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 Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre

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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyMer 27 Mai 2020 - 21:52
11 octobre 1166


Vains rêves, faux espoirs, réalités, mensonges,
Fantôme de moi-même en des jours anciens,
Soeur que j'ai perdu, raconte-moi tes songes
Pour que je sache un peu s'ils sont restés les miens.*


Le jour se levait avec la même habitude. Éclairant à l'Est les eaux sombres de la mer jusqu'à doucement les faire scintiller, puis glissant sur la pierre des remparts avant d'atteindre le toit des maisons qui se pressaient les unes contre les autres. L'air était frais, humide d'avoir subi les affres de la pluie ces quatre derniers jours et la saison, drapée de ses atours automnales, promettait quelques rudes journées à venir. C'était devenu de ses rituels. Admirer ce que la lumière naissante de l'aurore offrait comme nouvelles couleurs au monde. Une pathétique tentative d'oublier ce qui alourdissait ses pensées jusqu'à serrer son coeur dans un étau opprimant. Il lui semblait plus difficile, chaque jour depuis son retour à l'Esplanade, de contenir sa colère comme sa révolte. Sydonnie avait cherché à expliquer ce mal-être, mais elle ne l'avait fait qu'à la lueur de ses propres maux. Un comportement finalement très humain pour une personne qui ne voulait plus en être, mais qui le laissait incertain. Avait-il pris la bonne décision ?
C'était de ces soucis qui rajoutaient à son pessimisme. Un autre poids qui venait peser sur ses épaules, quand il se sentait déjà accablé de doute. Le manque de sommeil n'aidait pas à sa réflexion. Il était cependant courant qu'il ne dorme que peu. Les cauchemars gangrenaient son repos, glissant d'horribles visions dans ses songes. Cela durait depuis l'apparition de la Fange ou plus exactement, depuis leur exil. Depuis ce voyage qui avait vu périr bon nombre de leur proches et surtout Alys, sa soeur jumelle.

Avec un soupir, il glissa un regard sur sa main tremblante. Le manque se faisait ressentir et son corps souffrait d'avoir été sévèrement sevré. Cependant, il en convenait, l'alcool, comme les herbes médicinales n'offraient qu'un réconfort passager. L'absence et la solitude ne faisaient que se cacher derrière le rideau de ses addictions, et elles n'oubliaient jamais de se rappeler à lui quand l'euphorie et le contentement se dissipaient. Il fallait qu'il apprenne à vivre avec. Mieux, il devait les apprivoiser et les altérer pour en faire ses forces. Il n'en était pas moins las et le tableau de ses tristes exploits s'affichait avec une douloureuse honnêteté. Il savait ce que la plupart des gens pensaient de lui, l'effronté, le coureur de jupons, l'incapable. Éloïse s'obligeait à ne pas étaler le fond de sa pensée et pourtant, elle l'observait parfois avec cette même amertume qu'il avait perçu dans le regard de Sydonnie. Elles auraient préféré que ce soit lui, plutôt que Roland, qui décide de se jeter dans le chaudron bouillonnant de la Fange. En cela, elles avaient au moins un point commun avec son aîné : leur hypocrisie confinait à la lâcheté.

Le bruit de quelques pas dans son dos lui fit perdre le fil de ses pensées. Installé dans les jardins du manoir dit de Rivefière, Jacob savait n'avoir rien à craindre des personnes qui auraient pu le surprendre. L'heure était pourtant bien matinale pour qu'un simple domestique vienne troubler cet instant de paix qu'il avait voulu s'accorder. Depuis le mur d'enceinte qu'il avait escaladé pour s'offrir une vue imprenable sur la ville et ses alentours, il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule pour regarder derrière lui. Un sourire vint s'épanouir sur ses lèvres. "Barquiel"... Le vieux maître d'armes faisait partie de ces gens qui tenaient une place particulière dans son coeur. Il l'avait vu grandir et il s'était fait devoir de forger ses talents d'escrimeur avec la maîtrise de l'expérience. À l'époque de Rivefière, quand le domaine familial était encore ce havre de paix aujourd'hui abandonné aux abominables, Barquiel, de son vrai nom Hugues de Camaris, figurait comme l'une des meilleures lames du royaume. Il était considéré comme un bretteur d'exception, un génie de l'escrime, inventeur de nombreuses bottes et de feintes au dénouement impensable. Un homme à la bonté exceptionnelle et auquel Jacob devait d'être encore en vie.

Sur le chemin de l'exil, quand les fangeux avaient attaqué leur convoi et emporté sa soeur, Jacob avait voulu s'élancer pour se porter à son secours. Il avait couru, esquivé une attaque en se jetant sous l'un des chariots, sauté par-dessus des caisses étalées et s'était vu intercepté par Hugues, à l'instant même où l'un de ces monstres voulait le frapper. Le coup de griffe avait brisé et lacéré le bras du maître d'armes, ne laissant que peu de choix aux prêtres chargés de le soigner plus tard, et il avait marqué pour toujours le visage de son apprenti. Une cicatrice qui s'affichait comme le souvenir d'un instant terrible et qu'il portait comme le fardeau de sa culpabilité. C'était là le symbole de son pacte passé avec cet homme dont le bras avait été amputé. C'était celui du souvenir gardé dans le secret d'une conscience surchargée de remords.

« J'ai entendu parler de ces étranges animaux qui s'accrochent aux branches et grimpent dans les arbres avec une habileté extraordinaire... Je n'avais pas idée qu'il y en avait un vivant dans ce jardin.
- Vieux cabochard ! Serais-tu en train de me traiter de singe ?
- Je n'oserais jamais faire une telle chose, votre très haute et vénérable Grandeur.
- Oh, mais je t'en prie, tu sais comme je peux être magnanime.
- Je te connais surtout en retard ! »

Cette dernière boutade fut accueillie par un franc éclat de rire. Chose rare, presque une extravagance. Un court moment de répit volé à ce que les dieux avaient fait de son quotidien.
Se laissant glisser le long de la paroi de briques, Jacob rejoignit le sol avant de s'avancer vers son ancien maître d'armes.

« Est-ce là de tes nouvelles lubies ? » Demanda Hugues tout en pointant son menton vers le mur qui gardait le manoir dans un écrin protecteur.

« Cela m'aide à réfléchir.
- Viens plutôt te mesurer à moi sur le terrain d'entraînement. »

Le Rivefière esquissa un sourire. Si son ancien maître d'armes avait atteint un degré d'excellence auquel il n'avait pas encore pu prétendre aujourd'hui, Jacob savait que son handicap ne lui permettrait pas de l'emporter sur son élève. Il n'était pas meilleur que lui. Il n'était pas même aussi bon que Barquiel l'avait été à sa grande époque, mais lui avait encore ses deux bras.

« Va, je te rejoins tout de suite. »

Pendant un instant encore, Hugues de Camaris garda son regard rivé sur le jeune Comte. Puis il acquiesça. Il connaissait son élève et savait qu'il n'était pas nécessaire d'insister. Jacob le rejoindrait dès qu'il se sentirait prêt à "discuter". C'était ainsi depuis toujours et Barquiel avait appris à lire les contrariétés de son disciple en déchiffrant son escrime. Le combat était un langage dont le duel représentait la plus pure expression. Et Jacob avait toujours eu beaucoup de choses à dire, alors même que peu de gens étaient prêts à l'écouter.
Tournant les talons, il repartit en direction du manoir. Jacob le suivit du regard et attendit de le voir tourner vers la partie des jardins récemment transformée pour faciliter l'entraînement. Bientôt trois mois qu'il portait le titre de Comte et il en était toujours à se demander s'il était capable d'en assumer les impératifs. Avec un soupir, il passa une main dans ses cheveux. Sentir les mèches blondes glisser entre ses doigts lui rappela un souvenir. À l'époque il s'était fait cette promesse de les couper courts. Un sourire glissa sur ses lèvres, tandis qu'il ramena cette pensée dans son for intérieur afin de l'y garder secrète.

