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 Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna

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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna   Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna EmptyLun 1 Fév 2021 - 15:42
6 novembre 1166



D'un pas nerveux, Éloïse rejoignit la fenêtre surplombant la riche porte d'entrée du manoir Rivefière. Il faisait nuit et le ciel trop sombre ne lui permettait pas de voir au-delà de la promenade longeant les belles demeures du quartier noble. Pourtant, son regard inquiet scrutait l'horizon abandonné aux ténèbres... Par les Trois, que faisait-il ?! Parti depuis près d'une heure, Drystan aurait déjà dû être de retour. Le chemin jusqu'au temple ne pouvait lui avoir pris autant de temps. Alors pourquoi n'était-il pas déjà revenu ?

Ramenant les pans de sa robe de chambre autour d'elle, la douairière fit claquer sa langue d'un air mécontent. Son plus jeune fils était un piètre cavalier. Rajouté à ce détail que les miliciens se montraient de plus en plus vigilants et méfiants, l'adolescent avait pu être retardé dans sa course. Une contrariété on ne peut plus fâcheuse aux vues des circonstances. Le temps leur était précieux. Dans leur cas, il était même cette donnée cruciale qui pourrait tout changer. Chassant de ses épaules un frisson qui voulait la gagner, elle revint sur ses pas pour appeler par-dessus la rambarde.

« Margareth ? Voyez-vous quelque chose ?
- Non Madame. »

La voix qui lui fit échos était marquée des mêmes intonations inquiètes.

« Marcelin est parti à leur rencontre.
- Prévenez-moi dès qu'ils seront là.
- Bien Madame. »

L'attente était parmi le pire des châtiments. Une punition dont Éloïse se serait passée sans objection, alors qu'elle avait ce sentiment d'avoir déjà trop abandonné à la colère des dieux. Ne lui épargneraient-ils donc rien ? Sur un soupir résigné, elle ravala ce que cette pensée charriait de blasphème. Il fallait garder la foi en les Trois et prier pour que leur miséricorde trouve son chemin jusqu'à lui. Un mince espoir vint ainsi couronner ses réflexions, tandis qu'elle rejoignait la chambre de l'aîné de ses fils encore en vie. Peut-être se tiendrait-il debout à l'attendre pour la toiser d'un air moqueur et rire de son angoisse ?

Malheureusement, à voeu pieux réalité s'impose.

La situation demeurait inchangée, comme le lui confirmait la domestique restée au chevet du Comte. Se relevant alors qu'elle avait entendu Éloïse arriver, elle avait secoué la tête et baissé les yeux d'un air navré. Un comportement qui n'avait fait qu'exacerber l'exécrable humeur de la douairière.

« Rendez-vous utile et apportez-nous de l'eau ! Il faut faire retomber cette fièvre. »

Tout en attrapant le linge humide resté dans le baquet, elle avait ainsi chassé la domestique pour prendre sa place auprès de son fils. Il avait une mine terrible. Sa peau pâle et brûlante avait l'aspect de la cire. Sous ses yeux s'étalaient de larges cernes profondément creusés. La veine à sa tempe droite battait la mesure d'un rythme cardiaque effréné et ses doigts tremblants, agrippaient ce qu'ils pouvaient des draps, couvertures et autres ornements recouvrant son lit. Il délirait et tout en murmurant quelques phrases incohérentes, se prenait parfois à se redresser pour affirmer une blessante "vérité". Serena était responsable de la mort d'Alys. Wymarc s'était sacrifié en vain. Roland n'était qu'un lâche...

Cherchant à apaiser une nouvelle crise, Éloïse déposa le linge humide sur son front. Elle n'avait veillé Jacob qu'une seule fois auparavant. À Rivefière, alors qu'il avait fait une mauvaise chute depuis un haut rocher escaladé seulement pour impressionner son père. Le jeune homme avait sinon toujours bénéficié d'une santé robuste, contrairement à sa jumelle. Alors le voir ce soir aussi diminué en venait à serrer son coeur de mère.

D'un geste délicat, elle effleura sa joue, avant de lisser ses cheveux blonds et emmêlés entre ses doigts. Elle ne comprenait rien au mal qui s'était emparé de lui. Au matin et durant l'après-midi il se portait parfaitement bien. Il avait vaqué à ses occupations habituelles et n'avait pas même manqué l'entraînement avec Hugues. Non, vraiment, elle ne comprenait pas. Avec un lourd soupir, elle se laissa couler sur son siège. Elle se sentait épuisée, les yeux humides de larmes trop longtemps contenues. Cependant, deux coups discrets frappés contre le bois de la porte lui firent relever la tête.

