Un nouveau QG pour Desmond

Le 21 mars 1167:

Une fois que j’ai été à l’Esplanade où l’on m’a indiqué que Victor de Rougelac était parti en compagnie de Rosen, à Sombrebois, je décide de continuer mes projets de guilde de mercenaire. Pour cela, j’ai besoin d’argent et je retourne dans mon ancienne chambre, pour récolter mes économies, ensuite, je fais le tour de toutes les personnes que je connais pour leur prêter un peu d’argent, tout en récoltant les sommes qui m’étaient dues depuis un certain temps et c’est donc, après un léger détour dans une maison de passe que je me retrouve, avec un confortable pécule devant la forge d’Alban, dans le quartier de la Hanse.

Certaines personnes me reconnaissant, me disent bonjour et je réponds sobrement à leur salut, n’ayant guère l’habitude que les gens du peuple m’apprécient. Mais ici, c’est manifestement le cas, depuis que j’ai coupé une bûche comme démonstration, lorsque le forgeron m’a remis ma nouvelle épée. Je passe donc par la forge et je l’interpelle :

Bien le bonjour, comment allez-vous ?

J’attends sa réponse et je lui indique :

J’ai une petite surprise pour vous.

Je fais un signe et Jeanne arrive, toujours aussi belle dans la pièce. Je lui ai parlé un peu en chemin et elle m’a confié, qu’elle voulait juste rester amis avec lui. Je m’en doutais, car elle a des besoins financiers qu’il ne pourra jamais satisfaire, mais je pense qu’il mérite plus que quelques gestes d’amitié de sa part. La jeune femme, s’arrête donc à un mètre de lui et dit d’une petite voix, en regardant le sol, comme si elle était gênée par la situation :

Bonjour Alban, comment vas-tu ?

Je les laisse échanger un peu s’ils en éprouvent le besoin et je commence à lui indiquer la raison première de ma visite :

Je vais acheter un petit bâtiment qui me servira de base pour ma guilde, les boucliers de Marbrume, car comme tu dois le voir, mon bannissement a pris fin. Est-ce que tu aurais un peu de temps pour m’aider ? Tu connais bien tout ce qui est commerce et j’ai besoin à la fois d’un endroit calme, mais facile à trouver, dans les Faubourgs.

C’est en effet les deux critères dont j’ai le plus besoin, du moins pour le moment.

Voilà seulement quelques jours qu’Alban est rentré de son voyage à Salers et Usson, même pas encore une semaine. Il s’est très vite remis au travail, pour oublier sa peine et pour rattraper le temps perdu, il a travaillé dès les premiers rayons du soleil et jusqu’à n’en plus pouvoir. Il s’est endormi de fatigue chaque jour, les muscles endoloris. Il y avait eu quelques achats, qu’il faudra remplacer pour avoir de l’avance sur les demandes des clients pressés qui préfèrent une arme déjà disponible plutôt qu’une lame personnalisée.
Alors que la journée semblait être partie pour être à nouveau d’une monotonie lassante, voilà que le forgeron est interpellé. En levant la tête, il reconnait Desmond de Rochemont, et sourit heureux de constater que son ami a désormais légalement le droit de fouler à nouveau le sol de la capitale.

« Je vais bien monseigneur, et vous-même ? »

Avant même qu’une discussion ait pu s’engager, une surprise apparue. Plus belle que jamais Jeanne se manifesta dans un froufrou de robe. Alban cligna des yeux plusieurs fois, se demandant si c’était à nouveau une illusion de son esprit, une hallucination ou si la jeune femme était bien présente. Un coup d’œil au chevalier, le conforta dans l’idée qu’il était resté un peu trop silencieux devant ladite surprise. Nouvelle preuve, s’il en fallait une, le mirage se met à parler d’une douce voix qui fait fondre le forgeron, qui ne sait plus où se mettre.

« Bonjour Jeanne, tu as réussi à bien t’installer ? Tu vas bien ? Tu désires boire quelque chose ? »

Il s’était approché, aux petits soins, pour s’assurer que tout allait bien pour Jeanne qui releva finalement la tête. Les échanges continuèrent un moment et lorsque le dialogue se ralentit, De Rochemont reprit la parole pour évoquer la raison de sa visite. Alban qui avait déjà lâché ses outils, l’écoute et approuve.