La ville s'éveillait et les premiers passants prenaient possession de l'Esplanade. Ils étaient déjà plusieurs à fouler les allées bordées d'ifs. Silhouettes anonymes qui se déplaçaient et se croisaient parfois en se saluant, jusqu'à ce qu'il la vit. Elle avançait d'un pas tranquille, serein et avec cette même grâce. Ses cheveux d'or remontés en un chignon dont s'échappaient quelques mèches folles, reposaient sur sa nuque. Elle portait une robe qu'il ne lui connaissait pas. Verte... Pas de cette couleur qu'elle préférait parmi toutes les autres. Une vision irréelle qu'il ne s'expliquait pas. Comment pouvait-elle se trouver ici, à l'Esplanade ?

Elle disparue, aussi soudainement qu'elle était apparue et comme mangée par ces arbres qui n'avaient pas encore perdu tout leur feuillage.

Clignant des yeux, il mit un instant à réaliser ce que la folie murmurait à son esprit, alors que la raison tentait de le rappeler à l'ordre. Mais il ne l'écoutait pas, il n'entendait plus. Il devait la rattraper, l'empêcher de s'éloigner encore, lui demander des explications. Il fallait qu'il sache, qu'il comprenne. S'élançant à sa poursuite sans plus réfléchir, il se mit à courir pour traverser la place à grandes foulées. Il manqua heurter un domestique qui s'excusa alors même qu'il n'était pas en tort. Il déboula au coin d'une allée et se trouva un instant perdu. Il ne la voyait plus. D'un regard jeté à la ronde, il scruta les abords des nobles demeures qui se dressaient ici comme les maîtresses d'un complot devant le tenir dans l'oubli. Son coeur battait la chamade, ses mains étaient moites, il était sur le point de crier de rage quand il l'aperçut une nouvelle fois et alors qu'elle revenait sur ses pas pour retrouver l'allée principale probablement quittée par erreur.

Elle était là... Juste devant lui... Elle était là...

Sans plus attendre, il avala les quelques mètres de distance qui les séparaient et dans un geste fou, lui attrapa la main. Son frêle poignet tenu entre ses doigts, il l'obligea à se retourner vers lui. Regard implorant et coeur au bord des lèvres, il espérait.

« Alys ?! »


*:



Dernière édition par Jacob de Rivefière le Jeu 13 Aoû 2020 - 22:52, édité 1 fois
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Cassandre d'AmbroisePrêtresse de Rikni
Cassandre d'Ambroise



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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyJeu 4 Juin 2020 - 15:29





Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre 39f1c5f6e476019271730d31e106de85






Les ombres étendaient encore leur empire lorsque Cassandre s'éveilla en sursaut. Couverte de sueur et peinant à reprendre son souffle, la prêtresse se redressa dans son lit et chercha à se situer avant de ce souvenir qu'elle était resté dormir dans la demeure familiale. Une main placée sur son cœur qui battait la chamade, l'autre derrière elle pour la maintenir assise, la jeune femme prit de longues minutes pour chasser du mieux qu'elle pouvait les souvenirs de ce cauchemar qui l'avait assaillit. Encore tremblante elle se leva alors et alla jusqu'au meuble ou reposait la faïence et la cruche d'eau et se rafraîchit le visage.


« - Ce n'était qu'un rêve... »


Elle avait murmuré cette phrase comme pour se rassurer et, sans doute, sans réellement le faire exprès. Désormais bien réveillée, elle était comprenait que seul son inconscient était à blâmer et qu'elle s'inquiétait pour rien. Tout cela n'avait en rien été réel.


Cassandre fit le tour de sa chambre et alluma quelques bougies afin d'y voir un peu mieux. Après avoir fait un brin de toilette – elle se promit néanmoins de passer aux thermes pour se baigner plus convenablement – elle revêtit une de ses robes verdoyantes qu'on lui connaissait et se mit ensuite à peigner ses cheveux blond. Compte tenu de leur longueur, cela lui prenait toujours plusieurs minutes où elle grimaçait parfois lorsqu'elle rencontrait des nœuds. Une fois démêlés Cassandre saisit plusieurs mèches pour les rejoindre dans un prémices de chignon auxquelles elle rajouta ensuite le reste de ses cheveux pour finir son œuvre.


Une fois que cela fut finit, la jeune femme se décida à ranger le peu qu'elle avait désorganisé dans sa chambre, oubliant par la même occasion que sa sœur et son mari devaient sans doute avoir un ou plusieurs domestiques pour s'occuper de cette tâche. Les manières qu'elle avait pris au Temple étaient devenues des habitudes qu'elle avait parfois bien du mal à omettre. Cassandre soupira en se rendant compte de ce fait et haussa les épaules. Il était de toute façon trop tard et elle ne comptait pas déborder son lit une nouvelle fois pour le plaisir.


La prêtresse quitta ensuite la chambre en comptant rejoindre ce qui, à l'époque, était la salle à manger mais elle fut intercepté par le mari de sa sœur, Édouard. Celui-ci, bien matinal, s'enquit de son sommeil et se soumit parfaitement au jeu de l'étiquette. Puis, il déclara que sa femme voulait voir Cassandre. La prêtresse suivit donc son beau-frère jusqu'à la chambre de sa sœur et entra lorsqu'il s'effaça pour la laisser passer.


Aurélia était éveillée et maintenue légèrement redressée par des coussins dans son dos. Son teint était moins blafard que la veille mais elle semblait toujours avoir cette fièvre qui la fatiguait tant. Cassandre s'approcha du lit et s'assit sur un bord avant de prendre la main de la jeune femme. Elle était effectivement un peu chaude et légèrement tremblante. Posant une main sur son front, Cassandre jugeait de la température de sa sœur approximative de sa sœur, elle examina ensuite son regard larmoyant en s'attardant sur le blanc de ses yeux puis s'enquit de potentielles douleur. D'après les dire de son aînée, son état n'était plus si inquiétant et, hormis la fièvre qu'il fallait surveiller, elle devrait se remettre sans trop d'encombre. Selon la prêtresse, il s'agissait d'un mauvais rhume contracté quelques jours plus tôt, rien de plus.


« - Vous devriez être remise d'ici quelques jours, mais il vous faudra surveiller cette fièvre Aurélia et prendre les infusions que je vous ai apporté sans quoi votre état ne saurait s'améliorer. »


Cassandre se leva et traversa ensuite la chambre avant de s'arrêter dans l’embrasure, devant Edouard.


« - Veillez à ce qu'elle prenne les infusions, vous voulez bien? Je sais à quel point elle déteste ces boissons amères, mais elles seront nécessaire à son rétablissement. Je pense venir vous voir d'ici quelques jours mais n'hésitez pas à m'envoyer chercher si d'aventure son état se dégrade. »


Après avoir salué son beau-frère comme l'étiquette l'exigeait, Cassandre prit congé et se décida à rentrer au Temple. Elle traversa alors le petit manoir familial et en sortit aux premières lueurs de l'aube. Elle fut frappé par la douceur du temps et par l'or déversé par les Dieux depuis les cieux. La journée s'annonçait belle et la prêtresse avait la chance de pouvoir en profiter quelques instants avant de retourner au Temple. L'office n'aurait lieux que dans quelques longues minutes aussi disposait-elle d'encore un peu de temps pour rentrer tranquillement et, pour une fois, sans se presser.


