle n’eut jamais compté. La morsure de la faim tiraillait aujourd’hui son corps plus que les coups de son père défunt, qu’elle en arrivait presque à regretter. Depuis sa mort, seul un instinct de survie plus fort que tout lui avait permis de survivre, d’apprendre à connaître les coins les plus mal famés de la ville sans jamais s’y égarer. Pourtant Caela en était sûr, sans l’apparition de son bienfaiteur dans sa vie, sa carcasse aurait déjà servi de boustifaille aux cannibales du Goulot.

Le bruit ténu d’un homme escaladant la bicoque voisine la fit sursauter. Son bienfaiteur était là. Un léger sourire effleura ses lèvres sèches tandis que le souvenir de la première rencontre avec son employeur mystérieux se jouait dans son esprit.

Cette rencontre décisive n’avait pourtant pas commencé sous les meilleurs auspices. Caela, aussi affamée que désespérée, avait initialement compté sur la mort de celui-ci, salivant à l’idée de dépouiller son cadavre de ses derniers biens. La gamine du Goulot, aux oreilles toujours grandes ouvertes, avait entendu les plans meurtriers de quelques malandrins, et s’était précipitée vers la scène d’un crime qui ne l’intéressait que trop. Aujourd’hui encore, elle ne savait comment son bienfaiteur avait réussi à la coincer dans une ruelle, avant de lui faire déballer tout ce qu’elle savait à propos de son futur assassinat. Si les gestes du condamné avaient été maladroits, sa langue et ses paroles aiguisées avaient bien vite délié celle de la jeune femme. Il y avait gagné la vie sauve, et elle quelques sous, un médaillon brillant, ainsi que la promesse d’autres récompenses si elle trouvait d’autres informations croustillantes à lui fournir.

Fidèle à sa parole, son nouvel employeur s’était mis en quête de la dénicher dans les venelles brumeuses du Goulot pour lui soutirer d’autres nouvelles. Tous les sujets semblaient être à son goût, mais il ne la payait que s’il trouvait un intérêt à ses pérégrinations. Caela ne savait jamais ce qui allait lui rapporter pitance, les humeurs sombres de son employeur ne lui apportant jamais aucune réponse. Pourtant, elle attendait avec impatience ses visites, toujours plus avide de plaire à celui à qui elle devait tant de repas.