Marbrume


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 Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux

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MessageSujet: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptySam 11 Avr 2020 - 23:14
« N’oublie pas, gamine, une grosse fiole bleue qui sent la cannelle ! Comment ça, tu ne sais pas ce que sent la cannelle ? La cannelle, ça sent... Ça sent bon ! Une grosse fiole bleue qui sent bon ! Dessus il y a sûrement le dessin d’un cheval... vigoureux ! Tu me ramènes ça et je te promets une grosse tranche de pain épaisse beurrée au saindoux avec un peu de miel ! Bon... bon... et deux sous. »

Caela se baladait depuis maintenant deux bonnes heures sur les avenues aussi animées que colorées de la Hanse. Les yeux grands écarquillés, la jeune femme se glissait entre différents étals aux effets hypnotisant. Ici, tout lui paraissait éclatant de nouveauté et bourdonnant d’animation. Pourtant, les rayons du soleil commençaient à se faire rares, laissant la place à une lune discrète.

« La devanture ne ressemble à rien. Une espèce de nain coincée entre deux géants clinquants. Pourtant, je te jure ! Même chez ses voisins joaillier et tailleurs il n’existe d’aussi beaux trésors que chez l’apothicaire fou ! Son vieil oncle était excellent, et lui-même n’est pas mauvais… juste différent. »


Ah ! C’était bon « Melville et fils ». La jeune femme l’avait retrouvé ! D’un rapide geste générique, elle attacha ses cheveux encore humides de sa dernière trempette avec un vieux morceau de cordage. Pour l’occasion, la mendiante s’était frotté et avait élimé un peu plus ses vieux vêtements pour leur faire perdre leur odeur détestable. Elle n’avait toujours pas figure humaine, mais au moins son odeur ne la ferait pas remarquer. C’était toujours un plus quand on voulait s’infiltrer dans un lieu inconnu.

La clochette qui tinta quand elle entra dans le magasin la fit grimacer. Ses yeux s’écarquillèrent quand elle sentit entre ses pieds nus la caresse du passage de Magritte. Son chat à la fourrure éparse accompagné d’une énorme cicatrice sur le museau se faufilait désormais entre les étagères d’un magasin labyrinthique désert.

– Revient Magritte ! chuchota-t-elle en se baissant rapidement. Petite fiole bleue, petite fiole bleue…

Des fioles, il y en avait des tonnes : de toutes les formes, de toutes les couleurs et aux odeurs aussi bizarres qu’entêtantes. Caela se glissa entre deux étagères presque collées l’une à l’autre. Un craquement sonore, suivi d’un miaulement glaçant, la fit soupirer, et aucune trace de foutu canasson.

– Magritte… Saleté de chat galeux !
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Lysandre EzlemondApothicaire
Lysandre Ezlemond



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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyDim 12 Avr 2020 - 0:18
Lysandre s’affairait dans l’arrière-boutique depuis bientôt six heures maintenant. Une demande un peu particulière d’un client l’avait tenu occupé tout l’après-midi. Malheureusement, il avait beau lire et relire les carnets de feu Palmidor, aucune solution ne lui apparaissait avec clarté. S’il avait eu des racines de Yohimbe, Lysandre était certain qu’il aurait déjà terminé la mixture depuis longtemps, mais là était la difficulté du jour ; cette étagère était vide.

Plongé dans les notes de son oncle, il tourna page après page après page, avant de refermer d’un coup sec le vieux journal. Le pauvre apothicaire passa ses doigts sur ses tempes qu’il entreprit de masser doucement.

— Un problème sans solution est un problème mal posé, lui aurait soufflé Palmidor.

— Le vieux Grégory m’a demandé un remède pour l’aider avec sa femme. Comment faire sans racine ? interrogea Lysandre à voix haute, bien que personne ne puisse l’entendre.

Il n’avait accueilli aucun client de toute la journée, mais le calme ne le dérangeait pas en soi. Les affaires marchaient toujours mieux durant certaines périodes et Lysandre appréciait la tranquillité de sa petite boutique. Les parfums des plantes séchées qui pendaient sur les murs, les couleurs variées des racines rangées dans les étagères en bois, la vue de centaines de fioles alignées le long de la vitrine, tout ce désordre ambulant faisait partie de sa vie depuis de longues années.

Lysandre se mit à faire les cents pas le long de son atelier, où s’alignaient autant d’instruments de mesure que de d’appareils aux diverses utilités. La moitié lui servait uniquement lors de commandes spéciales, mais il avait appris à les choyer comme s’il s’agissait de ses propres enfants. Lorsqu’il amorça un nouveau demi-tour, l’apothicaire faillit marcher sur la queue d’un chat aussi laid qu’il était maigre.

— Tu n’es pas très beau, toi, dit-il en guise de présentation. D’où viens-tu ? Est-ce Palmidor qui t’envoie m’aider ? Pourrais-tu lui transmettre un message de ma part s’il te plait ?

Alors qu’il conversait avec le chat, Lysandre perçut un murmure dans la boutique et inclina la tête devant l’animal à l’allure de cadavre.

— Je dois te laisser, chat, les clients passent en priorité. Mais que suis-je bête, rit-il en secouant la tête, Palmidor a dû mentionner cette règle avant de te faire venir ici.

