Nom : de Montincourt
Prénom : Alazais
Age : 18 ans
Sexe : masculin
Situation : célibataire
Rang : prêtre novice rattaché au culte de la Déesse Anür.
Lieu de vie : Temple de la Sainte Trinité
Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs : (voir topic Système Rp & Xp - Carrières)Carrière envisagée : prêtre
+3 en charismeAlazais n'est jamais passé inaperçu depuis sa plus tendre enfance. Mais depuis qu'il a passé le stade de l'adolescence, plus personne ne peut ignorer la finesse de ses traits et le sourire angélique de ce jeune prêtre.
+1 en intelligenceSi passer toute son existence à lire et à écrire affine quelque peu la réflexion. La passer à étudier la renforce assurément. Alazais s'est toujours montré zélé dans ce domaine.
Compétences et objets choisis : (voir topic Système Rp & Xp - Compétences)Compétences :
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Doctrine du culte - Niveau 1
Alazais a passé une dizaine d'années à étudier attentivement les livres sacrés sur les Trois. Il a participé à la copie de plusieurs corpus.
Alphabétisation - Niveau 1
Depuis sa plus tendre enfance, Alazais a suivi une éducation de bonne qualité, renforcée par des cours de lecture et d'écriture réalisées par sa mère.
Chance - Niveau 1
Chacun à sa définition de la chance mais tout le monde s'accorde à dire que certains ont en plus que d'autres. Alazais fait partie de ces privilégiés à qui le monde semble toujours un peu plus doux qu'au commun.
Princesse en détresse - Niveau 1
Depuis qu'il a quitté le cocon familial, Alazais s'est aperçu qu'il possédait une capacité innée à se faire passer pour une victime ou simplement à manipuler les gens pour qu'ils penchent plutôt de son côté plutôt qu'un autre.
Empathie- Niveau 1
Déjà d'un naturel ouvert et curieux, Alazais, depuis les deux dernières années, s'est retrouvé face à la misère humaine et son lot de souffrances et de peurs. Bien que n'étant pas directement dans cette situation, être quotidiennement confronté à l'horreur lui a permis de mieux appréhender l'esprit humain et de pouvoir réconforter celui qui en besoin, au moment où il en a besoin.
Objets :
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tenue de prêtreEnsemble composé d'une robe bleu guède en lin coupée par une ceinture de cuir brun. Un scapulaire épais en chanvre d'un bleu sombre partant des épaules jusqu'aux chevilles recouvre la tenue.
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dague ornéeDague de bonne qualité dont la garde est en argent et ciselée aux armes de sa Maison. Elle possède un fourreau en cuir doublé en fourrure de lapin.
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Trinitas CorpusVolume ouvragé et enluminé où sont écrits les principales prières et liturgies des Trois.
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nécessaire d'écritureEnsemble de quelques rouleaux de parchemins, d'un encrier et d'une plume d'oie.
Alazais est issu d'une famille noble. Il a reçu une éducation et une culture très poussée dès son plus jeune âge, du fait de l'amour inconditionnel que lui portait sa mère. Car même s'il n'était que le troisième héritier potentiel du titre. La nature fragile de ses aînés obligèrent très rapidement ses parents à faire en sorte qu'il soit bon en toute chose et en tout point, afin de parer à toute éventualité dramatique. Pour autant, une chose restait néanmoins établie, il n'était pas le porteur légitime du titre et ne pouvait donc prétendre à rien. C'est dans cette ambivalence que s'établit l'enfance du jeune garçon, toujours protégé mais jamais réellement apprécié, exception faîte de sa mère.
La fratrie dans laquelle grandit l'enfant n'était pas un symbole d'union et d’harmonie. Alazais ne saurait tenir le compte des mauvaises plaisanteries organisées par ses frères et même ses sœurs. Car chacun était en concurrence avec les autres. C'était une volonté de leur père. Il arrivait donc fréquemment que cela en arrive jusqu'aux poings, sans que les servantes ne puissent les séparer avant que le sang coule.
