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 Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]

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Morgred PêcheurPêcheur
Morgred Pêcheur



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MessageSujet: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyLun 23 Aoû 2021 - 21:43
8 fév. 1167


[...]

— P’iote, tu vas rester ici avec mon amie, d’accord ? Elle va bien s’occuper de toi.

Incompréhension, questionnements, plaintes. « T'es qu'un fardeau », songe-t-il. Elle lance un regard semi-opaque par-dessus son épaule, cherche un repère auquel se raccrocher, geint en réclamant sa mère. « Un fardeau ». En lieu et place de l'étreinte rassurante, elle ne trouve que des mains agressives pour l'empoigner, la secouer, la confronter à la cruelle réalité. « UN FARDEAU ». Alors, elle pleure, pleure à n'en plus finir ; pleure encore, bien des années plus tard, face à la Fange. Mais comme le frère qui ne s'en est pas ému, jadis, les monstres se soucient bien peu de ses larmes et la brise à coup de crocs. À coups de griffes. « Bon débarras »

*

D'une inspiration salvatrice, comme s'il sortait d'une apnée trop longue, Morgred s'éveilla soudainement et se redressa dans son lit. Ses braies et sa tunique étaient trempées de sueur, son souffle encore haletant. Le même cauchemar l’éveillait chaque nuit, encore et encore. Ni la quiétude relative de son foyer, ni la main caressante de sa femme n’y changeaient rien.

Dans un geste défensif, il s’échappa. Il était encore trop tôt pour partir à la pêche, mais il n’était pas sans savoir qu’il ne trouverait plus le sommeil. Ombeline l’en privait, inlassablement, tous les soirs.

— Reviens te coucher, Morgred...

À l’instar des caresses auparavant, le murmure se voulait rassurant. Comme toujours, Margot faisait preuve d’une infinie patience à l’égard d’un mari de plus en plus hermétique à ses attentions. Immobile, dans son dos, elle le maintenait enlacé et attendait qu’il daigne enfin lui adresser une parole. Il lui fallait parfois composer une heure ainsi, à lutter contre le sommeil. Cette fois, il faudrait moins de temps au pêcheur pour se décider.

— Je vais me rendre au temple.
— À cette heure ? s’étonna la belle brune en s’écartant, cependant que Morgred amorçait un volte-face.
— À cette heure.

Dans un silence respectueux, la femme sonda le regard de son mari, en quête d’une réponse qu’il ne lui livra pourtant pas. Sans un mot de plus, elle déposa un baiser sur sa mâchoire et se recula, le temps que le grand brun s’habille. Ensuite, dans une routine bien rodée, elle le rejoindra à l'entrée, juste avant qu'il ne s'éclipse, quémandera un baiser qu'il lui accordera sur le front, puis réinstallera une à une les barricades retirées, après le départ du pêcheur.

Dehors, le froid ambiant saisissait à peine le pêcheur, tant ses pensées étaient en ébullition. Prier relevait, en l’instant, d’un besoin impérieux. Viscéral. Obsédant. Il ne parvenait pas à lutter et ne le cherchait même pas, fendait les rues qui séparaient le port du temple à une allure soutenue, jusqu’à, enfin, pénétrer ce sanctuaire de paix et de tranquillité.

À cette heure, il règnait, au cœur des murs immenses drapés de tentures, un silence respectueux qui ne faisait que souligner la dureté des regards des dieux de pierre. Sans oser les affronter pour l’heure, Morgred immergea ses mains dans l’eau bénite, puis chemina jusqu’au premier rang de bancs, où il s’installa. Rares étaient les âmes éveillées à cette heure. Le moindre bruit de pas, le moindre soupir ; tout était perceptible, tandis que l’on plongeait dans ses pensées. Ainsi exposé au jugement des dieux, le pêcheur peina à redresser son dos, accablé par le poids des remords. Il ne savait comment formuler ses prières, comment solliciter et obtenir le pardon de ces divinités, à qui il faisait des offrandes quotidiennes, pour l’acte odieux commis dans sa jeunesse.

Et alors que des paroles lointaines, qu’il aurait dû oublier depuis longtemps, menaçaient de revenir le hanter, un cri brisa l’accalmie des lieux et l’arracha à ses ressassements continuels. Le regard bleuté du pêcheur chercha l’origine des pleurs, la trouva au creux des bras d’une jeune femme, qui semblait rejoindre un prêtre. Elle portait là un autre enfant de misère. Un de plus.

Mais un, au moins, qui ne serait pas vendu par son frère à la première maison close venue.


