Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Jeu 25 Nov 2021 - 18:25
C'était un véritable ballet morphique qui se déroulait dans cette chambre, les bras de Kaïne se mouvant avec délicatesse dans le vide, comme de superbes serpents, vifs et pleins de sensualités. Il n'y avait que le silence pour accompagner les deux jeunes femmes dans leur valse, entrecoupé de quelques bruits mats contre la chair. Ce spectacle avait le mérite d'exprimer en gestes et mouvements dans une complexité silencieuse, parfois mystérieuse, quelque fois dans la justesse et la précision des mouvements. Kaïne se mouvait avec aisance, presque avec désinvolture mais d’une subtilité réelle, avec la volonté de créer, le désir de s’accaparer la danse. Leurs bras s’entremêlant venaient projeter des ombres chinoises contre le mur, comme une créature mystique espiègle et dansante.
Quelques coups la firent grincer des dents et lui envoyer des regards farouches à Kaïne à cause d’une erreur qui s’avéra fatale. Elle imposait sa cadence, comme une danse, un tango enflammé dont elle seule avait la maîtrise, Isolde tentant vainement de s’adapter à son rythme. Par deux fois, ses pieds se levèrent, par réflexe. Dans une attitude provocatrice, Kaïne remonta son basaï claquer sèchement contre sa fesse lui faisant tirer un grognement, le lacet coincé précairement autour de sa natte se déroula et s'envola dans le vide, lâchant sa chevelure en un épais fleuve sombre.
Le temps s’était étiré, dilué – Isolde n’aurait même pas su quelle heure il était. Peu à peu, elle tentait de calmer sa vitesse, son vertige, à accepter les corrections et apprivoiser, par extension, cet appétit d’apprendre qui la dévorait tant. Elle hésita avant d'esquisser, vaincue, une élégante retraite et se laisser glisser en arrière. Sa peau était ourlée d'un perlage délicat, la flamme avide d’une bougie la rendant luisante. Quant à Kaïne, elle n’avait pas l’air un temps soit peu essoufflée ou épuisée de tous ces efforts. Isolde, elle, sentait déjà des tremblements agiter ses jambes, les secouant de légers sursauts désagréables.
- « Bien, nous irons courir ensemble », répondit-elle à ses prérogatives, je dirais à sœur Berthe que tu es sous ma responsabilité dorénavant. Nos... Entrevues ne questionneront personne, et les prêtres s’occupant des filles d’Anür seront ravis de voir que tu te montres moins problématique à mes côtés et que tu leur sembles plus docile. » Elle se redressa en soupirant et étira ses bras au-dessus de la tête en poussant un léger soupir de soulagement, ajoutant taquine. « En apparence, du moins. » Souffla-t-elle tandis qu’elle massait son épaule qui lui élançait des douleurs. Isolde rêvait de se dérober aux regards : tout voir, tout entendre, tout apprendre sans qu'on ne puisse détecter sa présence. Ne devenir plus qu’un souffle, une caresse impalpable, rien qu’on ne puisse toucher ou attraper.
« Bientôt, quand je saurais rendre tes coups, tu regretteras que j’aie délaissé les prières . » Répondit-elle sur le même ton qu’elle, mâtiné d’un humour piquant.
Elle se redressa lentement à sa phrase.
« Alors, qu’attendons-nous pour aller prendre un bain ? Tu m’en as donné envie, hier soir. Et s’il faut que je sois présente sur les débats de théologie demain, il ne faut pas que j’ai l’air trop cassée » Ajouta-t-elle d’un ton plus espiègle.
Si Kaïne émettait une objection, Isolde aurait levé l’index pour l’empêcher de poursuivre sa phrase.
« Kaïne, tu as vu mon état ? » Dit-elle, souriant en coin tandis qu’elle se désignait entièrement face à elle. « Allons-nous laver. »
Les deux jeunes femmes quittèrent la chambre discrètement, Isolde prenant le soin de récupérer sa robe et d’enfouir à l’intérieur la lame. Les couloirs étaient plongés dans le noir et étaient déserts de toute présence humaine, comme si le Temple s’était plongé dans un profond et très long sommeil.
« Après toi » Commença Isolde, presque avec un sarcasme taquin, un sourire toujours étiré en coin. « Tu te déplaces mieux que moi dans l’obscurité, après tout. » Ajouta-t-elle, toujours taquine.
Ses yeux restaient fixés sur les épaules de Kaïne comme s'il s'agissait d'une petite lanterne dans la nuit, un point de repère auquel s'accrocher, un fil d'or qui courait droit au milieu de la nuit. Durant leur marche silencieuse et nocturne, Isolde avait récupéré au détour d’un couloir, juste un peu avant les thermes une tenue de bain, un vulgaire bout de tissu faisant office de short et un haut à enfiler. Lorsqu’elles entrèrent dans le bain, le plafond sembla se noircir, les formes semblèrent à nouveau s’étirer comme des ombres menaçantes, des monstres présents dans l’imaginaire qui prenaient comme vie à nouveau.
« Je vais me changer. » Ajouta-t-elle tandis qu’elle retira son haut, dos à Kaïne, libérant ses beaux seins blancs dans la nuit.
Enfilant la tenue presque rapidement, elle s’avança lentement vers la fille d’Anür qui était debout, proche du rebord.
« Tu ne te baignes pas ? » Demanda-t-elle, hasardeuse, mais dans sa voix, cette fois-ci perçait une légère malice ténue.
Sa main se posa à plat sur le dos de Kaïne, un cran au-dessus du bassin.
« Laisse-moi t’aider. » Murmura-t-elle.
Et d’une légère impulsion, vive et rapide, elle la poussa à l’eau.
« Tu vois, j’ai quand même assez de réflexe pour une enracinée. » Rit-elle avant de contourner le bassin pour s’enfoncer dans l’eau en passant par les marches.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Dim 28 Nov 2021 - 1:42
24 Février 1167.
Kaïne rit, visiblement amusée à la simple idée que le fait que Isolde envisage que la prendre sous sa coupe puisse justifier un quelconque assagissement de sa part. La docilité et elle n’avait juste pas de point commun. Mais l’idée de ne plus avoir affaire à Berthe pour les histoires du quotidien ne sembla pas lui déplaire puisqu’elle hocha tout de même la tête sans cesser de rire alors qu’elle se dirigeait vers un meuble pour finir le verre de vin qu’elle y avait posé.
- Apprend à remuer le pétale d’une fleur avant de vouloir agiter un chêne, petit courant d’air. lui répondit-elle à sa « menace » qu’elle ne craignait visiblement pas. Elle s’interrompit cependant, pensive, comme si ce qu’elle venait de dire lui rappelait quelque chose qu’elle avait oubliée.
Isolde la tira de sa rêverie en levant un doigt devant elle comme pour l’empêcher de répondre. Elle repassa dans sa tête ce que venait de dire la jeune prêtresse, une habitude d’écouter et d’enregistrer ce qui se passait autour d’elle-même quand son attention était ailleurs, longuement travaillée et douloureusement ancrée. Mamie Kés’aine avait sur faire des matières de l’esprit un enseignement bien plus douloureux dans l’échec que celui de la danse.
- Bien madame ! finit-elle par répondre, amusée. Un bain ne lui ferait en effet pas de mal avant ses autres activités de la nuit.
Comme d’habitude à cette heure, les lieux étaient déserts et silencieux, en apparence du moins. Mais suffisamment en tout cas pour leur offrir un voyage tranquille qu’elle accepta de guider sans broncher. Elle aurait aisément pu perdre sa suivante, mais s’assura de toujours rester juste à portée de sa vue dans les ténèbres. Elle faillit par deux fois se retourner pour gourmander sa jeune élève tant elle trouvait sa démarche bruyante, mais cela aurait été comme reprocher à un enfant de ne pas savoir aussi bien faire qu’un maître artisan. Rien que par la dance, Isolde gagnerait bientôt en maîtrise sur son corps et sur ses déplacements. Elle n’avait pas vraiment besoin de plus… n’est-ce pas ?
- Je ne t’imaginais pas si timide... avoua-t-elle en regardant sa congénère se changer pour un bain, passant d’une tenue minimaliste à l’autre comme si cela protégeait un tant soit peu sa féminité.
Les enracinés avaient toujours eu un drôle de rapport à leur corps pour elle, presque une pointe de honte à les regarder. Mais c’était encore plus marquant chez des personnes comme Isolde où leur belle assurance disparaissait devant des règles de pudeur qu’ils ne pouvaient vraiment justifier, mais qui était ancrées en eux aussi profondément que possible et ceux, dès leur plus jeune âge. Lorsque la prêtresse se retourna Kaïne avait abandonné toute protection vestimentaire et se tenait nue, au bord du bassin agréablement chaud. Chaleur qui remontait dans ses muscles mit à contribution, bien que pas autant que ceux de sa compagne.
Elle sentit cette dernière approcher dans son dos et perçut s’en peine le risque encouru. Quand, toute jeune elle avait voulu satisfaire la même vengeance puérile envers une enseignante difficile, elle avait fini avec une méchante douleur au poignet, de l’eau dans le nez et son orgueil bien entamé. Elle accorda plus de mansuétude à son élève et se laissa basculer dans le bassin sous l’impulsion contre son dos. Isolde et elle n’avaient pas le même destin, et certaines leçons n’avaient pas à être enseignée aussi durement que pour elle.
L’eau l’engloutit comme un animal avide, et elle se laissa volontiers faire, s’immergeant entièrement dans le liquide dont la chaleur ne pris qu’un instant pour s’infiltrer dans son corps. Sa tête émergea sans faire un remous comme ces prédateurs au long corps écailleux qu’elle avait vu très loin au sud, ses yeux posés sur Isolde qui entrait dans le bassin comme une proie inconsciente du danger. Sans doute la ressemblance échappait-elle à celle qui n’avait jamais connu de faune différente ou de peu, de celle du Morguestanc et de Langres.
- Certains d’entre-vous en ont d’excellent même, j’en ai même connu un qui en avait plus que moi. lui répondit-elle en la regardant s’immerger. Elle nagea doucement jusqu’à elle, mais contrairement à la veille, elle ne s’insinua pas dans son espace vital, restant à une portée de bras complète de sa comparse, ses bras remuant avec lenteur sous la surface. Elle inclina doucement la tête comme si elle percevait un son inaudible puis sourit.
- Jusqu’à quel point veux-tu apprendre ce que je sais faire ? Comme tu l’as sous-entendu par tes laconiques explications, tes raisons et objectifs ne regardent que toi. Mais je dois quand même avoir une idée des limites que tu vises si tu espères que je t’apprenne à t’en emparer et à les faire tiennes.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Jeu 2 Déc 2021 - 17:36
« Tu en remarques bien des choses, dis donc. » Répondit-elle plus sur le ton d’un constat que d’un réel ennui alors qu’elle remontait avec lenteur son short de bain jusqu’à sa taille.
Un sourire triste flotta sur ses lèvres, comme une apparition lorsque Kaïne releva sa petite remarque sur sa « timidité ». Evidemment, n’était-ce pas les choses qu’on lui avait inculpé depuis qu’elle était en âge de porter la vie ? Fille d’une riche famille de bourgeois affectionnant la sphère des plus grands, ne se devait-elle pas d’être irréprochable et ne pas se montrer telle qu’elle était ? Bien qu’Isolde abhorrât cette éducation stricte et sévère qu’elle avait reçue, mais son esprit s’était vite retrouvé soumis à une volonté qui n’était pas la sienne, à trouver de la légitimité dans ce qu’on lui inculquait, davantage écartelé lorsqu’elle rejoignit les Ordres. Et son esprit qu’elle voulait libre, s’était retrouvé contaminé de cette éducation, enraciné dans un monde qui l’avait éteinte.
« Il fallait le dire si tu avais envie d’en voir plus. » Taquina-t-elle en louvoyant sur elle un regard presque brillant, effectuant un léger mouvement de tête presque provocant avant d’enrouler les épaules d’un air un peu plus enjoué, presque sensuel. « Mais ne faut-il pas garder une part de mystère, après tout ? »
Alors qu’elle s’avançait dans l’eau, elle aperçut la fille d’Anür mais celle-ci semblait être sur une retenue plus discrète moins dans cette proximité sensiblement provocante. Même elle était silencieuse, un serpent lisse et sinueux qui rampait jusqu'à elle.
« Un enraciné qui avait plus de réflexe que toi ? » Interrogea-t-elle avec amusement, poursuivant dans un souffle « Mais aurais-je l’honneur de savoir de qui tu nous parles ? »
Elle sourit avec malice puis plongea sous l’eau avant de nager jusqu’à une extrémité du bassin, laissant sa tête s’échouer négligemment contre le rebord et de laisser ses jambes se mouvoir librement dans l’eau. La chaleur du bassin se répandait sur ses muscles endoloris et la sensation lui faisait un bien fou, elle laissa un soupir de bien-être s’échapper de ses lèvres.
« Bien. » Avoua-t-elle, prête à se mettre à découvert bien qu’elle ne faisait pas totalement confiance à Kaïne. « Depuis très tôt l’on m’a inculpé des principes et des préceptes, je les ais assimilés plus par acharnement que réelle envie et que j’ai toujours, au fond de moi, ressenti un profond désaccord, comme une onde de choc souterraine qui agissait dans le silence. »
Elle poursuivit avec une lenteur mécanique, comme si elle récitait une poésie qu’elle s’était maintes et maintes fois répétée.
