Une simple escorte

Sujet: Une simple escorte Mer 15 Sep 2021 - 23:39

14 avril 1167
Les De Crèvecoeur, c’est un nom qui me parle, de la très anciennenoblesse, ayant combattu aux confins du Royaume, sans jamais faillir, les trois hommes de la famille ayant même péri aux côtés du précédent Roi. C’est pourquoi, quand j’ai reçu une lettre, aux armes de cette célèbre lignée, je n’ai pas hésité une seconde et je suis allé jusqu’au quartier noble, l’Esplanade, accompagné de mon jeune suivant, Milas.

Ils ont été récompensés pour tous leurs sacrifices par une belle demeure et c’est donc dans ce cadre privilégié que je suis reçu par la cheffe de famille qui souhaite m’embaucher pour une opération bien spéciale, escorter sa fille, une dénommée Darine, prêtresse de Rikni, chez un riche prétendant. Il y a là une belle récompense à la clé et j’avoue être assez fier que ma Guilde soit assez connue et respecté pour que l’on me propose ce genre de contrat.

Bien sûr, j’accepte et je décide même de faire l’escorte moi-même, mes hommes n’étant pas encore formés aux règles de base de l’étiquette. Nous prenons donc le chemin du Temple, me demandant bien à quoi elle peut bien ressembler, la plupart des servantes de la déesse de la Guerre ont un sacré caractère et si en plus, c’est une noble, le mélange risque d’être explosif.

C’est donc avec un peu d’appréhension que j’entre dans le bâtiment consacré aux Trois et après avoir déposé mon épée à deux mains à l'entrée, commele veux l'usage, je demande à un prêtre :

Je suis Desmond de Rochemont, on m’a envoyé chercher Damoiselle Darine De Crèvecoeur.

Je vois l’homme hocher la tête et partir sans un mot dans les profondeurs du Temple. Pour ma part, toujours accompagné de mon jeune page, je pars déposer une offrande, un petit bijou reçu en paiement pour une escorte de convoi, aux pieds de la statue de la déesse serpent, priant silencieusement pour que tout se passe bien et que celle que je vais rencontré ne soit que douceur.

Sujet: Re: Une simple escorte Ven 17 Sep 2021 - 13:45

L’écho des pas réguliers de Darine annonçaient sa venue. Il se répercutait contre les pierres du Temple, précédant son ombre que les candélabres de la grande salle de prière intensifièrent. Sous les voûtes hautes et l’immensité de la pièce, la silhouette de la jeune prêtresse parut minuscule lorsqu’elle apparut enfin. Une robe de soie noire drapait ses courbes et un voile sombre, translucide, masquait ses cheveux et sa figure; on décelait au travers du tissu, la couleur ambré de ses yeux. Le reste sollicitait un peu d’imagination. Seules ses mains soignées dépassaient de sa tenue dont les coutures épousaient sagement ses formes. Sous le voile léger qu’elle portait, sa masse de cheveux sombre semblait flotter.

Elle contourna l’autel dédié à Rikni au moment même où Desmond posait l’offrant. Elle s’arrêta alors à quelques mètres du duo, détaillant les deux hommes avec attention. Avant l’aube, une missive lui était parvenue depuis le quartier de la noblesse duquel sa mère manigançait une future alliance pour sa fille. Il lui avait été demandé de se préparer afin de rencontrer un prétendant, un peu loin des limites que la jeune fille connaissait : ce qui nécessitait forcément une escorte. Le page s’inclina subitement et elle cligna des yeux, faisant légèrement trembler la tulle noire qui couvrait sa figure.

- Il est rare de voir de si jolies offrandes pour Rikni, commenta-t-elle doucement en se penchant vers le petit bijou brillant, sans le toucher toutefois.

La lueur soufflée par les chandeliers jetait des ombres dansantes sur sa silhouette, et derrière son voile, elle souriait.

- Vous semblez être un homme de foi, reprit-elle après s’être redressée par aviser l’ancien chevalier et contempler sa carrure guerrière. Une carrure qui, pensait-elle, devait plaire à la déesse combattive. Je suis Darine de Crèvecoeur, votre « paquet ». Celui qui doit, voyez-vous, arriver à bon port. Je déteste les ronds de jambes, alors, vous serez prié de me nommer Darine, s’il vous plaît. (Elle se tourna vers le page pour poursuivre, comme si elle devinait le tempérament du jeune homme) Pas de Prêtresse. Pas de Mademoiselle. Pas d’autres dénominations que le nom dont on m’a baptisé.

Sa voix était douce, malgré ses mots arrêté. A chaque souffle, devant ses lèvres maquillées, son voile se soulevait, laissait entrapercevoir peut-être, un trait de ce minois brouillé de mystère.

- Je n’ai pas bien compris où nous devions nous rendre, mais je vous offre ma confiance.

Avait-elle seulement le choix de toute façon ?

- Comment préférez-vous que je vous nomme ?