Dernière édition par Morgred Pêcheur le Jeu 26 Aoû 2021 - 15:14, édité 1 fois
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Clémence SarravilliersGuérisseuse
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyMar 24 Aoû 2021 - 9:55
Cette nuit-là, Clémence l'avait passée aux côtés d'une patiente. Contrairement à ses habitudes, il ne s'agissait point d'une prostituée malchanceuse, mais d'une mère de famille déjà bien nombreuse comme il en existe par dizaine dans la cité. Il y en avait tant à Marbrume, de ces maisonnées surpeuplées et qui, hélas, peinaient à survivre dans un monde devenu si compliqué et bien trop hostile pour que celles-ci puissent utiliser la nature environnante afin de remplir un peu leurs assiettes. Les gens mourraient de faim. La maladie ravageait les quartiers les plus défavorisés,rendus insalubres par une promiscuité trop importante et une eau souillée par les immondices engendrés par le surpeuplement. Malgré ce contexte, cela n'empêchait en rien la procréation intensive. Des enfants naissaient ou mourraient chaque jour dans l'indifférence générale. Beaucoup de ces pauvres femmes avaient même cessé de se rendre au Temple, trop honteuses de porter en elles une vie qu'elles ne désiraient pas plus qu'elles ne pouvaient assumer. Ainsi, Clémence Sarravilliers ne manquait point de travail dans ces bas-quartiers qui n'étaient pourtant pas si miséreux avant l'avènement de la Fange et des monstres qu'elle a fait naître.

Ainsi, ce matin-là, bien avant le lever du soleil, la sage-femme se rendait elle-même au Temple pour déposer un petit paquet plein de vie et pourtant déjà bien malheureux. Clémence détestait cela, même si ce n'était point la partie la plus méprisable de son travail. Elle avait beau se dire que cela permettrait à ce petit être de survivre, de bénéficier d'une éducation, l'accoucheuse savait pourtant que rien n'était moins sûr. Si elle le pouvait, si elle en avait les moyens, Clémence garderait chacun de ces enfants auprès d'elle. Elle veillerait sur eux en leur offrant tout l'amour et la tendresse qu'ils méritaient tout en veillant à leur offrir une éducation convenable. Hélas, la veuve n'en avait ni le temps, ni les moyens financiers. Elle peinait déjà à nourrir sa jeune sœur tout en entretenant une maison familiale devenue bien trop grande pour deux femmes seules. Elles faisaient pourtant de leur mieux, toutes les deux, mais cela ne suffirait certainement pas dans le cas où les sœurs devaient accueillir de petits pensionnaires.

Alors, comme à chaque fois, c'est le coeur serré et douloureux que la sage-femme déposa son petit fardeaux dans les bras d'un clerc au visage impassible. Elle resta plantée là, durant de longues minutes à les observer disparaître dans les sombres couloirs du Temple, tout en adressant une prière silencieuse à Anür pour que celle-ci veille sur ce pauvre nouveau-né.

Clémence mit tant de tendresse et de ferveur dans cette prière que l'on aurait pu croire que cet enfant était le sien. Quelque part, dans son cœur, c'était pourtant le cas … La sage-femme gardait en elle le souvenir de chacune de ces petites âmes laissées ici. Elle pensait également à son propre enfant, celui qu'elle avait perdu, bien des années auparavant, avant même d'avoir la chance de le rencontrer. Elle l'avait tant rêvé ce bébé. Elle l'avait même imaginé : petite fille aux cheveux sombres et aux grands yeux bleus comme son père parti quelques jours avant elle.

Mais voilà. Clémence restait là, debout devant ce couloir dépourvu de lumière, le cœur aussi vide que ses bras. Elle pouvait encore sentir la chaleur du bébé qu'elle avait fait naître, qu'elle avait si tendrement bercé prêt de son sein… Une chaleur résiduelle et pourtant si douloureuse … La sage-femme soupira en fermant les yeux. Il lui fallait se reprendre à présent. Il lui fallait retrouver le sourire afin de ne point inquiéter la petite rousse dynamique qui l'attendait à la maison. Il lui fallait chasser toutes ses pensées qui ne lui appartenaient finalement pas…

Après un nouveau soupir, plus profond encore que le précédent, la sage-femme se retourna avec la ferme intention de quitter ces lieux de tristesse. C'est ainsi que Clémence croisa le regard clair et intense d'un homme qu'elle n'avait point remarqué en arrivant. Il était tôt, beaucoup trop même pour que quiconque ne se trouve ici. Et pourtant, il était là, l'observant sans réellement la voir arborant une lueur de désespoir dans un regard terni par quelque chose que Clémence ne connaissait que trop bien : le remords, les regrets.

- Qu'avez-vous fait, demanda-t-elle brusquement. Les mots étaient sortis tout seuls, sans qu'elle ne puisse les retenir… Comme si cette question ne venait pas vraiment scellé, guidée par une force extérieure et incommensurable. Surprise par cette interrogation si intrusive, Clémence se reprit prestement. L'expression même de son visage changea si rapidement que l'on aurait pu croire qu'il s'agissait là d'une toute autre personne. Je vous demande pardon… Cela ne me regarde en rien. Je ne sais même pas pourquoi je vous ai posé cette question… Mais je suis navrée, si vous souhaitiez rencontrer quelqu'un à cette heure, je crains qu'il ne soit bien trop tôt...
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyMer 25 Aoû 2021 - 8:49
Sans le réaliser, Morgred observa l’échange entre la femme et le prêtre, puis suivit ce dernier des yeux tandis qu’il portait au creux de ses bras un cri de plus en plus lointain, bientôt estompé, finalement éteint.
Lorsque le silence s’abattit de nouveau, le pêcheur reporta son attention sur la seule autre personne présente dans le Temple. Inconsciemment, il se raccrocha à elle dans le vain espoir d’échapper encore un peu aux regards des dieux et à leur courroux ; de fuir des pensées lancinantes qui le submergèrent pourtant en une question.

