Marbrume


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 Céleste Courtelame [Validée]

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Céleste CourtelameBannie
Céleste Courtelame



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MessageSujet: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 9:35

Céleste, le crime rend égaux tous les êtres qu'il souille.



Identité


Nom : Sauveterre née Courtelame.

Prénom : Céleste.

Age : Vingt-cinq ans - Née le 17 avril 1142.

Sexe : Féminin.

Situation : Mariée au Sergent Rodéric Sauveterre.

Rang : Bannie
Native de Marbrume, Céleste a travaillé presque toute sa vie au service d'une riche famille de la Cité. A l'aube de son vingt-cinquième anniversaire, elle a froidement assassiné le Conte Dussac, sa jeune épouse et deux de leurs cinq enfants. En fuite, elle est aujourd'hui recherchée par la milice pour répondre de ses crimes présumés.

Lieu de vie : En dehors des enceintes de Marbrume. En fuite et sans-le-sou, Céleste trouve tant bien que mal refuge dans les grands arbres entre la Cité de Marbrume et le village de Menerbes. Elle ne sait pas encore où ses pas la conduiront, ni si elle sortira vivante de sa débâcle.

Système RP & XP - Carrière


Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs :
Carrière du vagabond, +1 HAB, +2 INI, +5PV

Compétences et objets choisis :
Compétences choisies :
Bagarre Fuite Violence forcenée Bravade

Indifférence - Céleste débutant tout juste dans le groupe des bannis et n’ayant jamais vécu en dehors des enceintes de Marbrume, ne peut logiquement pas encore détenir la compétence Survie en milieu hostile.

Objets :
Hache : Cette hache décorative de très bonne facture appartenait au Conte Lionel Dussac. Céleste s'en est servie pour l'assassiner, lui et une partie de sa famille, la nuit du 16 avril 1167.
Tenue de lin : Tenue en lin simple, resserrée à la taille grâce à deux ceintures en cuir marron. Des bottes en cuir, une petite sacoche et une cape grossière complètent cette tenue.
Bijou : Pendentif en forme d'étoile taillé dans le bois d'un amandier et sa cordelette en cuir tressé. Ce bijou lui a été offert par son père à la naissance. Il est aujourd'hui souillé par du sang.

Musique thème


Apparence

Dès le tout premier jour, Céleste a présenté les signes d’une santé fragile et chancelante. Née dans des conditions particulièrement difficiles quelques minutes seulement après son frère jumeau Edouard, elle a lutté toute sa vie durant contre les maladies et la mort, désirant pourtant secrètement mourir sans s’en apercevoir, sans douleur.
Contrainte par ses parents de garder le repos durant de longs mois, Céleste a cruellement manqué de la chaleur des rayons du soleil sur sa peau et de la caresse du vent dans ses longs cheveux. Petite oisillonne malingre et souffreteuse, elle a toujours été plus petite et plus mince que les autres enfants de son âge, y compris ses trois frères aînés, dont la santé brillait sur leurs visages frais.

Aujourd’hui adulte, Céleste ne mesure pas plus de cinq pieds de haut et ne pèse que quarante-cinq kilos. La peau blanche de ses joues porte les stigmates vulgaires des nombreux coups qu’elle a reçus. Deux profondes rides d’amertume encadrent ses lèvres sèches et endiguent des fièvres secrètes. La fatigue agrandit ses yeux gris-bleus de rivière et greffe des cernes mauves sous ses paupières bombées. Son port de tête, son regard perçant et l’insolence de sa démarche ne sont pas sans rappeler ceux des renards qui maraudent la nuit et le jour aux environs des fermes de la Cité. Son petit nez tout rond, un peu retroussé, vient adoucir la rudesse des traits de son visage, encadrés de cheveux aussi blancs que neige. Cette particularité physique, présente au sein de la famille Courtelame dès l’adolescence, lui a par ailleurs valu une somme effrayante de tortures de la part de la famille Dussac, qu’elle n’aurait à cette époque souhaité à personne, pas même à son pire ennemi. Une impressionnante cicatrice, profonde, douloureuse et injuste, lui barre la poitrine sur plusieurs centimètres pour venir mourir sous sa gorge, rappelant chaque jour à son souvenir les sévices subis.

