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 On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière]

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Alienor E. Von ElrichBaronne
Alienor E. Von Elrich



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MessageSujet: On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière]   On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière] EmptyMer 5 Aoû 2020 - 3:04
On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde.
Alienor & Jacob

Les Rois du Monde, Thème Musical du RP




- " Oh Louis vous vous empâtez j'ai l'impression ! "

Le bruit sourd de deux lames s'entrechoquant sonna creux dans la cour adjacente au jardin de Louis de Vandeuvres. Malgré l'air tiède de cette fin de matinée estivale annonçant une hausse certaine de température. Les deux nobles en la personne d'Henry Von Elrich et du maître des lieux, s'adonnaient à leur entraînement habituel. Le corps sec, le flanc tendu, une chemise en coton poisseuse de sueur par-dessus un pantalon épousant des mollets puissants -qui faisaient la vanité des jeunes gens- comme vêtements. Ils enchaînaient attaques autant que rixes verbales.

- " Allons vous savez très bien que je vous laisse gagner pour ne pas avoir à souffrir de vos plaintes si j'abîmais votre joli minois ! "

- " Oh ! Vous me flattez messire ! " Gloussa dans une imitation grotesque Henry avant de s'élancer de plus belle pour faire tomber la garde de son compagnon d'exercice.

Leur contenance, bien qu’elle ne fût pas tout à fait tranquille, excita cependant par son laisser-aller à la fois plein de dignité et de gaieté bonne enfant, l’admiration du tout jeune Emile frère de Louis de Vandeuvres, qui voyait dans ces hommes des héros et des modèles pour le meilleur et pour le pire. Assis sur le bord du perron, il avait prestement conclu sa leçon de principes de droit pour se précipiter à l'extérieur et observait la compagnie.

- " Comment se porte Alienor ?! Arrgh ! Raté ! Je ne l'ai pas croisé depuis quelques jours déjà ! "

- " Songez à votre posture plutôt qu'a ma sœur ! Du nerf !! Des nouvelles de Jacob ? Vous fréquentez les entrevues officielles plus que ma personne ! Et je ne le vois guère aux salons ! "

Henry chargeait énergiquement, Louis parait résolument avant d'enchainer sur une parade aussitôt contrer.

- " Vous perdez la main Henry ! HA ! Ahum ! Non du tout ! J'allais vous demander la même chose ! "

- " Allons lui rendre visite demain ! "

- " Pourquoi pas ce soir ? "

- " J'ai à honorer la couche d'une certaine dame ! "



*
* *



Ravissante, aguicheuse, courtisane aimant l'amour et les hommes. La séduisante Jeanne de Fontanges veuve du Comte de Fontanges, avait un appétit sexuel insatiable et un passif galant pour le moins notoire. La trentaine entamée, elle compte à son actif bon nombre d'amants, de coutume jamais plusieurs en même temps mais bien l'un après l'autre. Se lassant très rapidement et pour reprendre son expression cocasse veut bien assez vite : un nouveau ragoût ! Elle organise son petit commerce en mensualités, chaque trois mois se repait et cherche un nouveau prétendant. A l'exception d'Henry Von Elrich, ils filaient à tout deux une parfaite idylle et une relation qui satisfaisait les deux parties. Jeanne aimait à dire à sa suivante et complice Clotilde " Ce garçon est douée d'une mécanique admirable qu'il suffit de savoir remonter pour qu'elle fonctionne éternellement." Guère jaloux, galant et bien fait apportant avec lui toute la fougue, l'audace et la passion de la vingtaine. Elle n'avait qu'une envie dévorer tout cru ce séduisant blond. Si bien que leurs amours empiétaient sur ceux du nouvel amant de Madame de Fontanges, qui naïvement se croyait seul détenteur de la clé du boudoir de cette dernière.

Un bras derrière la nuque, une main prise dans l'autre, Jeanne renversait la tête, les coudes écartés. Henry voyait en raccourci ses yeux demi clos, sa bouche entrouverte, son visage noyé d'un rire amoureux, et par derrière son chignon de cheveux jaunes dénoué lui couvrait le dos d'un poil de lionne. Les lèvres affairées à baiser le grain satiné de sa peau, il se retirait de ses reins solides, le souffle court et les dents dévoilées par ce sourire carnassier qui faisait son charme coquin et qui fendaient ses yeux en deux amandes bleuâtres.

- " Ah … Vous devriez me rendre visite plus souvent…" Soupira la dame en se pelotonnant contre le torse saillant du jeune homme qui se laissait tomber lourdement et sans ménagement à l'égard du mobilier contre le matelas.

- " Je ne doute pas que comme moi vous trouvez d'autres occupations afin de remplir vos journées entre chacun de nos rendez-vous galants ! "

- " Vous êtes bien cruel, Monsieur."

- " Cruel ? Oh Madame à d'autre ! Je vous en prie ! Nous nous connaissons assez pour savoir que nous ne souffrons guère de cela ! "

Un timide tintement de cloche, attira l'attention des amants, qui abandonnèrent la contemplation des tentures de taffetas tendus au dessus du lit à baldaquin et tendirent une ouïe alerte.

- " Madame, le Baron de Noirfort attends depuis un moment déjà et exprime son impatience. Il insiste pour être reçu, je lui ai dis que Madame se prépare dans son boudoir … Mais … " fit une voix haute et égale à travers le bois des doubles portes à l'inextinguible aspect rutilant.