Qu’avait-il fait ?

Las, Morgred détourna les yeux pour les river au sol. Effectivement, ce qu’il avait fait ne regardait aucunement cette étrangère. Et pourtant, sans se soucier de l’oreille qu’elle ne lui prêterait peut-être pas, ou du jugement négatif qu’elle porterait sur lui, il répondit.
Après tout, elle, ou les dieux, quelle différence ? Il n’avait besoin ni de l’une ni des autres pour apprécier la bassesse de ses actions.

— J’ai vendu ma jeune sœur à un bordel. Elle avait dix ans, murmura-t-il de sa voix enrouée, sur un ton d’une froideur sans égale, je l’ai vendue parce qu’elle représentait une bouche de plus à nourrir et était presque aveugle. Autant dire inutile. Un fardeau.

Les avant-bras appuyés sur ses cuisses, la tête rentrée dans les épaules, le marin revivait la scène de ses cauchemars à mesure qu’il la contait, avec un calme et une sérénité apparentes.

En lui, tout bouillonnait, hurlait, agonisait.

— Mais le pire, c’est pas mon acte... c’est de l’avoir oubliée, après, jusqu’à l’attaque de la Fange dans le quartier de la Hanse. Je me suis marié. J’ai eu trois filles. J’ai été heureux, et plus jamais j’ai pensé à elle. Elle est revenue me hanter après l’attaque, seulement. Me hanter, répéta-t-il en serrant les mâchoires.

S’il ne le formulait pas distinctement, le marin n’en pensait pas moins : si Ombeline le hantait, c’est bien qu’elle était morte, non ? Morte dans d’inimaginables souffrances causées par ces engeances de malheur. Morte parce qu’elle se trouvait perdue, seule, dans un bordel de la Hanse, lors du premier assaut des Fangeux au sein de la cité. Morte dans cette maison close, parce que son frère aîné l’y avait amenée tandis qu’elle n’était encore qu’une enfant. Une enfant qui n’avait alors personne d’autre que sa famille – que lui – pour la protéger.

Elle avait été trahie de la plus abjecte des façons.

Dans un interminable soupir, le pêcheur se redressa jusqu’à s’appuyer contre le dossier du banc sur lequel il était assis. Dans son élan, ses yeux embrassèrent ceux d’Anür. Froids. Impassibles. Intraitables.

— Je me demande parfois pourquoi j’implore leur pardon et le sien, à travers eux. On n’pardonne pas aux monstres : on les abat, et c’est très bien ainsi. Pourtant, je suis encore là, constata-t-il avec amertume, vous pensez que c’est pour donner bonne conscience aux autres ? Pour qu’ils relativisent leurs péchés ?

Les réflexions de Morgred guidèrent son regard éteint jusqu’à la jeune femme. Qu’avait-elle fait, elle ? Était-ce son enfant, qu’elle avait porté au prêtre ? Son frère, sa sœur ? Pour qui avait-elle prié avec autant de ferveur : l’enfant, ou le salut de son âme, à elle ?
Des questions qu’il n’osa pas formuler, incapable de lire, dans ses grands yeux bleus, l’origine du tourment qui l’avait conduite là.

— Pardon, répéta-t-il en écho aux paroles de la jeune femme, j’voulais pas vous importuner avec mes questions.
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Clémence SarravilliersGuérisseuse
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyMer 25 Aoû 2021 - 10:42
Clémence, pour sa question aussi déplacée qu'intrusive , s'était mentalement préparée à recevoir quelques réprimandes. Point d'insultes, puisqu'ils se trouvaient tout de même dans le Temple, mais au moins une remise en place bien méritée… Et pourtant, rien de tel ne vint. Au lieu de cela, l'homme la surprit en baissant la tête comme s'il s'agissait d'un enfant coupable. Le poids d'un lourd fardeau sembla s'abattre sur lui si brusquement que celui-ci parut se plier, se tordre si douloureusement que le coeur de la jeune femme se serra tout aussi brutalement. Et puis… L'inconnu se livra, entièrement, sans chercher à peser ses mots, sans essayer de les amoindrir pour les rendre moins durs ou seulement plus tolérables aux oreilles de son interlocutrice.

La sage-femme garda le silence, se contentant de l'observer tandis qu'il parlait lui révélant ainsi ce qui devait être un secret. Un bien horrible secret qui, pourtant, ne la choqua pas le moins du monde. Oh, évidemment, Clémence ne put s'empêcher de se sentir désolée pour cette enfant abandonnée à un sort bien misérable. Les nausées l'assaillirent même en songeant à tout ce que cette petite fille avait dû vivre, subir, mais malgré tout, l'accoucheuse ne détourna point les yeux. Cet homme, elle l'observait avec une grande attention tout en l'écoutant. Il s'en voulait amèrement pour avoir eu le malheur de vivre sa vie sans se soucier de celle qu'il avait autrefois abandonnée.