Céleste a quitté la sécurité de la Cité de Marbrume vêtue d’une longue robe en lin sombre resserrée à la taille par deux épaisses ceintures de cuir marron. Une petite sacoche vide est suspendue à l’une d’elle, ainsi qu’un joli pendentif en forme d’étoile, taillé dans le bois d’un amandier et teinté du sang des quatre victimes qu’elle a abandonnés au Domaine. Ses épaules sont couvertes d’une cape noire effilochée, retenue par une fibule en cuivre évoquant la tête d’un canidé. Elle porte à ses pieds une paire de bottes de cuir, véritable chef d’œuvre d’un bottier du quartier de la Hanse, désormais crotté par la boue, la poussière et le sang.


Personnalité

« La colère bouillonne en moi comme un fleuve furieux »
La haine. Destructrice, impitoyable et ravageuse, elle tire Céleste de sa torpeur et illumine ses grands yeux bleu-gris de lueurs effrayantes. La haine souille ses jolies petites mains nacrées du sang de ses ennemis, assombrit ses pensées et ravive à chaque instant ses tourments. La haine l’envahit, submerge de son amertume chaque parcelle de son âme, semblable à une mauvaise herbe rampante qui cherche à étouffer les plus belles fleurs. Depuis le meurtre du Comte Lionel Dussac, Céleste n’est plus elle-même. C’est la colère, et presque exclusivement la colère, qui guide ses pensées et la violence de chacun de ses gestes.

« La volonté des Trois détruit la volonté des hommes. »
Epuisée par sa longue cavalcade dans les marais du Royaume de Langres, Céleste perd peu à peu toute volonté de vivre, toute envie de se battre. Son coeur saigne dans une douleur inouïe, tandis que son esprit, aussi sauvage et indomptable que le vent, cherche dans la foi la force de se relever. Mais les dieux de la Trinité restent sourds à ses sincères et instantes prières : si ses voeux étaient de nouveaux criminels, Anür, Serus et Rikni seraient-ils plus prompts à les exaucer pour elle ?

« La peur est une brume de sensations... »
Toujours en alerte, Céleste considère le monde en dehors des murs de Marbrume comme un endroit peu sûr. Elle a peur de tout et de tous, peur des gens, peur de s’éloigner de ses repères, peur d’elle-même, peur d’avoir peur. Un sentiment qui pèse lourd sur ses si frêles épaules. Ses nuits sont peuplées de cauchemars terribles, et aussi de cris ; la faim, le froid et la fatigue agitent ses pensées et sèment le doute dans son esprit. En qui avoir confiance à présent, lorsque l’on est coupable d’un crime de sang ?


Famille Courtelame


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Père : Auguste Courtelame - Né en l'an 1103 - 64 ans - Quartier-maître de la milice extérieure
Mère : Félice Courtelame née Doucet - Née en l'an 1107 - 60 ans - Gouvernante de la famille Dussac
Premier fils : Gildas Courtelame - Né en l'an 1128 - 39 ans - Coutilier de la milice intérieure
Second fils : Eudes Courtelame - Né en l'an 1138 - 29 ans - Milicien de la milice intérieure
Troisième fils : Edouard Courtelame - Né en l'an 1142 - 25 ans - Milicien de la milice extérieure
Première fille : Céleste Courtelame - Née en l'an 1142 - 25 ans - Bannie

Points d’histoire :

◈ La famille Courtelame est connue et reconnue pour de nombreux faits d’armes, dont il est d’ailleurs parlé dans l’histoire du Royaume de Langres. Appréciée tant de la noblesse que du petit peuple, c’est une famille très intègre et intégrée à sa terre natale.

◈ Au fil des générations, chaque fils bien portant a rejoint les rangs de l’Armée Royale, sacrifiant, pour nombre d’entre eux, leur vie pour le Royaume. Humbles, loyaux et dévoués à la couronne, ils ont toujours montré, semble-t-il, la plus grande réticence à être anoblis, n’acquérant, de fait, ni titre, ni domaine, ni même richesse.

◈ En 1164, les soldats de la famille Courtelame participent malgré eux au massacre de la Cité d’Arence sous les ordres du général Morn de Sarssel. Abattus par cette douloureuse bataille, au cours de laquelle de nombreux civils périrent, tant victimes des Fangeux que des choix stratégiques militaires du Général, ils hésitent dans un premier temps à rejoindre la milice créée par le Duc Sigfroi de Sylvrur. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’ils finissent par céder aux pressions incessantes de leur hiérarchie.

◈ En mai 1166, Conrad Courtelame, l’oncle de Céleste, décède en protégeant la Cité de l’attaque des Fangeux. En dépit de cet évènement douloureux, la famille Courtelame reste fidèle au nouveau Roi en place, qu’ils ont appris à accepter, ainsi que de fervents protecteurs du peuple du Royaume de Langres.