Elle s'engagea donc dans une allée qu'elle longea un moment avant de dévier sa progression. Elle avança de quelques mètres avant de se rendre compte que la ruelle était sans issue. Elle soupira et maugréa entre ses dents avant de faire demi-tour. Une fois encore elle s'était trompée de route, à croire que cela devenait une habitude. Elle regagna donc le carrefour et obliqua dans l'autre direction. En quelques pas elle se souvint d'être passé par là la veille et reprit un peu confiance en elle. Le matin se levait lentement et bien peu d'âmes étaient de sortie. Cassandre avançait donc paisiblement, convaincue d'être tranquille.


Pourtant au bout de quelques secondes quelque chose lui enserra le poignet. Dans un sursaut d'angoisse entremêlé de colère, Cassandre ne comprit pas ce qui se passait. Dans un premier temps elle avait voulu se dégager, repousser ce contact qu'on lui avait imposer, s'imaginait prêtre à essayer de rosser celui ou celle qui avait oser la toucher. Puis ce furent ses lèvres qui brûlèrent d'incendier le malotru. Pourtant, elle n'eut le temps de rien. On l'obligea à se retourner et Cassandre se heurta à deux iris d'azur.


« - Alys?! »


Si sa vindicte avait voulu s'exprimer quelques secondes auparavant, il n'en était plus rien. Cassandre se trouvait étonnée de cette rencontre si matinale et plus qu'improbable. Troublée, elle n'était pas même sure de ce qu'il venait de dire et ne sut donc que répondre.


« - Oh euh... »


Elle demeura ensuite silencieuse et détailla son interlocuteur. Il était plus grand qu'elle et Cassandre fut surprise de constater qu'il portait lui aussi des cheveux clair. Dressé devant elle, il paraissait imposant, pourtant quelques chose dans son regard demeurait déroutant et tendait à montrer une certaine fragilité. Il avait l'air de celui qui attendait quelque chose d'incroyable et d'impensable comme s'il espérait un miracle.


Prise dans son observation muette, Cassandre oublia totalement la main qui tenait fermement son poignet. Elle avait voulu lui demander ce qu'il voulait, ou ce qui lui arrivait, mais le trouble lisible dans ses pupilles bleutés la laissa coite. Avait-elle véritablement vu ce regard implorant? Avait-elle vraiment perçu de la couleur et de la déception? Qui était-il? Et que voulait-il réellement? C'était un ensemble de questions qui fusaient sous son crâne et dont elle ne disposait d'aucune réponse.


« - Mon fils...? »


Ces mots lui échappèrent bien malgré elle, et elle les regretta presque aussitôt. Si elle était troublée, il semblait presque évident qu'elle n'était pas la seule dans cette situation. Elle ne parvenait pas à comprendre la totalité de la situation et espérait qu'il saurait se montrer suffisamment courtois pour lui expliquer.


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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyJeu 11 Juin 2020 - 13:09
Bleu... Les yeux qui s'étaient relevés vers lui avaient la couleur du ciel... Elle n'était pas Alys.

Alys avait les yeux vert. D'un vert d'eau limpide, semblable à celui dont se teintaient les flots bordant Rivefière, après une nuit d'orage. De cette nuance particulière, celle qui obligeait l'océan à se souvenir des tumultes qui l'avaient agité pendant la tempête, mais qui l'invitait à retrouver son calme dans l'éclat d'un nouveau jour. Ses yeux étaient verts, ils n'étaient pas bleus.
La jeune femme qui se tenait devant lui n'était pas Alys. Comment aurait-elle pu l'être ? Et commet avait-il seulement pu y croire ? Il avait été fou, aveugle ou simplement idiot d'imaginer que sa soeur pouvait se trouver ici, à l'Esplanade. Pourtant, l'espoir ressenti alors, quand il avait aperçu sa silhouette, continuait de faire battre la chamade à son coeur. Son souffle demeurait suspendu. Comme suffoqué par une impossible attente, il s'était éteint pendant que ses yeux, toujours rivés sur elle, cherchaient de ces ressemblances qui lui rappelleraient sa jumelle.

Mais elle n'était pas Alys...

Il se le répétait, encore et encore, sans pourtant parvenir à calmer le tumulte de ses pensées prêtes à dériver. Un horrible frisson remonta le long de son échine, alors que l'échos du souvenir venait souffler à son oreille. Il se rappela les cris, le fracas des armes contre les corps décharnés et durs comme la pierre, le bruit des armures éventrées et les râles des agonisants. Il se rappela tout cela et lentement, ses doigts desserrèrent leur étreinte autour du poignet qu'ils tenaient jusque là. L'espace d'un instant, il vacilla et se trouva forcé de reculer d'un pas. Deux ans s'étaient écoulés depuis l'exil et pourtant, les images du carnage demeuraient ancrées dans sa mémoire. Ils avaient tout perdu ce jour là ou presque. Très peu de leurs gens avaient survécu et ce qu'ils avaient emporté de leurs biens était resté sur la route, abandonné aux griffes des monstres nés de la Fange. Lui y avait perdu partie de son âme. Probablement la plus belle. Celle qui à l'époque savait le garder dans ce monde et qui, contrairement aux autres, offrait valeur à ses avis. Elle lui manquait... Alys... Sa soeur, sa jumelle, cette autre partie de lui dont le Fléau l'avait amputé.

Les doigts tremblants et le souffle encore éteint par la déception, il baissa les yeux. Il n'avait pas réussi à la sauver. Pire, il l'avait abandonnée comme l'un de ces objets ridiculement entassés dans des coffres trop lourds pour être emportés dans leur fuite. Il l'avait adandonnée... Une nouvelle fois, son coeur se serra et pour la millième fois, il se brisa. Imaginer sa soeur, errant comme l'une de ses bêtes immondes, achevait de mutiler son esprit. Quel pire sort aurait-il pu concevoir ? Les Trois avaient eu la main cruelle. Leur volonté terrible se trouvait-elle réellement inscrite dans ce châtiment que certains osaient décrire comme divin ? Était-il seulement possible qu'ils aient raison ? Comment justifiaient-ils alors la mort d'une jeune femme innocente comme Alys ? Comment expliquaient-ils que lui, pêcheur parmi les pêcheurs, demeurait toujours en vie ?

La Fange avait pris Alys, son père et Roland en quelques sortes. Ce que Sydonnie lui avait révélé des conséquences du drame continuait de malmener ses principes. Roland avait sacrifié une femme et tué une enfant pour la survie du plus grand nombre... Était-ce là ce qui l'attendait maintenant qu'il était Comte ? Devrait-il un jour prendre de telles décisions ? Renoncer à ses valeurs et tuer ce qu'il restait d'humain en lui ? Une idée traça son chemin dans son esprit torturé. Cependant, il n'était pas prêt à l'accepter, pas encore. Il ne pouvait pas concevoir ce nouveau monde, sculpté par les griffes et les crocs de la Fange, comme celui espéré par les dieux. Mais admettait très volontiers que seul un monstre pouvait en combattre un autre. Certains étaient faits pour le devenir, d'autres, comme Roland, se trouvaient encore trop tendres. Quant à lui... ? Jacob ne se trouvait pas prêt. Il n'était pas capable de choisir et ne pouvait ou ne voulait pas se résoudre à abandonner ce qu'il lui restait d'humanité. Pas encore, pas maintenant et pas quand le seul souvenir de sa soeur suffisait toujours à l'émouvoir.

