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 Ascension souterainne

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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptyJeu 12 Déc 2019 - 15:21
Des années s’étaient écoulées, mais le souvenir demeurait intact, si encré dans son cortex qu’il se souvenait encore de la saveur amère de cette douleur et cette mélancolie qui l’avaient alors traversé. Pas un jour ne se passait sans que sa mémoire ne vienne remémorer, par bribes, ces instants pénibles.

Dans les tréfonds de son âme, il voyait encore la pluie qui battait son visage, les regards écœurés qui fixaient son corps meurtri, les nuits glaciales gerçant sa peau ou encore, de l’effroyable sensation de solitude, d’abandon. Nul épaule sur laquelle se lamenter ou chaleur d’une quelconque compagnie n’avait pu atténuer ses traumas, il ne demeurait que cette existence morne et son for intérieur pour lui rappeler sa triste condition, un paria. Il n’était ni un membre du clergé, encore moins un noble, pas même accepté par le peuple, l’être n’était rien. Insignifiant, le rejeton maudit se souvint des soirs où il fixait la toile céleste, priant les dieux pour que le doux silence de la mort vienne apaiser son calvaire. Rien n’y faisait, l’enfant passerait son existence léthargique, seul, à regarder les garçons de son âge depuis la rue. A travers la fenêtre, il les voyait jouir, quant à eux, de l’agréable sérénité d’un foyer, d’une famille et de l’âtre d’une cheminée.

Le temps altéra sa tristesse, se subrogeant peu à peu en désir, en jalousie, pour finalement se muer en une haine profonde de l’humanité. Toute forme de moralité avait disparu, il fit obstruction de tous les codes de la civilisation pour ne laisser transparaître qu’une créature bestiale, avide de colère et de vengeance. L’époque des lamentations était révolue, seul demeura son envie de vivre et d’enlever, tout ce dont on l’avait si injustement privé. Il cessa alors de mendier, de réclamer, volant, torturant, tuant même si nécessaire. Au fil des âges, l’homme évolua de sa position de proie et dompta le prédateur frénétique qu’il était devenu, changeant ses besoins en plaisirs, affinant son personnage par toutes les vicissitudes passées pour conditionner le fléau qu’il était aujourd’hui. Son existence perdura, mais jamais il n’oublia le goût de la solitude, de la misère. Désormais était venu l’heure d’exaucer ses sombres desseins, à l’abri des regards, bien entendu.

Le vaurien faisait délicatement rougir son couteau à la flamme d’une bougie, fixant de ses iris rubis le malheureux qui gisait, sanglé au mur par des chaînes, impuissant. Son torse, nu, était jonché de plaies et de cloques, une odeur de chaire brûlée avait envahi la pièce sombre. Cela devait faire déjà plusieurs minutes que le supplice durait et l’homme transpirait, tremblait, vrillant de douleur à chacun des coups portés. L’instigateur de cette scène macabre jubilait, se ventant sans cesse d’avoir emmené la torture au rang d’art. La minutie, avec laquelle il s’exécutait, démontrait toute sa dextérité dans le domaine. Le secret était de ne pas se montrer trop impatient ! Avait-il coutume de répéter. S’il se montrait trop insistant, il savait que son souffre douleur risquait de perdre connaissance et de mourir trop vite. Maître en la matière il usait de la patiente, attendant qu’une brève lueur d’espoir, une soudaine envie de survivre, se dessine dans les yeux de sa victime pour les effacer brutalement et contempler sa résignation. Le chef d’oeuvre s’achevait lorsque le bougre l’implorait, finissant par dévoiler ce que le virtuose réclamait.

« Sais-tu que tu es plutôt coriace pour un simple boulanger ? Bien des braves se sont mis à table avant toi ! Je n’aurais bientôt plus de couenne à faire cuire ! Avouait, amusé, le détraqué de sa voix nasillarde en caressant les nombreux outils de torture parfaitement alignés devant lui.

- Mais je ne sais rien, je ne vois pas de quoi vous voulez parler ! Pitié! Suppliait l’artisan au plus grand damne du maraud.
- Blabla. Tu sais ce que c’est le problème avec les gens qui parlent trop ? Ils finissent toujours par dire le mot de trop. Et veux-tu que je te dise mon ami ? Toi, tu parles trop ! Dit-il en posant la lame chauffée à blanc sur le ventre de son jouet.
- Tuez moi si vous voulez ! Si jamais je vous dis quoi que ce soit, je suis mort de toute façon ! Je n’ai rien à perdre ! Hurlait-il dans un élan de courage qui fit éclater de rire son interlocuteur.
- Oh tu te trompes, tu te trompes lourdement ! Je sais tout ce qu’il y a à savoir dans cette cité ! Et je sais que les types dans ton genre ont beaucoup trop à perdre. Je pourrais passer voir ta petite famille, par exemple. Je suis certain que ta femme me trouvera exquis. Quant à tes filles, mon camarade ici présent se fera une joie de combler ses appétits si particuliers… Je les ferais souffrir jusqu’à qu’elles maudissent ton nom, alors, si tu me dis ce que tu sais, je ne détruirai que ton existence ! A toi de voir mon ami. Conclue t-il en ricanant.
- Pitié ! Je vous dirais tout ce que je sais, mais ne faites pas de mal à ma famille, supplia le malheureux, résigné. Depuis quelques temps, j’échange mon pain contre du blé à un contrebandier qui se fait surnommer « Le Borgne ». Il erre dans les égouts – une trappe d’entrée se trouve derrière ma boulangerie - pour gérer ses affaires et il disait avoir aperçu, de temps à autre, des hommes encapuchonnés avec un masque. Je ne sais rien de plus, je vous en prie !
- Quand est-ce que toi et cet homme vous voyez vous, habituellement ? Questionna d’avantage le forcené tout en appuyant, une nouvelle fois, le plat de sa lame bouillante sur sa chaire boursouflée.
- J’ai rendez-vous ce soir, juste avant le couvre-feu ! Pitié, je vous ai dis tout ce que je savais ! Supplia une énième fois le malheureux.
- Voilà, mon ami. Tu voix quand tu veux ! S’exclama le vagabond en se levant, caressant chaleureusement la joue de son martyr.
- Mais qui êtes vous ? Se demanda le boulanger, voyant, un vague instant, une opportunité de survivre.
- Qui je suis ? Murmura le psychopathe à son oreille tout en glissant sa dague rouillée entre ses côtes. Le coeur transpercé, l’homme suffoquait, du sang s’écoulait abondement de sa bouche et son regard vide semblait déjà fixer l’au-delà. Je suis le poison qui éradiquera les vices de ce monde, mais pour injecter plus de venin, j’ai besoin de plus de serpents. Je te remercie pour ton aide précieuse, mon ami. Termina t-il en admirant sa victime pousser un dernier râle avant de s’éteindre, dans un silence morbide. »
L’être maléfique avait eu sa réponse, il réfléchit quelques instants, laissant planer une ambiance de mort dans sa demeure, emporté par des palabres avec son for intérieur. Les récents événements qui frappèrent la citadelle, bien qu’agréablement funestes, avaient fortement compromis ses aspirations. Ne pouvant se permettre d’agir seul, le misérable avait désormais besoin de s’entourer de véritables partisans. C’est au détour de rumeurs grandissantes qu’il put d’ailleurs se réjouir de l’ampleur importante de collaborateurs potentiels. Pouvoir agir entouré d’hommes partageant ses convictions le réjouissait. Aussi était-il important d’entrer en contact avec cette secte pour nourrir ses désirs de coalition.

