disobey me, then baby, it's off with your head — Rémi

Le groupe de sang bleu s’agglutinait dans la demeure, l’hôte de la fête – un jeune noble pour asseoir son pouvoir - avait dépêché la troupe de Cérène pour se représenter. Plus ou moins plongés dans une période délicate depuis un moment, la petite troupe écumait des jours très difficile financièrement et la faim se faisait omniprésente, les assiettes et les portions se faisant de plus en plus maigres au fil des semaines, creusant leur joue. Ils avaient élaboré des stratégies quant à cette nouvelle représentation comme étant un espoir de renouveau, misant sur les courbes alléchantes de Cérène ainsi que sa performance pour attirer potentiellement des nouveaux bienfaiteurs qui seraient intéressés à les faire se produire une nouvelle fois en leur demeure.

« Ils sont déjà là… » Murmura Gustave, la joue reposant nonchalamment sur son poing. Il bailla à s’en décrocher la mâchoire. « Ça m’épuise, déjà… Ne nous attardons pas trop après. »
« Boarf, il suffit juste de jouer une musique distrayante pour les captiver, Cérène se chargera du reste… Pas vrai ? Vous avez tous vos masques, comme il a demandé ? »
« Il m’a filé un masque de cochon, vous pensez qu’il essaie de me faire passer un message ? » Plaisanta Gustave en rigolant.

Adossée contre un mur, un lent sourire félin s’étira dans l’ombre. Un léger rire, d’une exclamation brève amusée, et lorsqu’elle quitta enfin les ombres, ses mouvements étaient armés d’une délicate énergie volcanique. Prenant place entre ses deux camarades, elle se contenta de murmurer tout en fixant l’assemblée.

« Comme d’habitude, faisons en sorte qu’ils n’oublient rien du spectacle. »
« Tu comptes faire comme avec Rougelac et offrir une danse privée ? Ca va en faire, des jaloux. »

Cérène haussa les épaules avec nonchalance, l’air de s’en moquer éperdument.

« Si cela doit arriver et que le sang-bleu est prêt à raquer une somme coquette, le reste importe peu. »

Positionnant son masque de serpent sur le visage, Cérène, s’étira. L'on avait choisi leur masque et celui d'un serpent, peint d’un vert satiné avait été offert à Cérène. Elle pouvait être qui elle voulait, exacerber ses gestes reptiliens, cela paraissait authentique et de cette image s’esquissa un demi-sourire en coin.

« Vous êtes prêts ? »

_____________

Elle s’avança avec assurance sur l’estrade posée au sol. D’un geste de main reptilien et d’un coup de doigt expert, sa cape s’écrasa avec légèreté à ses pieds alors qu’elle continuait d’avancer sur le devant de la scène, ses jambes s’ouvrant alors sur une robe rouge fendue au niveau de la cuisse, son délicieux visage était serti par le masque d’un serpent, gueule presque ouverte, prêt à déferler sur le public. Elle sentit tous les regards fascinés s’abattre sur elle telle une averse chaude. Un silence aussi lourd qu'inattendu rampa dans la salle, s'accaparant toute l'attention des spectateurs, seulement comblé par le tremblement du tambour de Gustave ainsi que la lyre de Théophile. L'ombre de Cérène s'étirait maintenant jusqu'à eux, dangereuse, ses hanches se balançant dans une lente danse hypnotique, remontant et se mouvant dans des déhanchés saccadés et intrinsèquement provoquants.

Séduis-les Cérène, tous. Sans exception.

Tournoyant et pivotant sur elle-même plusieurs fois avec grâce, elle freina sa folle course en posant un genou au sol. Arrachant lentement son masque pour offrir son visage au public, son regard sonda la foule avec malice avant de l’envoyer valser un peu plus loin. Cérène faisait l'effet d'une redoutable séductrice, et fit danser autour d'elles ses bras, s'agitant dans l'air comme deux superbes flammes, calmes et pleines de voluptés. Ce qu'elle dégageait en dansant, c'était d'une intensité poignante, bouleversante et douloureuse. C'était d’une passion incendiaire, sans limites ni contraintes mais également maîtrisée, contenue dans une délicatesse charmante par la grâce insolente de ses pas. De la langueur appelant à l’amour et de la fermeté criant à la guerre, une énergie paradoxale du moment présent.

Elle remonta lentement et presque pensivement, se répandant en volutes chaudes et moites mais qui avaient quelque chose de sulfureux et d'effroyablement séducteur. Pivotant sur elle-même, elle se cambra avant de tomber dans une chute contrôlée au sol, saluant le clou du spectacle sous un tonnerre d’applaudissement, essoufflée et poing sur le cœur.
Prenant appui sur ses mains pour se redresser souplement et descendre dans le public avec l’agilité d’un félin en chasse, dans son mouvement, elle détacha ses cheveux et secoua la tête, révélant sa chevelure sauvage au public.
Mais la musique gagna en intensité, le spectacle n’était pas terminé.

Alors qu’elle venait de bondir dans la foule, ses yeux scannèrent les invités attentivement. Elle se concentrait sur la musique, se donnait de bras en bras comme la caresse calme de l'eau qui s'évade et se veut insaisissable. Elle échangea danses et phrases de courtoisies entre les nombreux hommes l’entourant, chassa la lassitude qui contractait ses traits. Soupirant après un énième échange creux, Cérène étira un léger sourire à son dernier partenaire de danse, s’inclinant dans une courbette malicieusement ironique.

« Ce fut un pur plaisir, sire… »

Se redressant presque aussitôt, elle pivota et fit brutalement face à un autre homme, tout proche d’elle qu’elle n’en avait même pas remarqué sa présence. Amusée tel un chaton, Cérène recula, et d'un pas léger se décala légèrement, lui offrant un regard énamouré, presque brulant.

« Pardonnez-moi, je ne vous avais pas vu. » Murmura-t-elle amusé, d’un ton complice tout en tapotant son index contre sa joue.

Penchant doucement la tête sur le côté, elle sembla l’examiner silencieusement, son regard vert balaya les contours de son masque avant de s’attarder sur ses yeux qui lui faisait étrangement penser à quelqu’un. Bleu, peut-être un peu espiègle et langoureux, mais lorsque Cérène parla il resta étrangement silencieux, ce qui l’intrigua davantage. Elle lui offrit une mine irrésistible, douce et légèrement espiègle.

« Nous connaissons-nous ? » Questionna-t-elle, un nouveau sourire séducteur venant fleurir sur ses lèvres puis elle sembla chasser de sa main un nuisible invisible. « Oh, non, ne répondez pas… »

Elle lui tendit sa main en ce qui semblait être une invitation.

« M’accorderez-vous cette danse, Messire ? Je préfère deviner en dansant plutôt qu’en questionnant. » Sourit-elle à nouveau. S’approchant à nouveau de lui d’un pas, elle murmura. « Vous n’avez rien à craindre d’une pauvre saltimbanque telle que moi, je vous l’assure. »

Abaissant la tête, elle dissimula un sourire malicieux.
Oh, s’il savait.
Revenir à danser avec elle, c’était comme prendre le risquer de dompter une créature sauvage.