Marbrume


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 Le bruit de la fureur des limbes — Théophile

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IsoldeQueen
Isolde



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MessageSujet: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyLun 9 Aoû 2021 - 15:35
9 Mars 1167

L’orage déchirait le ciel et envoyait des aiguilles d’eau s’abattre violemment sur Marbrume. Dans un profond grondement, non éloigné du port, en pleine nuit éclairés par le coup d’éclats de l’orage, entra l’ombre de Raphaël Dubuisson, manquant de trébucher dans la peur qui animait chacun de ses pas et de ses gestes trahissant l’apparence souplesse de son corps. Simple boulanger d’apparence il était jeune mais faisait déjà vieux, son front était strié de plusieurs plis inquiets, ses sourcils froncés et humides trahissaient l’anxiété qui rugissait dans tout son corps alors qu’il envoyait des coups de regards inquiets par la fenêtre ravagée par les assauts crépitants de la pluie et du vent.

« Jeanne ! » S’écria-t-il, époumoné et épouvanté, glissant une main paniquée et tremblante sur son visage pour se l’essuyer. « Jeanne ! » Insista-t-il avec fermeté, il s’avança de plusieurs pas apeurés dans la maison, agité d’une tension nerveuse se tournant et retournant violemment sur lui-même comme s’il était pris dans une énorme tempête.

Lorsque Jeanne jaillit de la cuisine, ses deux mains s’abattirent brutalement sur ses épaules.

« On est repérés » Lâcha-t-il très rapidement plongé dans une sombre et profonde terreur. « Il faut qu’on parte, vite avant qu’ils s’en prennent à nous ! Prépare tes affaires. »
« — En pleine nuit ? » Interrogea-t-elle, battant ses paupières d’incompréhension.
« — Ne pose pas de questions, idiote ! » Aboya-t-il avec méchanceté. « Prends tes affaires et dépêche-toi, c’est dangereux de rester ici ! »

Quittant la pièce principale pour préparer des affaires rapidement, Jeanne avait l’impression que quelqu’un l’observait. Cela pouvait être le fruit de son imagination mais peu importait : elle désirait retrouver Raphaël dans l’autre pièce le plus rapidement possible.
Puis un sifflement plana un instant dans la pièce d'à côté, léger et discret. Quand elle sortit de la petite pièce pour rejoindre le salon, elle retrouva Raphaël assis détendu dos à elle, Jeanne se précipita alors vers lui les jambes tremblantes et le pouls déchaîné.

Raphaël, arrête de siffler, il y a quelqu’un ici !

Mais il ne s’arrêtait pas, quand Jeanne se planta devant lui elle eût l’envie brutale de le gifler pour sa stupidité qui avait généré une hystérique inquiétude pour elle. Alors qu’elle amorçait son geste elle se freina immédiatement dans son mouvement, les yeux écarquillés de terreur et sa bouche s’ouvrit pour faire jaillir un cri qui ne vint pas. Sur le plexus de Raphaël s’était logé un poignard d’où sortait du sang noir et visqueux.
Un autre coup de tonnerre, au loin, plus proche.
Et quelqu’un continuait à siffler, quelque part, autour d’elle.


10 Mars 1167

« Isolde ! »
Isolde redressa lentement la tête d’une lecture d’un texte religieux, Solange lui faisait face et la dévisageait avec fermeté. En la contemplant, elle avait tout d’une Dame de Fer, ses traits étaient tirés dans la dureté du marbre et le tic nerveux qui agitait sa paupière était signe de mauvaise nouvelle. Connaissant cette grimace par cœur, Isolde savait que quelque chose tracassait sa tutrice et se contenta de saisir sagement le papier qu’elle lui tendait.

De quoi s’agit-il ? Questionna-t-elle en feuilletant le papier pensivement.
On l’appelle le Monstre des Rues, Isolde. Murmura Solange, interdite. Le chaos du cloaque rampe et lève un voile de terreur dans les quartiers de Marbrume. On ne peut pas le laisser continuer à se propager et faire germer le doute et la peur. Comprends-tu ? Un couple, tout ce qu’il y a de plus « banal » a été retrouvé sauvagement assassinés près du port, dans une maison isolée, la leur apparemment. On souhaite résoudre au plus vite cette affaire pour éviter de faire germer une terreur générale. Je compte sur toi là-dessus, tu es jeune et tu n’attireras point l’attention sur toi. La milice est déjà sur les lieux, ne tarde pas trop, un milicien t’attends et t’escorteras jusqu’à l’endroit.

__________________


La mer était agitée par le déluge de la veille, l’eau était sombre et se brisait contre les quais du port comme une créature mystique prête à dévorer la ville. Une nuée d'oiseaux marins affolés voltigeaient au-dessus d'eux dans un vol fou et frénétique et s’élevait dans le vent leur chant sordide.

« On devrait se dépêcher » Murmura le milicien qui continua à l’escorter vers le Port.

Arrivant sur les lieux rapidement, elle remarqua que déjà une maigre barrière de la milice s’attroupant en une solide barrière organisée pour éloigner les curieux qui tentaient de s’approcher et murmuraient des choses inquiétantes quant au couple Dubuisson.

« Inhumain… C’est Constant qui les a trouvés le premier… »
« Quelle horreur »
« Ils ne méritaient pareil traitement… »

Un milicien d’ailleurs sembla lui barrer le passage et Isolde redressa la tête en haussant un sourcil circonspect. Son collègue expliqua la situation sans forcément faire attention à elle, ce qui lui soutira un soupir exaspéré. Sans qu’on lui dise quoi que ce soit, le milicien posa sa main au niveau de son épaule pour la faire passer sans délicatesse. Grognant, passablement énervée de ce manque de courtoisie, Isolde s’avança vers la petite maison et sembla se freiner dans sa course pour l’observer. Elle respirait la mort et un frisson désagréable vint agiter un mauvais ressenti au creux de sa poitrine. Prenant une profonde inspiration, elle s’avança vers un milicien.

« Je suis sœur Isolde. J’ai essayé de faire au possible… Votre ami m’a escorté jusqu’ici. »
« Ah ma sœur, je vous en prie... » murmura un milicien en déposant un regard indéchiffrable sur elle, la dévisageant avec insistance, peut-être surpris de son âge, lui désigna l’entrée de la maison.

Chacun savait très bien ce qui allait suivre mais ni l'un ni l'autre ne voulait vraiment faire le premier pas, demeurant immobiles et calmes sans malaise ni aucune gêne. Alors, le milicien se résolut à entrer le premier et Isolde lui emboîta le pas. En refermant la porte derrière eux, un sentiment de mort attisé par le silence s'écrasa sur elle comme une immense enclume. Isolde s'avança lentement, sans un bruit, comme si elle risquait de réveiller un monstre tapi dans l’obscurité.
Son regard impassible devint alors pâle, translucide alors que ses doigts tremblotaient jusqu'à ses lèvres, une étincelle de dégoût dans ses iris. Etiol rédigé avec du sang sur l’un des murs, une femme – Jeanne - agenouillée face à l’écriture, sa tête inerte inclinée sur le côté, sur l’une de ses épaules, sa mâchoire déboîtée tombante dans le vide, un filet sec de salive pendant à la commissure de ses lèvres. Des cordages de pêcheurs fixés aux poutres visibles maintenaient ses mains rigides tournées vers le haut dans un funeste signe d’adoration religieux.

« Qu’est-ce que… Qu’est-ce que c’est que… »

Et alors qu’elle reculait de quelques pas lents tout en imprimant chaque détail de la scène, son dos se heurta alors doucement contre le torse d’un homme.
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyMer 11 Aoû 2021 - 13:03
Une agréable brise de printemps balayait la colline, faisant danser l’herbe et les fleurs. Quelques oiseaux se chamaillaient dans les ormes et les hêtres aux alentours. Le soleil commençait à réchauffer durablement la terre, prévoyant un été chaud. Tout comme la cuisse sur laquelle la tête de Théo reposait.

« M’sieur Théophile »

Cette voix lointaine lui disait quelque chose, mais son inconscient lui disait qu’elle n’avait rien à faire ici. Et puis la main continuait de lui caressait doucement les cheveux. Même si son geste était moins doux qu’il ne s’en souvenait, elle lui indiquait qu’il était bien, qu’il pouvait se reposer en ces lieux.

« M’sieur Théophile réveillez-vous. C’est vot’ chef qui m’envoie. »

La main cessa son ballet et la verdure s’estompa. Le sentiment de bien-être laissa place à une bouche pâteuse et un estomac qui gargouillait, mécontent d’avoir trop d’alcool à devoir encore digérer. Le borgne ouvrit son œil sain et remercia intérieurement la demoiselle qui l’avait accueillis cette nuit d’avoir fermé les rideaux. Le muscle qui logeait dans sa boîte crânienne aurait certainement fini de fondre autrement...Ladite demoiselle venait de se relever et d’enfiler une robe de chambre, couvrant sa nudité, et prépara une bassine d’eau pour son client.

« Le Sergent lui a dit que puisque vot’ Coutilerie aime les emmerdes et les fanatiques il avait une mission pour vous. »

Combien de temps le Sergent comptait-il les punir pour quelque chose qui n’était pas tout à fait de leur faute ? Le milicien n’en savait rien, mais cette interrogation le fit soupirer, car rien n’était à faire sinon de subir les humeurs de leur responsable. Ses membres criaient grâce alors qu’il se releva doucement.

« Vous d’vez vous rendre chez Raphaël Dubuisson sur les quais, le reste d’votre équipe vous r’joint là-bas. Le Sergent dis que quelqu’chose de pas joli s’est produit et qu’cette fois faut pas faire les choses à moitié. Vous aurez aucun mal à la trouver c’te bicoque. Elle est tout’ seul sur l’côté. J’vais réveiller les autres. A bientôt M’sieur Théophile »


Le messager s’éloigna pour sans doutes se rendre dans la chambre du Rouquin. Quant à Puceau, avait-il cédé à la tentation cette fois ? Ou était-il toujours fermement prêt à attendre le mariage pour tâter de la donzelle ?
L’archer s’étira et alla se préparer pour cette mission impromptue. Leur garde n’était normalement prévue que le soir, c’est pourquoi les trois hommes étaient venu dans ce lieu de débauche pour boire jusqu’à plus soif et baiser jusqu’à en avoir mal aux bourses. Alors qu’il enfilait sa tenue, Théo vérifia l’odeur qui s’en échappait et constata qu’elle ne sentait ni la transpiration, ni l’encens, ni une quelconque autre odeur désagréable. Il avait été bien inspiré de se changer juste avant de venir hier soir….

