[Convocation]Les sommets sont souvent précipices

6 Avril 1167.

Le domestique qui le précédait dans les couloirs du palais maintenait un rythme nerveux et soutenu, comme s’il craignait qu’un quelconque animal invisible ne lui morde le postérieur s’il venait à ralentir pour se mettre au niveau du comte. Bien entendu cela ne choquait pas ce dernier qui avait passé des années, des décennies même à voir déambulé les serviteurs de toute sorte. Son pas plus long et maitrisé le maintenait sans peine dans les traces de son guide.

Trois jours avaient passé depuis qu’il avait fait passer son message par les canaux officieux que lui avait conseillait la reine le mois précédent. Si bien qu’il aurait pu en venir à se questionner sur la validité de ceux-ci. Mais ce matin, on lui avait proposé une entrevue au château. Pas une séance officielle à la cour, mais pas secrète non plus, il était arrivé en grande pompe par le pont levis dans le carrosse marqué de son blason, avait reçu les honneurs dû à son rang.

Il n’en avait encore que peu profité depuis son retour dans les bonnes grâce de sa majesté, son séjour à Sombrebois l’éloignant des murs de la cité et de ses jeux politique, mais il devait être agréable de retrouver ces sensations si familière et pourtant si regrettée. Comme entrer dans un bon bain chaud après des heures dans le froid. Plusieurs visages le saluèrent parmi les nobles déjà présents dans la cour et les couloirs, certains obséquieux, d’autres critique, ou encore amical. Des adversaires, des alliés, mais tous des requins avides de sang. C’était là le monde dans lequel il évoluait, tout à son aise, avant d’avoir été rejeté par la couronne.
Il était grand temps pour le compte de Rougelac de rappeler à tous qu’il était toujours un gros poisson dans cette mare.

Son guide l’entraina dans les étages supérieurs réservés aux invités ou aux proches de la couronne, tels les membres du conseil. Mais points jusqu’au salon royaux où ces majestés recevaient leurs visites privées. Devait-il s’en inquiéter ?
Enfin ils remontèrent un couloir richement décoré dont l’extrémité donnait sur une haute double porte dont les dorures représentaient les bois d’un cerf. Le domestique frappa trois coup sec et espacé et ouvrit la porte, invitant d’une inclination respectueuse le comte à le précéder et à entrer dans la pièce. La porte se referma doucement derrière lui, le laissant dans la pièce.

Il s’agissait d’un mélange subtil entre un salon et un bureau. Le grand meuble sculpté dans un bois sombre et massif prenait une place importante au nord de la pièce, couvert de pile de papier, de parchemins roulés, de cartes usées. Un siège haut et matelassé trônait face à lui, vide. Un immense tapis brodé à la main, et datant d’au moins deux siècles vu son style, d’après son œil exercé, occupait le sol du reste de la pièce dans sa quasi intégralité. En son centre quatre petit canapé plus élégant que confortable entouraient une table basse et carrée qui devaient faire partie du même ensemble vu le travail de leurs pieds couvert de feuilles d’argent très semblable.
Sur celle-ci était posé une carafe de vin en cristal débouchonné, un verre déjà servit à côté de celle-ci

Des fenêtres, au nombre de trois, apportaient une vive lumière dans la pièce, puisqu’elles partaient du sol, semblant donner sur un balcon, et frôlaient le plafond. L’une d’entre elle était ouverte et laissait entrer le bruit des vagues s’écrasant contre les falaises, loin en contrebas du château.
Dans les raies de lumière qui pénétraient la pièce se tenaient une femme. Ses cheveux, loin du blond cendré de la reine, rappelaient plus le noir bleuté et profond d’un corbeau. D’une longueur presque indécente, ils étaient remontés dans un chignon complexe et même ainsi, la longue tresse décorée de perles noire qui en tombait arriver dans le bas de son dos cambré. Sa robe était coupée dans un style moderne mettant sa fine taille en valeur et réhaussé de brodures dorée et argent. Fait plus étonnant, si l’in de ses bras était nu jusqu’à l’épaule, l’autre était couvert d’une soie rouge sang qui descendait jusqu’à ses doigts dont les phalanges nues sortaient comme d’un gant d’archerie. Elle tenait un verre dans cette main et faisait doucement tourner le vin comme si elle en humait le parfum, son regard perdu dans l’observation du lointain océan.
On aurait pu penser qu’elle n’avait point perçu la présence de Victor vu son attitude, mais sa voix chaude et agréable le détrompa.