Sans perdre une minute de plus, le miséreux ajusta son voile et s’en alla, adressant un signe à son colosse, lui ordonnant de le suivre.

« Où va-t-on ? S’interrogea le molosse, ahurit.
- Tais-toi et suis moi, Imbécile ! Répondit-il, consterné par la faiblesse d’esprit de son camarade, tournant la porte sur ses gonds, gagnant la direction des égouts. »
Les échos d’une telle organisation avaient peu à peu raisonné jusqu’à ses oreilles. Sa connaissance aiguë des bas fonds ainsi que son modeste réseau lui permettaient de ne pas laisser passer ce genre d’information. Piquant sa curiosité, il avait alors enquêté ici et là, durant plusieurs semaines, glanant des indices à la force de sa persuasion. Aujourd’hui, le maraud n’avait jamais été aussi près de découvrir cette secte, à son plus grand amusement.

Les mains glissées dans ses manches, le désaxé marchait, déterminé. Même si cela ne s’illustrait aucunement par sa dégaine nonchalante, mais bien par son regard résolu, dissimulé sous sa capuche. Il prenait soin d’évoluer dans l’ombre des ruelles et des battisses, plus vigilant que de coutume. L’homme se l’avouait, il tuait trop de monde ces temps-ci, plus que de raison en tout cas. La volonté du travail bien fait ! Se rassurait-il en souriant, conscient que ses manigances ne pouvaient plus se faire à un rythme si acharné, risquant d’éveiller la suspicion du peuple et des autorités. Se débarrasser discrètement des corps devenait de plus en plus caduque et il savait que ce n’était pas l’intelligence de moineau de son compère qui l’aiderait dans cette tâche. Il était donc primordial pour l’avenir de ne plus exercer seul.

Plus loin dans la pénombre se dessinait une plaque de ferraille rouillée d’où s’extirpait des effluves pestilentielles. Le titan la souleva, leur ouvrant l’entrée des égouts. L’atmosphère y était suffocante, des immondices maculaient les murs verdâtres et entre les dalles ruisselait une eau souillée, impure. Suivant les indications de sa victime, le va-nu-pieds vit une torche embrasée troubler les ténèbres de la bourbe dans laquelle ils pataugeaient. Son propriétaire, atrophié d’un œil, se tenait assis sur un sac en tissu, probablement la farine de contrebande, songeait le moins que rien. L’homme semblait correspondre à la description. Méfiant, il ne mit d’ailleurs guère peu de temps à défourailler son arme et menacer les deux silhouettes, inhabituelles.

« Qui êtes-vous, tous les deux, il est où le boulanger ? Demanda le borgne sur un ton menaçant, l’épée tendue en direction des deux acolytes.
- Le boulanger ? Répondit le déséquilibré en se frottant le menton. Ah ! Le boulanger ! Je crois qu’il mange les pissenlits par la racine, au moment où nous parlons. Et vois-tu, mon ami ici présent à tendance à devenir grognon lorsqu’on le menace, expliquait calmement le détraqué notoire en montrant la corpulence de son ami pour illustrer sa mise en garde. Tu ne pourras pas nous tuer tous les deux sans y laisser des plumes, mon ami. Aussi nous ne voulons pas d’effusions de sang inutiles, nous souhaitons juste parler « affaires », pour le moment. Conclue-t-il en jetant un sac débordant de pains à ses pieds pour l’amadouer.
- Que voulez-vous savoir ? Questionna le brigant en rengainant son arme, ne relâchant pas sa vigilance pour autant.
- Je souhaite savoir ce que tu sais à propos d’hommes masqués que tu aurais aperçu dans les égouts, tout simplement, mon ami. Rassura le miséreux en levant les mains au ciel.
- Il vous en a parlé ? Quel con ! Je lui avais dit que cela lui coûterait sa tête s’il ébruitait la rumeur ! Le bandit marqua une pause puis déballa le peu qu’il savait, tout en ramassant son dû. A vrai dire je ne sais pas grand-chose, c’est un de mes hommes qui pensait en avoir vu un. J’attendais d’avoir plus d’informations pour en parler à la milice contre une gracieuse rétribution, mais nous ne l’avons jamais revu. Je me demande même si ce ne sont pas que des chimères, en y repensant. Maintenant foutez le camp !
- Par tous les dieux ! Cria le mendiant en se tapant les mains dans un rire macabre qui dura plusieurs secondes. On est encore tombé sur un bavard ! Termina t-il en faisant un signe de tête à son bras droit qui agrippa violemment le truand à la gorge avant de le plaquer contre le mur souillé. Si ce que tu dis est vrai, tu ne nous sers plus à grand-chose, puis je ne t’aime pas trop, toi. »