Quant il se rendit au rez-de-chaussée, le milicien retrouva ses deux camarades dans plus ou moins le même état que lui. Leurs regards se croisèrent et un soupir collectif se fit entendre. L’un des employés leur vendit avec grand plaisir de quoi casser la croûte. Les trois hommes se le partagèrent silencieusement sur le chemin, chacun ayant besoin de recouvrer ses esprits en même temps que son estomac se calmait.
Pour finir de s’éclaircir les idées, Théo mastiqua quelques feuilles de menthe qu’il avait ramassé lors du convoi vers Sarrant quelques jours plus tôt. Il en partagea avec Puceau, alors que le Rouquin préférait son habituel bâtonnet de réglisse.

Ils n’eurent pas de mal à trouver leur destination. Une masse de badauds était rassemblée autour d’une maison, que des collègues avaient déjà sécurisé. Dépassant la plupart de la populace, l’archer balaya la scène des yeux.

« Chef n’a pas l’air encore là. On devrait quand même rentrer voir ce qu’il en est. »

Puceau montra son accord en poussant les Marbrumiens et força le passage pour eux trois. Ils furent reconnus du soldat surveillant la foule populaire et purent passer sans aucun soucis dans la partie sécurisée des lieux.

Théo apperçut qu’une jeune femme fort jolie entra dans la bicoque à la suite d’un autre milicien. Il remarqua l’épaisse natte qui avait été posée sur son épaule, de la même manière que son Alice le faisait. Puis, seul l’arrière de son corps fut visible, laissant sur la rétine de l’homme l’image de ses proportions forts honnêtes. La présence de la jeune femme l’intriguait autant que ce qu’ils allaient découvrir. Voir peut-être même plus.

Le Rouquin, ayant bien entendu remarqué le manège, asséna un coup de coude amicalement fort dans les côtes de l’archer, le ramenant sur terre. Le ricanement que poil de carottes sorti prouva qu’il était content...et même le « Aïe ! Sale brute ! » de sa victime ne l’attendrit pas. Puceau leva les yeux aux ciels avant d’emboîter le pas de ses deux aînés.
Avant qu’ils n’entrent dans la maison, le collègue qui gardait la porte les prévint à voix basse.

« Préparez-vous les gars, c’est vraiment pas beau à voir ce qu’il y à là-dedans. »

L’horreur.
C’était en effet le seul mot capable de désigner ce qui se trouvait sous leurs yeux. Le cadavre d'une femme avait été profané et utilisé tel une marionnette. Avant qu'il ne puisse détailler plus la dépouille, une odeur métallique caractéristique pris au nez le borgne, dont les sens s'étaient affutés quant il avait perdu son oeil gauche. Son estomac, encore fragile, se regimba et il s'en fallu de peu pour que l'ensemble de son petit-déjeuner ne remonte pas. Théo mâcha avidement ce qu'il restait de menthe dans sa bouche pour faire passer le fumet sinistre.

Lorsqu'il put relever la tête, il en chercha la source et tomba sur une écriture énorme tracée sur le mur face à leur victime.

ETIOL

La couleur, les coulures et le cadavre devant l’écriture ne laissaient que peu de doutes sur ce qui avait été utilisé pour peindre ces lettres. L’archer ne savait pas lire, aussi c’est Puceau, qui suivait le nouveau programme d’alphabétisation, qui leur indiqua ce qui était noté.

« Etiol… »

Théo sentit que quelque chose le percutait. Par réflexe, il posa ses mains sous les bras de la jolie demoiselle qui venait de lui rentrer dedans, celle qu’il avait vu plus tôt, afin qu’elle puisse se stabiliser. Il baissa la tête pour l’observer de plus près et remarqua immédiatement le rictus figé qu’elle affichait. Ses yeux fixaient le corps de la victime et le reste autour.

« Je vous concède que leur vision du meurtre est plutôt spectaculaire et horrifique. Quand on nous as parlé d’emmerdes et de fanatiques, je ne pensais pas qu’ils franchiraient encore des étapes dans la stupidité humaine. »

Alors que la jeune fille lui paraissait avoir reprit un peu d’équilibre, le borgne l’aida à se redresser complètement. Vu la réaction qu’elle venait d’avoir, il pensa qu’il valait mieux la détacher momentanément du sang et de la mort. Il profita d’avoir toujours prise sous son bras pour la faire pivoter légèrement face à lui.

« Je suis Théophile Castaing, et voici mes camarade Barthélémy Tastet et Thibaut Dubost. Nous sommes une partie de la Coutilerie chargée de cette enquête. Que nous vaut l’honneur de la présence d’une aussi belle fleur que vous en ces lieux malsains ? »

Un léger sourire n’avait pas quitté ses lèvre alors qu’il se présentait, ainsi que ses camarades. Des trois, Puceau semblait le seul affecté par le désastre ambiant, cherchant à regarder partout ailleurs que le corps ravagé de la femme morte. Le Rouquin quant à lui observait la chose d’un œil distant, un air nonchalant installé sur ses traits. Pourtant il n’en était rien. Très bon pisteur, il devait déjà chercher des indices qu’auraient pu laisser le boucher à l’origine de ce massacre.

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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyJeu 26 Aoû 2021 - 19:13
Alors qu’elle se heurtait contre un homme, elle sentit qu’on la rattrapait et qu’on la détournait avec subtilité, comme pour la couper de cette vision d’horreur qui défilait encore sous ses yeux. Son regard attentif rencontra alors celui d’un homme, parcourant d’abord son œil laiteux, comme si son iris voilée était bordée de nuage avant de dévier ses yeux sur son seul œil valide dans lequel semblait pétiller d’une lueur malicieuse. Il sentait aussi très fortement la menthe. Elle se redressa, sa figure pâle se découpant comme un croissant lunaire dans la pénombre du couloir.

Euh, pardonnez-moi… Bredouilla-t-elle, ramenant une main confuse sur sa natte épaisse qu’elle rejeta lentement par-dessus son épaule pour se donner une certaine contenance.

Il avait parlé du meurtre d'une voix simple et naturelle, sans douleur ni appréhension, comme s'il annonçait un simple fait anodin. Isolde, elle, les observaient avec une délicate attention. Les miliciens avaient une autre vision de la Mort, peut-être qu’à force la côtoyer ils s’en étaient habitués, un peu comme s’ils retrouvaient une vieille amie à la Taverne.
Lorsqu’il se présenta lui et sa coutellerie, Isolde les saluèrent d'un léger inclinement de la tête alors que ses jambes se fléchissaient légèrement comme le veut l'usage avant de poursuivre.

Enchantée. Je suis Isolde d’Ailefroide, je suis censée représenter le Clergé. Dit-elle lentement, creusant son front d’une expression révoltée.

Sa voix était d’un calme profond, pleine de chaude vibration.

La femme a été sauvagement torturée, elle a dû bien souffrir la pauvre… Commentait un des miliciens qui était un peu plus loin avant qu’il ne s’avance vers eux, un sourire affable suspendu aux lèvres. Kale Taillefer, j’ai entendu parler… De derniers vos exploits. S’amuse-t-il tandis qu’il vint serrer la main des miliciens.

Il commença à pleuvoir. Les gouttes étaient énormes et se fracassaient sur le toit à nouveau, frappant le bois comme s'il s'agissait d'une centaine de petits doigts. Kale se gratta avec nonchalance l'arrière de la tête pour chasser le malaise.

Vous devriez voir les mecs et ma sœur … Si la femme a souffert, je vous laisse imaginer ce que l’homme a dû endurer. Soupira-t-il.

Elle oublia la vue des plusieurs miliciens avant de s’avancer vers Raphaël Dubuisson cloué à son siège. Isolde se figea et sentit ses sens se raidir quand son regard se plongea dans ceux de l’homme. Des pupilles mortes. Des yeux qui avaient à peine le temps de voir la mort avant de l’embrasser. Son regard glissa de son visage sur son cou elle prit un air surpris, carrément sidéré.

Quelqu’un avait gravé sur la gorge de Raphaël le mot :

« JUSTICE »


La puanteur de la mort était infernale, presque entêtante alors Isolde essaya de l'oublier pour mieux se concentrer sur ce décor, elle pivota pour faire face à Théophile.

Depuis quand les sectaires s’amusent-ils à faire la justice ? Railla-t-elle d’un méchant sarcasme tandis qu’elle s’éloignait du corps pour revenir sur le pas de la porte.

Kale qui était là depuis le début et qui se pencha au-dessus du corps pour approfondir son analyse, sembla reculer d’un bond effrayé, comme un chat surpris.

Euh…, murmura-t-il, les gars, ma sœur… Gémit-il en retenant difficilement l’angoisse tandis que Théo et Isolde se retournaient vers lui. Le mort… il s’est réveillé, putain !

Isolde tourna son regard vers le fauteuil où gisait Raphaël Dubuisson. Elle fut saisie d’un vertige tandis que l’adrénaline venait lui scier les jambes.
Kale disait vrai : non seulement le mort semblait les contempler mais il s’était oui… Réveillé… Son regard paniqué jonglait autour de lui tandis qu’il semblait murmurer quelque chose d’inaudible à leur adresse. Mais il n’y parvenait pas et écumait un nuage de bave dans sa terreur hystérique.

Impossible ! Glapit Isolde en s’avançant vers lui, Raphaël était revenu à la vie.

Il bougeait frénétiquement, ses pupilles affolées roulaient en tous sens comme s’il essayait de leur dire quelque chose mais n’y arrivait pas. Isolde se rua sur le corps dont une jambe tressautait convulsivement tandis que ses doigts tapotaient sur l’accoudoir comme s’il cherchait un rythme.
Soudainement prise dans un sursaut, Isolde se raidit, repoussée par la vision de ce cadavre en train de les observer. Elle s'apprêtait à essayer de temporiser l'homme mais Kale prit les devants. Le milicien retira son arme de son fourreau.

« — Maudit soit-il ! C’est un fangeux ! Reculez ! »

Il leva et braqua son arme en arrière.
Dans quelques secondes à peine, sa tête serait ôtée de ses épaules.

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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyDim 5 Sep 2021 - 22:24
Lorsque la prêtresse, Isolde se présenta t-elle plus tard, fit valser sa tresse, le borgne suivit cette dernière des yeux, se retenant d'aller en chercher le bout pour jouer avec. La chevelure était traitée avec soin et il imaginait tout à fait l'effet que cela lui ferait de glisser les doigts entre les mèches soyeuses, dévoilant la beauté décoiffée de leur propriétaire. Il n'était pourtant pas l'heure de ces considérations triviales.
L'odeur du sang lui rappelait les lieux mortels où ils se trouvaient, alors que la voix chaude de la jeune femme l'invitait à nouveau à s'échapper dans les limbes du pêché charnel.

Ce furent l'arrivée d'un milicien d'une autre unité, ainsi que le bruit étouffé de la pluie, qui le sortirent définitivement de ses rêveries. Un petit rire lui échappa quand Kale vint lui serrer la main et parler de leurs exploits. Les mêmes qui leur avaient valu la colère de leur Sergent. Isolde quant à elle, n'attendit pas et se dirigea vers Raphaël Dubuisson.
La victime était dans un meilleur état que feu son épouse. Même si il était aussi dépenaillé qu’elle, ses membres étaient à peu près à leur place.