-... On n’pardonne pas aux monstres : on les abat, et c’est très bien ainsi. Pourtant, je suis encore là... avait-il affirmé, visiblement prêt à se condamner lui-même.

Monstre... Ce mot, si particulier, si douloureux, si familier, la frappa si brutalement que Clémence ne put que fermer les yeux. N'était-ce point ainsi que la faiseuse d'ange se voyait ? Un monstre, un assassin… Méritait-elle de mourir pour tous les actes abjects qu'elle avait dû commettre et commentrait encore à l'avenir ? Et lui… Était-il réellement un monstre pour cet abandon puis cet oubli qu'il regrettait pourtant.

Malgré tout, la jeune femme veilla à ne pas interrompre sa confession. Elle le laissa parler jusqu'au bout, jusqu'à ce que celui-ci, gêné, ne lui présente ses excuses.

-N'ayez crainte, vous ne m'importunez point, rétorqua-t-elle en venant s'installer à son côté pour, elle aussi, se placer sous le regard fixe et froid des déités qui semblaient les juger . Vous n'êtes pas un monstre, seulement un être humain. Nous sommes parfois obligés de faire des choses… d'horribles choses… parce que la vie nous fait croire que nous n'avons point d'autre choix. Et parfois, il est plus commode de regarder droit devant soi sans penser au passé, à tout ce que l'on a laissé derrière, pour ne pas sombrer. C'est très humain, vous savez. Nous ne sommes pas fait pour affronter nos erreurs ou nos choix douloureux… Mais, si vous avez pu être heureux dans votre vie, cela ne peut être que la volonté des Trois … Et si le souvenir de votre sœur vous hante, c'est probablement aussi l'un de Leur message qui doit être soumis à une interprétation…

Un sourire compatissant étira doucement ses lèvres lorsqu'elle se tourna vers l'inconnu tourmenté.

- Je me nomme Clémence, je suis sage-femme et j'interviens régulièrement dans les maisons closes. Il m'arrive, souvent, de conduire les enfants de ces femmes ici, comme ce fut le cas aujourd'hui. Mais ce n'est finalement que la partie "tolérable" de mon travail … Si vous êtes un monstre, je dois être bien pire... son regard, bien assombri à présent, se posa sur le visage glacial d'Anür. Je ne puis demander le pardon pour ce qu'il m'arrive de faire. Je n'en ai pas le droit et je l'accepte… Mais je peux prier pour eux, pour ces petits êtres qui ont été privé de leur droit de vivre avant leur naissance. La vie… Elle ne nous fait pas de cadeau. Mais il ne tient qu'à nous de faire au mieux pour compenser nos méfaits.

À son tour, Clémence baissa misérablement la tête pour mieux observer ses mains frêles voire carrément osseuse qu'elle se mit à tortiller en tout sens comme pour les nettoyer du sang invisible qui les recouvraient.

-Je mérite le bûcher, vous savez. Pourtant, je ne puis me permettre de mourir car je dois m'occuper de ma petite sœur. Elle est adulte à présent, mais il me faut m'assurer qu'elle ne manquera de rien… Ensuite, je pense que je me rendrai à la milice pour affronter convenablement la colère des Trois. Je ne pense pas être une mauvaise personne, et je ne pense pas que vous en soyez une également… Mais, malgré tout, l'on peut être quelqu'un de bien et faire de mauvaises choses par moment… Pour survivre, pour préserver les plus faibles… Qu'importe les raisons à dire vrai… Néanmoins, il nous faut aller de l'avant, il nous faut assumer tout en faisant au mieux pour ne pas causer plus de malheur, plus particulièrement aux gens que l'on aime. Après tout, vous êtes un époux, un père… Votre famille compte sur vous et vous ne pouvez pas la laisser de côté. Mais rien ne vous empêche de rechercher votre sœur… Je...

Elle hésita un instant avant de poursuivre, consciente que sa proposition pouvait être mal interprétée ou seulement déplacée après ses propres aveux.

-Je peux peut-être vous aider… Après tout, je connais assez bien les maisons closes de la ville et j'ai bon nombre de prostituées dans mes connaissances.

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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyMer 25 Aoû 2021 - 14:37
Surpris de constater qu’elle ne le fuyait pas, Morgred observa la femme prendre place à ses côtés et, comme elle, l’écouta à son tour. Avec une impolitesse sans borne, il scruta les traits de son visage taillé à la serpe, suivit le contour de son profil, tandis qu’elle affrontait le regard des dieux, sans faillir. Quelles que soient ses fautes, elle semblait les assumer quand il ployait l’échine sous le poids des siennes. Quelque part, ce courage lui inspirait une certaine forme d'admiration, aussi, avant même de le réaliser, le pêcheur s’interrogea sur l’identité de cette jeune femme d'apparence frêle. Le hasard voulu qu'il obtienne presque aussitôt un élément de réponse.