Sujet: Re: Une simple escorte Ven 17 Sep 2021 - 17:10

Nom d’une pipe en bois ! Quand j’entends la voix d’une demoiselle, je me retourne et je peux voir une des plus jolies femmes qui m’a été donnée de voir. La robe de prêtresse ne peut cacher complètement sa silhouette que j’imagine être sans défaut et ses yeux d’ambre ressemblent à de l’or. Bref, je comprends maintenant pourquoi sa mère veut que je la protège, il s’agit d’une magnifique femme !

Milas, comme je lui ai appris, a fait une belle révérence et j’en fais de même quoique moins appuyé, me considérant comme faisant partie de la Noblesse, même si j’ai perdu de manière très temporaire mon titre. Je l’écoute m’indiquer comment je dois la nommer et je fronce un peu les sourcils, surpris devant ce manque de convention, mais j’attends qu’elle ai terminé de parler avant d’ouvrir la bouche :

Je pense que je vais avoir un peu de mal à vous appeler simplement Darine, mon éducation a été très religieuse comme vous l’avez remarqué et je ne crois n’avoir jamais une prêtresse par son prénom, est-ce que sœur Darine vous conviendrai ?

C’est comme cela que j’appele Edwige, ne pouvant pas, même après de multiples aventures vécues ensemble, l’appeler comme si nous étions amis. Je continue ensuite sur ma lancée :

Nous allons dans le quartier de la Hanse, je dois vous mener chez un certain Léonard de Vinci, un très riche marchand, âgé d’une cinquantaine d’années et veuf.

Voilà, j’ai donné toutes les informations en ma possession, je dois juste rester à proximité et ne pas quitter la jeune femme des yeux, la demoiselle doit encore être pucelle et elle ne veut que rien ne puisse entacher la réputation de sa fille. Pour le dernier point, il est facile à satisfaire et je lui dis en souriant :

Je suis Desmond de Rochemont, vous pouvez m’appeler Desmond et voici mon suivant Milas. La Duchesse m’a également demandé de vous informer qu’une robe vous attend chez le tailleur habituel.

Je lui laisse le temps de digérer toutes ses informations et quand elle sera prête, je l’escorterai à travers les rues de Marbrume, veillant sur elle comme sur la prunelle de mes yeux.

Sujet: Re: Une simple escorte Ven 17 Sep 2021 - 21:26

Aucune expression ne vint perturber son minois aux dires du mercenaire. Elle s’était attendue à ce que sa mère privilégie des vieux hommes impotents, que l’âge et l’impuissance rendaient moins regardant envers une femme présumée infertile. Darine serait le choix des secondes noces, pour des prétendants qui avaient déjà goûté à la satisfaction d’être pères et qui ne recherchaient désormais plus que la chaleur des cuisses d’une femme, ou un peu de compagnie. Toutefois, elle n’avait pu réprimer un frisson de dégoût le long de son échine et s’était évertuée à rester impassible, et à ne pas songer à l’humiliation de savoir que sa mère avait donné tant d’informations à un inconnu.

- Desmond, Milas, je vous remercie donc de votre protection; en échange, je vous offre celle de Rikni, puisque la Duchesse, ma mère, s’occupe de vous offrir le reste.

A comprendre, la monnaie. Darine n’était pas dupe, encore moins depuis la Fange. Elle savait parfaitement que la richesse gouvernait encore ce monde, car elle ouvrait les portes à ce qui avait cruellement manqué durant les deux dernières années d’horreur. Elle tâcha de ne pas penser au fait que le noble et son page étaient payés pour la protéger. Tout ce monnayait, même les services du Temple. Elle avait appris à l’accepter.

Elle les dépassa de son pas gracieux, avant de se retourner vers leurs silhouettes. Dans son dos, l’entrée du Temple laissait filtrer une lumière diurne qui auréolait sa personne.

- Soeur Darine me convient, finit-elle par préciser.

D’un geste élégant de la main, elle fit signe à Milas d’approcher. Le jeune garçon sembla hésiter, mais on ne pouvait, à son âge, refuser la demande d’une prêtresse. Il lança une oeillade à son aîné avant de marcher aussi dignement que possible vers Darine qui détachait l’un des bracelets en fer qu’elle portait autour du poignet. C’était la représentation de trois serpents entrelacés et elle présenta le bijou devant les yeux du page.

Une bénédiction de la redoutée et redoutable déesse Rikni, pour un futur guerrier, ajouta-t-elle en cueillant la jeune main pour lui passer le bracelet. Ne le perdez pas, Milas. Et beaucoup de choses se réaliseront pour vous.

Sur le parvis du Temple une activité journalière frémissait. Des silhouettes allaient et venaient, des prêtres, prêtresses, serviteurs du Temple ou fidèle. La foule n’était pas trop dense, mais assez compacte pour que Desmond et son jeune page ne quittent pas l’ombre de Darine. Alors qu’ils s’éloignaient du Temple, direction le tailleur, s’apprêtant à affronter les rues de Marbrume, elle lorgna vers le mercenaire aguerri. Les rayons solaires frappaient le voile de la prêtresse, laissant mieux apercevoir sa figure au travers.

