Cérémonie d'entrée dans la milice. [PV Eleanor et Talya]

27 Mai 1166

Aude était une habituée du temple, elle s’y rendait très souvent petite, sa famille ne s’était jamais détournée des Trois. Elle y allait pour prier, pour se recueillir, pour trouver du réconfort et du soutien. Elle avait toujours eu un grand respect pour tout édifice religieux. Mais davantage pour le temple de Marbrume, de sa cité, celle qui l’avait vu naître. Elle s’y sentait bien, en presque sécurité, depuis la fange. Elle pensait qu’ici, les monstres n’osaient pas s’aventurer, qu’ils soient de l’extérieur ou de l’intérieur des murs. Ici, personne ne pouvait lui faire du mal.

Elle releva la tête, contemplant les pierres grises, avant d’entrer à l’intérieur de l’édifice. Elle était venue un peu plus tôt que les autres, pour s’imprégner du lieu et de marquer ce jour si particulier. En effet, aujourd’hui était le jour de la cérémonie d’entrée dans la milice. Même si les choses ne s’étaient pas exactement passées comme elle l’avait souhaité petite, peu importe au fond. Elle y était, elle allait ouvertement formuler ses vœux devant les Trois, elle serait reconnue religieusement comme milicienne. À cette pensée, elle sentit son cœur se serrer puis tambouriner de plus belle entre ses côtes. C’était un jour unique et qui serait gravé à jamais dans son esprit. Elle fut triste que son père ne soit pas là pour y assister, bien qu’évidemment, il n’approuverait pas. Mais elle faisait ce geste aussi pour lui, elle espérait que malgré tout, il reste fier d’elle.

La lumière transperçait les nombreux et magnifiques vitraux et apparaissait de manière mystique à l’intérieur. Elle appréciait ce jeu d’ombres et de lumières colorées, les rayons de l’astre du jour étaient filtrés, donc pas agressifs. Elle pouvait en profiter et retrouver son apaisement ainsi. Elle s’avança ensuite vers l’immense représentation de la déesse Rikni, s’agenouillant devant elle.

« C’est pour toi, déesse que je suis là en ce jour. J’espère me montrer digne de toi, que tu m’accueilles dans tes rangs. »

Elle se releva, entendant du bruit dans le hall de l’édifice. Les autres collègues de la milice devaient arriver. Elle les rejoint, se fondit dans la masse. La sergente était présente pour les accompagner dans leur première épreuve. Aude la salua respectueusement, avant de reporter son attention sur le reste du groupe. Ils étaient tous regroupés et présents pour la même chose. Le cœur d’Aude se remit à battre plus fort dans sa poitrine. Il manifestait une certaine anxiété. La future milicienne aurait préféré une cérémonie plus personnelle et restreinte, pourtant il fallait bien qu’elle s’y habitue. Ses hommes et ses quelques femmes autour d’elle allaient devenir sa nouvelle famille, ses frères et sœurs d’armes. Peut-être de l’un.e d’entre eux, sa vie allait dépendre, ou inversement. Elle ignorait comment la cérémonie allait se dérouler exactement, elle restait à l’écoute, concentrée, attendant que le prêtre ou la prêtresse qui allait officier, les accueille.

Eléanor avait été un peu surprise qu'on lui demande d'assister à une cérémonie d'entrée dans la milice, d'autant plus qu'elle avait appris qu'une autre prêtresse, spécialisée dans le culte de Rikni, la présiderait avec elle. Elle ne pouvait pas refuser, c'était toujours un honneur de servir les Trois de cette manière. Mais elle trouvait tout de même cette requête étrange, d'autant plus que lorsqu'elle arriva dans le grand Hall, au milieu de la matinée, il n'y avait personne. Sa Sœur n'était pas là, alors qu'elle aurait déjà du être affairée à préparer tout le nécessaire pour la cérémonie. Mais le Hall était bel et bien vide, si on omettait les trois statues de dix mètres de haut qui surplombaient tout l'espace de leurs regards tantôt bienveillants, tantôt déterminés. L'absence de fidèles n'était pas sa préoccupation. On avait vidé les lieux pour que seuls les futures miliciens et miliciennes puissent avoir l'attention de la déesse à queue de serpent. C'était plutôt l'absence de tout clerc qui la dérangeait. Le Hall était purement, simplement, particulièrement... Vide.

