Marbrume


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 Le prix du sang [PV Ansgarde]

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MessageSujet: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyLun 13 Juil 2020 - 22:02
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18 Oct. 1166 - Le prix du sang




Le prix du sang [PV Ansgarde] U10n soir comme un autre tombait sur la ville endormie de Marbrume. Rikni veillait attentivement sur les citoyens et donnait la force à ceux qui ne devaient pas immédiatement rejoindre leur foyer afin qu'ils puissent continuer à protéger les murs de ce que l'on pensait être ici, l'un des derniers remparts de la région contre la terrible Fange qui sévissait dehors.

    Seules quelques torches éclairaient encore les grandes allées dans les quartiers populaires, les mêmes qui étaient parfois éteintes dans les bas quartiers. De temps à autre, l'on entendait des bruits que l'on identifiait facilement à ceux de la taverne non loin qui continuait à accueillir certains fêtards. Le couvre feu n'était plus d'actualité, mais souvent ceux qui buvaient jusqu'à pas d'heure pouvaient très bien dormir sur place, c'était là une offre nouvelle, une technique que les taverniers avaient trouvé afin de continuer à proposer leurs services malgré de potentiels futurs couvre-feu.

- Alors Richard, racontes-nous donc comment tu as troussé la fille du labret ! s'exclama une voix rauque de derrière les volets branlants mal fermés des lieux en même temps que des rires gras retentirent.

    Espérance ce soir devait patrouiller avec un binôme dans les bas quartiers afin de continuer comme toujours, à chercher - sans doute en vain - à mettre la main sur les potentiels criminels de cette cité. La journée, il était impossible de les retrouver car ils se fondaient dans la masse. Avec l'expérience et les discussions à la caserne, la brune avait apprit qu'ils étaient parfois d'honnêtes travailleurs parfaitement intégré, et avait donc décidé de mettre à profit ses tours de garde nocturne à la chasse aux rassemblements illégaux. Silencieuse, elle se contentait d'écouter les bribes de conversation parvenant à ses oreilles.

- L'était là sur la bute en train de guetter la ville, se lança l'homme qu'on devinait être Richard, alors j'm'approche, continua t-il alors qu'un bruit de choppe heurta une table, et je lui dit alors ma belle, ton prince citadin te manquerait-il ?

Un petit silence s'ensuivit avant qu'un des interlocuteurs n'intervienne.

- Alors ? La suite ! beugla t-il en riant

    La brune n'écoutait que d'une oreille, continuant de réfléchir. Patrouiller cette nuit allait-il porter ses fruits ? Difficile à dire en l'état, car on y voyait à peine a vingt mètres dans certaines contres-allées ou petites ruelles peu fréquentées. C'est donc dans l'artère principale que la brune est appuyée contre le mur proche de la taverne, profitant d'un petit vent frais et humant le parfum d'humidité qui flottait dans l'air. Ce dernier était presque identique aux fortes pluies qui frappèrent Mabrume deux ans auparavant, laissant ainsi son esprit divaguer sur le passé.

- Alors elle m'a dit non, par contre les hommes d'la ville me manquent ! s'exclama t-il en tentant d'imiter une voix de donzelle en détresse. Des cris ainsi que des rires s'élevèrent, ainsi que plusieurs insultes allant de "catin" à "gourgandine".

    Espérance grimaça face à cet élan animal. Mélancolique, peut-être, fainéante, sans aucun doute. Ce n'est cependant pas l'absence de motivation qui la poussait présentement à devoir rester les bras croisés, le dos appuyé contre le mur d'une beuverie des bas quartiers, non. En réalité, Espérance attendait que son binôme n'arrive, car il était convenu selon les ordres qu'ils se retrouveraient ici afin de débuter leur garde de la soirée. La brune s'éloigna légèrement de l'auberge, les bribes ne conversation n'étant désormais plus audibles. Sans doute ne saura t-elle jamais comment la dame du Labret s'est faite trousser par un marchand ambulant, et elle n'allait pas s'en plaindre.

    En définitive, cet endroit était un quartier bien pauvre ou quelques larcins étaient commis, aucune chance que la brune ne puisse patrouiller seule en tant que femme. Même un homme ne s'aventurerait pas dans certaines rues.

    Bouclier posé au sol de l'autre côté de la rue, main sur le pommeau de son épée rangée dans son fourreau, Espérance patientait silencieusement.


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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptySam 18 Juil 2020 - 0:32
« Espérance ? »

La rouquine avait jailli d’un angle de rue comme une diablotine, le stade juste avant celui du retard, jouant avec une pomme qu’elle s’amusait à faire passer d’une main à l’autre. Où qu’elle se rende dans Marbrume elle appréciait échanger quelques mots avec les commerçants et citadins. C’était une habitude depuis toujours et développée depuis le départ de Gondemar. Depuis ce jour où celui qui s’était posé en mentor au sein de la milice lui avait annoncé sa délocalisation au Labret elle se sentait étouffer entre les murailles. Le comble pour la jeune fille qui tentait de prouver sa valeur chaque jour indépendamment des hommes était de se retrouver perdue quand celui qui l’avait aidée à faire ses premiers pas -et les suivants- cessait de lui prodiguer ses conseils et qu’elle se retrouvait seule est désemparée.
S’approprier un peu la ville, ses habitants et leurs habitudes était une tentative de s’y sentir moins à l’étroit. En plus d’être, évidemment, un bon moyen d’obtenir des informations utiles.

« Tu es arrivée depuis longtemps ? »

En présence d’une femme elle usait d’une voix un peu moins contrefaite qu’avec ses pairs masculins. Avec eux elle voulait se rendre plus rude, plus âpre pour ne pas qu’on lui attribue de sensiblerie outrancière ainsi qu’ils aimaient le faire. Ansgarde savait par expérience que certaines femmes, minoritaires, se révélaient être de véritables bourreaux pour leurs semblables en espérant ainsi que les hommes les tolèrent plus facilement. Plus redoutables, plus intransigeantes et parfois très cruelles, la jeune fille avait appris à les éviter comme la peste. Heureusement pour elle il était rare qu’elle doive en côtoyer. Il n’y avait aucun enseignement à tirer de leur comportement, si ce n’est que depuis que le monde était devenu une arène sans merci où chacun jouait sa survie, écraser les plus faibles était souvent payant… Mais avec cette norme nouvelle même la gentillesse pouvait prendre des airs de faiblesse impardonnable. La droiture de la rouquine s’inquiétait de ce phénomène et sa nature empathique tentait d’enrayer les choses comme elle le pouvait.