Puceau, voyant qu’une autre inscription avait été gravée, accompagna Isole au plus près du corps. Il fut suivi de ses deux camarades peu après, leur permettant à nouveau d’entendre le contenu du message.

« Justice... »

« Depuis quand les sectaires s’amusent-ils à faire la justice ? »

Le ton qu’utilisa Soeur Isolde indiquait qu’aucune réponse n’était réellement attendu. Et de toute façon, Théophile était bien d’accord. Il était étonnant de voir que ces fous du cloaque pensaient faire la justice ainsi. Leur premier jugement avait été d’ouvrir les portes de Marbrume aux fangeux afin qu’ils y fassent un carnage. Il était incompréhensible de vouloir créer ainsi des machines de mort.

« Le mort… il s’est réveillé, putain ! »

La réflexion du milicien tira Théo de ses pensées. Et en effet, quand il regarda l’homme qui avait été inerte jusqu’ici, il aperçut qu’il n’en était plus rien. Le visage blanc et froid les dévisageait tour à tour, comme si il cherchait à repérer qui serait son premier encas. Ces yeux maudits, il les avait toujours vu de loin. Jamais il n’aurait pensé en observer d’aussi près, qu’une des bêtes responsable de leurs malheurs à tous se trouverait à quelques mètres près de lui.

Ils jurèrent tous, le borgne d’autant plus en voyant Isolde se jeter sur les jambes du fangeux. Etait-elle stupide ? Ne comprenait-elle pas qu’il fallait qu’elle fui ? Cette femme ne devait certainement jamais avoir vu les dégâts que pouvaient causer un fangeux pour venir s’offrir ainsi sous sa bouche.

Voyant que Kale avait tiré son arme pour s'occuper de feu Raphaël, l'archer se jeta vers le prêtresse et la tira de force en arrière, la faisant reculer de plus d'un mètre. Des marques seraient peut-être visible là où ses doigts étaient posés. Pour une fois, être doux n’était pas sa priorité. Le ton qu’il usa pour s’adresser à la Soeur était tout aussi rude, reflétant la peur qu’elle lui avait causé.

« Vous êtes inconsciente pour vous jeter ainsi à ses pieds ?! »

Alors qu'il tournait la jeune femme vers lui afin qu'elle n'assiste pas au spectacle qui allait suivre, continuant de la serrer suffisamment pour qu’elle n’ait pas l’idée d’y retourner, il alpaga ses deux collègues.

« Thibaut, Bart, occupez-vous de la femme. Elle est peut-être dans le même cas, on ne peut pas prendre de risque. »

Mieux valait éviter l'apparition de fangeux, quitte à effacer d'éventuels indices.

Voyant la tête de l’homme rouler, l’archer se dit qu’il avait bien fait de cacher le visage la prêtresse. Les pupilles vides les observait tout du long, éteintes de toute vie. Et pourtant, les avoir vu revenir à la vie quelques instants plus tôt, laissait planer un doute quant à leur extinction définitive.
C’était perturbant de savoir que peut-être la créature rodait encore derrière ce visage morne. Aussi, il ne relâcha pas la prise sur la demoiselle dans ses bras. Au contraire, il l’amena plus près de lui.

« Kale, sais-tu si il y a une cour ou un jardin où l'on pourrait brûler les corps ? L'affaire a déjà fait grand bruit, pas la peine d'en rajouter une couche en brûlant les cadavres sur la place publique. Je ne suis pas sûr que le Sergent apprécie une nouvelle démonstration. »

« Euh...Non, j’crois pas »

Son camarade semblait réfléchir sérieusement à la question, se grattant le menton, alors que quelques mètres plus loin, la tête de la femme venait aussi d’être arrachée à son corps désarticulé par Puceau.
Le Rouquin, qui avait moins d’états d’âmes que la plupart des gens réunis ici, attrapa les deux caboches et alla les jeter dans le foyer qui crépitait au fond de la pièce. Une litanie sortie de sa voix nasillarde, rendant le moment solennel.

« Soyez réunis dans votre deuxième mort »


Pas sûr que c’était l’effet recherché par son camarade, plus apte à l’ironie habituellement. Et cela fit réfléchir sérieusement Théophile. Les deux corps rentraient-ils dans la petite cheminée ? Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptySam 5 Fév 2022 - 17:52
Isolde sentit une torsion lui enserrer puissamment le poignet, l’attirant brutalement en arrière, l’éloignant brusquement de la silhouette de l’homme se tordant a morbidement, pris dans des convulsions horrifiques. Elle souhaitait entendre les bruits frénétiques du tapotement de son index sur l’accoudoir et craignait de comprendre ce langage.

Du morse.

En dépit de ses efforts pour comprendre, elle se retrouva rapidement hors de portée, et un océan de désespoir sembla l’engloutir comme une marée montante d’angoisse. Théophile lui faisait mal, serrait trop, trop douloureusement son poignet trop fin. Il avait la force physique, la force brutale et masculine. Et quelque chose le submergeait, une colère inquiète qui sembla le prendre à la gorge puisqu'elle se répercuta dans ses mots sans qu’il ne s’adresse tout à fait à elle, comme si elle n’était que le vague écho d’un souvenir qu’il revivait.
Sa phrase claqua contre les murs, imprégnant de cette fureur toute la pièce.

« — Attendez… Ecoutez-moi. » Se défendit-elle faiblement.

Le bruit de la décapitation lui glaça les os et les racines de ses cheveux se dressèrent funestement un à un sur son crâne.
Son regard se braqua dans celui de Théo, oubliant l’environnement autour d’eux ; comme si tout était recouvert d’un flou gras. Ses doigts saisirent un à un lentement son poignet et le tourna vers l’extérieur. Son index vint habilement taper dessus, calquant le rythme produit du « Fangeux » avec une précision effrayante.

«— Comprenez-vous le morse ? » Questionna-t-elle, Kale se tourna vers eux avec une surprise spontanée.
«— Ouais, un peu. » Avoua-t-il en grommelant tout en enjambant le corps de Jeanne. « Faites-voir c’que vous avez entendu. » Fit-il, retenant un ton un peu moqueur, un peu amusé.

Isolde resta stoïque et lui saisit sans ménagement, reproduisant le même rythme qu’elle avait auparavant fait sur le poignet de Théo. Malgré lui, Kale blêmit, perdant son rictus confiant à tel point que toutes couleurs semblèrent déserter son visage.

«— Euh… J’crois qu’la prêtresse a raison. » Reprit-il en étouffant un juron. « Ça veut vraiment dire un truc. »

Isolde esquissa un discret demi-sourire en coin, annonçant sa victoire silencieuse. Kale pivota vers elle, sembla la jauger très rapidement comme s’il revenait sur l’idée qu’il s’était faite d’elle, il sembla hésiter, puis soupira avant
d’avouer.

«— Y’a un truc qui dit « dans la crique échouée, des tas de secrets sont à déterrés » »

Il sembla à nouveau jurer.

« — Y’a une crique abandonnée pas très loin de c’te bicoque. Mais on n’y va jamais, on ne sait pas trop depuis combien de temps elle est là, alors… On dit qu’elle est… hantée. »

« — Raison de plus pour y aller, n’est-ce pas ? » Interrogea Isolde en croisant lentement ses bras sous sa poitrine.

Kale sembla éviter son regard puisqu’il braqua le sien dans celui de Théo.

« — J’crois qu’elle a raison. »

____

Ils quittèrent la bicoque délabrée et s’avancèrent vers la plage, pas très loin de la rive se distinguait la silhouette fantomatique du bateau mais qui nécessitait de traverser la mer à pied pour s’y rendre. Alors que les miliciens élaboraient une stratégie militaire pour s’y engouffrer, la prêtresse fit courir ses doigts assurés sur sa robe de prêtresse et fit doucement glisser le tissu. Alors qu’il pivotait Kale remarqua qu’Isolde se dépouillait de sa tenue de prêtresse, la délaissant pour une robe beaucoup plus féminine en-dessous, elle la plia soigneusement avant de l’enfourner dans sa besace.

« — Mais ma sœur, qu’est-ce que vous faites ? » Questionna-t-il en s’efforçant de regarder ailleurs de peur de passer pour un impoli.
« — Je viens, je ne serais pas à l’aise vêtu comme ça. » Annonça-t-elle le plus simplement du monde en haussant un sourcil, tout en se déchaussant avec élégance avant de s’approcher d’eux.
« J’veux dire, c’est dangereux. » Hésita-t-il alors qu’il observait Théo pour qu’il vienne l’encourager et la dissuader de les suivre.
Malgré tout, Isolde lui passa devant et commença à s’immerger dans l’eau.

« — Croyez-moi qu’avec deux têtes tranchées, je suis immunisée pour le reste de la journée. » Sourit-elle doucement, avant de désigner le bateau un peu plus au loin d’un geste ample du bras. « Messires, qui souhaite ouvrir la marche ? »

Heureusement, l'eau était sombre mais peu profonde ; ses pieds nus s'enfoncèrent aussitôt dans le sable noir. Ses pieds frôlant le fond spongieux. Un pas, un deuxième, puis un autre. Sa main se refermant sur sa robe qu'elle levait légèrement au-dessus de ses chevilles, sentant les petites vagues s'enrouler comme des mains invisibles autour d’elles comme pour l'attirer au-delà du rivage.

L’énorme carcasse du défunt bateau s’élevait funestement devant eux, plusieurs trous où gisait ses tripes de bois rongés par l’eau. À quelques mètres d’une béante ouverture, Isolde s'arrêta, regarda la façade avec méfiance. Finalement, elle s'engouffra en prenant appui sur l'une des planches, s'abîmant les phalanges contre le bois rugueux. Elle s’engouffra à l’intérieur, elle quitta l’eau pour découvrir du sable humide. La carcasse s'élevait comme un monstre énorme et putride, qui était prêt à ouvrir ses tripes pour mieux vous dévorer. Les entrailles du bateau n'étaient pas accueillantes, encombrées de planches brisées, de bougies aux flammes agonisantes, de rats borgnes et d'ombres frémissantes.

« — Je ne vois rien ici. » Pesta-t-elle. « C’est bien trop sombre, aucune lumière ne filtre à l’intérieur. »

Tout à coup le bateau se mit à grincer comme si une immense complainte funeste l’animait subitement. Isolde, dans un réflexe, vint saisir le bras de Théophile. Se rendant compte quelques secondes de latence avec étonnement de son geste. Sa main se retira de son avant-bras, l’air de rien.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyMar 8 Fév 2022 - 22:14
La prêtresse tenta d’attirer son attention, aussi Théo quitta les corps des yeux et regarda la jeune femme dans ses bras, avant de se concentrer sur les doigts qui tapotaient son poignet. A se demander si la prêtresse n'était pas folle....jusqu'à ce qu'elle s'adresse à l'autre milicien présent.

