Alors que je fais une course au port pour le comte de Rougelac, prenant grand soin de rester assez loin du quai, car je ne sais pas nager, j’entends des cris d’enfants. Normalement, je ne serais même pas intervenu, la vie d’un mioche miséreux ne vaut même pas la peine que je m’y intéresse, mais je souhaite relever un peu ma réputation, légèrement mise à mal il y a quelques temps, alors je dois montrer que je suis un bon noble.
Faire bonne impression n’est vraiment pas mon style, mais je me force et avance donc dans une ruelle sombre jusqu’à voir un attroupement. Je vois quelques personnes, une jeune fille attifée comme une pauvresse avec une robe trop grande et des vieilles sandales. Elle semble torturée un petit garçon, sans doute un voleur que l’on souhaite parler.
Au moins, je vais pouvoir proposer mon aide, j’ai déjà réussi à faire parler des prisonniers récalcitrants et je connais de nombreuses techniques, toutes plus efficaces les unes que les autres. Mais ce qui retient surtout mon attention, c’est un bâtard, un beau chien, assez jeune, même si j’ai du mal à distinguer toutes les races qui se sont mélangé à sa naissance, c’est sûr qu’il y a un épagneul parmi ses parents, mais le reste est plus confus.
Un des badauds me reconnaît et enlève son chapeau, me saluant :
Bien le bonjour, messire de Rochemont.
Et oui, c'est l’avantage de travailler pour une famille noble de l’Esplanade, les gens sont respectueux, ce qui est une bonne chose. Je le salut d’un simple hochement de tête, car ce n’est qu’un gueux après tout, c’est donc le maximum que je suis prêt à faire. J’arrive ainsi jusqu’à la jeune femme et pliant les genoux, faisant quand même attention à ce que mon costume noir ne touche pas le sol pour ne pas le salir, le fourreau de mon épée à deux mains, lui fais un bruit métallique, je lui demande tout à fait sérieusement :
Qu’est-ce que ce gosse t'as fait pour que tu t’en prennes à lui ainsi ?
Je ne dis pas que je suis contre ce qu’elle fait, après tout, il a peut-être mérité de souffrir autant.