- " Qu'il attende ! Ce qu'il peut être ennuyeux ! "

- " Allons Jeanne, n'affichez pas cet air cela étire vos si jolis traits ! Je file ! Ne faîtes pas attendre le malheureux plus longtemps ! "

Bondissant hors du lit avec une agilité et une énergie surprenante, il se saisit au vol de ses vêtements qu'il enfila en homme habitué au levée de camp rapide, jetant un coup d'œil à la silhouette féminine qui paraissait encore au lit et ne semblait guère encline à se rafraîchir et effacer les traces de voluptés que pouvaient trahir sa peau. Il lui sourit aimable tout en détaillant sa croupe et ses cuisses de cavale, dont les renflements charnus creusés de plis profonds donnaient au sexe le voile troublant de son ombre.

- " Oh avant que vous ne disparaissez tel un vilain voleur ! Je voulais vous faire présent de ceci."

Lestement, dans une lenteur de mouvement féminine et méthodique, diamétralement opposée à la gestuelle d'Henry ; la trentenaire se saisit d'un écrin de velours qui semblait avoir échoué sur un angle de son secrétaire, à l'intérieur une étonnante bague focalisant l’attention grâce à son élégante découpe faisait reluire sous la lueur bronze des candélabres une broderie rare de diamants qui entoure une impressionnante émeraude taille coussin.

- " Madame je ne peux accepter ce présent. Vraiment." Fit le jeune d'une voix catégorique alors qu'il déposait ses mains larges sur celles blanches de la dame.

- " Non n'est pas une option viable ici, j'insiste. Prenez-le en gage de mon amitié et de ma profonde affection. Cela fait longtemps que je tenais à vous laisser un petit quelque chose. Que vous le portiez ou non cela est votre affaire. Mais je ne puis souffrir de voir cette chevalière traînait ici ! "

Baisant Jeanne après avoir emporté la bague malgré une suite de refus insistant contrecarré par des yeux humides et des emportements que seules les femmes ont le secret et que l'on taira pour ne pas allonger inutilement le récit. Le charmant blond, s'échappa par l'étroit passage qui lui permettait en outre de rencontrer le plus discrètement du monde sa maîtresse. Ayant tout juste eut le temps de serrer ses bottes et les lanières de son pantalon, il se présentait les cheveux ébouriffés, le cou empreint d'un entêtant parfum musqué et le pourpoint entre-ouvert duquel on devinait une vaporeuse chemise froissée. En habitué du manoir, il dévalait les escaliers et cherchait du regard un serviteur afin de savoir si la onzième heure avait déjà sonnée, quand contre toute attente il vit le regard sévère et le teint blême du Baron de Noirfort qui le détaillait tel un mari trompé.

- " Oups …"

- " Que faîtes-vous ici, Messire ? "

- " Salutations ! Agréable soirée n'est-ce pas ? Un peu trop chaude à mon goût ! Je pense que vous avez la réponse à votre question, ne nous embarrassons guère d'une conversation que je juge inutile et qui vous serez fâcheuse. Et souhaitons-nous la bonne nuit ! "

- " Insolent comment osez vous ?! …"

- " J'essaye simplement de vous faire gagner du temps ! Toutefois je n'apprécie guère votre ton Monsieur, ce n'est point votre femme et vous n'avez sur elle aucun droit pour peu que je sache. Un peu plus de tenu voulez-vous ? Je suis gai alors je vous pardonne ! "

- " Vous allez le regretter, comment osez-vous vous adressez à moi de la sorte ?! "

- " C'est vraiment trop ! Êtes vous si fâché de rencontrer l'amant de votre maîtresse quand vous la savez d'un désir insatiable ? Encore un mot déplacé et je ne réponds plus de mes actes. "

- " Vous insinuez que je ne comble point à ses désirs ce qui la contraint à vous avoir dans ses jupons, peut être ? "

- " C'est vous qui voyez la chose ainsi ! Peut-être y'a-t-il une petite part de vérité ? "

Noirfort posa par réflexe sa main sur son flanc, son arme était naturellement comme celle du blond chez le laquais. On n'entrait pas chez la comtesse comme dans une caserne. Ses molaires grincèrent alors qu'il se précipita afin de gravir les quelques marches le séparant de la cause de tout cette colère, ce dernier un sourire aux lèvres l'attendait et ne bougea pas d'un pouce. Les fronts espacés de quelques millimètres, la proximité permit au baron de sentir le parfum musqué de sa maîtresse sur la peau encore moite du jeune homme, ce qui eut inévitablement pour effet de redoubler sa hargne. La main tremblante et la mâchoire serrée il ne fût guère aidé par Henry dont le calme joyeux avait ce je-ne-sais quoi insolent et espiègle.

- " Messire Noirfort, Madame vous attends." Puis marquant une pause, Clotilde poursuivit d'un ton empreint de la plus grande neutralité, les mains croisés sur son bassin " Madame serait profondément affligé de savoir que ses invités provoquent une scène dans sa demeure."

- " Vous entendez Noirfort ? " Murmura taquin le Von Elrich en arquant un sourcil, la commissure de ses lèvres étirait par un large sourire. " Ne perdez pas plus de points auprès de Madame."

- " Demain, 13 H je vous attendrais Rue des Triomphes. Venez muni d'un témoin, nous réglerons la chose en hommes. "

- " Avec plaisir Noirfort. C'est bien la seule chose pertinente que vous ayez dit dans toute cette conversation."

Il se décala et lissa promptement les plis de son habit, avant de s'avança droit malgré son visage rouge en direction du corridor communiquant au boudoir.

- " Je n'aurais pas cru qu'il vous sauterait dessus tel un enragé." Commenta la servante sensible au charme mauvais garçon du blond.

- " Heureusement que vous étiez là pour me sauver la vie Clotilde ! Que ferai-je sans vous décidément ? " répondit rieur Henry. " Bonne soirée."



