Natif de Marbrume, Edgar Duval est le fils d’un couple de riche marchand et le dernier d’une fratrie de deux grandes sœurs. En tant que garçon, il était voué à reprendre les affaires familiales, idée qui ne l’a jamais enchanté, du berceau jusqu’à aujourd’hui.
Edgar, c’était un jeune homme plein de contradictions, qui aimait l’ordre mais qui n’aimait pas en recevoir. Tout ce que ses parents négligeaient, lui y accordait une attention particulière. De ce fait, il n’a jamais été un très bon commercial mais, en revanche, a été un parfait sujet en ce qui concerne l’assiduité au Temple. Son amour pour l’apprentissage et l’éducation lui valu souvent le mépris de la plupart de ses camarades, davantage là par obligation que par volonté.
Le Temple avait cependant cette particularité d’accueillir des enfants venus de différents milieux sociaux. Il grandit en prenant conscience de deux choses : il fallait être instruit pour être bien portant, et certains n’avaient pas autant de chance que lui.
Il commença à travailler aux côtés de son père à l’âge de ses quinze ans. Il ne montra aucun zèle particulier à soutenir le paternel dans ses affaires. Il excellait en comptabilité et en autres disciplines nécessaires à l’entreprise familiale, mais il rêvait plus grand. Le soir, il se rendait soit au Temple, essayant de s’instruire sur d’autres disciplines. Il découvrit très rapidement un attrait pour l’architecture sous toutes ses formes.
Il quitta le foyer à dix-huit ans et partit travailler comme ouvrier. Il découvrit les dures conditions de labeur que subissaient certaines personnes. Elles rêvaient d’un quotidien meilleur ; lui était comblé : il voyait ce qu’était la vie, la vraie. Il bâtissait, se faisant un tour de rein de temps à autre, mais la vie n’était-elle pas un succession d’obstacles à franchir ?
Il connut l’amour à ses vingt-et-un ans. Une femme à peine plus jeune que lui, fille d’un antiquaire, qui refusait ses avances au début, mais qui finit par céder au fur et à mesure qu’Edgar se montrait attentionné, éduqué, distingué, prêt à tout pour la conquérir. C’était après tout un jeune garçon qui n’avait pas peur de faire les choses à moitié.
« Tu n’es pas assez riche, avait-elle professé. »
Pour être riche, il avait une alternative : revenir à l’activité de son père ou trouver une profession plus valorisante.
Il se dit qu’il suivrait une formation d’ingénieur. Car sur les chantiers, il avait entendu que ça rapportait gros. Et non seulement ça rapportait gros, mais de plus il s’agissait de choses qu’il savait très bien faire : concevoir, dessiner, calculer. Certes, c’était moins plaisant que le travail direct du bois, mais le cœur de son aimée avait un prix. Et il ne pourrait pas éternellement rester ouvrier…
Il se mit à fréquenter de tout autres personnes, différentes mais non moins appréciables. Il devint davantage céréable, son corps dût-il s’affaisser.
« Tu n’es pas assez lettré, avait-elle professé. »
Alors persuadé qu’Edgar était trop scientifique et pas assez littéraire, il travailla comme ingénieur le jour et essaya de s’adonner à la lecture de contenus divers et variés la nuit, rares fussent-ils.
« Tu n’es pas assez fort, avait-elle professé.
– Va te faire foutre, avait-il répondu. »
Il continua néanmoins à se cultiver comme il le faisait. Il se rendit compte que même s’il s’était amélioré dans le but d’acquérir l’objet de sa convoitise, l’apprentissage avait toujours ce sentiment grisant qui le rendait, d’une certaine manière, heureux. Et il en avait oublié cette fille d’apothicaire.
Au point que ce fût-elle qui se mit à lui courir après.
