Marbrume


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 Que la mer les emporte [Cesare]

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OmbelineProstituée
Ombeline



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MessageSujet: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptyDim 16 Mai 2021 - 17:38
Que la mer les emporte [Cesare] Entete26

Mi-janvier 1167

Le grand jour, enfin !
Il s'était écoulé à peine plus d'une semaine et pourtant Ombeline avait eu l'impression d'attendre pendant des mois. Son bagage était maigre, mais elle n'avait de toute façon pas grand-chose qui lui appartienne vraiment. Ses quelques vêtements étaient repliés bien serré dans un baluchon avec ses petites effigies en bois à l'image des Trois, son peigne et un minuscule flacon de parfum. Il n'y avait rien d'autre qu'elle puisse prendre, tout était à la Balsamine de toute façon.
Les nouvelles filles de l'établissement se moquaient bien de son départ, c'était une concurrente de moins pour les clients après tout, mais les anciennes qui la connaissaient depuis longtemps lui avait discrètement fait quelques cadeaux d'adieu. Madame Vesseur n'aurait pas apprécié si cela avait été fait au grand jour, mais elle devait se douter que la complicité et l'affection qui liait toutes ces femmes allait s'exprimer une dernière fois.

Fleur offrit à Ombeline une chemise et un surcot épais, ainsi qu'un tablier, en échange de l'une de ses robes un peu trop osées. Au Labret, il faudrait s'habiller comme une honnête femme et non comme une dévergondée. Clothide lui fit cadeau d'une toute nouvelle paire de chaussures, robustes et chaudes. Enfin, Manon lui donna deux magnifiques rubans rouges pour nouer ses cheveux ainsi qu'un épais collier de cuir pour Kornog.
Émue aux larmes par tant de générosité, la brunette avait serré ses trois amies dans ses bras en se maudissant d'avoir pensé qu'elles se moquaient de sort quelques temps plus tôt. Leur silence n'était pas le reflet de leur indifférence, mais d'une pudeur qui voulait qu'on ne fête pas le départ d'une catin. Puis elles avaient devisé ensemble un long moment avant de regagner leur chambre respective. Elles s'étaient dit adieu et bonne chance, elles s'étaient souhaité bonne fortune et Fleur avait même ordonné à sa cadette de leur faire parvenir un message de temps à autre, quel que soit le moyen.

La nuit avait été courte et lorsque le soleil avait commencé à pointer timidement ses rayons, Ombeline était déjà levée et prête à s'en aller. Toutes les autres dormaient encore, il était temps pour elle de franchir pour la dernière fois le seuil de la Balsamine.
Accompagnée de son chien qui, fidèle à lui-même, sentait que quelque chose était différent, la jeune femme s'assura que son baluchon était bien fermé et s'engagea dans les escaliers à pas de loup. Elle les connaissait si bien qu'elle savait sur quelle marche ne pas trop appuyer pour éviter de réveiller toute la maison. Puis elle traversa la salle principale encore noyée de ténèbres, évitant chaque table avec habileté jusqu'à rejoindre le comptoir derrière lequel elle se faufila. Puis la cuisine, tiède et tranquille, son petit royaume depuis qu'elle était enfant. Enfin la porte donnant sur l'arrière-cour.

Et tu penses filer où comme ça, gamine ?

La voix rapeuse de Dom la fit sursauter et elle se retourna d'un bloc, une main posée sur son cœur pour éviter qu'il ne bondisse hors de sa poitrine. Ce vieux roublard avait le pied si léger qu'elle n'avait pas remarqué sa présence ! En temps normal il dormait à cette heure matinale...

Je pensais avoir été plus discrète. Pardon si je t'ai réveillé.
Discrète comme une souris. Mais j'allais pas te laisser te carapater sans rien dire.

Le bonhomme approcha et lui prit la main pour y fourrer ce qui ressemblait à une petite bourse. Les yeux ronds, Ombeline prit le temps de palper pour s'assure qu'elle ne rêvait pas : il s'agissait bel et bien d'une bourse et elle n'était pas vide ! Alors qu'elle ouvrait la bouche pour protester, le vieux ronchon l'interrompit en maugréant :

C'est d'ma part et de celle de la Vesseur. Elle te fout à la porte mais c'est pas par plaisir, t'sais. Elle a juste toujours eu le cœur aux affaires plus qu'à aut'e chose, mais pour elle t'es presque sa p'iote. Et un peu la mienne aussi... Alors tu prends ça sans chouiner et tu te construis une vie, ok ?

Incapable de dire un mot, secouée par cette surprise inattendue et la réalisation qu'elle quittait effectivement ceux qui avaient été presque des figures parentales durant toutes ces années, la jeune femme se jeta au cou du cuisinier pour l'étreindre. Jamais ils n'avaient été très intimes malgré les années passées côte à côte, pourtant elle lui devait autant qu'à la patronne de l'établissement. Le sort ne lui avait pas été favorable, mais dans son malheur elle était tombée sur deux âmes plus bienveillantes que ce que pouvait laisser penser leur fonds de commerce.
L'embrassade fut brève mais forte, pour l'un comme pour l'autre. Ombeline glissa un "merci" à son mentor et protecteur, puis elle disparut par la petite porte avant que les larmes ne lui viennent. Alors qu'elle remontait la petite ruelle qui longeait la Balsamine, elle se jura de trouver un moyen de contacter cette famille étrange qu'elle laissait derrière elle et leur dire qu'elle se portait bien.

