C'est avec une mine des plus basses qu'Edwige traverse le Temple en dehors de ses heures d'affluence, le soleil commençant doucement à baisser sur l'horizon. La raison de son mal-être est connue de la plupart de ses comparses, et les regards qui se posent sur elle ne sont pas exactement flatteurs. Rien de bien hostile, mais le sentiment d'être la mauvaise élève que l'on punit est tout de même humiliant à vivre. Après avoir passé sa dernière nuit et sa journée en prière, la novice se sent déjà affaiblie, et la perspective d'une corvée d'envergure entame grandement son moral.

Comme il lui fut assigné, la brune dirige son pas traînant vers les portes de la grande bibliothèque. C'est un lieu partageant son lot de mystères et de merveilles, où la religieuse se plaisait à étudier. Néanmoins, les longues et hautes allées de livres font partie des ces endroits qui apaisent de jour mais deviennent sinistres à la nuit tombée. L'idée de passer des heures dans le silence de ces rayons lui enserre la gorge. Non pas qu'elle soit particulièrement superstitieuse, mais elle reste une jeune femme impressionnable.

Malgré ses appréhensions, Edwige parvient à trouver le courage d'entrer. Le ciel du soir projette quelques ombres déformées à travers les lucarnes, annonciatrices de l'obscurité à venir. Le comptoir à l'entrée n'est pas occupé, mais un son caractéristique de pages tournées l'enjoint à s'enfoncer d'avantage entre les allées. La lumière chaude d'une chandelle tout juste allumée attire finalement son regard, et à sa suite, la silhouette d'un homme grisonnant penché sur son ouvrage.

Le visage est connu de la prêtresse en devenir, même si l'inverse n'est pas forcément vrai. Le père Aaron est réputé pour ses travaux manuels, et est considéré de facto comme le principal archiviste du Temple. Il semble que sa réputation soit controversée, bien qu'elle n'en connaisse pas les détails. Edwige s'approche timidement du clerc, le front abaissé en signe de respect.

- Mon père, murmure-t-elle d'une voix discrète. Le père Covenant m'envoie vous assister dans vos tâches comme pénitence pour mes fautes.

Sentant le poids du regard interrogateur de l'érudit sur ses épaules, Edwige réitère son introduction, incluant cette fois le détail de sa punition.

- ... Pour avoir élevé la voix et perdu mon sang froid devant nos fidèles un jour de célébration, explique-t-elle avec humilité, je suis suspendue de mes fonctions de prêcheuse jusqu'à nouvel ordre. En lieu de cela, je dois prendre soin des ouvrages du Temple sous votre supervision. Le tout pour une période d'un à deux mois.

La novice retrouve le silence, quelque peu intimidée de faire face à un homme d'expérience comme Aaron. A en juger par son expression endeuillée, sa volonté de rédemption est sincère. La peine est sévère, mais pas insurmontable, visant principalement à dissuader la jeune fille de s'écarter du droit chemin à l'avenir. A présent, c'est à l'archiviste de définir ce qu'il attend des petites mains qui lui sont assignées.

La novice demeure étonée que l'homme puisse faire preuve d'autant de défiance envers les autres membres du clergé, en particulier contre celui qui fût son enseignant. Le père Aaron lui a toujours été décrit comme un ecclésiaste... "alternatif". Cette première interaction tend à confirmer cela. Edwige esquisse un sourire face à son rire silencieux mais néanmoins communicatif. Elle s'empresse de parcourir sa dernière réponse.

- Je- euh, débute la brune, déstabilisée par son trait d'humour noir. Je porte la responsabilité de cette situation. Je n'ai pas su poser de limites claires face à une fidèle, et j'ai laissé ses affronts me pousser à la colère. J'ai laissé mes émotions prendre le dessus, et ce faisant, j'ai entaché l'image du temple par ma réponse cinglante. Je pensais maîtriser la situation. J'avais tord. C'est entièrement ma faute.

La jeune femme est une habituée de l'autoflagellation, comme la plupart des étudiants timides en quête de validation. Elle ne se montre critique que sur les aspects la concernant, sans mentionner la responsabilité de celle qui tira volontairement sur les fils de ses sentiments. Toutes les âmes de ce monde ne sont pas disposées à faire le bien autour d'elle, une notion qu'Edwige a encore beaucoup de mal à accepter.