« Madame... Ils sont là.
- Les Trois soient loués. » S'entendit-elle répondre.
« Faites les entrer. »






Dernière édition par Jacob de Rivefière le Mar 9 Fév 2021 - 10:13, édité 1 fois
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ElerinnaPrêtresse de Serus
Elerinna



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MessageSujet: Re: Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna   Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna EmptyMer 3 Fév 2021 - 18:49
Je sortais des thermes après une longue journée passée dans la salle des soins. L’hiver approchant, les malades se faisaient de plus en plus présent. La malnutrition n’aidait pas non plus à diminuer les patients venant au temple pour trouver de l’aide. Malheureusement, les temps étaient durs pour tout le monde, les religieux y compris. Je soupirais, parfait mélange entre fatigue et bien-être. J’étais assez satisfaite de moi car j’avais bien travaillé, et l’eau des thermes m’avait revigoré, mais la fatigue se faisait tout de même sentir. Je m’en allais vers ma chambre pour y trouver un repos bien mérité après m’être arrêtée à la salle à manger pour prendre quelques morceaux de pain et fromage. Mon estomac n’avait pas grande faim, et je n’aimais pas le gaspillage. Je saluais quelques sœurs et frères sur mon passage, plus par politesse que par envie. N’étant mariée et possédant des cheveux rouges, j’aimais me faire discrète et oubliée dans le Temple. Cela m’apportait du répit. J’évitais aussi au maximum de créer des esclandres.
Sur le chemin de ma chambre, j’entendais du bruit : des pas forts et rapides, signe d’une course à travers les couloirs, et une voix, mais je ne parvenais pas à comprendre ce qui était dit. La curiosité était considérée comme un défaut chez certain… mais pas chez moi. Repoussant ma fatigue, je rejoignais à petites foulées la source du bruit qui semblait venir dans ma direction. Je m’arrêtais lorsque je vis une ombre sur le mur, juste avant qu’apparaisse un homme devant moi. Il courrait et allait me passer devant avant de me voir réellement. En comprenant que j’étais celle qu’il devait chercher, il s’arrêta, essoufflé. Je l’observais un instant et reconnu Drystan de Rivefière, un noble qui se formait pour rejoindre le clergé. Sa famille était connue dans toute la cité et possédait une bonne réputation. J’étais surprise de le voir ainsi, à courir dans le temple. Nous nous connaissions car nous avions échangé au sujet de la religion et je m’étais retrouver par la suite, à le conseiller plus d’une fois sur certains points pour l’aider à parfaire ses connaissances sur les Trois. Toutefois, son visage, éclairé par les chandelles, indiquait qu’il ferait bientôt nuit, et me fit froncer les sourcils. Je m’approchais de lui pour savoir ce qu’il se passait.

- Drystan… Tout va bien ?


Il inspirait une dernière fois avant de se redresser.

- Elerinna, vous devez m’aider. Mon frère, il… Il est malade et ne se réveille plus !
- Comment cela, « il ne se réveille plus » ?
- Tout allait bien, il s’est occupé comme à son accoutumé mais ce soir, alors que nous allions dîner, il s’est écroulé !

Ce n’était pas chose à prendre à la légère… Il continuait avant même que je n’eus à lui demander, m’indiquant ses symptômes :

- Il était brûlant et pourtant, bien trop pâle… les cernes sous ses yeux n’ont jamais été aussi présents. Il semblait prit de cauchemars, à parler sans tenir de propos compréhensible… Et il tremblait ! Il faut que vous veniez le soigner.

J’hochais la tête. Je commençais à courir vers l’office des soins : c’était là où je pourrais avoir le matériel nécessaire pour soigner le comte. Mon cerveau réfléchissait à mille à l’heure, les symptômes étaient divers et sans le voir, je ne pouvais être sûre de ce qu’il avait. Cependant, la présence de fièvre indiquait que son corps réagissait et combattait la maladie. C’était donc, pour l’instant, une bonne chose.

- Votre frère a-t-il déjà eu ce genre de maladie ?
- Jamais, mais il ne serait pas étonnant qu’il se soit infligé cela lui même.
- Que voulez-vous dire ?
- Vous savez… Il est… Torturé... et, il pense savoir y faire pour se soigner. Il s’empoisonne à décoctions et infusions pour dormir et calmer ses maux.