L'air vif et froid de l'hiver eut le temps de lui rougir le nez et les joues avant qu'elle n'arrive au port. L'activité commençait à se faire bruyante, on se mettait au travail pour quelques sorties en mer ou préparer l'arriver d'un bateau en provenance du Labret. La flotte de Marbrume n'était pas immense, mais le trafic était assez régulier malgré les attaques de pirate.
La jeune femme avait rendez-vous près de la capitainerie, un endroit fréquenté où miliciens et marins passaient en permanence. Tout ce qui entrait et sortait du port passait par ici et même en étant aveugle il était possible de la trouver. Cependant, Ombeline demanda son chemin a trois reprises pour s'assurer qu'elle ne se perdait pas. Elle craignait de manquer Cesare et le bateau qui les emporterait au large !

Kornog à ses côtés, son baluchon sous un bras et la canne offerte par Aaron dans l'autre main, la fleur de trottoir attendit sagement près du bâtiment officiel qu'une voix familière ne se fasse entendre.
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MessageSujet: Re: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptySam 22 Mai 2021 - 23:36
Du côté du prêtre, les adieux s’étaient déroulés avec moins de larmes et d’émotions, cédant la place à une attitude plus pesée et contrôlée reflétant la discipline dogmatique imposée par le Clergé à ses disciples. L’agent de la Trinité n’avait pas souhaité perturber les services quotidiens de ses collègues, aussi seule une poignée d’ecclésiastiques d’un certain rang ou prestige furent mobilisés pour souhaiter un bon départ à ce fidèle pratiquant de la Foi. Si le Grand Temple avait toujours besoin de cœurs ardents à la tâche et fougueux de piété, ils savaient que le voyage du frère Cesare était loin d’être un abandon de ses vœux religieux, bien au contraire. L’austère allait prêter main-forte à ses frères du Labret dont les rumeurs racontaient que les temples étaient en bien piteux état et que les représentants du Clergé se retrouvaient en manque cruel d’autorité et de contrôle par ces contrées où la ferveur religieuse vacillait comme une flamme en proie à un vent insidieux. Surement le renfort d’un prêtre responsable mobilisé par le Grand Temple même aurait de quoi raviver les espoirs des croyants qui se sentaient délaissés et abandonnés par la Trinité.

Des instructions furent communiquées, des conseils partagés, de petites accolades échangées et des prières chantées avec espoir. Le cellérier, son plus proche ami au Temple, lui confia quelques friandises pour le voyage avant de l’enlacer avec un amour fraternel. Volkmar, l’inquisiteur, l’avait attendu un peu plus loin sous l’arche du Grand Hall pour l’instruire une dernière fois sur les dangers de l’hérésie qui germaient surement dans les villages éloignés de l’influence du Clergé. Les jeunes disciples tendirent même une petite embuscade à la porte de l’édifice sacré, encerclant Cesare pour l’implorer de rester et lui prouver que, même s’il n’était pas le plus tendre et laxiste des mentors, il restait comme un père pour eux. Ému, l’homme de foi avait murmuré avec douceur ses consignes à ses protégés, leur promettant qu’un jour peut-être il reviendra voir le fruit de leurs efforts et de leur apprentissage. Certains bambins firent déjà le sermon de rejoindre l’ermite au Labret afin de renforcer les rangs ecclésiastiques jusqu’aux confins du Duché, arrachant un sourire de fierté devant tant d’optimisme. Il se rendait compte à ce moment précis que son départ n’était pas passé inaperçu et que bien des gens se souciaient de lui, revigorant ainsi sa résolution et sa volonté comme s’il venait de s’abreuver d’un puissant tonique.

Chaque pas creusant la distance avec le Grand Temple lui semblait lourd et difficile, ses pieds enlisés dans des sables mouvants invisibles mais bien oppressants. Une force indescriptible le retenait, entraves spirituelles qui l’attiraient tel un aimant vers le réconfort de la maison des Dieux. Après tout, il avait passé le plus clair de son existence là-bas, sous le regard bienveillant des Trois, à s’abreuver de l’ambiance sereine et apaisante du plus sacré des temples. En fixant une dernière fois les tours imposantes dressées telles des doigts tentant de toucher le ciel où résidaient les divins, il avait l’impression que ces dernières le jugeaient du regard avec reproche, devinant qu’elles perdaient un enfant qu’elles avaient vu grandir et prospérer en leur sein. C’était donc ça que ressentaient les anachorètes se retirant de la séculière sécurité pour s’adonner à la contemplation des miracles des Trois ? Aimer la Trinité requérait souvent des sacrifices car telle était la loi divine, alors laisser tomber son confort et sa maison pour affronter un destin obscur et incertain était une escarmouche qu’il devait mener aussi bien que ces braves miliciens mettant en retrait l’avancée de la malédiction fangeuse. Il était un stylite dont l’abri d’ermitage serait le Labret. L’idée éclaira ses traits d’un petit sourire qui raviva ses esprits, d’autant qu’il se rappela que son périple serait en bien bonne compagnie.

L’ascète s’était rapidement retrouvé au port, matinal comme à son habitude. Les marins commençaient à peine à gagner leurs navires, les yeux lourds et les jambes trébuchantes pour ceux qui avaient passé leurs nuits à s’arroser copieusement. Avant, il aurait éprouvé un mépris profond pour ces soulards impénitents, mais le temps (et Ombeline) avaient réussi à adoucir un peu le caractère intransigeant du prêtre responsable qui se contenta de secouer la tête d’un air affligé. Si le nombre de marins restait encore anecdotique, les patrouilles d’hommes d’armes ne manquaient aucunement, arpentant les ruelles boueuses du quartier portuaire avec vigilance et discipline. Le Roi avait en effet renforcé le contrôle de son domaine depuis que le « Chaudron » constituait une tumeur obscure dans le cœur même de la cité, menaçant à tout instant de régurgiter ses pensionnaires infernaux sur les citoyens vulnérables. La présence des fantassins offrait un réconfort sommaire au prêtre qui, malgré tout, restait fataliste quant à l’efficacité relative de ce petit contingent face, dans le pire des scénarios, d’un assaut frontal d’une meute de macchabés hurlants. Souffraient-ils du même cauchemar au Labret ? Cette pensée le hanta pour les heures qui suivirent où il attendit la venue de la belle-de-nuit en compagnie des matelots qui bombardèrent de questions le prêtre pour satisfaire leur curiosité ; ce n’était pas tous les jours qu’ils étaient accompagnés en mer par un clerc !