Clémence.

Comme si ce simple nom suffisait à combler sa curiosité, le pêcheur détourna enfin les yeux sans que son attention en pâtisse, et ne l’interrompit pas. Jamais. Ni d’un rire sardonique, à l’instant de considérer la monstruosité de chacun. Ni d’un accès de rage, à l’encontre de lui-même et des dieux, pour les épreuves insurmontables qu’ils leur infligeaient. Ni d’un hurlement déchirant, pour l’impuissance face à laquelle il se trouvait confronté.

En dépit de sentiments fluctuants, Morgred resta impassible. Lisse. D’une expressivité inquiétante, paradoxalement plus réussie encore que les visages de pierre qui les toisaient.

Les paroles de Clémence faisaient écho à ce qu’il ressentait, mais il n’en transparaissait rien.

— Morgred, se présenta-t-il enfin, après un silence semblable à une éternité, Je pense pas… point, rectifia-t-il, par mimétisme, peu convaincu par sa tentative au regard de l’accentuation de son froncement de sourcils, que mes paroles changent quoi que ce soit au regard que vous portez sur vos actes. Mais à mon avis, vous méritez ni d’être qualifiée de monstre, ni de finir au bûcher. Si vous en doutez, ‘suffit d’aller voir les femmes que vous avez aidées. J’suis... point certain que certaines pensent encore au p’tit, comme vous le faites. Pour elles, vous les avez juste… débarrassées. De leur fardeau, à elles.

À l’instar de sa propre histoire, Morgred énonçait ce qui lui semblait être des évidences avec une froideur difficilement supportable. L’avortement avait beau être mal vu de la loi, aux yeux du petit peuple, il paraissait indispensable. Le pêcheur ne faisait pas exception à la règle et considérait la faiseuse d’anges comme un atout, plutôt que comme un fléau. Mais peut-être son propre positionnement, vis-à-vis de la loi, induisait-il ce jugement.

— Vous avez tort de point demander pardon : les Trois vous l’accorderez. Vous pourriez vivre moins accablée, avec votre sœur, présuma-t-il en fermant les yeux.

De l’avis du marin, n’importe qui pourrait voir la bonté en Clémence. Elle avait raison : elle n’était pas une mauvaise personne, seulement un être humain, obligé, par les dieux, à commettre d’horribles choses.
Combien d’actes, lui, avait-il commis sans y être contraint d’aucune manière ? Combien de regards détournés de la misère, du malheur et des souffrances, sans éprouver ne serait-ce qu’une once d’empathie ? Morgred n’avait pas même songé à adresser une prière à ces misérables. Jamais. Aujourd'hui encore, il ne le regrettait pas.
Seule sa famille importait. Elle seule importait, et pourtant, il n’était pas convaincu de la rendre heureuse. Quel père, quel époux était-il devenu ?

Clémence le surestimait.

— Elle s’appelait… s’appelle Ombeline, soupira-t-il finalement.

Et tout en attendant la chute du couperet, il ignorait encore ce qui serait le pire : qu’elle la connaisse ou ne la connaisse pas. Si la sage-femme la connaissait, la vie d’Ombeline prendrait une tournure que le pêcheur avait toujours dénié. À l’inverse, si elle ne la connaissait pas… Était-ce à dire qu’elle n’en avait pas eu l’occasion, faute d’accouchement ou d’avortement à réaliser compte tenu de précautions prises, ou faute de femme à accoucher ou avorter, tout simplement ?
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyMer 25 Aoû 2021 - 15:26
Clémence sourit en entendant les propos de cet inconnu qui pensait vraissemblablement que la sage-femme avait besoin d'être rassurée. Pourtant , ce n'était point le cas. La faiseuse d'ange assumait ses actes, simplement parce qu'il le fallait. Elle le devait à toutes les petites âmes qu'elle s'était permise d'emporter sans se préoccuper de la volonté des Dieux. Certes, Clémence avait ainsi aidé de nombreuses femmes. Des victimes, pour la plupart, qui avaient eu la malchance de tomber sur la mauvaise personne au mauvais moment. Mais aussi de pauvres femmes ayant déjà mis au monde une flopée d'enfants et dont le corps usé ne pouvait supporter une grossesse de plus. Elles avaient toutes de bonnes raisons de ne pas laisser ces grossesses se poursuivre. Néanmoins, jamais Clémence n'avait proposé l'acte, ce choix si rude, appartenait uniquement à ces femmes. Pourtant, c'était bel et bien la sage femme qui tenait l'aiguille. Elle savait parfaitement ce qu'elle faisait et comment réaliser l'avortement. Elle connaissait les risques et, il y en avait beaucoup. Certaines de ses patientes malchanceuses avaient d'ailleurs succombé à la fièvre après l'intervention de Clémence. Des vies perdues en supplément qui venaient immanquablement alourdir le bilan et le poids des remords de la sage-femme. Comment pouvait-elle demander pardon pour cela ?