« Tiens ! »

Après avoir fait tournoyer dans les airs une petite lame tirée prestement de sa manche gauche, elle avait habilement découpé le fruit en deux et en tendait une moitié à sa collègue. Il semblait évident que seul le hasard le lui avait fait rattraper du côté du manche mais elle semblait si fière de son tour…
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptySam 18 Juil 2020 - 19:40
La ville et ses habitants, sans doute ceux-ci changeaient selon la position du soleil galopant dans la voûte. La couleur de la robe céleste annonçait le genre de fréquentation que l'on pouvait croiser et il ne fait aucun doute que la brune était bien plus à l'aise quand aucune zone d'ombre ne pavait son chemin. Peur ancestrale inscrite dans les gênes, appréhension des ténèbres ou encore car les fangeux étaient plus actifs de nuit, le rideau d'obscurité n'était pas quelque chose qu'elle franchissait avec aisance.

    Sans doute était-ce pour cela que, bien que seule, elle s'était immobilisée sous la faible lueur d'une torche dont la flamme malmenée par une brise de fin d'année, venait faire jouer son ombre sur les murs bruts des bas quartiers.

- Ansgarde ? demanda t-elle immédiatement par réflexe après avoir reconnu la voix de sa collègue.

    Ses yeux cherchent un bref instant sur le visage de sa camarade une humeur quelconque afin de lui donner un indice quant à son état d'esprit, car elle ne comptait pas lui demander immédiatement comment elle allait, elle laisserait cela pour quand l'occasion de boire dans une taverne se présentera. La vision de la pomme avec laquelle elle jouait la détendit, elle voyait au travers de ce simple geste quelque chose de relaxant témoignant de sa bonne humeur relative.

- Oh non, assura t-elle d'une voix qui elle, était parfaitement féminine, je ne me suis pas pressée afin d'arriver.

    Au final, elle aurait préféré arriver en retard qu'en avance. Mettre plus de temps à venir ici traduisait moins de temps à y patienter, quand bien même les deux situations trahissaient un manque flagrant de motivation. Si écraser pour monter était devenu la norme, Espérance n'avait jamais témoigné ce genre de comportement, elle n'avait pas vraiment envie de prendre de la hauteur et se contentait fort bien de suivre les ordres. Cette faiblesse valait d'ailleurs des abus de la part de ses collègues masculins, mais sa répartie suffisait souvent à calmer les assauts.

    La brune suivit brièvement la danse de la lame dans les airs avant de la voir retomber correctement dans les mains de sa propriétaire, elle haussa brièvement les sourcils l'air impressionnée. Si cela était du hasard, elle n'y avait vu que du feu et traduisait cela par une certaine agilité de la part de sa camarade, au fond, elle la jalousait presque car elle se serait sans doute fait mal en faisant de même. Elle mit du temps à répondre, semblant d'abord confuse puis gênée.

- Tu es sûre ? demanda t-elle poliment, si tu as faim tu peux la manger, j'ai déjà avalé un morceau de pain avant de partir.

    Cela aurait pu paraître impoli en temps de paix, mais pour avoir connu - sans doute comme sa camarade - la famine et les hordes de réfugiés mourant de faim dans la rue, accepter une moitié de pomme n'était pas anodin. Cela avait à ses yeux une certaine valeur, et elle avait peur que sa collègue ne se sente obligée et se prive afin de partager. Au final, il s'agissait là presque d'un duel de bonne conscience entre la donneuse et la receveuse.

    Dans l'attente de recevoir confirmation, Espérance se penche et ramasse son bouclier. Ce dernier pesait lourd, et elle se demandait parfois s'il n'aurait pas mieux valu apprendre à parer correctement avec son épée, ce qu'elle détestait faire au point d'en être maladroite.
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyVen 31 Juil 2020 - 12:44
Les scrupules de sa camarade arrachèrent une formation en accent circonflexe des sourcils de la petite rouquine. Dans un monde qui courrait vers son dernier chaos le moindre quignon de pain se monnayait âprement. Refuser la moindre bouchée par politesse relevait de l'inconscience ou de principes haut placés.
Ce qu'elle pensait deviner d'Espérance lui plaisait pour le moment assez bien. Elle la considéra pendant un court instant avec un demi sourire affiché qui n'avait rien à voir avec le sentiment de légèreté qui se dégageait de ses actions précédentes. Du visage agréable à regarder se dégageait une douceur certaine, qui peut-être témoignait d'un caractère conciliant et aimable. C'étaient deux qualités qu'Ansgarde appréciait hautement chez les femmes de la milice, car malheureusement pour se faire une place parmi la brutalité des hommes elle avait constaté que bien de ses semblables se caparaçonnaient d'inclémence.

Elle fit mine de lui lancer le mi-fruit alors que la brune s'était penchée pour saisir son bouclier.

« Réflexe ! »

Finalement elle le lui tendit dans un rire et c'est sans plus de préambule que la patrouille débuta.
Le silence s'installa quelques secondes le temps pour elle de prélever une bouchée qu'elle mâchouilla consciencieusement. Quand les aliments sont rares c'est rare qu'on s'empiffre sans savourer.

« Tu sais je t'aurais pas proposé si je n'avais pas envie que tu acceptes. Ne t'inquiète pas. »

La jeune fille progressait avec ce qui pouvait passer pour de la nonchalance dans la grande rue des Hytres, pourtant son regard mobile scrutait chaque échoppe et chaque venelle en quête d'anormalités. La plupart des commerçants s'affairaient à ranger leurs étals au vu de la lumière qui déclinait, pourtant certains retardataires eurent besoin de se faire rappeler à l'ordre.

« Ça t'ennuie qu'on s'arrête un instant ? Je voudrais... »

Le duo était arrivé devant la minuscule boutique d'un orfèvre. L'expression d'Ansgarde passa de songeuse à carrément enjouée tandis qu'elle posait un bras plié à hauteur de visage contre l'encadrement de la porte.

« Hé Othon ! Annonce-moi à ton maître et sors saluer ! »

Un choc sourd se fit entendre de l'intérieur sombre de la pièce unique, suivi d'une protestation étouffée. L'instant d'après un homme émergea en se frottant le coude. A la vue de la rousse son visage tenta un sourire, un peu biscornu du fait de son coude endolori.