Le jeune homme enjamba le messager de son oncle puis disparut dans la pièce adjacente sans se départir de son sourire amusé. Toutefois, lorsqu’il referma la porte derrière lui, il ne repéra personne devant le comptoir. La clochette au-dessus de la porte avait-elle sonné ? Il jeta un coup d’oeil en direction du chat qui miaulait à ses pieds, mais il ne comprenait pas le langage animal et s’excusa du regard. Puis, Lysandre avança entre chaque rayon surplombé de mixtures, d’onguents ou de solutions en tout genre. Au détour d’une étagère, il repéra un petit pot de miel et sursauta :

— Mais bien sûr ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt. Oh, bonsoir.

Lysandre s’arrêta devant une jeune femme qui aurait bien eu besoin d’un bon repas, semblant pester dans ses haillons en lambeaux. Elle n’avait pas l’allure de ses clients habituels, certes, mais la jeune pouilleuse dégageait une aura plus assurée que la plupart des personnes qu’il côtoyait au quotidien. Donc peu. Lui-même doutait d’avoir cette lueur farouche dans le regard, sauf lorsqu’il s’agissait de remplir une commande. Dans ces cas-là, rien ne l’arrêtait. Il tendit donc la main vers le pot de miel, sans détacher son regard de la jeune femme.

— Je suis à vous dans une minute.

Lysandre pivota sur les talons, puis regagna le comptoir. Il déposa son pot de miel et récupéra un mortier dans lequel il écrasa un peu de gingembre. Concentré sur sa tâche, il ajouta une cuillère de miel ainsi qu’une pincée de sel de mer. Enfin, il transvasa le tout dans une fiole bleutée qu’il scella d’un bouchon de cire de la même couleur.

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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyDim 12 Avr 2020 - 1:26
Caela entendit des bruits indistincts émerger de la pièce adjacente. Les miaulements rauques de Magritte lui firent dresser l’oreille un peu plus encore. Il suivait un homme qui semblait étrangement lui répondre. Ce devait être le fou. Il avait la réputation de plus souvent s'adresser aux morts, et aux fantômes qui peuplaient sa tête, qu’à ses clients faits de chair et de sang.

Se sentant bien trop exposée, la voleuse en herbe se mit à chercher frénétiquement la fameuse fiole bleue du regard. D’un geste précipité, elle s’accroupit pour se faire plus petite et observer les rangées les plus basses. Des boîtes orange qui puaient le purin, des boules vertes qui sentaient la viande cuite, des paquets en papiers qui ne sentaient rien du tout. De rage, la jeune femme attrapa une petite bouteille entre les mains, prête a…

– Mais bien sûr ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt. Oh, bonsoir.

Caela se figea en un instant sous le regard lunaire du commerçant. Point de dégoût, ou même d’étonnement dans ses prunelles brillantes. En fait, elle n’y lisait rien. Accroupie, une fiole serrée dans son poing levé au-dessus de la tête, la jeune femme serra les dents, prête à fuir au moindre signe de violence de la part de l’inconnu.

– Je suis à vous dans une minute.


Il ne l’avait pas quitté des yeux en parlant, et se retourna le plus naturellement du monde pour rejoindre son comptoir. Caela pencha la tête et laissa tomber son poing mollement, la fiole glissant d’entre ses doigts rendus mous par la surprise. Cela lui arrivait-il souvent d’avoir ce type de client ? Caela se redressa avant de s’élancer en direction du drôle de bonhomme.

– C’est… C’est une fiole bleue que… murmura-t-elle en avisant ce que tenait entre les mains l’apothicaire.


La jeune femme ne semblait pas être la seule à avoir remarqué la dernière création du marchand. Magritte lui aussi s’y intéressait de près, le corps ronronnant sur la surface en bois polis du comptoir. Le matou se lécha la patte, avant de donner un coup de tête sur la main de l’illuminé d’un air agacé. Caela ne connaissait que trop bien les humeurs de son ami félin, aussi s’approcha-t-elle doucement, le teint pâle.

– Magritte viens ici tout de suite ! Vilain matou, laisse le gentil marchand et ses amis tranquilles ! Ne t’avise surtout pas de toucher cette…


Sourd à ses injonctions, la bête mordit sauvagement la main de l’apothicaire avant d’attraper entre ses dents le bout de la fiole si précieuse et de s’échapper dans les profondeurs du magasin. Folle de rage, la jeune femme vit la tranche de pain beurrée de saindoux s’envoler en même temps que le chat disparaître.

– C’est malin ça ! s’exclama-t-elle en direction du marchand. Et on fait comment maintenant ? Hein ? Sire je-parle-tout-seul ! Dire que j’allais enfin pouvoir me mettre quelque chose sous la dent ! Je vais finir par le bouffer ce fichu chat, marmonna-t-elle en s’avançant d’un pas rageur vers l’endroit où s’était précipité Magritte. Bon, vous comptez venir ou pas ? Vous savez ou un chat grognon et jaloux pourrait se réfugier dans ce bazar ?