*
* *



- " Vous partez déjà, Henry ? "

Assise autour d'une table aménagée au centre du péristyle ornant l'aile du Manoir Von Elrich exposée au jardin. Guenièvre observait un sourcil arqué l'échauffement un tantinet trop énergique du benjamin de ses fils, l'appétit détraqué il picorait plus qu'il ne mangeait les maigres mets disposés que les ajustements financiers ont réduit au strict minimum. Finissant de tamponner sa bouche avec un carré de linge, il se relevait sous le regard interrogateur d'Edgar qui piquait dans une grappe de raisins, les deux autres membres de la fratrie absents manquaient à l'appel car pris par quelques obligations.

- " Oui j'ai affaire ! "

- " Depuis quand avez-vous affaire, Henry ? " Lança son aîné non sans une pointe de raillerie.

- " N'aviez-vous pas eu affaire hier soir plutôt ? " fit sa cadette en prenant place sous la clématite qui rongeait par la densité de son feuillage et de ses fleurs les colonnades.

- " Ce que vous pouvez être vilaine, Alienor." Commenta Henry en baisant la tempe fraîche de sa petite sœur qui décrocha une moue boudeuse tout en se saisissant d'une figue. " Bonne journée Mère."

Vêtue d'un vêtement fluide, composé d'un pourpoint d'une éclatante couleur bleu roi, coupé prêt au corps dans sa partie inférieure, rehaussé d'épaulettes et d'un collet droit avec une discrète fraise blanche et souple rappelant la teinte de ses bas. Le jeune homme traversa la grille de la demeure, l'épée battant son flanc pour gagner la rue, et comptait sur l'heure matinale pour interpeller Jacob à son domicile. Jacob était ce séduisant mais caractériel trouble-fête, rencontré suite à l'exode des nobles lors d'une soirée particulière sur les docks. Ils partageaient l'amour des femmes, de la beauté, du combat et de l'honneur. Somme toute un duo explosif sortis d'un roman de cape et d'épées. Et par ces lignes vous aurez deviné que la personne qu'allait quérir le Von Elrich, n'était autre que le Comte de Rivefière. Conscient de son statut et des récentes obligations qui lui incombent, Henry savait son ami occupé et son temps libre limité pour avoir un frère ayant lui aussi suite à des malheurs familiaux reprit la charge de Chef de Famille, toutefois il nourrissait le secret espoir qu'il lui concéderait de son temps. La distance entre les deux demeures pouvait être aisément faite à pied, à peine une centaine de mètres que les échauguettes du manoir Rivefière se découpèrent derrière la vigne vierge d'un voisin.

Toquant par deux fois sur les lourdes doubles portes, Henry malgré son air cérémonieux et poli, sa mise impeccable et son visage d'angelot se sentait démuni, et appuyait d'une main un tantinet nerveuse sur le pommeau d'une dague attachée à sa ceinture le temps qu'un laquais se presse à ouvrir. Intrépide et hardi, il était toutefois face à la comtesse douairière comme décontenancé et désarmé. Son charisme naturel et autoritaire ajouté à la sévérité due à une personnalité inflexible et perfectionniste. Faisait d'Eloïse ces femmes qui vous déstabilise et que l'on craint avoir à dos ou fâcher.

- " Henry Von Elrich, mon brave. Dîtes à Ja… " Il se reprit " A Monseigneur le Comte que j'aimerais le voir, ajoutez que c'est une affaire d'honneur." Marquant une pause il continua, en feignant un profond air sérieux presque dramatique qui impressionna le domestique qui se sentit soudain chargé d'une mission importante " Annoncez moi à lui seul si vous le pouvez. La chose ne doit être ébruité." S'il savait que c'était pour échapper au regard inquisiteur de Dame Rivefière.

Référence:



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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière]   On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière] EmptyVen 21 Aoû 2020 - 16:35
« L'honneur, comme l'amitié,
Rien de plus commun que ce mot,
Rien de plus rare que la chose.
»
Hypolite de Livry



Amorcée dans la plus studieuse des occupations, la journée s’annonçait pénible et seulement marquée par le chant morne de la plume grattant le papier parcheminé. Ainsi, le vélin décoré des armoiries familiales et pourtant chichement effilé pour aider à l’économie, s’obscurcissait sous la besogne d’une main appliquée. De ce labeur, baigné d’encre et couronné de soupirs, naissaient les mots du remerciement et de l’alliance. Des mots que le nouveau Comte de Rivefière empruntait à son défunt aîné et qui, sous le poids de ses responsabilités fraîchement acquises, devenaient les siens.
Dans le vaste bureau autrefois dévolu à son père et nimbé d’une lumière matinale, il avait préféré la table du scribe. Il n'avait toujours pas pris place devant le secrétaire aux pieds parés d’or et se refusait d'occuper le fauteuil de son père décédé. Il ne s'en sentait tout simplement pas digne, pas encore et peut-être bien jamais. Un sentiment lustré d’une étrange culpabilité et exacerbé par ce que le siège comptait de trop riches parures ; des bras sculptés dans un bois de chêne ancestral, un dossier ornementé d’une gravure idyllique et une assise gonflée d’un confort précieusement tapissé.

De tels artefacts, symboles d’un statut privilégié auquel s’agrippaient bien des nobles, se trouvaient dans chacune des pièces du manoir occupé par la Famille. Prêtée par le Roi, qui de fait les tenait sous son aile protectrice mais exigeante, la demeure de l’Esplanade trouvait ainsi à s’afficher comme la vitrine d’une gloire simulée dans le déni. Les Rivefière, dépossédés de leurs terres par la Fange, avaient tout perdu – ou presque - sur le trajet de l’exil. Pièces d’orfèvreries réputées, meubles luxueux, tapisseries fines, tissus brodés, bijoux et autres accessoires étaient restés parmi les décombres d’un convoi éventré par les créatures nées du Fléau. Ironiquement, il en était convaincu, le sang alors versé par les braves pour défendre l’orgueilleuse fortune rassemblée dans des coffres, était devenu plus rare que les babioles d’argent poli ou précieusement serties d’escarboucles. L’hématite se troquait aujourd’hui contre une miche de pain, parfois deux et la monnaie ne trouvait sa place que dans les paumes des nantis.
Le monde se modelait ainsi selon les règles nouvelles imposées par la Fange et ses monstres. Les anciennes conventions et leurs héritages s’en voyaient chamboulés. Meurtris au point de se fissurer, le socle de la société devenait branlant. Tout était sur le point de changer et il convenait de s’adapter sans se perdre. Évoluer sans se parjurer, se transformer et tout en gardant de ses principes les plus essentiels, innover.