« M'dame Ansgarde, l'bonjour ! »

Il avait l'air d'un renard pris au piège qui tentait de se donner des airs de « mais si voyons, je sais très bien ce que je fais ici et d'ailleurs regardez comme je m'y épanouis telle une rose dans son terreau ». Le regard un peu fuyant, il semblait pourtant agréablement surpris de la voir. De taille moyenne, le front déjà bien dégarni malgré une petite trentaine d'années, elle le trouva en meilleure forme que la dernière fois. Avisant Espérance, il lui adressa un signe de tête poli mais prudent tandis qu'elle faisait les présentations puis reprit.


« Maître Eversole est absent aujourd'hui. Il est fatigué depuis quelques jours. »

Ansie afficha un air inquiet. Elle savait qu'il était âgé mais l'avait toujours vu en excellente santé -hormis sa surdité galopante. Néanmoins quelque chose dans le ton de son apprenti la dissuada de le couper. Le silence de l'interlocuteur invite toujours à la confidence. Elle glissa un petit coup d'oeil entendu à Espérance avant de revenir à Othon et lui adresser un léger signe de tête pour l'encourager.
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptySam 1 Aoû 2020 - 12:18
Un mouvement lent et régulier amena finalement la défense de la brune à hauteur d'épaule, elle n'eut pas vraiment le temps d'observer le visage de son interlocutrice et binôme de la soirée que déjà, cette dernière fît un geste qu'elle pouvait décrire comme brusque. Elle ne le releva pas immédiatement mais c'est son exclamation qui vint la surprendre en premier. Espérance lève le bras un peu plus vite qu'elle n'aurait dû, manquant de trébucher en tentant d'attraper une pomme imaginaire. Les deux mains à plat, celle ou laquelle son bouclier était fixé un peu plus vers le bas à cause du poids, elle se rattrapa tant bien que mal.

Son visage se pencha très légèrement sur le côté, regard joueur et sourire aux lèvres. C'était là un reproche plutôt amusé vis à vis de cette blague dans laquelle cet esprit naïf avait sauté à pied joint. Espérance récupère la pomme et opine du chef afin de montrer son approbation ainsi que son respect.

- Très bien, je prend donc cela comme un don.

Qu'elle se garderait bien de manger immédiatement par le fait, peut-être en donnerait-elle la moitié à un quelconque enfant des rues avant d'elle-même s'autoriser à consommer la sienne. Cela était sans doute la raison qui la poussait à ne pas se ruer dessus comme une morte de faim. C'est au rythme de la marche d'Ansgarde que la brune avance dans la rue des Hytres. Si cette dernière paraît nonchalante, la brune quant à elle possède une démarche à cheval entre une princesse perdue hors de son domaine couplé à une forme de tenue propre à son travail.

Elle tourne donc la tête de gauche à droite, se retourne parfois derrière elle en prévision d'une quelconque agression tout en se tenant aussi fièrement que possible. On aurait dit qu'elle s'imaginait que sa posture franche masquerait ses inquiétudes que l'on pouvait pourtant lire comme dans un livre ouvert. Face à la question de sa camarade, elle secoue la tête de gauche à droite.

- Non... hésite t-elle un court instant le temps pour elle d'essayer de compléter la phrase d'Ansgarde, je t'en prie.

Un geste de sa main directrice vint assurer le fait que cela ne lui posait aucun problème, un mouvement passif de politesse et de servitude. Face au boucan que venait de faire son binôme, la brune se tendit brièvement et observa son environnement une dernière fois tout en laissant échapper l'espace d'une seconde une grimace affichant sa préoccupation.

- Un maître artisan ? demande t-elle avant d'être interrompue par la prise de parole du dénommé Othon.

Le regard de la brune se posa sur le museau de ce qu'elle qualifiait d'habitude de "petite belette", le genre d'individu docile et craintif. Elle fût cependant surprise qu'il le soit autant envers une femme, ce type d'attitude était généralement adoptée vis à vis des hommes de la milice. Ansgarde était-elle violente à ses heures perdues ? Une interrogation personnelle que la brune chassa bien vite de son esprit d'un simple mouvement de tête négatif.

Espérance répondit au signe de tête lui étant offert par l'identique, mais de plus, ponctué d'un bref sourire de politesse peu rassuré. Le regard entendu d'Ansgarde ne fût pas immédiatement compris de la brune, elle ne savait pas vraiment ce qu'elle attendait d'elle mais, à défaut de savoir faire autre chose, se contenta de faire son métier.

- Fatigué ? demanda t-elle quasi immédiatement après avoir capté le regard de sa collègue, les artisans ne mangent-ils plus à leur faim ? Il est un peu tôt dans l'année afin d'attraper froid, il n'est pas encore assez... mordant.

Une phrase tranchante clairement orientée qui sous entendait qu'il aurait pu passer au travers des descentes qui avaient eu lieu ces derniers temps. Certains endroits étaient interdits d'accès mais bien des valeureux ne reculaient devant rien afin d'aller récupérer des affaires ou piller des maisons.

- Ou est-il ?

Une suite logique dans son raisonnement, si une maladie ou si une nouvelle famine se rependait dans les bas quartiers, il était de son devoir d'en informer sa hiérarchie.
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptySam 22 Aoû 2020 - 1:01
Il était encore trop tôt pour savoir si l’intervention d’Espérance avait pu être le fruit du hasard, ou si elle percutait vite, ou si elle savait s’adapter à une situation même sans en saisir toutes les composantes. Quoi qu’il en soit sa collègue s’était fait l’interprète de ses pensées, Ansie n’eut pas le loisir d’attendre qu’Othon poursuive sur sa lancée qu’elle avait pris les choses en main.
Othon les regardait en se triturant les mains comme s’il ne savait trop ce qu’il devait dire, et Ansgarde ne lui opposant qu’un air tranquille, il finit par donner des détails.