Dernière édition par Caela le Dim 12 Avr 2020 - 21:57, édité 1 fois
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Lysandre EzlemondApothicaire
Lysandre Ezlemond



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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyDim 12 Avr 2020 - 3:00
La main de la jeune étrangère retomba mollement le long de son flanc. Lysandre vit briller dans son poing décharné l’éclat d’une fiole et plissa les paupières pour essayer d’en déterminer le contenu. La couleur rose du liquide le fit pousser un soupir de soulagement ; rien qui ne l’inquiéta outre mesure. Certes, elle risquait de voir apparaitre une dermatose si le flacon venait à la briser, mais il soupçonnait un brin de bon sens sous son allure de pauvresse.

— C’est… C’est une fiole bleue que…

— Oui, la couleur est bleue, mais la concoction à l’intérieur est jaune et celle dans votre main est rose, confirma ironiquement l’apothicaire. Souhaitez-vous passer aux autres cou…

Sa cliente étrange sans demande particulière poussa un cri qui fit sursauter Lysandre et le coupa dans son énonciation.

— Magritte vient ici tout de suite…

Il n’aimait pas les bruits vifs et ne put retenir une grimace. Durant les secondes suivantes, il se vit paralysé par la peur, incapable de passer outre la vision des corps meurtris qui s’affichaient sur ses rétines. Une lueur de folie se glissa dans son regard, mais par chance - ou non -, la morsure du chat le ramena à la réalité avant que les fantômes de son passé ne prennent le pas sur sa raison.

— Par les Dieux, que lui prend-il donc ! Détachez-le ! Détachez-le !

Il secoua vivement sa main tandis que la pauvresse continuait de pousser des cris dignes d’une nuée d’oies sauvages qui ne semblaient avoir aucun effet sur l’animal rebelle. Une secousse plus puissante de l’apothicaire et le chat lâcha enfin sa main au profit de la fiole qu’il venait tout juste de concocter. Les yeux de Lysandre s’écarquillèrent de désespoir, il avait passé toute la journée pour trouver la solution à son problème. Il était hors de question que le messager de Palmidor la lui vole.

— Si le bouchon cède, il y aura une portée de chatons au printemps…

Face à la douleur dans sa paume, Lysandre ne fit pas attention à sa cliente. Il l’entendait encore vociférer, mais elle avait de nouveau disparue. Malgré le boucan que ses deux invités faisaient, il prit le temps de panser sa plaie. Cette dernière n’était pas profonde, toutefois, il n’avait pas l’habitude de servir de repas pour un chat qui n’avait aucune dignité.

— Si tu voulais me donner une leçon, marmonna-t-il à l’intention de Palmidor, celle-ci n’est guère agréable… Mademoiselle, ne touchez pas cette étagère… Non !

Trop tard, le bond qu’elle fit en direction du messager fit vaciller une tablette de bois et Lysandre assista, impuissant, à la destruction de trois fioles.

—Dire que j’allais enfin pouvoir me mettre quelque chose sous la dent ! Je vais finir par le bouffer ce fichu chat. Bon, vous comptez venir ou pas ?

—Venir ?

Mais la jeune femme ne l’écouta pas et poursuivi aussi vite :

—Vous savez ou un chat grognon et jaloux pourrait se réfugier dans ce bazar ?

—Ce qui est merveilleux avec un chat, c’est qu’il n’y a rien à faire. Quand il vient à vous, il n’y a qu’à le regarder. Mais que sa voix s’apaise ou gronde, elle est toujours riche et profonde. C’est là son charme et son secret. 

Lentement, il lui emboita le pas, non sans déblatérer dans sa barbe inexistante sur les fioles détruites par le maudit chat lorsqu'un élément important s'immisça dans son esprit distrait.

— Dîtes-moi, casseuse de fioles, quel est votre nom ? Êtes-vous, vous aussi, un messager de Palmidor ? Non, bien sûr que non, réfléchit à voix haute Lysandre, les yeux perdus dans le vague. Mon oncle ne ferait jamais appel à une femme. Encore moins, une femme qui casse son dur labeur...

Se perdant de plus en plus loin sur le chemin de ses réflexions éparses, le jeune apothicaire se mit à quatre pattes et commença à avancer le long de ses étagères, à la recherche du chat. Il repéra de la poussière, quelques tiges sèches et délaissées, récupéra un vieux journal qu'il cherchait depuis une semaine, glissa sur une substance pâteuse et inconnue, mais ne vit aucunement le maudit animal qui avait dû se réfugier en hauteur plutôt que sur le sol dégoutant. Lysandre, se relevant, nota dans un coin de sa tête qu'il était temps d'employer les grands moyens. Encore lui fallait-il trouver son herbe à chat au milieu de ce fourbis.

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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyLun 13 Avr 2020 - 18:26
—Ce qui est merveilleux avec un chat, c’est qu’il n’y a rien à faire. Quand il vient à vous, il n’y a qu’à le regarder. Mais que sa voix s’apaise ou gronde, elle est toujours riche et profonde. C’est là son charme et son secret.

Caela haussa les sourcils en écoutant les paroles du fou. Lui aussi récitait des phrases sans queue ni tête, comme feu son père. « Méfie-toi de ceux qui aiment plus s’ écouter que de te parler. » Il ne lui avait pas parlé de ceux qui aimaient parler tout seuls.