- Le père Covenant pense que le travail manuel m'apprendra la patience et me permettra l'introspection, poursuit cette dernière. Et hum, je ne suis pas certaine mais, il me semble l'avoir entendu dire qu'il fallait vous engager un peu plus dans la vie du Temple.

L'espace d'un instant, la cleresse se demande si elle n'aurait pas mieux fait de taire ce dernier point. Se pourrait-il que cette requête soit finalement une punition autant pour elle que pour lui? A moins que l'archiviste et son professeur n'aient quelques rivalités? Edwige pince les lèvres à l'idée que sa mésaventure ne puisse être qu'un simple prétexte pour lui chercher des noises. Il vaudrait mieux faire preuve de bonne volonté, songe-t-elle.

- Je suis disposée à apprendre votre art...! lui assure la nonne. J'aime beaucoup les livres. Certes, la lecture ne joue peut-être pas un grand rôle dans la restauration et la préservation, mais...

Edwige se sent divaguer à nouveau. Nouant ses mains dans son dos, la religieuse présente des excuses silencieuses d'un mouvement de tête. Il faut vraiment qu'elle cesse de parler pour ne rien dire lorsque la nervosité la tiraille. En cela, elle est admirative de son interlocuteur. Lui au moins ne risque pas de la submerger sous des banalités. Les avantages de l'écriture réfléchie face à la parole spontanée, sans doute.

Edwige baisse la tête, fuyant le regard acéré de l'archiviste. C'est bien sa faute, elle n'en doute pas. L'absence de voix rend plus difficile l'appréhension du ton recherché, aussi la jeune femme se sent-elle un peu plus intimidée que d'ordinaire. Le fait de se sentir ainsi dévisagée n'aide en rien à sa prise de confiance. Sa seule réponse se fait donc à travers un court hochement du front.

Les échanges qui suivent sont tout aussi tendus. Aaron n'a de cesse d'insister sur sa phrase initiale concernant son enseignant, chose sur laquelle Edwige se sent incapable de prendre position. Elle ne peut décemment contredire ce prêtre qui doit avoir le double de son âge et le quadruple de son expérience. Pour autant, il lui est inconcevable de dire du mal de celui qui lui professa toute sa vie. Certes, la novice sait faire preuve d'esprit critique, mais il ne lui viendrait pas à l'idée de remettre son intelligence en question.

Il devient vite évident que le père Aaron n'est pas enthousiaste à l'idée de lui confier ce qui jusqu'ici fut presque exclusivement son travail. A ses mots, il semble qu'Edwige ne doive pas s'attendre à recevoir le moindre enseignement de sa part. Tout juste lui confie-t-il du bout des doigts un rouleau de parchemin usé que la nonne ne parvient pas à déchiffrer. Fort bien, songe-t-elle, il lui faudra faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il doit bien y avoir dans cette bibliothèque un ouvrage traitant de la conservation des écrits.

Une nouvelle note parvient entre ses mains, qui cette fois la laisse perplexe. La jeune femme apprécie la volonté de l'homme à vouloir préciser sa pensée quant à sa faute... mais c'est bien la première fois que l'on lui fait miroiter un châtiment corporel, surtout à son âge. Une fessée? Edwige rosit en interrogeant le prêtre du regard. Il ne peut pas être sérieux, mais l'humour est dur à lire à travers l'écrit.

Le concerné rédige une dernière question à son attention, qui achève de troubler la brune. Ses lèvres demeurent entre-ouvertes, à la recherche des bons mots. Qui est-elle? La réponse semble évidente, mais quelque chose dans le regard du père Aaron lui dit qu'il y a un angle plus poussé à cette phrase.

- Je, euh... balbutie la demoiselle, le regard fuyant.

Rien ne lui vient. De toute évidence, sa personnalité est encore un chantier en construction. Edwige connaît ses faiblesses et ses forces, mais il lui reste un monde d'affirmation à combler. Pour sa défense, ce n'est pas comme si elle pouvait confier à l'archiviste le moindre de ses secrets. Les dieux savent à quel point l'un d'entre-eux est lourd.