- Que voudriez-vous que les Dieux vous offrent, Desmond ? La Richesse, la force ? Je me demande, ce qui peut manquer à un homme tel que vous, que la renommée précède. La Duchesse n’aurait jamais fait appel à l’amateur.

Autour de leur petit groupe, les rumeurs de la cité vibraient dans l’air : cris de marchands, rires, apostrophes grasses, discussions animées; le tout sur un fond sonore du quotidien.

- Et surtout, que feriez-vous en cas d’échec ? Sourit-elle, comme si elle lui soumettait une énigme à résoudre. Si je n’arrivais pas à atteindre mon prétendant en un seul morceau.

Sujet: Re: Une simple escorte Ven 17 Sep 2021 - 22:50

J’accueille avec une grande satisfaction la protection de Rikni, c’est le genre de chose dont on n’a jamais assez dans sa vie. Sœur Darine, puisqu’elle a accepté que je la nomme ainsi, offre un bijou à Milas et ce dernier lui fait un grand sourire en lui disant, très fier de lui :

Messire m’a déjà appris à me battre.

Il lui montre la dague, toujours dans son fourreau et lui dit :

Ne vous inquiétez pas, tant que vous resterez à mes côtés, nul ne vous fera de mal !

Je l’ai rarement vu aussi motivé, mais recevoir un cadeau d’une aussi belle femme lui a retourné le cerveau et je dis à la prêtresse :

Vous venez de vous faire un protecteur pour la vie.

J’ai moi aussi droit à la bienveillance de la jeune prêtresse et après quelques instants de réflexions, faisant attention à ce qu’aucun gueux ne percute ma protégée, ce qui est assez simple, les gens faisant bien attention en voyant mon armure de plaque et mon épée à deux mains, je lui réponds :

J’ai besoin de beaucoup de choses, même si j’ai déjà de nombreux biens, je veux encore plus, et si les Dieux veulent bien m’aider à les acquérir, ce seraient très aimable de leurs parts.

Je prie d’ailleurs tous les jours pour cela, je continue donc :

Il faut que je devienne plus fort pour vaincre les fangeux, plus riche pour réaliser mes objectifs, plus intelligents pour gérer mes affaires. Mais ce n’est pas tout, je voudrais également me marier et avoir des enfants, bref, il va me falloir beaucoup de bénédiction ma sœur.

Elle me pose ensuite une question à laquelle je ne m’attendais pas, mais cette fois-ci, il est inutile que je réfléchisse plus d’une seconde pour lui répondre :

Je vous vengerai bien sûr, je tuerai ceux qui vous ont fait du mal, puis je tuerai tous les commanditaires et tous ceux qui ont trempé de près ou de loin à votre mort. Enfin, je prierai pour votre âme.

Voilà, c’est aussi simple que cela, mais cela n’arrivera pas et je lui dis :

Je ne sais pas faire grand-chose, à part me battre, alors soyez tranquille, j’ai le titre de meilleur épéiste à deux mains de Marbrume et je peux vous assurer que j’ai escorté de nombreuses personnalités au cours des années, en plus, nous sommes deux.

Milas bombe le torse et je suis certain qu'il donnerai sa vie pour la protéger.

Sujet: Re: Une simple escorte Sam 18 Sep 2021 - 18:25

La venger. Elle se demandait si c’était l’honneur, ou si le prix que la Duchesse avait payé était assez conséquent pour laver un échec. En se frayant un chemin dans les dernières artères bondées du quartier du Temple, elle songeait à ce que Desmond lui avait répondu. Rien ne l’étonnait dans les aspirations du mercenaire auquel elle avait opposé un simple silence que les clameurs populaires avaient terrassé. Sous le soleil incertain, les plaques de l’armure de son garde du corps luisaient dangereusement et rappelaient à quel point la populace étaient faible face à ceux qui avaient été béni d’une haute naissance et de la grâce de Rikni.

- Je ne doute pas de votre travail, ni de vos compétences Desmond. Encore moins de celles du jeune Milas, finit-elle par répondre. Je me demande simplement si vous ne devez pas vous ennuyer; un homme de votre trempe, taillé pour le combat, mériterait de meilleurs gloires qu’accompagner une jeune pucelle vers son destin funeste, ne trouvez-vous pas ? Mais je présume que le jour où une prétendante vous sera proposée, vous tiendrez à ce qu’elle dispose de la même protection. La Trinité semble en bonne voie pour vous appuyer et vous bénir, je ne doute pas qu’une épouse à votre hauteur se présentera bientôt, si la grande Anür le souhaite. Nous arrivons.