— Dîtes-moi, casseuse de fioles, quel est votre nom ? Êtes-vous, vous aussi, un messager de Palmidor ? Non, bien sûr que non, réfléchit à voix haute Lysandre, les yeux perdus dans le vague. Mon oncle ne ferait jamais appel à une femme. Encore moins, une femme qui casse son dur labeur...

LA jeune femme se retourna pour mieux regarder l’illuminé. Elle aussi ? Un messager de qui ? Son oncle ? N’était-ce pas l’ancien propriétaire de la boutique dans laquelle ils se trouvaient ? Caela se frotta le crâne, réfléchissant à la meilleure façon de répondre à ce genre de folie. L’ombre d’un sourire ébahi éclaira son visage d’ordinaire bien sombre. La voleuse ratée ne se souvenait pas de la dernière fois qu’on lui avait demandé son nom. Quelle ironie que cette personne soit aussi l’homme complètement toqué qu’elle était censée voler, et qui pensait accessoirement que son chat était un messager de feu son oncle.

Elle haussa les épaules avant de continuer son chemin dans ce capharnaüm qu’était le magasin. Après tout, s’il voulait croire que son abruti de chat était un messager envoyé par son oncle mort à qui il paraissait toujours, qui était-elle pour le juger.

– Je me nomme Palmida, et lui, ajouta-t-elle en agitant la main vers le haut, c’est Magritte. Depuis ce matin, il ne tient plus en place. Peut-être Palmidor pourrait-il avoir l’obligeance de lui demander de…

Elle s’arrêta net en voyant l’apothicaire se mettre à arpenter sa réserve à quatre pattes. Caela, peu encline a le suivre dans ses délires, se mit à toucher a tout ce qui lui tombait sous les mains. Un craquement sonore lui fit brutalement relever la tête vers une étagère particulièrement penchée.

– Messire apothifou ! Regardez ! cria-t-elle en tapotant son crâne rapidement. Oh ! Non Magritte, tu va glisser.

En effet, le chat semblait en bien mauvaise posture. Son perchoir tanguait légèrement, faisant craindre le pire à Caela. Le corps malingre de Magritte tremblait sous le poids de la fiole bien remplie qu’il semblait à deux doigts de laisser faire tomber.

– Magritte ! Messager de Palmidor plein de puces ! Tu fais tomber cette fiole, et je demande à professionnel des potions de t’en faire avaler une qui te fasse passer l’envie de grimper ! Mais faites donc quelque chose, ajouta-t-elle en pointant du doigt son chat.
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Lysandre EzlemondApothicaire
Lysandre Ezlemond



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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyMar 14 Avr 2020 - 1:42
Lysandre fit attention à chaque réaction de la jeune femme devant lui. Sans compter qu’elle risquait de saccager son atelier en courant partout, il voulait s’assurer qu’elle ne disparaisse pas derechef hors de sa vue. Pour autant, elle resta calme, dans une posture presque nonchalante et innocente qui ne méritait qu’une seule réaction de la part de l’apothicaire : une indifférence polie.

– Je me nomme Palmida, et lui c’est Magritte, lui apprit-elle en déambulant entre les gondoles alors qu’il se jetait lui-même sous son comptoir à la recherche du chat maudit.

— Enchanté, Magritte. Je devine que ta compagne du jour semble douée d’humour, s’ébaudit le jeune Lysandre. J’ai néanmoins l’habitude de subir les brocards d’autrui.

Le journal nouvellement retrouvé coincé entre ses lèvres, l’apothicaire recula, toujours accroupi, lorsque Palmida — ce nom le fit grincer des temps tant il était ridicule qu’il fut vrai — s’époumona de nouveau. Les bruits, les cris et le tapage qui s’ensuivirent crispèrent les muscles du commerçant qui se retrouva paralysé une seconde fois dans une position peu élogieuse. Cette gamine qui le traitait « d’apothifou » allait réellement lui faire perdre la tête à vociférer sans interruption. Lysandre prit plusieurs inspirations profondes dans l’espoir vain de faire disparaitre les réminiscences qui venaient le torturer la nuit.
Tandis que le chat faisait toujours des siennes et menaçait de briser toute une étagère d’onguents destinés à guérir les ongles de pieds infectés, l’apothicaire se reprit d’assurance. La pensée qu’un autre rayonnage subisse les étourderies de ses invités l’obligea à se relever. Il déposa le journal sur son comptoir et s’approcha de la jeune femme d’une démarche irritée.

— Assez ! Attrapez ce chat, bon sang ! Il va finir par tout casser dans ma boutique ! S’il casse encore plus de mon labeur, je ne serai plus aussi clément. Que fichez-vous ici ?

Malheureusement, ses menaces restèrent sans conséquence puisque ni la brailleuse ni le chat ne l’écoutèrent. De dépit, le jeune homme baissa les bras en levant les yeux au plafond.

—Tu fais tomber cette fiole, et je demande à ce professionnel des potions de t’en faire avaler une qui te fasse passer l’envie de grimper !

— Et comment comptez-vous vous acquitter de cette dette, Palmida ? ricana Lysandre.

En effet, si la jeune femme semblait relativement propre sur elle, son corps décharné que cachait mal des vêtements de toile déchirée, ainsi que l’allure de son hideux compagnon cramponné à sa fiole ne laissaient guère de doute quant à l’origine de son foyer. Si foyer elle possédait, ce dont Lysandre remettait également en cause.