- ... Je suis une servante de la Trinité...? finit-elle par dire, sachant déjà que le couperet va tomber.

Sans surprise, le couperet tombe, sous la forme d'une claque à l'arrière du crâne. Edwige ferme les yeux pour n'en rouvrir qu'un une fois le taquet passé. La voila retournée en enfance. En face d'elle, le père Aaron gesticule avec mécontentement après avoir gratté un ordre sur le parchemin. La jeune femme s'incline, quelque peu honteuse, et va prendre place sur l'un des pupitres de la bibliothèque que les ombres du soir ont épargné. Déroulant avec prudence le parchemin antique, elle ne parvient pas à se concentrer suffisamment pour le déchiffrer. Que pouvait-elle dire? Qu'aurait-elle dû faire? Voila une question qui risque de hanter sa soirée, et peut-être bien sa nuit.

La plume furieuse de l'archiviste fuse derrière elle. Le rythme d'écriture ne lui semble pas anodin, aussi décide-t-elle de se tourner en sa direction. Le message est long et l'expression du prêtre fermée, au point que la novice commence à sentir l'angoisse grimper. Il semble en colère, et son mutisme rend la chose presque plus intimidante encore. Aaron finit par lui tendre la lettre, puis la reprend aussitôt pour y ajouter une ligne. Ce doit être grave!

Lors qu’enfin la version définitive lui est tendue, Edwige met un peu de temps à trouver le courage de baisser les yeux sur le papier. La religieuse doit s'y reprendre à plusieurs fois pour parcourir la leçon en entière. Les pères Aaron et Covenant semblent avoir deux conceptions différentes de la fonction cléricale, le premier par la représentation, le second par la sujétion. Peut-être est-ce là un choix de son professeur que de parler de servitude aux jeunes ecclésiastes, afin que l'ego ne les pousse pas à se croire à l'égal des Trois? C'est une possibilité, quoique la version de l'archiviste possède aussi ses mérites. Il lui faudra se pencher sur ce sujet en études, et peut-être questionner l'avis de son prêtre responsable.

La novice n'a cependant pas le temps de s'étendre sur le sujet, car la question ajoutée en bas de page lui semble plus pressante. A en juger par le regard insistant du bibliothécaire, tout se joue sur sa réponse. Edwige se sent prise d'une sueur froide. Que dire? Elle est encore jeune, et le choix d'une divinité majeure doit être réfléchi et éprouvé maintes fois avant d'être affirmé. Pourtant, quelque chose lui dit que le père Aaron ne se contentera pas d'un "je ne sais pas".

- J'ai... initie la novice, la voix chevrotante. J'ai une attirance particulière pour Anür, qui je pense mérite notre dévotion plus que jamais. La Fange m'a fait comprendre la fragilité de la vie en ce monde, et j'aimerais accompagner nos fidèles dans la foi jusqu'au jugement de notre grande Déesse. Je désire célébrer leur croissance, leur union, et leur deuil.

Edwige semble surprise par sa propre prestation. La pression exercée par l'archiviste aurait-elle permis de clarifier sa pensée à ce sujet? Cette réponse fait sens en son âme, et la réchauffe quelque peu. C'est une piste à creuser... mais peut-elle réellement se revendiquer d'Anür, elle pour qui le mariage ne serait que souffrance?

- ... Je dois encore étudier ce chemin, ajoute-t-elle finalement avec une touche de culpabilité dans le regard. Comme vous le savez, je manque encore de discernement, et je ne désire pas offenser la Trinité par une dévotion mal exprimée.

Encore une fois, la brune s'est inclinée machinalement face au père Aaron. Elle semble respecter cet homme qui daigne lui faire la leçon, quand bien même ses méthodes seraient un peu rustres. Il doit y avoir en lui une certaine sagesse si le Temple a décidé de le garder malgré de multiples désaccords.

