Apéro avant le service. [Feat Jacob]

Je quitte le temple, une mâtiné qui commence sur une situation des plus délicates. Heureusement grâce à l'intervention d'un homme je n'ai pas subi de séquelles quand l'hérétique a bondi sur moi l'arme au poing. Je me dois maintenant de lui prouver ma reconnaissance et dans je me presse de le rattraper pour lui proposer quelque chose de plus conviviale que notre précédente mésaventure.

Il attend que je l’atteigne pour connaitre la raison de mon empressement à son égard. Je lui propose le couvert avant d'entamer cette journée, un doute m'envahit qu'il accepte ma demande soudaine mais j'en suis rapidement soulagé quand il semble être partant. Il est difficile d'imaginer de le voir emplie de rage maintenant que le jeune homme est calmé, un souvenir douloureux estompé depuis son intervention et je peine à vouloir lui demander une telle information alors que nous sommes encore de parfait inconnu.

Une invitation qu'il me renvoie pour payer une partie des frais lors de notre escapade dans la taverne, incapable d'insister à sa proposition qui vient de moi à la base j'affirme de la tête pour conclure notre accord. La chope sucrée est notre destination, un endroit réputé pour tout milicien qui se respecte et qu'il m’énonce ce lieu me laisse comprendre que nos corps de métier sont proches, mais je le sais déjà grâce à la génitrice de mon camarade ayant laissé un indice subtil à ce sujet un peu plutôt.

"Allons-y." Dis-je en élaborant un sourire sincère, dans mes habitudes je préfère la solitude à une compagnie lors d'un repas ou d'une chope bien remplie. Pourtant après ce début de journée mouvementée due aux calomnies sur la trinité et ses dernières jours difficiles je m'en vois surpris qu'une discussion avec un camarade me plaise à entrevoir.

Je commence à connaitre les ruelles de la ville comme le fond de ma poche, le chemin pour rejoindre la taverne se fait sans encombre et dans un silence de prière. Je n'ai pas ce talent d'avoir la conversation facile, du moins je trouve cela difficile d'aborder quelqu'un dont je ne connais que le nom pour l'instant. Une fois la porte dépassée nous prenons place à une table libre, la présence d'autres miliciens a la recherche du réconfort avant le service nous oblige à prendre la première disponible. Une serveuse ne tarde pas à venir avec un sourire pour connaitre la raison de notre venue, je m'élance en premier sur le choix de la commande. "Une cervoise et s'il reste des tourtes de la veille cela m'ira sinon vous pouvez me mettre un morceau de pain pour moi s'il vous plaît." Dis-je alors que mon regard se tourne vers mon camarade. "Commande ce que tu veux, fais-toi plaisir." J'essaye d'assurer ma position sur ma capacité à payer la note, le prix pour avoir évité qu'une dague se plante dans mon abdomen n'a pas d'importance.

Dans l'attente de recevoir notre commande, je me permets de lui poser une question pas forcément maligne alors qu'une réponse est facilement décelable quant aux indices semés pendant ma discussion au temple. "Tu es un milicien toi aussi de ce que j'ai pu comprendre, tu es rattaché à quelle zone ?" Je suppose de l'externe, je pense pouvoir me permettre d'exclure l'interne, ayant une bonne mémoire des visages qui l'occupe j'en suis presque persuadé. Les deux secteurs n'ont pas souvent une bonne entente, pourtant nos buts sont de servir la ville du mieux qu'on le peut non ? Malgré la différence de nos tâches attribuées je n'ai jamais vraiment compris pourquoi nos deux camps ne peuvent pas se supporter parfois. Néanmoins la personne devant moi ne semble pas être aussi borné que certain à ce sujet, du moins je l'espère.

