Une nuit chaotique, emplie de cauchemar dont la simple allusion suffit à me pétrifier chaque membre de mon corps. La sueur présente témoigne que Rikni n'a pas eu le bon vouloir de me protéger dans le domaine qu'est le sien, c'est-à-dire mes rêves agités depuis la mort de Lise.
Des cernes se tracent davantage chaque soir, aujourd'hui elles sont particulièrement visibles à cause d'un manque de sommeil évident. Qu'importe, je n'ai pas le temps de réfléchir à de telles broutilles, une mission et une personne attende ma venue pour l'accomplir. Je n'excelle dans aucun domaine, hormis celui de me résigner à me noyer dans ma tâche de milicien pour oublier les tracas du quotidien.
Je me munis de cette cape qu'on m'a offerte pour faire office de couverture, ma tenue habituelle se dissimule parfaitement en dessous de celle-ci laissant aucun doute de mon appartenance à la milice. D'un pas rapide je parcours les rues, ne prenant pas la peine de m'excuser à la moindre bousculade involontaire. Malgré une capuche qui dissimule son visage, je reconnais par la carrure de l'homme que j'ai côtoyé hier lors de cette boucherie de sectaire. Néanmoins je ne peux pas être sûr de son identité, donc je me profile discrètement dans sa direction passant volontairement devant lui sans vraiment lui faire face, du coin de ma capuche nos regards se croise. Le doute n'est plus permis, je viens de retrouver mon compagnon de route, sans dire un mot je prends place à côté de lui, laissant par la même occasion une distance raisonnable pour ne pas éveiller les soupçons des passants. Les salutations se firent d'un simple hochement de tête, aucun prénom ne doit sortir de nos bouches, le mien ne devait pas être très répandu contrairement à mon compère, néanmoins la corruption de cette bande d'idiots a réussi à infiltrer les rangs de la milice et nul doute que mes aventures depuis mon entrée dans le métier n'est pas su retenir l'attention de certains péons en manque de ragots plus étrange que stupide.
Nous surveillons le moindre signe pouvant être pris pour une invitation, néanmoins aucun signe ne semble être visible avant qu'une enfant ne se présente à nous. Réclamant une pièce ou deux pour pouvoir se nourrir, au premier abord je n'allais pas prêter davantage mon attention à cette enfant quand j'aperçus dans ses petites mains un morceau de tissu replié plusieurs fois sur lui-même. Je dépose alors un genou à terre, tapotant la tête de la petite avant de déposé une pièce dans le creux de sa main tout en récupérant l'objet m'étant destiné. "Tiens, et file maintenant." Dis-je en la poussant légèrement pour la faire partir. J'ai pu lire dans son regard une sorte d'incompréhension suite à mon geste, comme si c'était la première fois qu'elle recevait une pièce pour avoir accompli cette tâche.
Je déplie le morceau de tissu, un dessin grossier de la rue avec des flèches pour nous inciter à rejoindre un point précis. Je le tends à mon compagnon posté non loin de moi pour qu'il prenne connaissance de l'itinéraire avant d'amorcé la marche. Une fois la foule réduite, les rues étroites nous ramènent dans un lieu isolé, plus précisément un cul-de-sac. Je laisse échapper mon inquiétude de vive voix. "Je n'aime pas ça, rebranchons notre chemin avant de..." Le bruit d'une porte grinçante se fait entendre, une vieille femme portant la même tunique que nous rigole tel une sorcière avant de nous adresser la parole. "Par ici mes mignons, je ne mords pas, je ne mords pas ou peut-être que si ?" Dit-elle avant de se remettre à rire de façon incontrôlable.
La situation étant devenue inconfortable, je n'ose pas vraiment imaginer ce qui nous attend, mais je suppose que nous n'avions pas le choix.
Une fois dans la maison d'apparence abandonnée, la femme s'avance doucement vers le fond de la pièce, tapant à plusieurs reprises avec sa canne contre le sol. Avant que je n'ai eu le temps de lui demander la raison de cette action insensée, le sol frappé se dérobe laissant par la même occasion un escalier qui descend sans vraiment apercevoir le fond. J'avance en premier, laissant mon camarade couvrir mes arrières. À force de descendre une odeur assez forte commence à se faire sentir. Une fois en bas je constate la raison de cette pestilence. L'éclairage de la pièce est alimenté par diverse bougie disposée un peu partout, laissant un spectacle des plus étrange. Des hommes et des femmes à moitié dévêtues, entassées les uns sur les autres, le regard vitreux et s'abandonnant à la boisson et à la luxure comme s'il n'aurait pas de lendemain.
Notre rendez-vous annonce finalement sa présence, nous invitant à venir le rejoindre. Lors de notre approche j'aperçois une femme sous chaque bras de celui-ci. Une fois à son niveau il m'adresse la parole dans un premier temps. "Salutation, installez-vous. Tenez, prenez celle-la." Dit-il me jetant l'une des femmes qu'il l'accompagnait. Je la rattrape d'une main, croisant son regard identique aux autres, elle me sourit en rigolant tout en restant docile tel un pantin. "C'est qui le costaud derrière toi ? Il veut aussi une donzelle le temps qu'on parle de nos affaires ?" Je m'abstiens quelques secondes de répondre, laissant l'occasion à Desmond de le faire lui-même, dans le cas d'un long silence je finirais par l'énoncé comme un simple garde du corps comme nous l'avions convenu.
"Brève de bavarde inutile, je suis heureux qu'on se rencontre enfin en chair et en os." Son regard se tourne en admirant la pièce remplie de légume. "Comment trouvez-vous mon petit coin de paradis ?" La question semble être autant pour Desmond que pour moi. "Les gens qui rejoignent nos rangs sont crédules, il n'est pas difficile de leur retourné le cerveau avec de belles promesses." Il m'observe avant de rire un bon coup. "Vous n'inquiétez pas, ils sont incapables de comprendre le moindre mot dans leur état, ils sont devenus de simple coquille vide." La femme qui m'a jeté résume bien ses propos, elle ne fait que me coller en rigolant de façon stupide, d'une seule main je la balade comme bon me semble. J'ignore totalement comment quelqu'un peut sombrer à ce point, ce n'est pas l'alcool cela est une certitude.
L'homme en face de nous attendait une réponse, comme étant fière de présenté sa création à des intéressées par un tableau de maître. Je peine à trouver les mots pour décrire cette folie, dois-je le caresser dans le sens du poil pour espérer avoir d'amples informations sur les sectaires ou bien lui faire ravaler sa fierté que cet endroit n'est qu'une vague plaisanterie au nom des trois. Indécis, je laisse à Desmond l'occasion de s'exprimer en premier, bien que j'ignore sa réaction et des conséquences que cela vont avoir.