Du temps qu’elle avait discouru, ses pas s’étaient faits plus déterminés. Rencontrer un prétendant était toujours une perte de temps et d’énergie. Ce que la Duchesse dépensait en séduction, diplomatie et verve pour vendre sa fille, Darine le dépensait pour repousser ces probables fiancés. Le mariage ne la répugnait pas, mais elle se voyait mal servir les desseins de Rikni aux bras d’un homme aussi inconséquent que ce riche marchand. Milas jetait des regards avertisseurs aux passants qui les frôlaient de trop près, s’assurait que les pas de la prêtresse ne croise pas ceux d’un gueux, mais la plupart des sujets avaient assez de bons sens pour s’écarter avec déférence : une noble prêtresse et un ancien chevalier; il fallait être sûr de ses moyens pour oser défier un tel duo.

Le tailleur attitré des Crèvecoeur officiait aux frontières de La Hanse, entre un orfèvre et un cordonnier. La devanture de sa boutique était fraîchement repeinte; une lubie de la Duchesse qui avait déboursé un peu plus sur sa dernière toilette afin que le tailleur puisse redorer un peu sa vitrine et faire honneur à sa clientèle. Un mendiant estropié réclamait la générosité des passants à l’ombre du commerce. A leur approche, Milas le chassa afin d’être sûr qu’il n’importunerait pas la prêtresse. Cette dernière le félicita d’un sourire à peine visible derrière son voile sombre. Enfin, ils poussèrent les portes de la boutique et furent accueillis par la silhouette élancé d’un bourgeois, à la robe pourpre et verte. Une moustache grisonnante lui grignotait la lèvre supérieure. Un mètre ruban était enroulé autour de son poignet qui s’agitait sans s’épuiser.

- Demoiselle de Crèvecoeur ! Toujours un ravissement de vous accueillir. Sire de Rochemont, les salua-t-il avec une révérence exagérée. Votre robe est prêtre, bien sûr. Je me suis renseignée sur les goûts du Sieur de Vinci, il apprécie les couleurs chaudes. J’ai reçu une soie, teintée d’un bleu qui ira parfaitement avec vos yeux magnifiques.

Parce que dans ce monde, le bleu était considéré comme une couleur chaude. Il l’invita d’un geste à se rendre dans l’arrière-boutique à l’abri des regards impudiques. Parce que Milas faisait déjà un pas vers cette même direction, l’artisan toussota.

- Jeune Sire, Demoiselle de Crèvecoeur ne peut être en présence de regards masculins durant son essayage.

Comprenant les implications d’une telle information, les joues du page rosir légèrement.

- Ils sont là pour veiller à ma sécurité, je ne pense pas qu’ils me laisseront m’éloigner aussi aisément, souffla-t-elle derrière son voile, cachant son amusement face à la moue perplexe du tailleur. Dîtes-moi, Desmond, savez-vous combattre les yeux bandés ? Un combattant tel que vous doit avoir ses sens aiguisés, me trompé-je ?

Sujet: Re: Une simple escorte Sam 18 Sep 2021 - 20:30

La prêtresse m’a très bien cerné et je suis vraiment étonné par son intelligence, je lui en fais d’ailleurs compliments :

Vous êtes doté d’une sagacité rare, vous avez lu en moi comme dans un livre ouvert. Avant l’arrivée de la Fange, j’étais responsable de mon village, j’avais un petit castel non loin de Marbrume et je participai à des tournois, des guerres entre suzerain, bref, c’était la belle vie.

Et j’ai tout perdu en l’espace d’une nuit, mais je ne vais pas lui dire cette dernière phrase, elle semble déjà d’humeur assez morose, car elle pense que je la conduis à l’échafaud, alors je continue en souriant :

Depuis j’ai quand même créer la Guilde des Boucliers de Marbrume, composé d’une dizaine de mercenaires, mais pour ce genre de mission qui demande une certaine dose de finesse et de connaissance de l’étiquette, je me déplace moi-même.

Mais je n’ai guère le temps d’en dire plus, car mon accompagnatrice m’informe que nous sommes arrivés à notre première destination. La boutique est propre et après que Milas ai chassé un vulgaire clochard, manifestement bien fréquenté. Nous sommes bien accueillis par le marchand qui me reconnaît également et nous informe que la demoiselle doit bénéficier d’un peu d’intimité, ce que je comprends tout à fait.

C’est pourquoi je m’apprête à sortir quand j’entends une bien curieuse demande et je lui réponds :

Oui, je sais assez bien combattre en aveugle, l’important, c’est de concentrer sur les bruits environnants, mais pourquoi cette question ?

Juste quand je finis ma phrase, je trouve de moi-même la réponse et je rougis d’un coup, avant de dire avec difficulté :

Il ne serait guère séant pour moi de venir avec vous, même les yeux bandés, enfin vous comprenez je…

J’ai du mal à finir ma phrase et je regarde nerveusement le bout de mes chausses avant de finalement prendre mon suivant par le bras et d'indiquer précipitamment à la jeune femme :

On va vous attendre dehors.

C’est donc presque en courant que nous sortons de l’échoppe et je peux enfin respirer un grand coup, il me faut une minute pour que mon visage retrouve un teint normal et j’indique à Milas, lui tendant une pièce :

Va nous chercher trois piques avec des boulettes de viande, tout ceci m’a donné grande faim !