-Non, aucun pardon ne peut m'être accordé, mais je l'accepte, c'est ainsi... déclara-t-elle en offrant un sourire quelque peu mélancolique. Mais je tiens à prier pour chacun d'eux. Ils le méritent...

En disant cela, Clémence marquait la clôture de ce débat qui ne pourrait jamais prendre réellement fin. La vie était ainsi faite, et il fallait accepter de n'être, finalement, qu'un instrument de malheur et d'injustice parmi tant d'autres. En faisant ce choix, la sage-femme avait soigneusement tiré un trait sur sa propre personne se contentant de répondre à ses besoins vitaux pour ne se consacrer qu'à son travail tout en veillant au bien-être de sa sœur. Elle croyait en Clarence, en son avenir qu'elle veillerait à préserver, toujours. Il n'y avait plus qu'elle qui comptait désormais… Seulement Clarence.

-Ombeline ... répéta-t-elle en essayant de réveiller sa mémoire. Ce prénom me dit quelque chose, je l'avais trouvé très beau… Mais ce n'était point l'une de mes patientes. Je ne pense pas l'avoir déjà rencontré… En revanche, si j'ai entendu parler d'elle, assez récemment d'ailleurs ce ne peut être que parce qu'elle est en vie. Rien ne vous empêche donc d'aller la voir, vous ne pensez pas ?
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyJeu 26 Aoû 2021 - 7:50
Entendre le nom de sa sœur dans la bouche d’une autre personne éveilla chez Morgred un tressaillement qu’il peina à dissimuler. Jamais, il ne parlait d’Ombeline. Pas même à Margot, exception faite d’une nuit lointaine, plus difficile que les autres. Une seule nuit en deux ans. Et depuis ? Le silence. La fuite.

Tordant inconsciemment ses doigts noueux, brûlé par le sel et le maniement des cordes, le marin écouta calmement les paroles encourageantes de la jeune femme, sans plus l'observer. Son regard était fixé droit devant lui, sur un point que lui seul voyait, probablement.

— Elle était jolie, admit-il finalement, sans rapport manifeste, des souvenirs que j’en ai, c’était une p'tite brunette aux yeux bleus, pleine de vie, qui posait... point problème. Dix ans nous séparent, et y a un frère entre nous deux, de deux ans mon cadet. Une fille, ça nous semblait inutile. À notre âge, c’était pire, encore. On a jamais été vraiment méchants avec elle, mais point gentils non plus. Elle voulait faire comme nous, être avec nous, mais à nos yeux, elle était embarrassante. Trop petite, trop lente, trop faible, énuméra-t-il en sortant de ses songes pour baisser ses yeux sur ses mains.

Ses doigts cessèrent de se tordre en des positions grotesques pour se replier sur des poings qu’il ferma à l’excès. Tremblantes de colère, ses mains menaçaient de s’abattre à tout moment.

— Quand elle a commencé à perdre la vue, ça a été de mal en pis… La suite, vous la connaissez.

Dans un soupir, le marin croisa ses bras sur son torse, le dos cloué au dossier du banc, son regard sévère dardé sur Anür. Après quelques secondes, il le reporta sur la sage-femme.

— Vous vous méprenez. J’ai été un mauvais frère, comme je suis aujourd’hui un mauvais mari et père. J’ai vendu ma sœur pour qu’elle fasse les corvées ménagères dans un bordel. Si vous avez entendu parler d’elle récemment, ça veut dire qu’elle y était encore, dans ce bordel… et elle était plus en âge de faire que le ménage, à ce moment-là, énonça-t-il avec cette froideur inconditionnelle.

Pourtant, pour la première fois, la colère se lisait sur son visage ; dans l’angle saillant de ses sourcils, dans la crispation de ses mâchoires et de tout le haut de son corps. Morgred devait se faire violence pour ne pas laisser exploser une rage trop longtemps tue, là, dans ce Temple, sous le regard des dieux et de cette étrangère.

— À sa place, vous voudriez me revoir, vous ? Alors que je suis à l’origine de l’existence misérable qu’elle a menée jusque-là ? grimaça-t-il, révulsé par ses propres actes, la retrouver, la revoir, à supposer qu’elle soit en bonne santé, ça me permettrait d’apaiser ma conscience. Et après, quoi ? Oublier ? Vivre de nouveau sans plus me soucier d’elle et de son existence ? Si elle m’a oublié, c’est tant mieux. Elle mérite pas de ressasser le passé, et il resurgira si elle me revoit. Moi, je mérite pas d’être apaisé. Pas encore. Peut-être jamais.

Dans son état de tension extrême, Morgred réalisa soudain combien il pouvait paraître agressif. Ce constat ne fit qu’attiser son courroux, mais au moins détourna-t-il les yeux de la jeune femme.