A 6 ans, Alazais tomba gravement malade, pris d'une mauvaise fièvre tenace. Il dut tenir le lit pendant plusieurs mois. Nombre de fois, apothicaires et
mires s'accordaient à dire que l'enfant était perdu et que son père devait préparer les préparatifs pour l'enterrement. Mais refusant l'inévitable, après que son mari lui ai énoncé le verdict, sa mère le prit dans ses bras, forçant le barrage des serviteurs et alla jusqu'au temple d'Anür pour prier la déesse de sauver son enfant. Elle pleura et se lamenta aux pieds de l'imposante statue de la déesse, à genoux, prostrée, sous regard divin. Lorsque les ténèbres recouvrèrent le ciel, épuisée, elle céda face à la domesticité qui commençait à s'inquiéter de leur santé commune. Son mari se mit dans une colère noire, lui réclamant des explications sur son comportement déshonorant et déplacé. Il la fit enfermer dans ses appartements, lui interdisant l'accès à la couche de son fils. Mais le miracle se produisit néanmoins, silencieusement, discrètement, distillant ses bienfaits à la façon d'un papillon. L'état de santé d'Alazais s'améliora grandement dans les jours qui suivirent, si bien que les
mires eux-mêmes en conclurent à l'intervention divine.
En cet été de l'année 1153, le destin de l'enfant venait de prendre un chemin dont il ne pourrait plus quitter la trace. Depuis ce jour, Sa mère, en guise d'offrande à Anür, lui ordonna de se rendre au temple tous les matins avec elle afin d'aider les pauvres et les indigents. Dans le même temps, son père l'instrumentalisa pour devenir la coqueluche populaire de la famille, orientant son aîné sur le devant de la scène politique et son second dans l'art du combat. Ainsi, les rôles ne devait plus changer et la lignée serait préservée d'un quelconque conflit interne.
Alazais passa donc le reste de son enfance entre les jardins de la maison familiale et le temple de la Trinité. Bien que la situation ne soit pas des plus simples pour un enfant, elle lui donnait quelques avantages non négligeables : une relative liberté et l'attention de son père. Son insouciance était encore intacte et ce fut certainement les plus belles années de sa courte existence.
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A 9 ans, sur demande du maître de la maison, il quitta la demeure pour se rendre au temple et ainsi suivre des études cléricales comme le veut la tradition. Le changement se passa néanmoins en douceur, du fait qu'Alazais connaissait à présent parfaitement le Temple et bon nombre de prêtres. Mais alors que l'âge de raison commençait à lui octroyer un certain jugement, il remarquait les trames dans lesquelles il était entravé. Il n'avait et n'était rien et devait tout à sa Maison. Et bientôt, il devrait rendre hommage à Henri, son frère aîné, qu'il détestait cordialement et dont la réciproque était tout aussi vraie. Il ne possédait au final qu'une seule et unique alliée, sa mère. Elle, elle l'aimait d'un amour véritable et ne pensait pas à le manipuler d'une quelconque façon. Il lui fallait donc se construire par lui-même et s'éloigner de son nom afin de gagner son indépendance, ce que le temple allait lui procurer.
L'étude des écrits sacrés et de la liturgie lui permirent de mieux comprendre la fascination que la religion pouvait exercer sur les foules. Plus, il apprenait avec son regard d'enfant plus une étrange sensation s'emparait peu à peu de lui. Plus, ses maîtres lui ordonnaient de gagner en dignité et en vertu, plus il s'enfermait dans une prison de pensée : tous voulaient le manipuler et le forger à leur image, mais toujours en mieux. Ils voyaient en lui un prolongement de leur existence blafarde, une alternative à leur médiocrité, car tous le reconnaissaient comme un petit miracle, une marque d'espérance.