Sujet: Re: Une simple escorte Sam 18 Sep 2021 - 21:19

- Demoiselle de Crève, adorée prêtresse, pardonnez-moi cette remarque mais, Sire de Rochemont a visiblement meilleure raison que vous. Vous ne vous imaginiez tout de même pas, votre grâce, vous changez avec ces deux hommes près de vous ! Se lamenta le tailleur en secouant la tête, scandalisé. Il remerciait les Trois que Desmond eût fait preuve de jugeotte.

Darine poussa un léger soupir et retira son voile sombre, délivrant sa figure ainsi que sa chevelure sauvage du carcan de tissu. L’artisan fit une nouvelle révérence face à la découverte du visage de sa cliente, comme un hommage à sa beauté.

- Merci, Henry. Dépêchons-nous, je ne veux pas faire attendre ce magnifique jeune homme, vigoureux et courageux qui m’attend dans l’espoir de m’épouser, railla-t-elle avec un brin de sarcasme vibrant dans sa jolie voix, bien qu’une lueur de tristesse abîma l’or de son regard.

Elle se dirigea donc vers l’arrière-boutique, immédiatement talonnée par une servante des lieux, assistante d’Henry, qui referma d’épais rideaux opaque pour protéger la pudeur de la prêtresse. Le tailleur lui vola vers un nouveau client, mais gardait un oeil précieux vers les tentures qui séparaient la prêtresse de son magasin, surveillant qu’aucun curieux n’ai l’idée saugrenue ou suicidaire de se faufiler.

Des bougies éclairaient l’endroit qu’aucune fenêtre ne venait illuminer. Cette minuscule pièce faisait office à la fois de lieu de stockage et d’essayage. Les prunelles de la religieuse tombèrent enfin sur la robe, figée autour d’un mannequin de bois aux proportions semblables aux siennes. La soie bleue s’agrémentait de velours azuré et des liserais noirs accompagnaient les coutures, décorés de végétaux argentés. L’habit était accompagné d’un manteau de la même teinte afin de protéger ses épaules et son dos dénudés pudiquement par la coupe de la robe.

- Je vais vous aider, Demoiselle, souffla avec respect la servante qui s’attela à défaire la robe religieuse et noire de Darine.
- Prenez garde à cette toilette, l’avertit-elle d’un ton sévère, je tiens à ce qu’elle ne se froisse pas.
- Bien sûr, Demoiselle.

L’obéissance de la domestique, d’un certain âge, était reposante. Darine avait l’habitude d’être obéi. Les serviteurs du Temple étaient élevés dans la soumission aux religieux et cette habitude avait rendu la jeune prêtresse irritable lorsque ses ordres n’étaient pas suivis ou que l’on résistait à ses volontés. Progressivement, le tissu noir qui couvrait son corps coula le long de ses courbes, dévoilant sa peau irisée, aussi lumineuse que du miel, aussi exotique qu’un pays lointain, reflétant l’ambre de ses yeux. A l’abri de ces quatre murs, Darine mettait à nue son être, peut-être même son âme et aucun témoin ne pouvait attester de ses mensurations harmonieuses ou de son air mélancolique. Durant tout l'habillage, elle songea à combien la Duchesse avait dû dépenser pour que cette rencontre réussisse, une escorte renommée, une robe aux tissus coûteux. Inès de Crèvecoeur ne lui pardonnerait pas si cette union n'aboutissait pas. Si Darine gâchait tout, elle enverrait au néant un coûteux investissement.

La clochette de la boutique tinta lorsque le tailleur ouvrit la porte à la demoiselle de Crèvecoeur. Le bruit de la rue assaillit soudainement ses oreilles.

- Au plaisir de vous revoir, Demoiselle de Crèvecoeur. Le bleu vous sied à merveille.

Il fit un signe agacé et l’un de ses assistants se dépêcha de remettre un paquet à Milas: les vêtements noirs de la prêtresses, soigneusement pliés. Le travail de garde du corps était parfois ingrat. Face à Desmond, Darine demeurait calme et tâchait d’ignorer les regards de quelques insolents ou téméraires, qui se permettaient d’admirer la jeune femme dont le visage découvert, les lèvres écarlates, les yeux étincelants et les pommettes hautes subjuguaient. Puis, il y avait cette robe et son manteau dont l’azur la recouvrait comme un océan.

- Je me demande, Desmond, articula-t-elle après une dernière courbette du tailleur qu’elle ignora. Est-ce une robe que vous aimeriez voir sur votre prétendante ? Ou bien Henry a-t-il eu mauvais goût ? D’ailleurs, quelle couleur appréciez-vous ? Mise à part, le rouge du sang de vos ennemis, bien sûr. Epatez-moi donc avec votre sens de la finesse et votre connaissance de l’étiquette.

De sa manche, elle tira un carré de soie et se pencha vers le jeune Milas pour lui tamponner doucement le coin de la bouche où de la graisse de boulette de viande était restée. Les joues du page rosirent à nouveau face à cette attention.