Une semaine s’était écoulée depuis les évènements du 1er mai. Une simple semaine durant laquelle il avait vu son quotidien transformé. Se dire qu’il ne reviendrait plus à la milice demeurait un constat lourd. Un sacrifice qu’il consentait cependant à son nom, à sa famille et surtout à son père tombé pendant l’invasion fangeuse. Laissant son regard parcourir les lieux, il s’attarda à contempler les soldats présents autour des tables et au bar. Leurs mines fatiguées n’étaient que les témoins de ces jours passés sur le pied de guerre. L’attaque – parce qu’il s’agissait bien de cela – avait mis en évidence des failles jusque-là insoupçonnées. Qui aurait d’ailleurs pu imaginer que certains se trouvaient dérangés au point de vouloir offrir un banquet aux dévoreurs ? Le nombre des innocents tués dans cette folie était colossal. Monstrueusement colossal. Et la milice n’avait pas été épargnée. L’ambiance ici s’en ressentait. Aujourd’hui, pas de jeux de dés ou de chants festifs pour accompagner un verre. Pas de badinage, ni aucun concours de bras de fer. Rien que des regards usés et alourdis par le manque de sommeil. Même Estelle, habituellement guillerette et enjouée, avait perdu de son entrain. Seulement pressée par la réouverture de l’auberge, elle passait entre les tables sans avoir plus de temps à accorder aux clients.
 
Ils s’installèrent là où il restait de la place, entre deux groupes de miliciens visiblement épuisés. Son compagnon d’infortune, silencieux jusque-là, héla la tenancière dès qu’elle fut à portée de voix. Il passa commande et l’invita à faire de même.
 
« Une cervoise également, mais pas de tourte, ni de pain. » S’entendit-il répondre à la rouquine lorsqu’elle posa ses yeux sur lui.
 
Il n’avait pas l’intention de profiter de la solde durement gagnée d’un milicien et n’avait pas faim. Un fait devenu habituel ces derniers jours. Depuis le couronnement et les tragiques événements qui avaient entouré la cérémonie, il peinait à seulement avaler un bouillon. D’aucun dirait qu’il faisait la fine bouche, mais il avait tout simplement perdu l’appétit. Le massacre, les rudes combats contre la Fange et ses créatures, la mort de son père, la blessure de son frère et celle de Serena… Toutes ces choses pesaient sur son estomac au point de le nouer.
 
Passant une main dans ses cheveux, il s’efforça de faire bonne figure. Cependant et tandis que le milicien lançait la conversation, il accueillit sa question avec un sourire amer.

La milice… Il l'avait rejointe peu de temps après leur arrivée à Marbrume et dès que sa blessure au visage avait été soignée. Un moyen de se rendre utile quelque part où on apprécierait ses capacités et une solution pour celui qui voulait échaper au regard inquisiteur de son père. Wymarc était exigeant. À l'image des grands noms de la lignée dont il était alors le représentant, feu le Comte de Rivefière était un combattant aguerri et loyal. Ses convictions, renforcées par une dévotion totalement acquise aux Trois, faisaient de lui un homme droit et tout particulièrement pieux. Il avait très largement contribué à parfaire l'image que les gens se faisaient de leur famille et n'avait pas manqué faire honneur à sa réputation de guerrier. Ainsi était-il mort, l'arme à la main. C'était sans doute ce seul point qu'il partageait avec lui. Mourir pour la défense des plus faibles était de ses principes le plus évident. Il avait d'ailleurs été formé pour cela. Entraîné depuis son plus jeune âge à faire la guerre, mais à l'époque il était seulement question de se battre contre des hommes. Tout avait changé avec l'arrivée de la Fange. Tout ou presque. Roland demeurait le fils parfait

Il n'avait pas été aisé de grandir dans son ombre. Être sans cesse comparé à la "Perfection" pouvait s'avérer usant. Au sein de la milice, là où il s'était évertué à taire ses liens familiaux, il n'y avait personne pour lui dire comme son aîné le surpassait en tous points. Alors oui, la vie y était dure. Il ne bénéficiait d'aucun traitement de faveur et se trouvait bien souvent en première ligne, mais cela avait été son choix. Un choix qui venait malheureusement de lui être retiré.

« J'ai fait partie de la milice extérieure. Ma coutillerie était surtout chargée de la protection des convois maritimes. Et toi ? Tu dois être de l'intérieure, non ? »

Mon regard jongle entre la serveuse et mon compagnon de table quand il prend sa commande. Le simple choix d'une boisson m'étonne qu'à moitié, l'appétit aurait disparu en même temps que les tueries récentes. Je n’échappe pas à la règle, néanmoins je me force d'avaler quelque chose pour tenir le coup pendant les longues journées.