Devant lui, celle qu'il avait prit pour un fantôme de son passé l'observait. Sa voix, comme un filet jeté à la mer de ses sombres tergiversations, le ramena à l'instant présent. "Mon fils"... Elle était prêtresse. Elle ne devait pas être plus âgée que lui. Son visage encore marqué de jeunesse, s'entourait de cheveux clairs, aussi blonds que les siens, aussi lumineux que l'avaient été ceux d'Alys. Elle les portait en chignon, remontés sur une nuque fine et noués de cette même manière qu'avait sa soeur de les tisser. Petite et menue, elle n'en possédait pas moins l'allure fière des gens de caractère, tandis qu'elle posait sur lui un regard interrogateur ou l'intelligence se la disputait à la surprise.

Il se trouva gêné de sa propre audace. Honteux d'avoir oublié de réfléchir. Comment avait-il pu croire, ne serait-ce qu'un seul instant, qu'il s'agissait d'Alys ? Fallait-il qu'il soit stupide. Un abruti n'aurait pas fait pire. Marmonnant quelques mots d'excuses inintelligibles, il s'inclina avec raideur. Son geste avait été si impusif. Il ne doutait pas d'avoir effrayé la jeune femme et offusqué la prêtresse en elle. Son attitude avait été proprement inconvenante et il s'en trouvait d'autant plus mal à l'aise. Sans parvenir à se l'expliquer, il restait pourtant planté là, tel un abruti incapable de seulement prononcer quelques mots d'excuses convenables. La déception avait rongé tout ce que la bêtise avait fait naître comme espoir dans son esprit. Pourtant, son coeur demeurait lourd et sa pensée, torturée par les questionnements nés de sa folie, s'évaporait en quelques éclats tourmentés.

Prêt à tourner les talons pour céder à l'appel de la honte, il se fit violence et s'obligea à au moins paraître navré. Ce n'était pas le moment de déplaire aux dieux et encore moins celui de contrarier leurs représentants de Marbrume. Les prêtres, qu'ils soient d'Anür, de Serus ou de Rikni, avait cela en commun que leur parole était difficilement contestable. Si la jeune femme venait à se plaindre de son attitude inconvenante, il aurait bien du mal à s'en défendre. Éloïse ne manquerait pas de l'accabler et se ferait même un plaisir de blâmer son manque de discernement comme sa bêtise. Il l'entendait déjà invoquer tous ses ancêtres Rivefière pour lui dire qu'il était assurément le plus incapable de tous les Comtes ayant un jour porté ce nom.

Il nota cependant un détail, un fait qui offrait une nouvelle perspective à cette rencontre inattendue. La robe que portait la prêtresse, verte, la désignait comme une suivante de Rikni. Un instant deconcerté, il fronça les sourcils. La Déesse voulait-elle le mettre à l'épreuve ? Était-ce là de ces signes dont parlaient ses plus fidèles adeptes ? Un message qui avait pris la forme de ses rêves et qui annonçait les épreuves à venir ? Rikni l'invitait-elle à la guerre contre le Fléau ?
Une nouvelle fois, il se perdit dans ses pensées. Y avait-il une leçon à retenir de son fourvoiement ? Clignant plusieurs fois des yeux, il passa une main dans ses cheveux, avant de déglutir ce qui lui restait de gêne. Dans un état second, presque absent et en proie aux plus improbables réflexions, il expliqua d'une voix étrangement calme.

« Mes excuses, Ma Mère, l'espace d'un instant, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre. »

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Cassandre d'AmbroisePrêtresse de Rikni
Cassandre d'Ambroise



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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyMer 24 Juin 2020 - 14:11





Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre 39f1c5f6e476019271730d31e106de85






Les secondes semblaient s'étirer, inexorablement, alors qu'ils demeuraient muets l'un comme l'autre. Gênés, ils s'observaient, se dévisageaient, tandis que les premières lueurs du matin se levaient doucement et commençaient à noyer d'or les plus hautes habitations de l'Esplanade. Si le cœur de la jeune prêtresse s'était emballée de colère, enhardie de répliques teintées d'irritation, sa résolution s'était étiolée devant le regard empreint de tristesse qu'il lui offrait. Elle se trouvait à la fois troublée par cette approche imprévue et peinée de voir à quel point il semblait déçu. Le contraste était saisissant, tant et si bien que Cassandre ne savait comment réagir. La confusion de la situation aurait pu être risible, presque burlesque, et la prêtresse n'aurait eu aucun mal à s'agacer de ce comportement mal venu et un peu trop familier, pourtant toute envie de vindicte s'était évanouit.


Le regard dans le vide, le jeune homme finit par desserrer lentement son étreinte et sa main retomba, presque inerte, le long de son corps. Cassandre, qui n'avait rien perdue de la scène, fronça imperceptiblement les sourcils avant d'avancer prestement d'un pas en le voyant vaciller. Elle tendit la main, prête à le retenir pour lui éviter de chuter – même si elle n'était pas certaine de réussir avec sa carrure – et frôla son bras. Il sembla néanmoins retrouver son équilibre sans aide, ou du moins quelque chose de plus ou moins proche, mais Cassandre avait déjà attrapé son bras sans vraiment s'en rendre compte. Elle avait visiblement agit d'instinct et, la situation n'exigeant finalement pas son aide, la prêtresse détacha ses doigts du tissu. Elle resta cependant vigilante afin de pallier à un nouveau trouble.


Toujours cloîtré dans un silence pensant, il avait baissé les yeux. La prêtresse n'avait plus guère de doute et il lui semblait désormais évident qu'il avait dû la prendre pour quelqu'un d'autre. Il se trouvait ainsi déçu d'être en face d'une simple prêtresse en lieux et place de la personne qu'il escomptait rencontrer. Pourtant en le regardant plus attentivement, Cassandre crut percevoir autre chose. A son comportement distant se mêlait autre chose. Il lui semblait avoir vu sa main trembler légèrement – à moins que son imagination ne lui joue des tours – et il avait l'air en proie à des souvenirs douloureux. Aussi rapidement qu'il avait saisit son poignet, il s'était éloigné et refermé sans laisser la moindre chance à la prêtresse de lui venir en aide et sans savoir pourquoi elle s'en trouvait peinée. Elle, qui aidait chaque jour son prochain, se retrouvait ici repoussée en dehors des limites qu'il avait lui-même franchi sans autorisation. Il lui semblait si lointain, malgré la proximité physique entre eux, que la jeune femme se sentit honteuse de lui avoir offert pour première rencontre un simple sentiment de malaise et de tristesse. Elle s'attendait d'ailleurs à le voir fuir à tout instant, sans vraiment comprendre d'où lui venait une telle affirmation. Peut-être aurait-elle agit de la sorte si elle avait été à sa place. Après tout, ne disait-on pas que le dernier espoir résidait dans la fuite?