Le psychopathe, enragé d’avoir perdu son temps – une fois de plus, planta son poignard dans le sternum du contrebandier, lacérant la chaire jusqu’au bas du ventre. L’homme hurlait de douleur, maintenu par le colosse, il vomissait des gerbes de sangs, s’étouffant petit à petit, respirant péniblement, les veines rouges de ses yeux se marquant, un peu plus chaque seconde, de cette fin désormais inéluctable. Le désaxé inséra sa main dans l’immense plaie qui dégorgeait des litres de sang, déroulant délicatement les intestins du malheureux qui, à peine conscient, faisait résonner sa souffrance dans le labyrinthe souterrain. Le géant desserra son étreinte, son collaborateur entourant l’organe autour du cou de son propriétaire, lui susurrant avant de l’étrangler et l’accrocher au mur, comme un trophée de chasse : « Je n’aime pas que l’on me menace. »

Dans un éclat strident, le brigand eut un aperçu concis du néant qui l’attendait, il s’éteint, laissant le silence regagner les abysses putrides de la citadelle.

« Qu’est ce que l’on fait maintenant, patron ? Demanda le Sot, pertinent, pour une fois.
- Tu me trouves l’endroit, même si cela te prend des mois ! Répondit l’être déséquilibré en lacérant sa jambe. Pour retrouver la sortie, tu n’auras qu’à suivre tes propres traces de sang !
- Mais j’ai peur du noir, moi ! Rétorqua le molosse qui n’oscilla même pas lorsque la lame entailla sa chaire, plus inquiet par sa crainte des ténèbres, regardant son acolyte quitter le monde souterrain, exaspéré. »
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MessageSujet: Re: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptyDim 15 Déc 2019 - 18:54


- « Encore ?! »

La voix derrière le masque semblait impassible, à peine une note plus haute que l’autre, créée par l’intonation de la surprise. Les jambes de ce qui semblait être un homme avaient fini par s’étendre sagement, laissant apercevoir quelques ouvertures dans le bout des bottes. Confortablement installer, ou presque, dans son trône improvisé, l’homme complètement vêtu de noir semblait réfléchir, sonder celui qui venait de lui annoncer une nouvelle qui ne le mettait pas nécessairement de bonne humeur. Se redressant dans son siège de détritus, issu partiellement de cadavres humains récupérés à droite et à gauche. Tendant un doigt vers le responsable, il ne put que laisser l’articulation de celui-ci se plier, puis se déplier dans un mouvement d’approche presque colérique.

- « Approche petit oiseau, approche » roucoula-t-il presque dans une voix suave et étouffée par le bruit de sa respiration « Pourrais-tu s’il te plaît, me répéter ce que tu viens de me dire ? »

Un bruit de déglutition venait de se faire entendre, alors que déjà les genoux de celui qui se tenait à quelques pas de son interlocuteur semblaient s’effondrer, trembler, grelotter dans un rythme désagréable. Lâchant un soupir, l’homme d’imposante stature avait finir par balayer l’ensemble d’un bref geste de la main, autorisant l’individu à disparaître de son champ de vision dans le bruit de sa course folle sur le liquide s’infiltrant dans les égouts de la ville. Se redressant, le purificateur répéta sagement et oralement la description qu’on lui avait du perturbateur. Des inconscients, ils en avaient déjà vu, des aussi persévérants, rarement. Abandonnant sa zone de confort, de proximité avec la mort, il poussa du pied celui qui était encore à quatre pattes, crachant sur sa botte trouée pour venir l’astiquer.

- « Rappelle-moi, pourquoi je te garde en vie, toi, être indigne des Trois ? »
- « Parce que le fangeux ne m’a pas tué, non, il ne m’a pas tué alors peut-être… »
- « Peut-être. » il s’agenouilla à son niveau « Petit être tout nu, va donc sillonner les égouts, prend des vêtements et trouve le… »
- « Je peux retirer le bandeau ? »
- « Non, je vais te guider jusqu’à la sortie. »

Et il s’exécuta. Lasse, sans aucun doute trop, il l’avait traîné dans le minuscule courant nauséabond, l’imbibant de cette odeur si désagréable qu’elle ne le quitterait sans aucun doute plus. Une fois de longues minutes écoulés, l’indigne des Trois se retrouva à l’extérieur, recouvert de boue à la sortie du conduit des égouts. Un sac lui fit lancer sur le côté, de quoi se vêtir plus convenablement, de ne pas rester ainsi aussi nu et indifférent que le plus jeune des nouveau-nés.

- « Trouve-le et dis-lui de nous inventer une nouvelle mise à l’épreuve pour les impurs. Je veux du grandiose, du génie, digne de la Trinité, digne de faire pâlir Anür en personne. Oui, dis-lui que je l’observe, que je ne suis pas loin, fais-lui peur…. Et si tu es fort, si tu te comportes bien, peut-être, que dis-je, oui, peut-être que je te ferais à toi aussi passer l’épreuve, un purificateur est tout de même plus agréable qu’être une abomination de notre culte, non ? »

Il avait détalé, sans demander son reste, laissant l’ombre continuer à peser sur les épaules du pauvre bougre. Ce dernier n’avait pas trop attendu, non, se précipitant simplement pour retrouver celui qui devenait de plus en plus gênant. Retournant dans les égouts, une fois habitué, il laissa le bruit émanant du lieu pour se repérer, pour un rat comme lui, il n’était pas difficile de s’orienter. Ce n’est qu’enfin une silhouette imposante qui sembla attirer son attention, s’immobilisation en plein milieu du conduit, l’obligeant à se courber un peu.