« L’on veut me marier à des hommes que je méprise et me lier à un destin que je ne veux pas. » Avoua-t-elle cette fois-ci sans s’esquiver dans des sous-entendus. « Plutôt que de m’enfoncer dans ma frustration amère et de m’enfermer dans une rage silencieuse et dévastatrice, suite à une visite dans les marais je me suis dit que j’aimerais récupérer ce qu’il m’appartenait et ce qu’on m’a dérobé ici : mon corps, mon esprit, j’ignore comment l’on définit proprement tout ça. Je n’ai plus envie d’être asservie à la volonté de qui que ce soit. » Fit-elle d’un mouvement de la main comme si elle chassait un nuisible.
Quel caprice pouvait-elle faire, s’insurger contre une vie qu’elle ne désirait pas où d’autres devaient vivre l’angoisse au ventre depuis que la Fange avait rampé jusqu’au monde des hommes. Mais pour autant, elle ne semblait plus se cacher derrière de faux prétexte ; elle ne voulait pas de cette vie où elle serait mariée à un homme qu’elle n’aimerait probablement jamais, où elle devrait écarter les cuisses à ses moindres désirs, porter un héritier qu’elle n’aurait jamais voulu non plus. Kaïne pouvait voir peut-être, les rides de son esprit, les marques invisibles, plus profondes, qui se laissaient percevoir au plus profond secret de ses yeux bordés d’or.
« Je suis consciente que ma vie est confortable et je ne veux pas plus me plaindre. Alors je me dis que si je peux m’éloigner un tant soi peu de la voie qu’on cherche à me faire suivre tout d’abord en récupérant mon corps, en l’utilisant comme une arme, qu’elle soit dans la séduction ou dans la guerre » Sa main se leva devant son visage, juste sous le plafond qu’elle contempla d’un air lointain. « Je suis prête à prendre tout enseignement que tu me donneras, être suffisamment désirable dans la manière que j’aurais de me mouvoir, être provocante mais assez subtile pour qu’on puisse le remarquer mais qu’on ne s’en offusque pas car pas assez tangible, éconduire un homme tout en le séduisant, me dérober aux regards dans un bal si cela m’enchante, me plier sans plus jamais aller au contraire de ce que je désire, si ça me sert à changer les choses, à mon échelle, du moins. »
Ses doigts s’écartèrent et elle observa le visage de Kaïne à travers l’un des espaces, juste entre l’index et le majeur.
« Un détail me trouble depuis tout à l’heure. » Avoua-t-elle avec une moue perplexe tandis qu’elle ramenait sa main mollement dans l’eau. « C’est le terme « enraciné », plus particulièrement » Dit-t-elle en l’avisant du coin de l’œil « Pourquoi tu me nommes comme ça ? »
Et elle se laissa fermer les yeux comme concentrée sur le bruit des petites vagues qui s’entrechoquaient contre le bassin.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Ven 3 Déc 2021 - 1:47
24 Février 1167.
Kaïne haussa les épaules comme si la question n’avait pas d’importance mais sa compagne évoluant sous les flots n’en vit rien, alors elle lui répondit en entendant son souffle reprendre à l’autre bout du bassin.
- C’est le maître d’un de vos ordres. Celui de Serus, le père Altan. Un Haut-dignitaire c’est cela ? Cet homme a la vivacité d’un crotale et le calme d’un aigle. Celle qui portera sa progéniture sera chanceuse. dit la fille des routes d’un air convaincu qui lui arracha elle-même un sourire en écho à la complainte de sa compagne.
Elle comprenait parfaitement le mal-être d’Isolde. Bien qu’elle n’ait jamais eu l’obligation de se soumettre à un homme et que tout dans sa culture l’autorise à être forte, indépendante, elle était aussi prisonnière d’un nombre infini de règles et de devoir envers les siens comme autant de chaînes accrochées à sa chaire dont elle ne pouvait se défaire. Rarement elle en avait envie, mais dans ces moments-là, dans le secret de son âme, elle était triste de n’avoir pas le choix. Deux prisonnières de leurs mondes respectifs, semblable et différente.
Elle n’aurait surement pas dû accepter d’aider cette pauvre prêtresse à se créer son propre mensonge. Plus vite elle accepterait sa condition, moins elle souffrirait, c’était l’ordre des choses dans son monde. Autant s’y faire. Mais d’un autre coté… si elle avait fait parler le silence. Elle pouvait bien faire cela non ? Faire quelque chose, juste une fois, pour aider une personne à se libérer d’elle-même. Juste comme ça, pour un désir de liberté égoïste, mais profondément humain. Pourquoi pas songea-t-elle en observant l’œil d’Isolde qui la guettait entre ses doigts.
L’instant suivant, elle était auprès d’elle sans rien avoir provoqué de plus qu’un léger frémissement de l’eau. Elle observa quelques instant la jeune femme qui aurait presque put paraître endormie ainsi, les yeux clos, son corps étendu à la surface, maintenu ainsi par un léger mouvement de ses jambes. La prêtresse pût soudain sentir un doigt se poser sur la peau chaude et douce de son ventre, et remonter avec une lenteur maitrisée et sensuelle le trajet inverse d’une goutte sur son ventre.
- C’est triste de voir comme vous êtes privés de votre propre histoire. Si on vous appelle les enracinés, c’est parce qu’il y a bien longtemps, ton peuple nous appelé les déracinés. Nous avions perdu notre royaume, nos maisons, nos terres et nous sommes retrouvés sur les routes des autres royaumes à essayer de survivre. Alors vous vous nous donniez ce titre, pour nous rappeler cette perte, c’était douloureux… dit-elle alors que son doigts butait doucement contre le rebord du vêtement imbibé d’eau. Elle redescendit alors là où le short commençait, et entrepris de suivre le chemin d’une autre goutte, toujours avec cette douceur qui donnait à son geste quelque chose de profondément érotique, d’intime, sans jamais qu’elle ne franchisse une quelconque limite.
- Quand nous avons décidé de ne plus le subir et de l’accepter, alors vous avez arrêté, surement n’était-ce plus assez cruel pour tes ancêtres. sans qu’une once de condamnation ne teinte sa voix. Elle parlait du peuple d’Isolde, l’incluait dedans mais sans jamais lui faire partager la culpabilité de personnes mortes des siècles auparavant.
Elle s’attaqua à une troisième goutte.
- Nous, nous avons continue, parce que nous ne devons pas oublier ce qui a été perdu, pas si nous souhaitons un jour le retrouver.
Elle s’approcha tout près de l’oreille de sa compagne, et lui murmura une question, d’une voix pleine d’amusement et de défi.
- Dis-moi Isolde, à quand remonte la dernière fois que tu t’es incrustée dans un bal ?
La prêtresse put lui découvrir en ouvrant les yeux, un immense sourire sur les lèvres, aussi joueur qu’enfantin, comme si elle venait de trouver sa prochaine bêtise. Ce qui n’était pas entièrement faux, il fallait l’admettre. Mais peut-être aussi le premier pas vers le genre de liberté que visait la jeune femme. Une nouvelle leçon, bien différente.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Mar 7 Déc 2021 - 18:21
Le père Altan, hein ? Isolde le trouvait affolant ; dès que son regard se plongeait dans le vôtre, cela en était fini de vous. Vous voilà nu et sans armes, tout à fait dévoilé. Comme s’il lisait en vous, vous connaissait, vous comprenait. Instantanément, vous étiez sien et son emprise se resserrait sur votre gorge comme les serres avides d’un rapace. Isolde, affiliée à Anür, ne l’avait jamais croisé, peut-être à peine vu de loin. Ils ne gravitaient pas dans les mêmes sphères, et un pressentiment lui disait que c’était le mieux pour elle. Quelqu’un capable de déjouer si aisément son monde pouvait s’avérer dangereux pour des esprits comme le sien.
Une première vague, à peine un remous s’échoua lentement contre la paroi du bassin, agitant la surface tranquille de l’eau. Un frémissement de sourcil agita les traits d’Isolde mais plus par grande concentration que troublé d’une réelle gêne. Puis tout à coup, elle ressentit quelque chose se poser sur son ventre. Quelque chose de vif et rapide, Kaïne. Son doigt se frayait agilement sur sa peau, traçant un chemin sur la peau d’Isolde, pour se diriger lentement vers son haut avant de brutalement se laisser retomber vers le bas et s'immobiliser tandis qu’elle parlait. Elle sentait que des eaux souterraines se mettaient à bouillir sous sa peau, comme un fleuve brûlant se ruant dans ses veines et ses organes.
L'air devint incroyablement chaud et lorsque son unique œil daigna s’ouvrir, son monde fut englouti par le rouge des yeux de Kaïne.
Comme si, ce corps, plongé longuement dans le sommeil semblait se réveiller, pire encore ; réagir à Kaïne. Et Isolde comprit le piège que cette fille pouvait être pour les hommes, elle possédait un pouvoir tout aussi dangereux que celui de l’esprit, elle abaissait les armes mentales par le souffle d’une simple caresse. Nul doute qu’elle devrait rencontrer un certain succès chez les hommes, elle savait y faire. Isolde, alors, la freina en saisissant lentement son poignet – non pas d’un geste brusque, il était mesuré et doux. Lentement et avec délicatesse, elle l’éloigna.
« Suffisamment longtemps pour que je ne puisse plus imaginer l’ennui que j’y ressentais lorsque je m’y trouvais. » Plaisanta-t-elle malgré la tonalité à mi-chemin entre la lassitude et l’amusement. Son regard se releva vers elle. Et l’ombre d’un mince sourire, léché par la semi-obscurité sembla s’esquisser puisqu’un coin de fossette se creusa dans sa joue.
« Mais peut-être que si tu es là, tu sauras donner à ces bals en noirs et blancs un peu plus de couleurs. » Avoua-t-elle en détournant lentement son regard sur elle pour la toiser, ses yeux se plissant avec un amusement discret. « Et nul doute que je n’aurais pas l’occasion de m’y ennuyer. »
Bien que Kaïne était sûrement vu comme le tapin déguisé en fille de Déesse, l’idée de la voir satisfaire des pervers prétentieux, voir sa vie et se l’imaginer s’acheminer entre les injustices de son royaume réduit à néant, son existence sous forme de parcours du combattant, la violence permanente et quotidienne qu’elle avait dû affronter… L’avait sûrement forgé et affûtée comme la beauté élusive d’une lame. Elle se l’imaginait séduire ce beau monde en le flattant, le galvaniser d'illusions, et chaotique aussi, le chaos d’une nuit. Isolde l'imaginait également délier les langues avec une aisance folle et qu'elle devait sûrement porter en son sein les secrets les plus enfouis de Marbrume, un peu du sien inclut également. Isolde, elle, était diamétralement son opposé, une jeune femme à l’esprit fougueux et à l’instinct éveillé qu’on avait étouffé par peur, encerclée dans une éducation ritualisée pour endormir ce qu’elle était, réellement.
« L’on a beau dire ce que l’on veut sur toi, je te trouve différente, dans le bon sens du terme. » Avoua-t-elle à demi-mot tandis que ses pieds retrouvèrent le fond du bassin pour qu’elle puisse se redresser souplement. « Quand est-ce que nous y allons ? » Ajouta-t-elle, d’un air complice de ces filles qui se prépare aux mauvais coups.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Dim 12 Déc 2021 - 15:56
24 Février au 3 Mars 1167.
La fille d’Anür sembla bien plus goûter le compliment qu’on ne l’aurait cru, comme si la promiscuité crée par leur toute nouvelle et étrange relation avait permis à celui-ci de se faufiler aux travers les minuscules interstices de la carapace d’assurance et de détachement qu’elle arborait en permanence pour venir atteindre la jeune femme qu’elle restait malgré sa solide expérience du monde. Elle lui lança un petit sourire presque emprunt de timidité qui se mua bien vite en une moue taquine bien plus maîtrisée et habituelle chez elle.
- Le temps que je nous trouve les tenues adéquates et la bonne soirée à perturber ! dit-elle, ayant visiblement, vu l’éclat d’amusement revêche qui teinté ses yeux, une bonne idée concernant ce derniers points. Quelques jours disons.
Sans prévenir elle appuya sur le ventre de sa compagne, d’une pression contrôlée mais insistante qui l’envoya une dizaine de centimètre sous l’eau en faisant glisser sa tête de son perchoir.
- Vengeance ! Cria-t-elle en riant avant de se jeter sur Isolde dès qu’elle émergea de l’eau pour reprendre de l’air. Les minutes qui suivirent ne furent que luttes enfantines et rires entrecoupé de cris sans contrôle, la sévère enseignante laissant place à une compagne de jeu espiègle qui eu le mérite de faire oublier ses douleurs musculaires à Isolde, même si la fatigue n’en fut que plus grande quand elle atteignit sa couche une bonne heure plus tard. Cette nuit-là, fourbue, Isolde n’eut pas l’occasion de laisser ses rêves perturber son sommeil.
Il fallut près d’une semaine à Kaïne pour organiser leurs petites escapades. Et pendant ce laps de temps, chaque soir elle l’avait fait s’entrainer avec la même intensité que la première fois. Si ce n’est plus. Elle l’avait même tirée de son lit avant l’aube par trois fois en plus de leur séance journalière pour aller courir autour du temple avant que celui-ci ne s’éveille et ne grouille de curieux. Si la prêtresse crue bien mourir la première moitié de cette durée, ses muscles en permanence douloureux, elle ne tarda pas à voir les premiers résultats tant sur son souffle que sur sa forme générale.
