[Libre] En quête de savoir

En quête de savoir...

Il y avait bien une chose qui allait manquer à la Corneille, si un jour ses aspirations l'amenait à être définitivement banni du dernier bastion de l’humanité : sa bibliothèque.

Bien des nuits l’avaient obnubilé à lire, fouiller, classer et interpréter les innombrables livres, codex, traités et documents voir simples parchemins. Tout était profitable à l’esprit affûté de Rohélias.

La nuit commençait à tomber et les frères étaient occupés à allumer l’ensemble des torches et différends braseros du Temple. Le prêtre Markonnen quant à lui, bien installé derrière un bureau devant une pile de vieux grimoires et parchemins était absorbé par ses lectures, à la lumière de sa lampe à huile. Les flammes qui dansaient dans la petite lanterne agrandissaient et rétrécissaient ses traits cadavérique. Ce qui donnait un spectacle assez inquiétant pour quiconque le dérangeait en cet instant.

Il y avait, à n’en pas douter selon lui, toujours des réponses ici. Les origines du culte de la Trinité, de la Fange, sur quoi était réellement bâti Marbrume, etc. Son Ordre, il le savait, déployer de lourd moyen pour étouffer bon nombre d’hérésie, dont le culte du quatrième Dieu, Etiol. Enraciné dans cette doctrine qui représente la clé de voûte de tout Marbrume, personne ici n’était prêt à remettre en question l’ensemble des croyances et savoir du monde connu, sauf Rohélias. Prêt à tout pour arpenter le chemin de la vérité. Il avait lui-même prévu et prédit l’arrivé de la Fange à travers ses enquêtes, investigations et son sens du détail, mais comme toujours, les hommes ont préférés le réduire au silence, l’accuser de propos blasphématoire et le précipiter dans les cachots.
Les dirigeants de Marbrume ne sont pas prêt pour la vérité. Depuis, la Corneille ravale sa rancœur entre ses griffes et attend patiemment le jour où Etiol lui permettra de prendre son envol.

Pour l’heure, le voilà cantonner à cultiver sa curiosité, espérant trouver de quoi manger pour son intellect.
Les parchemins se succédaient, écrits dans des dialectes qui n’avaient plus cours aujourd’hui, où à connotation différentes. De vieux plans des égouts de Marbrume avant qu’il ne deviennent les égouts de la ville, des vieux apostats sur l’ensemble des rites de la Trinité, des fables très habiles qui critiquent la noblesse,...

“ Remplacer le roi par un lion et le peuple par des souris et tout devient possible…”

Les heures défilaient et la nuit était déjà entamé quand il prit la peine de lever le nez de ses lectures pour perdre son regard dans les étagères de la bibliothèques du Temple.

S’il y a bien un endroit dans Marbrume dans lequel je n’aurais pensé mettre les pieds, c’est la bibliothèque du Temple. Cet endroit est tout simplement lugubre, mais je n’ai guère d’autre choix. J’ai demandé à de nombreux érudits et l’on me donne partout la même réponse, c’est un sujet tabou, adressez-vous à un prêtre.

C’est pourquoi je suis aujourd’hui dans ses murs, ayant laissé comme le veut la loi, mon épée à l’entrée, à l’un des novices. J’ai fait une aumône aux immenses statues des Trois et l’on m’a ensuite indiqué la salle que je cherchais.

Arrivé sur place, je remarque qu’il n’y a pas grand monde, mais après quelques recherches, je remarque un homme en train de lire des parchemins. C’est ma chance et je vais à sa rencontre, baissant simplement la tête pour le saluer avant de lui indiquer :

Je suis le chevalier Desmond de Rochemont.

Je ne lui indique pas que je suis au service du comte de Rougelac, car ma tenue noire, brodée d’argent, porte les armes de sa famille en plus des miennes et je continue :

Je suis désolé de vous déranger, auriez-vous un moment à m’accorder ?

Peu importe sa réponse, je m’assieds à sa table et demande à voix basse pour ne pas être entendu :

J’ai besoin de renseignements, concernant un sujet disons… particulier.

Ne voulant pas tourner autour du pot trop longtemps, je poursuis mes explications :

J’ai rencontré à de nombreuses reprises des Fangeux et les Dieux m’ont à chaque fois permis de me cacher ou de m’enfuir, mais un jour ou l’autre, je risque d’être bloqué et devoir combattre.