— Bon, cela suffit maintenant. Magritte, redescends ici rien sans casser ou je te sers au diner de ce soir.

Sans que la jeune femme ne puisse le voir, Lysandre récupéra, derrière un vieil instrument qui lui servait de décoration, une poignée d’herbe qu’il saurait utile en tant voulu. Il roula entre ses doigts l’une des brindilles et attendit que les particules qu’il dégageait en frottant la plante se diffusent jusqu’aux narines de sa proie.

— Palmida, préparez-vous à l’attraper dès qu’il passera près de vous. Et je vous en supplie, ne brisez pas cette fiole.

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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyLun 20 Avr 2020 - 23:22
Caela grimaça en voyant un air irrité se superposer à celui égaré qu’il avait arboré quelques minutes auparavant. Après tout, Magritte et elle non contant de s’être fait repérer en quelques minutes seulement, avaient aussi réussi l’exploit de rendre impossible le vol de cette maudite fiole ! Aussi hurla-t-elle a nouveau a son maudit chat de descendre au plus vite.

— Et comment comptez-vous vous acquitter de cette dette, Palmida ?

Caela fronça les sourcils, voilà que le fou se moquait d’elle. Oubliant un instant ses tracas, son chat et les deux sous accompagnés d’une tranche de pain au saint doux. Elle lui offrit son sourire le plus faux, celui qui ne découvrait pas ses dents, avant de baisser violemment les bras tout en montant les yeux au ciel.

– Je ne sais pas, dit-elle en tapotant son menton du doigt. Mon chat a des contacts, vous savez. Peut-être verrons-nous directement avec Palmidor ?

À peine les paroles eurent-elles franchi ses lèvres, qu’elle les regrettât aussitôt. Ne la traitait-on pas elle aussi de folle quand elle parlait à Magritte ? Par les trois ! La jeune femme ne souhaitait pas devenir l’un de ces idiots bouffis de leur propre médiocrité, prêts à se moquer des excentricités des autres. Sa langue avait toujours été plus rapide que ses méninges !

– Bon, cela suffit maintenant. Magritte, redescends ici rien sans casser ou je te sers au diner de ce soir.

Encore contrite, la jeune femme ne rebondit pas sur cette diatribe pour se moquer, se contentant de lui sourire timidement en gage de bonne volonté. Après tout, si ce fichu chat galeux brisait la fiole, elle serait la première à vouloir lui tordre le cou ! Une douleur sourde commençait à lui vriller le crâne. Elle se massa les tempes en réfléchissant rapidement aux derniers rebondissements et leur conséquence. Désormais, il lui semblait inconcevable de voler cette maudite fiole, mais si elle repartait les mains vides toute cette aventure idiote n’aurait servi à rien. Par les trois comme elle avait faim, son esprit commençait à partir à la dérive.

– Palmida, préparez-vous à l’attraper dès qu’il passera près de vous. Et je vous en supplie, ne brisez pas cette fiole.

En pleine réflexion, Caela fut surprise par l’interruption du commerçant. Aussi répondit-elle d’un ton incertain :

– Qui est Palmida ? Oh ! Oui ! Je suis Palmida !

La jeune femme soupira et laissa sa tête reposer contre l’étagère la plus proche un instant. Après quelques secondes de calme qui lui permirent de remettre de l’ordre dans ses idées, elle la releva avant d’acquiescer.

– Bien, je suis prête.

Ce fut le signal qu’attendait Magritte pour faire des siennes. À peine eut-elle fermé la bouche, que le chat lui sauta dessus en lâchant un râle grotesque. Au ralenti, Caela vit la fiole s’échapper de la prise de son chat, et chuter vers un sol bien trop solide à son goût. Réagissant aussi vite qu’elle le put, elle jeta le chat, qui s’était précipité dans l’espace de ses bras tendus, au fou avant de se jeter au sol maladroitement. Trop tard ! la fiole reposait, brisée, à quelques millimètres de ses doigts tendus.

– Fichu chat, fichue fiole et fichu client ! Qui missionne des gamines pour voler des fioles idiotes !
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Lysandre EzlemondApothicaire
Lysandre Ezlemond



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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyMer 22 Avr 2020 - 1:40
La grimace de Palmida intrigua Lisandre dont l’éclat de colère se superposait toujours à ses pensées éparses. Il était fatigué par sa journée passée debout dans son arrière-boutique, mais il avait encore bon nombre de corvées à accomplir avant le coucher du soleil. La première étant de découvrir ce que lui voulait la fille et comment arrêter le messager. Aucun de ces deux énergumènes n’avait l’air prêt à requérir ses services et l’apothicaire ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur leurs véritables intentions. Cependant, cela devrait attendre car les humains allaient commencer par arrêter ce maudit animal à quatre pattes. Lysandre se promit qu’il ne lui en resterait bientôt aucune si le chat ne coopérait pas un minimum.

Tandis que le jeune homme récupérait l’herbe, le ton de son interlocutrice lui fit tourner la tête dans sa direction. Ses yeux s’étrécirent lorsqu’il nota la pointe de sarcasme cachée derrière un sourire narquois, une posture nonchalante et des doigts portés à son menton.