- Soyez le bienvenu messire. J’espère que vous n’être point trop déçu, sa majesté la reine a un emploi du temps chargé ces temps-ci et m’a confié la charge de satisfaire à vos… interrogations. dit-elle d’un ton étrangement sensuel au vu de la situation. Comme s’ils avaient été dans l’intimité d’une chambre, et non dans un bureau à comploter. Elle pivota et lui sourit avant de lui offrir une révérence de toute élégance.

- Je suis la vicomtesse Félia de Vertchemin. Ravie de vous rencontrer mon seigneur. Je vous en prie, prenez place. dit-elle en indiquant les canapés et le verre de vin.

HRP:

Inquiet et surtout perplexe quand à sa situation, le Comte de Rougelac avait donc prit l'initiative de contacter la Reine par le canal discret qui avait été mit en place lors de l'accord qui avait été conclu plusieurs semaines auparavant, le propulsant au rôle de Gouverneur et Percepteur du Sud du royaume. De grands changements et bouleversements frappaient Sombrebois sans qu'il n'en ait eu vent et ces nouvelles têtes qui s'affichaient dans le bourg et prenant une influence certaine qui semblaient limiter sa propre influence.

Titre de pacotille ? Duperie ? Moyen de l'évincer de ses propres fonctions et pouvoir attribués par la force des choses ? Victor de Rougelac repensait amèrement aux mots d'Eugénie de Sylvrur. "Vous êtes une corde à mon arc Victor, et j’ai beaucoup de flèches à tirer, je compte sur vous pour ne point casser… " . Mais alors qu'il se rendait au palais, ces mots raisonnaient dans son esprit. Qu'attendait réellement la Première Dame de sa part ? Quel réel destin lui promettait-elle ? Tout était plus que jamais flou pour cet intrigant de Cours qu'on venait de titrer avec la promesse de regagner la faveurs de la Cours Royal.

Le mondain venait de regagner la capitale depuis à peine une semaine et semblait impatient d'obtenir des réponses. Mais des ses premières foulées au cœur du pouvoir central, Victor retrouvait ses sensations d'homme avide de pouvoir et d'ambition. Certes, le Sud représentait une forme de challenge, mais sa vie d'intrigant était et restait son ADN. Guidé dans les étages du château, Rougelac retrouvait à chaque secondes défilantes, de sa superbe. Une démarche assurée, un port altier, le regard vif et perçant, il était dans son environnement, touchant du doigts et du regard les symboliques qui défilaient à chaque couloirs ou pièces empruntées.

Pourtant, l'on ne le mena pas vers les appartements royaux, semant un instant le doute dans son esprit. Allait-il rencontrer la Reine Eugénie ? Il commençait à en douter car si elle aurait voulu que l'entretien se passe en toute discrétion, aurait-elle choisit le "Chat Dansant". Seulement, Victor cherchait à rester serein, il y avait une explication, forcément et il allait rapidement le savoir car finalement les pas de son guide le menèrent devant une haute double porte dont les dorures représentaient les bois d’un cerf. Certainement pas un cachot, il pouvait donc exclure toute roublardise ou piège, tout du moins en apparence. Il prit quelques secondes pour observer l'encadré avant de pénétrer dans le salon et s'imprégner de l'atmosphère de la pièce. L'endroit était richement agencé et d'un goût certain, propice à détendre quelque peu le mondain jusque là sur ses gardes.

Et rapidement, son regard se posa sur la silhouette qui se trouvait à proximité d'une des trois fenêtre. Plissant légèrement les yeux, aucun doute n'était possible, il ne pouvait s'agir de la reine. Mais qui était donc cette mystérieuse interlocutrice mandaté par Eugénie ? Il allait se savoir derechef alors que ses yeux ne se privaient nullement d'apprécier les atours de la jeune femme qui portait avec élégance une longue tresse décorée de perles noire. Son dos cambré attirait le regard, suggestif, appel à tentation, mais pourtant, Victor n'eut aucune pensée perverse, son esprit trop occupé à comprendre l'ensemble des rouages de cette entrevue inédite.