Cependant, malgré ce qu'elle croyait avoir perçu, il finit par relever ses iris bleutés pour les poser sur elle. Surprise, Cassandre se sentit d'ailleurs un peu mal à l'aise. Le jeune homme la détaillait désormais avec attention, comme pour vérifier une ultime fois qu'il s'était fourvoyé, et elle n'avait pas l'habitude d'être ainsi observée. Habituellement elle tâchait de faire profil bas et n'appréciait pas trop être le centre d'attention pourtant là elle se retrouvait propulsée dans une situation somme toute inédite. Gênée d'être ainsi observée et détaillée, la jeune femme baissa les yeux. Elle ignorait tout de lui. Tout, jusqu'au nom qu'il portait. Seulement, il devait être important pour se trouver si tôt au cœur de l'Esplanade. De plus, il portait des vêtements d'excellente facture malgré cette heure matinale aussi cela ne faisait plus aucun doute pour elle. Il était noble, c'était évident.


Sans s'en rendre compte, Cassandre avait redressé le menton et l'observait de nouveau. Sa gêne s'était muée en curiosité silencieuse, surprise qu'on lui accorde tout à coup autant d'importance. Elle n'était pas effrayée par lui et, contrairement à nombres de représentants du Temple, la prêtresse ne semblait pas lui tenir rigueur de son impulsivité. Elle esquissa même un petit sourire fugace en l'entendant bredouiller quelques excuses – du moins elle estimait que s'en était sans toutefois en être certaine tant il marmonnait – et en le voyant s'incliner. Il était incontestablement gêné de ses agissements, même mal à l'aise, et Cassandre n'avait qu'une envie, le rassurer et lui faire comprendre qu'elle ne lui en voulait pas. Elle n'était pas de ceux qui s'attardaient sur un détail pour faire couler la réputation d'un noble, surtout s'il s'agissait d'une simple erreur de la sorte. Aucun mal n'avait été fait et elle voulait le lui faire savoir.


« - Mes excuses, Ma Mère, l'espace d'un instant, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre. »


Le jeune homme semblait soudainement calme. Trop sans doute. Cela tranchait par trop avec la gêne qui avait été visible jusqu'alors et Cassandre se demanda si cela n'était pas que du paraître.
'Ma Mère'. Entendre cette appellation honorifique lorsqu'on s'adressait à elle lui avait toujours paru étrange et, ici, la sensation fut d'autant plus accrue. Cassandre était aussi jeune que lui, plus peut-être, et cela lui fit l'effet d'un coup de poing. Un peu décontenancée, elle lui offrit cependant un visage qui se voulait amical et, contre toute attente, elle fit fi de sa condition de prêtresse rien qu'un instant et s'inclina légèrement avec la courtoisie de la noblesse. Elle espérait ainsi lui montrer le métissage de sa condition et lui faire entendre qu'elle comprenait sa délicate position.


« - N'ayez crainte, je ne vous en tiens pas rigueur. »


Il avait de nouveau l'air plongé dans ses pensées et la prêtresse de Rikni ne pouvait être certaine qu'il l'ait entendu. De nouveau elle s'attendait à le voir tourner les talons d'autant plus qu'il s'était plus ouvertement excusé de son comportement. Il était de ceux qui avait l'humeur changeante mais qui demeurait malgré tout intriguant, insaisissable en toutes circonstances et étonnamment impulsif. Ce genre de personne qui tendent à vous rendre curieux avec leurs longs silences.


Cassandre se rappela pourtant le léger étourdissement qui l'avait saisit quelques minutes auparavant et s'inquiéta du calme dans lequel il s'était muré. Souffrait-il de quelques maux pour s'être retrouvé aux portes d'une faiblesse de manière aussi visible? Y avait-il un lien avec la personne qu'il avait cru voir en elle? Cassandre avait mille questions en tête et pourtant aucune ne parvenait à franchir la fine barrière de ses lèvres. Quelque chose dans le regard de celui qui lui faisait face lui criait de ne pas aller plus en avant et de ne pas chercher à comprendre, de ne pas insister. Un défi que Cassandre et sa curiosité se refusaient d'ignorer.


« - Vous n'avez pas l'air d'aller bien, Messire. Êtes-vous souffrant...? »


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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyLun 6 Juil 2020 - 16:13
Il accueillit les mots de la prêtresse avec un sourire gêné. Elle se montrait courtoise et compréhensive, alors qu'il avait cruellement manqué de correction. Il le savait. Son attitude, ses gestes et même son allure n’avaient pas été des plus engageants. Il devait lui paraître bien instable et avait probablement l’air halluciné. Un fait qu’il imaginait d'ailleurs sans peine, tandis qu’il voyait les expressions se succéder sur le visage de la jeune femme. Il n'avait aucune excuse. Pas même l'once d'une idée pour justifier de son attitude déplacée, mais il n'avait pas l'intention de s'épancher sur l'épaule d'une inconnue. Le tout était donc d'assumer ses actes et de le faire sans hésiter, avec un minimum d'élégance. Veillant à rassembler ce qu'il lui restait de contenance, il s'inclina une nouvelle fois et pour répondre à la parfaite révérence qu'elle lui adressa. Il en déduisit qu'elle était de haute naissance. Une chose que ne pouvait que confirmer sa présence ici, à l'Esplanade, à une heure aussi matinale.

« Je vous remercie, Ma Mère, d'ainsi vous préoccuper de ma santé. Cependant, soyez rassurée, je me porte bien. Je n'en reste pas moins désolé de vous avoir causé quelques soucis et j'espère ne point vous avoir effrayée. Il me déplairait d'avoir concouru à vous rendre cette journée désagréable. »

Il esquissa un nouveau sourire, de circonstance cette fois, mais le ton abîmé de sa voix le faisait paraître absent. Songeur et toujours perdu dans les méandres d'une pensée qu'il ne parvenait pas à déchiffrer, il ne cherchait qu'à donner le change. Ses paroles avaient la substance de l'habitude. Seulement nourries de bienséance, elles témoignaient d'un exercice répété et livré avec la discipline d'un élève appliqué.

« Mais je manque à toutes mes obligations et m'affiche comme un malappris. Permettez que je me présente, Jacob de Rivefière et contrairement aux apparences, je n'ai pas pour habitude de poursuivre les jeunes demoiselles dans les rues de Marbrume à la lueur de l'aube. »

Une plaisanterie, sans aucun doute, mais livrée avec platitude, elle manquait de saveur. Le drôle aurait pourtant été secourable, tandis qu'il s'efforçait de paraître affable. Malheureusement, son regard demeurait éteint. L'azur de ses prunelles habituellement clair et limpide, se drapait dans le morose. De scintillants, ses yeux étaient devenus ternes, grevant ses traits d'une étrange mélancolie. Un contraste qui jurait avec les mots de sa boutade et que ses cheveux d'un blond argenté rendaient plus saisissant encore. En l'espace de quelques instants son fol espoir s'était mué en une peine sourde, avant de dériver vers autre chose. Un sentiment ténu, encouragé par ce qu'il restait de déraison dans l'élan qui l'avait porté jusque là.

D'une main fébrile, il réajusta la manche de sa chemise pourtant impeccable. Elle avait voulu le soutenir en saisissant son bras. Un geste rapidement amendé quand elle avait compris qu'il ne s'effondrerait pas. Cependant, la pression légère de ses doigts avait laissé une étrange sensation sur sa peau. Un picotement qui, sans le mettre mal à l'aise, amenait une gêne dans son esprit. Voilà des années qu'il ne s'était pas senti aussi malhabile. Une éternité qui le ramenait à une époque lointaine. Quand Rivefière n'était pas encore tombée sous les crocs et entre les griffes des fangeux.