Edwige guette le visage réfléchi de l'archiviste, qui semble considérer son argumentation. Elle n'a pas encore reçu de taquet derrière le crâne, ce qui est un progrès en soi. Un nouveau mot est rédigé pour la satisfaire d'une réponse, qui s'avère mesurée. Serait-il déçu? Le terme n'est pas le bon, mais à en juger par son regard songeur, ce n'est pas la réponse qu'il s'était imaginé. Aaron s'éloigne en silence, la laissant poursuivre son travail. La jeune prêtresse mordille l'intérieur de sa joue. Le doute des autres parvient toujours à la faire douter elle-même. Ferait-elle fausse route? Elle secoue la tête, puis se repenche sur son parchemin. Sa tâche ne sera jamais terminée si elle continue de se torturer l'esprit.

Le temps passe en toute monotonie, tout juste rythmé par le grattement des plumes et le tintement des encriers. Il se fait de plus en plus tard, les dernières lueurs du soleil ont disparu depuis longtemps. Edwige réprime un bâillement. La lumière de la bougie sur son pupitre n'éclaire pas assez pour lui permettre d'échapper à l'appel naturel du sommeil, au contraire de son superviseur qui de toute évidence ne compte pas les heures. Comme si cette simple pensée suffisait à l'invoquer, celui-ci se lève pour se diriger vers elle. La novice se redresse aussitôt, chassant toute trace d'assoupissement de son visage. Elle lui sourit, puis tend la main pour récupérer le papier.

Dès les premières lignes, la brune hausse les sourcils, surprise. Il est encore question de son cheminement spirituel. Le père Aaron s'est-il creusé la tête tout ce temps sur sa propre question? En un sens, cela indique qu'il n'est pas indifférent à son existence, ce qui apprécié. Néanmoins, les éclaircissements qu'il apporte ne parviennent qu'à troubler la jeune femme un peu plus encore.

Soit. Anür est certainement la patronne des grands orateurs et de la vie conjugales, deux choses auxquelles elle ne peut prétendre. Qu'en est-il de Serus, dieu de la sexualité et des naissances? Même problème. L'archiviste en vient finalement à Rikni. Edwige ne ressent pas d'attrait pour les jeux d'ombres et l'art de la guerre, et est probablement trop couarde pour entrer dans ses bonnes grâces. Cependant, Rikni est la seule divinité qui n'intervienne pas dans les sacrements du couple et de la famille. Si la prêtresse doit passer sa vie à se cacher, alors pourquoi pas? Elle pourrait sans mal se fondre parmi ses disciples les plus effacés.

Edwige réajuste sa position sur son siège, visiblement inconfortée. Ce seul vice complique tous les aspects de sa vie... Et contrairement à ses autres pêchés, elle ne parvient pas à s'en débarrasser, ni par volonté ni par prière. Désireuse de maintenir les apparences devant Aaron, la prêtresse sourit de plus belle et hoche la tête en remerciement de ses conseils.

- O-Oui, mon père, balbutie-t-elle, cherchant à raffermir sa voix. C'est une réflexion que je dois mener à son terme. Je vous remercie pour vos éclaircissements, et... et votre... hum, merci.

La brunette s'incline, fuyante. Comme elle doit lui sembler bizarre, elle qui subitement devient nerveuse sans raison apparente. Par chance, l'homme change rapidement de sujet, mimant quelques actions simples devant lesquelles Edwige reste figée un moment. Il lui faut une seconde pour en saisir le sens.

- Oh! s'exclame la novice. Oui, avec plaisir, je vous accompagne.

La jeune femme suit son superviseur avec une distance raisonnable jusqu'à la grande salle, marquant l'arrêt devant les Trois. Aaron, fidèle à ses idéaux, se recueille devant Rikni après avoir rempli son office auprès de la Trinité en général. Après leur discussion, l’enchaînement de ses prochaines prières semble plus lourd de sens que d'ordinaire. Devrait-elle admettre son indécision et se contenter de faire face à l'autel en général? Peut-être. Après un bref regard vers le bibliothécaire, c'est ce qu'elle finit par faire, s'agenouillant avec humilité.

- Aux Trois, je rend grâce, murmure la novice pour elle-même. Que votre volonté soit faite sur les mers comme sur terre. Puisse votre lumière nous guider dans les ténèbres. Pardonnez nos offenses, et préservez-nous de la tentation afin que nos choix soient justes.