«— Comprenez-vous le morse ? »

Du morse ? Soeur Isolde tentait-elle de leur faire croire que ce pêcheur connaissait ce code dont beaucoup avaient entendu parlé mais que peu connaissaient ? Cela n'empêcha pas l'archer de défaire sa poigne et de la laisser vaquer avec Kale. Après tout, le plus gros du danger ici était passé désormais. Ils devaient encore s'occuper des deux cadavres avec Puceau et le Rouquin et...

«— Euh… J’crois qu’la prêtresse a raison. »

Le borgne leva un sourcil et observa l'expression d'Isolde. Celle-ci se délectait parfaitement de la confirmation de Kale. Les femmes du temple, celles qui priaient bien entendu, pas celles qui devaient faire des bébés, tenaient généralement à afficher à tout instant la droiture et la distinction qu'on leur inculquait. Celle-ci n'en était clairement pas. Et la suite de la conversation le confirma.
Le Rouquin et l’archer se regardèrent. Ils se comprenaient tout à fait en cet instant. Ce plan, ça sentait les embrouilles, aussi sûrement que la tresse de Soeur Isolde se balançait tel un métronome parfait dans son dos.

« Le chef va nous tuer... »

Le Rouquin fit cette remarque alors qu’ils étaient sortis de la maison, et il se détacha du petit groupe, allant échanger avec le garde en faction devant la porte. Bien sur que leur Coutilier allait les tailler en pièces en ne les voyant plus sur les lieux du crime. Pourtant, quelle était l’alternative ? Laisser Kale et la prêtresse seuls dans ce qui semblait être la gueule du loup ?

Impossible…

Au moins avec eux trois en plus, ils avaient un peu plus de chances de pouvoir se défendre en cas d’embuscade. Ne restait qu’à prier les Dieux que ce ne soit pas des fangeux qui les attendaient là-bas…

« Dites les gars, qu'est-ce qu'on fait une fois là-bas ? »

Kale marchait à hauteur de l’archer et du jeune épéiste, observant leur destination d’un air peu réjouit.

« T’as l'air beaucoup moins sûr de toi que devant la prêtresse l'ami. »

Les mots de Théophile sonnaient peut-être durement, pourtant l’expression amicale qu’il affichait indiquait qu’il n’en tenait pas rigueur à leur camarade. Ce dernier prit pourtant la mouche.

« Mais...faut bien aller vérifier quand même non ? »

« De toute façon on ne va pas la laisser y aller toute seule »


Théo balança un petit taquet derrière la tête de Puceau.

« Bien sûr qu’on ne va pas la laisser toute seule. Mais il faut faire attention. Que le cadavre nous indique cet endroit pue le piège à plein nez. Surtout si les sectaires sont dans le coup. Il s'agit peut-être d'une de leur planque, et le fait que l'endroit soir connu comme hanté les arrange bien. Le tout, c'est de ne pas foncer tête baissée et de s'assurer qu'il n'y a personne avant de fouiner »

C'est l'arrêt de Kale et sa question qui firent s'arrêter Théo et ses camarades. L'archer ne rata pas une seule miette du spectacle devant lui. Que ce soit les courbes féminines qui se dévoilaient au fur et à mesure qu'Isolde les dévoilait, ou bien son déhanché léger pour finir d'ôter sa robe...l’habit sacré ne rendait absolument pas justice aux femmes, ça en était presque criminel....
Sa pupille ambre revint lorgner les fesses de la demoiselle, ratant l’échange entre celle-ci et Kale.

Il vit Puceau se mettre devant la prêtresse aventurière, et il alla lui-même se positionner à ses côtés en comprenant que cette fois-ci elle avait eu un peu de bon sens en ne fonçant pas tête la première dans les ennuis.

L’archer avait sorti son arc et encoché une flèche avant même d’entrer dans la carcasse de bois. Comme cela arrivait parfois, ses poils se hérissèrent le long de sa nuque, signe que quelque chose les attendait là-dedans.
Il faisait sombre, le borgne détestait quand sa vue se voilait ainsi en partie. Alors que la jeune femme râlait à ce propos, elle s’accrocha soudainement à lui. Ce fut bref, mais apparemment même elle pouvait avoir peur. Maintenant qu’ils étaient ici, ce n’était pourtant pas le moment de se laisser immerger par la frayeur, meilleure amie des mauvaises décisions.
La main du soldat vint se poser doucement sur l’épaule d’Isolde, se voulant rassurant, puis lui montra les bougies.

« Les bougies, même si elles sont presque éteintes, prouvent que quelqu’un a du venir il y a peu de temps pour les allumer »

Théo fit signe aux autres de se taire et tourna la tête pour tenter de saisir un son autre que celui des planches qui crissaient. Sachant que Puceau et Le Rouquin avaient compris son intention et le protégerait au besoin, il put fermer les yeux en toute quiétude.
Le bois travaillait encore ici, expiant sa souffrance d'être abandonné face aux tempêtes et à la mousse. Des vagues venaient mourir doucement contre la coque du côté opposé au leur, signe que la marée était haute et qu’une sortie par là était à exclure. Un bruit métallique émergeait derrière ces deux sons dominants. Tournant la tête pour en chercher l'origine, il fit signe à ses camarades de se diriger vers la gauche en murmurant.

« Un son régulier métallique... »

Puceau, son arme dégainée, saisit une des bougies les plus longue et attendit que tout le monde le suive. Pour les miliciens, les paroles n’étaient pas forcément de mise, en particulier pour les trois partageant la même coutillerie. Soeur Isolde avait peut-être pour sa part besoin de quelques explications. Prêtant toujours attention à parler doucement, Théo se rapprocha de son oreille.

« Ma sœur, ici pas d’acte inconscient. S’il vous plait. Nous pouvons tomber sur des fanatiques, comme sur des fangeux ou des pirates. Si l’un de nous vous demande de courir, de vous cacher ou de rester derrière nous, c’est pour notre sécurité à tous. Vous ne voudriez pas y laisser votre joli minois, j'en suis sûr, et moi je tiens à garder mon oeil.»

L’archer plongea sa pupille intacte dans celle de la demoiselle à le tresse, voulant s’assurer qu’elle n’aurait pas dans l’idée d’aller se coller une nouvelle fois dans les bras du danger. Puceau interrompit ce moment sans le vouloir.

« Regardez »


La petite flamme tremblotante avait déjà du mal à éclairer complètement le visage de son porteur, et pourtant elle dévoilait une écriture étrangement semblable à celle trouvée dans la maison de feu Raphaël Dubuisson.

« Etiol détient la vérité »


Le malaise que ces quelques mots avaient déclenché était palpable. Et ils répondaient en partie à l’interrogation que Théophile avait formulé…il y avait fort à parier que d’autres fanatiques étaient venus ici. Ne restait qu’à être silencieux et prier les Dieux pour qu’ils aient quitté les lieux...
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyJeu 10 Fév 2022 - 19:10
Dans la pénombre grinçante, les hurlements du vent se muaient en gémissement étouffés. La coque craquait sous les assauts insistants des bourrasques, telles des lamentations fantomatiques de quelque créature à l’agonie.

« Les bougies vont bientôt toutes s’éteindre. » Chuchota-t-elle pour toute réponse, prenant garde à suivre le mouvement du cortège. « Mais est-il passé avant ou bien… après ? »

La tête d’Isolde pivota prudemment vers Théophile qui lui parlait, l’observant de son seul œil valide. Elle ne décela ni haine ni colère dans ce regard, juste une résolution bienveillante.
Elle le fixa en retour.

« …Entendu. J’écouterai. » Répondit-elle en murmurant, scellant d’un hochement de tête avant de décliner son regard méfiant sur les ombres dansantes.

Le groupe se décalait prudemment sur la gauche, aux aguets et attentif. Ses yeux scintillaient en miroir face à l'obscurité malicieuse, et s'esquissa dans les ténèbres l’esquisse d’un autel surplombée de l'écriture morbide. Expirant l'air qu'elle n'avait pas conscience de retenir, elle se redressa sans se départir de sa vigilance, la peau de sa nuque s'hérissant en plusieurs vagues de frissons successives.

« J’entends ce bruit métallique aussi. »

Ses yeux sautèrent d'un endroit à l'autre vivement, fouillèrent le sol alentour comme si elle pouvait deviner ce qu'il se cachait en-dessous. Attirés par une logique instinctive qui lui était propre, les yeux d'Isolde se posèrent soudainement vers le haut, le plafond étant mangé par l'usure et l'âge. Et enfin, ils se dressèrent vers un détail avant de se braquer dessus et s’écarquiller dans l’éclat de la surprise. L'obscurité possédait les lieux mais pas entièrement, traçant juste au-dessus d’eux une ombre nette propre, étirée. Elle avait l'impression que celle-ci la dévisageait également, elle remarqua qu’elle leva son index, d’une manière amusée pour lui indiquer de rester silencieuse, avivant l'inconfortable sensation que des plumes noires glissaient le long de son échine.

« Faites comme si de rien n’était. » Chuchota-t-elle du bout des lèvres à Théo, s’approchant d’un pas au plus proche de lui, son regard perçant droit en face d’elle. « En haut, à 15h, quelqu’un nous observe. » Son menton s’affaissa lentement. « Il sait que je l’ai vu… » Poursuivit-elle, avant de conclure parce que ce qu’il semblait être le plus important. « …Et il est armé. »

Elle essayait d’être le plus concise possible sans pour autant être envahie de l'angoisse. Le silence retomba lourdement sur ses épaules, comme une enclume invisible. Une fine pellicule couvrait son visage et sa tresse brune.

« Des phrases pleines de bon sens, n’est-ce pas ? » Chantonna une voix espiègle au plafond en réponse aux phrases de puceau. « Je les trouve assez réelles. Comment se porte Dubuisson, dites-moi, c’est lui qui vous a dit pour ici ? C’est étrange, il m’avait l’air à moitié mort quand je l’ai laissé. »

Soudain, un corbeau jaillit d’un angle et leur fonça dessus avant de les séparer par son croassement capricieux. Il bondit, insaisissable entre eux avant de s'envoler au plafond dans un sillage de plumes noires.

L’ombre en profita pour bouger instantanément, bondissant agilement entre les planches de bois, elle se mit à courir vers un trou de lumière pour s’échapper hors de la bicoque. L'espace d'un battement de cil, le paysage maudit prit un air d'un monde d'outre-tombe. Les planches menacèrent de céder brusquement sous ses pas rapides tandis qu'il rigolait d'un air sinistre. D'une impulsion de la jambe et en s'attrapant à un trou de lumière juste au-dessus, il tracta ses bras pour se hisser et se glisser à l’extérieur avec une rapidité féline.

La voix hurlante de Kale tonna, à l’arrière. Isolde secoua la tête avec en se reprenant tout à coup. Sa nuque se hérissa. L'atmosphère morbide lui jouait des tours.