— Pardon. C’est point contre vous, que j’suis en colère.
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Clémence SarravilliersGuérisseuse
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyJeu 26 Aoû 2021 - 10:34
De nouveau, Clémence se perdit dans un profond silence entièrement destiné à lui offrir la meilleure écoute possible. Morgred se confessait, à elle, misérable pécheresse, meurtrière meurtrie qui ne méritait pas tant de confiance de la part d'un inconnu. Pourtant, l'accoucheuse se montrait particulièrement attentive aux paroles de cet homme torturé par ses souvenirs et ses remords. Non, il ne l'avait certainement pas oublié cette petite sœur, quand bien même disait-il le contraire. Au fond, il s'était simplement concentré sur sa propre vie, sur son présent comme beaucoup d'autres s'évertuaient à le faire. Malgré tout, tout en l'écoutant, Clémence ne put s'empêcher de songer à sa propre sœur. Elles avaient également dix années d'écart, autant de différences qui auraient dû les séparer et pourtant… Mais leur situation était bien différente. Les Sarravilliers ne manquaient de rien, autrefois. Leur père gagnait si bien sa vie que toute la famille pouvait jouir d'un grand confort. Beaucoup n'avaient pas cette chance…

Ils étaient nombreux à manquer de nourriture, de confort ou encore de sécurité. La misère a toujours été une bien mauvaise conseillère et il suffisait de marcher dans les bas-quartiers pour le comprendre. Que faire lorsque l'on est sans le sous et que le nombre de bouches à nourrir est plus important que nos propres moyens ? Que devons-nous faire pour préserver le plus grand nombre… Pour assurer notre propre survie ? Oh non, Clémence ne le jugerait certainement pas pour ce choix fait il y avait des années de cela car il ne l'avait pas fait de gaîté de cœur… Il ne l'avait pas fait sans raison non plus. Au fond, même si l'acte pouvait sembler ignoble, en vendant cette petite fille, il avait assuré sa survie et sa sécurité. Les maisons closes étaient bien gardées, du moins pour la plupart, et les matrones traitaient plutôt bien leurs employés. Mais il avait raison sur un point : vu l'âge que devait avoir la fameuse Ombeline à présent, en étant aussi jolie, celle-ci ne devait certainement plus ne se charger que du simple ménage.

-Non, il est vrai ...

Devait-elle réellement lui expliquer le fonctionnement d'une maison close ? Pouvait-elle lui dire que sa sœur, en ayant été achetée par celle-ci, se devait de régler sa dette à la Maquerelle ? La maison n'était jamais perdante dans un achat. Les gamines se chargeaient des tâches ménagères, certes, mais tout ce qu'elles consommaient ou utilisaient était consigné sur un registre. La moindre carotte, le moindre bout de savon, le moindre morceau de tissu venait gonfler le montant de leur dette … Une dette qui ne pouvait être affranchie que bien plus tard, quand la gamine deviendrait adulte et participerait plus activement au bon fonctionnement du bordel. Non, Clémence ne pourrait certainement pas lui expliquer tout cela et lui avouer qu'en vendant cette petite fille, sans doute pour une bien maigre somme, il l'avait condamnée à vivre une vie où elle se devrait d'être constamment redevable de la moindre chose. Beaucoup mourraient rapidement, emportée par des maladies honteuses, des avortements ratés ou des accouchements difficiles. Pourtant, ce ne pouvait être le cas de sa jeune sœur puisque Clémence avait entendu parler d'elle.

-Cessez donc de vous auto flageller, Morgred. Ce n'est certainement pas à vous de vous juger ainsi. Et puis, si tel est vraiment le cas, rien ne vous empêche de tout faire pour vous rattraper, autant auprès de votre épouse, de vos enfants que de votre sœur. Je ne peux vous dire ce que je ressentirais ou voudrais à sa place, je ne suis pas Ombeline. Je ne suis que moi… et je n'ai pas vécu sa vie et… Vous non plus d'ailleurs.

Clémence, toujours aussi compatissante, veilla à lui offrir un sourire aussi rassurant qu'encourageant. Elle osa même venir lui prendre doucement la main pour l'entourer de cette chaleur que Clarence appréciait tant.

-Vous n'avez aucunement le droit de vous restreindre ainsi simplement par peur d'être rejeté. Vous ne pouvez savoir ce que votre sœur a dans le cœur, c'est impossible… Pas tant qu'elle ne vous l'aura pas dit elle-même. Et ce serait dans son droit de vous en vouloir, de vous haïr peut-être… ou peut-être pas. Elle peut très bien aussi comprendre les raisons qui vous ont poussé à la laisser là. Elle peut aussi comprendre que vous étiez dans une telle situation à ce moment-là que vous n'aviez pas d'autres choix… Ou elle peut aussi avoir besoin de vous rencontrer pour que vous puissiez lui expliquer tout cela et lui demander pardon. Elle est en vie et c'est une chance, Morgred, affirma-t-elle en serrant un peu plus sa main calleuse et rèche. Nous ne sommes pas certains que les morts puissent réellement nous entendre, mais les vivants eux le peuvent.
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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyJeu 26 Aoû 2021 - 13:52
Morgred fonça davantage les sourcils, tant sous le coup de la contrariété que de la réflexion. Clémence disait vrai : rien ne l’empêchait de se rattraper. Sinon auprès d’Ombeline, au moins auprès de Margot et de ses filles. Qu’il s’astreigne au malheur, soit, mais pourquoi devait-il l’imposer à ses proches ?