« Pas à sa faim, m’dame, euh… Bah non. Enfin si. Mais comme d’habitude quoi », dit-il d’un air embarrassé en haussant les épaules. Ansgarde eut du mal à ne pas laisser transparaître son impatience, même si au fond, sous la tension du recueil d’informations, la réponse l’amusait un peu.
« Les affaires marchent doucement, c’est sûr, mais depuis que je suis là je prends d’autres petits travaux à droite-à gauche pour payer tout c’qu’il m’apprend. »

Un mince changement s’était opéré dans son attitude qui n’échappa aucunement à la jeune fille. Sa voix nasillarde avait pris un ton subtilement plus grave, son débit de parole s’était très légèrement ralenti, signe que parler de sa nouvelle vie lui était agréable et le détendait.
Franchement, elle n’aurait pas parié sur une telle reconversion le jour où elle lui avait mis le nez dans son crachat visqueux après qu’il ait tenté de détrousser un ami en plein Temple. La suite avait été une succession de hasards, et quelque part la bienveillance d’Anür ne devait pas être étrangère à la situation d’aujourd’hui. Les Dieux orientaient parfois la destinée de leurs enfants dans des directions qui pouvaient de prime abord sembler étranges, mais la rouquine était convaincue que tout prenait un sens en temps voulu. L’exemple d’Othon en était une belle preuve.
Peut-être que d’autres se seraient excusés d’avoir fait preuve de brutalité. Ansgarde n’était pas de ceux-là. Elle savait n’avoir agi que dans le cadre de sa mission, il avait volé et elle s’était chargé de le lui faire réparer et regretter. Le dénouement s’était même avéré plus heureux puisque le criminel repenti semblait avoir retrouvé le droit chemin. Alors elle ne regrettait rien et recommencerait autant qu’il le faudrait, juste mais implacable.

« Au final côté échoppe, ça va m’dame. Mesdames. »

La rouquine nota comme son ton avait quitté son bref apaisement.

« Il m’a dit dernièrement qu’il était embêté par ses voisins d’en face. »

Allons bon, allaient-elles devoir régler une querelle de voisinage ? Avec la promiscuité qu’engendrait la surpopulation de la cité c’était devenu monnaie courante. Et si peu intéressant…

« Le problème ma… mesdames, c’est qu’il est pas censé en avoir, vous voyez ? »

Ansie arqua un sourcil.

« Hum. Surtout hésite pas à développer. »

Elle voyait bien qu’il ménageait son effet, mais la santé du vieil orfèvre était en jeu. Et peut-être pas que cela…
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyVen 28 Aoû 2020 - 0:00
Bien évidemment, personne ne mangeait réellement à sa faim ici, ni même ailleurs la ville. Espérance se privait d'un repas par jour afin de l'offrir aux nécessiteux du temple ou encore à ceux qu'elle croisait en chemin sur le retour de la maison. Dans ces conditions, elle ne pouvait lui en vouloir d'hésiter sur les paroles à tenir concernant l'appétit du propriétaire de la boutique.

Espérance reste silencieuse, laissant ainsi ce brave homme développer son argumentation. Si sa camarade de patrouille l'avait déjà croisé par le passé, ce n'était nullement le cas de la brune qui cependant, était généralement au courant des petites rumeurs qui se disaient entre les saints murs, comme au final beaucoup de fidèles. Elle n'était pas sans savoir que quelques larcins se déroulaient au temple, néanmoins ils étaient bien plus rares que dans les quartiers les plus pauvres de la ville. L'absence de réaction de la milicienne face aux justifications de Othon laisse s'installer une certaine gêne, qui fût bien vite effacée dès lors qu'il commença à parler des prétendus voisins.

Le regard de la brune s'affaisse au fur et a mesure que l'homme en face d'elle tentait de s'expliquer, elle l'écouta ainsi sans broncher.

- Je... il... en fait il s'absente de temps à autres le soir afin de régler des affaires pressantes avec le voisinage.

Orthon déglutit, n'osant pas vraiment regarder ni Ansgarde, ni sa collègue qui l'accompagnait ce soir. Une certaine forme de lâcheté sans doute, ou de culpabilité.

- Mais comme je connais un peu le quartier, je sais qu'il n'y a plus de voisin en face depuis quelques mois.

La main de l'homme remonte afin de se poser sur son front, puis l'autre alors qu'il se tient désormais la tête. Il ne dit plus rien, semblant ne pas être décidé à vouloir parler davantage ; il est clair qu'il cherche à contourner le problème ou à défaut, de ne pas trop se tremper dans cette histoire de voisinage.

L'un dans l'autre, Espérance ne voyait pas d'un très bon œil que le propriétaire s'absente le soir afin d'aller dans une maison vide de ses occupants, sans doute depuis les derniers évènements dans les murs de la cité. Ce soir, elles étaient deux femmes et aucun homme n'était présent afin de faire le sale boulot. Ansgarde l'avait précédemment regardée afin qu'elle l'épaule, elle décide cette fois-ci de ne pas attendre cet échange.

La milicienne laisse tomber son bouclier dans un bruit sourd et s'approche d'un pas décidé d'Othon, couvrant ainsi la distance qui les séparent en moins de deux secondes avant de l'attraper immédiatement par le col.

- Que dis-tu ?

La brune tire aussi fort que possible afin de le faire passer sur sa droite, face à la porte d'entrée. Cela ne fût pas évident pour une femme, mais sans doute a t-il joué partiellement le jeu car contrairement à elle, il n'était pas armé.

- Crois-tu que cela va en rester là ? hurle t-elle aussi fort qu'elle le put, Conduis nous prestement à cette maison ou je te fais pendre pour activités illégales, tu m'entends ? Ton silence te rend coupable, tu le sais ? Hâtes-toi et je changerai peut-être d'avis.

Il n'était pour ainsi dire pas rare que les artisans désertent leur boutique afin d'aller faire quelques activités au noir dans des endroits peu fréquentables, activités qui bien évidemment, n'étaient pas déclarées et donc invisibles aux yeux des autorités. C'était là un crime grave, semblable à du sabotage dans le meilleur des cas, à de la piraterie dans le pire.

Les rues de Marbrume grouillaient de parasites en tout genre et pire, de produits tout aussi variés que les trafiquants qui les rendaient disponibles. Des herbes, des produits frelatés, des potions miracles issues des laboratoires infernaux de quelques hérétiques s'improvisant marabouts, de la nourriture périmée... Ce genre de petits commerces avait été à l'origine de bien des morts pendant les famines, peut-être autant que la Fange les premiers temps.
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyMar 1 Sep 2020 - 1:44
Wow ! Celle-là, elle avait bien failli ne pas la voir venir ! A peine les balbutiements d’Othon achevés qu’Espérance lui avait presque littéralement sauté à la gorge. Ansie s’était donné pour mot d’ordre de ne jamais contredire un collègue devant un civil. Il y allait de la crédibilité de la milice et à ses yeux surtout de la bonne entente entre frères d’arme. Alors aussi disproportionnée que lui sembla au premier abord la réaction de la jeune femme, elle ne se permit pas de la contredire. Et puis, même si elle pensait connaître mieux les deux hommes qu’elle et ne pas leur porter les mêmes soupçons, elle gardait à l’esprit qu’elle pouvait tout à fait se tromper.
Elle avait quitté sa pose nonchalante pour écouter la réponse d’Othon bras croisés, l’index d’une main gantée tapotant son menton d’un air absorbé. Qu’est-ce qui pouvait bien perturber un survivant au point de lui ôter le sommeil ? Et surtout de laisser son échoppe aux mains d’un apprenti encore inexpérimenté ?