Eléanor décida qu'elle ferait mieux d'attendre que quelqu'un se manifeste pour commencer quoi que ce soit. De toutes façons, elle n'était pas en charge des serpents et ne pouvait donc effectuer toutes les préparations qui s'imposaient seule. Elle s'adossa donc à l'une des immenses colonnes qui bordaient le grand hall de chaque côté et contempla la douce lumière qui s'agitait légèrement au gré des nuages derrière les vitraux multicolores. Elle en profita pour adresser une prière plus personnelle aux Trois, et plus particulièrement au Dieu qu'elle chérissait plus que tout. Elle pria pour que cette journée ne voit pas la mort de trop de gens, pour que le soleil continue de se lever sur la cité et que la famine ne ravage pas les dernières bribes d'humanité. Elle pria pour que son frère ait effectivement rejoint le domaine d'Anür. Les larmes commencèrent à remonter à ses yeux, menaçant de couler de nouveau à flots. Cela ne faisait que quelques jours, une dizaine tout au plus. Elle avait toujours mal, mais elle ne devait pas. Elle était là pour encourager de jeunes gens dans leurs nouvelles vies de miliciens, pas pour s’apitoyer sur son sort. Mais pourrait-elle seulement leur sourire alors que peut être certains ne reviendraient même pas après leur première mission? Non, sourire elle ne pourrait pas aujourd'hui. Ou alors timidement, tristement peut être...

Elle prit une grande inspiration, alors même qu'elle entendait des pas légers résonner dans la salle. Sa Sœur s'était-elle décidée à pointer le bout de son nez? Non, c'était une jeune femme qu'elle n'avait jamais vu. Cela lui fit reprendre contenance, et elle allait s'avancer vers elle lorsque celle-ci se dirigea vers la représentation de Rikni, s'agenouilla et murmura quelque chose qu'Eléanor ne pouvait pas entendre. Ce devait être une des nouvelles recrues de la milice, une femme qui allait peut être laisser sa peau dans cette guerre. Cette fois, une véritable larme roula sur la joue de la prêtresse, qu'elle essuya précipitamment. C'était une vision si pure, que de voir cette future milicienne en tenue, si jeune, agenouillée dans la lumière chaleureuse d'un matin de début d'été. On croirait presque que le temps s'était arrêté. Malheureusement, de nouvelles arrivées se chargèrent bien vite de la rappeler à l'ordre, quelques autres recrues, une femme à l'air dur qu'elle identifia à sa tenue comme une sergente.

Eléanor n'avait rien contre les femmes dans la milice, elle était même plutôt progressiste et déplorait de voir que tant de femmes de valeur étaient traitées parfois comme des animaux. Mais elle avait plus pitié encore des miliciennes, qui perdaient leur innocence bien trop jeunes, qui subissaient parfois plus d'injures qu'aucune autre n'aura a entendre dans sa vie. Les coups, les bavures, le harcèlement, le viol parfois... Sans compter qu'elles étaient souvent mal formées et qu'on pouvait parfaitement les envoyer en appât contre un fangeux pendant que les hommes fuyaient derrière... Bon, elle savait qu'elle avait peut être une vision erronée et fantasmée - dans le mauvais sens du terme - de la milice, mais elle était tout de même bien contente de ne pas avoir eu à faire ce choix.

La jeune femme continua de contempler les arrivants, et vit du coin de l’œil que la jeune femme agenouillée se joignait au groupe. Elle s'étonna encore une fois de ne pas voir sa Sœur arriver, elle devait être en retard ou avait eu un problème avec les serpents. Si elle n'était toujours pas là dans une demie heure, elle irait voir ce qu'il se passait. Elle ne comptait tout de même pas rester plantée là alors qu'une prêtresse était peut être en danger. Les serpents, même débarrassés de leur venin, pouvaient tout de même étrangler un humain sans problème...