Tenue de Darine:

Sujet: Re: Une simple escorte Sam 18 Sep 2021 - 22:46

Le bruit d’une clochette me fait me retourner et j’avoue avoir été saisi. Bien sûr, j’avais deviné que j’avais devant moi une très jolie femme, mais je ne pensais pas à ce point-là. Je remarque à peine que Milas hérite d’un paquet tellement je contemple la magnifique jeune femme qui est devant moi, ses courbes sont tout simplement parfaites et ses yeux maintenant sans voile, étincellent de mille feux, bref, j’ai devant moi la perfection faite femme.

Ce n’est que quand elle m’adresse la parole que je me réveille enfin et je lui réponds en souriant jusqu’aux oreilles :

Oui, si un jour les Dieux daignent m’accorder une épouse, c’est vraiment le style près du corps que j’aime beaucoup. Elle vous va très bien et cet Henry connaît son métier, c’est certain.

Avec un modèle pareil, c’est assez facile, mais je ne suis pas au bout de mes peines, car l’autre question est plus difficile et après un instant de réflexion, je lui indique :

Je pense que c’est le blanc, j’ai tendance à m’habiller souvent en noir, du moins quand je ne suis pas en armure et je pense que nous ferions un beau couple ainsi.

Je souris une seconde à cette idée, puis je me souviens de la nourriture que j’ai apportée et je tends une brochette à la religieuse transformée en princesse de conte de fée, tout en lui précisant :

J’ai pensé que vous auriez faim.

Je sais qu’ils ne mangent pas beaucoup au temple, alors je préfère prévoir, j’attends la réaction de mon interlocutrice, puis nous reprenons la marche. Au bout de quelques minutes, n’y tenant plus, je lui demande :

Vous aviez parlé tout à l’heure de destin funeste, j’avoue être un peu curieux. Léonard de Vinci est un marchand réputé, qui pourra vous offrir tout ce dont vous avez besoin et je suis sûr que vous pourrez avoir de nombreux enfants ensembles.

Elle a tout pour être heureuse, alors pourquoi ne pas sourire à la vie ?

Sujet: Re: Une simple escorte Dim 19 Sep 2021 - 8:49

Elle avait accepté la nourriture et avait grignoté la chair des boulettes, morceau après morceau tout en écoutant attentivement les réponses du mercenaire. Elle constatait qu’il était galant, malgré son goût prononcé pour le combat et ses ambitions nombreuses. Mais Darine était une prêtre, certes jeune et nouvellement consacrée, mais elle avait appris à adoucir les esprits; il était rare qu’un fidèle s’adressât mal à elle, ou à un membre du culte en général.

- Il est vrai qu’il pourrait m’offrir de nombreuses choses, mais parmi toutes ces choses aucune que je désire véritablement. Au Temple, je me suis habituée à me contenter du peu. Je suis une suivante de la grande Rikni; je veux me destiner à un homme digne d’elle. Ce Léonard n’a sans doute jamais tenu une lame dans sa main, ni fait couler le sang. Ce serait une honte pour ma déesse et un déshonneur pour mon père et mes frères morts au combat que de m’offrir à un homme sans éducation martiale. La Duchesse est peu regardante sur mes prétendants, car elle a visiblement besoin de richesses et de biens. Elle ne pense pas comme moi.

Toute sa jeune vie, Darine avait grandi entouré d’hommes aristocrates dont la vocation première était le combat, la protection du Royaume. Sans succès, elle avait tenté de les imiter avant d’être remise à sa place de femme. Puisqu’elle ne pouvait donc les égaler en se battant, elle avait décidé quelque part, que si elle devait avoir un époux un jour, il devait leur ressembler; être fort et savoir salir ses mains du sang de ceux qui le défiait. L’artère qu’ils avaient emprunté déboucha sur une petite place où une une petite fontaine centrale faisait office de puits pour les habitants du quartier. Elle s’y dirigea et repéra un endroit où les femmes n’étaient pas agglutinées pour remplir leur sceau afin de s’asseoir et de terminer calmement le repas que Desmond lui avait offert. Non pas qu’elle était fatiguée de marcher, mais elle n’était pas particulièrement pressée d’arriver à bon port. On s’écarta d’elle quand l’ancien chevalier et son petit page s’approchèrent, créant un étroit périmètre de sécurité.

- Passeriez-vous votre vie avec une femme de quarante années votre aînée ? Qui ne connaît rien des coutumes de la noblesse ? Qui ne saura pas protéger votre foyer en votre absence ? Qui ne saura pas éduquer vos….enfants ? Et bien, pour ma part, c’est au-delà de mes forces. J’ai tenté, déjà, de l’expliquer à la Duchesse, mais elle ne veut rien entendre. Et je suis fatiguée de rencontrer tous ces prétendants alors que ma place n’est pas à leurs côtés.