Pas encore réellement dessiné, ses muscles produisaient néanmoins une tension agréable à l’œil sur la peau qui les recouvrait et elle se trouvait capable de se tordre dans des positions bien plus exagérée que ses premières tentatives, même si elle avait encore un long chemin avant d’adopter le corps de serpent de son enseignante. Elle se découvrait aussi lentement une nouvelle énergie, moins due à un bon repos qu’à une plus grande endurance. Son esprit aussi se faisait plus acérer, obligé à l’effort par Kaïne qui la soumettait à des leçons orales en même temps que leurs entrainement, l’obligeant à une vigilance de tout instant. Elle se retrouvait à réciter de la poésie, les jambes pliées presque contre son visage, ou à évoquer des détails d’un événement historiques en évitant les basaïs qui la frôlaient.
Si sa tête failli bien implosée au début, elle se retrouvait à présent à pouvoir réfléchir complètement aux enchainements qu’elle avait travaillé la veille alors même qu’elle récitait sans y penser les sermons qu’elle avait appris devant les ouailles qui venaient lui demander conseil ou en concoctant un cataplasme complexe. Mais ce soir là quand elle frappa à la porte c’est une Kaïne méconnaissable qui lui ouvrit. Dans une tenue presque identique à la sienne, le visage libre de toute trace de maquillage, et les cheveux attaché dans un chignon simple, elle faisait presque aussi docile qu’un mouton. Seuls ses yeux espiègles trahissaient la duperie, et même ceux-ci ne furent évident à Isolde que parce qu’elle commençait à bien connaître les nuances des ces deux perles pourpres.
- Ah ma sœur, vous tombez bien. Allons-y le cercle de lecture nous attend. lui dit-elle à voix haute, en refermant et verrouillant la porte de son espace privé, en se retournant pour passer près d’elle, elle lui chuchota bien plus bas.
- J’espère que tu n’as pas grand-chose là-dessous parce que tu vas tout devoir enlever en peu de temps.
Elle lui prit la main et elles remontèrent les couloirs du temple dans un pas empressé mais plein de respect, Kaïne évoquant son intérêt pour les dernières lectures en vogue dans le groupe qu’elles devaient apparemment fréquenter toutes les deux, même si la prêtresse n’avait strictement aucune idée de l’existence d’un tel groupe et doutait d’ailleurs de celle-ci. Même si tout dans les paroles autant que l’attitude de sa comparse aurait pu la convaincre si elle ne la connaissait pas. Quand elles sortirent du temple, un somptueux carrosse noir couvert de dorure et aux fenêtres calfeutrées les attendait. Isolde fut presque poussée à l’intérieure et quand la porte fut refermée sur elles, une pénombre presque absolue les engloutissait. Elle ne pouvait même pas voir sa main en la tendant devant son visage. Par contre, elle put sentir sans soucis celles expertes de Kaïne qui défaisaient sa tenue sans sembler aucunement entravée par l’obscurité ou les cahots du véhicule en marche.
- On a une vingtaine de minutes à peine, alors pas de chichi ! l’entendit-elle dire avec sa taquinerie bien plus habituelle. On se rend à un bal masqué organisé par une personne très très influente, au point d’être apprécié de la royauté, ou du moins, d’une partie. Plein de beau monde, alors ça le ferait mal si une prêtresse et une catin étaient prise en défaut pour s’être glissée parmi les convives. Moi ça ira, ma sœur et moi avons habitués la noblesse à nos frasques, toi par contre, ce serait le scandale ! Excitant n’est-ce pas ? Blanche ou noire ?
A peine eut-elle obtenue une réponse qu’elle entreprit purement et simplement de la déshabiller avant de guider ses gestes pour se glisse dans autre chose, de plus doux et de plus complexe. Malgré la pénombre, la promiscuité et leur nudité évidente, la prêtresse n’eut droit à aucun geste déplacé, pas même d’une quelconque ambiguïté. A vrai dire, depuis qu’elle avait saisit son poignet une semaine plus tôt, la stoppant dans son exploration des plus intimes bien que joueuse, Kaïne lui avait épargné toute approche physique tendancieuse, elle ne se gênait par pour plaisanter, pas plus que pour la corriger sans gêne pendant les entraînements, mais elle semblait avoir acceptée une ligne tacite tracée par la jeune croyante.
- Nous sommes les sœurs de Calderon, filles du Banneret Léonard de Calderon, tu t’appelles Thérésa, et tu as dix-neuf ans depuis plus de deux mois. Je suis ton ainée Sarah, de trois ans. Notre père qui réside au Labret depuis la reprise nous a offert une semaine pour profiter de la cité et rencontrer de potentiel prétendant. Nous sommes venus vendre la marchandise qu’il a à offrir en somme. Le bal est masqué et tant que tu ne vends pas la mèche, on devrait avoir le temps de s’amuser quelques peu. Et ne t’inquiète pas pour les sœurs, leur essieu s’est brisé avant même le départ de Usson, elles seront là d’ici un jour ou deux. expliqua-t-elle alors qu’elle resserrait un col étroit autour de la gorge fine d’Isolde.
Toujours dans le noir complet elle entreprit de la maquiller comme si elle y voyait en plein jour se contentant de se guider d’une main sous son menton pour se repérer dans l’espace. Son habilité à contrebalancer le moindre nid de poule tenait presque de la sorcellerie, mais elle chantonnait comme si elles s’étaient trouvées devant une coiffeuse avec des heures devant elles. Elle sembla satisfaite du résultat qu’elle ponctua d’un claquement de langue qu’Isolde avait finit par reconnaître comme sa manière de valider quelque chose. Elle entendit alors de nouveau bruissement de tissu, sans doute la catin se préparant elle-même et enfin les doigts de Kaïne glissèrent quelque chose entre les siens, un masque reconnut-elle, en laissant glisser ses phalanges dessus et en découvrant d’immenses plumes qui s’étiraient sur le coté droit. Elle lui laissa le soin de l’ajuster et de le serrer, comme si par ce petit geste, elle la conviait à choisit d’elle-même de conclure ce déguisement. Le carrosse finit par ralentir.
- Il y a quelques beaux partis, quelques riches partis, et quelques inconnus. Laisse-toi guider par ton instinct, trouve un homme qui te plait, ou que tu considères comme un défi intéressant et jette-toi à l’assaut. Nous verrons ce qu’il y a à travailler alors, et surtout amuse toi !
Sans plus de cérémonie la porte s’ouvrit et un majordome leur tendit une main salvatrice pour descendre du véhicule. Ainsi Isolde put se découvrir, autant que découvrir sa « sœur » temporaire. Elle portait une robe noire sublime, et osée, si l’on puit dire. Dotée d’un col montant jusqu’à sa mâchoire, celui-ci était composée de plumes sombres replié vers l’arrière dans un mouvement acéré, et leur base étaient entremêlée de fil d’argent qui venait les broder dans le tissu sombre de la tenue. Le bras gauche était totalement dénudé jusqu’à l’épaule et uniquement mis en valeur par un bracelet d’or blanc et d’argent qu’elle ne souvenait pas s’être fait passée au poignet.
L’autre bras quant à lui était entièrement couvert de lanières brodées qui s’enroulaient avec élégance jusqu’à se glisse entre ses phalanges pour ne laisser que ses doigts à l’air libre. Sur l’épaule de la manche avait était savamment monté ce qui pouvait sans peine faire penser à l’aile d’un cygne repliée, de telle façon que cela lui donnait une allure d’épaulette de bataille autant que de choix stylistique. Le buste était impeccablement cintré jusqu’au hanche, soulignant la taille parfaite de la prêtresse un losange de tissu manquant juste à la naissance de son décolleté, mis en avant par une larme cristalline qui pendait contre sa peau donnait quelque chose de provoquant sans pour autant réellement révéler quoi que ce soit.
Les broderies d’argent s’étiraient avec sobriété mais élégance dans le tissu noir et parvenait relever la silhouette avec une maestria totale avant de se séparer pour former une sorte de liseré ou une ceinture d’argent autour de sa taille pour aller se perdre dans les plis arrière de sa robe. Ceux-ci avaient-été travaillé de telle sorte qu’à mesure qu’elle avançait, ils se déployaient en arc de cercle pour prendre l’apparence d’une sorte de queue de d’oiseau surmontée d’une bordure d’argent pur qui captait la moindre lumière. Enfin le masque était d’un style comparable, d’un noir profond à l’exception d’un contour d’argent judicieusement placé pour mettre en valeur les yeux de sa détentrice. Comme elle l’avait sentie, de longues plumes effilées s’étendaient du coin droit pour tenter d’atteindre les cieux.
La tenue de Kaïne était à la fois parfaitement semblable et totalement opposée. D’une blancheur lunaire le tissu éblouissait presque par son éclat tandis que des fils de soies et d’or noir remplacer l’argent et que l’obsidienne prenait la place du cristal. Elles formaient un duo de cygne aussi bien accommodé que totalement en opposition. Sa compagne souris et lui prit la main alors qu’elles attiraient presque tous les regards alentour.
- Tu entends ? Il y a déjà de la musique, allons danser Thérésa ! dit-elle naturellement, pleine de joie, en l’entrainant vers le portail ouvert.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Ven 17 Déc 2021 - 13:16
Quelque chose avait changé entre Kaïne et Isolde. Comme si elles apprenaient à s’apprivoiser malgré leur différence dans leur monde, Kaïne ne l’épargnait pas sur ses entraînements mais Isolde se serait sentie bien plus humiliée si elle avait fait preuve d’indulgence. Sa détermination farouche, quant à elle, s’était retrouvée plus renforcée mais mieux maîtrisée et plus réfléchie, davantage basée sur de la technique que lui apprenait Kaïne que par la fougue de l’impulsivité. En présence de la fille d’Anür, sa méfiance naturelle se retrouvait désarmée, comme si d’une manière ténue, un lien de confiance mutuel s’était noué entre elles sans pour autant qu’elles ne puissent totalement se l’avouer. Kaïne posait un regard sur le monde si lucide qu'elle pouvait dénouer par enchantement n'importe quel silence d'Isolde. Elle était devenue, pour la prêtresse, une figure appréciée et par ailleurs irremplaçable.
Il y avait chez Isolde une nuance nouvelle difficile à définir, elle était plus libre, moins enfermée dans ses obligations ou dans son mutisme. Elle rayonnait avec un charme discret lorsqu’elle feintait de connaître sur les bouts des doigts les derniers livres en vogue que Kaïne lui énonçait alors qu’elles s’avançaient vers la calèche. Déroutée, Isolde pivota la tête vers elle.
« Mais comment as-tu p- »
Sans dire un mot, Kaïne la poussa presque à l’intérieur, l’aidant à se dévêtir avec des gestes délicats mais vifs, Isolde ne s’en accommoda pas, se retrouver nue face à elle ne la dérangeait plus tellement maintenant qu’elle savait que la jeune catin respectait ses limites. La nuit couvrait sa nudité d’un voile sombre, et très vite, elle sentie un tissu agréable épouser ses formes tandis qu’elle écoutait avec peine toutes les informations qui coulait comme un torrent déchaîné.
« Bien, les sœurs de Calderon. Je suis Thérésa. » Répéta-t-elle comme une élève récitant bêtement une leçon. « Mais – »
Kaïne eût juste le temps de se préparer, qu’elles étaient déjà arrivées. Son cœur manqua plusieurs battements, propulsée par l’élan de l’adrénaline et la main d’Isolde attrapa celle de la filel de joie pour la remercier d’une étreinte silencieuse. Elle était grisée, amusée de ce que la fille d’Anür avait préparé, sûrement orchestrée ça dans le plus grand des secrets. En sortant du véhicule et après avoir caressé doucement de la paume de ses mains le tissu de la robe – sur ses cuisses avant de remonter sur ses hanches - elle poussa la tête d'un rien en arrière lorsque Kaïne lui saisit la main pour se mettre en marche, emportée dans son élan. Avec douceur elle regarda Kaïne et lui dit.
« Tu es magnifique, tu vas briller ce soir. » Complimenta-t-elle avec une honnêteté déroutante, avant de poursuivre en riant. « Je te vois rougir derrière ton masque, ne fais joue pas à la modeste ! »
Et peut-être, pour la toute première fois, Iso…Thérésa était libre, le temps d'une soirée, tellement naturelle que l'innocence et la férocité se confondaient en elle.
Elles gravirent les marches pour entrer dans la demeure de la personne dite influente, à peine franchirent-elles le seuil qu’elle fut éblouie de par la décoration et la lumière malgré la nuit sombre dehors. Ka…Sarah, l’entraîna sur la piste de bal, Isolde la suivit en tentant d’esquiver habilement les personnes aux alentours. Elles se retrouvèrent rapidement au centre de la piste, au cœur de tous les regards et de toutes les questions, Sarah enlaça la taille de Thérèsa avec une lenteur savamment calculée, s’improvisant cavalier tandis que Thérèsa déposait sa main sur son épaule et venait couver son autre main libre dans la sienne. Et dans la danse dirigée par Sarah et emportées dans le rythme endiablé de la musique, elles s’élancèrent dans une valse gracieuse, Thérésa s’efforçant de suivre les pas rapides et précis de Sarah tandis qu’elle rectifiait sa posture quelque peu mal assurée, qu’elle interprétait aux légères pressions qu’exerçait Kaïne entre ses doigts, comme un guide silencieux mais bienveillant. Sarah, possédée dans une passion enfiévrée, la fit tournoyer et tournoyer encore sur elle-même, alors que la musique s’essoufflait dans des notes un peu plus ralenties avant de totalement s’arrêter, accueillie par une averse d’applaudissements.