Oh…

- Et, savez-vous ce qu’il prend ?
- Des fioles en tout genre… Valériane, passiflore, et que sais-je d’autre ?

Je commençais à comprendre pourquoi Drystan était venu à moi. Savoir ce genre de choses sur le jeune comte n’était pas donné à tous, et heureusement pour la réputation de la famille. Cette marque de confiance me touchait et j’augmentais la vitesse de mon pas pour arriver à la salle des soins. Lorsque nous y entrions enfin, je me mis à piocher dans les pots pour y récupérer des herbes, fleurs et feuilles qui pouvaient être utiles. Du gui contre les palpitations et les spasmes ; pour la fièvre, de la châtaigne et de la pomme. Je prenais un sac dans lequel se trouvait d’autre plantes et fourrait le tout avant de rajouter de la sauge, de la saule et du sureau. Je mettais en plus de cela de la muscade, du chardon-marie et de la myrtille.
Sans plus attendre, nous nous dirigions vers l’esplanade. La nuit tombait déjà et les miliciens pressaient les retardataires à rentrer chez eux. Pour accéder aux demeures des nobles, nous devions montrer nos bras. Après de bien longues minutes à courir, nous arrivâmes enfin. Je respirais difficilement mais n’en avais cure. La servante nous mena à la chambre du Comte où se trouvait déjà la mère des deux garçons.

- Madame, la saluais-je en m’approchant du lit. Je déposais mon sac sur le sol et prenais place à côté du jeune maître. A-t-il reprit connaissance depuis tout à l’heure ?

Je posais mes mains sur son front chaud et luisant de sueur. Ses doigts, crispés sur les draps, et ses gémissements témoignaient d’une douleur qu’il combattait.

- Non, seulement pour déblatérer des inepties…


Soit. Des hallucinions ? J’ouvrais ses paupières afin d’observer ses yeux. Ils étaient rouge. J’ouvrais sa bouche et sa langue ne présentait aucune anomalie. Je tâtais ensuite sa gorge et ne trouvais pas ses glandes gonflées. Je fronçais des sourcils ; un rhume mettait du temps avant d’agir de la sorte. Je posais mes mains sur le draps et me tournais vers la mère pour demander la permission de le soulever.

- Puis-je ?

Elle hochait la tête et je soulevais la couverture avant de poser mes mains sur son ventre. Je sentais son estomac, ses intestins n’étaient pas vide ce qui signifiait qu’il n’avait pas eu de diarrhée. L’explication de Drystan me semblait de plus en plus plausible. Je le regardais et remettait le drap en place. Considérant la situation grave, je lui demandais :

- Savez-vous où sont ses médicaments ?


Il hochait la tête et, sous le regard de la mère, il se dirigeait vers le bureau où il ouvrit un tiroir, puis un autre, et me laissait regarder parmi les fioles. Belle cachette. Si Drystan ne la connaissait pas, il m’aurait été impossible d’imaginer le nombre de plantes que consommait le maître de maison. Valériane, houblon, mélisse, passiflore, eschscholzia… De quoi faire tourner la tête à un cheval ! S’il en prenait depuis des mois… J’étais impressionnée que son corps ait tenu si longtemps.
J’allais vers le lit pour prendre mon sac, indiquant au passage à une servante d’aller me chercher de l’eau chaude pour une tisane ainsi qu’un coquillage pour faire brûler de l’encens, et sortais du chardon-marie. Le liquide obtenu après une décoction de cette plante agissait merveilleusement bien pour chasser le poison. Lorsque la servante revint, je mettais une vingtaine de gouttes ; j’ajoutais ensuite de la poudre de muscade, suffisamment pour qu’il fasse effet, mais assez peu pour ne pas en gâcher, au vue de sa rareté. J’épluchais ma pomme pour mettre la peau dans la tasse. Je laissais infuser un instant et sortis des feuilles de sauge pour les faire brûler sur le coquillage que m’avait rapporté la servante. Je me permettais d’ouvrir la fenêtre pour ne pas nous asphyxier. Après avoir terminé mes actions, je pris la parole pour les expliquer.

- Une infusion de chardon-marie aidera à retirer le mal qu’il s’est infligé. La muscade détoxifie et stimule le sang ; la pomme aidera a faire baisser la fièvre et à le stimuler pour qu’il se réveille. La sauge aide à purifier l’air et permettra au comte de reprendre ses esprits calmement, expliquais-je.