Ce dernier mot, tracé d’une main fébrile, l’amena à ponctuer le courrier destiné à l’accord qu’il envisageait conclure. Jacob avait des ambitions, des attentes comme des buts. Cependant, son cœur encore en proie au chagrin, se gangrénait de bien trop de doutes pour qu’il puisse seulement se sentir capable. La légitimité depuis toujours concédée à son aînée lui échappait. Être à la hauteur de la tâche mise entre ses mains par le Destin était de ses vœux le plus intime. Un secret qu’il ne confiait pas même à sa propre pensée et qu’il n’osait imaginer autrement que dans le rêve. Sa vie d’avant lui manquait. L’insouciance… Avec un sourire, il reposa la plume d’écriture dans son encrier et tout en laissant sa mémoire cheminer vers cette autre période de sa vie, il se rappela les herbes dansantes sous un souffle de vent chaud, le parfum du printemps fraîchement installé et sa voix lorsqu’elle lui répondait... Sa bonne conscience.
Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres et son humeur trouva à changer, tandis que son regard glissait jusqu’à se fixer sur l’anneau comtal à son doigt. Anür pouvait lui en être témoin, il n’avait jamais imaginé que ses dons puissent être si cruels. Le divin avait cependant cette réputation dans l’esprit critique. Il mettait au défi, poussait au sacrifice et obligeait au dépassement de soi et à l’oubliance. Par les Trois, pourquoi avait-il fallu qu’ils meurent ?!

Le geste rageur qui accompagna cette pensée fit claquer le couvercle du plumier en bois marqueté et se trouva suivi par quelques coups discrets frappés à la porte du cabinet de travail.

« Qu’y a-t-il ?! »

L’agacement ancré dans sa voix, il s’était sans doute montré rude. Si bien que, derrière la porte, la domestique paru hésiter un instant avant d’en tirer la chevillette. Elle entra cependant, mais sans relever les yeux vers lui, s’inclina pour exécuter une révérence tout à la fois gauche et laborieuse. Cela ne faisait que quelques jours que la jeune fille était entrée au service de la maisonnée. Sans expérience, ni lettre de recommandation, son recrutement tenait du plus ridicule motif. Choisie par la Comtesse douairière en personne, cette dernière l’avait préférée à toutes les autres candidates seulement et uniquement pour son physique disgracieux. Bérénice, en effet, était ce que les gens appelaient communément un laideron. Le cheveu gras et fins - heureusement caché par une charlotte - l’œil fiévreux, le visage couvert d’une acné rosacée, elle avait la bouche déformée par deux énormes incisives qui empiétaient sur sa lèvre inférieure. Ce défaut, en plus d’être très voyant et donc impossible à dissimuler, l’amenait à zozoter, comme le faisait le stress de sa présente discussion – pourtant très courte – avec le Comte.

« Pardon votre Mazesté… » Elle s’interrompit, consciente d’une probable erreur qu’elle ne parvenait cependant pas à corriger d’elle-même. Face au silence de son interlocuteur, elle enchaîna néanmoins. « Le Zeigneur Henry Son Elrisse veut vous voir. Il dit que z’est pour l’honneur et que z’est une affaire zecrète. »

Arquant un sourcil amusé, Jacob peina à retenir le fou rire qui menaçait de le submerger. Margareth allait avoir bien du travail pour former la jeune femme. Quant à Henry Von Elrich… Si ce dernier faisait appel à son honneur, c’est qu’il se trouvait probablement dans l’embarras et s’il était dans l’embarras, ce ne pouvait être qu’à cause d’une dame – voire de plusieurs. Cependant et contrairement à ce qu’il avait voulu laissé entendre à la domestique, s’il souhaitait rester discret, ce n’était très certainement que pour échapper à l’œil inquisiteur d’Éloïse de Rivefière.
Le jeune Von Elrich, en effet et les dieux seuls savaient pourquoi, appréhendait tout particulièrement se retrouver face à la Comtesse douairière. Fruit d’un savant mélange entre admiration et intimidation, le malaise que son seul nom parvenait à distiller dans son être frôlait le rocambolesque. Alors et cela depuis leur première rencontre à l’occasion d’une soirée dédiée à la fête, lorsque le nobliau pensait rendre visite à son ami – chose qui n’était plus arrivée depuis un certain temps, Henry s’arrangeait toujours pour ne pas risquer croiser Éloïse. Le fait qu’il n’ait cette fois-ci pris aucune disposition en amont de son passage, témoignait d’une certaine urgence, aussi sûrement que le faisait l’heure matinale de cette visite surprise.

« Où se trouve-t-il ?
- Margareth l’a inztallé dans le zalon de l’été. »

Opinant du chef pour souverainement congédier la servante, Jacob se redressa. Le salon d’été était cette pièce dans laquelle Éloïse de Rivefière aimait à recevoir durant la belle saison. Ouverte sur le jardin, elle se trouvait abritée des rayons mordants du soleil par un chèvrefeuille grimpant et parfumé. Outre l’agréable confort qu’elle offrait ainsi aux visiteurs, elle se parait des plus précieuses reliques de leur passé et se trouvait surtout à proximité des appartements de la douairière. Ce dernier point amena le nouveau maître de la lignée à considérer l’événement avec sérieux.
Margareth, si elle avait accueilli et installé Henry avec professionnalisme et déférence, n’avait pas non plus manqué informer Eloïse de cette visite. La douairière, qui veillait tout particulièrement aux occupations de son deuxième fils, maintenant qu’il était devenu Comte, se montrait envahissante et dirigiste au point d’en outrepasser ses prérogatives. S’il ne faisait aucun doute pour Jacob qu’elle tenterait de s’immiscer dans le sujet de cette rencontre, il savait également qu'elle se ferait un devoir de paraître comme la plus dévouée des hôtesses. Il ne lui restait donc que peu de temps pour la devancer.