Les jours étaient alors heureux et les lendemains s'écrivaient avec l'espoir d'une vie sans souci. Rien ne présageait cet avenir taillé par le Fléau. Celui-là même qu'il avait espéré fuir et qui n'avait de cesse de se rappeler à lui. Un futur bien loin de correspondre à ce qu'il avait imaginé. Comment aurait-il pu penser, un seul instant, hériter du titre de son père ? Et comment aurait-il pu envisager la vie sans Alys ? Il ne se passait pas un jour sans qu'il ne se rappelle d'elle et ses nuits, depuis l'exil, étaient hantées par le souvenir de sa perte. Il aurait pu se damner mille fois, seulement pour qu'elle survive et atteigne Marbrume. Il serait prêt à se damner encore, si cela pouvait la ramener.

Une pensée décidément condamnable, alors qu'il se tenait devant une prêtresse. Aussi, s'il y avait dans cette rencontre un quelconque signe, ne se sentait-il pas digne d'embrasser le divin. Bien au contraire, depuis toujours sa conduite lui promettait le tourment de l'oubli et de la solitude. Il n'était donc pas un exemple à suivre. Pas vraiment un monstre, mais bien loin de correspondre à ce que les textes décrivaient comme un bon croyant. Se racheter pour plaire aux dieux n'était pas ce plan aisé qu'il lui suffirait de suivre pour reconquérir sa place dans l'autre monde. Cependant, il ne pouvait pas baisser les bras, pas maintenant et ni même demain. Pas quand il avait la charge de son nom et de sa lignée. La tâche restait ardue, mais avec un peu d'aide... Le regard toujours posé sur la prêtresse, il pinça les lèvres, l'air contrit, avant de lui offrir son bras.

« Peut-être me permettrez-vous de me racheter en faisant quelques pas avec vous ? »

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Cassandre d'AmbroisePrêtresse de Rikni
Cassandre d'Ambroise



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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyLun 24 Aoû 2020 - 15:01





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Après un long moment de silence, l'inconnu s'inclina dans une parfaite révérence et s'excusa une fois de plus en prenant le temps de la rassurer sur son état. Ainsi, il n'était pas souffrant et lui disait aller bien. Pourtant, il semblait lointain, presque absent de la discussion, comme plongé dans des pensées profondément enfouies. Tout comme les dernières brumes d'hiver, l'inconnu paraissait insaisissable. C'était, à dire vrai, un sentiment bien étrange que de se sentir démunie de la sorte devant lui.

« - Permettez que je me présente, Jacob de Rivefière et contrairement aux apparences, je n'ai pas pour habitude de poursuivre les jeunes demoiselles dans les rues de Marbrume à la lueur de l'aube. »

La prêtresse esquissa un petit sourire devant la plaisanterie, mais se reprit bien vite devant son air absent.


Un nom. Elle avait enfin son nom.
Ainsi il était un Rivefière.


*Jacob...*


Cassandre demeurait silencieuse et semblait réfléchir. Elle avait connaissance des derniers événements qui s'étaient produits dans la noblesse – sa sœur ne manquait pas de la tenir au courant lorsqu'elle lui rendait visite au Temple – et elle se souvenait d'avoir entendu parler de la succession de cette famille. Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, la famille de Rivefière avait récemment perdu son chef de famille et son cadet avait dû reprendre les rênes. Jacob était-il cet homme là? La jeune femme l'observa plus attentivement pendant quelques secondes. S'il avait le port altier de la noblesse, son regard empli de mélancolie laissait entrevoir la lourde charge qui pesait sur ses épaules. Malgré ses efforts pour la masquer, la tristesse était encore bien visible dans ses yeux ternes. Il avait prétendu aller bien, mais la jeune femme comprenait désormais qu'il n'en était rien.


Le jeune homme semblait éteint, comme s'il avait perdu sa flamme.


La prêtresse était peinée.
Pourtant, l'espace d'un instant, elle fronça les sourcils en le voyant réajuster sa manche, celle-là même qu'elle avait légèrement saisi lorsqu'il s'était soudainement senti mal. Elle avait voulu l'aider en le soutenant mais elle se rendait désormais compte que ce contact lui avait été déplaisant, sinon pourquoi remettre en place sa chemise alors même qu'elle était impeccable... Finalement, en tentant de l'épauler elle n'avait fait qu’alourdir sa gêne. Instinctivement, Cassandre dissimula cette main derrière un pan de sa robe verdoyante et baissa les yeux.


Ils étaient restés silencieux un moment – Cassandre n'osant pas reprendre la parole – avant que le jeune homme ne brise cette lourdeur qui tendait à s'installer.


« - Peut-être me permettrez-vous de me racheter en faisant quelques pas avec vous? »


Nouveau revirement de situation.
Nouvelle incompréhension.


Cassandre, interloquée, releva lentement ses yeux pour les poser sur lui. Elle ne comprenait pas. Jacob lui offrait son bras pour faire quelques pas ensemble alors même que l'instant d'avant il lui montrait la gêne que son contact lui infligeait. La prêtresse ne savait que penser, ni comment agir. Elle avait comprit le caractère changeant du jeune noble mais se retrouvait désarmée devant lui sans saisir pourquoi. Il était clairement déstabilisant.


Un rayon d'or se glissa entre les feuilles d'un arbre et éclaira un peu mieux l'homme qui lui faisait face. Elle cligna des yeux, surprise par l'ambré du soleil, et posa finalement un regard nouveau sur lui. Ainsi, dans le clair obscur, Cassandre n'avait jusqu'alors pas remarqué la balafre qui était tracée sur le visage de Jacob. L'espace d'un instant elle se demanda d'où il la tenait et elle fut tenté de lui demander si elle le faisait souffrir, mais elle se ravisa bien vite. D'aucun aurait pu dire que cette fissure abîmait ses traits, d'autres auraient pu appréhender que la fange en soit responsable, mais pour Cassandre cela ne fit qu'accroître sa curiosité. Jacob de Rivefière était une énigme, un être dont elle n'arrivait à saisir aucune facette malgré ces observation.


La jeune femme hésita encore quelques secondes avant d'accepter. Cependant, pour ne pas manquer à la bienséance, elle devait avant tout se présenter, aussi elle s'inclina légèrement pour la seconde fois et prit la parole.


« - Je suis Cassandre d'Ambroise, prêtresse de Rikni au Temple de Marbrume, et j'accepte avec joie de faire quelques pas avec vous Messire de Rivefière. »


Un petit sourire franc et amical s'étira alors sur les lèvres de la prêtresse alors qu'elle lui répondait. Elle se rapprocha ensuite de lui et accepta le bras qu'il lui offrait, se promettant intérieurement que s'il se trouvait gêné une nouvelle fois par son contact elle se contenterait de marcher à son bord. Malgré cela, elle était bien décidée à détendre un peu l'atmosphère pesante qui alourdissait leur discussion. Du moins, elle voulait essayer.


« - Vous voyez, j'ai parfois l'impression que les rues changent chaque jour et j'ai parfois du mal à m'y retrouver... Donc je vous rassure Messire, vous m'évitez l'humiliation de me perdre encore une fois pour rejoindre le Temple. »


Tout en parlant, Cassandre se laissait guider par le jeune homme. Elle ne savait d'ailleurs pas pourquoi elle lui avait dit cela, sans doute pour tenter de le faire sourire et d'alléger sa peine. La prêtresse espérait que, pour quelques instant au moins, elle lui permettrait de ne plus y penser. Et peut-être escomptait-elle, en s'ouvrant un peu à lui, qu'il fasse de même. Pourtant l'espoir était mince.
Sans doute un espoir de fou.