Les deux com… sœurs, se stoppèrent au fur et à mesure puis se sourirent d’un air complice, presque timide avant que Kaïne ne se décida à l’entraîner jusqu’au buffet, lui offrant une coupe d’alcool qu’elle n’avait jamais goûté auparavant. S’en saisissant habilement, Isolde poursuivit.
« Tu m’avais caché le fait que tu savais aussi bien danser, pratiquement aussi mieux qu’un homme. » Sourit-elle tandis qu’elle portait la coupe à ses lèvres, en sirotant une gorgée brûlante. « Ah pardonne-moi, je voulais dire, aussi bien qu’un homme. » Corrigea-t-elle en souriant d’un air amusé à la moue boudeuse de Kaïne.
Soudain, un jeune homme s’approcha d’elles. Le pas altier, les épaules larges et droites, il se déplaçait comme une armée prête à marcher sur le monde. Ses yeux, presque aussi carmins que ceux de Kaïne étant rouges se posèrent sur la fille d’Anür.
« Mesdames » Commença-t-il tandis qu’il se freinait dans son élan. Isolde le regarda sans comprendre, et en tendant sa main vers Kaïne, le jeune homme s'inclina légèrement en avant dans laquelle il dissimulait une phrase à peine perceptible mais tout à fait claire.
« Ce soir vous brillez, Ma Dame. M’accorderez-vous cette danse ? »
Isolde sourit à l’homme tandis que son regard s’abaissait sur Kaïne avec une curiosité malicieuse non-feinte bien que le rictus qui venait d’agiter son sourire en témoignait tout l’inverse.
« Veux-tu rester avec lui ? » Selon sa réponse, son regard sembla s’égarer dans la foule comme pour y réfléchir, elle prit une inspiration et lui offrit un sourire pincé. « Fais attention à toi, d’accord ? » Sa main se posa doucement sur son épaule et exerça une légère pression. « Et amuse-toi bien ! » Sourit-elle.
Elle regarda Kaïne s’éloigner d’elle, l’homme semblait lui faire la cour et Isolde épargna un léger sourire compatissant sur lui ; il ne savait décidément pas à qui il avait à faire. Observant le couple danser, Isolde remarquait et décortiquait chaque expression, lui souriant d'un air un peu moqueur. Alors que son regard scannait la scène, il croisa celui d’une autre personne de l’autre côté de la piste, en face d’elle en train de la scruter également. Curieusement, elle leva sa coupe en sa direction et dans un mimétisme alarmant, il en fit de même.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Ven 17 Déc 2021 - 15:35
24 Février au 3 Mars 1167.
Sarah foudroya sa jeune sœur du regard, avec un mélange d’agacement et d’amusement, mais se laissa offrir en pâture au jeune homme avec une grâce accomplie, elle rit même à son humour peu travaillé alors qu’il la faisait tourner sur la piste de danse. Ce qui ne l’empêcha pas de couler de temps à autres un coup d’œil vers son acolyte restée en bord de piste, son verre à la main.
Bien sûr il ne fallut pas longtemps pour que la prêtresse, seule et magnifique, n’attire à son tour les regards, si ce n’est une certaine convoitise de la part des autres invités. Un regard en particulier finit par l’interpeller, des cheveux blonds, presque blanc, si ce n’est blanc, et des yeux bleus perçant évoquant un pâle ciel hivernal. En réalité, tout dans cet homme exprimait le froid de l’hiver. C’était comme ouvrir un rideau sur une plaine enneigée, chaque détails à la fois estompé et sublimé par ce manteau blanc.
Il ne portait pas de masque comme la majeure partie des invités, et pourtant Isolde fût certaine dès l’instant où leurs yeux se croisèrent, qu’il dissimulait quelque chose sous ses traits. Une douleur, ou un secret, elle n’aurait su le dire. Il l’observait, et semblait faire le même constat à son sujet. Chacun percevant des failles invisibles dans le masque de l’autre. Vêtu d’une veste longue à col haut, il avait quelque chose de cérémonieux dans son attitude qui rappela le temple à Angélique, pourtant le jabot de sa chemise sombre autant que sa coiffure ou les ornements de sa tenue ne laissaient aucun doute sur son appartenance à la classe noble.
Il devait être plus âgé qu’elle, d’au moins dix ans, si ce n’est plus, mais sa haute stature, ses épaules larges et droites, autant que la vivacité de son regard laissait peu de doute quant à l’énergie qui l’habitait. Il émanait de lui une sorte d’aura, de prestance, d’autorité. Les gens se regroupaient autour de lui presque naturellement sans même qu’il ne fasse quoi que ce soit pour cela. Pourtant malgré toute les jeunes femmes et hommes qui l’entouraient, visiblement dans l’espoir d’attirer son attention, certaines dans des tenues bien plus précieuse, extravagante, voir provocante que la sienne, c’était bien sur elle, au-delà de la piste qu’il dardait son regard.
Quand elle leva son verre, il lui rendit son geste sans hésiter et un sourire discret mais bien réel anima son visage de marbre. Elle eut presque l’impression qu’ils étaient sur le point de discuter malgré la distance, mais c’est une voix sur sa droite qui la tira de cet étrange échange.
- Je vous le déconseille. dit celle-ci d’un ton tranquille et quelque peu ennuyé.
En tournant la tête elle put découvrir un autre homme, debout juste à coté d’elle et du lever la tête pour le contempler. Il semblait un peu plus jeune que l’homme de l’autre coté de la piste, mais malgré tout plus âgé qu’elle. Quoi que le maques parodiant avec un certain talent un loup noir qui lui mangeait la moitié du visage, rendait difficile une estimation claire de son âge. Ses cheveux étaient aussi noir que ceux de l'autre inconnu étaient blanc. Il portait lui aussi une veste, mais d’un tissu sombre et bien moins ajusté, presque négligée dans son repassage ou la façon dont elle béait sur une chemise simple et verte évoquant plus la milice que la noblesse. Même avec son masque et son accoutrement, ou peut-être plutôt à cause d’eux, l’homme ne faisait pas à sa place. Comme si on avait obligé un loup à se glisser dans une meute de chien, il faisait aussi ennuyer que mal à l’aise. Même la façon dont il faisait tournoyer l’alcool dans sa coupe signalait une profonde apathie pour l’endroit, ou peut-être même les gens avec qui il se trouvait. Pourtant sa voix était calme et pas dénuée d’un certain charme qui n’avait rien à envier à l’aristocratie environnante.
- Lucas d’OmbreCiel est un homme intelligent, je dirais même perspicace, bien qu’un peu borné. Il vous trouve intéressante, mais il ne tardera pas à comprendre que ce que vous cachez est un mystère bien plus terre à terre qu’il ne le pense.
Il tourna le visage vers elle, plongeant un regard sombre, mais aimable et plein d’intelligence dans le sien.
- Quoique… peut-être pas si simple que cela. se corrigea-t-il en l’observant comme si le secret qu’il pensait avoir éventé n’en couvrait en vérité qu’un autre bien plus profond.
Une exclamation sur la piste attira leurs regards. Kaïne avait visiblement changée de partenaire pour un homme plus expérimenté et mûr et tournoyer sur la piste avec une élégance et une énergie folle. Elle quittait parfois les bras de son partenaire pour évoluer telle une tornade de tissu entre les convives s’attirant des vivats d’admiration autant qu’une certaine pudibonderie de bon aloi qui ne semblait que la motivée d’autant plus à agir de la sorte. Quand Isolde reporta son attention sur celui qui l’avait mise en garde ce fût pour ne découvrir qu’un espace vide près d’elle, tout juste eut-elle le temps de voir son dos s’éloigner entre les rangs pour rejoindre la porte ouverte sur un large balcon plongé dans les ténèbres.
De l’autre coté de la piste, celui qu’elle savait maintenant s’appeler Lucas avait hausser un sourcil interrogateur, comme pour lui poser une question muette.
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Sam 18 Déc 2021 - 18:33
Il s’était passé quelque chose d’étrange entre l’homme et elle. Comme s’ils se parlaient sans avoir besoin d’énoncer ne serait-ce qu’une seule parole, Thérésa se demandait si cela était normal de se laisser happer par des traits aussi douloureux qui renfermaient quelque chose de bien plus profond encore auquel le monde semblait être étrangé. Comme si dans leurs douleurs respectives, ils se comprenaient et cherchaient à se connaître et se deviner. Etonnée de ce long échange entre eux, elle hésita à le rejoindre.
Une voix profondément calme sur sa droite l’en dissuada.
Elle se devait d'être belle et raffinée, tel un trophée qui paradait à la vue de tous. Il lui suffisait juste de jouer un rôle, celui de la séduisante et fringante Thérésa de Calderan. Parée du masque de la gente demoiselle à marier et habituée à être traitée en princesse, elle pensait avoir alternée l'odieuse et autoritaire rigueur de la noblesse avec la tendre fraicheur d'une femme-enfant à la perfection mais visiblement cela n’échappa à l’œil vif et vigilant d’un homme mystérieux. Isolde garda un visage impassible malgré ce qu’il lui sous-entendait, ses doigts venant sensiblement se crisper sur la tige de sa coupe la trahissant. Son œil le jaugea d’un air attentif mais elle resta silencieuse, portant à nouveau le verre à ses lèvres pour en laper une longue gorgée pour s’offrir une contenance. Elle sentait le plafond tendu de tissus peser sur son crâne comme une épée, tout comme les murs semblaient doucement se resserrer pour l'étouffer.
Comment avait-il compris aussi aisément alors qu’elle n’avait strictement rien fait ? Il sous-entendait avoir percer à jour ce qu’elle était ce soir-là, au-delà de la carapace de Thérésa il semblait avoir deviné Isolde et cela la laissa pantoise qu’il puisse la déjouer comme si cela n’était qu’un simple jeu, une évidence implacable. Finalement, après avoir profondément respiré, elle haussa les épaules.
« Je vous remercie de votre prévoyance mais je- »
Mais alors qu’elle se retournait à nouveau vers lui, seul le vide la nargua avec une pointe de sarcasme. Perdue et cherchant dans la foule, elle le voyait déjà au loin, absorbé par l’extérieur. Alors que sa tête pivotait à nouveau, le regard de Lucas sembla l’interroger comme s’il sentait qu’un trouble l’agitait. S’inclinant comme pour lui signaler qu’elle s’en allait, elle n’eût pas le loisir de recevoir une réponse qu’une jeune femme saisit l’occasion pour barrer la vue du noble, dans l’espoir de capter son regard et toute son attention. Isolde vit en cela le signal pour s’éloigner de la piste discrètement et se frayer un passage vers l’extérieur, inclinant la tête avec politesse pour récolter un compliment lancer à la volée, sourire de bienséance lorsqu’un homme lui caresser la taille dans l’espoir vain de l’inviter à la discussion, elle se sentit brutalement oppressée.
____
Avant de quitter les lieux, Isolde avait fait un signe à Kaïne pour la prévenir qu’elle se retirait de la piste pour ne pas l’inquiéter. Lorsque cette dernière s’élança sur la piste tournoyant sur elle-même comme une tempête brune et blanche, un long sifflement admirateur retentit dans son dos. En pivotant sur elle-même, Kaïne put apercevoir qu’une jeune femme l’observait en tapant ses mains en rythme de chaque pas de danse qu’elle effectuait, ayant quitté les bras d’un soupirant décidément bien frustré que son attention se soit focalisé sur une autre que lui. Un masque de serpent ornait son visage et la robe légère, presque indécente qu’elle portait faisait penser à la tenue d’une saltimbanque.
Cette dernière glissa d’un pas, puis deux jusqu’à être très, trop proche de Kaïne. Son regard vert bougeait vivement sous son masque, les yeux, le menton, les épaules de Kaïne, comme s’il était à la recherche de quelque chose.
« Vous êtes douée, la vraie grâce d’un cygne. » Roucoula-t-elle d’un ton chaud, sa voix se répandant tel un filet de lave.
« Vous dansez ? » »
D’une main exagérée, elle la porta jusqu’à son cœur avant de poursuivre.
« Oh, je ne me suis pas présentée, quelle idiote» Fit-elle bien que le ton en suggérât tout l’inverse, d’une révérence particulièrement grotesque et ironique, elle s’inclina face à Kaïne, relevant lentement son masque de serpent vers elle, comme le reptile s’apprêtant à déferler sur le cygne.
« L’on m’appelle Cérène » Ajouta l’énigmatique personne, poursuivant d’un vague sourire en coin, d’un air presque moqueur « Je suis enchantée. »
____
Une fois à l’extérieur, la brise fraîche de la nuit l’embrassa toute entière contrastant à la chaleur sulfureuse du bal. Cherchant l’inconnu qui semblait avoir mystérieusement disparu, Isolde croisa un couple s’enlaçant dans un coin de pénombre d’une manière presque indécente, le bruit des froissements de leurs étoffes attestant de leur rapprochement ponctué d’une nuée de baisers bruyants. Réprimant une grimace, Isolde recula légèrement avant de se retourner sur elle-même et de regarder le bal, prête à abandonner. C’est alors qu’elle distingua un peu plus loin dans la nuit une silhouette se découper en train de fixer l’horizon. Il ne réagit pas lorsqu’elle s’approcha, elle se demanda s’il s’y attendait ou bien était-ce la note de ses pas qui l’avait trahi puisqu’il semblait réellement détendu, presque inaccessible, d’une nonchalance insolente.