Bien sûr, elle avait tu ce que seuls sa mère et elles, ainsi que les hauts prêtres chargés de son éducation religieuse savaient; elle était très probablement infertile. Ces prétendants qu’on lui présentait était en réalité le mieux qu’elle pouvait espérer pour ne pas être répudiée. Quand elle croisait la route d’un homme qui lui plaisait, qui avait les qualités qu’elle aurait souhaité chez un futur époux, cette tare lui revenait en mémoire et elle savait qu’elle ne pouvait espérer. Alors, elle préférait se terrer au Temple, là où était sa place et prier. Rikni avait sans doute d’autres desseins pour elle.

- Mais, je vous promets que cela sera bref. Je ne voudrais pas que vous perdiez trop de temps pour des futilités pareilles.

Sujet: Re: Une simple escorte Dim 19 Sep 2021 - 17:34

La jeune femme accepte la nourriture et je l’écoute me parler de ces envies et elles sont aussi nombreuses que les miennes ! Voir même plus, c’est pourquoi je lui réponds :

Moi qui pensais demander trop aux Dieux, mais je vois que vous avez une liste de demande encore plus grande que la mienne ! Trouver un guerrier digne de vous et capable d’être un fidèle de Rikni va être difficile, un homme doit avoir tué combien d’ennemi pour que cela vous convienne ?

C’est une bonne question, le chiffre va surement être très élevé, cent, mille ? Pour ma part j’ai dû en tuer facilement une centaine de ma propre main et ordonner l’exécution d’un millier de plus avant l’arrivée de la Fange. C’est difficile à dire, j’ai toujours eu du mal avec les nombres.

Nous arrivons ainsi devant la petite place et j’ôte mon casque afin de mettre un peu d’eau sur mon crâne, cela me permet de garder le plus possible les cheveux qu’il me reste sur le caillou. Elle me pose ensuite quelques questions et j’y réponds bien volontiers, pendant que les quelques femmes aux alentours ne perdent pas une miette de nos échanges, comme si nous étions la chose la plus intéressante qui soit arrivée ici depuis des jours, ce qui est probablement le cas :

Une femme de quarante ans plus vieille que moi, cela lui fera soixante-dix ans, je doute qu’une personne vive aussi longtemps que cela.

Oui, je sais faire de l’humour également, du moins, je m’y essaye. Je lui souris et je continue sur ma lancé :

Je suis d’accord qu’épouser une personne qui ne serait pas de la noblesse serait une pure folie, mais le reste n’est pas très important, c’est mon rôle de protéger le foyer des dangers et les précepteurs sont là pour éduquer les enfants. Je me rends compte que je suis bien moins exigeant que vous.

Elle m’indique qu’elle sera brève et je lui réponds avec bienveillance :

Vous pouvez prendre le temps que vous souhaitez, car comme aurait dit mon père : l’amour n’est point chose pressée.

Lorsque j’enlève mon ceinturon contenant le fourreau de mon épée afin de m’assoir également, je vois les citadines s’éloigner d’un coup, comme prise de frayeur et très vite la place est vide et je soupire en souriant tristement à celle qui est à mes côtés :

Trouver une femme qui n’aurai pas peur de moi serait déjà un exploit.

Sujet: Re: Une simple escorte Lun 20 Sep 2021 - 19:15

Elles seraient sottes de ne pas avoir peur, s’amusa la prêtresse après une dernière bouchée de viande. Du coin de l’oeil, elle avait vu les femmes se disperser dès que Desmond avait mis en évidence son épée et sa présence. Elle s’imaginait être à leur place; sans l’habitude de côtoyer des hommes d’armes et encore moins de la prestance du mercenaire dont le gabarit impressionnait. En d’autres circonstances, dans une autre vie, Darine se serait empressée de fuir également, terrorisée. Combien de ces femmes n’avaient pas bénéficié de la protection du Temple ou de la noblesse, victime ou témoin d’agressions qui furent monnaie courantes depuis la Fange.

- Mais, je suis certaine que nous trouverons une jeune fille assez brave pour ne pas être effrayée. Dans la noblesse, ce ne sont pas les prétendantes qui manquent, il me semble.

La Duchesse de Crèveoceur devait composer avec cette concurrence; à chaque fois, une jeune aristocrate plus belle, plus jeune, plus riche que Darine se présentait sur le marché et il devenait difficile de vendre sa propre fille, qui resplendissait pourtant. Elle laissa vagabonder son attention vers Milas dont le minois froncé trahissait une forte concentration. Il était prêt à en découdre avec le moindre badaud qui s’approchait de trop et son excès de zèle lui fit penser à Nikolaï, son petit frère. Il avait environ l’âge du page, mais avait été estropié lors de l’attaque intérieure des fangeux. Il avait dû renoncer à l’art du combat et se morfondait depuis l’Esplanade. Elle poussa un soupir discret et leva les yeux au ciel, appuyant ses deux mains contre le bord humide de la fontaine, à peu près entretenue par les plus riches du quartier. Au-delà des façades et des toits qui formaient le plus gros du paysage, le ciel se taillait une place de choix : des nuages bas et gris avaient occulté le soleil, mais la pluie ne semblait pas vouloir venir. Elle eut alors un mauvais pressentiment. Quelque chose de désagréable lui pinça le coeur; comme une sensation familière et fuyante.