Je le fixe maintenant droit dans les yeux et lui demande :

Connaissez-vous les points faibles de ses créatures ? Je sais déjà que leur couper la tête suffit à les faire tuer, mais est-ce qu’ils ont un autre talon d’Achille que je pourrais exploiter ?

C’est mon unique espoir de triompher d’eux, je me déplace souvent seul et je n’ai pas à ma disposition une dizaine de miliciens armés de piques et d’arbalètes pour m’aider à combattre. Parfois je me dis que la vie est mal faite, j’aurais préféré être bon au tir pour pouvoir dégommer les goules à distances car une seule morsure ou griffure et je serais condamné, aussi bien par les hommes que par les Trois.

C’est pourquoi j’attends avec impatience la réponse de mon interlocuteur, espérant qu’elle sera positive.

En quête de savoir...

Thème musique

“Je suis le chevalier Desmond de Rochemont.”

Le prêtre filiforme ne percuta pas de suite que quelqu’un était rentré dans la bibliothèque et qu’il procédait à ses présentations. Il extirpa son attention du paragraphe intitulé "Principes alchimiques de la chair” pour se frotter les yeux, se connecter à la réalité et regardait le nouveau venu.

Il dû se frotter à nouveau les yeux et cligna des yeux plusieurs fois devant cette montagne de chair et de muscle. Rohélias n’avait jamais vu de sa vie un homme aussi grand et épais. La palette génétique humaine est vraiment surprenante.

“Rohélias Markonnen” répondit-il, de sa voix froide et placide.

Il prit le temps d’observer plus en détail son interlocuteur, comme à son habitude.

Des vêtements sobre et sombre où une tête de guerrier était perchée sur cette masse de magma de sang et de muscle. Pas du tout effrayé par son imposante carrure, la Corneille était plutôt intriguée par le caractère physique singulier de l’homme d’arme. Mille et une idées d’expériences sur ce corps robuste lui vint en tête, mais l’homme enchaîna.

“Je suis désolé de vous déranger, auriez-vous un moment à m’accorder ?”

De prime abord, le prêtre squelettique s’attendait à ce que l’homme lui demande les toilettes où tout autre endroit ne faisant pas référence à la matière grise. La nature de force brute de cet homme dans un endroit pareil laisserait penser à une mauvaise blague et pourtant la Corneille, à demi amusé laissa échapper :

“Ma foi, pourquoi pas”

La masse s’assit dans un grincement de bois de la chaise des plus bruyants. Il passa devant la lanterne du prêtre et plongea durant un court instant Rohélias dans les ténèbres. La flamme dans sa lampe vacilla quelque peu dans sa lampe à huile. Rohélias s'affairait à ranimer la flamme.

“J’ai besoin de renseignements, concernant un sujet disons… particulier.”

“Aaaaaah !” laissa t’il échapper, en ranimant la flamme qui balança des ombres angoissantes dans les orbites de ses yeux gris.

L’ombre projeté derrière la maigre silhouette de la Corneille semblait grossièrement déformé sur le mur de pierre.

“Vous êtes chanceux. Je ne fais que dans le particulier.” répondit- il en décrochant son buste de son bureau pour faire face à Desmond.

Il joignit ses deux mains et fit danser ses serres qui lui servaient de doigts les uns sur les autres avant de rajouter :
“Je vous écoute.”

“J’ai rencontré à de nombreuses reprises des Fangeux et les Dieux m’ont à chaque fois permis de me cacher ou de m’enfuir, mais un jour ou l’autre, je risque d’être bloqué et devoir combattre.”

“Tiens, un guerrier avec une conscience. C’est rare dans cette ville pourrie” pensa Rohélias.

La Force Brute fixa dans les yeux Rohélias qui ne sourcilla pas d’un iota, et soutint son regard, figé telle une gargouille.

“ Connaissez-vous les points faibles de ses créatures ? Je sais déjà que leur couper la tête suffit à les faire tuer, mais est-ce qu’ils ont un autre talon d’Achille que je pourrais exploiter ?”