« - Vous n’êtes pas facile à suivre » Osa-t-elle d’un ton chaleureux et mutin. « Vous auriez pu me laisser un droit de réponse avant de vous éclipser quand je regardais ailleurs. »»
Une fois à côté de lui, Isolde posa ses deux bras sur la rambarde avant de se pencher lentement pour contempler la vue sur laquelle il semblait avoir jeté son dévolu. Ils contemplèrent silencieusement l’horizon sans pour autant que l’un ou l’autre cherche à le briser, comme si tous les deux, justement, en appréciaient sa valeur. Le silence entre eux se prolongeait comme un lancer de ricochet, devenait de plus en plus épais, comme une brume matinale, et semblait les envelopper.
« Au final, je me demande qui est le plus mystérieux » murmura-t-elle en coulant sur lui un regard étrange, comme si elle notait un constat cérébral.
Elle pencha à nouveau la tête, comme si elle cherchait à deviner ses traits au travers de son masque mais bien qu’avec Lucas cela semblait être plus fluide, avec lui, elle n’y distinguait qu’un voile opaque. Ce jeune loup ne semblait pas être prêt à révéler ce qu’il était réellement, il semblait être plus sur la réserve, plus farouche à approcher. Pour autant, Isolde ne semblait pas prête à baisser les armes
« Qui êtes-vous ? » Lâcha-t-elle naturellement en posant sur lui un regard insistant. Elle désigna sa chemise verte d’un geste lent de la tête « Pour ce qui est du milicien ne se sentant pas à sa place, je l’avais déjà deviné. »
Elle élargit un sourire un point provocant sans pour autant éloigner la question qui taraudait son esprit. Jusqu’où avait-il vu la supercherie ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Lun 3 Jan 2022 - 6:38
3 Mars 1167.
C’est d’un œil discret mais attentif que la fille d’Anür avait surveillé sa protégée tout en virevoltant sur la piste avec l’élégance et l’audace d’un oiseau de proie plus que du sage et admirable cygne. Non pas qu’elle doutait que la jeune femme soit capable de se départir de la plupart des situations qu’elles pouvaient rencontrer ce soir, mais plus par un sentiment protectionniste né des leur début de relation.
Une partie d’elle aurait sans aucun doute éclater sa jolie tête de prêtresse contre un mur de brique en la voyant se détourner d’Ombreciel, une cible au combien difficile à atteindre, mais écouter cette petite voix revenait plus à de l’obstination professionnelle qu’à une critique saine. Elle l’avait amenée ici pour expérimenter et c’est parfaitement ce qu’elle faisait. Et la patte blanche n’était pas un gibier que l’on devait chasser sans y être préparée. Les deux femmes échangèrent un discret signe de tête et Kaïne s’apprêtait à reporter son attention sur son partenaire de l’instant, ou peut-être sur une autre histoire de jouer un peu quand son regard croisa celui d’une femme aussi à l’aise et pourtant décalée qu’elle dans ce lieu. Pour des raisons sans doute bien différentes cela dit.
Son pas cessa, mais avec suffisamment de grâce pour que tout œil non expert ait l’impression d’assister à la fin d’une chorégraphie savamment étudiée plutôt qu’à une perte d’attention du à cet incongru mais fort agréable à l’œil, reptile. Elle se laissa étudiée, charmée, menacée par cette langue habile et joueuse et haussa un sourcil amusé devant l’audace quelque peu inconvenante de ce nouvel élément. Elle avait crû que choquer les mœurs serait son activité solitaire de la soirée. Mais à bonne surprise, qui se plaint du hasard ? D’une voix si sérieuse et offusquée qu’elle en paraissait ridiculement forcée, elle se décida à lui répondre.
- Je suis contente que vous le remarquiez, j’avais peur que l’on pense que je ne faisais que chuter et me redresser depuis un quart d’heure !
Elle prit la main de la dénommée Cérène et l’attira à sa suite vers le centre de la piste sans même jeter un œil à son cavalier de l’instant.
- Bien le bonsoir Enchantée, moi l’on m’appelle souvent ! poursuivit-elle en pivotant gracieusement et énergiquement pour se retrouver face à elle. Elle saisit les pans de sa robe et s’inclina si bas qu’un de ses genoux frôlait le sol, sa tête aussi s’inclina vers l’avant, dévoilant sa nuque dans une position à la fois gracieuse et quelque peu morbide tant elle évoquait ainsi un condamné sur le billot. L’un des musiciens du reconnaître la pose et apprécier son audace, car les cordes de son instrument entamèrent les premières notes d’un morceau obscur pour les gens de la ville, mais bien plus connu de ceux du voyage, qu’il s’agisse de son peuple, ou de gens qui avaient du vivre sur la route ou du moins en la compagnie de tel gens. Et son instinct autant que le comportement de l’inconnue, lui laissaient à penser qu’elle devait être de ceux-là.
Elle ne fut pas déçue en relevant la tête. Tandis que l’orchestre après un moment d’hésitation avait finit par suivre son élément perturbateur dans la mélodie dont les notes déjà vigoureuses annonçaient un rythme endiablé, elle vit l’inconnue ou presque, lever l’un ses bras avec lenteur au-dessus d’elle alors que l’autre glissait sur son ventre en une étrange caresse. Sans qu’elles aient besoin de se faire un signe, l’un de leurs talons se mit à battre en rythme la piste de danse. Kaïne ne put s’empêcher d’appréhender avec plaisir les pas à venir, comme l’on retrouve un paysage d’enfance après des années loin de son foyer.
____
- Je ne pensais pas être suivi. Se contenta-t-il de répondre sans cesser d’observer le paysage en contre bas et l’horizon lointaine que l’on percevait à peine au-delà des murs. Sa voix n’avait rien de désagréable, bien au contraire, elle avait même quelque note élégantes et chaudes. Pourtant une certaine fraicheur la teintait. Pas de ce froid mordant du mépris ou de la colére, plus proche de l’indifférence, sans pour autant qu’Isolde eut l’impression que cela lui soit destiné. C’était un détachement pour tout et rien à la fois, la même qui semblait transparaître en partie dans sa mise autant que son attitude.
Il ne fit malgré tout rien pour s’éloigner à nouveau ou la chasser, acceptant de fait cette compagne d’observation silencieuse. Un silence qui aurait sans aucun doute pu s’étirer indéfiniment comme semblait le faire la nuit autour d’eux si Isolde ou son alter ego de la soirée ne l’avait pas brisé après de longs instants.
- Sans aucun doute vous. A l’exception de ce masque, rien ne dissimule qui je suis. dit-il sans se dérober à l’examen qu’il subissait et pourtant plus inaccessible encore pas cette apparente assurance. Il posa son verre qu’il n’avait semble-t-il pas vraiment continué à boire sur la balustrade. Il reprit avec le même détachement assuré, et pourtant un ton plus bas, s’assurant que personne à part elle ne puisse écouter ses mots.
- Ce que je ne suis pas, c’est votre père le banneret que j’ai vu plusieurs fois et même et même ce mois-ci pour vous dire. Je suis certain qu’il serait ravi de voir comme la route vous a été profitable, lui qui se plaint si souvent de votre oisiveté et de la disons… largesse excédentaire qu’elle entraine chez vous et votre sœur. Sans doute avez-vous du courir de labret jusqu’ici pour rentrer dans ces robes ce soir. Je dois être trop permissif avec mes hommes…
Son ton aurait pu avoir quelque chose de moralisateur, ou de critique, mais en réalité, à part un amusement discret elle n’y décela aucune émotion précise et encore moins la possibilité que même si visiblement au fait de la supercherie dans une bonne partie, il n’allait en rien les dénoncer. Un complice silencieux pour des comportements qu’il estimait sans doute sans conséquences. Il se retourna et s’assit sur la rambarde avec une souplesse et une assurance née de l’expérience plus que de l’insouciance.
- Je me demande ce que votre question sous-entend réellement. Est-ce simplement un nom que vous voulez ? Ou autre chose ? Vous avez bien résumé ce que je me sens être, alors ce n’est surement pas ce que vous voulez savoir. A quoi pensez-vous en me posant la question ? Je me ferais un plaisir d’y répondre une fois que vous l’aurez défini. S’engagea-t-il moins fermé à la conversation qu’il ne le laissé pensé et pourtant sans jamais cesser d’émettre cette sensation étrange comme si son esprit était ailleurs. Pourtant le regard qu’il posa sur elle, attendant qu’elle précise sa question, était coloré d’une intense lueur d’intelligence et d’attention.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Lun 3 Jan 2022 - 16:09
Cérène sembla l’observer sous tous les angles avant que ses yeux ne se lèvent doucement vers les siens pour la dévorer du regard. Son sourire s’élargit à sa réponse, tandis qu’elle répondait au tac-au-tac.
- Vous me paraissez bien plus souple que vous ne le laissez entendre, ma Dame. Confia-t-elle dans le murmure d’une voix lancinante.
Inclinant légèrement la tête sur le côté, attentive à sa réponse, sa voix s’éclata en un rire chaud et chantant. Elle était drôle cette fille, Cérène changea sa moue séduisante pour épouser une mine irrésistiblement espiègle.
- Et tu traînes « Souvent » par ici pour découvrir comment je suis « Enchantée » ? Demanda-t-elle délaissant le vous pour s’accaparer l’intimité du « tu», c’était osé mais délicieusement charmant.
Cérène se moquait de la politesse profonde et respectueuse de la Haute, elle n’était que fille du peuple après tout malgré ce que pouvait dénoncer son port altier. Remplacée par une attention toute reptilienne, son regard s’attarda à nouveau sur Kaïne. Saisissant l’un de ses pans de sa robe pour en découvrir le toucher, elle fit glisser le bout de tissu entre ses doigts habilement.
« Très jolie. » Dit-elle d’une voix basse et caressante, en relevant ses yeux sensiblement vers Kaïne mais impossible de savoir si elle complimentait la robe ou celle qui la portait.
Emportée par ce tourbillon de satin blanc, elle accepta docilement de se laisser tirer au milieu de la piste comme une panthère paresseuse et négligente, agitant sa main vaguement en signe d’adieu à son cavalier, pourtant malgré sa nonchalance effrontée ses pas semblèrent parfaitement épouser ceux de Kaïne, d’une précision élégante sans qu’elle puisse toutefois marquer le moindre effort.
Spectatrice de la posture de Kaïne qui fit écho à de souvenirs lointains, elle la reproduisit à l’identique, d’une perfection à couper le souffle comme si elle répondait à une invitation silencieuse, à peine murmurée par son corps. N’était-ce pas son domaine, après tout ? La musique s’éveilla comme un grondement et leurs talons frappèrent le sol en chœur comme un coup de tonnerre, la foudre, l'impact d'une épée qui s’enfonce dans la chair, le bruit d'une hache qui s'abat contre le flanc d’un arbre. C’était beau autant que définitif. Et au travers de son masque, Cérène arqua un sourcil indéniablement amusé. Définitivement pas du coin, pensa-t-elle en riant. Comme ce qui était sous leurs pieds prenait vie, se réveillait, se tordait. La terre sembla trembler d'un long silence à peine retenu, d'un cri qui ne fut jamais poussé.
Elles dansèrent ensemble, échangeant pas et sourires complices qu’elles devinaient au travers de leurs masques. Leurs pas se suivant, se chevauchant d’une aisance reptilienne, se cherchant puis s’esquivant comme deux bourrasques de chaleur se repoussant. Elles étaient là, devant la foule, habillées d’une fine pellicule de sueur, qu’elles parlaient de leurs vies et de leurs épreuves, quelque chose de brisé, d’étrange mais d’étrangement passionnel. Elles étaient si belles, à cet instant, aspirant la lumière aux alentours.
Cérène, amusée, se mit à onduler lentement mais d’un air bien plus provocant son bassin au fur et à mesure que la musique s’emballait, surtout en quête de la réponse que Kaïne lui offrirait. Relevant légèrement son masque à l’aide de son index, de sorte à ce que Kaïne distingue son visage, elle lui expédia un clin d’œil tout à fait désarmant avant de le recouvrir à nouveau.
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Il savait, elle s’en était doutée mais il venait de confirmer ce qu’elle craignait ; sans pour autant s’armer d’un ton moralisateur, elle crut décerner une pointe d’amusement. Fin, léger mais bel et bien perceptible. Reposant doucement sa coupe en cristal, elle pivota vers lui. La lumière creusant des ombres malicieuses sur son visage alors qu'elle le gratifiait d'un demi-sourire discret. Levant le menton, elle abdiqua en secouant doucement la tête. Sa voix se planta à nouveau dans le silence comme l'éclat d'un verre brisé, délicate mais presque piquante dans ce qu’il s’avérait être de la taquinerie.
« Nous sommes très sensibles à la discipline qu’est la course avec ma sœur, nous avons une forte endurance désormais. Vos soldats se sont laissés aisément distancer, sûrement le dû de votre permissivité, en effet. » Plaisanta-t-elle, une lueur amusée pétillante dans ses yeux en révélant, à demi-mots, sa couverture.
