Rencontre qui commence mal [Emeric]

Avoir été embauché par le noble ne m'empêchait pas de passer du temps dans les patrouilles dès que j'avais quelques heures d'affilées de libre. C'était une sorte de profession de foi. Je savais aussi que je ne tarderais pas à partir pour Sombrebois et c'était aussi pour me dédouaner, mentalement. C'était le seul regret que j'avais de quitter la ville dans laquelle j'étouffais de plus en plus. Ces derniers temps, c'était relativement calme, ce qui me rassurait un peu. Après tout, je laissais tout de même mes parents vieillissants ici. J'avais tout de même un peu l'impression de les abandonner.

Mais je supposais que je devais tracer mon propre chemin. Et la rencontre avec le duc avait été providentiel. J'avais hâte que l'expédition se mette en branle. En attendant, je surveillais les alentours comme mes camarades de veille. Il n'y avait pas eu d'incident déjà depuis plusieurs jours de suite et je voyais que la vigilance de certains avait tendance à se relâcher. Mauvais que cela. Et la suite des événements ne tarda pas à me donner raison, comme une piqûre de rappel pour tout les inattentifs. Alors qu'un petit convoi s’approchait de la ville, deux fangeux sortirent de la végétation pourtant rase près de la route. Quand étaient ils arrivés là, seul les Trois le savaient, sans doute.

Les voyageurs ne virent pas tout de suite le danger, attirant les créatures de plus en plus près des barricades. Je commençais alors à crier pour faire réagir tout le monde et les appeler à se préparer au combat. Franchement... Je voyais les gens réagirent en paniquant, la pire chose à faire. Je savais bien que tous n'étaient pas des soldats, mais depuis le temps, j'aurais pensé qu'ils auraient appris au moins un peu de discipline ou au moins, qu'ils se soient un peu habitués à ces incursions, même si elles étaient imprévisibles. A ce moment là, une arme de fortune me tomba presque dessus, m'évitant de peu avant d’atterrir à mes pieds.

«Mais bon sang, ressaisissez vous! Ils ne sont que deux, ils doivent être égarés. Ce n'est pas une attaque massive.»

Des yeux, je cherchais le coupable ou la coupable de cette maladresse. Sur la barricade à cet endroit là, cinq individus seulement, quatre hommes et une femme. Je cherchais celui qui était désarmé, tout simplement, pas d'air coupable ou d'attitude dans cette histoire. Il ne me fallu pas longtemps pour apercevoir le coupable. Je commençais par le fusiller d'un regard noir. J'allais lui passer un savon qu'il ne serait pas prêt d'oublier, au moins durant les prochains jours.

«Vous! Descendez tout de suite et venez me rejoindre. Les autres, gardez la position. Vous savez quoi faire.»

Je venais rarement par ici. Je tenais une petite dague et surveillais les alentours, mais tout est calme. De toute façon je ne suis pas un soldat alors, je me disais que ce n'était pas à moi de faire le plus attention. De plus il ne se passe rien. Je commence même à m'endormir en m'appuyant contre un muret délabré, je n'ai qu'une envie, boire un coup, et sortir de ce coin.
Lorsque j'entrepris de partir, me disant que j'avais fait assez une jeune femme lance une alerte d'une voix vive, et je regarde au loin pour en effet apercevoir deux monstres ! Sur le coup je ne sais pas quoi penser, c'est la première fois que j'en vois pour de vrai. Je fais des gros yeux, et pousse un petit cri de dégoût en posant une main devant ma bouche.

Je fais une moue, je tiens fébrilement mon arme de ma main droite alors que la panique environnante commence à me parvenir. Les gens courent partout, se bousculent, il n'y a que les véritables gardes qui tiennent bon et s'organisent car comme venait de le dire la demoiselle, il n'y avait là que deux créatures ! Je me frotte le front et dans la panique ambiante je lâche mon arme qui s'échoue un peu plus bas juste aux pieds de celle qui venait d'intervenir manquant même de la blesser ! Je pousse un soupir.