C'est alors qu'il happé par la voix sensuelle de son interlocutrice qui finalement leva le voile sur son identité, plongeant en effet la pièce dans une atmosphère plus proche d'un lieu aux milles plaisirs charnel.

- Vicomtesse Félia de Vertchemin, c'est un honneur et un plaisir de vous rencontrer.

Dit-il sobrement avant de s'incliner légèrement à son tour pour ensuite, dans la plus grande politesse, se saisir de la coupe de vin avant de se diriger vers le canapé tout indiqué pour démarrer les hostilité. Non sans rester fidèle à lui même, Victor lança un regard des plus charmeur à la jeune femme, soulignant d'un regard appuyé toute la beauté de la tenue d'apparat que portait Félia.

- Dois-je vous accorder une pointe de regret, mais vous allez certainement me démentir sur ce point. J'ose imaginer que notre bonne Reine ne vous a point choisi par hasard.

Il s'agissait d'une des favorite de la Reine, de Rougelac la connaissait de nom et de réputation et la savait récemment veuve et à la tête d'une rondelette fortune. Il finit par lui offrir un sourire avant de prendre place sur l'assise, lissant d'une main sa tunique obsidienne avant de croiser les jambes et porter la coupe devant son nez pour en humer les effluves aux notes boisés. Il fixa alors longuement la soierie rouge sang qui descendait jusqu’à ses doigts dont les phalanges nues sortaient comme d’un gant d’archerie, acquiesçant d'un hochement de tête à ce effet de style des plus moderne.

La Vicomtesse de Vertchemin pouvait tenir la pose tant elle irradiait le salon de ses atouts physique et vestimentaire. Nul homme en ce bas monde n'aurait bouder ce plaisir visuel, plus encore le Comte de Rougelac. Mais la situation du Gouverneur du Sud était si sensible qu'il n'allait se laisser tenter par quelques jeux de séduction face à cette jeune veuve œuvrant pour la reine Eugénie. Si elle semblait longuement observer l'océan en contre bas, Félia, après quelques flatteries d'usage, se détourna de ce spectacle pour enfin venir s'installer face à son invité de marque.

Pour la première fois depuis bien longtemps, Rougelac ne se laissa pourtant nullement bercé par les mots qui se voulait rassurant sur sa personne et son rôle auprès du pouvoir et plus particulièrement auprès de la reine. Ainsi, une première remarque s'échappa subtilement d'entre ses lèvres afin d'émettre un sous entendu de rigueur.

- Les paroles s'envolent, les actes restent.

Si la vicomtesse avait toutes les cartes en main, comme elle pu ensuite le concéder à son interlocuteur, ayant toute latitude à répondre à la place de la reine Eugénie, son œuvre, sa mission ne serait si aise à remplir face à un tel personnage.

Ainsi, Félia se lança dans un plaidoyer impeccablement apprit pour ainsi dresser le contexte qui avait provoqué la venue du mondain au château royal. Le message de la reine se voulait rassurant mais pourtant Victor n'en fut nullement convaincu et ce par le simple fait qu'il n'avait été informé de ces nouveaux rouages installé sur sa zone d'influence. En réponse, seule une moue mitigée se dessina sur son visage, son regard océan transpirant de perplexité.

Dans un écoute aussi religieuse que possible, le Comte fixait la Vicomtesse sans plus aucune émotion, concentré à épier le moindre indice qui pouvait trahir quelques émotions. Elle semblait apte à lever les doutes du mondain mais maîtrisait-elle suffisemment ce complexe dossier ? Rien n'était moins sûre. Laissant alors orphelin la coupe de vin qu'on lui avait offerte, Rougelac posa gracieusement ses mains dans une pose altière.

- Je vais donc vous faire grâce des manières dont j'use habituellement pour vous parler directement de ces choses fâcheuses qui touchent à ma crédibilité aux fonctions que la reine en personne m'a confiée. J'ai bien le sentiment que ces "pions inattendue" discréditent ce titre de Gouverneur. Soyons honnête, cela affaibli mon influence et mon rôle. Il aurait été de bienséance de m'informer en amon de ces changements.

Avisant la jeune veuve d'un regard perçant, Victor semblait dans la maîtrise et le calme de son sang, de son rang et de son expérience de la vie, rajoutant alors comme pour mettre au pied du mur très rapidement son interlocutrice.