Elle jugea qu’il comprendrait le sens de ses mots, il semblait déjà avoir deviné énormément de choses, elle percevait son intelligence au-delà de son regard, elle semblait être partout autour de lui, comme une aura ou une brume. Ou plutôt semblait-elle distinguer une très légère ouverture malgré son air absent, comme si son esprit épuisé mais alerte avait des millénaires d’histoires à conter. Le mystérieux inconnu sembla s’ouvrir un peu plus, de manière imperceptible, Isolde sembla alors se détendre. Lorsqu’il fit un pas adroit pour s’asseoir sur la rambarde, comme un chat agile, l’odeur qu’il portait sur lui ricocha jusqu’à ses narines ; une odeur de sève et de pluie qu’elle se surprit à apprécier. Se reprenant presque aussitôt, elle se décala légèrement sur le côté d’un pas pour lui laisser de l’espace afin qu’il puisse regarder ce qu’elle s’apprêtait à faire.
- Que vous est-il venu en premier à l’esprit lorsque je vous ai posé la question ? Demanda-t-elle, curieuse de sa spontanéité plutôt que d’affiner sa propre question. Elle coupa sa réponse en levant lentement sa main tout en secouant la tête. Ne dites rien, s’il vous plaît, j’ai changé d’avis.
D’un geste lent et distrait de l’index, sa phalange traça négligemment la ligne de trois colonnes en longueur et trois colonnes parallèles grâce à l’humidité de l’extérieur, dessinant un grossier quadrillage sur la dalle froide du balcon. Elle sembla plus ou moins satisfaite et ébaucha le symbole d’une croix dans l’un des coins, juste à l’angle.
- Par exemple, en ce qui me concerne, commença-t-elle en souriant distraitement, j’adore la logique des jeux et les énigmes, pour une raison évidente. Je me plais à deviner les contours d’un mystère autant qu’un ivrogne peut s’enivrer d’alcool.
Elle s’arrêta pour égarer son regard à l’horizon au loin, avant de reprendre lentement alors qu’elle rencontra à nouveau son regard. Clair, intelligent, et bien plus vif que sa nonchalance laissait paraître. Elle était sûre que si elle faisait maladroitement chuter son verre, il pourrait le rattraper avec une facilité dérangeante sans que son regard ne quitte le sien, mais il y avait autre chose qu'elle ne désirait pas apprendre de ses mots.
- Pour autant, quelque chose m’échappe avec vous. Avoua-t-elle tandis qu’elle attendait patiemment qu’il joue son tour. Vous semblez ennuyé de tout et pourtant attentif aux moindres détails.
Des suppositions qu’elle balaya d’un revers de la main.
- Mais les mots ne m’intéressent pas. Murmura-t-elle, pensivement avant de reprendre. Montrez-moi comment vous jouez et j’arriverai peut-être à savoir ce que vous êtes.
Amusée, elle reprit avec un léger sourire goguenard.
- J’espère que vous êtes bon joueur.
[HRP : Si l’envie de poursuivre le jeu te fait envie et que Yohan en ressorte gagnant, no worries, ça m’est égal. Fais comme ton envie te le dicte !]
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Mar 4 Jan 2022 - 6:01
3 Mars 1167.
Aux applaudissement et regards admiratifs ou envieux se mêlèrent bientôt quelques hoquets outrés et toussotement mal à l’aise alors que Kaïne, loin de se montrer frileuse se mit à répondre avec sa propre lascivité aux mouvement onctueux de sa partenaire. La danse ne perdit jamais en énergie, loin s’en faut, mais leur corps se rapprochèrent, s’épousèrent et ondulèrent à l’unisson avec si peu de retenue que l’érotisme de la scène dépasse bien vite l’aspect purement technique.
Passée dans le dos d’Enchantée, Souvent avait posée une main sur son ventre et la pressait contre elle, leurs bassins suivant les ondulations presque hypnotiques d’un cobra réagissant aux notes de flutes de son dresseur. Contrairement à Isolde, le corps de cette femme n’avait rien a envié à la souplesse du sien, bien que de toute évidence elles ne l’aient pas développé pour les mêmes raisons. Aussi, la fille des routes n’hésita pas à l’inviter aux pas les plus sinueux et complexe de cette danse endiablée sans plus considérée la foule alentour, du moins plus consciemment, son esprit toujours attentif malgré elle à son environnement, comme un réflexe trop profondément ancré.
Elles étaient en âge quand les dernières notes vinrent marquer la fin de la danse et qu’un profond silence s’abattit dans la salle avant d’être percé par un tonnerre d’applaudissements et de sifflements, la complexité de la performance et sa passion l’emportant finalement amplement sur l’audace presque choquante des ses mouvements sensuels. Du moins pendant quelques heures. Nul doute que demain tout ces flagorneurs qui s’émerveillaient pour le moment de la performance à laquelle ils avaient assisté ne tarderaient pas à se réveiller avec la bile et les préjugés que toutes personnes « respectable » se devait d’avoir.
En somme, les deux femmes avaient amplement rempli l’objectif de la fille d’Anür consistant à tourner en dérision les bonnes vielles mœurs étroite de la noblesse. Pour autant, à cet instant sans moquait-elle royalement, elle pourrait s’en satisfaire le lendemain elle aussi, pour le moment son sang bouillait et sa partenaire retenait amplement son attention.
De nouveau elle lui prit la main pour l’entrainer à sa suite hors de la piste, bien décidée à ne pas la laisser s’échapper pour le moment. Elles fendirent la foule entourant la piste comme la coque d’un vaisseau fend les vagues. Jusqu’à émerger derrière celle-ci près des nombreuses tables affichant un buffet dispendieux, du moins pour la période actuelle, loin tout de même des stupides quantité de l’époque où la fange ne limitait pas la stupidité des organisateurs de telles festivités.
Sans hésitation elle se servit, ainsi qu’à la femme serpent, un grand verre de vin qu’elle n’espéra pas trop couper à l’eau comme certain avaient tendance à le faire pour préserver leur réserve. Et se tourna pour offrir la coupe de fer à Cérène.
- C’est la première fois que je viens ainsi en tout cas. répondit-elle finalement à la question posée plusieurs minutes plus tôt comme si elle venait de la poser alors qu’elle s’appuyait tranquillement sur le table en vidant d’une longue rasade la moitié de son verre. Elle ne mentait pas, sans pour autant dire toute la vérité, le meilleur moyen de ne pas mettre trop en évidence la fausseté de son personnage.
- Tu es une danseuse incroyable, il y avait trop longtemps que je n’avais pas pu effectuer la troisième gamme des pas. dit-elle avec le souffle encore rapide de l’effort fourni, mais finalement plus provoqué par l’intensité que par la fatigue.
Elle reprit la main du reptile au charme certain, ayant entraperçu ses traits, mais cette fois-ci ce ne fut pas pour l’entrainer où que ce soit, mais seulement pour le plaisir du contact et de l’observation. Elle la gardait ainsi dans la sienne, son pouce caressant l’intérieur de la paume en de petit cercle spiralé, d’abord vers l’intérieur, puis vers l’extérieur, recommençant ainsi.
- De quel instrument joues-tu Enchantée ? demanda-t-elle soudainement en relevant les yeux pour les planter dans ceux plein de charme de la danseuse et qu’elle supposait troubadour. Devant l’éclat d’interrogation de ses yeux, elle sourit et précisa.
- J’ai senti la corne sur tes phalanges pendant la danse. Elle est douce, presque imperceptible à vrai dire, mais j’ai connu quelques artistes qui possédaient la même. J’aurais tendance à dire quelque chose avec des cordes… me trompes-je ?
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Malgré la confirmation presque directe de l’usurpation d’identité à laquelle il assistait, le milicien ne sembla pas se formaliser ou trouver la volonté de se lancer dans une quelconque arrestation pour rétablir un ordre des choses dont visiblement il se moquait comme d’une guigne. Comme elle le lui demandait, il ne répondit pas à sa question se contentant d’observer ses gestes d’un œil alerte mais d’une pose détendue. Il observa longuement le tracé comme s’il réfléchissait à un vieux souvenir que les marques superficielles étaient parvenues à lui évoquer plus qu’à son coup à venir. Il s’ébroua lentement en faisant rouler ses épaules d’un geste machinal pour s’extirper de son observation et tendit le doigt pour tracer un cercle juste sous le symbole qu’elle venait de tracer.
- J’aime jouer. Le problème avec la logique, c’est qu’elle est bien trop souvent prévisible. Surtout dans les jeux, quelques soit leur envergure. On peut aisément la rendre inefficace alors qu’elle parait solide. dit-il tranquillement alors qu’à geste rapide ils échangeaient leur attaques et que Isolde l’emportait sans peine. Il ne lui laissa pas le temps de placer son dernier signe, lui accordant une victoire qu’ils reconnaissaient tout les deux. Du dos de la main il effaça le plateau et le retraça, l’invitant à jouer de nouveau d’une inclinaison de la tête.
Les cinq parties suivantes se passèrent bien différemment, qu’elle commence ou qu’elle suive son premier coup, son adversaire s’évertua, malgré tout ses essais, à provoquer des matchs nuls sans jamais chercher à vaincre jusqu’à la sixième partie où Isolde cherchant à contourner cette logique fermée lui offrit sans s’en apercevoir une victoire facile en cherchant la surprise plutôt que la sécurité sans s’apercevoir de la faille qu’elle créait. Elle se rendit compte sans effort qu’il l’avait poussé par son attentisme et sa prudence forcée voir frustrante à elle-même prendre un risque qu’elle n’aurait pas pris s’ils avaient tous deux cherché à l’emporter aux parties précédentes. Mais perdue dans sa concentration et la logique du jeu, elle avait fini par intégrer son jeu défensif et son attitude nonchalante comme des faits établis et avait donc omis la possibilité qu’il change soudain de méthode.
- C’est pour cela que je m’intéresse plus à la personne qui joue qu’à la logique du jeu. Car c’est souvent cela qui permettra de l’abattre. dit-il, effaçant le plateau de jeu une dernière fois sans prendre la peine de le retracer, conscient qu’elle ne se laisserait plus si aisément berner et que toutes leurs autres parties perdraient rapidement en intérêt maintenant qu’ils s’étaient jaugé. Son sourire s’étira un instant.
- Abattre, quel bien vilain mot. Pardonnez-moi, déformation professionnelle. J’aimerais vous proposer de rivaliser aux énigmes pour nous offrir à tout deux un divertissement plus spirituel, mais on fait difficilement pensée plus limitée que la mienne dans ce domaine. Sans doute mon esprit n’a-t-il pas la subtilité nécessaire pour percer le secret d’une tournure de phrase alambiquée.
Sa voix avait les accents de la vérité quand bien même il était difficile d’attribué son manque de talent en la matière à un manque d’esprit puisqu’il en avait fait montre d’autant qu’elle jusqu’ici. Peut-être cela venait-il plus d’une réticence personnelle que d’autre chose ? Sans hésitation aucune, il ôta son masque qu’il posa près de lui sur la rambarde, révélant un visage d’un charme certain bien que teinté d’une tristesse ou plutôt d’une obscurité peut-être malgré son indifférence affichée. Il soupira d’aise en fermant les yeux tandis que l’air frais caressait son visage enfin nu.
- Ma curiosité est piquée au vif, que déduisez-vous de ma façon de jouer à présent ? Avez-vous la réponse à votre question ?
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Mar 4 Jan 2022 - 18:26
Lorsque Kaïne se glissa derrière elle, Cérène calqua ses mouvements aux siens, nullement gênée par la proximité indécente qu’elles partageaient. Sentant la main du cygne se poser contre son ventre, les hanches de la Sirène bougèrent en un mouvement circulaire provocant en rythme avec celles de sa partenaire ; se muant en des frottements lascifs dangereusement plus proche d’une valse charnelle intense que d’une réelle danse. Son bassin allait et venait, comme la respiration du vent, sans qu'elle n'en ait réellement conscience. Et ce temps qu'elles échangèrent se réduisit à un point de fusion. Elles étaient presque seules dans un pâturage ensoleillé où dansait la lumière, le temps s'étalant comme un champ lumineux, devenant suspendu jusqu’à ce qu’il se déchire sous les sifflements et l’averse d’applaudissement. Bien sûr, qu’elle les avait vu, ses regards dardés d’envie, les chemins que leurs yeux libidineux prenaient comme des mains invisibles sur leurs courbes dans le but de s’en saisir, ses mains faussement choquées portés aux lèvres des grandes dames, ce qui étira un sourire plus ou moins satisfait à Cérène. Si elles savaient, Ô combien leurs hommes s’étaient disputés ses danses privées dans une alcôve à l’abri de leurs regards perçants et vides d’intelligence.
L’étreinte des doigts de Kaïne entre les siens la fit se ressaisir tandis qu’elle l’éloignait de la piste en la dirigeant vers le buffet.
« La Haute pense tout connaître et c’est là où résonne le paradoxe de toute leur ignorance quand on leur présente des pas qui sortent… Du cadre, disons. » Admit-t-elle d’un air mutin, comme si elle lisait en son esprit. « Et nous parlons que de danse, évidemment. » Clin d’œil appuyé.
Elle hocha tête à sa réponse, amusée.