— Je ne sais pas. Mon chat a des contacts, vous savez. Peut-être verrons-nous directement avec Palmidor ?

La colère qu’il avait ressentie face à l’intrépidité du chat disparut aussi vite qu’elle était apparue. Celle-ci se vit remplacée par une pointe douloureuse derrière la poitrine que Lysandre avait appris à camoufler au fil des années et grâce à la bienveillance de Palmidor. Aussi, il se détourna de nouveau, la laissant croire que la boutade ne l’atteignait pas, le temps pour lui de reprendre contenance.

— Face à certaines personnes, on ne peut se payer le luxe d’être nous-mêmes, fiston. Mais quand on ose l’être, on se porte beaucoup mieux, lui aurait dit son vieil oncle s’il avait été présent.

Il osait. Chaque jour, Lysandre osait même un peu plus que le précédent. Néanmoins, cela n’arrêtait en rien les rumeurs et il doutait qu’il se porte mieux en suivant ce conseil. Avait-il tort d’espérer que les murmures sur son passage se taisent un jour ? pensa l’apothicaire, en arrachant quelques touffes d’herbe à chat.

— Pourrez-vous me tenir informé de ce qu’il vous narre ? Ses conseils me manquent, lâcha-t-il distraitement.

Il n’attendait pas de réponse de Palmida — de toute manière, elle semblait plus concentrée sur le chat —, mais il attrapa toutefois le sourire contrit qu’elle lui lança et en fut assez surpris pour se figer. Il l’observa avec curiosité, alors que le visage de cette dernière se para également d’étonnement.

— Qui est Palmida ? Oh ! Oui ! Je suis Palmida ! Bien, je suis prête.

— Commen…

Sa paralysie temporaire joua contre lui et il loupa le départ du chat qui s’élança d’un bond gracieux typiquement félin. Ce dernier atterrit sur Palmida qui ne se nommait pas Palmida et lâcha la fiole qu’il ne pouvait visiblement retenir dans sa gueule. Fichu messager, s’irrita Lysandre en esquissant un pas en direction de la jeune femme. Malheureusement, il était trop loin. Le chat, négligemment lancé au hasard dans l’espoir de rattraper la fiole, fila dans les airs en miaulant à tout va. L’apothicaire le reçut dans les bras sans vraiment chercher à s’en saisir et assista, impuissant, à la destruction de son labeur.

— Fichu chat ! soupira-t-il en se débarrassant de la bête sur le sol, et au moment où son interlocutrice glapit également :

— Fichu chat, fichue fiole et fichu client ! Qui missionne des gamines pour voler des fioles idiotes !

La disparition du flacon de verre passa au second plan face aux paroles de cette fausse Palmida. Qu’entendait-elle par « missionner ». L’était-elle, missionnée ? Avait-elle été envoyée pour lui dérober quelques précieux onguents ?

Lysandre tourna les talons et partit vers l’avant de sa boutique. Il verrouilla la porte et tira le rideau, indiquant à de potentiels clients qu’il était dorénavant fermé. Il lui en coutait car le début de soirée se voyait toujours être le moment où sa clientèle — à l’instar des rats d’égouts qui sortaient à la nuit tombée — venait passer les commandes les plus onéreuses. Malheureusement, la question d’un vol à son encontre l’obligeait à prendre des mesures radicales. Ce n’était pas la première fois qu’on tentait de dérober Melville & Fils, cependant, il s’agissait d’une première pour le nouvel apothicaire.

— Et si nous jouions la carte de l’honnêteté tous les deux ? proposa-t-il en l’invitant à s’asseoir sur la seule chaise qui composait sa boutique. Je ne me souviens plus si je vous ai donné mon nom. Auquel cas, je me nomme Lysandre Ezlemond, je suis le gérant de cette boutique. Boutique que vous avez mise sens dessus dessous soit dit en passant. Puis-je vous redemander votre nom, Palmida ?

Lysandre s’avança jusqu’à ce que sa paume puisse glisser le long de son comptoir. Il laissa trainer son index sur quelques fioles colorées et attrapa la dernière dans le creux de sa poigne, un sourire énigmatique aux lèvres.

— Je ne peux pas vous empêcher de me voler ; vous êtes plus agile que je ne le suis, et je ne me battrais jamais avec une femme.

Certains auraient haussé un sourcil hésitant face à l’aveu de ses faiblesses, mais l’apothicaire avait appris à user de son cerveau. Il avait un plan. Il glissa la fiole rose dans l’une des poches de sa tenue de lin et contourna le comptoir jusqu’au petit pot de miel qu’il avait utilisé avant l’arrivée des trouble-fête. Il le fit glisser jusqu’à son interlocutrice et accompagna son offrande de paix d’un sourire.