Il eut pour réaction, de réajuster sa tunique, se débarrassa de quelques plis et passa le plat de sa main sur ses manches pour en chasser quelques poussières imaginaires. Étant assuré qu’il était impeccable sur lui, il prit une profonde inspiration :

“C’est une question difficile. Personne ne pourra répondre, preuve à l’appui, à cette question. Je n’ai, hélas, que des théories à sous soumettres.”

La faute évidemment à l’obscurantisme de cette époque. Rohélias avait pour projet d’étudier les morts dans une vraie démarche de thanatopracteur, mais son Ordre ne l’entendait pas comme ça. Il a dû stopper ses recherches avant d’être sévèrement sanctionné. Déjà qu’il a fini dans les geôles pour avoir prédit en avance l'avènement de la Fange…

“Cependant, j’ai bien quelques idées, mais qui n’ont jamais passé le stade de la théorie” dit-il en se levant de sa chaise.

Il fit quelques pas, les bras dans le dos et tourna autour du tronc d’arbre.

“La lumière, sans qu’elle leur soit fatale, semble être une gêne sérieuse pour eux. Ainsi, l’idée de polir et d’induire votre lame d’huile et de vinaigre me semble une solution pour les éblouir, si le soleil est de votre côté . Votre fuite sera plus envisageable”

“Si toutefois le combat est inévitable, il semblerait que le sel leur soit nocif. De tous les témoignages que j’ai pu recueillir de la bouche des blessés dans ce Temple, aucun n’a vu un Fangeux s’approcher du domaine d’Anür, la mer. Or, ce qui caractérise la mer est bien son taux de salinité. C’est bien cette propriété qui l’a différencie des marécages, lieux de résidence des Fangeux”

Il marqua une pause.

“J’ai bien conscience que pour un homme confronté au danger comme vous, ces informations font pâles figures. Ceci dit, si la lumière ou le sel s'avère efficace contre eux,je serais ravi de le savoir”.

Le prêtre me répond en m’indiquant son nom et je n’arrive pas à déterminer s’il est mécontent de ma visite. À vrai dire, on pourrait penser que je lui suis complètement indifférent et qu’il accepte tous les événements avec une grande distance. Mais le principal est qu’il m’accorde un peu de temps et il me soumet quelques théories que j’écoute avec grande attention.

Son idée de préparer mon arme pour qu’elle reflète les rayons du soleil est une bonne idée, sans oublier que cela m’a l’air plus facile à mettre en pratique que les saupoudrer de sel. Mais une question me vient à l’esprit :

Je vous remercie de toutes vos connaissances, mais j’ai une petite question, est-ce qu’une fois, on a essayé de lancer de l’eau salé sur une de ces créatures ?

Je suis, en effet, curieux du résultat. C’est possible que cela ne leur fasse rien, mais on ne sait jamais, si cela pouvait les faire fuir ou mieux, les tuer, ce serait une véritable bénédiction pour l’humanité. J’attends donc sa réponse, avant de lui indiquer :

Vos renseignements vont m’être très précieux, je ne sais pas si c’est faisable, mais si un jour je réussis à vaincre un fangeux, à l’extérieur de la ville bien entendu, est-ce que vous voulez que je vous indique où est le corps ?

J’ignore si le Temple fait des recherches, à ce sujet, car c’est très dangereux et mal vu, mais il doit forcément avoir des gens qui étudie les goules, après tout, c’est le principal ennemi de l’humanité.

Je vois que la bougie située sur le bureau est presque éteinte, et peu désireux de me retrouver dans le noir, je vais en chercher une autre que j’allume avec la flamme de l’ancienne. Je peux ainsi mieux discerner le visage de mon interlocuteur et le moins que je puisse dire, c’est qu’il a le teint très blafard, il ne doit pas sortir beaucoup. Il ne doit pas manger énormément non plus, car il est fin comme une planche et je me demande vraiment quels peuvent bien être ses loisirs.

À moins qu’il ne sorte jamais d’ici, comme un véritable rat de bibliothèque, tout le contraire de moi.

En quête de savoir...

Thème musique

Même assis, l'homme était presque aussi grand que la Corneille de ses 1m80,vraiment impressionné. Desmond plongeait dans l’ombre la maigre silhouette filiforme de Rohélias ainsi que l’à moitié de la pièce.