- « Moi aussi, j’ai peur du noir » fit-il de cette voix détruite par les tortures et les étouffements « Ton maître, il déviant gênant pour nos petits et grands oiseaux… Tu ne trouveras rien ici. » ajouta-t-il avec détermination « Tu dois faire passer un message, tu sais ça, tu sais hein ? » questionna-t-il de la même manière « Le grand oiseau veut bien écouter, observer, mais il ne faut pas attirer l’attention, non, non, non » murmure-t-il « Trouve un serpent, ramène-le, trouve un impur et fait lui subir une épreuve, soit imaginaire, enfin ton maître… Mais le grand oiseau est très sévère sur la question… Si ton maître échoue, s’il continue à remuer ainsi tout et n’importe quoi, c’est ta tête ou tes doigts à toi qui vont tomber… »

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MessageSujet: Re: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptyMar 17 Déc 2019 - 13:49
Quelques jours plus tard…

Le rôdeur tremblait, mais ce n’était pas de la peur. Un frisson déchirait sa colonne vertébrale mais ce n’était pas de la crainte. Une sensation étrange engourdissait ses muscles mais ce n’était pas de l’angoisse. Son cœur battait à un rythme soutenu mais ce n’était guère de l’affolement… Juste l’excitation, la stimulation de ses pulsions frénétiques qui s’emparaient de tout son cortex. Une ivresse carnassière, architecte de sa déraison, embrumait sa lucidité et son jugement. Ses iris carmins fixaient le néant, emportant le désaxé dans les fantasmes sanglants qui infectaient son esprit dérangé. Son sourire malfaisant laissait entrevoir ses incisives, tel un prédateur, avide de se repaître de sa proie. Sa main serrait fermement sa lame oxydée, se lacérant presque la chaire tant l’étreinte était considérable. Impatient, le vaurien plantait rageusement la pointe de sa dague rouillée sur le bois de la table délabrée qui se dressait devant lui, espérant, trouver prochainement, une victime moins « raide » à tourmenter.

Dans la pièce envahie par les ombres, seule la faible lueur d’une bougie tranchait avec les ténèbres, dessinant péniblement les traits du vagabond comme s’il s’engonçait dans l’obscurité, semblable à un souverain démoniaque, admirant depuis son trône le dernier bastion de la lumière s’effondrer. Mis à part les coups de couteau hargneux sur le meuble, un silence morbide gouvernait la pièce. L’ambiance lugubre du logis paraissait rendre opaque tous les bruits venus de l’extérieure. Ou était-ce, simplement, que rien ne pouvait importuner l’antagoniste dans sa transe macabre ? Seul un sifflement osa braver l’égarement du maraud. Un bruissement de reptile qui se mouvait dans le noir. Attiré par le seul éclairage de la salle, le serpent sorti de la pénombre avant de s’onduler entre les pieds de la chaise, s’entrelaçant autour de la jambe du misérable pour se dresser fièrement entre lui et le mobilier qu’il torturait. La bête montrait ses crocs imposants, prêt à fondre sur sa prise. Impassible, l’homme saisit la mâchoire de son assaillant avant de pousser un ricanement féroce. Il approcha l’animal de son visage achromique, défiant son agresseur en plongeant son regard écarlate dans les siens.

Amusé, l’être se délectait des similitudes qu’il se découvrait avec son hôte singulier. La température du sang-froid semblait aussi glaciale que lui, sa mauvaise réputation ainsi que son goût prononcé pour la mort lente et douloureuse n’était pas sans lui rappeler quelques traits, analogues à son propre portrait. Le déchu se leva pour replacer délicatement son précieux butin dans la geôle en osier d’où il s’était évadé, prenant soin, cette fois-ci, de ne pas le laisser s’échapper une seconde fois. La valeur de celui-ci était considérable, autant que l’effort pour se le procurer par les temps qui couraient. Perturbé dans son exécution par l’entrebâillement de la porte d’entrée, le gueux se retourna pour découvrir la silhouette imposante de son compagnon pénétrer dans son royaume ténébreux. Les deux acolytes n’échangèrent pas un mot, seul un bref signe de tête et leur connivence suffirent à s’accorder parfaitement. L’homme voilé tendit la cage de l’animal à son complice qui se dirigèrent, ensemble, vers la ruelle.

Cela faisait plusieurs jours que les deux compères discutaient, planifiaient, manigançaient. La rencontre entre le colosse et l’homme masqué avait été décortiquée, épluchée dans les moindres détails. Le molosse avait répété – avec plus ou moins de difficultés – et retranscrit les phrases nébuleuses de l’homme sibyllin. Des opportunités de coalition, des défis, des épreuves, des menaces... Chacun de ses mots fut minutieusement interprétés et plusieurs jours de réflexions et de préparatifs s’étaient ainsi écoulés. Rassembler les éléments pour la scène à venir fut long et coûteux. Bien des horreurs se sont passées pour pouvoir s’octroyer les rouages essentiels de ses machinations. Ni l’un, ni l’autre n’avaient ménagé leurs efforts et l’achèvement de ces intrigues se profilaient à l’horizon. Avides de connaître la conclusion de ces évènements, les deux créatures gagnèrent, une nouvelle fois, l’entrée infâme du monde souterrain.

A la lumière d’une torche, ils s’enfoncèrent dans les égouts, suivant consciencieusement les tâches de sang du titan, brunies par le temps, jalonner le sol putride. Laissées lors de la précédente excursion dans ce labyrinthe nauséabonde, le géant menait ce cortège funèbre, guidant son maître dans ces dédales sans fins qu’il avait arpentés durant des jours. Le battement des semelles dans les immondices qui jonchaient le sol rythmait la marche, le son du ruissellement des eaux impures fut soudainement contrarié par un bruit sourd, puis un frottement ; comme si du métal raclait férocement les murs. Le son devint de plus en plus perceptible au fur et à mesure que le rôdeur progressait, savourant d’avance l’origine de cette douce mélodie à ses oreilles, si familière pour lui depuis le temps. Son habituel rictus marqua un peu plus son visage tatoué lorsqu’il arriva sur la scène de théâtre de ses futurs ignominies.