« Bien sûr monseigneur, le temps de ranger un peu ici et je peux vous suivre dès maintenant. »

Le forgeron était content de savoir que le projet de Desmond se mettait en place petit à petit, il avait déjà un compagnon pour sa guilde, Jean le frère de Jeanne, la dernière chose importante qu’il lui manquait vraiment c’était le lieu pour installer sa guilde. Il lui fallait un bon emplacement, et ensuite le bouche à oreille ferait le reste : le chevalier était puissant et connu, il était évident que les gens chercheraient protection auprès de lui pour leurs différents trajets dans le royaume.

Le jeune homme est vraiment mordu de cette Jeanne, je le vois à ses yeux qui se mettent à briller comme des étoiles dès qu’il la voit. De plus, il est vraiment au petit soin pour elle, lui proposant même à boire, alors que je n’avais jamais bénéficié de ce genre d’attention, sûrement, car je n’ai pas les mêmes « atouts » que la prostituée.

Le plus important, c’est qu’il réponde positivement à ma question et qu’il puisse m’aider, en plus il ne perd pas de temps, car il peut me suivre immédiatement, et c’est donc à trois que nous quittons l’atelier avant de passer par la porte permettant de quitter Marbrume. Nous voilà ainsi dans les Faubourg, l’établissement étant situé à une quelques centaines de mètres des murailles et ne paye pas de mine. À vrai dire, il est un peu délabré, mais ses fondations sont saines et c’est le principal.

Je fais entrer mes invités dans le bâtiment principal et nous pouvons voir une grande pièce à vivre, une arrière-salle qui sert de cuisine et un escalier menant à l’étage avec plusieurs chambres. Une porte à droite permet d’entrer dans une petite étable accoudée. Une couche de poussière épaisse de plusieurs centimètres recouvre le tout et tous les mobiliers sont en mauvais état.

La seule chose correcte est que le sol, les murs et la toiture n’ont aucun trou, ce qui a gardé l’endroit relativement au sec, même s’il va falloir remettre des portes et des fenêtres, celles-ci n’étant pas capable de repousser l’assaut d’un fangeux. Si tout pouvait être en métal, je me sentirais beaucoup plus en sécurité.

Je laisse Alban découvrir les lieux du regard et je lui demande :

Qu’en pensez-vous de cet endroit ?

Je ne pose même pas la question à Jeanne, son regard est très éloquent, elle plisse même le nez pour bien montrer que tout cela ne lui sied guère. Je lève les yeux au ciel devant un tel comportement, c’est sûr que cette jeune femme a des goûts de luxe. Je la sens même capable de partir en courant et elle ne reste que par politesse envers moi, amitié envers Alban et surtout, car elle craint de parcourir la banlieue de la cité toute seule.

Pour ma part, j’attends donc la réponse du forgeron avant de l’interroger à nouveau :

J’ai déjà certaines idées en têtes, comme faire une salle de réunion à part pour les clients ou transformer l’étable en écurie.

Et oui, tant de choses à faire et si peu de temps.

Une fois toutes ses affaires rangées et enfermées pour éviter un vol, Alban et Jeanne suivirent Desmond qui les guidait dans la ville jusqu’à sa bâtisse. Ils en profitèrent pour échanger sur le chemin, évoquant le temps, les dernières nouvelles et quelques rumeurs qui circulaient. Ils quittèrent l’enceinte protectrice pour entrer dans les faubourgs : un endroit idéal pour le chevalier qui se retrouvait ainsi au meilleur endroit pour accompagner les départs de convois. Surtout il y avait plus de place ici et les prix étaient raisonnables.
La bâtisse ne payait pas de mine, elle semblait grande, suffisamment pour ce que Desmond semblait en faire, mais pas de la première jeunesse. Ce n’est pas très grave, c’est normal qu’un bâtiment qui n’a pas été habité pendant un certain temps se dégrade un peu. Le noble nous fait visiter, décrivant chaque pièce et ce qu’il souhaite en faire. On peut voir qu’il a une réelle vision sur l’avenir. Il sait ce qu’il veut et cela colle parfaitement avec la résidence qu’il a trouvé.
Alban constate la bonne santé de la toiture et des murs, le chevalier a fait une belle trouvaille. Et s’il y a du travail à accomplir, il n’est pas insurmontable.

« Vous avez très bien choisi, monseigneur, les fondations semblent saines et avec ces murs et ce toit qui sont en bon état, vous êtes assurés de ne pas avoir de problèmes.
Pensiez-vous finir par vous installer ici ? Ou Jean sera le responsable ?»