« Je sais que c’est ta première fois ici. » Ajouta-t-elle d’un air mutin en la couvant d’un air appréciateur, « Puisque je ne t’y ai jamais vu avant. » Mais elle ne semblait pas pour autant plus intriguée que cela des raisons qui l’avaient poussé à être ici puisqu’elle ne la questionna pas davantage. « Merci. » Fit-elle en saisissant lentement la coupe qu’elle lui tendait.
Inclinant sa tête en accueillant le compliment en guise de remerciement, elle sourit à nouveau.
« Arrête, voyons, tu vas me faire rougir. » Ironisa-t-elle, avant de poursuivre. « Tu te débrouilles bien aussi, je me demande même où tu l’as apprise cette gamme des trois pas… » L’air enjoué, illuminant ses traits d’une lumière séduisante. « Oh mais où ai-je la tête, sûrement une connaissance parmi le peuple des routes, peut-être, mh ? »
Elle l’observa, l’air moqueur, alors que Kaïne buvait entièrement son verre d’une traite, choisissant une moue faussement contrariée. Elle se retourna, comme si elle effectuait le pas d’une valse, pour s’adosser contre la table dans une posture féline.
« Eh bien… Tu bois sans prendre la peine de trinquer ? » Ricana-t-elle sans pour autant être vexée « Santé ! »
Et elle en fit de même, descendant l’intégralité de son verre. Essuyant une légère goutte d’alcool glissant à la commissure de ses lèvres d’un revers de main nonchalant, elle se laissa inspecter avec une lueur chaleureuse dansante au creux des pupilles.
Lorsque Kaïne lui saisit doucement le poignet pour naviguer ses doigts en des formes circulaires sur sa peau, Cérène ne la retira pas, pas plus qu’elle désira s’en échapper, non, elle la laissa caresser l’intérieur, le creux de sa paume et en éprouva un certain plaisir coupable devant cette marque de tendresse l’inspection qui lui donna un air touchant. Etirant une moue joueuse ; elle poursuivit en hochant la tête.
« Tout à fait, le luth précisément. » Confirma-t-elle avec amusement. « La lyre aussi mais je n’ai pas d’instrument à proprement parlé et celui que je convoite est au-delà de mes moyens. » Fit-elle en poussant un soupir d’exagération, ses traits toujours mutins. « C’est un Boiserel mais il est précieusement détenu par un noble qui n’a pas l’air de vouloir s’en détacher. »
Leurs mains et leurs doigts semblaient se découvrir, comme s’ils s’étreignaient entre eux dans un ballet complexe et étrange, Cérène l’encouragea à toucher l’extrémité de ses phalanges sans se départir de son sourire félin.
« Quant aux tiennes, elles sont douces pour s’être égarées sur de nombreux corps. » Souffla-t-elle en faisant son propre examen, très attentive. Ses doigts s’égarèrent lentement sur chacun des doigts qui composait sa main, du haut jusqu’à la racine, en utilisant le bout de ses ongles.
Elle se freina lentement dans sa course, fronçant les sourcils comme si elle réfléchissait subitement à quelque chose puis le rangeait presque aussitôt dans ses pensées. Un lent sourire vint à nouveau se loger dans ses lèvres.
« Mais elles sont des armes dangereuses, elles sont de celles qui peuvent sous-entendre une immense menace derrière une simple caresse. Tu t’entraînes à l’arme blanche, peut-être ? » Chantonna-t-elle d’un discret rictus en coin.
Enjouée elle pivota souplement sur son bras, le bas de son corps quitta la table avant de se retourner lentement sur elle-même puis se retrouver brutalement face à Kaïne. Une main posée juste à côté de sa cuisse pour l’empêcher de s’enfuir, elle s’approcha davantage, lui laissant comme seule retraite sa gauche qu’elle ne barrait volontairement pas d’un de ses bras.
« … Me trompes-je ? » Questionna-t-elle, reprenant volontairement ses mots qu’elle avait utilisé auparavant.
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Isolde éprouva une certaine surprise lorsqu’elle remarqua tardivement sa défaite. Se penchant un peu plus, elle poussa un « Oh » simplement en constatant qu’elle s’était dirigée dans le leurre qu’il lui avait tendu, trop occupée à contourner sa stratégie de couverture, elle s’était entêtée là où lui était resté patient. Il n’eût besoin que de profiter de lui subtiliser la victoire à la moindre faille qu’elle lui exposa. Mais elle ne sembla pas frustrée, reconnaissant sa défaite sans orgueil, elle le laissa effacer la dernière grille attestant de sa victoire. Il semblait l’avoir jaugé prudemment durant la partie, détournée avec une stratégie qu’elle avait désiré briser, relâchant sa vigilance avant qu’il ne lui porte le coup qui lui avait valu sa défaite. Fronçant les sourcils devant son imprudence, elle soupira en riant légèrement.
« Vous m’avez bien eue, je le reconnais, même si je ne me laisserai pas… abattre par cette défaite. » S’amusa-t-elle de son propre jeu de mot tout en se moquant avec gentillesse de sa déformation professionnelle.
Lorsqu’il retira et déposa son masque, dévoilant son visage, le regard d’Isolde suivit le mouvement de sa tignasse brune et sauvage se soulevant à l’air libre, tel un brouillard sombre et nébuleux. Le trouvant bien plus attirant qu’elle ne l’avait imaginé, d’une beauté singulière, presque douloureuse. Ses yeux attentifs buvaient les détails stupides du pli de ses yeux fermés, la légère fossette discrète étirée à la commissure de ses lèvres quand ses traits se détendirent pour oublier un éphémère instant l’obscurité qui semblait habiter chaque pli d’expression, son regard naviguait et s’en délectait avec une passion qu’il lui était impossible de concevoir.
« Ce que j’en déduis ? » Répéta-t-elle, s’arrachant brutalement de sa contemplation, comme si elle venait d’être prise en faute.
Pour autant, elle se lança en chassant rapidement son trouble derrière elle.
« J’ai cru comprendre mais votre façon de jouer m’a l’air toujours aussi mystérieuse, comme si une force intérieure régule et écarte spontanément le superflu pour ne révéler que l’essentiel. Votre énergie intellectuelle s’exerce sur un champ que j’imagine délimité et ne fatigue pas votre réflexion qui me semble bien plus souple que ce que j’avais cru voir vu votre apparence… militaire. » Elle mima une séparation entre ses deux mains, poursuivant. « J’ai l’impression qu’elle se scinde en plusieurs parties, comme si vous étiez dans un espace abstrait à réfléchir, imaginer les multiples combines tout en réussissant le fait d’être ici, avec moi, en même temps sans perdre le fil. » Elle prit une pause et s’humecta les lèvres. « Ce qui n’est qu’une impression. » Elle sourit et désigne son regard d’un geste de l’index. « … Que j’ai cru lire dans vos yeux » Elle eût un rire désolé qui témoigna son amusement discret. « Je suis navrée, mais il vous faut bien quelque chose pour vous trahir. »
Elle ignorait si son jugement était juste mais là était son interprétation, encore pouvait-elle s’être trompée mais une part de son instinct lui murmurait qu’elle se trouvait sur la bonne voie, elle ne le voyait décidément pas s’abandonner à la tyrannie du hasard bien qu’il puisse s’y prétexter par simple soucis d’humilité.
« A défaut des énigmes, j’aurais sincèrement apprécié jouer aux échecs avec vous, Sire. » Avoua-t-elle tout simplement, comprenant désormais qui elle avait en face d’elle. « Ou devrais-je dire, Serg… »
Mais une voix d’une ambition bardée comme le fer troubla l’instant et Isolde demeura silencieuse, reprenant sa coupe lentement avant de se reculer à nouveau d’un pas discret.
« Sergent de Morguestanc, tiens, tiens… Qui l’eût cru ? » Nargua la voix aux intonations profondément amusée bien qu’insupportable. « De retour à la ville pendant un moment, je l’imagine ? »
Isolde en profita pour s’écarter, à regret.
« Notre Hôte aurait une annonce à nous faire et il ne faudrait pas louper ça, vous devriez venir. » Sourit-il tandis qu’il semblait prendre à peine conscience de la présence d’Isolde.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Dim 9 Jan 2022 - 6:29
3 Mars 1167.
Un air mutin se dessina sur le bouche charmante de Kaïne à la mention du peuple des routes. Visiblement l’esprit de Cérène suivait sans peine l’agilité de son corps. Ce n’était pas un gros problème. En réalité, elle appréciait même de se voir confirmer que la jeune troubadour avait connaissances des origines de la danse qu’elles avaient pratiqué. Elle en avait peu douté, les citadins ayant appris ces pas sans s’éloigner des chez eux et sans en comprendre l’essence donnaient toujours un aspect ridicule ou profondément sexuel à celle-ci quand ils finissaient par la pratiquer sur la piste.
Bien sûr, nié l’érotisme de ces déhanchements aurait été absurde, mais il n’était qu’une conséquence intrinsèque de l’abandon de corps et d’esprit auxquels se livraient les danseurs et non pas un objectif volontaire et obscène. Chose dont la jeune femme, malgré ses charmes apparents, était parfaitement consciente et respectueuse.
- On ne trinque que pour fêter quelque chose, alors je dois encore y trouver une raison. dit-elle d’un petit ton narquois plus taquin qu’autre chose en se resservant de fait alors qu’elle l’écoutait confirmer ses soupçons musicaux.
- Si tu es aussi habile de tes doigts que de ton corps, c’est un crime de ne pas te laisser jouer sur un instrument digne de ce talent. Commenta la fille d’Anür, sincère. Aussitôt une idée saugrenue commença à germer dans ses pensées. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas fait de grosses bêtises. Si on exceptait cette soirée, évidemment.
Elle sourit devant l’audacieuse attitude de cette femme à l’esprit trop bien affuté. Mais elle ne fut pas dupe de son jeu. Presque tout collait, sa gestuelle, ses paroles, son odeur, ses expressions, son regard. Mais aussi douée puisse être l’actrice, l’âme ne mentait jamais, même bien cachée derrière des années de pratique. On pouvait la rendre muette si nécessaire, un exercice douloureux et long, mais mentir jamais. Et l’âme de Cérène était par trop évidente à cernée. Elle n’était pas souillée comme la sienne, pas encore.
Kaïne n’en devint que plus curieuse. Qu’est-ce qui pouvait poussé une si jolie créature à adopter tout les traits du serpent sans pourtant jamais avoir mordu ? L’embrasser n’aida pas vraiment à trouver de réponse à cette question, mais elle en apprécia tout de même grandement la sensation. En effet, bien que perdue dans sa réflexion, la fille de route n’avait pas tardé à céder à l’envie de gouter les lèvres de la femme serpent qui s’était approché bien assez près pour ne pas lui rendre la tâche bien compliquée.
Peut-être était-ce dans le but de la mettre mal à l’aise, ou de jouer à un jeu d’emprise avec elle, mais la manière dont elle l’avait coincé contre la table, ne lui offrant qu’une étroite fenêtre de sortie avait facilement convaincu Kaïne de céder à son caprice et son envie, son sang encore bouillant de la danse qu’elle venait d’effectuer. Les gens de la ville avaient-ils conscience de l’impact de tout ceci sur les gens de son peuple ? ou comme sur tout le reste étaient-ils aveugles ?
L’haleine de Cérène était chaude et parfumée, mais entêtante, comme un souffle de printemps au-dessus d’un champ de fleur. Ses lèvres étaient douces, sucrées même, peut-être un baume pour les rendre brillante. Leurs langues n’eurent pas le temps de s’effleurer avant qu’elle ne recule sa tête, mais elle senti le réflexe musculaire de Cérène qui avait bien faillit le provoquer. Comme si de rien était, elle reprit la parole, sa main se posant sur celle appuyée sur la table par sa comparse et lui caressa distraitement le poignet.
- Mais mains manies de nombreuses choses, les lames n’en sont qu’une parmi tant d’autres. Si tu jouais pour moi, peut-être que je jouerais pour toi. dit-elle mystérieuse mais d’un regard où se mêlait autant d’amusement que de chaleur.
Par chance ou par maîtrise discrète, personne n’avait réellement assisté à l’intime évènement, l’attention des convives accaparées par un homme monté sur l’estrade des musiciens pour déclamer un discours dont Kaïne n’avait pas perdu une miette malgré que son attention à elle soit dédié à une personne bien plus agréable à regarder. Seul un des serveurs se retenait de perdre son regard dans leur direction, rouge comme une tomate.
Comme prévu, le discours, sous couvert de formule alambiquée et de courtoisie, en révélait bien plus sur les intentions politiques presque agressive de la petite foule qu’il ne l’aurait dû. Donc, cette soirée avait un but d’officialisation. Ou du moins de révélation. Audacieux. Stupide, mais audacieux, ce que confirmait l’expression sévère de Lucas d’OmbreCiel qui ne semblait ni surpris ni joyeux de ce qu’il entendait, put-elle percevoir du coin de l’œil au-dessus de l’épaule de Cérène.
-Qui es donc ce goujat qui te prive de l’instrument de tes rêves ? demanda-t-elle à sa comparse.