Le dément y découvrit un homme nu, enchaîné à plusieurs centimètres du sol, le ventre collé contre les parois glaciales et verdâtres des égouts. Il se débattait et tenter vainement de communiquer sa détresse, malgré le bâillon qui lui obstruait la bouche. A ses pieds ligotés était harmonieusement disposé une hache, un marteau et de longs clous rouillés. Le malheureux sursauta puis se figea de terreur lorsqu’il entendit l’arrivée des auteurs de son calvaire. Émerveillé par la rigueur dont avait fait exceptionnellement preuve son homme de main, le miséreux tendit la torche à ce dernier avant de lui caresser chaleureusement le dos, comme l’aurait fait n’importe quel bougre à un chien bien éduqué.

« Tu as fait de l’excellent travail, mon ami ! Maintenant, débarrasse le de ce bâillon, ordonna t-il à son larbin qui s’exécuta docilement. Je veux qu’ils entendent sa lente et douloureuse agonie résonner dans ces abysses !
- Non par pitié ! Mais que me voulez-vous ? A l’aide ! Hurla l’infortuné, enfin libre de crier.
- C’est ce que vous dites tous, ah ah. Pensais-tu vraiment que vivre dans le péché en toute impunité serait éternel ? Vous êtes tous pareils, vous bafouez l’autorité divine puis lorsque l’heure du châtiment arrive, vous implorez les dieux de vous épargner ! Ce temps là est terminé. Conclue t-il en se saisissant de sa dague. »

Le bourreau posa la main sur l’omoplate du condamné, incisant la chaire en tranchant délicatement de la nuque jusqu’au bassin, suivant le tracé de la colonne vertébrale. Du sang s’échappait abondamment de l’entaille, accompagné des gémissements de souffrance qui faisaient écho dans le royaume souterrain. Les mains ensanglantés, le désaxé détacha lentement la peau de part et d'autre de son dos, laissant s’exhiber les os de sa cage thoracique et ses muscles. Chaque taillade était parfaitement exécutée, son expérience et sa dextérité permettant de ne pas s’encombrer d’une quelconque imprécision. Posant sa lame écarlate sur le sol, le psychopathe se saisit du marteau vétuste et d’une demi-douzaine de clous avant d’ordonner à son subalterne de tendre la peau pendante, contre le mur pour clouer rageusement celle-ci sur les briques détériorées de la galerie pestilentielle. Chaque coup de masse faisait un peu plus hurler le pécheur dont les cris résonnaient un peu plus à chaque avancée de sa torture.

Il ne devait pas mourir, songeait l’instigateur, pas maintenant ! Le son de ses tourments ne devait pas cesser. Jetant son outil, l’homme s’empara de la hache tout en tenant fermement la première côte qu’il sectionna avant de l’écarter. Il s’attela à les fendre une par une, laissant peu à peu sa victime sombrer dans l’agonie, rattachée à la vie uniquement par la douleur des coups déterminés qui démembraient sa carcasse. Lorsque l’étape fut achevée, le damné agrippa les poumons encore chauds, nus de toute entrave de chaire ou d’os et les disposa sur les épaules de son martyr. Le malheureux ne put apprécier que quelques secondes, l’œuvre d’art macabre qu’il était devenu avant de regarder une ultime fois, la voûte de pierre qui voilait l’éther, soulagé, s’évadant définitivement de ce monde. Silencieux, usé par l’effort, le maraud arracha la torche des mains de son complice pour l’avancer sur la dépouille fraîche, laissant l’ombre d’un immense volatile déployant ses ailes se dessiner sur le sol. Un message vide de mots, mais pas de sens, qui interpellera, certainement, les petits et grands oiseaux.
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MessageSujet: Re: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptySam 21 Déc 2019 - 12:00


◈ ◈ ◈

Plic. Ploc. Plic. C’est le bruit de l’eau ruisselant le long des parois des égouts, puis venant s’échouer en une perle d’eau dans les flaques brunâtres qui recouvrent le sol. Lui est immobile, silencieux sur un trône qui ne lui appartient pas vraiment, laissant rouler le bout de ses doigts aux ongles mal entretenus le long d’une cuisse trop maigre qui vient trahir sa sous-nutrition. L’homme ne bouge pas, non, pensif, ses dents viennent rencontrer sa lèvre inférieure, la malmener avec virulence jusqu’à faire perle une substance rougeâtre si fine qu’elle disparaît en un coup de langue. Que faire d’un homme souhaitant rejoindre un ordre qui le dépasse, que faire, que faire… Tester n’est jamais très bon, non, tester n’est jamais très agréable non. Pour autant, faut-il vérifier que les Trois eux-mêmes pardonnent, acceptent de recommencer, de tendre la main. Lui ? Il est différent, ce n’est pas qu’une punition divine qu’il inflige c’est sa propre rancœur. Il n’avait pas fallu longtemps à l’ancien de cet ordre pour le remarquer, pour le comprendre. Des novices, il en avait fait rentrer, moins dernièrement avec cette chasse intensive aux extrémistes. Dès comme lui : jamais. Parce que la survie de l’ordre doit toujours primer, toujours et lui, lui, il est trop bruyant, trop voyant, trop regardant dans ses actions.

Alors il avait attendu sagement, voir si l’épreuve lui aurait ouvert les yeux, mas non. Encore ce non désagréable douleur. Ce ne fut que gémissement, hurlement, douleur et souffrance. Était-ce ainsi que fonctionnaient les Trois ? Difficile à croire, oubliait-il le principe même de ce qu’il souhaitait rejoindre. La grandeur des divins le dépassait largement.