Depuis qu’elle vivait dans la cité en tant que milicienne et que cette contrainte la plongeait dans un malaise profond que seules les grandes étendues libres de l’extérieur pouvaient apaiser, elle avait cherché à comprendre comment fonctionnait l’immense mécanique humaine de cet entassement de maisons, dont beaucoup construites à la va-vite pour loger le flux de réfugiés dégageait une impression de bric-à-brac inextricable, de moisissures sur un fruit sain.
A chaque fois qu’elle sortait en mission elle avait l’impression que ses poumons ratatinés d’avoir respiré pendant si longtemps les remugles âpres de la ville se regonflaient à nouveau comme au jour où elle avait pris la première inspiration de sa vie en poussant son premier cri. Et dès qu’elle franchissait les portes de la ville dans l’autre sens, les odeurs la prenaient à la gorge et lui embrouillaient les sens pendant quelques jours. Alors pour tromper la nausée qui la prenait, l’oiselle s’adonnait à ce qu’elle faisait de mieux en mieux : elle observait. Elle savait à présent surveiller les quartiers en assistant aux habitudes tranquilles et immuables des habitants. A heures régulières, l’un après l’autre, des petits riens se déroulaient sous ses yeux attentifs dans une suite « tranquille ». C’étaient pour la jeune fille autant de balises témoignant dans la routine dans un chaos plus ou moins ordonné que la vie suivait son cours comme il se devait. Et lorsqu’il arrivait qu’un de ces éléments mineurs, insignifiants, se trouve un tant soit peu décalé ou empêché, cela signifiait la plupart du temps que quelque chose n’allait pas dans les rouages rouillés de Marbrume. En remontant petit à petit les pistes de causalité il s’agissait de trouver l’élément qui grippait l’appareil.

Pour l’instant elle n’était encore sûre de rien, mais il se pouvait très bien que le sommeil perturbé de Maître Eversole soit révélateur de choses plus graves.
En attendant d’en avoir le cœur net, elle rejoignit le duo dépareillé et posa la main sur l’avant-bras d’Espérance pour l’inciter à l’apaisement et s’adressa à Othon, l’air grave.

« Elle a raison. Range ce que tu dois pour fermer l’échoppe, puis nous nous mettrons en marche. »

La rouquine n’avait pas élevé la voix mais son ton était suffisamment ferme pour ne pas laisser d’autre choix que l’obéissance. Et puis, il savait de quoi elle était capable si elle perdait patience et ne voudrait sûrement pas y goûter à nouveau.
En chemin elle se plaça légèrement en retrait d’Othon. Malgré son changement de camp -relativement récent, elle préférait prévenir toute fuite ou tentative de brusquerie.

***

Le désormais trio en passe devenir quatuor chemina dans les rues qui devinrent ruelles plus modestes à mesure qu’ils s’éloignaient du centre névralgique de Bourg-Levant, jusqu’à arriver à un quartier qui jouxtait l’extrémité nord-est du Goulot. Là, dans un alignement de façades en dur datant d’avant la Fange dont les fissures apparentes laissaient supposer qu’elles avaient connu des jours meilleurs, une caste entre le travailleurs lambda et le petit bourgeois s’entassait tant bien que mal. Des appartements autrefois cossus avaient été subdivisés à la hâte pour loger plus de monde. En somme, c’était du bricolage hâtif mais les bases étaient solides, et même si la superbe était bel et bien perdue depuis la Fange, il restait une touche de décence que d’autres quartiers n’avaient jamais reçue.

Précédés d’Othon ils pénétrèrent dans un long couloir où chaque porte donnait accès à une habitation dans laquelle une famille survivait. L’autre extrémité débouchait sur une arrière-cour qu’ils traversèrent pour se diriger vers une petite porte au milieu d’une palissade. Derrière, un ruelle étroite bordée de murs aveugles entourait une maison minuscule. Ils s’y introduisirent par l’arrière après que l’apprenti eut toqué d’un rythme convenu à la porte. Posséder une demeure entière n’était pas à la portée de tous, si petite soit-elle et même dans un endroit aussi modeste.
Ils découvrirent à l’étage la chambre du vieil homme où il se trouvait allongé.
La jeune fille retint un soupir en le découvrant plus maigre qu’autrefois. Des cernes foncés creusaient ses orbites et sa peau avait pris un léger ton jaunâtre, tendue sur ses pommettes jusqu’à les rendre brillantes.
Elle laissa l’apprenti s’approcher de son Maître seul et le réveiller pour annoncer les visiteuses, soucieuse de le ménager en vue des questions qu’ils allaient devoir lui poser. Une fois qu’il se fut excusé de ne pas pouvoir les recevoir ailleurs elle fit signe à Espérance de bien vouloir la laisser parler pour commencer.

« Bonjour Maître. Cela faisait quelques jours que je n’étais pas venue prendre de vos nouvelles, et pile comme j’arrive vous voir avec ma collègue Espérance, Othon m’apprend que vous êtes absent ? Je me suis dit qu’à cela ne tienne, nous allons le voir ! »

Elle parlait fort car il était sourd comme un pot, mais sa voix gardait une intonation légère et enjouée. Evidemment elle n’aurait pas pris autant de pincettes avec n’importe qui, mais si déjà les soupçons d’Espérance le concernant s’avéraient fausses au vu de son état….

« Comment vous sentez-vous ? Expliquez-nous ce qu’il se passe. »

Othon au pied du lit, Espérance non loin, elle s’était avancée jusqu’à la tête de lit pour recueillir les confidences de l’orfèvre. Il inspira d’abord plusieurs fois, laborieusement, avant de répondre d’une voix chargée de fatigue.

« Ah, Ansgarde. Oui, bonjour… »

Il y avait dans le souffle qu’il expulsait laborieusement une sorte de sifflement qui n’était pas pour la rassurer. Aucun risque qu’il ait pu multiplier les allers-retours où que ce soit récemment, affaires louches ou pas.

« Ces gens en face… Toutes les nuits… »

La milicienne avait remarqué en entrant dans la pièce que l’unique fenêtre donnait sur une bâtisse passablement délabrée, de l’autre côté d’une impasse. Des planches et des rideaux en lambeaux en obstruaient les ouvertures, mais rien n’avait échappé au vieillard.