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Aucun sentiment de gêne ne sembla affecter l’expression du milicien alors qu’il était visiblement conscient de l’examen approfondi qu’il venait de subir de la part de cette jeune resquilleuse. Il se contenta de darder sur elle son regard perçant et expressif, visiblement totalement attentif à sa réponse. Il la détaillait presque éhontément, laissant ses yeux s’attarder sur sa peau dorée, s’enfoncer dans ses pupilles brillantes d’intelligence, suivre le mouvement de ses lèvres fines mais pulpeuse. L’audace de son regard aurait presque pu avoir quelque chose d’obscène s’il n’émanait pas de lui ce calme tranquille. Il était comme la surface d’un lac qui se contentait d’absorber le reflet détailler d’une personne penchée sur sa surface lisse et miroitante. Il sembla apprécier le sourire qu’elle lui offrit puisque son visage s’illumina quelques instants quand elle le fit. Ce n’était pas vraiment une expression puisque celle-ci ne varia que peu, mais plus une sensation, une chaleur.
Il gouta visiblement peu l’intrusion soudaine de l’indésirable. Si bien d’ailleurs que cette chaleur quitta ses traits pour être remplacé par un masque de marbre dur et froid qui heureusement se détourna d’elle puisqu’il ne lui était pas dédié. Sa voix fut à l’aune de cette expression, si tranchante que l’homme perdit de sa superbe aristocratie et manqua de peu de faire un pas en arrière.
- Au cas où cela ne se serait pas vu, j’étais entrain de conversé avec quelqu’un monseigneur. Je vous remercie de vous soucier de ma santé ou de mon emploi du temps, mais je ne rentrerais qu’à l’instant de mon choix, je vous remercie.
- Mais notre hôte… tenta à nouveau ce dernier après un toussotement tout juste suffisant pour lui permettre de reprendre contenance avant de se faire interrompre plus brutalement encore qu’il ne l’avait imposé à la jeune femme.
- …Saura parfaitement se débrouiller sans ma présence. continua-t-il sur un ton calme mais froid. Je sais ce que vous, lui, et vos petits amis essayaient de faire ce soir, et la raison qui se cache derrière l’insistance de votre « invitation » à cette soirée. Je crois avoir fait un effort en m’y présentant, mais il est hors de question que votre ambition fasse de moi l’outil que vous espérez me voir devenir. Je me moque comme d’une guigne de vos petits complots et subterfuges. Mais croyez-moi mon seigneur, je doute que vous vouliez sincèrement savoir ce que je ferais si j’entends cette fameuse « annonce » alors que je suis encore en service. Merci de nous laisser.
L’homme pâlit visiblement à cette dernière remarque, prenant visiblement conscience de sa méprise sur un sujet plus que sensible et la prêtresse à peine éloignée de quelques pas n’eut aucun mal à deviner la politique nobliaute qui se dissimulait dans cet échange, bien qu’elle n’en eut pas les tenants et les aboutissants. L’inconnu se détourna prestement et détala aussi vite que son honneur écorché le lui permettait. Le milicien relâcha un long soupir accablé avant de reprendre d’une voix redevenue sereine mais lasse.
- Qu’il est pathétique de n’être résumé qu’à un nom. Même si la cité brûlait sous leurs yeux, ils voudraient encore jouer à leur stupide jeu de pouvoir.
Il descendit de son perchoir et s’approcha d’un pas tranquille d’Isolde faisant plus nettement percevoir leur différence de carrure. Pourtant il n’avait pas cette allure de puissance que dégageait souvent les hommes d’armes, seule l’assurance de ses capacités étaient perceptibles et pour ce que pouvait en savoir Isolde d’après ce qui se disait sur ce sergent même au sein du temple, cette assurance était toute méritée. Il lui tendit une main franche et calme.
- Si vous le voulez bien, appelez-moi Yohan. Seuls mes hommes me donnent du sergent ayant un sens et j’ai bien assez soupé de mon nom pour le moment. lui proposa-t-il visiblement dans l’attente qu’elle serre la sienne, offrant d’un commun accord une liberté plus marquée dans leur approche de l’autre.
- Je ne suis pas si souvent que cela en ville, mais les gens d’esprit jouant aux échecs son rare, alors je serais fou de dire non et donc ravi de disputer une partie ou de deviser plus avant avec la personne derrière ce masque, quand il lui plaira. Je suis certaine qu’elle n’aura rien à envier en intérêt à la fille d’un banneret, peu importe qui elle est.
Quand elle glissa sa main dans la sienne, il la fit lentement pivoter et se pencha pour l’effleurer ses lèvres sans que le contact ne se produise tout à fait. Il se redressa et sourit, une expression rare mais naturelle sur ses traits.
- J’ai bien assez subi de ces mondanités pour un mois, mais je vous remercie d’y avoir apporter un soupçon d’inattendu et d’intérêt à cette soirée.
Sans un mot de plus ou un aurevoir, il se détourna d’elle visiblement dans le but de fuir cette soirée et ses trop avides participants.
HRP:
Tu es totalement libre de ta décision concernant la suite :p
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]Les profondeurs d'un océan Jeu 13 Jan 2022 - 14:33
« Dois-je en déduire que notre superbe rencontre ne te suffit pas pour trinquer ? » S’offusqua-t-elle faussement, un sourcil amusé s’arquant dans un pli de paupière malicieux. « Mais je te laisse réfléchir, qui sait, tu pourrais en trouver des tas, des bonnes raisons. » Ajouta-t-elle en buvant à nouveau une gorgée.
Elle s'était immiscée à la manière des serpents, lentement et sournoisement, sans qu'elle n'en devine encore rien, juste un frôlement au niveau de sa cuisse, un courant d'air léger. Cérène s’était glissée tout autour d’elle, avait investie tout son espace.
Kaïne répondit d’une étrange manière qui la fit lentement sourire contre ses lèvres. Lorsqu’elle déposa ses lèvres sur les siennes, Cérène ne se recula pas dans un sursaut de surprise, pas plus qu’elle ne l’encouragea à s’offrir à une dimension plus passionnelle. Elle aurait pu, s’appuyer rien qu’un peu, la faire entièrement basculer sur la table pour prendre bien plus mais resta d’apparence sage et docile. Lorsqu’elle l’interrompit en s’écartant, Cérène l’observa sans ciller, et une pointe indéchiffrable perça dans son regard, comme si Kaïne confirmait l’idée que la saltimbanque s’était faite d’elle.
« Offre alléchante. » Concéda-t-elle avec un léger sourire avant de la balayer entièrement d’un regard fiévreux, « Sais-tu qu’en agissant de manière si mystérieuse, tu me donnes encore plus l’envie de te voir jouer pour moi ? »
Ses yeux semblaient vouloir transpercer le masque que portait Kaïne, une malicieuse détermination se lisant sur son visage. Alors que cette dernière semblait jongler sa présence entre le discours et elle-même, Cérène l’en écarta tout doucement. Sa main vint se nicher derrière sa nuque, ses doigts l’empoignant un à un lentement, sa paume épousant parfaitement l’angle de sa mâchoire, comme la caresse calme de l’eau, pour l’inciter à se détourner lentement de la foule, avant de murmurer. Contrairement à Kaïne, elle ne sembla pas porter plus d’attention au discours.
« Ton esprit est aussi vif qu’un feu follet. » S’amusa-t-elle tandis que son pouce vint caresser lentement le contour de ses lèvres, murmurant. « Il s’éparpille dans des recoins qui m’échappe, sans aucun doute. »
Etrangement, dans l’ombre de cette dernière phrase résonna l’écho d’un compliment. Elle se pencha à nouveau vers elle avant de se reculer en se décalant d’un pas pour lui laisser ainsi plus d’espace. Son regard agile se perdit dans cette marée humaine, à la recherche de quelqu’un.
« Ah ! Juste ici, regarde, derrière Ombreciel. » Sourit-elle, poursuivant « Sibelius Tombechêne, un homme assez puissant, je le surnomme « Le Collectionneur », il a cette curieuse manie de garder près de lui tout ce qui est matériel et les jolies choses, comme si accumuler servait à le rassurer ou à remplir un puit sans fond. Je trouve que ses gestes respirent un calme trompeur, un peu avant que l’orage n’arrive, tu ne trouves pas ? »
Reposant son verre, elle observa le serveur qui sembla hésiter quelques secondes avant de prendre son courage et s’avancer vers les deux jeunes femmes.
« Ma Dame…Serpent. » Annonça-t-il, tout autant pivoine que tout à l’heure. « Elle-même » Confirma Cérène en basculant légèrement la tête sur le côté, oubliant la vision de Kaïne, ses paupières se plissant pour l’examiner. « Qui la demande ? » Questionna-t-elle en faisant battre nonchalamment sa jambe dans le vide.
« Une personne voulant rester anonyme souhaiterait s’entretenir avec vous. » Cérène hocha la tête et étira ses mains au-dessus d’elle en poussant un gémissement plaintif.
« Ah, j’imagine qu’il faut bien que je travaille un peu. » Prenant appui sur ses mains, elle bondit souplement comme un chat avant de pivoter vers Kaïne et de lui offrir une ample révérence ironique, presque insolente. « Ma Dame, si vous me permettez… »
Elle se redressa avec une grâce amusée.
« Une seule parole de votre part et je saurais vous réserver mes danses si un jour nos pas viennent à nouveau se croiser. »
Lui offrant un dernier clin d’œil, suivi d’un baiser enjôleur envoyé d’un geste de la main avant de s’évanouir dans la foule.
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Le changement fut présent bien que subtil, son visage sembla se réchauffer d’une lumière délicate. Comme une chaleur douce qui l'enserra tout entière. Il la caressa d'un calme apaisant dans lesquelles elle se laissa bercer. Mais cette lumière s’éteignit bien vite, et l’obscurité du marbre chassa toute trace de chaleur lorsqu’il pivota vers l’homme s’étant adressé à lui avec un calme annonçant l’averse. Sa phrase prit une tonalité orageuse et Isolde n’eût aucun mal à comprendre ce à quoi le sergent semblait résister. Tranchant comme la lame d’une épée, il se montra vindicatif et l’homme les ayant interrompus sembla battre rapidement en retraite, comme s’il n’avait pas pris la bonne mesure des poids des mots du Sergent et de la menace de son insoumission. Ce dernier, lassé, bondit de son perchoir pour s’approcher d’elle.
Elle sentit qu’il allait partir, lui échapper, et elle décida de le laisser faire. Il n’était pas un homme à rester là où il ne le désirait pas.
« C’est la nature humaine, malheureusement. » Murmura-t-elle d’une étrange conviction.
Sa main saisit celle qu’il lui tendait et le contact fut électrique. Elle reprit son souffle alors que sa respiration devint tout à fait sèche, l'air se solidifiant à l'intérieur d'elle.
Pire, quelque chose vibrait au fond de tout autre chose : une vie plus ample, plus profonde de ce qu'on lui proposait de vivre et d'explorer. Elle s'était suffisamment plongée en antagonisme d'âme, son baromètre du jugement biaisé désignant ce qui était "bon" et "juste". Trop longtemps résignée et enfermée en son esprit à attendre que la vie suive son court. Et le regard ébène de Yohan réveilla quelque chose en elle et toutes ses fondations se mirent à frémir, un tremblement fugace mais actionna quelque chose qui s’opérait désormais dans l’ombre de toute chose. Elle lui sourit sincèrement à son compliment masqué et hocha la tête.
« Vous me flattez de vos compliments. » Elle eût un léger rire. « Gardez-les sous la main lorsque je vous aurais battu aux échecs. » Sourit-elle à nouveau discrètement en le piquant avec amusement, chassant son trouble intérieur.
Elle se sentit bien plus agitée, se retrouvant à nouveau observatrice et un élan d'insoumission sembla l'embraser de l'intérieur. Elle sentit sa peau frémir, comme celle d'un louveteau sauvage - l'image que lui avait renvoyé Priscilla lors de leur première rencontre. Un tressaillement de muscles rapides, nerveux, qui partit du haut de son bassin jusqu'au milieu de ses omoplates, comme les muscles d'un chiot tremblant... Ou celui d'un loup. Mais déjà il s’en allait. « Attendez. S’il vous plaît, Yohan. » Souffla-t-elle. « J’ai quelque chose à vous dire si un jour vous désirez me retrouver. »
Il sembla ralentir le pas, sans toutefois marquer complétement l’arrêt, comme si de cette manière, elle comprenait qu’il lui suggérait silencieusement de poursuivre.
« Je suis de celles qui agissent au nom d’un Tout, De celles qui portent au creux des mains celles que l’on nomme la vie, La courbe du I dessine ce que je suis, Et entre les murs de la Maison du Monde, vous saurez me trouver. »
Il ne s’arrêta pas et poursuivit sa route. Comme un grand loup, ses pas ne faisant aucun bruit sur le sol noir. Seul le flottement de sa chevelure au rythme de sa démarche lisse perça la nuit, son ombre glissant entre les ténèbres.
« Faites attention à vous. » Sembla-t-elle murmurer du bout des lèvres avant de le quitter des yeux pour rentrer à nouveau à l’intérieur.
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Kaïne put sentir l’étreinte d’une main sur son épaule. Il s’agissait d’Isolde qui était de retour mais quelque chose semblait avoir changé, son visage semblait avoir oublié la fin de l’adolescence pour revêtir des traits plus aiguisés, plus femme.
« Tu t’amuses ? » Questionna Isolde qui s’était approchée tout doucement. « J’ai, mh, dû prendre quelques détours mais je suis à nouveau là. » Elle l’observa silencieusement, avant de sourire à nouveau, d’un sourire un peu plus tracassé.
« À quoi es-tu en train de penser ? » Elle pencha légèrement la tête sur le côté, poursuivant. « Tu m’as l’air d’avoir une idée en tête mais j’ignore encore laquelle. »
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