Le cœur du prêtre fit un bond lorsqu’il reconnut la femme et son inséparable chien, ce monstrueux canidé qui lui laissait toujours une sensation de danger permanent, comme si cette bête attendait qu’il baisse sa garde pour lui planter ses dents dans la croupe. Persiflant entre ses dents, il se maudit de ne pas avoir apporté une friandise pour amadouer l’animal, prit son courage à deux mains et se précipita à pas rapides vers la capitainerie avant d’aborder Ombeline d’une voix assez forte pour se mesurer au fracas des vagues qui léchaient les côtes avec fureur.

« Bien le bonjour, ma Dame. Le capitaine m’a chargé de vous escorter jusqu’à votre vaisseau, je crains fort qu’il n’ait eut le privilège de le faire car il a une importante affaire à conclure seul dans les latrines de la capitainerie. »

L’ecclésiastique se courba alors à la manière des nobles de l’esplanade pour exécuter une maladroite révérence. Heureusement que personne ne les épiaient à cette heure tandis que la plupart décuvaient bruyamment derrière les murs. Se redressant, il agita nerveusement la main quand son regard croisa celui de Kornog, ne pouvant réprimer un petit geste défensif à son égard.

« J’avais oublié que tu allais emmener ton molosse avec nous. Je te préviens tout de suite, je ne me tiens pas responsable de ses caprices à bord. Donc s’il lui vient à l’idée de se soulager n’importe où, je ne toucherais sous aucun prétexte à ses bêtises ! »
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OmbelineProstituée
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MessageSujet: Re: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptyMer 26 Mai 2021 - 18:12
Kornog eut un mouvement de tête alors qu’elle lui caressait une oreille, l’alertant que quelqu’un approchait. Le molosse eut le réflexe de se lever pour accueillir l’inconnu qui n’était autre que Cesare. La jeune femme se détendit instantanément en entendant sa voix et le chien fit de même, désormais plus amical envers le prêtre qui lui avait pourtant crié dessus lors de leur première rencontre. À croire que le charme bien enfoui de Cesare avait su conquérir femme et bête en dépit d’un début de relation pour le moins tendue.
L’animal vint renifler l’ascète avec curiosité dans un petit rituel de salutation qui lui était propre et lui fit même l’honneur de remuer la queue. Peut-être sentait-il qu’à présent ils cohabiteraient plus étroitement et qu’il souhaitait mettre l’humain dans de bonnes dispositions ?

Ombeline, elle, se laissa aller à un éclat de rire face à cette présentation aussi théâtrale qu’inhabituelle de la part de son compagnon de voyage. Il paraissait être de bonne humeur. Pourtant, quitter Marbrume n’était normalement pas une bonne nouvelle digne de se réjouir. La belle-de-nuit aurait cependant été bien en peine de le reprendre à ce sujet puisqu’elle arborait elle-même un large sourire.

Pauvre capitaine… Mais je passe l’éponge cette fois-ci puisqu’il envoie un charmant accompagnateur, répliqua-t-elle avec un air taquin.

Le retour du ton ronchon du prêtre ne suffit pas à assombrir son humeur et elle se contenta de croiser les bras en haussant un sourcil.

Si j’ai besoin de Kornog pour aller au marché, tu imagines bien qu’il m’est indispensable pour aller au Labret. Il est très bien élevé, figure-toi : lorsqu’il aura besoin de faire quelque part, il me préviendra avant de souiller le pont. Pas d’inquiétude.

Que ce soit par hasard ou parce qu’il avait une conscience aigüe de ce qui se jouait autour de lui, le chien choisit cet instant pour s’éloigner un peu à la recherche d’un endroit où lever la patte. Montrant le bon exemple, il choisit un coin de mur près d’une ruelle à l’écart de la voie principale.

Je n’ai jamais été si loin de la ville, avoua Ombeline en haussant les épaules. Tout sera nouveau : les sons, les odeurs, même la terre sous mes pieds. Sans Kornog je ne m’en sortirai jamais. Et même sans cela, j’aime trop mon chien pour songer ne serait-ce qu’un instant à l’abandonner. Qui me tiendra compagnie lorsque tu seras trop occupé par tes devoirs pour être avec moi ?

Le ton était celui de la plaisanterie, mais elle était pourtant assez sérieuse. Une fois arrivée, il n’y aurait personne pour la prendre par la main en dehors de Cesare et il y avait fort à parier qu’il ne serait pas toujours là. Elle n’aimait pas se reposer sur d’autres personnes, néanmoins son handicap l’obligeait à une certaine dépendance vis-à-vis des autres. Kornog remplissait ce rôle à la perfection.
Changeant son baluchon de main, elle approcha de l’ascète en tendant une main pour saisir la sienne et qu’il prenne le relai pour la guider. Les docks étaient un endroit dangereux pour elle à cette heure encore matinale car il n’y avait pas assez de lumière pour qu’elle puisse distinguer le bois sous ses pieds de l’eau sombre en-dessus.

On peut déjà monter à bord, n’est-ce pas ? Je ne veux pas me retrouver en plein milieu du passage quand il sera temps d’embarquer des marchandises. Et puis je n’ai plus mis les pieds sur un bateau depuis l’enfance, je me demande si la sensation est la même maintenant que je n’y vois plus.