Les années passèrent, renforçant cette conviction profonde. Et ni sa famille, ni ses maîtres, ni ses camarades ne s'en aperçurent. Tous voyaient en lui une sorte de modèle, à la fois fragile et unique. Car, en plus d'avoir une faculté innée à paraître foncièrement bon et délicat, il remarqua que son physique l'y aidé beaucoup. Il avait les cheveux d'un blond éclatant, des yeux mandorés cernés de grands cils noirs, une bouche charnue. Sa peau était légèrement halée, lui donnant l'air de la bonne santé. Ainsi, son visage attendrissait immédiatement ses interlocuteurs et il lui suffisait de sourire pour qu'on soit bienveillant à son égard. Sa seule tare physique était une croissance plus lente que la normale, faisant toujours une tête de moins que les autres initiés. Cela lui valu aussi certaines déconvenues, car tous n'étaient pas en admiration devant lui et il se fit beaucoup de rivaux ainsi que d'ennemis.
Il était donc fréquent qu'il revienne
dans le dortoir quelque peu abîmé. Mais la plus grande force d'Alazais était sa patience. Car il avait très vite compris avec ses frères que répliquer immédiatement était toujours la mauvaise solution. Au lieu de cela, il valait mieux plier et faire croire à l'autre qu'il avait gagner sans restriction aucune. Et ensuite, lui planter profondément un poignard dans le dos pour qu'il ne s'en relève jamais plus, lui et tous ceux qui voudraient le venger.
Cela s'illustra à merveille lors de la grande cérémonie de l'Avènement de l'année 1159, lorsque l'initié Laurent fut renvoyer du temple pour avoir ouvertement attaqué Alazais lors du Premier Jour. Ce dernier s'était amusé à lui verser un bol d'urine dessus en plein réfectoire, le condamnant à faire le ménage des latrines pendant une semaine pour manque de retenue lors d'un repas. Sur le moment, il ne dit rien, ne se défendant pas auprès de ses maîtres lorsqu'ils l'accusèrent de s'être un peu trop relâché pendant le dîné. Avec application, il imprima dans sa tête les noms des personnes qui avaient ouvertement ri de lui. Puis, il patienta quatre mois, tissant méticuleusement sa toile.
Il œuvra secrètement pour que la cabale se réunisse en un groupe soudé autour de Laurent. Et, au jour de paix, il s'arrangea pour que les grandes familles soient présentes devant l'un des grands escaliers du pensionnat et invita Laurent à l'y rejoindre. Ce dernier, confiant ne se fit pas prier et fit même un peu de zèle en faisant une blague sur la tenue de son compère. Mais son sourire se figea lorsqu'il vit Alazais, hurler un « Non, non, non, Laurent ! Pas aujourd'hui ! C'est … » se faisant ballotter par une main invisible et se jeter, soudainement, dans l'escalier en le fixant, un magnifique sourire sur les lèvres et s'écraser lourdement contre les marches de bois, rebondissant tel un fagot de paille pour finir à demi conscient sur le sol, aux pieds de son père. Le temps sembla se figer un instant, une torpeur générale avait pris possession de la grande pièce. Puis, le silence fut déchiré par des cris et des vociférations. Un interdit sacré venait d'être brisé dans l'enceinte du temple de la Sainte Trinité devant une foule spectateurs médusés.
L'affaire fit grand bruit. Laurent fut exclu du clergé, apportant le déshonneur sur sa famille, son père ne le croyant pas concernant sa version de l'histoire à cause de son comportement naturellement violent. Pour les autres, un interrogatoire fut mis en place du fait de la gravité des faits et du rapprochement visible des uns avec les autres. Mais là, Alazais intervint personnellement en leur faveur, affirmant qu'ils étaient ses amis et qu'ils voulaient tout simplement empêcher Laurent de continuer ses méfaits en le surveillant de prêt. Ainsi, personne n'osa aller contre cette vérité simple et efficace, se mettant de facto sous la tutelle de la victime. De plus, Laurent ne put trouver aucun réconfort auprès des ses anciens amis, qui lui tournèrent le dos aussi vite qu'ils le purent afin de ne pas faire rejaillir le déshonneur sur leur nom et le temple.
Et tout cela , sans aucun regret, même si cela lui avait coûté une blessure au bassin dont il ne se déliera jamais, l'os s'étant mal ressoudé. Depuis, sa démarche n'est plus aussi souple. Il lui arrive même de lâcher un petit rictus de douleur après être resté trop longtemps debout ou après un effort trop important. Depuis ce jour, chacun apprit à craindre ce visage innocent, dénué de toute méchanceté recouvrant un cœur aussi dévorant que l'ambroisie. Et même si d'autres se dressèrent contre lui, plus personne n'osa plus le ridiculiser en public.