- « Fais prévenir la milice »
- « Hein ?! »
- « Fais prévenir la milice, on va voir comment il se débrouille quand il est non chasseur, mais proie. »

Le petit être cadavérique opine, plusieurs fois, avant de sortir des longs tunnels pour entrer dans la ville. Il n’a pas eu à aller très loin, pas réellement eu l’occasion de dire quoi que ce soit, déjà les hurlements raisonnants aux extrémités des différents passages avaient semble-t-il attirer l’oreille des hommes et femmes d’armes. D’une main tremblante, le petit être insignifiant avait indiqué l’emplacement, laissant des sillons de larmes orchestrés s’évader de ses yeux. Évidemment la troupe de miliciens n’avait guère attendu se précipitant dans la direction indiquée épée dégainée.

◈ ◈ ◈

Plic. Ploc. Plic. Ploc. C’est le bruit des pas d’un être tout aussi cadavérique que le premier, mais dont la prestance et l’autorité n’est plus à prouver. Recruteur depuis bien trop longtemps pour qu’il compte encore les jours, chargés d’accueillir les nouveaux venus dans le repenti et l’amour des Trois, la supervision du pardon. Il se tient immobile, juste là, à quelques pas de l’immondice, de se saccage des corps sacrés, penche la tête, grogne, observe sagement sans trop savoir pourquoi. Pourquoi, voilà une question qui mériterait d’être posée, pourquoi, oui, c’est intéressant à demander. Mais il ne dit rien, il se contente de disparaître dans les conduits et les passages que nul autre que les habitués ne peuvent connaître. Laissant sa voix raisonnée là encore un peu partout, laissant oui, sa voix se faire entendre :

- « La milice arrive, il faut un coupable, toujours un coupable, indigne »

Il disparaît, oui, sans tendre la main, juste en prévenant, laissant le choix sur le pourquoi, le comment, le qui. La milice cherchera jusqu’à trouver, fouillera le moindre recoin, pourtant si il veut vivre, sauver sa vie, il doit fuir, disparaître, s’en aller. Personne n’est de taille contre un groupe de miliciens armés. Fuir, ça remet les idées en place, ça remet l’ordre des choses, l’importance de chacun et son impuissance face à la toute-puissance des Trois. L’homme sait déjà ce qu’il va demander, oui, il sait déjà ce qui ferait basculer un non en oui. Le sacrifice pour les Trois, ainsi après avoir réfléchi un long moment, après avoir échangé avec les autres purificateurs un murmure d’épreuve c’est faufilé. Pour entrer, il faut laisser ses fautes derrières soit, pour rentrer dans l’ordre il faut oublier son passé et quoi de plus représentatif du passé de cet homme que ce compagnon imposant qui lui sert d’homme de main et qui réalise la plupart des méfaits.

- « Pour vivre, prends le sentier étroit, avance et attends en silence. La milice ne passe jamais là » c’est encore sa voix, cette même voix qui vient rapidement être couvert par le bruit de la course des miliciens.

Ce sont des hurlements, des encouragements d’une troupe qui débarque, qui se précipite jusqu’à s’immobiliser devant le spectacle macabre qui se dresse devant eux. Est-ce qu’ils ont fui ? Est-ce qu’ils sont toujours là, il n’empêche que ce que l’ensemble des miliciens découvrent provoque des vomissements, des détournements de regards, des pâleurs importantes.

◈ ◈ ◈


Plic. Ploc. Plic. C’est le bruit de l’eau qui vient s’écouler le long du mur humide des égouts, jusqu’à se battre dans le sol boueux où les pieds s’enfoncent. Une table est installée au milieu de cette zone inconfortable, une grande table penchant, qui ne tient on ne sait trop comment, mais qui est pourtant présente. Une tête de serpent est déposée en son centre et deux verres l’entourent. Le mélange est malodorant, il est aisé de comprendre ce qu’il détient. Le reste de l’endroit est entièrement vide, complètement vide. Plus le moindre bruit se fait entendre, hormis cette même mélodie qui n’a de cesse de se faire entendre : Plic. Ploc. Plic.

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MessageSujet: Re: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptyDim 22 Déc 2019 - 1:10
Ce n’était pas un homme à croire au coup du sort, encore moins au destin. Les planifications méticuleuses et infaillibles avaient toujours été les pierres angulaires de ses sombres manigances, ou du moins jusqu’à maintenant. Ô grand jamais le spectre n’avait eu l’envie de s’encombrer de doutes, d’incertitudes. Il ne pouvait décemment pas tolérer que le hasard ou la providence, soient de mises. Ainsi, le rôdeur n’hésitait pas à torturer son cerveau pendant des jours – et des nuits - entiers pour écarter toute déviance, tout imprévu ou inconvenance quelle qu’elle soit dans ses machinations funestes. C’était d’ailleurs sur sa ruse et son auto-proclamée clairvoyance qu’il avait durant toutes ces années, impunément put bafouer à sa guise, toutes les lois qui régissaient la cité. N’étant pas un guerrier, ni un puissant, c’était la corruption, la torture, la discrétion ou la volonté de survivre dont il avait dû s’armer pour s’élever dans la chaîne alimentaire, de simple proie à prédateur. Mais aujourd’hui, alors qu’il pensait être au paroxysme de son art, que nul ne pouvait contester son génie macabre, tout venait de basculer soudainement.

Une voix raisonnait sur les pierres, maculées de souillures, peinant à se faire entendre par le vaurien. Ces quelques mots concis n’étaient guère la réponse escomptée et le bruit désaccordé d’armures en mouvements s’amplifiait et rompait le silence morbide des lieux. Dans cet enfer souterrain, le temps paraissait brusquement se figer et la résonance accrue des sons martelait ses tympans, la notion du présent semblait lui échapper, l’empêchant de réagir face au danger imminent.