— Je n’ai pas non plus de quoi surenchérir à l’offre qu’on a dû vous faire, mais je suis prêt à vous donner ceci — il laissa le pot de miel qui ne contenait plus qu’une ou deux cuillerées en évidence et s’accouda sur le plan de travail — en guise de bonne foi. Dites-moi qui vous envoie, ainsi que ce qu’il voulait que vous dérobiez. S’il vous plait, ajouta-t-il après réflexion.
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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyJeu 11 Juin 2020 - 17:05
En le voyant lui tourner le dos pour se rendre à l’entrée de la boutique, Calea se permit un instant de panique. Elle avait perdu en quelques instants toute chance de pouvoir se restaurer pour les prochains jours, se retrouvait piégé avec un inconnu qui pouvait très bien la dénoncer aux miliciens, et son fichu chat lui avait mordus la cheville. Ses yeux parcoururent les moindres recoins de la boutique sans trouver rien qui n’aurait pu l’aider à se sortir de cette situation fâcheuse. L’apothicaire s’agitait non loin de là et, avant qu’il ne se retourner pour la rejoindre, la voleuse ratée en profita pour essayer de récupérer quelque chose du fiasco qu’était devenu cette expédition. D’une main leste, elle attrapa deux fioles aux formes alambiquées qui reposaient sur une étagère attenante.


— Et si nous jouions la carte de l’honnêteté tous les deux ? proposa-t-il en l’invitant à s’asseoir sur la seule chaise qui composait sa boutique. Je ne me souviens plus si je vous ai donné mon nom. Auquel cas, je me nomme Lysandre Ezlemond, je suis le gérant de cette boutique. Boutique que vous avez mise sens dessus dessous soit dit en passant. Puis-je vous redemander votre nom, Palmida ?

Caela sursauta avant de feindre une détente quelle ne ressentait nullement. Il la mettait mal à l’aise avec son regard fou et sa voix égale. Déglutissant pour faire passer la boule de malaise que ses mots avaient créé, Caela obtempéra tout en essayant de ne pas faire tinter les fioles volées. Devait-elle lui donner son nom ? Après tout, Palmida était un nom comme un autre.

– Caela, consentit-elle à répondre néanmoins. Désolée pour votre boutique messire Ezlemond. Mon intention n’était pas de retourner votre commerce, juste de faire du vôtre mon bien. Et je…

Ses mots se tarirent en voyant la main de l’homme glisser nonchalamment le long d’un comptoir avant d’attraper une fiole discrètement. Un frisson désagréable remonta le long de sa colonne. Le doute, mêlé a une bonne dose de soupçons lui glacèrent le sang. Après tout que savait-elle de lui ? Rien si ce n’était qu’il était dérangé et qu’il s’y connaissait en matière de breuvage en tout genre. Voulait-il l’empoisonner ?


— Je ne peux pas vous empêcher de me voler ; vous êtes plus agile que je ne le suis, et je ne me battrais jamais avec une femme.

– Oh ! Je suis une femme pour vous ! s’exclama-t-elle en faisant glisser doucement sa main droite vers les replis de sa chemise miteuse. [/color]

Elle arrêta son petit manège en le voyant lui proposer un petit pot de miel déjà bien entamé. Celui-ci irait à merveille avec la miche de pain chaque proposée le matin même contre son larcin. La gourmandise se disputait avec sa méfiance. « Les crétins qui se font prendre n’ont que trois solutions : se faire attraper et raquer, sauver les pots casser comme ils le peuvent, ou jouer le tout pour le tout quitte à en crever. Ne sois pas une crétine… idiote. Les crétins ne vivent jamais bien longtemps ».

– Vous savez quoi mon bon Lysandre, lâcha-t-elle brusquement en reposant les deux fioles volées juste à côté du miel. Jouons cartes sur table ! Vous m’avez l’air d’être du genre gentil et Maggrit vous aime bien.

Son chat s’était en effet mis à frotter sa carcasse misérable contre les chevilles du bonhomme.

– On m’a envoyé vous voler parce qu’on pense qu’une pouilleuse telle que moi prendra l’avantage sur un homme comme vous. Ne vous insurgez pas dans ma bouche votre… différence est un compliment. Je pourrais vous donner le nom de l’homme qui m’a envoyé, récupérer le miel et vous laisser la. Vous pourriez saisir la milice, essayer même de m’arrêter et bon… Vous savez.

Tapotant le comptoir d’un geste rythmique, la jeune femme se mit fredonner un air paillard.

– Ou, continua-t-elle après quelques secondes à musarder. Nous pourrions tous les deux essayer d’arnaquer le bougre. Moi parce que c’est mon seul choix si je veux tirer encore quelque chose de cette journée, et vous parce qu’il faut bien apprendre aux gens de quel boit vous vus chauffer. Sinon je vous assure que d’ici quelques mois, je serais devenu le cadet de vos soucis si on apprend que vous êtes aussi… volable ? Qu’en dites-vous ? La milice et la « justice », ou être complice et jouir du vice ?
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Lysandre EzlemondApothicaire
Lysandre Ezlemond



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MessageSujet: Re: Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux    Le fou, la va-nu-pieds et le chat galeux   EmptyJeu 11 Juin 2020 - 20:04
Lysandre nota le malaise de la jeune femme, mais ne s’en inquiéta pas. Il avait l’habitude des regards curieux — dans le meilleur des cas —, voire dégoutés — dans les pires. Aujourd’hui, celui qui lui faisait face se voulait fureteur et il pouvait s’accommoder de « fureteur ». Les éclats gris au fond des prunelles de la jeune femme le rendaient lui-même incertain, sentiment que sa personnalité « différente » cachait fort bien.