« C’était juste pour voir jusqu’où tu irais. »
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Edgar était un homme heureux. Son épouse lui donna une fille. Bien que la coutume était d’avoir plusieurs enfants et même un garçon, lui refusait. Il savait qu’il avait été mis au monde pour servir les desseins de son père, ce qui avait occasionné une souffrance bidirectionnelle. En quelques sortes, il voulait survivre à travers ses enfants, mais sans décider de leur sort. Convaincre sa femme avait été difficile. Cela a même été impossible : elle commit le pécher d’adultère et quitta Edgar pour un Noble qui l’avait engrossé.
Il comprit à quel point certaines femmes, surtout les plus jolies, pouvaient être à la fois exigeantes et, par-dessus tout, hypergames. Mais sa rancœur ne dura pas longtemps, surtout lorsqu’il apprit que son ex-femme subissait de mauvais traitement de la part de son bourreau qui lui avait donné jusqu’à deux autres bâtards.
Edgar eut pour projet de faire bâtir une maisonnée en dehors de la cité, dans les faubourgs, loin des vices et de la corruption ambiante de Marbrume, où il pourrait accueillir de nouveau sa femme, sa fille et les trois enfants qui n’étaient pas les siens, mais qu’il considérerait tel quel.
« Serus a été clair : la famille prévaut sur la carrière professionnelle, se dit-il. »
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Les nouvelles commençaient à aller de mal en pis. Les échos avoisinant se traduisaient en plaintes de panique, certains paysans se confondant en Cassandres fatalistes. On parlait d’un fléau ravageur qui venait de l’Ouest jusqu’à ravager toute forme de vie humaine sur son passage.
Edgar dût vendre sa maison à prix cassé pour acquérir un appartement à peine plus grand qu’un deux pièces, où il mit sa famille à l’abri. Et à nouveau, sa compagne le quitta pour ce noble qui l’avait engrossé, avec les quatre enfants dont sa propre fille.
La situation se dégrada du tout au tout. Les rues commençaient à puer, la misère commençait à pestiférer. Edgar, lui, se retrouvait terré dans une mansarde qui n’avait rien du confort de sa maisonnée au faubourg. Et lorsqu’il apprit que son ancienne femme avait péri dans des conditions « mystérieuses » et que sa fille avait été revendue à un proxénète pour finir brisée et jetée sous un pont, quelque chose en lui se brisa également.
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Son rôle fut clé dans certaines affaires. Après la récupération du Labret, il organisa avec certains confrères le renforcement de celui-ci et établit un cadastre précis pour la création de parcelles dédiées à l’agriculture. Il poussa également le projet de création d’une immense saline sur le littoral afin d’approvisionner la cité en épices, au cas où il faudrait repousser la Fange par cet étrange moyen.
Il est également sollicité pour apporter des audits sur les remparts de Marbrume et superviser des constructions supplémentaires afin de contribuer à la sécurité de la ville.
Il n’a jamais porté le duc Sigfroi de Sylvrur dans son cœur. Aussi il n’assista pas à son couronnement, mais la milice l’arracha à ses préoccupations primaires pour contribuer d’urgence à l’érection de défenses lorsque la Fange pénétra officiellement l’enceinte de Marbrume. Il participa à la condamnation du goulot. Dans l’espoir de le reconquérir dans un futur proche.
Durant l’évènement, il a subit une énorme balafre sur le flanc gauche qui faillit lui coûter la vie et sa place à Marbrume. Il fut finalement diagnostiqué comme non mordu et put prétendre à rester dans la ville, en tant qu’ingénieur boiteux, rongé par le désespoir et la solitude.
Il lutte pour transmettre son savoir au temple, sous quelque forme que ce soit. Il ne tient pas à être indispensable, sa présence étant constamment requise sur des affaires critiques.
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Jusqu’à aujourd’hui, il n’a qu’un objectif : survivre à tout prix. Percer le mystère de la Fange afin d’apporter un espoir nouveau aux siens.
La Noblesse corrompue attendra.