Une fois prête, elle avait décidé qu’il était temps d’en finir. Ils avaient repris leur marche au travers de La Hanse, jusqu’à une artère aux maisons bourgeoises dont les façades portaient les traces de la richesse des prioritaires : des dorures, des peintures, des sculptures magnifiques ornaient les châssis et les balcons. L’artisanat était glorifié dans une architecture à la fois soignée et solide qui transformaient ces demeures en véritables hôtels particuliers. Même le pavement de la rue était impeccable, visiblement entretenu, et des miliciens semblaient patrouiller régulièrement. On avait le bras long dans cette partie de la cité, grâce à l’argent du commerce. Un serviteur bien habillé attendait sur le pas d’une porte que le trio approchât. Il exécuta une révérence respectueuse.

- Demoiselle de Crèvecoeur, mes hommages. Sire.

Il ne sembla pas faire grand cas de la présence du jeune Milas dont les bras étaient toujours chargés des affaires de Darine.

- Monsieur De Vinci est particulièrement impatient de vous rencontrer, je pense qu’il ne sera pas déçu. Du bleu. L’une de ses couleurs chaudes favorite. Voyez-vous, mon maître a une affinité toute particulière avec l’art. Il vous examinera comme le chef d’oeuvre que vous êtes.

Un petit air dégoûté vers Desmond et il retroussa le nez, plein de manières, avant d’ouvrir la porte et de s’écarta pour les laisser entrer. Cependant, dès que Milas s’apprêta à franchir l’entrée, il fut interpellé.

- Décrotte-toi bien les pieds, mon garçon.

L’intendant s’assura que le jeune page obéisse puis lui accorda l’accès à la demeure. C’était assez lâche de sa part et s’il avait eu plus de courage, sans doute aurait-il exigé la même chose du mercenaire. Mais la carrure imposante de Desmond, son armure et son attirail, dissuadaient les plus téméraires; alors que dire d’un homme aussi peu brave que le serviteur; dont les sourcils inexistant avaient été retracés au charbon, lui donnant une drôle d’allure.

Sujet: Re: Une simple escorte Mar 21 Sep 2021 - 15:38

Finalement, la prêtresse n’est pas si gentille que cela, car elle indique que les femmes qui viennent de fuir ont raison d’avoir peur de moi ! Je lui jette donc un regard en travers pendant que Milas ri sous cape, comme si c’était une bonne plaisanterie, ce que je trouve pas du tout drôle. Heureusement, elle se rattrape et met un peu d’eau dans son vin, indiquant qu’elle pourra m’aider à trouver une femme ! Je lui souris dont et lui indique, d’une voix reconnaissante :

Ce serait formidable ! Mais même si les prétendantes ne manquent pas, mais les femmes courageuses si.

Nous partons donc de la petite place en direction de notre objectif, le quartier des « riches », car si l’Esplanade appartient aux nobles, c’est ici que l’on trouve le plus de gens fortuné et nous nous dirigeons vers une des plus belles, surtout avec des colonnes en marbre du plus bel effet et une statue d’un lion rugissant, vraiment très impressionnant, le propriétaire doit être un homme puissant, vu son entrée.

Un sous-fifre quelconque nous attend devant la porte et il nous souhaite la bienvenue. Je l’ignore complètement, bien entendu, mais ce qu’il dit à la représentante des Trois ne m’enchante guère, il y a une certaine notion de respect à avoir envers celle que j’escorte et il ne l’a manifestement pas. De plus, il se permet de donner des consignes à mon suivant et pour le calmer un peu, je lui mets ma main sur l’épaule, ce qui représente une bonne dizaine de kilos avec mon armure et je lui dis :

Merci mon brave, vous êtes fort aimable.

Je le vois grimacer à cause la douleur, mais il ne dit rien et nous emmène à travers diverses pièces remplies de bibelots divers et coûteux, mais avec toujours comme thématique principale le lion, jusqu’à un salon où nous attend le propriétaire des lieux. J’avoue m’être attendu un homme d’une certaine carrure, un ancien guerrier qui irait avec l’image du noble félidé que j’ai vu partout, mais pas à un homme aussi gros que j’ai en face de moi, le visage poudré, habillé avec une robe de chambre en soie avec sans doute rien en-dessous.

Il est assis sur une chaise, sans doute incapable de se lever tout seul, puisqu’il a deux solides serviteurs de part et d’autre de lui. Il nous regarde arriver, nous saluant par un petit signe de la main et je remarque aussitôt ses yeux de pervers, car ils semblent luire d’une lueur malsaine dès que la de Crèvecoeur entre dans la pièce. Il lui fait un rapide sourire, ou une grimace, avec tous ses bourrelets c’est difficile à dire et lui dit d’une voix pâteuse :

Je suis enchanté, vraiment enchanté de vous voir.

Pour un peu, il battait des mains tel un enfant devant une confiserie.