Je retournais vers le maître pour lui faire prendre son infusion. J’approchais la tasse de mes lèvres pour en vérifier la chaleur et, considérant qu’il ne risquait pas de se brûler, demandais à quelqu’un de m’aider à lui faire avaler le breuvage. Une fois fait, il ne restait plus qu’à attendre…
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MessageSujet: Re: Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna   Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna EmptyMar 9 Fév 2021 - 22:16
Si Drystan avait jusque là veillé à taire et dissimuler le secret de son aîné, la demande de la prêtresse ne lui avait laissé d'autre choix que celui de contrevenir à sa promesse. Ainsi, sous le regard tout à la fois inquisiteur et interdit d'Éloïse, il avait dévoilé l'habile cachette imaginée par un ébéniste. Celle-la même qui devait - en principe - tenir correspondances et autres documents délicats à l'abri d'yeux indiscrets. La douairière bien sûr, ne savait rien des addictions du nouveau Comte de Rivefière. Elle les ignorait ou, plus probablement, jouait sciemment le jeu de cette méconnaissance qu'elle affichait jusque dans sa posture courroucée. Son silence réprobateur n'en demeurait pas moins pesant. Il était le témoin de sa colère, mais également celui de son inquiétude. Éloïse était de noble naissance et sa condition ne lui permettait pas de clairement dire ses pensées, mais elle était aussi une mère que les dieux avaient très cruellement éprouvée.

« Nous reparlerons de tout cela plus tard. » Souffla t-elle à l'attention de son plus jeune fils.

L'adolescent baissa les yeux, avant d'acquiescer d'un air coupable. À l'évidence, le très jeune homme n'avait pas imaginé se trouver un jour dans pareille situation. Pour autant et c'était une évidence pour qui connaissait Jacob, personne n'avait jamais été en mesure de tempérer ses excès. Alors et même si Drystan avait jugé utile de donner l'alarme en informant la douairière, cette dernière n'aurait rien pu empêcher des assuétudes de son aîné. Néanmoins, de son point de vue, Drystan ne s'en sentait pas moins concerné et à l'appel de la prêtresse, il se pressa de la rejoindre pour lui prêter main forte. Il avait écouté ses explications et suivi ses gestes d'un regard attentif, avant de grimper sur la couche du "souffrant" pour aider à ses soins.

Tout en veillant à son confort, il fit glisser son bras sous les épaules du Comte et l'amena à se redresser, afin de permettre à Elerinna de lui faire boire son breuvage. Une manoeuvre qui en vint à lui serrer le coeur. C'était sans doute la première fois qu'il voyait son frère ainsi diminué. Bien sûr, Jacob avait été plusieurs fois blessé. Ses entraînements successifs et répétés, tout comme les duels qu'il avait livrés lors de tournoi et même en-dehors de toutes règles, avaient marqué son corps de quelques estafilades. Cependant et même lorsque la griffe d'un fangeux avait lacéré partie de son visage, Jacob ne s'était jamais retrouvé dans un tel état. L'épéiste avait perdu de sa superbe. Sa verve, son panache et l'habituel flamboyant de ses bravades s'étaient mués en murmures. Ses gestes s'empesaient des affres imputables à quelques délires fiévreux, quand ses paupières battantes voulaient chasser les visions venues l'accabler. Le fringuant et très noble héritier n'était plus que l'ombre de lui-même et son plus jeune frère ne put retenir plus longuement ses larmes.

D'un claquement de langue agacé, la douairière le rappela à l'ordre. Un Rivefière ne se laissait pas aller à pareille démonstration de faiblesse devant des inconnus. Il ne le faisait pas même devant les siens.

« Sortez, si vous ne vous sentez pas capable de conserver votre sang froid. Profitez-en pour emporter avec vous ce que vous avez oublié de vos affaires. »

Du menton, elle pointa en direction de la petite cantine contenant les fioles et autres herbes médicinales. Il était hors de question de laisser cette chose à la portée d'un regard malveillant ou seulement curieux. Moins il y aurait de monde au courant, mieux l'affaire se trouverait étouffée. Ne restait plus qu'à souhaiter que la prêtresse venue avec Drystan sache tenir sa langue.

Son regard en revint à la jeune femme et pour la première fois depuis son arrivée, elle prit le temps de l'observer. Elle nota l'habitude dans ses gestes, le sérieux de son ton et la pudeur dans ce qu'elle partageait de ses connaissances. Certains prêtres aimaient avant tout à étaler leur science. Ils discouraient sur leurs compétences et leur savoir-faire pour impressionner et omettaient pour cela de rassurer les fidèles croyants. Aussi et sans chercher à la diriger, ni même à intervenir, Éloïse prit le parti de la laisser oeuvrer.