Lorsqu’une enveloppe de chaleur et de réconfort enserra sa main, le pêcheur ressentit un interminable frisson lui parcourir l’échine.
Bientôt, pourtant, la douce tiédeur devint intolérable brûlure. Le cocon de douceur, entrave insupportable.

Vivement – plus que qu’il ne l’aurait souhaité –, il retira sa main de celle de Clémence et se releva d’un bloc, le poing serré.

Dans son carcan de solitude, chaque contact s’improvisait intrusion. Il supportait de moins en moins les manifestations de réconfort et de douceur. Margot avait déjà le plus grand mal à l’atteindre. L’effet était plus saisissant encore à l’initiative d’une femme dont il ignorait presque tout.
Pourtant, les paroles de la sage-femme se répercutaient en écho en lui, pour le guider jusqu’à une meilleure compréhension de lui-même et de la situation dans laquelle il se trouvait.

Morgred ne cherchait nullement compassion, compréhension et réconfort.

Il escomptait un jugement implacable, à même de le terrasser. Il attendait qu’on abonde en son sens, qu’on l’accable, qu’on le mette au pied du mur et lui fasse réaliser, plus perceptiblement encore, toutes les souffrances qu’il causait aux autres. À Ombeline. À Margot. À Béatrice, Eulalie, Philippa.

Il ne souhaitait aucune caresse, tendresse ou étreinte.

Il aspirait aux coups et au rejet sans les redouter. À la souffrance, plus palpable, plus concrète. Souffrir pour extérioriser ce qu’il gardait en lui. Pâtir pour expier.

— Pardon, réitéra-t-il, telle une litanie, merci d’avoir pris de votre temps pour m’écouter, Clémence. Merci pour vos conseils, aussi. Certaines choses… sont plus claires.

Les yeux rivés au sol, raide au possible, Morgred plissa les paupières.

— Que les Trois vous protègent, vous, et votre sœur. Et si vous vous perdez au port, un jour… Passez. Je vous réserverai mes meilleures prises.

Sans un regard de plus pour cette femme, dont la patience n’avait d’égale que la bonté, le pêcheur remonta l’allée des bancs jusqu’à la haute porte du temple qu’il franchit en silence, talonné par ses cauchemars et regrets.

Des cauchemars et regrets qu’il s’acceptait néanmoins, à présent. Au moins dans une certaine mesure.
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Clémence SarravilliersGuérisseuse
Clémence Sarravilliers



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MessageSujet: Re: Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé]   Confessons nos cauchemars pour les chasser [Terminé] EmptyJeu 26 Aoû 2021 - 14:33
Peu étonnée par la réaction brutale de l'homme, Clémence se contenta de baisser la tête tout en plaçant ses mains sur ses cuisses. Elle était allée trop loin et le savait pertinemment, alors comment pouvait-elle en vouloir à cet inconnu de la rejeter ainsi ? Il aurait été bien bête de ne pas le faire, après tout, qui était-elle pour lui parler ainsi, allant même jusqu'à le toucher… Elle n'était pas prêtresse, pas même assez pure pour donner ce genre de conseils bien trop intrusifs pour être seulement acceptable.

Malgré tout, l'homme resta poli malgré sa colère parfaitement perceptible, mais qui ne semblait pas dirigée contre elle, du moins pas directement. La sage-femme déglutis tout en baissant la tête en guise de salut. Un adieu silencieux qu'il ne remarquerait probablement pas puisque l'homme évitait soigneusement de la regarder. Elle entendit son invitation tout en sachant parfaitement que jamais elle ne se rendrait au porc pour y quémander un poisson. De toute façon, Clarence y avait ses habitudes et ses connaissances, Clémence ne se mêlait donc jamais de ce genre de chose. Elle ne le reverrait donc probablement pas, mais qu'importe. Cet homme-là avait vraisemblablement des affaires à régler avec lui-même et pour cela, la sage-femme ne pouvait strictement rien pour lui. Elle le laissa donc partir sans rien ajouter. Peu encline à lui donner une mauvaise impression sur ses propres intention, la sage-femme resta assise seule sur le banc, attendant d'être certaine qu'il fut bien parti avant de s'autoriser à faire de même.

Et c'est ainsi que Clémence regagna sa demeure familiale, le cœur lourd de s'être laissée aller à tant de familiarité envers un parfait inconnu. Mais cette bien désagréable sensation fut bien vite balayée par le sourire et la tendresse de sa petite sœur. Non, Clémence n'était point un être nuisible et Clarence savait parfaitement chasser ses bien sombres pensées. Elle oublierait cette bien fâcheuse rencontre quand bien même lui aura-t-elle laissé un arrière goût amer. Elle n'en voudrait pas non plus à cet homme et espérait que ce dernier sache faire la paix avec lui-même. Elle l'espérait même grandement.
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