Une sensation étrange s’empara de son être, cherchant désespérément du regard, le fantôme qui vint hanter son for intérieur. Un sentiment qu’il n’avait plus ressenti depuis des années. L’hésitation, l’incompréhension. Aussi loin que sa mémoire remonte, jamais le doute n’avait embrumé son esprit de la sorte. Après avoir achevé son œuvre, le paria s’imaginait déjà endosser le rôle du prophète enlisant l’humanité dans la mort et la destruction. Quelques faits d’armes lugubres pour qu’ensuite, un tapis écarlate se déroule pour guider ses pas jusqu’au trône. Une salle bondée, une ovation de ses fidèles s’agenouillant ensuite à ses pieds pour couronner sa suprématie. Son interprétation des paroles énigmatiques était-elle erronée ? Ses pulsions frénétiques avaient-elles entravées sa lucidité ? Sa prudence ? S’était-il détourné du sentier divin ? Le maraud ne savait plus. D’un simple murmure, l’ectoplasme venait de balayer toutes ses certitudes, comme un amas de poussière éparpillé par le vent ; redessinant sur son visage, les stigmates d’une bête paniquée.

Les gesticulations et les bousculades de son complice, affolé par les cris et les battements de semelles coordonnés, le ramenèrent à cette réalité, oppressante. S’ils ne voulaenit pas terminer en gibiers de potence, les deux acolytes n’avaient d’autres choix que de s’engouffrer dans les dédales obscurs du souterrain, priant pour échapper à la battue. Accélérant sa marche boiteuse, le damné sentait tous les vices de son corps entraver sa fuite. Chaque pas l’essoufflait rapidement, son pouls s’accélérait, son piètre physique le renvoyant un peu plus à sa condition de vulgaire charognard plutôt qu’à celle d’un valeureux guerrier. Alors que la crainte rongeait son calme, d’ordinaire inébranlable, la voix onirique de l’inconnu vibra une seconde fois, donnant une alternative – bienvenue - à la mort qui les attendait, fatalement. La situation lui échappait, habituellement si méfiant, il se contenta naïvement de suivre les indications de l’être omniscient, espérant qu’il ne les conduirait pas à leur fin.

Immobiles, droits et silencieux dans le corridor exigu creusé par l’érosion, les deux compères attendirent que la tempête passe son chemin. Leurs souffles se fracassaient contre la roche suintante d’immondices verdâtres, les battements soutenus de leurs cœurs angoissés reprirent un rythme moins cadencés. L’ombre de la mort s’en était allé, laissant planer quelques espoirs de survit, ou juste quelques secondes de répit. Couvert par le choc des pas contre les flaques putrides et des cris d’horreurs de la milice face à la découverte funeste, le misérable et son bras droit longèrent prudemment le sentier qui s’élargit nettement, les conduisant à une pièce nébuleuse. Le désaxé ne distinguait rien, ni personne, seulement une table miteuse soulevant péniblement deux verres dont les effluves nauséabondes qui en émanaient ne laissaient guère présager un exquis nectar de bienvenue. Au centre trônait la tête du serpent qu’il tenait dans sa main il y a quelques heures de cela, délivrant implicitement les contours de cette nouvelle épreuve qui les attendait. Le vagabond se souvint de cet instant où il fixait le reptile d’un air condescendant, l’étranglant de sa main pour asseoir sa domination, sa toute puissance dont il était si fier. Désormais c’était cet animal qui causerait sa perte, n’appelle t-on pas cela l’ironie du sort ? Pensait-il en échappant un rire.

Le psychopathe se saisit de la coupe face à lui, tournoyant le liquide qu’il contenait pour en respirer tous les arômes empoisonnés, résigné à laisser les dieux décider de la suite de son existence. Se laisser mener par le hasard, était-ce finalement cela vivre ? Etait-ce donc cela croire aveuglément ? Le maraud tendit le deuxième breuvage à son compagnon dont tout comme lui, sa survie semblait être placée entre les mains sournoises du destin. D’un simple regard, sans un mot, il trinqua avec son camarade d’infortune avant de lever son verre.

« A la tienne ! Dit-il en ricanant avant de boire la décoction, sans détours. »
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MessageSujet: Re: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptyDim 22 Déc 2019 - 20:55


Une gorgée suffit à vous faire perdre la raison, une entièreté suffit à vous faire succomber dans la plus douloureuse des morts. D’abord, la bouche devient pâteuse, la gorge s’assèche et gratte rapidement, puis petit à petit les membres s’alourdissent, on cherche son air, on s’écroule sur le sol en suppliant, en tendant une main vers un allié qui n’est plus qu’un être très éloigné, flouté. L’esprit s’embrume et nous fait voir des choses qui n’existent pas, plus, qui sait ce que l’énorme géant doit percevoir. L’homme squelettique attends sagement, le bruit de ce corps qui s’écroule, satisfait de voir que dans le choix des substances, le bourreau a choisi le liquide qui le rendra malade une nuit tout au plus, mais certainement pas agonissant. Qu’est-ce qu’une nuit à se vider entièrement face à l’espoir d’une vie se poursuivant encore un peu. Une fois le deuxième silencieux, une bave blanche s’exfiltrant de ses lèvres bleutées.

Clap. Clap. Clap. C’est le bruit de deux mains plutôt fines s’entrechoquant pour applaudir le spectacle alors que le ventre de l’unique survivant devait déjà se faire douloureux. Clap. Clap. Clap. C’est le bruit d’une ombre s’exfiltrant d’un passage si étroit que personne d’humain n’aurait dû pouvoir y passer. S’appuyant contre une paroi humide recouverte d’une partie de moisissure malodorante le masqué ne bouge pas, patientant sagement que les premiers effets et grognements se fassent entendre. Il aurait pu faire tellement de choses, décider de tuer lui aussi de cette manière théâtrale qui semble tant plaire à son interlocuteur.


- « Bien, maintenant que nous sommes tous à égalité, nous allons peut-être pouvoir discuter » fit-elle le regardant où espérant le voir se tortiller « Vous n’allez pas mourir rassurez-vous, aucun venin dans votre récipient ni poison » il se mit une nouvelle fois à applaudir « Fantastique n’est-ce pas ? Bon, navré, vous allez tout de même être malade, sentir votre ventre se tourner et se retourner, vomir… Mais n’est-ce pas là la meilleure façon de faire pénitence… Parce que mon très cher, faut-il l’avouer, vous en avez bien besoin, mh ? »

S’approchant de quelques pas, lentement, l’homme récupéra le récipient qui se trouvait au sol, devant le cadavre encore chaud de celui qui avait semblé avoir un don pour trouver et tuer des personnes, un peu moins vis-à-vis de sa réflexion cependant.