Ce ne serait pas le grand luxe, mais il y aurait moins de chemin à faire entre sa résidence et la guilde. Pour lancer un commerce, il fallait parfois faire des sacrifices et prendre du soi pour réussir à impulser la clientèle de départ. Cependant Jean semblait aussi à même de pouvoir le seconder et prendre quelques décisions urgentes si le besoin s’en faisait sentir. D’ailleurs Jeanne avait tendu l’oreille à la mention de son frère, sûrement curieuse d’écouter la réponse, faisant mine de rien.

« Je pourrais tenter de vous aider pour les portes avec serrures ou cadenas. Je peux faire quelques travaux de bois, cependant je n’ai pas la maitrise d’un vrai menuisier. »

Les propositions de travaux de Desmond sont intéressantes mais il faut y réfléchir sérieusement avant de s’y attaquer. Il y a déjà un gros travail de ménage et de réaménagement qui est à prévoir.

« Pour la salle de réunion des clients, je pense qu’elle serait importante, cependant vous orienterez votre clientèle. Ce sera ceux qui osent s’aventurer jusqu’ici et qui n’ont pas peur de mettre les pieds dehors. Pour faire court, ceux qui feront le chemin avec vous. Si vous souhaitiez négocier avec les nobles qui font commerce, je pense qu’il faudra tirer les ficelles autre part, parmi vos contacts, voir aller les trouver chez eux.
Pour l’étable, c’est une excellente idée ! Je pourrais aider concernant les chevaux, leurs fers et leurs licols. »

Les compliments d’Alban me font plaisir, car même si ce n’est qu’un simple roturier, c’est ce qui se rapproche le plus d’un ami. C’est sans doute lié à toutes les aventures que nous avons traversées ensemble ou le nombre de jours de voyage qui nous ont rapprochées, car combattant un danger commun. Je dois ajouter qu’il a toujours été très respectueux et volontaire, arrivant même à supporter Rosen, lors de notre voyage à Sombrebois, ce qui n’est pas une mince affaire.

Il me pose quelques questions sur l’organisation et j’y réponds bien volontiers :

Je dois d’abord retrouver le comte de Rougelac, car s’il accepte de me prendre à nouveau comme allié, à la suite de la levée de mon bannissement de Marbrume et malgré le fait que je n’ai toujours pas récupéré mon titre , j’irai dormir à l’Esplanade, dans son Manoir.

Cela fait des mois que je rêve de mon ancien lit, fais sur-mesure, qui m’attends là-bas, de la bonne nourriture et du vin potable ! J’en ai vraiment assez de la piquette servit dans des auberges de troisième zone, je développe donc ma réponse :

Dans tous les cas, ce sera ici notre Quartier Général et en l’absence de missions, Jean sera bien présent, même si je compte rapidement développer mon activité et embaucher du monde.

Je l’écoute ensuite me proposer ses services et je lui, en lui souriant :

Votre aide me sera précieuse, j’ai gagné quelques monnaies lors de notre voyage entre Usson et la capitale, vous n’aurez qu’à me donner une estimation des coûts et je vous donnerai la somme correspondante. Quant aux travaux de menuiserie, si vous connaissez quelqu’un de confiance, je suis preneur.

C’est rare que je confie des responsabilité aussi facilement, mais le forgeron n’est pas n’importe qui, en plus, en cas de problème, je sais où il habite ce qui évite toute confusion. Je peux donc continuer sur ma lancée :

Le but est que les travaux soient terminés dans une quinzaine de jours. J’ai déjà envoyé un courrier à Jean et à mon suivant, Milas, qui, étant actuellement à Usson, vont escorter un convoi jusqu’ici. Je compte revenir dans deux semaines et nous pourrons mettre officiellement l’affaire en cours.

Je vois Jeanne, que j’avais d’ailleurs complètement oublié, battre des mains pour manifester sa joie de revoir son frère. Quant à moi, je pense que c’est une mauvaise idée qu’une prostituée soit vue dans mon établissement, il risque d’acquérir une mauvaise réputation et j’indique à la jeune femme :

Je compte sur votre discrétion, ne venez pas ici sans une bonne raison.

Une fois cette mise au point réalisé, je réponds aux interrogations de mon ami :

J’ai déjà quelques clients potentiels en tête, je les contacterai dès mon retour. En attendant, je me prépare en lisant des livres sur ta tactique. J'ai également un contact qui m'apprends les bases. Il s'agit d'un ancien général ayant perdu une jambe.