Sur une nouvelle injonction silencieuse, elle invita Drystan à quitter la pièce, tandis qu'elle-même s'installait dans l'un des fauteuils capitonnés décorant la chambre. La nuit allait être longue, mais très certainement déterminante. Si elle avait toujours eu conscience de ce que Jacob pouvait éprouver de remords et de culpabilité, elle n'aurait jamais cru qu'il puisse se perdre dans l'électuaire et ses poisons. Cette pensée ne manquerait pas de le garder éveiller durant les prochains jours, voire même durant les prochains semaines. Était-elle fautive ? Responsable au moins de n'avoir rien remarqué ? Elle connaissait la réputation de son fils. L'Esplanade entière la connaissait et Marbrume savait probablement déjà tout de ses débordements, et de ses vices. Mais tout de même... Ça ?

L'air frais de la nuit s'engouffra par la fenêtre ouverte pour lui arracher un frisson. L'hiver était installé et il s'annonçait plus rude que les années précédentes. La domestique qui avait veillé à fournir ce que la prêtresse souhaitait obtenir pour procéder, ne tarda pas à réagir. Rajoutant une lourde bûche de bois dans l'âtre, elle s'empressa également de trouver quelques couvertures pour la Comtesse douairière et la soigneuse restée jusqu'alors auprès du Maître de Maison. Elle s'occupa également de préparer une petite collation, afin d'aider à leur confort pendant les heures à venir et offrit à Éloïse de lui porter son ouvrage à broder.

Le temps s'égrena ainsi, entre les murmures insensés ou seulement inaudibles du Comte et le bruit ténu de l'aiguille habilement piquée dans le tissu précieux que tenait sa mère. Puis, petit à petit, le silence s'installa. La fatigue, aidée des effluves apaisantes de la sauge brûlée, en vint à envahir Éloïse. Quant à son fils, toujours en proie à quelques songes incohérents, les dieux admirent qu'il puisse en partager le discordant à l'aune d'un réveil imminent. Il fallut cependant attendre les premières lueurs du jour pour qu'il reprenne doucement conscience.

Papillonnant des yeux et tendant le bras devant lui, il tenta d'attraper l'illusion qui voulait le ramener à la réalité.

« Al... » Une invocation, ou un simple prénom, qui se mua en un soupir alors qu'il retrouvait quelque peu ses esprits.

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MessageSujet: Re: Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna   Fleur de l'illusion, fruit de la réalité... - Elerinna EmptySam 13 Fév 2021 - 23:26
Je remarquais le comportement perturbé de Drystan avant qu’il ne se mette à pleurer. Lorsque la douairière le vit à son tour, elle en fut mécontente et congédia sans plus attendre son fils, demandant d’emporter avec lui ses « affaires ». Le jeune homme s’en allait, me laissant au chevet du comte avec la mère des garçons et une servante. Puisqu’attendre était la seule chose à faire, j’observais discrètement la pièce dans laquelle je me trouvais pour trouver un endroit où m’asseoir. Je me voyais mal m’accaparer le lit où se reposait le comte. Je trouvais un siège au niveau du bureau et laissais le siège le plus proche du lit à la mère. Je sortis mon carnet, je l’emportais toujours avec moi, et me mis à lire les pages que je connaissais, pour la plupart, par cœur. En relisant ces notes, je m’obligeais à me souvenir de trouver un bon remède pour les addictions du comte. Le chardon-marie était la plante la plus efficace que je connaissais pour détoxiquer un corps corrompu ; toutefois, cela ne réglerait qu’une partie du problème. Si le comte ne concevait pas l’idée de soigner son esprit, ou, au minimum, d’arrêter de s’empoisonner le corps comme il le faisait, la meilleure des plantes resterait inefficace.