« Putain mais merde, ce fumier va se tirer ! »

Et se reculant de quelques pas habiles, il allait se retourner pour rejoindre le trou d’entrée par lequel ils étaient arrivés. Mais il perdait déjà du temps lorsqu’ils entendirent le bruit d’un plongeon.
Alors que Théo s’apprêtait à les suivre, la main d’Isolde se pressa sur son épaule, elle pointa du doigt un autre trou de lumière, dissimulé derrière un autel de fortune, où ils pouvaient tous les deux se faufiler à l’extérieur.

« Là, ça m’a l’air plus proche que de faire directement le tour de la coque. Il aura le temps de s’enfuir. » Un silence, avant qu’elle ne l’encourageât à s’activer. « Croyez-moi, vous pouvez me faire confiance. Je pense que vous pourrez l’atteindre avec votre arc de l’autre côté. »
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyJeu 17 Fév 2022 - 16:35
L’archer se tendit aussi sec que sa corde lorsqu’elle s’apprêtait à tirer. Les quelques mots que Soeur Isolde venait de lui chuchoter répondaient complètement à son mauvais pressentiment. Comment un type était-il monté la-haut ? Pourquoi la demoiselle à la tresse avait-elle eu l’idée de regarder par là-bas ? Quels liens entre ce fou et le couple décédé ? Autant de questions qui importaient moins que de vérifier sans heurts les intentions de leur spectateur.

Sans avoir besoin de trouver un plan, ce fut l’individu qui leur donna les réponses. Son ton, qui résonnait le long du bois pourri, n’était pas mauvais. Pourtant, sa manière de parler de l’homme qu’ils avaient trouvé mort lui colla des frissons d’horreur. Un être qui parlait de meurtre aussi aisément et de manière aussi détachée ne pouvait être qu’un malade mental.
A peine Théo tenta t’il de le trouver dans la pénombre, qu’un oiseau vint aborder toute tentative en ce sens. L’archer se positionna au mieux pour protéger sa compagne des éventuels coups de griffes et de becs, mais c’était futile. Comme si cet oiseau de malheur n’était là que pour faire diversion pendant qu’ils entendaient, impuissants, le fou déguerpir des lieux. Kale pensait peut-être pouvoir les alerter, sauf que c’était avec quelques secondes de retard. Théophile avait déjà eut le temps de penser que l’intrus était peut-être dangereux, mais qu'il n'était pas sot pour ne pas tenter le combat contre plusieurs miliciens. Ou alors avait-il d’autres intensions…

La main d’Isolde le sorti de ses réflexions et il étudia l’endroit que lui montrait la prêtresse. Les contours lumineux laissaient en effet apercevoir une sortie. En se baissant, il pourrait y passer. Ne restait qu’à espérer que l’intuition de la jeune femme ne la trompe pas. Mais il voulait y croire. Après tout, c’est bien elle qui avait vu en premier qu’ils n’étaient pas seul.

« Et bien, allons-y. Restez bien derrière moi. On ne sait pas si on ne fonce pas droit dans un piège. »

L’archer poussa sans vergogne ce qui gênait la sortie dans un grand fracas et se plia pour déboucher sur l’extérieur. L’eau s’engouffra dans le squelette du navire et en avançant, Théophile se retrouva immergé jusqu’aux genoux.
Il ne s’arrêta pas à ce détail, cherchant plutôt leur « ami ». Son œil fouilla la mer alors qu’il préparait son arc, une de ses flèche à plume jaune prête à partir. Bien que capricieux, le ciel permettait clairement de voir une tâche plus sombre dans l’eau, qui s’éloignait d’eux. La flèche suivait le trajet chaotique de l’ombre. Pas la peine de se précipiter à harponner dans la mer. Non...L’être humain aurait besoin de respirer.
D’ailleurs dès qu’il amorça un semblant de remontée, la tête métallique triangulaire alla se ficher en plein dans son dos.

« Aaaaaah ! »

A vu de nez, ses poumons pouvaient très bien être touchés. Mais ce qui importait était que sang s’écoulait déjà de la plaie au bout de quelques secondes. Même si il tenait d’user de ses cabrioles, le fou laisserait des traces sanguinolentes, et il finirait par s’en vider sans soins rapides. Autant dire que seul, il aurait du mal à s’en dépêtrer.

« Ici ! Cible touchée ! »

Théophile signala ainsi leur emplacement à ses camarades. Ce n’est pas parce qu’il avait réussit à le blesser, que l’homme n’était plus dangereux. Il avait même continué sa fuite et s'avérait bien trop rapide malgré sa blessure. L'archer avait deux choix. Soit le courser avec ses grandes guibolles et risquer le piège, soit lui tirer dessus comme un lapin mais la possibilité qu'il ne puisse plus parler n'était pas à exclure. Loin de là. Sa silhouette filait vers une ouverture dans le paroi rocheuses de la crique. Un endroit qui pouvait être exigu, et il était surtout difficile de s’engager dans une passage rocheux ou une grotte sans préparation. C’était comme embrasser la mort.

« Alors ma Sœur, que vous soufflent les Dieux cette fois ? On le suit dans sa folie ou je l’expédie de suite auprès de Rishni ? »

Tel un avertissement divin, le vent se leva aussi fort que lors de l’orage de la veille, emmêlant les mèches déjà décoiffées de Théophile. La houle allait s'intensifier. Le navire crissait à nouveau, le son morbide était saisissant, amplifié par le ricanement des mouettes.
 
Le bois gémit tel un fantôme avant que l'enfer ne se déchaîne. La coque du mastodonte se brisa. Théophile agrippa Soeur Isolde et la força à courir.

Brahoum ! Une poutre atterri dans un bruit sourd sur la plage.

Gniiiiiian...la rambarde du pont s'effondrait sur elle-même.

Splash ! Elle atterri dans l'eau, créant une vague bien trop proche d'eux.

Les planches du rafiots pleuvaient autour d’eux dans un boucan innommable.

Les quinze mètres qu'ils parcoururent pour s'éloigner de la chute du navire furent long et intensifs. Un bruit plus fort et glauque alerta le milicien qui poussa de toutes ses forces la prêtresse vers l'avant.

Il s'attendait à se retrouver sous le mat qui venait de chuter. A la place, c'était une douleur cuisante sur son front qui était présente, puis rapidement sur sa joue la sensation bien connue du sang qui coulait. Pourvu que son œil, bien qu'aveugle, ne soit pas touché…
Une peur inutile car l'éclat de bois n'avait coupé que le dessus de son arcade, mais une peur bien présente et qui lui tordit les boyaux. Ce fut elle qui le mit à genou alors que sa pupille intacte cherchait à voir si Soeur Isolde s’en était sortie saine et sauve.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptySam 5 Mar 2022 - 12:21
Un élan qui la poussa vers l’avant violemment, une poutre arrachée qui la frôla puis une douleur lui claquant dans l'épaule droite, précipitant sa chute, emportée par la griffe d’une vague, l’enfonçant sous l’eau. Le sable mouillé accusa le choc de ses épaules en premier, lui soutirant un râle douloureux qui lui fit boire la tasse, sentant l’iode s'engouffrer comme un trait de feu dans sa trachée et grignoter ses poumons, elle expira par réflexe et inspira à nouveau une goulée de mer lui irritant les poumons dans une sensation de brûlure insupportable. Elle roula violemment sur le côté, tenta de se relever en vacillant dangereusement avant qu’une vague ne la fauche quelques mètres plus loin. Étalée sur le ventre, elle se redressa difficilement en poussant sur ses coudes tremblants. Isolde recracha une gorgée d'eau et souffla par les narines qui lui enflamma les sinus, elle ouvrit la bouche pour appeler Théophile puis porta vivement une main à ses lèvres pour vomir à nouveau une autre gorgée d’eau.

Par dessus la morsure douloureuse au niveau de son épaule, elle se redressa, la natte partiellement défaite s’écrasant sur son sein comme un serpent aquatique, ses mèches collées à son visage. Sa blessure la lança et lui tira une grimace douloureuse mais hors de question de lécher sa blessure en gémissant dans son coin comme un chaton apeuré, attendant qu’on vienne la sauver. Main sur son épaule, elle se fraya un passage dans l’eau, générant des clapotis délicats autour d’elle, se hissant au travers du bois flottant de la coque fantôme. On aurait pu la confondre avec une créature égarée, une sirène des fonds marins en quête d’une proie facile. Son regard chercha entre les planches de bois qui flottaient mollement, avant de se braquer sur Théo, sa silhouette assurée se retrouvait voûtée, un rideau sombre barrait son visage.

Elle avait l’impression qu’une main invisible broyait son cœur tant l’angoisse pesait comme une enclume sur ses épaules.

« — Théo ? Théo ! » S’écria-t-elle en s’élançant de pas inquiets jusqu’à lui, manqua de glisser, se rattrapant de quelques pas maladroits.

Une fois face à lui, elle lui décolla une immense gifle d’inquiétude, déclenchant une onde rugissante de souffrance dans toute son épaule. A son grognement, le visage d’Isolde s’éclaira d’une lumière soulagée.

« — C’était juste pour vérifier que vous étiez encore en vie… » murmura-t-elle tandis qu’elle se mordait la lèvre pour ne pas s’effondrer lamentablement à ses pieds. « Ne me faites plus une peur bleue comme ça ! Vous vous rendez compte que vous auriez pu- » Elle se freina en se remémorant la crainte qu’elle lui avait fait subir auparavant. « Nous n'avons qu’à nous dire que nous sommes quittes. » Conclut-elle dans un léger sourire qui sembla vaciller.

Dans l'attente d’une réponse, Isolde est saisie d'une sensation de vertige. Le sol se balançait dangereusement sous ses pieds et menaçait de s’ouvrir pour l’avaler dans l’inconscience. La respiration haletante, ses jambes tremblaient et menaçaient de se dérober sous elle. Elle tenta de s'asseoir avec un semblant d’élégance face à lui, sans s'affaisser vulgairement en montrant tout signe de faiblesse.

« — Ne bougez pas. » ordonna-t-elle doucement tandis qu’elle sortait de sa besace un linge mouillé, qu’elle tamponna précautionneusement sur la tempe de Théo. « La plaie est peu profonde, ça devrait aller. Comment vous sentez-vous ? »

Lorsqu’elle ausculta sur sa blessure et qu’elle estima avoir nettoyé le nécessaire, Isolde se pencha et surveilla attentivement l'écoulement du sang. Après avoir nettoyé la plaie, s'estimant satisfaite, elle attrapa le linge, déchira une bande désordonnée qu'elle serra fermement de la base de sa tempe jusqu'à l’autre extrémité de son visage.

Dans ses mouvements précis qui lançaient des pics douloureux dans tout son corps, Théo aurait pu distinguer sur le haut de sa robe au niveau de son épaule, une tache rouge s'étalant comme l'éclosion funeste d'un coquelicot, tapissant son vêtement de plusieurs pétales sombres. Des traits de feu inondaient ses nerfs et se propagaient dans toute son épaule.