Je sens qu'elle me cherche du regard, et je ne me défile pas, après tout, j'ai besoin de ce poignard pour me défendre.
Voilà qu'elle croise mes yeux. Elle devine rapidement que l'arme est à moi, je sens dans son regard qu'elle n'a pas apprécié ! Sa phrase me le confirme.
D'un geste de la main je lui signale que j'arrive. Avec une certaine agilité je descends pour la rejoindre, et rejoindre mon arme.
Arrivé devant elle, je rougis un peu, son air autoritaire me fait un peu peur, et doucement je me baisse pour ramasser la dague.
- Excusez-moi, je n'ai pas fait exprès, je vous assure... C'est que je suis maladroit et pas du tout expert dans le maniement des armes, me défendis-je pour essayer de la calme, mais je doute que cela puisse fonctionner, alors je me décale juste un peu, pour me placer à sa droite afin de ne pas la molester dans ses gestes, et pour qu'elle puisse au mieux observer la situation.

Elle avait l'air de savoir gérer ce genre de situation alors je n'avais pas intérêt à la gêner.
- Est-ce que je peux me rendre utile ? Lui demandé-je d'une voix humble et discrète en reculant d'un pas.

Je ne tarde pas à repérer le coupable à sa tête. Il ne fait que confirmer que c'est bien lui qui a lâché l'arme d'un signe. Je patiente donc le temps qu'il me rejoigne et ensuite, je ne me prive pas de le toiser des pieds à la tête. Il me semble que je l'ai déjà vu quelque part. Peut être une précédente fois sur la barricade. Si je ne me trompais pas sur son compte, il n'avait pas vraiment plus l'air doué que la dernière fois. D'ailleurs, lui même le confirmait. Il n'était pas très doué avec les armes. Du coup, je ne voyais pas pourquoi il s'obstinait à monter en haut de la position défensive.

«Si vous ne savez pas combattre, il faudrait peut être vous abstenir...»

En même temps, chacun devait participer à la défense de la ville. Mais j'étais en train de réfléchir qu'il y avait d'autres moyens que combattre sur le front. Chaque compétence pouvait faire la différence. Celui là, j'espérais bien qu'il ait un talent quelconque. Normalement, chacun avait plus ou moins d'affinité avec au moins une activité. J'eus sans doute un petit rictus agacé, en tout cas ,je continuais à le considérer avec sévérité en me demandant si je ne devais pas le renvoyer. Mais ce n'était pas comme ça qu'il allait progresser. Pourtant, je n'avais guère envie de lui faire quelques leçons gratuitement. C'est lui qui finalement trouva la solution en me demandant s'il pouvait être utile.

«Que savez vous faire qui pourrait être utile dans la situation actuelle?»

En même temps, je demandais ça, il n'en avait peut être aucune idée. Et puis, ce n'était pas trop le moment de faire une enquête de ce genre. D'ailleurs, la réalité me rattrapa, que ce jeune homme m'ait répondu ou non. Du haut de la barricade, un gars me héla en me signalant qu'il n'y avait plus de traits pour les arcs. Je lâchais un soupir las. Autant se rendre à l'arsenal et récupérer d'autres flèches. D'ailleurs, cela me donnait une idée. Il devait rester un peu de poix et cela ferait des projectiles idéalement incendiaire, tant que les deux fangeux se tenaient assez loin de l'entrée de la ville.

«Venez m'aider, nous continuerons à parler en travaillant.»

Je partis au petit trop en direction de l’entrepôt où était stocké une partie des armes. Il y en avait répartis tout autour de la ville pour qu'il y ait le moins de manque possible. En entrant, je constatais que le matériel pour faire des flèches était presque épuisé et de nouveau, je soupirais. Il allait encore falloir batailler pour obtenir un nouvel approvisionnement. La poix aussi, il n'en restait qu'un fond. Par contre, au niveau tissus usagé, il y avait tout ce qu'il fallait. Le travail n'était pas si dur, attacher une pointe à un trait droit avec un lien de cuir, entouré le bout d'un petit morceau de tissus et tremper le tout dans la substance collante.

«Faites comme moi. Dis je au gars en montrant l'exemple. Je m'appelle Alana, et vous?»