Passant une main fugace dans ses cheveux récemment coupés, il attrapa de l’autre ce qu’il restait de son repas. Un dernier morceau de pain trempé dans du miel, qu’il engloutit tout en passant la porte du bureau. Sa tenue n’avait pas été imaginée pour la réception, mais elle se pliait aux impératifs du deuil. Sombre et sans fioritures, seulement composée d’un pantalon de laine noire dans lequel il avait glissé une chemise de samit blanche et légère, et un gilet déboutonné dont le damassé figurait ses armoiries entremêlées aux feuillages, et aux arabesques.
Dans le couloir, il hâta le pas. Le temps était de ces éléments précieux qui allaient lui manquer s’il ne voulait pas qu’Éloïse le précède. Cependant et alors qu’il avait été sur le point d’arriver, il entendit la voix de la douairière qui déjà saluait Henry.

« Monsieur Von Elrich, voilà une visite pour le moins inattendue. Aviez-vous convenu d’une entrevue avec Monsieur le Comte ? Vous imaginez bien que ces obligations nouvelles contraignent son temps libre et si vous… »

Entrant à son tour dans la pièce, Jacob coupa sa mère pour enchaîner à sa place.

« … aviez l’espoir, mon ami, de ne point sacrifier à la coutume de notre rendez-vous mensuel, il me plaît de constater votre parole toujours sincère ! »

Il déposa un baiser furtif sur la joue de sa mère tandis qu’il passait à côté d’elle et dans un sourire où la courtoisie se la disputait à l’autorité de ses nouvelles fonctions, il l’invita à prendre congés.

« Bonjour mère et merci d’avoir pris de votre temps pour venir saluer notre invité. Cependant, je préférerais que vous concédiez encore quelques jours au repos. Votre santé demeure fragile et un autre malaise n’est pas à souhaiter. »

Piquée au vif, Éloïse n’en demeura pas moins digne et après avoir remercié son fils pour toute sa tendre sollicitude, elle tourna les talons. Quand elle fut partie, Jacob salua le Von Elrich à la manière des combattants, lui attrapant l’avant-bras pour le presser d’une main ferme et tout en pointant du menton vers son visage grave, il l’interrogea.

« Une affaire d’honneur ? Hmm ? Dans quels mauvais draps vous êtes-vous glissé ? »

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Alienor E. Von ElrichBaronne
Alienor E. Von Elrich



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MessageSujet: Re: On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière]   On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière] EmptyMer 9 Sep 2020 - 1:23

On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde.
Alienor & Jacob

Les Rois du Monde, Thème Musical du RP



La bouche d'Henry s'étira en un large sourire de convenance, sa lèvre supérieure légèrement retirée faisait dévoiler ses dents pourvues de deux canines tout particulièrement pointues qu'on croirait volontairement taillées et qui lui procurait ce sourire carnassier qui faisait l'une de ses nombreuses signatures corporelles. Le ton était à l'amusement, si sa cadette avait été flanquée à son bras ils se seraient moqués en vilains garnements qu'ils sont. Si leur mère avait tâchée de leur inclure une éducation nourrie de bonnes grâces et d'égards envers autrui fut-il grand seigneur ou petit paysan, elle n'avait réussi à mater cet esprit railleur, mordant sans méchanceté qui s'était tout particulièrement développé chez son unique fille. Ce n'était pas tant le physique disgracieux de la servante qui ouvrit les doubles portes –vraisemblablement trop lourde pour son petit corps chétif et courbé-, l'opinion générale aurait unanimement décris la jeunotte de maladroite laideron, qui animait le sentiment de dérision dans le jeune homme mais la manière qu'elle avait de zozoter et d'écorcher son nom de famille, lorsqu'elle lui présenta la formule d'accueil d'usage " Son Elrisse " son pauvre père –que les trois aient son âme- en aurait été rouge de colère.


Il suivit de sa démarche aérienne et droite la petite silhouette voutée qui l'accompagna le long des dédales de corridors communiquant à diverses pièces du rez-de-chaussée, avant de le laisser au bon soin de Margareth, une figure familière car rencontrée lors des quelques aller et venues du jeune blond à la résidence des Rivefière. Il ne put s'empêcher de suivre amusé la curieuse apparition qui disparut presque aussitôt appeler à d'autres activités, après des salutations polies non sans le petit air amical et naturel qui réchauffait sa voix il commenta taquin.


- " Nouvellement entrée en service je présume ? Je suis sur qu'elle sera méconnaissable grâce à vos bons soins."