« — C’est bon, ça devrait aller. Je… » Reprit-elle tandis qu’elle s’asseyait faiblement à nouveau, sa vue n’étant plus que quelques tâches troubles, elle tendit une main vacillante vers lui, poursuivant dans un murmure. « Théo, je ne me sens pas très bien. » Sourit-elle alors qu’elle eût à nouveau cette irrépressible vague de tournis.

Un sourire lent et faible tandis que tout devenait progressivement noir autour d’elle.

« — Pardon. » Souffla-t-elle.

Ses yeux papillonnèrent tandis qu’elle basculait lentement vers l’avant, sa joue rencontrant mollement l’épaule du milicien.

Des cris s'élevèrent dans son dos dans des exclamations impuissantes et rassurées. Les miliciens s'enfoncent dans le rivage pour les rejoindre.

« — Théo, ma Soeur ! » hurlaient-ils, au loin. « On arrive, on est là ! Tenez bon ! »
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyDim 6 Mar 2022 - 19:44
De loin, le borgne entendait qu’on l’appelait. Pourtant, toujours sous le coup de la stupeur, il n’entendit pas clairement. Ce fut la douleur sourde d’une gifle qui le ramena au présent. Devant lui se tenait l’instigatrice. Une beauté irréelle aux cheveux sombre, dont les habits mouillés collaient à ses formes. Ses yeux cherchaient les siens, dans une tentative de l’attirer dans la réalité de la catastrophe environnante. Elle lui parla avant de lui sourire, un de ceux qui peuvent réchauffer votre cœur lors d’une nuit d’hiver, puis le borgne la vit s’affaisser. Il se rappela alors que ce n’était pas une créature mythique qui se trouvait devant lui, mais Soeur Isolde, la prêtresse téméraire qui s’était jetée droit dans ce piège.

Les mains de la Sirène sur son visage étaient fraîches et tremblantes. Pourtant ses gestes dénotaient l’habitude de soigner les autres. Un petit « je vais bien » sorti d’entre les lèvres du patient, mais il n’était pas sûr qu’elle l’ait entendu, continuant à s’affairer sur sa blessure. C’est alors qu’il se rendit compte qu’elle aussi était blessée. Un tâche d’un rouge reconnaissable s’étendait le long de sa robe, au niveau de sa clavicule et certainement son épaule. Il ne fallut que quelques seconde au milicien pour comprendre que la blessure prenait de l’ampleur. Ce fut cependant trop tard, car bien vite, sa guérisseuse se retrouva affalée contre lui.

« Soeur Isolde ! »

Le borgne passa un bras sous les genoux de la blessée, et un autre derrière son dos en tentant de ne pas trop appuyer sur la plaie. Il assurait sa prise puis se releva, la prêtresse bien calée contre lui. La tâche sombre était inquiétante, elle pouvait s’avérer bénigne comme mortelle. Il n’y avait pas de temps à perdre. Tant pis pour le fou furieux, et tant pis pour ce qu’il préparait et tant pis pour cette foutue enquête ! D’autre pouvaient s’occuper de tout ça. La jeune femme par contre, pourrait se retrouver dans un grave état si on ne s’occupait pas d’elle immédiatement.

Le groupe de miliciens courrait vers eux et Théophile pesta. Il savait qu’il devait leur en dire plus sur la situation, mais cela faisait perdre un temps précieux à la prêtresse. L’archer se fraya un chemin parmi le courant marin et les débris du navire. Il ne s’arrêta que brièvement et s’adressa particulièrement au Rouquin. Son camarade comprendrait ses paroles plus rapidement qu’aucun autre.

« Le fou est dans la caverne, je l’ai fait saigner. Je vais faire soigner Soeur Isolde au plus vite. »

Au premier abord, il aurait été plus simple et logique d’emmener la prêtresse au Temple. L’endroit était pourtant relativement éloigné du port. Le borgne, même en courant, arriverait peut-être trop tard.

« Mon frère...je vais l’amener voir Al ! »


La boutique de Maître Grégoire était un bon compromis. Et le guérisseur était doué dans son domaine, il saurait s’occuper de la Sirène blessée. Le Rouquin acquiesça bien vite, permettant à son camarade de quitter les lieux. Théophile adopta un rythme de marche rapide, sans se soucier des regards curieux qui se posaient sur eux. Le temps était toujours mauvais, et le vent froid sur les deux corps humides pouvait aggraver les choses. Une fièvre en plus de la blessure ne pouvait être que catastrophique.

Aussi, lorsque la boutique du guérisseur se profila, l’archer accéléra le pas. Ses bras étaient ankylosés et il ne put ouvrir la porte. Heureusement, son frère l’avait vu arriver au-travers de la large fenêtre. Le châtain s’empressa de venir aider son grand frère et l'envoya vers l’arrière-boutique. Le milicien alla poser Soeur Isolde sur le siège d’auscultation qu'Alaric lui désignait, près d’une fenêtre, alors que celui-ci jaugeait la situation de son air calme.

Le jeune Castaing attrapa son matériel sans aucune panique et s’adressa à son aîné.

« Laisses-moi voir ton front. »

« Non occupes-toi d’elle d’abords. »

« Ton bandage est imbibé Théo ! J’en ai pour deux secondes. »

« Je vais survivre...Soeur Isolde est prioritaire. »

Alaric jeta un linge à son frère et lui désigna un siège de biais par rapport à eux.

« T’es la pire tête de mule que je connaisse...Va t’asseoir et ne t’avises pas de mettre du sang partout. Et ne t’amuses pas à regarder par ici. Je dois la déshabiller. »

Suivant les consignes d’Alaric, Théophile alla vers le siège, non sans avoir enlevé son plastron et sa veste afin que ses habits et lui-même puissent sécher un minimum. Il enleva la bande de tissu humide et appliqua sur sa blessure le linge sec. Torse nu, à se réchauffer près du feu, cette scène avait un air de déjà vu...Deux mois s’étaient écoulés depuis qu’il avait amené Angélique ici pour se faire soigner. Cette fois-ci, c’était bien plus grave. Le sang ne pouvait pas être bon signe…

Le bruit des vêtements et des instruments s’atténua un instant, et ce fut la voix de son frère qui sorti l’archer de son moment d’égarement.

« Il n’y a rien de grave, quelques échardes se sont logées dans son épaule et c’est ce qui a provoqué le saignement. J’ai nettoyé, appliqué de la pommade et bandé le tout. L’évanouissement est sans doute lié au contrecoup du choc. Il n’y a plus qu’à attendre qu’elle se réveille. »

Quelques minutes plus tard, du bruit se fit entendre depuis le siège qu’occupais la Sirène. Si elle ouvrait les yeux en cet instant, elle pourrait profiter d’une scène cocasse. Deux hommes, dont la parenté était indéniable, se faisaient face. L’un torse nu, les cheveux complètement décoiffés, appuyé contre le dossier du fauteuil. L’autre debout, un genou entre les jambes du blessé pour s’appuyer, et tentait de lui recoudre le front. Le plus jeune, était moins imposant physiquement. Plus petit, plus fluet, ses yeux bleus étaient concentrés sur sa tâche, même si l’agacement commençait à se faire sentir dans ses traits. Ses mèches, parfaitement plaquées, tentaient de se rebeller elles aussi, menaçant de le gêner dans son travail.

« Outch ! »

« Ne fais pas l’enfant Théo...et arrêtes de bouger si tu ne peux pas une balafre à la place d’une cicatrice »

« Voilà exactement pourquoi je ne voulait pas que tu y touches. T’as aucune pitié pour ton vieux frère. »

« Si ce frère arrêtait de bien vouloir s‘attirer des ennuis, il n’aurait peut-être pas besoin qu’on s’occupe de lui. »

« Je sais très bien m’occuper de moi tout seul...n’inverse pas les rôles. »

« Je préfère ne pas répondre...Et tais-toi aussi, pour une fois. »

Un nouveau coup d’aiguille arracha un grognement à l’archer et il préféra écouter son cadet. Nul doute que celui-ci avait rendu la manœuvre plus douloureuse pour que son aîné comprenne qu’il ne plaisantait pas en demandant le silence.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyDim 27 Mar 2022 - 11:48
Isolde flottait dans le noir, en perdition. Un brouillard d’inconscience l’entourait : pas de douleurs ni de sensations, un sentiment d’urgence étouffé. Des ombres se profilaient sous ses paupières closes, indistinctes, mouvantes. Leurs contours flous, agités sous une brise inexistante. Plongeant dans un cauchemar profond, semé de vision de Théo pourchassé par un corbeau géant dont la tête évoquait le mystérieux assassin. Le monstre battait les flots marins et les vagues déchaînées se refermèrent sur Isolde comme une mâchoire affamée.

Soudain, elle cligna des yeux sous la morsure vive de la lumière filtrée par la fenêtre, et tous ses muscles se raidirent subitement comme si elle avait couru durant des jours. Se redressant lentement, elle frotta ses paupières encore scellées par le sommeil. Quel horrible cauchemar… Un peu hébétée, elle observa autour d’elle. Leur périple lui revenait en des bribes saccadées, et son regard s’écrasa sur deux hommes.

Ses yeux coulèrent malgré elle sur le torse nu de Théophile, découvrit des pectoraux saillants, caressa ses abdominaux dessinés, lécha du regard la légère tension de ses muscles quand il protestait, dessinant le sursaut de courbes délicieuses. Se mordant inconsciemment la lèvre, elle déclina le regard ainsi que le visage pour se redresser et se lever totalement.

Le silence la dévisagea avec un air moqueur.

Lorsque le regard d’Alaric dévia de son frère pour se poser sur elle, elle se barricada derrière une moue revêche, titillée au fond par un pincement de gêne. Il la considéra d’un rapide examen, sûrement enlisé par les chaînes invisibles de son devoir. Un jeune homme à la peau plus pâle que Théophile, la chevelure moins sombre et désordonnée, concentré dans les soins qu'il prodiguait à son frère, émergeait sous ses paupières. Au fond de ses prunelles brillait une flamme timide complètement en contraste avec la malice espiègle de Théo. Se redressant, elle sentit un tiraillement dans son épaule bandée et soignée. Un rapide coup d'œil pour balayer ce qui l’entourait, Isolde remarqua avec un soudain mais fulgurant embarras qu’elle ne possédait plus la même robe. Remontant son regard vers Théo, elle sentit ses joues s’empourprer de gêne, portant au fond d’elle l’espoir qu’il n’ait pas eu à la dévêtir. Une goutte de sueur glissa le long de son échine - ne faisait-il pas si chaud, tout à coup ? Elle sentit son sang s’enflammer d’une gêne atroce et grondante.

Elle s'efforça de demeurer impassible, de fixer sans ciller les deux frères et de respirer calmement. Abandonnant l'étonnant spectacle auquel elle venait d'assister, les yeux encore tout étourdis, elle tenta d'oublier les moindres détails de ces courbes de sa mémoire.