—  Caela , consentit-elle à lui apprendre enfin, ce qui le soulagea. Désolée pour votre boutique messire Ezlemond. Mon intention n’était pas de retourner votre commerce, juste de faire du vôtre mon bien. Et je…

Elle s’étrangla avant de terminer et Lysandre s’en trouva étonné. L’avait-elle vu glisser une innocente fiole rose dans sa blouse ? Pensait-elle à une entourloupe de sa part ? Il s’horrifia de cette pensée perfide, mais ne prit pas le soin de démentir. Peut-être la peur jouerait-elle en sa faveur pour une fois. Il se recula d’un pas, laissant le pot de miel en évidence et très vite, ce dernier disparut de son esprit tant l’apothicaire se focalisait sur le comportement de Caela.

Le regard qu’elle adressa à la substance sucrée lui serra le cœur, mais lui indiqua qu’elle pouvait se montrer raisonnable. La faim était connue de tous par ici. Lui avait la chance de se fournir avec au moins un repas par jour, aussi il ne jugea pas ce que son cerveau analysait de la scène. Les traits émaciés de la jeune femme lui prouvaient qu’elle était forte et résistance, ce qui n’était pas forcément le cas de tout le monde.

—  Vous savez quoi mon bon Lysandre , reprit-elle en déposant deux fioles devant elle et qui lui firent arquer un sourcil. Jouons cartes sur table ! Vous m’avez l’air d’être du genre gentil et Maggritte vous aime bien.

L’apothicaire, trop concentré sur l’humaine, avait à peine senti le chat s’infiltrant entre ses jambes à la recherche de caresses.

—  Tu ne sais pas ce que tu veux, toi , bruit-il.

Lorsqu’il baissa les yeux, la boule de poils minaudait dans les plis du tissu en lin puis s’éloigna, déçu, afin de lécher une partie qui fit détourner les yeux de Lysandre. Que les animaux pouvaient être étranges parfois !

—  On m’a envoyé vous voler parce qu’on pense qu’une pouilleuse telle que moi prendra l’avantage sur un homme comme vous , poursuivit Caela sans se soucier de son compagnon à quatre pattes. Ne vous insurgez pas dans ma bouche votre… différence est un compliment. Je pourrais vous donner le nom de l’homme qui m’a envoyé, récupérer le miel et vous laisser la. Vous pourriez saisir la milice, essayer même de m’arrêter et bon… Vous savez. Ou nous pourrions tous les deux essayer d’arnaquer le bougre.

L’idée se fraya un chemin dans l’esprit de Lysandre. Ainsi donc, il avait vu juste et quelqu’un voulait bien s’approprier son travail de façon sournoise. Qu’on vienne le trouver et il était prêt à faire un geste, mais user de la faim d’une pauvresse ou se jouer de sa dignité pour l’atteindre lui et il refusait de laisser couler. La colère afflua dans ses veines, mais il la contint. Il ne pouvait la diriger contre la mauvaise personne et devait ruminer sa rancœur avec patience.

Pour autant, l’apothicaire connaissait le sort réservé aux voleurs, et il ne doutait pas celui réservé à l’émissaire du délit s’il la dénonçait auprès de la milice. Un œil pour un œil, une main pour un vol. Le poignard était-il le responsable d’un meurtre ou celui qui le maniait ? La question ne se posait même pas aux yeux du jeune homme. Plongé au cœur de ses principes, il entendit à peine la suite et reporta son regard sur Caela au moment où elle se pencha vers lui, un air diabolique sur les traits. Elle l'intriguait de plus en plus.

—  volable  ? Qu’en dites-vous ? La milice et la « justice », ou être complice et jouir du vice ?

—  Sans artifices, vous êtes bien plus bavarde , commenta-t-il d'un ton neutre en se rapprochant du comptoir où les fioles et le miel s’alignaient toujours. Votre plan n’en est pas un, mais c’est votre jour de chance car il se pourrait que j’en aie moi-même un.

Un demi-plan, mais tout de même. Il leur faudrait être rusés et patients, cela allait de soit. Tranquillement, il entreprit de ranger les deux fioles qu’elle avait tenté de dérober puis s’appuya contre son comptoir avant de sortir la minuscule bouteille rose de sa poche. La jeune femme l'observait, attendant avec impatience sa réponse, et par conséquent son jugement. Il avait verrouillé la porte, elle ne pouvait fuir.

—  Voyez-vous, Caela , l’agita-t-il entre eux, il s’agit d’un breuvage fort amusant relativement similaire à celui que vous avez tenté de voler sans succès. Point dangereux pour celui qui le boit, mais qui peut faire beaucoup de mal entre de mauvaises mains. Dites-moi, êtes-vous familière avec les choses de l’amour ? s’enquit-il.

La fiole entre ses mains était en effet un puissant aphrodisiaque qui rendait son buveur plus qu’enclin au contact. Généralement, il préconisait une dilution dans une chope de bière à ses clients, mais le malhonnête qui avait engagé Caela méritait une petite leçon pour avoir tenté de le voler. Sans danger pour sa santé — à priori —, le bougre allait tout de même passer vingt-quatre heures fort éreintantes s’ils arrivaient à glisser le contenu rose dans sa boisson. Il ne restait dorénavant plus qu'à trouver comment lui faire boire puis lui faire comprendre qu'à jouer avec le feu, on se brulait.

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