Combien de cadavres puis-je compter depuis ce funeste jour, entre s'eux que j'ai pu voir de mes propres yeux et les autres dont j'ignore l’existence. Le temple bondé d'aujourd'hui est une preuve de mes propos, le nombre de familles qui pleure leur mort, les proches qui n'ont plus de personne liée par le sang en ce bas monde. J'ignore si n'avoir plus personne à pleurer la disparition soit meilleur qu'attendre dans la crainte que son dernier proche risque la mort au tournant d'une ruelle. Étant dans le deuxième cas, je ne souhaite pas vraiment découvrir le premier.

Notre conversation reprend, nos affectations étant le sujet de celle-ci je m'étonne de voir la perspicacité de mon compagnon de beuverie si je puis dire. La milice extérieure n'est pas vraiment un secteur très reluisant c'est dernier temps, le taux de mortalité reste élevé un peu partout mais ce secteur détient surement le plus important de tous. "Oui, en temps normal nos activités se résument à des patrouilles et les petits délits commis en ville." Je m'en suis rendu compte qu'après coup, l'utilisation du terme en "temps normal" est devenue si fréquente que cela devient énervant de s'y habituer de la sorte. "Si ton n'intuition vise aussi juste que ta lame j'éviterais de me confronter à toi si nos routes se croisent sur un terrain d'entrainement." Dis-je avec un léger sourire pour appuyer ma plaisanterie sur le sujet en attendant une réponse orale ou même physique à l'humour forcé pour détendre l'atmosphère.

Un combat donc ? L'idée de l'affronter pour mesurer nos aptitudes respectives me traverse l'esprit l'espace d'un court instant. Je n'aime pas spécialement me mettre en spectacle devant autrui pour connaitre qui possède la plus grosse, néanmoins cette curiosité est parfois de mise et j'imagine que c'est humain de penser ainsi.

Notre commande finit par arrivée dans les mains de la serveuse dont le sourire forcé accompagné des cernés due probablement à la fatigue que nous pouvons profiter d'un peu de réconfort dans la boisson. J'ai fixé le pain quand elle le tendit sur la table, un peu trop car une réplique en suivi. Elle s'excuse de n'avoir pas pu me dénicher une tourte comme je le voulais. "Ce n'est pas grave, cela fera l'affaire." Mon ton employé n'est pas agressif, on peut sentir la déception de ce troc et pourtant il est impossible de lui en vouloir en vue de notre crise actuelle.

Je commence par mettre un croc dans le morceau de pain, il est durci au point qu'à chaque tentative des miettes poudreuse tombe sur la table. J'alterne avec la boisson pour réduire cette désagréable sensation d'être asséché à chaque nouvelle bouchée. Un homme dont le visage me parle vaguement se dirige à notre table, je n'apprécie guère sa trombine quand il semble vouloir m'adresser la parole comme pour m'annonçait la mort d'un proche. "Salut Noah, tu ne dois pas te souvenir de moi. J'étais un ami de ton père, j'ai appris ce qu'il lui est arrivé... Si tu as un souci hésite pas à venir me voir à la boutique." D'un pas rapide il s'éloigne de notre table pour en trouver une autre, ce sentiment de malaise qui m'avait envahi se dissipe doucement. L'espace d'un instant j'ai cru que la dernière personne qui me soit encore rattachée dans cette vie soit morte.

"Il a plombé l'ambiance désolée." Il est difficile d'aggraver les choses dans notre état. Pourtant je ne peux rien dire d'autre à cet instant précis étant encore un peu troublé par cette frayeur que je me suis infligé à moi-même.

Un milicien de l’interne… C’était assez évident et il aurait pu en prendre le pari. Non pas que son interlocuteur lui paraisse moins impliqué ou moins vaillant. Il avait seulement cet air navré, presque désabusé de celui qui, pour la première fois, se trouvait impuissant. Son regard chargé des horreurs qu’il avait pu voir n’en demeurait pas moins… Bienveillant. Il inspirait la sympathie, en quelques sortes. Avec ses yeux verts, sa barbe entretenue – autant qu’elle pouvait l’être en ces temps troublés - et ses cheveux presque bien coiffés, il avait tout de l’exemplaire. Seule ombre au tableau, le cocard qui marquait dorénavant sa tempe faisait tout particulièrement ressortir la fatigue imprégnée dans ses traits pourtant réguliers.
 
« Rien à voir avec l’intuition, je le crains. »
 
Il esquissa un pâle sourire.
 