Le grand chien noir revint près d’eux et eut un aboiement enthousiaste. Il n’avait sans doute aucune idée de ce qu’il se passait, mais mettre les pattes sur un bateau ne lui faisait visiblement pas peur du tout.
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CesarePrêtre responsable
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MessageSujet: Re: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptyMar 8 Juin 2021 - 17:02
C’est que la bestiole savait arborer des airs d’innocence, pensa l’ecclésiastique lorsque le molosse au pelage nocturne vint accueillir sa présence avec une docilité qu’il avait encore du mal à lui attribuer, le souvenir de leur première rencontre le hantant encore quelque peu avec ses visions de bête de contes noirs sortie des ombres devant sa chambre, les yeux sanguins et les babines retroussées révélant une rangée de crocs aiguisés comme les lames d’un rasoir … Bon, il est vrai que son imagination avait tendance à exagérer certaines rencontres infortunées, mais un esprit ayant grandit dans la superstition et la spiritualité ne pouvait échapper aux entraves de sa théologie bouleversée de mythes.

Sifflant par le nez, il agita le bout des doigts de sa main droite devant le museau du quadrupède canin, l’incitant à aller renifler ailleurs que sa toge cléricale si soigneusement entretenue. Il fallait dire qu’il avait prit une extra précaution à ce que ses habits soient d’une propreté impeccable, le souvenir du dégoût d’Ombeline le jour il s’était vêtit des haillons sacrés du saint gardien des maladreries était toujours vif dans son esprit. Il aurait été regrettable que son amie soit chiffonnée par un accès de zèle de son compagnon durant leur périple, quand-bien même avec Cesare il s’agissait souvent d’un compte-à-rebours avant qu’il ne vous surprenne avec une autre preuve invraisemblablement extrême de sa foi indéfectible envers le panthéon des Trois.

Peu convaincu des paroles d’Ombeline défendant son animal de compagnie, il haussa un sourcil de scepticisme, s’apprêtant à rétorquer en agitant l’index avec les airs d’un éducateur sûr de son expertise, mais il ravala ses paroles quand le coquin berger décida d’honorer sa maîtresse en allant faire une démonstration en temps réel à la vue du prêtre qui plissa ses yeux accusateurs avec un mélange d’émotions difficilement déchiffrables. Les chiens pouvaient-ils se montrer plus disciplinés que les loubards qui formaient les rangs les plus hétéroclites de la Milice ?

« C’est toi qui l’as dressé ? Je connais des êtres humains avec moins de retenue que ton bonhomme, c’est à se demander s’il ne comprend pas ce qu’on dit là tout de suite. »

Haussant des épaules, il posa une main sur chacun de ses flancs, écoutant la suite des paroles de sa partenaire de voyage. La réponse de l’austère pratiquant ne manqua pas de fuser, plus instinctive que dûment réfléchie et pesée, comme à l’accoutumé avec l’inflexible démagogue.

« Quelle question, les Dieux bien sûr ! Quand j’étais solitaire, il me suffisait de m’envelopper dans l’étreinte réconfortante de ma foi en invoquant nos Divins Protecteurs. Ah, Ombeline, il va vraiment falloir que je cloue dans ta petite tête les bonnes pratiques que tout fidèle de la Trinité se doit d’adopter. »

Claquant de la langue contre son palais, il se permit néanmoins un petit sourire pour démontrer qu’il n’allait pas jusqu’à insulter son fidèle Kornog et le rôle qu’il a sans doute remplit avec ferveur ces dernières années aux côtés de sa maîtresse, infatigable gardien aux aguets. Cesare s’empara avec délicatesse de la main tendue de l’ancienne fleur de trottoir pour la guider vers leur destrier des mers. Oui, ancienne … la qualifier d’ex-fille de joie avait une étrange sonorité derrière ses lèvres scellées. Voilà bien longtemps qu’il avait tenté de l’arracher du taudis immonde et abjecte qu’était l’établissement luxueux et somptueux de la Balsamine, s’évertuant à lui décrire d’abord le châtiment qui l’attendait à son trépas, son rôle néfaste dans la société, la honte que sa profession représentait pour le Clergé, puis par des approches plus empathiques à mesure qu’il s’était lié d’affection avec la belle. Le triomphe de la Trinité, la rédemption d’Ombeline, la satisfaction secrète du prêtre, autant de choses qui se culbutaient et se bousculaient dans sa tête sans qu’il puisse exprimer le vrai sentiment qui naissait de cet amalgame d’idées. Une chose était sûre, il était profondément certain qu’à ses côtés, elle ne souffrirait plus de cette détestable condition.

Cherchant à éviter que ses pensées ne le traînent vers le péché d’orgueil, il vagabonda son regard sur les quais qui commençaient déjà à s’animer de vie à mesure que pêcheurs et marins se levaient de bonne heure pour gagner leur bouchée de pain. Bientôt, le port grouillerait d’activité comme une ruche bourdonnante. Puis il se rendit compte que sa partenaire avait exprimé ses pensées par rapport à leur départ et le voyage maritime qui les attendaient, attendant surement un mot de réconfort comme tout agent du Clergé se devait d’offrir aux protégés de la Trinité. Clignant des yeux pour reprendre pied sur terre, il serra instinctivement la main de la jeune brune, trahissant son énervement quant à cette expérience inédite pour lui.