Le prêtre fit quelques pas en direction de la fenêtre de la bibliothèque et admira la lune, dos au guerrier. Celui-ci posa la question du seau d’eau salé.

“Pas à ma connaissance. Si mes spéculations sont avérées concernant leurs aversions au chlorure de sodium, je pense qu’une poignée de sel serait mille fois plus efficace que dilué dans un seau d’eau. Quoi que, peut être que l’osmose du sel… hum… “ dit il perdu dans ses réflexions.

Il divagua ses pensées sur la montagne assise derrière lui et se dit qu’il représentait la force qui faisait défaut à Rohélias. Son esprit acéré avait toujours pallier à sa maigre constitution, mais un allié tel que lui pourrait s'avérer précieux. Les vrais motivations de Rohélias était tenu secrète. Si son penchant pour Etiol devait s’ébruiter ou même ses méfaits au sein de Marbrume, il finirait au bout d’une corde où pire.

Peut-être pourra t’il prendre ce risque avec celui-ci ? Non, la Corneille se ravisa avant de trop en dire. Personne n’est digne de confiance en ce bas monde. Il répondit en levant étonnamment la voix, comme s’il voulait se faire entendre d’une présence invisible :

“La Trinité vous a doté de sérieux atouts pour combattre la Fange, cher Desmond. Je suivrai de très près vos faits d’armes avec le plus vif intérêt. Je prierai pour vous ! ”

Rohélias guetta autour de lui, vérifiant que les lieux étaient seulement habités par la Muraille et la Corneille. Il s’installa sur sa chaise et se rapprocha de la masse et chuchota d’un ton sérieux :

“ Agissez discrètement, Seigneur de Rochemont. La Thanatopraxie est sévèrement réprimandé par l’Ordre ce qui m’a valu de sérieux problèmes, jadis. Toutefois, si un Fangeux venait à trépasser de votre lame, je me ferais un plaisir de l’étudier.”

Il reprit immédiatement ses distances et changea d’attitude de tout en tout, révélant ainsi à Desmond, sa fabuleuse capacité à dissimuler ses vraies motivations.

“Il serait assez pertinent que j’oriente mes recherches en alchimie sur un métal supportant une haute teneur en sel. Le métal de votre lame s’oxyderait bien trop vite sur le procédé.”

Mon interlocuteur m’indique que personne n’a jamais tenté l’aventure et je dois dire que je suis curieux de faire cette expérience, mais j’ai parfois du mal à suivre l’homme de foi dans son raisonnement, car il utilise des termes bien compliqué. Mais l’important c’est qu’il va prier pour moi, et je suis sûr ainsi que les Trois auront un regard bienveillant pour moi, car ce genre de recommandation est encore plus efficace qu’un don pour le Temple.

La suite de notre conversation est plus nébuleuse encore, car il utilise un terme dont j’ai du mal à deviner le sens même si cela semble dangereux de le prononcer à voix haute, vu comment il a fait en sorte que personne ne nous entende. J’attends donc poliment qu’il finisse son discours et je lui sors un simple :

C’est pas faux.

C’est une vieille technique de famille que m’a donné mon père, qui lui-même le tenait de son père et celui depuis des générations et que je dirais à mon fils, quand j’en aurais un. Quand tu ne sais pas un terme et que tu ne veux pas passer pour un idiot, tu lâches cette phrase et ça passe crème. Évidemment, il ne faut pas faire trop souvent, sinon les gens se doutent de quelque chose, mais là, c’est pile le bon moment.

C’est donc grâce à cette astuce que je peux faire bonne figure vis-à-vis de mon interlocuteur et je lui réponds à voix basse :

Affaire conclue, je reviens vers vous dès que je trouve le cadavre d’un Fangeux.

Bien sûr, c’est dangereux, car normalement, il faut y mettre le feu, mais je suppose que si je le décapite, ce sera suffisant.

C’est donc gonflé à bloc que je sors du Temple et je file m’acheter une petite bouteille d’huile pour éblouir la prochaine goule que je rencontre, en la versant sur mon arme. Le mieux bien sûr est que je n’ai jamais à m’en servir, mais les Dieux sont capricieux et je peux être, un jour, mis littéralement au pied du mur, auquel je serais bien content d'avoir l'avantage sur mon ennemi.