« Mais tu n’as pas vraiment le physique de l’emploi pour l’externe. Pas de cicatrices visibles, sinon sur tes mains, un air plutôt affable et puis… Tu as mis ton assaillant en garde avant d’envisager agir. À l’extérieur des murs il est préférable de frapper sans sommation… Frapper d’abord, réfléchir ensuite. »
 
Son sourire tira sur le coin de ses lèvres.
 
« Question de survie j’imagine. Bannis et autres proscrits n’ont pas pour habitude de prévenir avant d’attaquer. Quant aux fangeux... »
 
Il n’y avait pas besoin de préciser sa pensée. Tout le monde le savait, encore plus sûrement depuis les tragiques événements qui avaient entouré le couronnement de l’ancien Duc ; les fangeux n’hésitaient jamais. Leur objectif, unique et fixe, consistait à seulement dévorer et massacrer les êtres humains. Rien ne semblait capable de les détourner de ce but et lorsqu’un fangeux vous prenait pour cible, il était presque impossible de lui échapper.
 
« Tu préfèreras sans aucun doute m’affronter sur un terrain d’entraînement plutôt que d’avoir affaire à eux. Cependant et je le regrette, cela ne sera très probablement plus possible. Je ne suis plus milicien. »
 
Une phrase prononcée comme une sentence alors qu'Estelle revenait vers eux. Levant les yeux pour la voir apporter leur commande, il la remercia tandis qu’elle posait les verres sur la table et s’excusait de n’avoir rien d’autre à proposer qu’un quignon de pain. Un fait indéniablement lié au contexte. Les convois d’approvisionnement avaient dû être suspendus le temps de remettre la cité en ordre. La priorité était toujours donnée à la sécurité et il était avant tout nécessaire de consolider la défense des quartiers fragilisés par l’attaque. Il fallait également s’occuper des morts et il y en avait tellement…
Il garda le silence, le temps qu’Estelle finisse de les servir puis, reportant son attention sur le milicien, il prit une nouvelle fois le temps de l’observer. Il ne devait pas être bien vieux, lui non plus. Probablement avaient-ils le même âge, à une ou deux années près. Ses gestes, même s’ils ne s’encombraient pas de fioritures, se dotaient d’un peu de manières. Il n’avait pas non plus le parler d’un milicien ordinaire, échappé d’un atelier ou sorti d’une étable. Le fils d’un bourgeois peut-être… Ou celui d’un hobereau au mieux… Il en restait quelques-uns. Des survivants qui, comme lui, avaient fuit leur terre natale pour se retrouver ici.

Il allait l'interroger sur ses origines - seulement pour vérifier la justesse de ses réflexions -mais un homme se présenta à leur table. Il avait l'air usé, la mine aussi déconfite que les autres et le geste chargé d'émotions. Quelqu'un qui visiblement connaissait le milicien. Ce dernier ce crispa rien qu'à le voir faire montre d'empathie tandis qu'il lui présentait ses condoléances. Un moment étrange, presque « malaisant » qui amena le Rivefière à reconsidérer ce qu'il avait d'égoïsme. Il n'était pas le seul à avoir perdu un être cher. Il n'était pas non plus l'unique dépositaire du sacrifice. Ils étaient même nombreux à pleurer la disparition d'un proche et beaucoup d'entre eux se trouvaient bien plus mal lotis que lui.
Un sentiment de honte se glissa insidieusement dans son esprit alors qu'il réalisait comme il était resté centré sur lui-même. Sur ses contrariétés finalement ridicules quand on savait le terrible et l'atroce vécu par les plus démunis. Ceux qui n'avaient pas eu un cordon de nobles défenseurs pour les protéger. Ceux qui, en première ligne, avaient vu périr leur propre sang sans leurs yeux... Comment avait-il pu oublier ?

Baissant les yeux pour mieux se résoudre à admettre son erreur, il secoua la tête tout en passant un main sur son front. Quel idiot... De ses doigts il suivit la ligne de ses sourcils, avant de se redresser sur un lourd soupir. Si les dieux avaient voulu lui adresser un message, ils ne s'y seraient pas pris autrement.

« Je suis désolé pour ton père. » Il attrapa son verre de cervoise et s'en offrit une belle gorgée . « Et je compatis. J'ai également perdu le mien ce 1er mai. »

Pinçant les lèvres, il opina du chef avant d'ajouter, l'air pensif.