« Ça a commencé par une… lueur, un soir. »

Il marqua une pause, parler semblait grandement le fatiguer.

« Personne, depuis des mois. Et là cette lumière… Pas normal. Vraiment pas normal. »

Il tourna la tête vers elle et chercha son bleu regard. Le sien, rougi, brillait.

« J’ai essayé… causer un peu. Ils… A un vieillard ! Encore des bleus, là. »

Les paroles s’interrompirent quelques instants, le temps pour lui de rassembler les forces suffisantes pour poursuivre. Mais soudain il attrapa le bras de la rouquine et se releva à moitié de son lit, fixant les deux jeunes femmes chacune leur tour, les yeux hagards.

« Ces choses ! Que Rikni nous protège ! Ces choses sont vivantes ! »

Une quinte de toux l’interrompit, pénible, qui le secoua tout entier. Ansie passa son bras derrière son torse pour lui relever à demi le buste le temps que cela passe. Il retomba bientôt, à bout de forces, et elle se tourna vers Espérance pour chuchoter.

« Sa main brûlait, il doit être rongé de fièvre. Mais s’il a vraiment vu des gens en face je pense que ça vaut le coup qu’on aille voir qui ils sont. »

Puis, après une courte pause, elle demanda avec plus de douceur.

« Ça va ? »

Tout simplement. Elle avait aussi besoin de savoir si sa camarade était d’accord pour la suivre à l’intérieur du bâtiment, mais c’était également une question simple qu’elle posait souvent à ceux qui étaient en patrouille avec elle. Parfois cela se révélait utile pour jauger leur état de stress, de motivation ou d’agressivité, autant d’informations utiles pour adapter ses réactions.
Ou juste pour garder un lien avec eux...
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Espérance de VillarboisMilicienne
Espérance de Villarbois



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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyMar 8 Sep 2020 - 22:42
Espérance ne lâche nullement le commerçant ou du moins, pas immédiatement. Elle se contente de le fixer d'un air sévère et, sous le coup de l'adrénaline, elle ne remarqua aucunement les différentes mimiques d'Ansgarde. Peut-être aurait-elle pu décoder une certaine contrariété, un doute ou une micro-expression lui intimant que ce qu'elle faisait n'était peut être pas ce qui avait été attendu, mais désormais qu'elle était lancée, elle ne jurait plus que par ce duel de regard. Impossible de faire marche arrière sur cette menace quand bien même elle l'aurait souhaité, il en allait de son image de Milicienne ainsi que de sa crédibilité.

La vitesse à laquelle la brune avait changé de comportement du tout au tout en entendant ces hésitations n'était pas forcément perceptible au premier coup d’œil, mais sans doute cela était-il lié à un traumatisme psychologique quelconque. Qui au final pouvait se vanter de n'en avoir ? Il fallait souvent une situation, quelques mots déjà entendus, une simple hésitation ou une ombre afin de réveiller les instincts ainsi que l'indignation la plus primaire enfouie en chacun. Certains n'en avaient pas vu assez, certains étaient plus fort que d'autres, ce n'était nullement son cas, car la brune en avait déjà trop vu pour laisser le moindre doute s'échapper.

L'absence de réponse de l'homme dans sa poigne manqua de la relancer sur un second assaut de menaces mais c'est la voix d'Ansgarde qui trancha avant même qu'il ne put finir d'articuler ce qu'il était en train de marmonner maladroitement. Espérance le relâcha aussi sec en le repoussant légèrement, signe qu'elle n'avait plus grand chose à communiquer avec lui si ce n'était une certaine forme de contrariété.

Restant silencieuse et sans relever, Espérance se mit donc en marche aux côtés de l'individu qu'elle n'avait jamais vu, et ce, afin qu'il les conduise prestement à l'endroit souhaité. Elle s'attendait déjà intérieurement à trouver un commerçant derrière un comptoir quelconque en train de négocier quelques marchandises frauduleuses, en son for intérieur, elle en était persuadée. C'était au final, le crime le plus banal et le plus courant de tous après les larcins et les bagarres d'alcooliques.

***

Au fur et a mesure de leur progression, Espérance avait l'impression de s'enfoncer dans une tanière quelconque. Non pas qu'elle n'était pas habituée à patrouiller dans ces quartiers, mais le contexte ainsi que l'ambiance pesante actuelle donnait à la scène un air tout autre. De temps à autre, elle tourne la tête sur le chemin afin d'observer quelques fissures noirâtres que tous les efforts du monde n'avaient guère suffit à leur rendre leur aspect d'origine.

Peut-être fallait-il les réparer, les faire revoir par quelques artisans, mais qui s'en souciait ? Personne n'avait l'envie ni le temps de faire pareil travail et ce n'est sûrement pas ce bon Roi qui mettra un peu de propre sur ces vieilles pierres ; cela était la dernière des priorités.

Les tristes bâtiments ressemblant davantage à des pièces divisées à la hâte par des gens n'ayant touché un marteau de leur vie - et cela était sans doute vrai pour une partie des bâtisses - qu'a du travail d'orfèvre. Au final, ces quartiers relativement propres quoi qu'un peu paysans étaient désormais la vitrine de ce qu'il se passait hors de Marbrume et même, a l'intérieur de ses murs. La marche prit une bonne poignées de minutes avant que finalement, le trio ne pénétra dans une espèce d'arrière-cour se terminant face à une palissade.

La poignée sur le pommeau de sa lame, la brune s'engouffra dans la bâtisse par derrière, suivant désormais très prudemment l'homme qu'elle avait secoué quelques minutes auparavant, prenant même le temps de ralentir afin que ses yeux s'habituent au changement d'obscurité. Elle tendit l'oreille, s'attendant à chaque instant à entendre les échos d'une conversation qui aurait pu s’ hasarder dans la tranquillité apparente des lieux.

Face à l'homme endormi, la brune ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait. Ou était donc la marchandise ? Pourquoi cet homme était-il là et nullement dehors ? Espérance n'étant pas une flèche, elle n'avait a priori absolument rien compris à la situation ni aux discours du pauvre Othon, et cela se lisait parfaitement sur son visage décomposé. Avait-elle fait le déplacement pour voir un vieil homme décrépit ?