Invité à s'installer dans le " Salon d'été ", Henry remercia d'un hochement de tête courtois les gestes tout empreint de déférence et de considération qu'on connaissait à la domestique. Debout les mains croisés derrière son dos, il avança d'un pas afin de jouir des portes balcons donnant le jardin élégamment entretenu de la demeure. Une profonde inspiration chatouilla ses étroites narines de part le parfum jasminé d'un chèvrefeuille danse et grimpant. Il appréciait en homme élevé entouré de personnalités au goût sûr, le paysage dont le vert saisissant lui rappelait sa jeunesse au domaine familial. Des images vivaces lui vinrent à l'esprit : des enfants et de femmes à l'ombre de grands arbres dans la prairie sous jacente à la roseraie de sa mère ; des lévriers barzoïs endormis sous un immense chêne aux branches touffues se découpant sur le fond azurin d'une mer limpide étendue à perte de vue. Il revoyait son père debout les poings sur les hanches discutait hardiment avec Edouard De Vandeuvres. On buvait du thé et de la citronnade, on mangeait des prunes et des framboises à la crème, les conversations allaient bon train on y évoquait le désordre des récoltes, les nouvelles naissances, les rumeurs des fiançailles et la qualité des chœurs des villageois. Aux pieds des dames, les plus jeunes enfants jouaient à même le sol sur des couvertures étalées à leur intention, les autres à peine plus âgés couraient dans le parc mené par une Aliénor déchainée que secondaient docilement les petites sœurs de Louis, son autorité était telle que même les tous jeunes garçons avaient décidés de se soumettre. De temps en temps l'un revenait boudait auprès de sa mère, Alienor l'avait exclu et malmené. Lui, une épée en bois à la main combattait avec une ferveur attendrissante et une maladresse ridicule son ami Louis, tandis qu'Edgar et Gauthier rentraient d'une promenade à cheval, levant ostensiblement haut le menton afin de signifier qu'ils avaient dépassés l'âge des jeux puérils…
Une voix féminine le tira de sa rêverie, si de coutume le timbre aigue et douceâtre si propre au beau sexe le remplissait de fougue, celui-ci manquait de faire flancher ses jambes. Henry fit volte face et afficha un visage dont la blême dignité cachait un sentiment décontenancé palpable pour toute personne ayant fréquenté le frondeur Von Elrich. Il déglutit, comme si les iris bleu acier d'Eloise de Rivefière avaient quelques saugrenus pouvoirs permettant de lire à l'instant le fil de ses pensées. " Mais d’où est-elle sortie … Argh Margareth vous me le payerez. " Pensa-t-il en plissant momentanément ses lèvres.


- " Madame." Fit-il en s'inclinant profondément, profitant de cette marque de respect pour reprendre le contrôle sur son esprit et afficher son air de cour " Je vous remercie de m'accueillir en personne, c'est un réel honneur " pas un plaisir " Vous êtes rayonnante. Comme toujours." Terrifiante comme toujours. " Je …" Mais que-ce que je vais lui dire !


A peine eut-il eut le temps d'inventer une excuse pour masquer le motif réel de sa visite, que pareille à une princesse emprisonnée au sommet d'un donjon et gardée par un terrible dragon. Jacob apparut en preux chevalier servant et fit décroché un sourire de délivrance au blond, il s'inclina plus taquin que cérémonieux au nouveau Comte de Rivefière.


- " Toujours mon cher ami. Comment le manquer ! " Enchaina-t-il reprenant un panache déconcertant à la minute même ou il changea d'interlocuteur. Suivant du regard le bref échange entre mère et fils. Il fit une petite danse mentale de victoire à la seconde ou la maîtresse des lieux tourna les talons et quitta la pièce. " En vous souhaitant un prompt rétablissement Madame."


Un lourd soupir s'échappa de ses lèvres, tandis que la porte du salon claqua. L'air jaune s'estompa pour laisser place au teint frais, respirant la jeunesse et la santé tandis qu'il se jetait presque à bras le corps pour saluer son ami. Les yeux brillants fendus en amande par l'air enjoué qui étirait ses traits. Henry tapota énergiquement le dos de Jacob avant de reculer d'un pas pour rompre l'étreinte.


- " Décidément vous venez toujours à point nommé ! " Lança-t-il sincèrement reconnaissant, alors qu'il s'asseyait sur l'un des canapés capitonnés de velours, le dos tout au confort d'un coussin et les bras étendus sur le bord supérieur du meuble. " Droit au but comme toujours, vous ai-je dit que j'aimais votre sérieux en ces affaires pressantes ? Mais allons bon ! Dîtes moi comment vous allez ? Vous manquez terriblement à Louis, un peu et il se joindra au cercle de ces dames vous écrivant des lettres humides de peine ! " Lorsque le dernier né des garçons Von Elrich jouait autant d'humour et de légèreté c'est que son esprit était tendu, l'air soudain sérieux il fit en portant un regard fixe sur le noble, s'arrêtant brièvement sur son habit de deuil " On s'inquiète pour vous aussi, vous savez que vous pouvez toujours compter sur nous. En tout temps."


Il connaissait très bien les tréfonds de ce que pouvait vivre Jacob, La Fange avait arrachée à plus d'une famille les leurs, et les Von Elrich perdirent la figure de proue, le ciment qui consolidait la fratrie et la lignée. Leur père, Lionel. Un petit silence s'installa, marquant une pause qui fut une nouvelle fois interrompu par l'invité qui craignait se faire happer par de sombres pensées et qui préférait la parole et la facétie, chacun après tout régentait les tréfonds de son âme à sa manière.


- " Quant à mon affaire … Voyons, Vous souvenez vous de Noirfort ? Oui ce personnage si ennuyant! Figurez-vous qu'il s'est senti froissé car la De Fontanges me préfère à son lit, ne me regardez pas ainsi Jacob. Vous êtes mal placé pour juger mon attirance envers les femmes d'âge mûr. Enfin qu'importe ! Là n'est pas le débat ! Je quittais son boudoir hier soir, j'allais d'ailleurs vous rendre visite. Quand il est apparut tout rouge, l'affaire aurait pu s'arrêter là. Mais vous imaginez la scène et nous avons convenu de nous rencontrer Rue des Triomphes muni chacun d'un témoin, afin de régler cette histoire avec un duel." De nouveau son sourire carnassier dévoila son enviable dentition. " Qui de meilleur que la plus fine lame de la cité pour m'assister ? "