« Je regrette de n'avoir pas été à ses côtés. Je crois qu'il m'aurait plu de le voir se jeter dans la mêlée, glorieux et fier jusqu'à son dernier souffle... Ma mère jure l'avoir entendu appeler au ralliement. L'ultime chant du cygne... »

Un nouveau sourire ponctua ses paroles.

« C'était une vraie tête de noeud, mais... Au front il valait bien trente hommes et surtout... » Il renifla avant de porter une nouvelle fois son verre à ses lèvres. « Je n'aurais pu rêver d'un meilleur père. »

Levant le coude, il bu ce qu'il restait d'alcool dans son verre avant de commander une autre tournée.

J'écoute les paroles de l'homme assis en face de moi, je compris rapidement que mes actes dans le temple sont plus révélateurs que je n'ai cru. Il est vrai que même parfois entre les murs de la cité prévenir les malandrins laisse toujours ce moment de malaise d'être interrompue par un poignard ou un coup mal placé pour les plus vicelards. Alors en extérieur ce genre de formalité doit-être bien étrangère, je n'ai guère envie de connaître le monde par-delà nos murailles.

Le mot de "fangeux" sorti subitement dans la conversation, le plus étrange est que j'ai pu oublier leur existence pendant une fraction de seconde. Comme si je cherchais à fuir la réalité le temps d'un verre, ce n'est vraiment pas possible d'être si naïf n'est ce pas ?

Il poursuit en laissant la suggestion que l'affronté sera plus plaisant que de se retrouver face à cette abomination. J'ai vu nombre de camarades se faire démembré, dévoré, décapité, étripé devant mes yeux. Pendant que nous essayons de les repousser, voyant tombé un à un les hommes devant moi j'ai pensé l'espace d'un instant que là ma mort serait brève, d'une douleur sûrement intense mais rapide. Survivre à ce cauchemar est vraiment un soulagement ou une malédiction ? Sans une mère priant les trois de mon retour saint et sauf, j'imagine que j'aurais fini par opté pour la seconde idée, probablement.

La remarque sur son statut d'ancien milicien ne m'étonne pas vraiment, après une telle journée beaucoup auront rempilé pour ne jamais revivre un tel moment. Néanmoins vu la fureur dont je fus témoin au temple, je doute qu'il s'agisse de cela. La curiosité n'étant pas attisée et par respect pour sa vie personnelle, je m'abstiens d'approfondir ce sujet.

L'écoutant une fois de plus sur son père défunt, je me surpris à sourire légèrement tout en regardant dans le vide comme si je voyais dans ses propos mon propre père. "Le mien m'a toujours paru être l'homme le plus fort du monde, ne craignant que le sermon de ma mère et probablement qu'un jour, je le surpasse à l'épée." Dis-je fixant maintenant le plafond muni d'un sourire songeur du bon vieux temps avant de reprendre un contact visuel. "Je pense pouvoir le dire aussi fièrement que je n'aurais pas pu rêver meilleur père." Le contenu de la chope fut aspiré d'une traite après cette phrase. Je hoche la tête de gauche à droite pour faire comprendre mon refus à la serveuse pour un deuxième service pour ma part.

"Je ne sais pas si notre rencontre au temple était prédestinée, mais pouvoir en parler avec quelqu'un ma retiré un poids. Aussi faible soit-il cela fait du bien." Dis-je en toute franchise pour une fois. Le temps d'une réponse, je me mets à la recherche de ma bourse pour payer mon ardoise pour la chope et cette tourte disons revisité.

Il reste encore du temps avant la mise en service, je profite que mon compagnon de table recommande quelque chose pour rester assis sans risque d'être chassé de l'établissement sans rien consommé. "Ma mère possède une maison dans le quartier de la milice, une femme qui peint des toiles, munie d'une chevelure blonde. Je ne sais pas si nous aurons l'occasion de nous revoir un jour, mais si tu as besoin d'aide va la trouver en mon nom. Elle t'aidera autant qu'elle le pourra." Je me demande à l'instant pourquoi je suis autant altruiste subitement, me préoccuper d'autrui n'a jamais était une habitude. Pourtant, sans y réfléchir, je tends la main à une personne encore méconnu ce matin. Je ne me comprend plus moi-même, mais qu'importe en ce jour de deuil.