« Je n’ai jamais mis les pieds sur un navire et on raconte que le domaine d’Anür est très capricieux. Je sais que ce ne sont que des légendes ridicules, mais par le passé quand je vivais encore au milieu des champs, on nous racontait que les spectres des naufragés écument parfois les océans quand le ciel est noir et le vent furieux. C’est grotesque, pourtant je n’arrive pas à chasser cette appréhension quand je vois les vagues furieusement lécher les côtes de la ville. »

L’image de mains décharnées s’agrippant au bastingage, de visages couverts de corail aux orbites creuses, des lamentations vous serrant le cœur et vous glaçant le sang étaient autant d’insidieuses pensées qui empoissonnaient son naturel bien belliqueux. Pouvait-on lui blâmer sa morbide angoisse, lui qui ces derniers mois à survécu à une défense suicidaire contre la fange, s’est aventuré dans une chasse aux sorcières et a été capturé par les bannis impies dans les marais ?

Ce fut l’aboiement enjoué de Kornog qui chassa ses noires appréhensions, lui arrachant malgré-lui un petit sursaut amusé. Ils arrivaient justement vers le navire marchand, reconnaissable à l’architecture de sa coque adaptée au transport de marchandises pesantes. Des mousses aux manches retroussés roulaient déjà les premiers tonnelets d’eau potable pour approvisionner le vaisseau, sifflotant à l’unisson un air que l’homme de foi n’avait jamais entendu. Peut-être qu’Ombeline, habituée à la compagnie de bien des castes sociales, avait déjà entendu ce refrain étrange mais tellement entraînant qu’il donnait envie à l’ascète de taper du pied.

« C’était comment, ta première fois à bord ? »

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OmbelineProstituée
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MessageSujet: Re: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptyMer 16 Juin 2021 - 12:17
— Je n’ai jamais mis les pieds sur un navire et on raconte que le domaine d’Anür est très capricieux. Je sais que ce ne sont que des légendes ridicules, mais par le passé quand je vivais encore au milieu des champs, on nous racontait que les spectres des naufragés écument parfois les océans quand le ciel est noir et le vent furieux. C’est grotesque, pourtant je n’arrive pas à chasser cette appréhension quand je vois les vagues furieusement lécher les côtes de la ville.

Ombeline haussa les sourcils dans une expression de surprise réjouie. C’était la première fois qu’elle entendait Cesare parler de son enfance. Bien sûr, il avait déjà évoqué son vieux professeur extrêmement rigide et plein de principes plus ou moins sensés, mais jamais il n’avait fait allusion à des détails plus triviaux. Où avait-il grandi ? Qui étaient ses parents ? Comment avait été sa vie avant qu’il ne se consacre aux Trois ? Elle avait désormais envie d’en savoir plus.

Tu es né à la campagne ? C’est pour ça que le Labret ne te fait pas peur ? Je n’ai jamais été dans un champ, je ne suis sorti de la ville qu’une fois ou deux pour aller le long de la place près des Faubourgs et c’est tout. Tu m’apprendras ce que tu sais des plantes et des animaux de ferme, d’accord ?

Elle serra à son tour la main du prêtre, l’air radieuse. C’était déjà rassurant de ne pas voyager seule, mais savoir qu’elle avait avec elle quelqu’un avec l’expérience de la vie hors de la ville la rassérénait tout à fait.

Et ne t’en fais pas pour ces histoires de fantômes, dit-elle en balayant vaguement l’air de la main qui tenait son baluchon. Mon père allait en mer tous les jours et il n’a jamais croisé un seul navire spectral ! Parfois il suffit de chanter fort pour mettre les esprits des morts de bonne humeur, ça leur rappelle leur vie de marin et ils épargnent le bateau. Je t’apprendrai quelques chansons en cours de route si tu veux.

L’idée d’entendre Cesare pousser la chansonnette sur des airs de marins lui plaisait beaucoup. Ce serait sans doute hilarant de l’entendre parler de jolie demoiselle à trousser au port ou de pinte à s’envoyer dans le gosier, lui qui ne faisait ni l’un ni l’autre.
Suivant le prêtre le long du ponton, Ombeline distingua nettement la masse énorme du navire qu’ils longeaient. Le clapotis de l’eau contre la coque, les voix qui se hélaient de toutes parts, le roulement sourd des tonneaux sur les lattes des bois humides et les cris des mouettes au-dessus d’eux, elle connaissait ces bruits depuis très longtemps et pourtant ils avaient une saveur particulière ce jour-là. Pour une fois elle ne resterait pas à terre lorsque les voiles seraient déployées, elle n’aurait pas à observer la tache brune du navire s’éloigner jusqu’à devenir minuscule puis se noyer dans le reste du paysage.
Non, cette fois elle serait à bord et pourrait entendre le vent, sentir les embruns et regarder cette fois la côte rétrécir jusqu’à ce qu’il ne reste que du bleu tout autour du bateau.

La question de Cesare la surprit un peu et elle ne résista pas à l’envie de la tronquer un peu pour asticoter l’ascète tant qu’ils n’avaient ni l’un ni l’autre le mal de mer.

Ma première fois ? Voyons Cesare, ce ne sont pas des choses qui se demandent en public, roucoula-t-elle en se serrant contre lui, l’air faussement gênée. Mais puisque c’est toi… Il était beaucoup plus vieux que moi et sentait vraiment fort le cuir, la sueur et la rouille. Ça n’a pas été particulièrement plaisant, mais au moins il…

Elle s’interrompit en pouffant de rire lorsqu’elle sentit le regard de son compagnon la foudroyer. C’était bien trop simple et bien trop plaisant de le faire tourner en bourrique. Pour se faire pardonner, elle reprit immédiatement :