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Dans le même temps, sur le plan de ses études, il fit des gros efforts pour maîtriser au mieux les connaissances religieuses qu'on lui enseignait quotidiennement, veillant tard lorsqu'il le pouvait. Et bien qu'il ait pris une certaine distance avec ce savoir, sa Foi n'était jamais remise en cause. Pour lui, il était réellement un miraculé d'Anür. Pour cela, il devait vouer son existence à l'extension de du pouvoir divin sur le terrestre et pas seulement sur le plan spirituel. Et pour cela, il fallait qu'il combatte de manière implacable les détenteurs du pouvoir. Car ces derniers n'avaient aucune autorité et de droits, outre ceux accordés par le clergé. Dans ses rêves, il s'imaginait une société idéale fondée sur une théocratie où chacun pourrait s'épanouir dans les sillons tracés par les augures, dépourvu de toute ambition personnelle et rendre hommage aux bienfaits donnés.
Les dernières années de son cursus furent plus épanouissantes mais aussi plus compliquées d'un point de vue personnel. Alazais ne s'était jamais réellement attaché à une autre personne que sa mère. Et bien que populaire auprès de ses amis, il n'avait jamais réellement ressenti de l'attirance pour une autre personne. Avec l'avènement de l'adolescence et le fondement de l'esprit critique, il était tombé sur un problème dont il n'avait jamais pensé devoir s'y confronté. Pire, il s'aperçut rapidement qu'il avait des pensées impures envers un jeune garçon d'écurie, qu'il fréquentait sommairement les jours de
procession et lors de divers rituels dans le quartier.
Lors de leur première rencontre, ce dernier lui avait demandé de bénir son petit chiot, ce qu' Alazais fit avec plaisir. Et depuis ce jour, dès qu'il passait au niveau des écuries, Thibaut venait à sa rencontre pour lui parler. Bien entendu, il n'était pas le seul à avoir ce comportement. Avec l’œuvre de charité, l'adolescent possédait une bonne image dans les quartiers populaires. Depuis son plus jeune âge, il pratiquait cette vertu et il apprit à aimer ce don fait aux autres, en ce qu'il pouvait percevoir toutes les souffrances et les panser grâce à l'espoir. Mais Thibaut, était différent, lui, semblait ne pas se soucier de la valeur de son âme et profitait simplement de l'instant présent. Cela était irritant mais terriblement intéressant pour quelqu'un qui n'avait jamais goûté à la liberté de son existence.
Ils firent plusieurs fois le mur ensemble avec d'autres initiés pour aller dans une taverne nommée « la bonne fortune » afin d'y passer un bon moment et jouer aux dés ensemble. Même si cela s'avérait dangereux, Alazais se sentait en sécurité et il souriait de bon cœur, sourire qui lui était toujours rendu par le garçon d'écurie. Avec le temps, ils se rapprochèrent sans même le vouloir et le jeune initié en souffrait, luttant contre cette attirance interdite. Mais dès que Thibaud s'approchait d'un peu prêt, il reculait, incapable de pouvoir prendre une décision à ce sujet.
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C'était durant l'été 1164, un été assez étrange où des rumeurs plus folles les unes que les autres enflaient dans chaque ruelle. Les gens parlaient d'une invasion, d'autres d'une malédiction ou d'un fléau. Mais tous s'accordaient à dire que l'Est était perdu. Et bientôt, la vérité fut encore plus cruelle. Alazais était sur les remparts avec son père quand les membres de la famille Sarosse se firent dévorer sous les yeux sidérés de la noblesse. C'était la première fois que l'adolescent avait l'occasion de voir un fangeux en vrai. Et cette scène le marqua au fer rouge à jamais, capturant les pleurs et les cris des pauvres malheureux aux tréfonds de sa mémoire. Mais le pire était le regard assuré et glacial du Duc, parangon de l’orgueil et de la colère. Il n'en dormi pas de la nuit et alla sur la muraille pour prier pour le salut des âmes des défunts. Bien entendu, il fut surpris par les soldats en charge de la ronde mais ces derniers se refusèrent de le déloger quand ils virent son visage baigné de larmes, récitant une prière pour chaque personne tombée. Il ne sortit de son état que lorsqu'il sentit une couverture être déposée délicatement sur ses épaules tremblantes. Il releva le regard et vit sa mère en larmes, elle aussi. Sans même réfléchir, il s'accrocha à elle comme à un rocher face à la fureur de l'océan et hurla toute sa terreur et son incompréhension de la situation. Et quand il fallut quitter l'enceinte, il fut surpris de voir Thibaud l'aider à se relever, un pauvre sourire sur les lèvres, touché par la vision qu'offrait le jeune homme à cet instant.