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Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière]   On se dit qu'à 20 ans, on est les rois du monde. [PV : Jacob de Rivefière] EmptySam 3 Oct 2020 - 1:22
Le sourire pincé au coin de sa bouche, Jacob reçut l’accolade de son ami avec amusement. Il y avait de quoi rire dans ce petit intermède improvisé. Un comique inopiné qui avait laissé Von Elrich en proie à quelques sueurs froides, avant de lui rendre panache et couleurs. Le flamboyant alors retrouvé, le noble s’était montré égal à lui-même. Prolixe, la taquinerie aux lèvres et l’entrain gonflé par un euphorique soulagement, il avait été jusqu’à frôler l’inconvenance tandis qu’Éloïse quittait la pièce. Un vrai garnement ! Sans méchante pensée bien sûr, mais un chenapan tout de même. Un galopin dont le tempérament frondeur se voyait en plus encouragé par quelques succès, surtout auprès de la gent féminine. Un presque frère, en somme.

« Voilà qui n’est pas très loyal, Henry. Frapper un ennemi dans le dos… » Il pencha la tête sur le côté, arquant les sourcils pour mimer un air sévère que le pétillant de son regard venait malicieusement contredire. « Cela tient de la plus évidente rouerie et dans votre cas, certains y verraient même de la mesquinerie. »

Dédié à l’amusette, le ton restait espiègle, indubitablement railleur alors que le désormais Comte de Rivefière invitait son ami à prendre place. Il le laissa assiéger la méridienne, évitant de lui narrer les palpitants méfaits qui en avaient éprouvé le velours, mais se rappelant les gloussements éhontés de l’intrépide Ariane.
Ariane… ? Il n’en était plus très sûr. N’était-ce pas plutôt Diane ?… Peut-être…. À moins que… Valériane ? Hmm… Elle avait en tous les cas le cheveu foncé et la cuisse tout particulièrement souple. À l’époque, la jeune épousée du Baron d’Ivrée savait donner de sa personne. Quel dommage d’avoir vu son enthousiasme empâté – comme ses hanches - par ses grossesses successives.
À ce propos, son premier né était venu au monde roux comme un renard, quand ses trois autres fils et filles avaient hérité de la tignasse d’encre de leur présumé père. La drôlesse avait soit gagné en astuce, soit perdu en audience. Dans tous les cas, il se trouvait bien ravi de n’avoir pas été impliqué dans le scandale que le cornard avait alors eu toutes les peines du monde à étouffer. Sa "vilaine" femme n’était plus réapparue autrement que le ventre rond. Un état qui concourrait immanquablement à la garder loin des jeux et de la fête.

L’air songeur, il s’installa à son tour avant d’être rappelé à l’ordre par un vif élancement qui, de son poignet, remonta jusqu’à son coude. Par les Trois ! Adeilhac ne l’avait pas raté ! Le visage livré à la douleur, il grimaça le temps d’un souffle, avant de laisser filer un éclat de rire.

« Ah Louis ! S’il se prend un jour à m’écrire poèmes et lettres enflammées, soyez certain que vous en serez le premier informé. Cela vous donnera matière à railler son estoc. »

Si le double sens se voulait fin, la moquerie n’en demeurait pas moins évidente. Louis de Vandoeuvres était l’un des tout proches amis du très fringant Henry Von Elrich. Il était de notoriété publique que les deux gaillards s’entraînaient ensemble à l’épée et aux armes. Il était également su qu’ils s‘épaulaient dans les moments difficiles, quand ils ne s’encourageaient pas l’un l’autre à l’échafaudage de mauvais coups. De leur amitié, taillée dans le moelleux de l’enfance, subsistait l’élan séducteur de l’insouciance. Un brin d’inconscience pour ne pas dire d’aveuglement, qui les faisait paraître inconséquents et parfois superficiels. C’était là part de leur charme et il était aisé de céder, et même de succomber à leur enthousiasme. Comme il était facile de les dédaigner pour ce qu’ils avaient d’inconstance et de futilité.
Jacob savait pourtant leurs sentiments damés de principes et de nobles valeurs. Henry, s’il connaissait lui aussi les défauts d’un cœur volage, n’en demeurait pas moins sensible au charitable et à l’héroïque d’une pensée romanesque. Il était homme de parole – lorsqu’elle n’était pas offerte sur l’oreiller – et se livrait au chevaleresque avec l’ardeur d’un vaillant intrépide. Secourable et honnête – autant que cela lui était possible – il figurait parmi les jeunes espoirs de la cité-refuge. Si seulement la noblesse voulait reprendre de ses couleurs la plus déterminante, peut-être trouverait-il alors moins de grinçant dans sa compassion affichée.

La sollicitude… Celle d’Henry Von Elrich plus spécifiquement. Elle pouvait se faire l’ennemie de la fierté et indubitablement heurter ce que la dignité s’efforçait de cacher de fêlures ou de faiblesses. Quelques mots suffisaient alors à blesser plus sûrement que le tranchant d’une lame. Une formule de politesse, armée d’un peu de bienveillance ou un ton prévenant, frappé de souci et lissé de bonnes intentions, devenaient ainsi les bourreaux d’une pensée déjà en proie au tourment. Cependant, il y avait quelques nuances sincères dans les inflexions que prenait la voix du noble. Un peu de cette sympathie propre à celui qui, sans se prétendre directement concerné, n’en éprouvait pas moins la compassion d’un véritable dévoué. Une manière comme une autre, finalement, de forcer à l’objectivité. Ne restait plus qu'à admettre le fondé d’un discours affecté.