C’était il y a longtemps, je ne me rappelle que de bribes ! Mon père nous avait pris, moi et mes frères, à bord pour apprendre un peu le métier à ses fils. J’avais insisté pour les accompagner. Je me souviens du vent, qui donne l’impression d’être complètement libre, d’une étendue immense qui n’a pas de frontières et du pont qui tangue sous les pieds. L’air est plus vif que sur terre et c’est assez grisant. Je me rappelle qu’il m’a appris à refaire les nœuds des filets de pêche et qu’on a remonté un crabe. C’était la première fois que j’en voyais un vivant d’aussi près. Il y avait toujours de l’activité sur le pont et je devais rester dans mon coin pour les manœuvres sinon je dérangeais. Le reste…

Elle haussa les épaules. Son enfance était si lointaine, elle avait l’impression que c’était une autre vie.
Lorsque le bout de son pied heurta la passerelle qui permettait d’embarquer, elle prit le temps de tester la résistance du bois avant toute chose. Tout était brouillé sous ses yeux et dans ce mélange de brun, noir et gris, elle n’arrivait pas à distinguer la largeur du passage. La canne offerte par Aaron se révéla alors très utile pour estimer les contours de l’obstacle et après avoir assuré à Cesare qu’elle pouvait y arriver seule, elle s’aventura le long de la planche qui montait jusqu’au pont. La pente était raide, un peu glissante, mais les cordages formaient un relief auquel les chaussures pouvaient s’accrocher. La demoiselle prit soin de mettre un pied devant l’autre sans perdre l’équilibre.

Arrivée sur le pont saine et sauve avec l’impression d’avoir surmonté le premier défi de ce périple, Ombeline se retourna pour adresser un signe en contrebas. Elle ne voyait ni Cesare ni Kornog, mais elle devinait leur présence. Portant deux doigts à sa bouche, elle siffla le grand chien noir et l’encouragea à la suivre avec une voix enjouée.
Le molosse, trop heureux de ces nouveautés, s’aventura sur la planche à son tour en fléchissant les pattes et l’échine pour retenir l’élan d’excitation qui se propageait de sa queue battante à la pointe de ses oreilles. Sous les félicitations de sa maîtresse et presque ventre à terre, il se hissa à son tour sur le bateau, franchissant les derniers pas avec précipitation pour retrouver un sol plus sable sous ses pattes. Et fut récompensé pour son effort par moult caresses.
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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptyDim 11 Juil 2021 - 21:31
« Oh, il est vrai que je n’ai jamais partagé mon passé avec toi … »

Une personne ordinaire n’aurait rien remarqué à la suite de cette annonce, rien de perceptible en tout cas pour titiller la curiosité, mais Ombeline n’était pas n’importe qui. Elle avait des sens plus développés que le commun de la plèbe et avait un don pour écouter les gens, pas seulement tendre l’oreille mais réellement discerner ce que le ton d’une voix cachait comme secrets, peines et fardeaux. De plus, elle était la seule à se targuer avoir fréquenté suffisamment le prêtre responsable pour déceler les subtilités de son voile de mystère. Il n’était donc pas improbable qu’elle ait ressentit une soudaine tristesse exprimée par son ami, quelque chose qui trahissait un regret, une douleur, une perte peut-être.

Il serra d’avantage la main de sa partenaire, ayant depuis longtemps abandonné sa naturelle réticence à entrer en contact physique avec qui que ce soit pour chercher ce réconfort indescriptible qu’offrait la présence d’une personne de confiance à ses côtés. Certes, il puisait espoir et courage de sa foi inébranlable et le tonique de ses prières, mais il n’y avait rien de mal à ancrer ses doutes au fond de son poing, comme si Ombeline pouvait chasser ce rapide souvenir sanglant qui avait effleuré son esprit comme le vol d’un nuisible insecte de passage.
« Chanter pour apaiser les morts … des chants religieux, j’espère. Je ne connais rien aux balades des marins mais je n’ai pas besoin d’être un fréquenteur de tavernes pour deviner que c’est loin des hymnes ancestraux qu’on nous apprend pour honorer le silence du Temple. Je pourrais t’apprendre à les chanter, je suis sûr que ça te plaira. »

S’échanger des chansons semblait être une charmante idée, même si Cesare préférerait rester sourd aux propositions plus coquines de sa partenaire. S’il venait à surprendre à bord un loup de mer qui clamait les joies de la chasse à la ribaude sur les eaux, il lui ferait passer un bien amer serment !

D’ailleurs, elle n’hésita pas à jouer une fois de plus sur sa corde sensible et à savamment forger ses mots de telle sorte qu’elle lui insinue une histoire qui eut vite fait de faire rougir l’homme de foi, toujours perturbé par l’aisance avec laquelle Ombeline pouvait plaisanter sur des choses complètement tabous aux oreilles de l’austère. Un claquement de langue irrité fut cependant la seule remarque qui exprima son déplaisir tandis que des rides ondulaient le long de son front. Il prêta une oreille attentive à son récit malgré tout, ravi de découvrir un peu plus les péripéties de son amie. Il lui était agréable de l’imaginer dans n environnement autre que ce détestable bordel, dans un temps où elle n’avait pas à se soucier de la cruauté et de l’injustice du monde, loin de se douter que des monstruosités indescriptibles attendaient patiemment leur heure pour sonner le glas d’une humanité souillée par ses péchés. S’il ne s’était pas contrôlé à ce moment précis, un geste instinctif du père spirituel aurait été de porter une main réconfortante sur la tête de la jeune femme pour la réconforter.

Arrivés devant le pont, une planche assez large et solide les accueillait. Bien entendu, l’ecclésiastique proposa aussitôt son aide à l’ex-dame de compagnie, peu désireux de la voir plonger tête la première dans l’étreinte glaciale des eaux sur un mauvais pas. La brune ne l’entendait pas de cette oreille et lui afficha un sourire téméraire et assuré qui ne manqua pas de désarmer l’intransigeant personnage qui croisa les bras sur son torse, signe clair de son déconfort et son inquiétude. Fort heureusement Ombeline se montra à la hauteur de son assurance et posa un pied sauf sur le pont. Secouant la tête comme s’il venait d’être soulagé d’un terrible fardeau, il se rendit compte qu’il avait retenu son souffle durant tout ce temps et inspira donc une goulée d’air marin avec avidité avant de grimper à son tour.