Comme affecté par le charnier et cette journée tragique, Alazais tomba fortement malade, attrapant une mauvaise fièvre, incapable de quitter le lit. Il n'était que demi-conscient lorsqu'il reçut la visite de son ami. Et il fut bien incapable de parler ni même d'ouvrir les yeux, luttant et se débattant dans ses couvertures trempées. Il ne se souvint que du contact chaud et puissant sur ses lèvres, le souffle court et fiévreux d'un adieu.
Quand il sortit finalement des brumes de la maladie, son cœur se serra sans qu'il puisse mettre des mots sur cette sensation, comme si on lui arrachait une partie de son âme, qu'on l'étouffait. Quand il fut en état de marcher, il quitta sa cellule et alla jusqu'à l'écurie. Un autre garçon était présent car Thibaud s'était engagé dans l'armée pour participer à la contre-attaque organisée par le Roi. Alazais, à l'écoute de cette nouvelle, resta comme sonné, incapable de bouger ni même de réfléchir, ses tempes prêtes à exploser sous les battements frénétiques de son cœur. Puis vint l'attente, la terrible et angoissante attente. Tous les jours, sans exceptions, après ses œuvres, il allait à chaque porte pour connaître les noms des déserteurs et des réfugiés nouvellement arrivés. Au début, ce n'était que quelques dizaines mais l'hiver vint et ils se transformèrent en des centaines. Tout le monde était impuissant, tout le monde était comme tétanisé face au froid et à l'annonce de la déroute royale. Et comme si cela n'était pas suffisant, la nourriture vint à manquer, transformant les bas quartiers en des ghettos sordides où seule la mort osait braver le vent glacial. Les rations que donnaient le temple ne furent d'aucun secours, provoquant rapidement des bagarres sanglantes où la milice devait intervenir. Le jeune adolescent était comme perdu au milieu de ces rues jonchées de corps gelés où les sanglots se mêlaient aux complaintes des mourants. Il était tétanisé face à l'atrocité des dernières semaines, n'arrivant presque plus à parler, tellement les mots devenaient futiles.
Le 15 janvier de l'année 1165, Alazais était à la salle de lecture, quand un de ses amis lui apprit que les fangeux avaient percé par les égouts dans le quartier de la Hanse. La panique s'était rependu partout, même au sein du temple où l'on pouvait entendre des cris d'effroi. Mais l'adolescent restant prostré à sa table d'étude, tournant mécaniquement les pages, ne répondant rien à son ami qui lui hurlait de s'enfuir. Il resta là, seul, dans la lumière d'Anür, à la façon d'une statue. Cette journée coûta plus de deux cent cinquante morts pour seulement seize fangeux abattus. Une fois encore, le calcul était effrayant. Mais lorsque Alazais se redressa et ferma son livre après avoir tourné la dernière page, il se refusa de céder une nouvelle fois face à la peur. Le lendemain, il se porta volontaire pour apporter un soutien aux blessés et à assister les prêtres dans leur rites mortuaires, ce qui lui valu les félicitations de son maître de pensée. Mais tout ce qu'il vit, c'était que le cœur de Marbrume était mourant, prêt à s'arrêter.