« Je sais Henry. Merci néanmoins de me rappeler votre soutien. Il est précieux. »

Malgré lui, ses yeux se portèrent sur le reflet que lui renvoyait le large miroir accroché au mur de la pièce. Il se découvrit l’air maussade et la mine tristement fatiguée. Un portrait bien loin de correspondre à l’image qu’il avait pu donner de lui quelques mois auparavant. Aujourd’hui, il avait les joues creusées par un appétit fuyant, le regard alourdis par de profonds cernes et le teint pâle toujours assorti aux soucis. Le manque de sommeil et la surconsommation d’herbes médicinales – seulement pour succomber au repos – avaient limé ses traits avec sévérité. Rien de surprenant vu le contexte, rien d’exceptionnel non plus quand on savait les malheurs successifs qui avaient frappé leur famille.
D’un geste nerveux, le Rivefière ramena ses cheveux vers l’arrière de son crâne. Leur teinte, d’un blond presque lilial, ne faisait qu’accentuer le pathétique de son regard soumis au tourment. Un point d’autant plus remarquable que son vêtement de deuil forçait l’évidence par un contraste péremptoire. L’anneau comtal glissé à son doigt pesait le poids du remord, celui des doutes et du sacrifice. Roland avait dû le juger trop lourd. En l’abandonnant sur l’ancien bureau de leur père, il renonçait – en quelques sortes – à son héritage. La question n’en demeurait pas moins en suspend ; pourquoi ? Pourquoi Roland avait-il fait ce choix d’abandonner les siens, sa famille, son épouse ? Pourquoi avait-il préféré la mort au combat ? Et... Que resterait-il à l’humanité si ses héros en venaient à baisser les bras ? Il n’avait pas de réponse à donner à ces interrogations et s’il avait voulu prendre le temps d’y réfléchir, il n’en aurait probablement pas l’occasion en ce jour.

En reprenant la parole, Henry mis un terme à ses tergiversations. Sa voix, toujours parée d’un humour caustique, l’avait ramené à la réalité et les noms qu’il évoquait l’enjoignirent à froncer les sourcils. Noirfort était un hongre. Un cheval à la dentition plate et limée, incapable de se montrer batailleur autrement que dans la rage. À l’inverse, le cadet des Von Elrich tenait du carnassier. En témoignait son sourire bardé d’impressionnantes canines. Jacob savait dès à présent que la querelle trouvait son origine dans la vexation. Il avait l’expérience de tels épisodes et connaissait les affres comme les conséquences d’une railleuse provocation. La colère de Noirfort, assurément exacerbée par le comportement narquois de son rival, ne pouvait trouver d’autre conclusion. Heureusement pour Henry, Noirfort n’était qu’un bretteur moyen. En revanche, son ami de toujours, Gaston de Maupas, était une fine lame.

Se laissant définitivement aller à la contrariété, Jacob plissa les lèvres. La moue ainsi affichée sur sa bouche pleine l’obligea à serrer les dents. Tendue sur sa mâchoire admirablement dessinée, sa peau en vint à tressaillir. Un mauvais pressentiment voulait trancher son opinion comme l’aurait fait une lame aiguisée par la méfiance. Il se garda cependant de partager son avis et d’un revers de la main, chassa ce que son ami voulait laisser entendre de ses frasques. Il connaissait bien sûr la veuve Fontanges. Une femme au charme indéniable et qui, très récemment, avait tenté de l’amener dans ses filets. Elle aimait la chair fraîche, lui avait-on glissé à l’oreille et savait se montrer généreuse. Son défunt époux lui avait d’ailleurs laissé quelques biens qu’elle dilapidait pour mieux entretenir la fréquentation de son boudoir. Cependant, le Rivefière ne s'y était pas laissé prendre. L'envie lui en manquait, tout comme le désir. En vérité et pour être parfaitement honnête, voilà plusieurs semaines qu'il n'éprouvait plus le moindre intérêt pour la bagatelle. D'aucuns y auraient vu la conséquence logique du tragique lié aux événements ayant bouleversé son quotidien. D'autres, plus perspicaces peut-être, auraient trouvé quelques origines inédites à ce nouveau mal qui taraudait son esprit. Le fait demeurait qu'il avait tout simplement ignoré l'offre pour lui préférer une discussion avec un Haut-Prêtre présent ce soir-là.

« Une situation fâcheuse que je me trouverais bien hypocrite de commenter. »

Il passa une main sur son visage, prenant la mesure des faits que lui contait son ami. Pendant ce temps, Margareth s'employa à servir une collation composée de thé, de fines galettes, d'un peu de fromage et de quelques fruits de saison. À l'évidence, la comtesse douairière ne voulait rien manquer de l'entretien qui se tenait ici et pour avoir retour des mots échangés entre Jacob et son "invité", elle était prête à vider placards et réserve. Aussi et sans chercher à se faire tyran, le nouvel héritier adressa un regard lourd de sens à la domestique. Elle comprit sans effort, la menace silencieuse qui planait dans le regard clair du maître de maison et s'inclina rapidement avant de s'effacer derrière les lourdes tentures qui dissimulaient la porte de service.

« Ma main à couper que Noirfort se fera accompagner par Maupas. Il lui servira de témoin, j'en suis aussi persuadé que vous semblez ravi. » Il pinça les lèvres avant de reprendre d'un ton plus sérieux. « Ce n'est pas un jeu Henry. Noirfort voudra vous embrocher comme une poularde et il mettra tout en oeuvre pour y parvenir. J'espère que vous en avez conscience. Vous avez joué avec le feu et alimenté ce qu'il avait de jalousie. Cette dernière ne permet jamais de voir les choses telles qu'elles sont. Les jaloux voient le réel à travers un miroir déformant qui grossit les détails insignifiants, transforme les nains en géants et les soupçons en vérité*. Ce n'est pas de moi, mais c'est un fait maintes fois vérifié. »

Récupérant l'un des godets posés sur la table installée entre eux, il soupira.

« Évidemment que je viendrai avec vous. À quelle heure doit se régler cette affaire ? »



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