À peine avait-il rejoint sa partenaire et son fidèle chien qu’une voix joviale les héla :

« Mon père ! Pardonnez mon retard, mais il y a des appels qu’on ne peut ignorer, ha ha. »
Se retournant, Cesare reconnut la silhouette ronde mais robuste du propriétaire du navire marchand, un homme qui se distinguait de ses autres pairs bourgeois de part son appétence à rejoindre ses hommes dans leurs péripéties maritimes et à partager leurs conditions (dans une certaine mesure). Sa peau tannée par le soleil, ses mains dures après des années à tirer les cordes et ses cheveux secs prouvaient qu’il était très familier avec les caprices du monde d’Anür et ses secrets.

« Ah, Claude ! Encore un peu et je commençais à penser que les Trois aient réclamé votre âme dans les latrines. »

Un rire tonitruant retentit dans la gorge déployée du marin qui bondit avec une agilité insoupçonné sur son navire avant de serrer la main tendue de l’ascète, clairement peu intimidé par les règles de conduite rigides à adopter envers un représentant du Clergé, mais il devait connaître suffisamment Cesare pour savoir que ce dernier ne transportait jamais d’anneau à embrasser sur sa main. Le prêtre était un amoureux des doctrines, mais pas des marques d’orgueil et de pouvoir qu’elles engendraient. Claude porta enfin toute son attention vers Ombeline et haussa un sourcil.

« Et vous devez être l’amie dont m’a parlé notre respecté hôte, dame Ombeline c’est bien ça ? »

Retirant son bonnet pour dévoiler un crâne dégarni, il exécuta une respectueuse révérence.

« Un honneur d’avoir une héroïne de la Place des Chevaliers à bord. Père Cesare m’a parlé de vos exploits ! Bienvenue à bord ! Prenez vos aises, nous partons dans un instant. D’ici là, soyez libres de rejoindre vos quartiers dans la dunette. »

Quand le capitaine prit congé pour aller aboyer ses ordres à ses matelots, Cesare s’approcha discrètement de la fleur-de-nuit pour lui expliquer l’étrange comportement du marin, sur le ton de la confidence :

« J’ai pris la liberté de te décrire à notre hôte comme la servante d’une auberge ayant participé à la défense de la cité lors de l’événement dont nous portons tous deux les cicatrices. Je t’ai promis un nouveau départ, Ombeline, je serais un grand idiot si je commençais déjà à répandre à bord la nouvelle qu’une ancienne escorte les rejoint. Ce n’est pas une question de garder les matelots tranquilles, je veux réellement que tu abandonne cette page de ton histoire, qu’on commence quelque chose de beau ensemble. »

Alors pourquoi tirait-il nerveusement du bout des doigts sur les manches de sa robe ? Sa dernière phrase le rendit mal à l’aise, comme s’il avait l’impression que chaque mot qu’il disait pouvait être interprété différemment par la capricieuse renarde. Il avait aussi le secret espoir qu’aucun homme sur ce navire n’ait été, à un moment de sa vie, un client de la Balsamine. La situation lui laisserait un goût des plus amers, lui qui déjà était parmi les plus irritables prêtres de Marbrume … non, du Duché !
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Ombeline



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MessageSujet: Re: Que la mer les emporte [Cesare]   Que la mer les emporte [Cesare] EmptyJeu 22 Juil 2021 - 0:05
Voilà qu'ils étaient tous deux à bord, prêts à partir pour d’autres horizons, d’autres aventures et certainement d’autres dangers. Mais ils y allaient ensemble et Ombeline n’était pas encore certaine de réaliser qu’elle abandonnait sa demeure, ses habitudes et ses amies pour se lancer dans l’inconnu aux côtés du prêtre. Si l'année précédente, à la même date, quelqu'un lui avait dit que sa vie prendrait un tel tournant, elle l'aurait certainement envoyer paître avec humeur.
L'époque où la simple pensée de devoir échanger quelques mots avec Cesare lui donnait envie de grogner était bien lointaine. À présent, elle avait l'impression qu'au contraire il parasitait de plus en plus son esprit, s'insinuant dans la moindre de ses réflexions. Et c'était encore plus vrai depuis sa proposition de l'accompagner !

Certes il lui avait dit qu’elle serait son fardeau, ce qui était peu élogieux, mais il avait également dit qu’il était prêt à la garder avec lui toute sa vie s’il le fallait. Des mots qui n’arrêtaient pas de refaire surface dans la mémoire de la brunette en dépit de tous ses efforts pour ne pas les mettre plus en avant que d’autres. Ils ne voulaient rien dire, ce n’était peut-être qu’une façon de parler propre à l’ascète, il en était bien capable… Malgré tout, la fleur de trottoir tournait et retournait dans sa tête l’idée qu’il y avait une chance, même infime, qu’il s’agisse peut-être, sûrement, avec un peu de chance, d'un signe qu'il n'était pas tout à fait indifférent à son égard.

Les Trois seuls savaient à quel point la jeune femme détestait se surprendre à avoir ces élans de romantismes, elle qui avait trop l'habitude de repousser les amourettes car consciente qu'elles ne menaient à rien. Une catin ne pouvait pas se permettre de tomber amoureuse d'un claquement de doigt et la dure réalité du quotidien se chargeait souvent de rendre les filles de joie particulièrement désabusées vis-à-vis de l'amour avec un grand A. Elles pouvaient tout au mieux avoir des amants réguliers et les plus folles pouvaient se bercer de l'illusion qu'un client qu'elles appréciaient viendrait un jour les sortir de la misère, mais il bien peu nombreuses étaient les élues.
Alors Ombeline avait fait comme les autres et en dépit de ses rêves de mariage, famille et vie tranquille, son esprit rationnel lui avait toujours dicté de se garder des palpitations de la passion amoureuse.