Sans quitter sa position, elle observa le visage du vieil homme tout en tentant de se mémoriser la conversation précédente avant qu'elle ne s'emporte. Il avait des voisins qu'il n'était guère censé avoir, mais ou étaient-ils ? De quelle maison s'agissait-il ? Avait-elle bien cerné la problématique ou bien ce maladroit d'Othon avait-il cousu un peu trop vite - ou hasardeusement - le fil de son argumentation ? Quoi qu'il en soit, ils se devaient au moins de vérifier si il n'avait pas été mordu, car ce triste état n'avait rien de naturel pour un homme pouvant se permettre vivre dans une maison.

Espérance resta silencieuse face au discours d'Ansgarde, elle décida de ne rien presser, car à chaque fois qu'elle le faisait elle se retrouvait dans une situation gênante. Ainsi, elle hocha simplement la tête dès lors qu'elle fût présentée. Tout ouïe, la brune relâcha sa garde et laissa sa main jusqu'ici sur le pommeau de sa lame rejoindre son autre main sur le devant qui venait tout juste de poser le bouclier à terre. Dans cette posture, elle ressemblait à une enfant attentive, mais le fait que son coude plaque le manche de l'épée contre elle signifiait également qu'elle n'était pas idiote au point de se la faire voler potentiellement par derrière.

La milicienne fronça les sourcils en entendant parler d'une lumière anormale, ainsi que de l'agression supposée qui avait eu lieu. Les mots sont hésitants, il ne fallait pas être savant pour comprendre qu'il était parfaitement terrorisé.

- Êtes vous mordu ? demanda t-elle finalement au vu de cet état, souhaitez-vous que nous vous escortions au temple à notre retour afin qu'un prêtre vous ausculte ?

Quand bien même cette situation ne présageait rien de bon, elle eut avant tout le réflexe de demander au vieil homme s'il souhaitait accéder à des soins ou au moins quitter ce terrier afin de se changer les idées. Cela soulignait une certaine empathie ainsi qu'un dévouement très humain envers les innocents, comportement qui était radicalement différent de celui qu'elle avait pu avoir avec Othon sur un malentendu.

Elle n'observa pas directement Ansgarde mais tendit l'oreille, puis lui répondit toujours sans quitter le vieux croulant des yeux.

- Cette situation ne me plait pas, avoua t-elle à Ansgarde, que peuvent-ils bien trafiquer afin d'agresser un vieil homme de la sorte ?

Ceux qui faisaient fuir les curieux de force étaient souvent des réseaux bien organisés, était-ce là l'occasion de faire une descente et de démanteler un réseau de passeur fournissant la ville en marchandise ? Peut-être même qu'il s'agissait de quelques infidèles s'étant rassemblés pour prier leurs dieux, ce qui ne la surprendrait pas venant de ces naufragés récemment arrivés.

- Je pense que ce doit être ces satanés nouveaux arrivants qui tentent de faire leur loi en ville, dit-elle alors, ils sont arrivés il y'a un peu plus d'un mois je crois.

Peut-être que c'était trop court, peut-être que le vieil homme divaguait ou encore qu'elle n'avait pas la mémoire du temps, mais quoi qu'il en soit elle avait une dent toute particulière contre ceux là. Espérance secoua la tête à la question de son binome.

- Ca pourrait aller mieux.

Le ton qu'elle venait d'employer était un ton contrarié, ce qui ne changeait pas vraiment de son état d'il y'a une demi-heure, bien qu'il soit moins agressif. Il semblerait qu'elle soit perdue dans sa propre réflexion et par extension, sur le fait de savoir si il était prudent ou pas de demander des renforts, ce qu'elle ne ferait pas par peur que les criminels ne s'enfuient face à attroupement trop important. De l'autre côté, elles risquaient leur vie selon le nombre d'individus ainsi que leurs motivations respectives.

N'était-ce pas pour cela qu'elle s'était engagée après tout ? L'injuste n'avait qu'a bien se tenir.

- Tu passes devant et je bloque la sortie ou tu préfères t'appuyer sur moi ?

Le fait qu'elle se positionne à l'avant incluait qu'elle évoluait sur un style plutôt défensif, ce qui serait une formation agressive en cas de problème. Si elle se positionnait derrière, elle bloquerait sans doute l'entrée à l'aide de son bouclier, ce qui forcerait Ansgarde à évoluer plus indépendamment, ce qui était davantage défensif. La brune semble ne pas avoir peur de s'y rendre sur le champ.

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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyVen 2 Oct 2020 - 12:10
La jeune fille hocha pensivement la tête tandis que sa compagne posait quelques questions simples au vieillard. Il était difficile de dire ce qui pouvait relever de la vérité et du délire avec une pareille fièvre de cheval. Les yeux fermés, il semblait si léger qu’il s’enfonçait à peine dans sa couche.

« Non. Ils m’ont rossé… mais pas mordu. »

Il était vrai qu’elle ne se souvenait pas avoir vu la moindre trace de morsure sur ses membres lorsqu’il s’était redressé. Et bien peu probable que toute trace se trouve ailleurs.
A côté Othon exhala un soupir qui, pensa Ansie, en disait long sur son repentir de ne pas avoir été là. Il baissa le nez et sortit de la pièce. La milicienne le suivit du regard, mais il ne dit rien et elle s’en désintéressa.

« Ah, vous accepteriez ? » demanda-t-il d’un ton las. « Hmm. Oui, je voudrais aller au Temple. Vous... » Il rouvrit les yeux pour les braquer avec effroi vers la bâtisse d’en face. « Ils ont souillé… mon âme… »

Cette dernière remarque tira un froncement de sourcils à la rouquine. Elle n’ignorait pas la bonté du vieillard et sa volonté de suivre les préceptes des Trois en aidant Othon à se tirer d’une mauvaise passe après lui avoir pardonné un vol sur son propre étal, délit alors considéré comme hautement punissable. C’était un homme pieux et peu enclin à s’effrayer de peu après avoir tant vu au cours de sa longue vie.

Qu’as-tu pu voir qui te fasse aussi peur, grand-père ? Que se passe-t-il entre ces quatre murs qui puisse te faire penser qu’on en veut à ton âme ? Et qui est ce “on” qui te terrifie ?

Elle lui prit la main et la serra avec douceur tandis qu’Espérance formulait à voix haute les mêmes craintes qu’elle en y ajoutant quelques pistes de réflexion.
« Ne vous agitez pas comme ça. On va voir ce qui se trame là-bas puis on reviendra vous emmener au Temple. Les prêtres sauront quoi faire ne vous inquiétez pas. »

Othon revint à ce moment portant un plateau sur lequel il avait casé une minuscule marmite où infusaient des herbes diverses et un gobelet en céramique recouvert d’une pâte bleutée. La milicienne lui passa le relai et s’éloigna du lit vers sa collègue.