- Si ce titre de Gouverneur du Sud n'est que "facade" et prétexte à d'autres desseins dont me destine votre maîtresse la reine Eugénie, il serait plus simple d'en expliquer les tenants et aboutissants. Si je vous comprend, la reine me veut œuvrer à la capitale plus que dans ces lointain marrées. Soit, mais je suis homme à ne pas subir. Vous le savez certainement, je suis un joueur d'échec averti et j'ai bien du mal à me projeter dans mes prochains coups...

Sa technique était indéniablement une charge frontale et ce afin de mesurer le degré de crédibilité de cette favorite à la cours Royale.

Si Victor s'offrait le luxe de l'audace et de la critique c'était bel et bien parcequ'il était un noble averti aux jeux des influences. La reine avait portée son dévolue sur ce personnage haut en couleur sans doute en connaissance de cause et ainsi sa favorite semblait s'attendre à ce qu'il exprime son déplaisir face à une situation qui tendait à ne pas donner pleine satisfaction dans le rôle et la fonction qu'on lui avait octroyer.

Par ce fait, Félia n'avait d'autre choix que de poser les fondations de cette complexe équation. Et tout semblait indiquer que l'intervention du Roi était la source de ce bouleversement dans l'ordre établi initialement par la couronne. Un sentiment de déception très rapidement balayé par l'aveux d'intentions toutes autres concernant le cas du Comte de Rougelac. Eugénie avait donc prit le pari et le parti de voir son nouvel allié œuvrer à la capitale. Peu désireuse de laisser l'homme à l'écart des intrigues de la haut au cœur même de l'échiquier central que représentait Marbrume, elle comptait donc le savoir à la manœuvre au plus proche de sa personne.

Rougelac obtenait donc des réponses, saisissant la subtilité de sa fonction de Gouverneur du Sud. Mais par la même, il pouvait également comprendre quels pions œuvraient pour la reine et quels pions œuvraient pour le Roi. La nourrice envoyée aider la Baronne de Sombrebois semblait donc fidèle à Sigfroi, un paradoxe tant Victor était persuadée qu'elle était l'alliée d'Eugénie après la mise en scène qui avait permit de conclure ce contrat qui avait bouleversé l'avenir de la place forte des marais.

La reine avait donc pour projet de voir sa nouvelle flèche, le Comte de Rougelac, profiter de sa fonction afin d'étendre son influence dans la capitale et par la même, aider cette dernière à écarter quelques gêneurs. Sur le papier, tout cela semblait cohérent, restait à savoir si dans les faits, ces promesses pouvaient être viable.

Gardant le silence tout du long du plaidoyer de la Vicomtesse de Vertchemin, sa mine s'en trouvait de plus en plus intéressé et son regard azur ne cessait de dévorer des yeux ce bout de femme qui parlait sous le joug de la Première Dame. L'homme glissa un délicieux regard vers les plis des tissus d'où l'une des main de Félia venait de disparaître avant qu'il ne reporter sa complète attention sur cette lettre cachetée.

Écoutant alors religieusement les directives de la favorite qui exposait la mise à l'épreuve de son interlocuteur, Rougelac récupéra le pli du bout des doigts et reporta son attention sur la jeune femme non sans furtivement et presque sensuellement passer la lettre sous son nez pour en prélever d'éventuelles effluves. Y trouverait-il l'odeur de la Reine ? Les senteurs des jupons de la favorite ? Qu'importe, cela faisait parti de ces petits plaisirs aux parfum finement lubrique.

Il rangea alors la lettre dans l'une des poche de sa tunique, acquiesçant face à la mission qu'on lui demandait d'exécuter et Félia pouvait voir naître une lueur des plus déterminée dans le regard du mondain.

- Vous et la reine ne serez nullement déçu. Dois-je seulement vous demander précision, il n'est point utile que j'attente à l'intégrité physique de ce banneret? J'userais seulement de ce levier qu'offre ma fonction pour le mettre à mal financièrement, après avoir user de quelques méthodes pour.. le discrédité dans son rang, si j'ai bien saisi ?

Il laissa à la vicomtesse le soin de clarifier ce point avant de rajouter.