Le moment s'étire sur plusieurs minutes, comme il est d'usage. Si ses mots peuvent sembler vagues, il est évident que la prière lui est toute particulièrement destinée. Elle doit prendre la bonne décision, et devra se montrer irréprochable si ses ambitions de prêtresse doivent être validées. Lorsque le recueillement prend fin, Edwige se lève pour faire face au père Aaron. Elle se doit d'être franche, et prend une longue inspiration.

- Père Aaron, s'enquit-elle, la mine grave. Tous les Divins me satisfont à leur niveau, mais en même temps, plusieurs de leurs aspects me sont difficiles à appréhender. Je veux dire, ce n'est pas que je ne les comprends pas, c'est juste... que je crains de ne pas être à la hauteur des idéaux qu'ils gouvernent. Est-ce normal...?

Il est extraordinairement difficile de parler sans pouvoir tout dire. Peut-être l'expérience du prêtre lui servira-t-elle à mieux s'y retrouver. Elle ne peut pas être la seule à s'être trouvée bien petite face à la toute puissance de la Trinité.

La clergesse laisse son esprit vaquer sur le dernier message devant elle. Après ses questions devant l'autel, elle avait eu l'impression que le père Aaron s'était entièrement désintéressé de leur conversation, disparaissant dans le réfectoire pour avaler une rapide collation avant de se réfugier de nouveau dans sa tanière. Edwige avait à peine fini son bouillon que le prêtre quittait déjà son champ de vision. Pourtant, à son retour, elle avait trouvé sa réponse écrite à son bureau. Un mot soigné, construit et plein de sens, que seul un homme concerné par le sujet aurait pu produire.

La brune sourit pour elle-même, se remettant au travail en gardant ses sages conseils en mémoire. Elle jette un regard furtif à l'archiviste, absorbé derrière son pupitre. L'ogre de la bibliothèque n'est pas si effrayant, en fin de compte.


Cela fait trois jours que la novice a prit l'habitude de rejoindre la bibliothèque après ses tâches de la journée. Elle y trouve maintenant un certain plaisir, malgré les raideurs à la nuque du lendemain. Contrairement aux dortoirs, la jeune femme peut s'y isoler pour de bon et s'adonner à une activité certes exigeante mais surtout calme et relaxante. La pression y est moindre qu'auprès des malades et des fidèles inquiets.

Edwige recule son tabouret, faisant craquer son bassin par la même occasion. A la lumière de sa bougie se tient le manuscrit, recopié au propre et paraphé selon les règles. Elle connait à présent son contenu par cœur, et se demande s'il en est de même pour toutes les oeuvres que le père Aaron restaure. La religieuse regarde dans la direction de l'intéressé. Sans surprise, l'homme a les yeux rivés sur son ouvrage du moment. Il ne va pas apprécier d'être interrompu, mais en toute honnêteté, quand n'est-il pas occupé?

Se rapprochant à pas feutrés, la brune vient se placer devant son pupitre, le nouveau rouleau en main. La lumière de sa chandelle projette un curieux jeu d'ombre sur le visage de l'érudit. Edwige se tient là en silence, jusqu'à ce que la situation devienne assez embarrassante pour que le maître lève le nez vers elle.

- J'ai terminé, souffle la jeune femme en posant l'article sur le bureau. L'écriture était vraiment petite et tassée, alors je me suis permise de l'agrandir sur plusieurs feuilles... Vous savez, pour les générations suivantes.

Après avoir passé plusieurs soirées à à plisser des yeux dans le noir, elle ne souhaite ce sort à personne. En particulier si la prochaine personne à le reproduire est également un novice en retenue.

Quelques pensées se promènent aux abords de son esprit. Edwige se râcle la gorge. Peut-être est-il acceptable de poser des questions plus personnelles à présent.

- Vous semblez avoir beaucoup à partager, observe la prêtresse, faisant référence à ses suggestions passées. Les conseils que vous m'avez prodigués, vous pourriez les enseigner à d'autres. Je ne pense pas être la seule apprentie à m'être interrogée sur la manière de mener la prêche... Pourquoi ne professez-vous pas comme le père Covenant?

La question est innocente, née de la curiosité d'une âme un peu naïve. Les frictions entre Aaron et le clergé ne lui sont pas encore familières, si raison il y a de se tenir si loin.