La fange apporta son lot de changement dans le temple, comme partout ailleurs. Autrefois, la matinée et la première de l'après-midi étaient réservés à la prière et l'érudition, mais à présent, elles étaient surtout centrées sur l'aide que le temple pouvait apporter aux plus démunis. Les initiés, eux, n'avaient pas accès au quartier du goulot, jugé trop dangereux pour eux. Ils restaient cependant un puissant levier pour les prêtres en service.
Quelques semaines plus tard fut dévoilé l'objectif Lambret avec sa rafle et ses violences. Alazais n'était pas dupe, il savait l'importance de ce projet mais il savait aussi que les méthodes utilisées n'étaient pas les bonnes. Une fois encore, les nobles disposaient librement de l'âme du peuple, sans même s'en préoccuper. Par l'amour des trois, cette initiative fut un succès permettant à tous d'oublier un temps les affres de la fange et de la misère. Cependant, même si les convois arrivaient avec des tonnes de nourriture, les plus pauvres continuaient de mourir dans le déni le plus total des autorités qui se gaussaient de leur réussite.
Dans les mois qui suivirent, une certaine monotonie revint au sein du clergé donnant une routine réconfortante pour la plupart des membres du culte. On arrivait même à plaisanter à nouveau et à tenter quelques escapades diurnes. Avec les surplus des différents greniers, le temple put même donner quelques miches de pain aux plus nécessiteux. Et Alazais put reprendre ses visites auprès des portes. Mais pour de sombres histoires sur fond de trahison, la situation se tendit un peu plus et un couvre-feu stricte fut mis en place.
Mais une fois encore, les hommes ne connaissaient pas leur place, et, le Duc voulut se faire Roi. Ainsi, le premier Mai 1166, il condamna plus de quatorze mille âmes à l'errance éternelle. Une nouvelle épreuve venait d'être décidée par les Trois et elle annonçait un grand changement. Car autrefois, les gens se sentaient en sécurité, protégés derrières de puissantes murailles. Mais qu'est-ce qu'une muraille face à la toute puissance divine ? Rien. Car, tout cela devait être la volonté d'Anür, car seule elle pouvait faire errer les morts à la surface de la terre. Mais contrairement à ce que pensait ses maîtres, il était certain que cela n'était pas la conséquence de sa colère pour l'impiété des hommes. Non, il s'agissait là d'un défi porté à la Royauté et à sa noblesse. Ceux qui pensaient pouvoir continuer à manipuler les préceptes du temple pour asseoir leur pouvoir personnel.
La Fange, ce fléau divin, était apparu au moment où les hommes se sont détournés de la vertu des Trois. Elle était la preuve réclamée par tous de la volonté divine. Une épreuve où l'homme dévot en sortirait grandi tandis que l'homme impur serait maudit. Elle est le sacrifice demandé aux Bons, le premier pas vers l'établissement d'un monde meilleur. Et lui, avait été sauvé par la déesse afin de participer à l'établissement de cette société nouvelle, fondée sur la vénération de la Trinité et le stricte respect de leur parole.
Plus l'angoisse et la peur s'enracinait dans la Cité, plus Alazais se sentit investi d'une mission sacrée, celle de guider le peuple et de survivre afin de prouver sa valeur aux Trois. Et ainsi, les bienheureux seront choisis pour vivre dans un paradis terrestre bafoué par la loi des hommes, la corruption et l'ambition. Il fut donc, une nouvelle fois, le premier de ses pairs à se porter volontaire pour secourir ceux qui avaient encore une chance de pouvoir l'être et d’œuvrer pour le salut des défunts. Cependant, il n'offrait plus aux blessés et mourants des larmes mais un sourire réconfortant et des paroles douces. Il allait tous les sauver de leur propre ignorance.
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En l'année de grâce 1166, Alazais à 18 ans et reçoit la bénédiction d'Anür pour officier en tant que prêtre novice. Malgré les difficultés de ces dernières années, le jeune homme est véritablement heureux et partage une journée avec sa mère pour savourer cette petite victoire, profitant un temps de l'esplanade.
Peu de temps après on annonça le naufrage d'un navire provenant d'un duché voisin et d'une nouvelle vague de réfugiés. L'espoir restait intact, peut-être Anür saurait-elle lui pardonner.
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