- J'imagine qu'à ce stade, vous serez à l'avenir mon interlocutrice privilégier ? Quand au reste, puisque nous venons de formaliser les attentes de notre amie commune, vous souhaitiez parler d'avenir et d'ambitions. Je suis tout ouïe. Non pas que ce rôle et ces bénéfices ne me sied point, cela reste certes un terreau propice à étendre mon influence, mais... vous avez parlé hâtivement et de fait éveiller ma curiosité...

Il roula vers Félia un sourire taquin. Victor était un homme qui prenait la mesure de chaque mot et n'oubliait que peu de détails.

Victor ne pouvait qu'apprécier cette vision très imagée de cette affaire que lui soumettait la reine par l'intermédiaire de la Vicomtesse de Vertchemin. Cette dernière n'avait que trop raison et son interlocuteur n'avait dès lors aucun besoin d'émettre la moindre remarque tant l'évidence s'imposait. Et comme il put le déduire et s'y avancer dans ces propres suppositions, le Comte aurait régulièrement avoir à faire avec la favorite d'Eugénie de Sigfroi. Ainsi soit-il et avancé de tel manière que Félia cherchait peut-être à dissiper l'attrait que pouvait avoir la reine auprès du Gouverneur du Sud en se montrant provoquante. Victor allait alors lui donner la réplique, mais peine perdue, la Vicomtesse semblait peu désireuse de s'attarder sur ce paradoxal sujet, tout du moins à l'instant présent. Pourtant, la reine restait belle et bien présente à l'esprit du mondain, hantant quelques complexes fantasmes.

La jeune veuve de Vertchemin enchaîna donc devant un publique des plus averti, disposant alors carte sur table ses propres aspirations non sans en offrir la part belle à cet allié potentiel qu'était le Comte de Rougelac. Pourtant si Rougelac aurait tout naturellement pu être convaincu par ce tableau dressé par Félia où tout deux pouvaient plus encore s'imposer dans la haute société marbrumienne, le quadragénaire resta un instant interdit de réponse, soudainement songeur, un sourcils trahissant volontairement cet émotion. Naturellement, il était gagnant car comme la favorite de la reine semblait bien au fait de ces propres activités sur la zone portuaire, il était bien raisonnable d'être ainsi alléché par l'appât du gain. Non, quelque chose d'autre interpellait Victor. Décroisant puis recroisant les jambes, non sans récupérer sa coupe de vin et d'imiter son interloctrice en prenait un peu plus d'aise dans cette pièce privé, il la toisa, une fois encore, mais d'un regard plus perçant encore.

- Je n'ai pas encore ouvert cette enveloppe dont l'écriture sera indéniablement celle de notre amie commune. Et pourtant, je m'interroge quand à l'essence même de cette rencontre avec vous. Voyez-vous, si je forge mon propre raisonnement, muni de l'ensemble des informations que vous venez de me divulguer, j'en conclu donc que la reine en personne veut vous voir prendre plus encore votre essor ? ce banneret est-il le fruit du hasard de vos problématiques communes de femmes ?

Il se relève, calmement, coupe à la main, un mouvement fluide de poigné ne laissant le liquide carmen se reposer, son autre main dans son dos. Avec une certaine grâce mais plutôt celle d'un canidé déterminant sa place d'Aplha dans une meute, il se met alors à tourner en rond dans la pièce, ces cercles se raccourcissant à mesure du défilé de ces propos.

- Mais alors, ne serait-ce dangereux pour votre fonction de favorite ? A trop gravir l'on peut s'effondrer... A moins que... deux options se tiennent, dites-moi si je me trompe ma chère. Soit, l'aide de notre amie est réelle et à pour objectif évincer ce banneret vous permettrez de briguer à une plus haute fonction, soit... hmmm... oui, soit tout ceci, ce rendez-vous, cette proposition, ne sont l'œuvre que de vous et uniquement de vous et que notre "amie" commune n'ai jamais pu poser son regard sur ma missive...

Il fini par se glisser derrière le canapé où c'était mise plus à l'aise la vicomtesse, s'offrant alors le luxe de glisser sa coupe au bord des lèvres de celle qu'il surplombait dans son dos.

- Oh... tout ceci est peut être bien fantasque, je vous l'accorde, mais je vous le dis... il est plus simple d'avoir confiance sans intermédiaire. Je n'ose remettre en doute vos talents, ils semblent certains et nombreux, vous êtes une femme d'intrigue tout comme moi et œuvrait dans l'intimité des plus grands, ce qui fait de vous quelqu'un à part et... plus dangereux encore. Une place de favorite n'est peut être pas si joyeuse que cela, d'où cette éventualité de jouer votre propre partition... ?