« — Je vous remercie de m’avoir soigné. » Fit-elle, avec un sourire. « Enchantée, je suis sœur Isolde. » ajouta-t-elle, affable, avant de poursuivre. « Mais nommez moi juste Isolde, vous… » Elle souffla en glissant une main embarrassée dans ses cheveux.

Réprimant un raclement gêné, elle s’approcha et s’inclina avec une timidité étouffée. Lorsqu’elle se redressa, son regard interrogateur se déposa sur Théophile. Elle le dévisagea, croisant son regard espiègle.

« —Comment vous sentez-vous? » Dans sa voix perça une légère pointe d’inquiétude. « Est-ce que…»

D’un pas prudent, elle s’avança vers lui.

Pourquoi la phrase “m’avez-vous dénudée ? ” jaillissait soudainement dans ses pensées. Grinçant des dents, elle poursuivit.

« — Est-ce que vous vous sentez mieux ? »

Elle remarqua que son frère - plus jeune, estimait-elle - et plus proche de son âge s'attelait à la tâche de recoudre son frère.

« — Avez-vous besoin d’aide pour le tenir ? » Tenta-t-elle d’un ton un peu plus léger, laissant entrouvrir un sourire un peu plus réservé tandis qu’elle adressait à Théo un regard faussement courroucé. « Vous devriez l’écouter, vous vous êtes mis en grand danger ! » Sermonna-t-elle avec douceur.

Se positionnant dans le dos d’Alaric pour ne point le déranger, elle croisa les bras puis esquissa un léger sourire. Puis ses lèvres bougèrent dans un mouvement fugace mais muet pour laisser retentir à Théo l’écho d’un merci silencieux.

« — Puis-je me nettoyer ? » Questionna-t-elle.

Alaric désigna une bassine d’un geste lent de la main ainsi qu’un peu d’eau, plus loin, toujours concentré sur sa tâche. Isolde s’écarta des deux frères, sûrement encore en train de se chamailler, un sourire malgré elle dérapa de ses lèvres. Elle se voyait avec son frère jumeau, Elliott, et la scène l'attendrissait bien plus que ce qu’elle ne voulait montrer.

Déposant la bassine d’eau un peu plus loin, elle s’agenouilla et détacha lentement sa natte, en prenant bien soin d’être dissimulée à la vue des deux frères - une femme ne devait pas s’exhiber les cheveux libres. D’un geste délicat, elle plongea un linge dans la bassine d’eau et se mit à nettoyer son visage du sel qui lui tirait la peau. Dégoulinante, sale, la nuque encore hérissée de toute la scène, elle prenait plusieurs inspirations pour se détendre alors que le linge glissait dans son cou.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyJeu 31 Mar 2022 - 11:43
Il y eut un arrêt dans les coups d’aiguille d’Al lorsqu’il tourna la tête et Théophile comprit au bruits qu’il entendait que Soeur Isolde s’était réveillée. Elle était sur son mauvais côté et il n’osait pas tourner la tête pour ne pas tirer sur le fil que son frère tenait toujours. De ce qu’il en sentait, le guérisseur avait bientôt terminé et il n’était pas question de le contrarier plus. Sa peau n’avait pas apprécié la manière dont on l’avait contraint au silence.

Alaric ne consenti à se concentrer sur lui que lorsqu’il fut sûr que sa patiente tenait sur ses deux jambes et qu’elle n’allait pas s’effondrer au bout de deux pas. L'archer capta avec attention la tentative de la Sirène de se présenter devant son soigneur et il sourit en regardant son frère. Dans ses yeux se débattaient son sérieux, après tout il était toujours en train de prodiguer des soins, et la timidité qu’il ressentait généralement près de la gente féminine. Autant dire qu’une jeune femme aussi délicieuse que la prêtresse devait faire son effet.

Ce ne fut que lorsque Soeur Isolde s’enquit de Théophile qu’Al se remis sur son travail. Le sourire de l’aîné s’attendrit en entendant l’inquiétude qui pointait dans la voix de la jeune femme. Dans une autre situation, il en aurait probablement tiré parti, mais la Sirène se levait juste et son frère était un rabat-joie de première. Autant miser sur l’honnêteté pour cette fois.

« J’ai fait un petit somme, comme vous Ma Soeur. C’est Alaric qui s’est occupé de vous. Et ne vous inquiétez pas, il sait s’y prendre de façon très persuasive pour que je reste sage. »

Il réprima un rire pour ne pas bouger alors que sa balafre était presque entièrement soignée désormais. Il cueillit cependant le remerciement de la jeune femme avec un clin d’oeil, même si il considérait qu’il n’avait fait que ce qu’il devait. Son honneur ne lui aurait jamais permis de fuir seul, ou de partir à la recherche de leur mystérieux homme alors qu’elle saignait.

Alaric finit finalement son travail et Théo ne put que soupirer de soulagement. Alors qu’il allait remercier son frangin après s’être relevé, celui-ci ne lui en laissa pas le temps.

« Habilles-toi ! Combien de fois faut-il que je te répète de ne pas te balader à moitié nu dans cette boutique ? »

Quel était le problème ? Il n’y avait personne, à part Soeur Isolde. Mais c’était une prêtresse, elle avait dû voir d’autres hommes torse nu. Pourquoi son frère devait toujours en faire une histoire ? N’en restait pas moins qu’il tenait toujours son aiguille et qu’elle bougeait dangereusement en sa direction alors qu’il s’énervait. La seule solution de repli était de se confronter à la seule vérité qui pourrait le sauver. D’un air penaud, le milicien montra son cuir en train de sécher devant la cheminée.

« Mais Al, ma veste est encore mouillée... »


« Par les Dieux...Y’a encore des jours où je me demande comment Alice arrivait à te supporter sans perdre patience... »

Alaric soupire fortement, comme si il priait les Dieux de lui donner la même force de caractère envers ce frère incapable de la moindre étiquette sociale. Il posa son matériel avec humeur.

« Bouges pas, je vais te chercher une chemise »


Théophile n’osa pas lui faire remarquer qu’ils n’avaient pas le même gabarit et qu’il risquait d’être un peu serré. En général, quand Al en arrivait à invoquer Alice, c’est qu’il était à bout de la patience qu’il pouvait lui accorder. Pourtant, l’aîné ne comprenait toujours pas ce qu’il avait fait pour la franchir, cette limite. Sur le pas de la porte menant à la cuisine, le cadet s’adressa à sa patiente.

« Ma Soeur, si ce crétin vous importune pendant que je vais à l’étage, appelez-moi et je viens l’assommer. »

Son ton indiquait qu’il ne plaisantait absolument pas et qu’il était prêt à débarquer au moindre cri qu’elle pousserait en sa direction. En attendant, il quitta les lieux, les laissant tous les deux.

Le milicien profita de l’absence de son cadet pour s’approcher du lieu où s’était réfugiée la prêtresse. Sans pénétrer son intimité, il se mit même dos au cas où elle ressortirait et ne serait pas forcément habillée. Même si il en faisait souvent fi, le borgne connaissait ce que la décence recommandait et qu'il n'était pas sensé voir ses courbes sans les couches de vêtement qu'on imposait aux femmes. Il avait aperçu les furtives couleurs qui étaient apparues sur les joues de la jeune femme et il ne tenait pas à l’embarrasser plus que de raison alors qu’elle venait juste de subir un choc.

« Comment allez-vous Soeur Isolde ? Pas trop secouée ? Et je pose la question sérieusement. Je n’ai pas envie que vos supérieur me fassent fouetter parce que je vous ramène en petits morceaux. »

Il en rigolait mais il était vraiment inquiet qu’elle soit blessée plus que son frère ne l’avait indiqué. Après tout, elle était sous sa garde et même si elle avait foncé dans le danger, c’était son travail de faire en sorte qu’elle puisse le faire en toute sécurité.

« D’ailleurs ils le feront peut-être en sachant que je vous ai laissé foncer tête baissée dans le danger. A moins que vous ne soyez une habituée ? J’ai comme l’impression qu’on ne vous apprends pas toujours la prudence au Temple... »

C’était la troisième prêtresse avec qu’il rencontrait plus particulièrement en deux mois. Et les trois n’avaient pas l’air d’avoir conscience que leurs actions ou leurs mots pouvaient les mettre dans des situations périlleuses. Ce qui lui laissait le loisir de se poser réellement la question. A moins que les Dieux ne le mette sur le chemin des plus imprudentes pour les protéger d’elles-même.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyMer 8 Juin 2022 - 19:19
Isolde retenu une grimace crispée ; une gêne lancinante irradiant entre ses côtes, ne se mêla pas de leur petite chamaillerie, se contentant de conserver un pudique silence. Comment dénouer la tension croissante entre les deux frères, sous couvert d’un calme olympien, le jeune frère sembla abandonner sa patience au profit d’une pique vénéneuse. Sa figure imberbe, presque enfantine, témoignait de son impatience revêche. Un sourire distant étira les lèvres tandis qu'elle inclinait brièvement la tête, avec une grâce presque aérienne.

« — Je vous l’assure, Alaric - puis-je vous appeler Alaric ? Je ne risque rien. Et si jamais, je n’hésiterai pas à hurler. » Tenta-t-elle dans un timide sourire taquin dans un vain espoir de désamorcer sa tension.

Sans même suivre leur échange, Isolde pivota sur ses talons dans une envolée de tissu et s'enfonça dans une enjambée diligente dans le petit recoin où trônait la fameuse bassine.
Ses pensées se déployèrent en des ailes immuables autour d'elle. Ses souvenirs se mêlant à son agitation enfiévrée d'un affolement un peu plus grondant ; l'homme, le Monstre des Rues, son culte déviant, son refuge dans cette coque abandonnée... Ses doigts saisirent sèchement ses mèches de cheveux éparses, et elle chassa ses brumes troublantes en nattant sévèrement ses cheveux dans une longue tresse humide. De longues mèches brunes s'évadaient de sa natte et coulaient sur son visage comme deux tornades.

Le regard d'Isolde fondit vers Théophile qui se faufila d'un pas tranquille, s'arrêta juste avant d'arriver à sa hauteur, posant lentement son dos contre le paravent, lui laissant l’intimité salvatrice. La toilette rêveuse d’Isolde prit fin lorsqu’elle entendit Théophile lui parler. Délaissant le linge, sa tête dépassa du paravent, le scruta un instant avant de lui offrir un demi-sourire et de totalement sortir des ombres où elle s’était réfugiée.

« — Isolde, pas sœur » corrigea-t-elle avec douceur, avant d’ajouter, « Je vais bien. Qu’en est-il de vous ? Vous m’avez fait peur, j’ai cru que vous étiez mort. » Sermonna-t-elle avec une élégance tout à fait touchante.

Elle s’avança, contourna le paravent d’un pas, puis de deux, avant de se trouver proche de lui et examiner sa plaie recousue au niveau de sa tempe. Sa légère honte face à sa contemplation s'estompa bien vite au profit de la chaleur de Théophile, elle leva son index et le posa sur son front en une tape réprobatrice.