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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptySam 5 Sep 2020 - 0:42
Depuis combien de temps n’avait-il pas pris le temps d’une promenade ? L’idée d’une ballade seulement dédiée à la flânerie lui paraissait si déplacée, qu’il n’avait pas imaginé un instant pouvoir s’y adonner aussi simplement. Les ruelles et autres allées de l’Esplanade se prêtaient pourtant au badaudage. Larges et belles, bordées d’impressionnantes demeures dont les jardins paisibles appelaient à la rêverie, elles invitaient au lambinage. Ici le passant avait devoir de musarder pour mieux admirer les splendeurs d’un monde seulement laissé à la portée d’une élite déconnectée de la réalité. Ici, le Fléau semblait n’avoir aucune emprise sur le beau. Quelle hypocrisie...

Relevant ses yeux vers le ciel dégagé et à présent ivre de lumière, il laissa ses pensées dériver vers ce qu’il avait vu de détresse dans les faubourgs de la ville basse. Ce n’était pas vraiment ce qu’il avait imaginé du monde qui s’offrait à lui quand, tout juste sorti de l’adolescence, l’avenir lui promettait quelques glorieuses années. Peut-être était-il alors trop jeune pour comprendre les enjeux d’une société qu’aujourd’hui, il découvrait fragile dans l’épreuve. Et peut-être se trouvait-il toujours trop idéaliste, à présent, pour voir ce que l’Homme charriait d’égoïsme et de vilenie. Peut-être…
 
Reportant son attention sur la prêtresse qui avait glissé son bras autour du sien, il chercha quelques mots anodins à partager avec elle. Une conversation à entamer sur un ton badin, un sujet à aborder sans cérémonie. Cependant, il peinait à donner le change. La vision qu’il avait imaginée en la voyant pour la première fois, continuait à malmener ses sens tandis que son regard se trouvait fasciné par les mèches dorées de sa chevelure. Bien sûr, il savait à présent qu’elle n’était pas Alys. Il comprenait comme sa raison avait fantasmé l’impossible et comme il s’était fourvoyé. Pour autant, la ressemblance demeurait troublante, aussi déconcertante que bouleversante.
 
Le nom qu’elle lui avait livré ne lui disait rien. Après deux années passées au sein de la milice, il n’avait pas vraiment eu l’occasion de côtoyer ses pairs et le beau monde. Cela ne lui avait pas vraiment manqué. Son goût pour la fête et l’amusement s’était érodé avec le temps. Il avait subi les affres de la perte et des épreuves. Quant à ses nouvelles obligations, il lui semblait inconcevable d’y trouver à s’épanouir alors qu’elles s’assortissaient du deuil. Perdre son père puis son aîné, après ce qu’ils avaient vécu sur le chemin de l’exil, tenait du plus terrible des malheurs. Certains en étaient venus à imaginer leur nom serti d’une malédiction dont la sentence n’avait pu être décidée que par les dieux…
 
Et s’ils avaient raison ?
 
À côté de lui la prêtresse de Rikni se montrait rassurante et polie. Peut-être pourrait-elle lui confier son sentiment sur cette question. Les Trois pouvaient-ils avoir vu dans leur fuite et dans leur débâcle quelques péchés à punir ? Avaient-ils pu se sentir offusqués quand Wymarc s’était refusé à prendre part à la folle charge menée par l'ancien Roi contre la Fange ? Étaient-ils réellement maudits ?

L'idée tenait de la superstition. Il en était presque convaincu. Presque...

Le doute s'était insidieusement emparé de son esprit. Il l'amenait à craindre quelques courroux divins. Une sanction vindicativement assenée contre celui des pêcheurs qui ne voulait rien regretter. Alors il refusait de mettre des mots sur sa pensée angoissée, comme si le simple fait de l'affubler de langage avait effectivement pu lui donner corps. Gonflée d'assez de force et de foi, une illusion pouvait devenir réalité.

Il fronça les sourcils, surpris de se voir si influençable. La culpabilité avait fait naître en lui quelques mauvaises habitudes. Des idées noires et dédiées à la fustigation. Et s'il n'y avait pas de réponse à toutes ses interrogations ? Et si les dieux, tout simplement, n'avaient été pour rien dans ce que le monde connaissait aujourd'hui de plus noir ? N'était-il pas envisageable qu'ils soient eux aussi les victimes de la Fange ?
Il avait pincé les lèvres et serré les dents si fort, que ses joues s'en creusèrent. Il avait probablement l'air acariâtre et se figurait aisément sa mine sépulcrale. Même s'il avait voulu fournir les efforts nécessaires pour seulement paraître affable, il ne serait pas parvenu à se départir du maussade ancré dans ses yeux. Il se souvint de sa promesse, celle faite à sa sœur – je te rejoins tout de suite – et celle qu'il avait offerte à son ancien maître d'armes. Barquiel devait l'attendre pour l'entraînement, mais il n'avait plus la moindre intention de le rejoindre.

C'était comme si ses forces l'avaient abandonné et comme si ses jambes ne le portaient que par habitude. Il avait calqué son pas sur celui de la prêtresse qui marchait à côté de lui tout en tenant son bras. Il se le sentait lent et régulier, aussi morne que les battements d'un métronome. À l'image du condamné qui se dirigeait vers l’échafaud, il avançait vers ce que le Destin lui promettait de funeste. Mais...

De sa voix fluette, la prêtresse l'obligea à délaisser ses sombres pensées. Elle souriait et cherchait visiblement à l'amener à quelques discussions futiles. Lui aurait souhaité pouvoir se montrer revêche, aussi désagréable que pouvait l'être son sentiment d'injustice, tandis qu'il voyait ses ressemblances avec Alys... Mais il n'en fit rien. Laissant filer un imperceptible soupir entre ses lèvres, il se prit à sourire avant d'acquiescer à ses propos sans importance.

« Je suis à votre service, Ma Mère et ne pourrais donc me résoudre à vous laisser dans l'embarras. Aussi, soyez certaine que mon bras comme mes pas se feront guides pour vous mener et vous conduire à bonne destination. »

Il laissa son sourire s'épanouir pour reprendre d'un ton faussement enjoué.

« Si c'est au Temple que vous souhaitez vous rendre, nous irons au Temple. Et si vous avez le désir d'explorer d'autres lieux incontournables de la cité-refuge, je me ferai devoir de vous servir de boussole. »

Le chemin jusqu'au quartier du temple n'était pas le plus long. Pour celui qui avait passé près de deux années au sein de la milice, il était même aisé de s'y rendre rapidement en empruntant quelques raccourcis peu connus. À une heure aussi matinale, les passants se faisaient rares, surtout à l'Esplanade. Cependant, quand ils eurent franchi le mur qui séparait le quartier noble du reste de la ville, l'activité sembla soudainement plus dense. Les petites gens avaient l'habitude du labeur et peu d'entre eux se laissaient aller à la paresse. La plupart des commerces n'en demeuraient pas moins fermés et leurs portes closes ne laissaient filtrer aucun signe de vie.
En prenant la direction du Temple et au fur et à mesure qu'ils s'en rapprochaient, ils croisèrent de plus en plus de mendiants et de nécessiteux. Des gens en peine, malades ou seulement pauvres qui quémandaient aide et attention à la prêtresse, mais se gardaient d'approcher son probable protecteur. Lame au flanc et beaux vêtements, il n'avait pas l'air engageant et semblait vouloir hâter le pas pour rapidement rejoindre la place qui, devant eux, bordait le Temple de la Trinité.