La servante me proposa une couverture que j’acceptais avec joie : la fraîcheur de la nuit s’infiltrait rapidement dans la pièce, plus vite que le feu ne parvenait à la réchauffer. Des collations avaient été apportées, en même temps qu’une broderie pour que la douairière puisse s’occuper les mains. Son esprit devait être agité après les événements du soir et c’était tout à fait normal. Je savais qu’elle avait beaucoup perdu depuis l’arrivée de la fange. Je ne pouvais imaginer ce qu’elle avait ressenti. Puisqu’elle ne parlait pas, je ne souhaitais pas la brusquer à lancer une conversation. Parfois, le meilleur remède peut être du temps et de la réflexion. Le pli au niveau de ses sourcils m’indiquait qu’elle songeait aux nouvelles qu’elle venait d’apprendre. De tous les vices, la drogue était l’un des plus grands. C’était un fardeau pour l’humanité, déjà bien avant l’apparition de la fange. Elle était un remède rapide et qui pouvait sembler efficace, mais uniquement sur une très courte durée. Les effets secondaires étaient d’ailleurs souvent dévastateurs. Et même si le comte ne consommait pas de l’opium comme cela pouvait être le cas pour certains auparavant, la quantité et le mélange des fioles et plantes pouvaient en offrir les mêmes effets. La mère de famille avait raison de s’en faire pour son fils.

Le silence était ponctué par les points que la douairière faisait dans le tissu, les murmures incompréhensibles du comte, les pages que je tournais et le crépitement du feu dans l’antre de la cheminée. Lorsque la sauge allait cesser de brûler, je me relevais pour fermer la fenêtre. La lune était encore haute dans le ciel, signifiant que la nuit serait encore longue. Avant de retourner m’asseoir, je faisais un détour vers le lit pour vérifier l’état du comte. Je prenais son pouls et vérifiais que la fièvre baissait. Constatant que ce n’était pas encore le cas, je pris une serviette posée sur le côté et la trempais dans le bol d’eau posé sur la table de chevet. L’eau n’était pas glacée mais suffisamment froide. Je l’essorais et tamponnais le front du jeune homme, puis le reste du visage et terminais par les épaules et la nuque. Je retournais ensuite à ma place et repris ma lecture. Au bout d’un certain temps, mes yeux avaient du mal à rester ouvert, cependant, je ne cédais pas, ou peu. J’évitais au maximum de fermer les yeux trop longtemps au risque de m’endormir sans même m’en rendre compte.

Je me réveillais sans savoir où j’étais et pourquoi j’avais si mal au dos et aux fesses. Mon habitude à me lever aux aurores n’était pas perturbée par la longue nuit que j’avais passé à veiller sur le comte. J’avais fini par m’endormir et ce simple fait aurait pu me faire rougir d’embarras si je n’avais pas vu le bras du comte spasmer sur le lit. Je me relevais, déposant mon livre et la couverture sur la chaise, pour m’avancer vers lui. Lorsqu’il leva son bras, je m’avançais et lui prit la main inconsciemment avant de me mettre à sa hauteur ; il avait les yeux ouverts !

- Al… dit-il.

Je fronçais les sourcils. Visiblement, les hallucinations n’étaient pas parties. Je touchais son front de ma main disponible et fut soulagée de constater que la fièvre avait presque disparu. Je relevais la tête et vis la matriarche se redresser à son tour, ses yeux ne quittant pas son fils alité. Ma concentration retournait vers ce dernier, je lui pressais la main et pris la parole :

- Sir, comment vous sentez-vous ?

Il me regardait visiblement sans comprendre qui j’étais ou ce que je faisais là, ses esprits devaient encore être embrumés. Je redéposais sa main sur le lit et j’expliquais alors :

- Je m’appelle Elerinna, je suis une prêtresse du temple. Vous vous êtes évanoui hier soir, vous vous en souvenez ?


Partir de ce qu’il peut savoir pour aller vers ce qu’il ne sait pas ; le fait que sa mère et moi-même soyons au courant de ses consommations. J’avais légèrement peur de la réaction de la mère qui pouvait autant se montrer chaleureuse que glacial. En prévenance pour son fils, j’osais alors dire :

- Madame, si vous vouliez bien me laisser un instant avec votre fils pour que je puisse l’ausculter.


Je gardais le menton haut pour montrer ma détermination, mais sans toutefois paraître hautaine. Le comte était réveillé, et il avait droit à son intimité pendant que je parlais avec lui des derniers événements. Je pouvais voir l’indignation sur le visage de la noble, cependant, elle céda. Après ces étranges retrouvailles avec son cadet, elle quitta la chambre avec sa servante.

- Pardonnez ma hardiesse, je me suis permis de congédier votre mère sans même vous consulter. J’imaginais que vous voudriez reprendre vos esprits tranquillement. Non pas que votre mère vous aurait dérangé ! Simplement qu’être autant entouré de bon matin peut être gênant… Je suppose.

Je terminais en murmurant plus qu’autre chose. Le manque de sommeil devait m’empêcher de réfléchir clairement !
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