« — Nous pouvons dire que nous sommes quittes » plaisanta-t-elle, « vous ne vous êtes pas loupés Castaing. »

Puis, elle avança sa main pour la lui serrer avec une chaleur discrètement étouffée, comme une lumière filtrée par des vitraux. Elle ne semblait pas se départir de son calme tranquille, elle lâcha un soupir rassuré.


« — Merci pour ce que vous avez fait. » Qu’elle chuchota, avant de reprendre. « Vous avez beau dire ce que vous voulez, mais de nous deux, vous êtes vraisemblablement le plus téméraire. » Une pause. « Et de loin. »

Son regard pénétrant le balaya d’un air parfaitement étonné. Cette fois-ci, elle prit bien soin de contourner son torse pour ne pas s’y égarer, sachant qu’il avait tout le loisir de deviner son trouble si elle s’attardait sur sa contemplation pudique.

« — Comment faites-vous pour ne pas avoir froid torse nu ? » Interrogea-t-elle d’une voix étranglée.

Se reculant, la prêtresse vint poser sa main à plat sur la table du frère de Théophile. Ses yeux s'agrandirent un instant sur deux orbes jaunes auréolés d'or. Ses doigts glissèrent sur le bois, avant de revenir sous son menton. Elle semblait hésiter. Soudainement, son menton se dressa et elle darda sur lui un regard perçant. Sans tergiverser davantage, elle posa la question qui lui brûlait les lèvres.

« — Que s’est-il passé, avec les autres ? Est-ce que… » Un temps. « Est-ce que nous l’avons eu ? »

Son regard se perdit à l'extérieur et son attention glissa vers les nuages chargés d'orages tonnant, la luminosité déclinait au profit d’une pénombre poisseuse. Les nuages se resserrant paraissaient soudainement se voiler de menace.

Soudain un trait blanc, comme peint sous l’esquisse frénétique d’un peintre s’abattait sur Marbrume. Puis, alors que l’orage se faisait grondant, un frappement agité à la porte tonna en même temps que la foudre.


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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptySam 25 Juin 2022 - 21:08
Ce fut la jeune femme qui sortit elle-même de sa réserve. Alors que l’archer avait laissé la possibilité à la prêtresse de garder son intimité, c’est elle qui la rompit. Les mèches sombres revêtaient de magnifiques reflets à la lueur des flammes. Un instant, le milicien trouva fort dommage de ne pas pouvoir glisser ses doigts pour vérifier si l’effet était le même sur toute la longueur ou si il pourrait observer un camaïeu aussi sublime qu’il l’imaginait. D’un autre côté, la tresse dans laquelle la jeune femme avait coincé l’objet de son admiration n’avait rien pour lui déplaire.
Aussi, lorsqu’elle s’approcha, il ne put s’empêcher de glisser derrière l’oreille d’Isolde une mèche rebelle. Sa main glissa le long de la natte épaisse, ses doigts calleux appréciant la douceur qu’ils touchaient. L’humidité ne les rendaient pas rêche, aussi étonnant que ce soit.
Il se permit un instant supplémentaire dans cette félicité avant de reculer.

« Je vous avoue bien volontiers que pendant un instant j’ai pensé avoir perdu complètement mon œil. Pas qu’il soit très utile mais au moins il n’est pas trop moche actuellement. Par contre si il avait été abîmé par une écharde j’aurais été obligé de porter un de ces horrible cache-oeil. »

Il laissa échapper un rictus et préféra ne rien répondre lorsqu’elle le traita de téméraire. Il ne l’était en rien, mais sa vie valait moins que celle de la prêtresse, le milicien le savait parfaitement. Les Dieux ne lui auraient jamais pardonné de faire passer sa propre survie au dépends de quelqu’un d’autre, qui plus est une prêtresse. Lui-même ne se le serait jamais pardonné. Heureusement, sa question sur son insensibilité au froid fit un échappatoire parfait.

« Ma femme m’a déjà posé la question. Mais elle ne s’est jamais plaint que je lui serve de bouillotte. »

Ses lèvres s’étendirent tendrement à ce souvenir. Depuis toujours, Théophile faisait facilement tomber sa veste ou sa chemise. Et ce n’est pas pour rien qu’il la laissait souvent bien trop ouverte. Vivre dehors toute l’année l’avait endurcit. Tout comme bouger tout le temps avait habitué son corps à rester chaud. Le milicien se rendit alors compte qu’en ce moment même, malgré le mauvais temps qui sévissait dehors, ses muscles dégageaient un feu presque aussi brûlant que celui dans l’âtre un peu plus loin.

Le court silence qui s’en suivit fut interrompu par Soeur Isolde, dont le visage désormais sérieux était au diapason avec le sujet de sa question. Alors, il était temps de reparler de toute cette histoire ?

« La dernière fois que je l’ai vu, il s’enfuyait. Je l’ai blessé de façon à ce que mes camarades puissent le suivre et qu’il se fatigue. Ca ne veut pas dire qu’il n’avait pas de solution pour disparaître. Cet homme avait l’air fou, mais un fou intelligent. Il me paraît difficile de croire qu’il se sera laissé coincer sans avoir une issue de secours. J’en saurais plus en rentrant à la caserne mais... »

Le borgne reçut un linge dans le visage.

« Enfiles-ça de suite ! »

L’ordre claqua dans l’air alors qu’Alaric furetait déjà dans les divers bocaux qu’il avait à disposition. Sûrement voulait-il leur préparer une infusion pour les aider à se requinquer. Le laissant à sa préparation, Théophile attrapa les bords de la chemise de son frère et le passa par-dessus sa tête. Quand cette dernière émergea, il continua ses explications tout en rangeant ses bras dans le vêtement.

« Mais l’affaire est bouclée pour aujourd’hui ma Soeur. Vous avez besoin de repos avec le sang que vous avez perdu. »


Le lin finit par recouvrir le torse, puis le ventre de l’archer, couvrant à la vue de la Sirène la peau légèrement dorée face à elle. Les muscles qu’elle recouvrait s’étaient activés visiblement par ce simple geste, sans que leur propriétaire ne s’en rende compte. Le spectacle était désormais clos, au grand soulagement du jeune guérisseur.

« Je vais vous raccompagner au Temple avant que le ciel ne nous tombe sur la tête. Il serait dommage d’être de nouveau mouillé après avoir eu autant de difficultés à nous sécher n’est-ce pas ? »

Théophile aurait pu lui dire que l’enquête continuerai, qu’elle pourrait passer le lendemain à la caserne pour en apprendre plus. Mais il se tut, réticent à la mettre plus en danger. Soeur Isolde avait suffisamment montré sa capacité à se mettre au coeur du danger, et quand il s‘agissait du Cloaque, le milicien n’avait envie de prendre aucun risque. Ces fous étaient capable du pire, surtout à en juger par l’attitude de leur suspect du jour. C'est donc uniquement son visage avenant et insouciant qu'il présenta à la prêtresse, ne laissant rien paraître d'autre que cette image de crétin charmeur qui lui collait facilement à la peau.
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MessageSujet: Re: Le bruit de la fureur des limbes — Théophile    Le bruit de la fureur des limbes — Théophile  EmptyDim 17 Juil 2022 - 13:32
Elle soupira encore et il osa une main timide pour capturer l'une de ses mèches sauvages qu'il dissimula derrière son oreille. Elle redressa le visage et lui offrit un faible sourire avant de décliner son regard sur un point invisible pour couvrir sa gêne grandissante, semblait-elle s’empourprer et se maudissait-elle intérieurement d’être aussi faible ! Lorsqu’Alaric revint, elle s’écarta d’un pas avec précipitation, trouvant un refuge dans l’étreinte fragile des ombres d’un angle.

Lorsque Théophile se couvrit le torse, elle ne put s’empêcher de ressentir une onde de soulagement se propager en elle. Piquée par le fait qu'il lui proposa de la ramener au Temple, Isolde comprit que cela était non-négociable et haussa une épaule en un mouvement sec, contrariée.

« Bien…» murmura-t-elle avec une pincée de déception dans la voix, son regard bondissant sur Alaric comme pour éviter d’exhiber sa gorge serrée.

Elle contourna Théo d’un mouvement d’épaule avant de trouver face au Frère, qu’elle remercia chaleureusement en lui saisissant les mains.

« Merci pour vos soins, Alaric ; que les Trois vous gardent.» Remercia-t-elle une dernière fois dans une chaleur reconnaissante.

Théophile et Isolde remontèrent le chemin sous un ciel anthracite chargé de nuages grondants et menaçants. Ils quittèrent le Port, Isolde laissa ses poumons se gonfler, laissant un souffle de frustration s'échapper de ses lèvres. La luminosité avait changé ; accentuant le contraste des ombres des bâtisses. Les tons de Marbrume s'empruntait à la brume naissante qu'aux derniers rayons grisés provenant du ciel où tombaient déjà des lourdes gouttes. Déjà, le jour se déclinait progressivement ? Elle n’avait pas vu le temps passer.

Dès cet instant, une première goutte lui humidifia le bout du nez.

Elle voûta les épaules sous l'averse persistante comme si les nuages étaient chargés de chagrin inconsolable. Elle avait sacrifié la cape qu'elle portait au-dessus de sa tête. L'averse ayant eu raison à nouveau de la robe qu'elle portait ; elle n'aura pas résisté longtemps ; elle était parfaitement trempée et sentait presque l'eau ruisseler dans ses os. Une brume de ténèbres glacée et opaque semble s’élever comme un rideau menaçant, courant dans les rues de la Maudite.

Aux côtés du milicien, Isolde marchait avec une docile diligence, dans le plus parfait des silences. Théophile s'arrêta devant le battant aux gravures rongées par le temps du Temple, aux poignés en fer forgé, un battant à la fois majestueux et abîmé. Isolde leva un regard vers la mine impassible du milicien : un audacieux croisement entre la lumière et les ombres.

La porte s'ouvrit à la volée sous la poussée d'une bourrasque. Les yeux d'Isolde s'agrandirent imperceptiblement sous la surprise. La poignée bondit vers elle dans un empressement tout à fait déplacé. Elle resta silencieuse. Se détournant vers le milicien, son regard vogua lentement d'un point à l'autre du visage de Théophile. Puis les lèvres d'Isolde s'illuminèrent sur un sourire discret.

« Prenez soin de vous Théophile.»

Isolde s'ébroua sur le seuil, essora sa natte et profita du léger picotement de chaleur du Temple sur son corps transi de froid. Alors qu’il s’apprêtait à faire demi-tour, elle le retint une dernière fois par le bras.

« S’il vous plaît, dites-moi si vous le retrouvez un jour. Ne me mettez pas de côté par souci de protection. »

Isolde entra sans précipitation, lissa sa robe froissée par longue pose et s'engouffra avec des airs d'apparition dans le sein du temple.

Leur rencontre s’acheva sur un craquement du ciel et dernier un éclair lumineux.
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