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MessageSujet: Re: Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre   Fantôme de moi-même en des jours anciens - Cassandre EmptyLun 14 Sep 2020 - 22:19





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Au bout de quelques minutes de discussion, Cassandre n’avait plus aucun doute. Mélancolique. C’était le terme qui désignait au mieux le jeune homme qui lui avait proposé son bras. Il avait l’air d’un rêveur absent, happé par des songes qu’il aurait sans nul doute préféré ignorer. La prêtresse était restée silencieuse un moment, l’observant pour essayer de saisir le mal qui le rongeait. Mais rien n’y faisait. Il restait enfermé en lui-même avec pour seul éclat un air morose figé sur ses traits. Il était pourtant bien jeune pour tant de tristesse. Mais le monde actuel ne faisait pas de cadeau et s’avérait impitoyable même avec les meilleurs d’entre eux. La cicatrice qui abîmait son visage, et qu’elle n’avait remarqué que tardivement, en état l’exemple parfait. Il avait souffert physiquement en plus des douleurs insoutenables qu’infligeait la perte d’êtres chers. Cassandre ne connaissait pas Jacob mais elle avait eu vent des funestes déboires de sa famille. Elle savait qu’il y avait eu des malheurs et se doutait, même sans être dans le même cas que lui, des dégâts que cela pouvait causer. Pire encore, elle pouvait voir rien qu’en le regardant que la douleur était encore bien vive. Même s’il restait silencieux elle ne pouvait s’y tromper. Il souffrait.


La prêtresse avait alors essayé d’initier une discussion, mais cela s’avéra dans un premier temps être un échec. Elle se sentait ridiculement idiote devant son discours qui sonnait creux et ne savait pas trop comment engager une vraie conversation. Les silences de Jacob étaient déroutants tout autant que lui. Cassandre ne se sentait pas de taille à se mesurer à la morosité du jeune homme et pourtant elle ne voulait pas non plus le laisser s’abandonner à une mélancolie destructrice. Elle tenta alors de lui changer les idées en s’appuyant sur sa capacité limitée à se repérer dans les dédales de ruelles et, dans un premier temps Cassandre crut qu’il ne réagirait jamais. Puis, finalement, Jacob se décida à lui répondre et contre toute attente elle lui arracha même un léger sourire. Elle n’aurait pu dire si c’était un élan de sympathie ou simplement de la courtoisie, mais elle était contente qu’il tente de donner le change. Même si le discours semblait inutile, elle avait au moins le mérite d’essayer de lui changer les idées.


Ma mère.
Décidément, elle n’arrivait pas à s’y faire. La prêtresse avait l’impression d’avoir cent ans lorsqu’on la nommait ainsi. Bien sûr, elle connaissait l’usage et s’y pliait sans sourciller mais cela lui laissait toujours un ressentit bien étrange, tel un coup de bâton qu’on vous assène soudainement. Sans compter qu’elle devait avoir à peu près le même âge que le jeune noble… Évidemment, il ne dérogeait pas à la règle et s’avérait élégant dans ses paroles teintées de bienséances, tenant son rôle à la perfection. Il lui offrit même sa protection jusqu’au Temple. Contrairement à elle il avait incontestablement l’aisance de ceux qui savent se jouer des mots pour discourir et, aussi, elle ne sut pas vraiment quoi lui répondre sans paraître insignifiante.


« - Je vous remercie, Messire, de votre délicate et aimable attention, mais je vous en prie, appelez-moi Cassandre. Je ne suis pas si âgée que cela. »


Après tout, ils étaient seuls et rien ne les forçait à se tenir à la rigidité de l’étiquette alors qu’il avait un âge similaire et qu’ils pouvaient se montrer courtois sans cela. Et puis la jeune prêtresse avait vraiment du mal à se faire à ce titre qui lui revenait mais qui lui donnait un impression tenace de vieillesse. Elle avait tendance à revoir, avec cette appellation, les anciens prêtres et prêtresse qui lui avaient inculqués les enseignements du Temple. Ceux aux cheveux grisonnants et aux articulations grinçantes. Ceux-là même qui s'activaient encore aujourd'hui mais qui perdaient le souffle au bout de quelques minutes à peine. Cassandre était prêtresse, mais il était hors de question qu'elle passe pour une vieille carne avant l'heure.


Son bras toujours posé sur celui du jeune noble, Cassandre avançait en se calquant sur son pas. Si au départ Jacob avait semblé prendre son temps, avançant avec une morosité presque évidente, désormais, alors qu'ils s'approchaient des quartiers plus humbles et donc plus peuplés de la ville, il accéléra légèrement. Les bâtisses luxueuses laissèrent place aux mendiants qui quémandaient ça et là. Pourtant, et contrairement à d'habitude, personne n'osa s'approcher de la prêtresse. Étonnée, elle leva les yeux vers le jeune homme qui lui servait d'escorte et qui semblait repousser sans le vouloir les nécessiteux. Il avait l'air sérieux du protecteur qui cherche à dissuader quelques badauds qui pourraient tenter de venir en maraude un peu trop près de Cassandre. La prêtresse ne pouvait nier qu'il émanait du noble une aura qui pouvait fasciner autant que déplaire. Lame au flanc et beaux vêtements côtoyaient misère et désespoir alors même qu'ils avançaient toujours plus en avant vers le Temple. Pourtant lorsqu'ils arrivèrent aux abords du bâtiments, il furent presque stoppé par l'arriver de quelques uns des serviteurs du Temple, notamment un des haut prêtre. Ce dernier s'approcha et, une fois proche d'eux, il s'inclina légèrement pour saluer le jeune homme.


« - Comte de Rivefière, je suis ravi de vous voir ici. J'espère que vous... »


Estomaquée, Cassandre cessa d'écouter pour se concentrer quelques instants sur Jacob. C'était lui le comte de Rivefière?! LE Comte?! Et elle lui avait parlé comme si de rien n'était? Sans savoir qui il était? Et elle était pendue à son bras le plus normalement du monde?! La prêtresse n'osa pas relever les yeux sur son supérieur, sachant pertinemment qu'elle risquait de gagner immédiatement une remise en place. Déjà à côté d'eux elle pouvait entendre de petits murmures féminins, à croire que le Comte faisait son effet. Cassandre ne savait plus quoi faire. Si elle lâchait son bras trop rapidement, ne serait-ce pas perçu comme un aveux par les plus médisants et comme un bien piètre remerciement pour celui qui l'avait escorté alors même qu'il ne lui devait rien? D'un autre côté, rester à son bras ne pouvait-il pas nuire à son image? Elle n'était qu'une simple prêtresse parmi tant d'autre.


Cependant, elle n'eut pas le temps de réfléchir plus en avant, Jacob de Rivefière lui rendit son bras et s'inclina légèrement pour prendre congé. Il s'éloigna rapidement alors que Cassandre, ainsi qu'une petite assemblée de religieux, le regardait s'élancer dans la foule de mendiants puis disparaître. Pourquoi n'avait-il rien dit au sujet de son statut? La prêtresse de Rikni ne comprenait pas. Lui avait-il caché volontairement pour ne pas être contrarié par les réflexes mondains de leur société ou était-ce tout autre chose? Jacob demeurait un mystère qu'elle ne parvenait pas à cerner.


Lorsqu'elle releva enfin les yeux, Cassandre ceux glacials de son supérieurs. Aïe...



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