- « Penses-tu réellement que ton comportement fait honneur aux Trois ? Un fangeux te dévorerait sans réfléchir… Tout doit être dans le respect de la création de l’œuvre de nos dieux, absolument tout. » il laissa un silence « Il faut toujours, toujours un coupable mon ami, la milice trouvera le corps de ton binôme, elle le pensera responsable de cette affreuse histoire dans les égouts et toi pendant ce temps-là tu devras faire pénitence, te rattraper au regard de nos dieux… De là tu feras officiellement parmi des purificateurs, dont l’unique mot d’ordre reste la discrétion. Comprends-tu ? Discrétion.»

Il abandonne sa position pour se déplacer, contourner celui qui ne doit plus être en très grande forme. L’aider, il n’y songe pas, chacun sa façon de faire pénitence, de présenter ses excuses au dieu. Lui qui a cru lui-même en devenir un pour pouvoir réaliser des aberrations des manquements grotesques aux trois créateurs.

- « Voilà tes prochaines missions, survivre déjà, ça serait pas mal… Puis te racheter, rapproche toi clergé, participe dans les mouvements, fait toi plus agréable pour te créer un réseau… De là tu passeras réellement l’épreuve du poison, mais la mission la plus délicate et que tu ne devras pas venir seul… A toi de convaincre, oui de convaincre une autre personne en le pouvoir des Trois et l’importance de l’épreuve des dieux. » il lui offre un sourire « bienvenu dans la secte des purificateurs, fidèle, il ne te reste qu’à faire tes preuves… Oh oui et parvenir à sortir d’ici pour survivre… Bon courage. Une fois ta mission réalisée, ne t’inquiète pas, j’en serais averti. »

Spoiler:

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MessageSujet: Re: Ascension souterainne   Ascension souterainne EmptyDim 29 Déc 2019 - 22:59
Les secondes qui menaient au trépas étaient une période que l’on ne vivait qu’une seule fois. Personne, encore moins lui, ne pouvait anticiper les sensations que provoquaient les prémices du néant. Le liquide visqueux s’écoulait si lentement qu’il le sentait ruisseler dans sa gorge. Aux portes de la fin, le temps perdait toute relativité. Chaque grain de sable qui s’écoulait du sablier semblait mettre une éternité à se confondre dans la masse de l’erg déchu. Les yeux plongés dans le vide abyssal, sa carcasse se détachait de son esprit, rien ne semblait plus le lier à l’instant. Comme un esprit immatériel, il se voyait convulser, tomber de tout son être en lâchant la coupe, résistant au choc sur le sol fétide avant de rouler aux pieds du fantôme. Les boyaux brûlants, ses entrailles se consumaient par un feu ardent, ne pouvant que vainement se tenir le ventre pour tenter d’atténuer ses maux, impuissant.

Dans un ultime effort, le moins que rien tendit une main vers son comparse, espérant qu’il entende sa détresse, silencieuse, implicite. Il le voyait, luttant ardemment, plus vaillamment que lui, s’espérant même soudainement résister, avant de sombrer tout comme lui, puis de s’enfoncer dans la mort ; dans une ovation macabre, celle qui aurait dû finalement le couronner. Sa main se tendait toujours vers l’imposante dépouille, mais ce n’était plus un appel à aide, seulement une tentative informulée de lui demander pardon. Il était trop tard, son regard figé ne réagissait plus. Il était trop tard. Trop tard pour lui exprimer sa gratitude pour toutes ses années de fidélité, son amitié sincère qu’il ne lui avait jamais partagée ou encore ses excuses pour ses écarts, qui l’avait conduit à sa propre fin. C’était donc cela l’amitié ? Pensa t-il, ému, les yeux larmoyant, laissant son bras s’effondrer sur la roche glaciale, sentant un sort similaire le foudroyer prochainement.

Les palabres de l’ectoplasme résonnaient par milliers dans son cortex, tel un écho interminable, les sons s’entremêlaient pour ne former qu’un brouhaha à peine audible. Dans cette cacophonie, le Serpent comprit qu’il serait épargné, tout en devant porter le deuil et la responsabilité de ses actes. Sa conscience lui chuchotait délicatement : « Tout cela est de ta faute ! ». Avant de le répéter plus distinctement pour finir par lui hurler violemment dans son for intérieur. Ses mains serraient fermement son crâne tourmenté, jusqu’à enfoncer ses ongles souillés et abîmés dans sa peau atrophiée, criant, suppliant que cette insupportable torture ne cesse enfin. Trois être flous entourés d’une lueur lumineuse se dessinaient soudainement dans ses divagations, clamant en chœur leurs dégoûts, faisant violemment volte-face avant de s’enfoncer dans la pénombre de ses illusions.

« Ne m’abandonnez-pas, je vous en prie ! Hurla t-il à son mirage, voyant les trois divinités se dissiper, semblant presque le renier. Pardonnez moi ! »

Il consentirait à se soumettre à la volonté divine, jurant de ne plus se détourner, jamais. Ses chimères l’épargnèrent un court instant, laissant le vautour qui tournoyait au dessus de son corps cadavérique, délivrer son ultime sermon, ses dernières injonctions. Alors que le rôdeur avait toujours fermement dédaigné l’autorité, se jurant d’être le seul maître de ses actes, cette fois-ci, aucune pulsion rebelle ne vint. Telle une bête sauvage, finalement domptée à la force du fouet, la créature se contenta d’acquiescer, docilement, d’un signe de tête laborieux. Incapable de parler, vomissant le breuvage par bribes verdâtres, avant de se laisser emporter dans les tréfonds de son âme, résigné.
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