Allait-elle daigner boire dans la coupe proposé par Victor, ce dernier en tout cas resta camper derrière la jeune femme, cherchant à imposer une certaine forme de charisme.

- Vous n'êtes en tout cas pas assez idiote pour ne pas savoir que je suis un personnage ambitieux. Seulement si je vous accorde le manque de saveur d'une liaison discrète sur le long terme avec notre... amie commune, il ne m'aurait nullement déplu sur un plus court et moyenne terme, voyez ?

Il ne sous entendait évidemment pas uniquement ce plaisir de convoitise charnelle, bien que présente, non mais il évoquait par la même toutes les faveurs directes qu'il aurait pu obtenir dans la couche ou dans quelques autres lieux d'intimité partagé. Il devait se contenter, aux mots rapidement balayés par la vicomtesse d'un degré en dessous. Victor était joueur et aimait prendre des risques, il allait justement chercher à exprimer ces talents.

- Je dois donc me contenter de la cerise et non pas du gâteau ? J'ai pourtant bon appétit ma très chère Félia... Votre compagnie n'est point désagréable, assurément... mais voyez... je suis perplexe et je ne quitterais ce bureau sans d'autre gages ou certitudes.

Dit-il presque sensuellement dans un ton provoquant, démontrant par ce fait qu'il pouvait être fourbe au point de laisser planner le doute quand à sa décision d'adhérer à cet ambitieux plan, mais qui était bénéfique à qui réellement? La reine ? Ou seulement Victor et Félia ? De sa main libre, recouvert du velours d'un gant, il frôla l'épaule de la favorite, par jeu et pour en ressentir une éventuelle frilosité ou au contraire une pleine maitrise d'elle.

Impressionnant, la Vicomtesse tenait sans conteste la dragée haute à l'intrigant mondain ! Victor ne pouvait que l'admettre au vu des ingrédients divers et variés tout autant dans la gestuelle que dans la verbe de cette favorite de la reine Eugénie. Une prestation donc sans accroc en retour du prologue des plus piquant et pimenté proposé par le Comte de Rougelac. D'ailleurs ce dernier était conscient de jouer avec des braises, mais cela faisait partie de sa philosophie de vie.

Félia avait indéniablement du mordant et alors qu'elle se dirigeait vers le bureau dans un déhanché ravageur pour achever sa prestation dans une menace à peine voilée, le Gouverneur du Sud ne pu se résoudre qu'à applaudir.

- Je ne puis que m'incliner devant une telle prestation qui me laisse sans possibilité de défense. Vous m'avez convaincu, ma très chère... Félia.

Il s'avance à pas de velours pour venir se glisser dans le dos de la favorite de la reine, ses mains se posant sur les hanches de cette dernière qui avait bien mérité cette pique physique au vu du provoquant déhanché. Il posa alors une main sur celle qui tenait le bout de papier et que parcourait la veuve avant de lui susurrer.

- Et bien, même si vous vous vanter, et ce quoi que vous en pensiez, j'admet découvrir non plus une cerise mais bien un curieux gâteau... Appétissant pour autant ? L'avenir le dira.

Ne souhaitant plus que de raison maintenir une telle proximité qui pouvait provoquer un mouvement d'humeur chez la Vicomtesse qu'il ne connaissait encore que trop peu, Rougelac lâcha sa prise et recula d'un pas et ainsi laisser toute liberté de mouvement à sa comparse.

- Je crois avoir gagné une partenaire d'affaire des plus... audacieuse et déterminée. Vous m'avez convaincu, j'en fais l'aveux, vous avez su trouver les mots. Je vais donc ne point traîner plus que de raison si vous avez rendez-vous prochainement avec l'heureux locataire de cette pièce. Mais avant cela, j'aimerais que nous définissons les modalités de nos prochaines rencontres, qui vont être nombreuses... Quand au reste, j'ai déjà ma petite idée sur la méthode que je vais employer pour faire plier ce banneret.

Si elle daigne alors se retourner, il prendra sans doute sa main de fausse archère afin de la gratifier d'un charmant et non moins intrigant baisé main.