« Quoi qu’il y ait là-bas, il va falloir qu’on aille vérifier quel est le problème avec “eux”. Si besoin on reviendra à la caserne demander du renfort, mais il faut qu’on puisse exposer clairement la situation d’abord. »

La jeune oiselle se permit de poser une main sur l’épaule de sa camarade et de la serrer un peu. C’était son truc, à Ansie, beaucoup observer les gens certes mais toujours s’assurer de garder un contact avec aussi. Pour plein de raisons. Mais surtout et tout au fond, enfoui sous les airs rustres qu’elle se forçait à adopter, c’était tout simplement qu’elle aimait profondément son prochain.

« Je préfère passer devant, j’ai plus l’habitude. »

Après un rapide regard vers les deux hommes pour s’assurer que l’un prenait soin de l’autre, elle se dirigeait vers la sortie lorsque Maître Eversole leur fit signe d'approcher. Se demandant si un détail lui revenait elle obtempéra et se pencha un peu vers lui. A sa surprise, le vieillard leva la main droite et récita une brève bénédiction avant de poser la main sur leurs têtes, l'une après l'autre.
Le geste surprit Ansie en la projetant des années en arrière lorsque son père faisait ainsi chaque soir avant qu'elle ne s'endorme... Elle baissa la tête en silence, son cœur battant le rythme d'un courage nouveau, avant de sortir de la chambre puis de la maison.

« Ne t’inquiète pas, on va tâcher de juste repérer de quoi il s’agit. On n’interviendra que s’il n’y a pas de danger pour nous. » Elle lui parla en ces termes pendant le court trajet, à voix basse pour éviter d’annoncer leur présence.
« Ce ne sont peut-être que des resquilleurs qui ne veulent pas payer leur loyer au Roi, mais... » Fallait-il lui cacher ses craintes afin de ne pas la stresser outre-mesure ? « Mais je n’y crois guère. »
Elle avait choisi d’être honnête. Espérance était une milicienne comme elle, pas une lavandière ou une paysanne. Peut-être l’avait-elle été, “avant”, mais à présent il en allait de leurs vies de sa capacité à gérer son sang-froid. La surprotéger était inutile et pouvait même s’avérer dangereux, alors autant qu’elle soit franche avec elle.
Ses derniers mots comportaient ce qu’il fallait de mise en garde et d’incitation à se tenir prête à toute éventualité, sans pour autant se vouloir alarmistes outre-mesure. La tension était nécessaire pour aiguiser les sens, et c’est dans cet état d’esprit qu’elle pénétra dans la bâtisse délabrée.
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MessageSujet: Re: Le prix du sang [PV Ansgarde]   Le prix du sang [PV Ansgarde] EmptyMar 20 Oct 2020 - 2:10
Aucune morsure visible, en soit, cela étonnait la brune qu'un Fangeux ait pu laisser si peu de traces. Quand ce genre d'abomination mordait, les séquelles étaient plus ou moins visibles, mais l'on n'était jamais assez prudent. Face à sa réponse de croyant cependant, elle céda finalement car à ses yeux, un tel dévouement aux divinités était supérieur et bien plus noble que le reste. Au temple, ils prendront le temps de le soigner, quand bien même il faille qu'elle saute les repas afin de le nourrir d'elle même. Un artisan sans son art ne pouvait sans doute pas vraiment manger en ce bas monde, mais la piété se devait d'être récompensée.

- Je vous y conduirai afin que vous puissiez laver le déshonneur qui vous a été fait, assura t-elle alors d'une voix presque guerrière, mais pour ce faire vous ne devez pas laisser cette fièvre vous emporter jusqu'à mon retour.

Espérance n'était pas un homme, malgré cela les miliciens étaient habitués à porter du matériel en permanence, et son choix d'équipement n'était pas des plus légers. Un bouclier pesait tout de même son poids même si l'arme était relativement légère. Porter un vieil homme ne devrait pas être problématique, du moins tant qu'il n'est pas inerte. De par les évènements qui ont prit place au sein de son unité, la milicienne savait qu'un corps inanimé était beaucoup plus lourd qu'un vivant. Au pire, sa collègue plus expérimentée s'en chargera car à bien y réfléchir, elle semblait bien plus rompue à la tâche et taillée par la vie.

Silencieuse, elle attendit que Ansgarde la rejoigne avant de reprendre le sujet de la conversation, mais d'une voix plus basse afin de ne guère inquiéter le croulant qui n'avait pas besoin de se contrarier davantage.

- C'est compris, dit-elle simplement en guise d'accord. En guise de réponse au geste de camaraderie de sa collègue, Espérance posa fermement sa main sur celle de la milicienne, dans un claquement sonore sec, avant de la serrer avec ferveur puis de la relâcher.

C'était là le rituel des hommes quand ces derniers voulaient se donner de la force ou du courage, et aussi surprenant que cela puisse paraître, on s'y pliait sans mal quand on était entouré de ces derniers. Le message qu'avait voulu passer Ansgarde était peut être passé à côté, sans doute de par la formalité de la brune ou bien car cette dernière était bien souvent à côté de la plaque. Au final et peut-être que cela était pour le mieux, il avait été reçu de manière positive.

Respectant donc la volonté de son binôme, Espérance emboita le pas de sa collègue tout en jetant à son tour un dernier regard en direction du vieillard, avant d'entamer le court trajet.

- J'imagine que dans ces conditions, je vais te laisser parlementer ? demanda t-elle en guise de récapitulatif de son intervention.

La brune n'était guère bonne négociatrice au vu de la scène s'étant déroulée plus tôt dans la soirée, et il ne serait pas surprenant qu'elle se mette à secouer le premier gentilhomme qui décidera de lui ouvrir la porte avant même de comprendre quoi que ce soit. Son avis était de toute façon fait sur ces personnages, et ce, dès lors qu'elle eut recueilli le témoignage du croulant. Était-ce là une manière de traiter une personne âgée ? Qu'avaient-ils à cacher ? Dans le doute, entre prendre le risque qu'ils ne s'enfuient pendant la conversation, elle préférait immédiatement distribuer des gifles.

C'est donc par crainte de cette technique très propre à elle qu'elle proposa cette méthode à Ansgarde, car il ne fait aucun doute que ce qui anime le bras d'Espérance n'est pas la raison mais davantage l'émotion, elle même guidée par une volonté de combattre l'injustice.
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