Il fallait bien reconnaître que l'échec était retentissant.
Heureusement, en cette froide matinée elle n'eut pas le loisir de s'attarder sur le bienfondé de ses sentiments déplacés pour un homme de foi, car la voix du marchand retentit par-dessus bord à peine un instant après l'arrivée de Cesare sur le pont. Ombeline sursauta, prise par surprise par la puissance de ces cordes vocales.

La présence bruyante et bonhomme du marchand ne tarda pas à s'approcher jusqu'à prendre la forme d'une silhouette sombre et très floue. Du peu qu’elle put en distinguer, le capitaine était assez corpulent et la belle-de-nuit espérait que ce soit dû à une charpente solide plutôt qu’à un ventre à bière.
Les deux hommes se saluèrent avec une certaine chaleur malgré la déférence de l’un envers l’autre, ce qui surprit un peu la demoiselle. Elle se doutait que l’homme de foi qui l’accompagnait connaissait bien d’autres humains qu’elle-même, mais elle n’aurait jamais parié sur un marchand et marin comme connaissance.

À la salutation, Ombeline répondit par un sourire ainsi qu’une rapide courbette un peu maladroite. Loin de s’attendre à tant de déférence, elle fut plus surprise encore par le titre d’héroïne qu’il lui attribuait. Elle était pourtant certaine de n’avoir fait que ce qu’on lui demandait ce jour-là, et encore, avec un succès mitigé. Certes elle était parvenue à détecter la présence de fangeux dans les bâtiments avant qu’ils ne fassent irruption, mais cela n’avait pas empêché un homme de mourir. Et il avait fallu qu’on la tire par la main pour l’éloigner du danger sans qu’elle ne trébuche en route. On avait déjà vu plus héroïque.

Je vous en prie, je suis à peine une “dame”, assura-t-elle en levant une main pour qu’il n’en ajoute pas plus. Merci de nous avoir pris à bord.

Le capitaine prit rapidement congé pour se mettre à la tâche et ce fut alors qu’elle reçut l’explication de cette salutation pleine de respect : Cesare lui avait monté une toute nouvelle identité sur les décombres de l’ancienne tout en restant à mi-chemin de la vérité. Une idée qui ne l’avait même pas effleurée jusqu'à présent, ce qui la rendit admirative face à la vivacité l’esprit du prêtre.
Elle ouvrit la bouche pour le remercier lorsqu’il lui asséna la raison de son geste. Piquant alors un fard monumental, la jeune femme attendit une seconde la suite de la phrase qui viendrait sans aucun doute donner un sens bien moins ambigus à cette déclaration, mais rien ne vint.

Sans réfléchir, elle leva une main pour la poser sur le bras du prêtre et le suivit jusqu'à trouver son poignet, puis sa main, et elle glissa ses doigts entre les siens. Quel imbécile, de lui sortir de telle déclaration au tournant de la discussion ! Il ne l'aidait vraiment pas à rester dans le droit chemin.
Et puisqu'il était complètement nigaud, et assez malvoyant lui aussi pour ne pas réaliser qu'elle l'aimait un peu plus qu'une amie ne devrait, il faudrait sans doute qu'elle se charge de lui ouvrir les yeux. Il fallait vraiment tout lui apprendre à celui-là.

Ah ça, pour être un grand idiot... souffla-t-elle sans parvenir à s'empêcher de sourire. Je ne te mérite pas. Merci d'y avoir pensé, c'est un passé que j'aurais plus de facilités à partager et qui ne ternira pas notre nouvelle vie. Et elle sera belle, quoi qu'il advienne. C'est certain.

Ombeline hocha la tête comme pour affirmer ce qu'elle disait. Peu importait ce que le Labret leur réservait et à quel point il faudrait être tenace ou prudent, elle avait la conviction qu'ils parviendraient à construire quelque chose de bien.

Tu veux bien me montrer là où je peux poser mes affaires ? Je ne veux pas être dans les pattes de l'équipage et il vaut mieux que Kornog non plus. Et puis je commence à avoir un peu froid.

Le bout de son nez ainsi que ses doigts étaient en effet glacés et rougis. L'air du large serait lui aussi mordant et plus humide encore que celui du port, une raison supplémentaire d'aller se réfugier dans l'espace qui leur avait été alloué.

Ce fut avec un certain soulagement que la demoiselle constata que la dunette était en fait cette partie surélevée qui obscurcissait son champ de vision à l'arrière du bateau. Elle n'aurait pas d'escaliers à descendre, donc moins de chances de se casser la figure. Si l'endroit n'était pas chauffé, il était au moins à l'abri du vent et de la pluie. Le confort serait sans doute très rudimentaire, mais rien qui ne puisse la choquer. En revanche, le manque de luminosité serait un véritable obstacle. Entre l'étroitesse de l'espace, le noir et le mouvement de la houle, il y avait fort à parier qu'elle se cognerait de nombreuses fois.
Fermement accrochée au prêtre, son baluchon à la main, elle se laissa guider dans le navire.

Je n'y vois absolument rien. Est-ce que nous avons une paillasse ? Ou peut-être un hamac ? Où est-ce que je peux poser mes affaires pour qu'elles ne soient pas dans le passage ? Il y a une bougie quelque part ? demandait tour à tour la jeune femme en avançant à petits pas.
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