◈ Le 16 avril 1167, Céleste Courtelame assassine froidement une partie de la famille Dussac et prend la fuite dans les marais du Royaume. Cet événement vient profondément entacher la réputation de la famille, qui est divisée sur l’attitude à adopter à l'égard de l'une des leurs : doivent-il la protéger, ou bien la traquer pour le crime qu’elle a commis ?


Famille Sauveterre


Céleste Courtelame [Validée] Rodzor10 Céleste Courtelame [Validée] Iris10

Epoux : Rodéric Sauveterre - Né en l'an 1127 - 40 ans - Sergent de la milice intérieure
Belle-fille : Iris Sauveterre - Née en l'an 1158 - 10 ans - Enfant du peuple

Points d’histoire :

◈ Rodéric Sauveterre est issu, comme les Courtelame, d'une famille essentiellement composée de miliciens. Il a appris tout ce qu'il sait aux côtés d'Auguste, son mentor, et dirige aujourd'hui plusieurs escouades de la milice intérieure. Il est apprécié de sa hiérarchie et de ses subordonnés pour sa loyauté, son sens de l'honneur et son intelligence d'esprit.

◈ Rodéric Sauveterre se marie en l'an 1144 avec Violette Grasse, une célèbre chanteuse et musicienne de la capitale. Cette dernière décède quelques années plus tard en donnant naissance à Iris, le seul enfant né de leur amour. Abattu, Rodéric Sauveterre se concentre exclusivement sur l’évolution de sa carrière et délaisse sa fille.

◈ En l’an 1162, ne souhaitant pas renoncer au bonheur qui l’a fait mari, amant et père, Rodéric Sauveterre épouse Céleste. Il défiera néanmoins les dieux par amour et respect pour elle, en faisant croire à la famille Courtelame que le mariage a été consommé dans les normes. Céleste lui refusant systématiquement la couche, il ne naîtra en cinq ans de mariage aucun enfant de leur union.


Histoire


◈ La vie et l'amour sont des jumeaux nés en même temps ◈

Le 17 avril 1142, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.


Tandis que le soleil disparaissait derrière la cime des arbres dans un bain d’or fondu, et que le ciel se teintait d’un bleu sombre et transparent, des hurlements à réveiller les morts brisèrent le silence crépusculaire des petites ruelles tranquilles de Bourg-Levant. Allongée dans un lit souillé de sang et de sueur collante, une femme semblait beaucoup souffrir. Sa respiration était pénible ; Ses yeux brûlaient d’un feu fiévreux, bruns et sombres sous ses cils mouillés ; Ses lèvres étaient aussi pâles que ses joues, et ses mains, qu’elle tenait serrées sur son gros ventre, tremblaient comme des feuilles agitées par le vent. Son époux, bouillonnant d’impatience, tournait en rond dans le petit salon attenant comme une bête malade. Il était anxieux à l’idée qu’un problème survienne, et épaté qu’à quelques mètres de lui seulement, son troisième et dernier enfant fût en train de venir au monde. Et quel monde !

Au bout d’un temps qui lui parut durer toute une éternité, Auguste réalisa qu’il n’entendait plus les cris de douleur de son épouse. Les pleurs assourdissants d’un nouveau-né les avaient presque aussitôt remplacés, gonflant son cœur d’espoirs, de rêves et d’un amour puissant. Bouleversé, il se précipita à grandes enjambées dans la chambre à coucher. A sa venue, la guérisseuse protesta vivement en s’agitant :

- Monsieur Courtelame ! Attendez ! Ce n'est pas encore ter...

Auguste ignora délibérément les recommandations de la vieille dame, tout comme ses reproches muets, l’écartant de son chemin d’un geste ferme mais sans violence. Le cœur battant la chamade, il alla s’asseoir aux côtés de son épouse, dont les yeux brillaient à présent d’une joie nouvelle, folle et sauvage, en dépit de la fatigue. Le nouveau-né, encore souillé et le crâne englué d’une toison aussi blonde que les blés de juillet, semblait scruter le monde autour de lui, sans pourtant parvenir à en discerner les contours.

- C’est encore un garçon, murmura Félice, qui tenait délicatement le bébé contre son sein. Un petit garçon...
- Merci, lui répondit Auguste en lui caressant le visage d’un geste apaisant, car elle semblait encore éprouvée par son accouchement. Merci, mon amour, pour cet enfant.

Mais très vite, la seule à savoir que tout n’était pas encore achevé gâcha cet instant de grâce en chassant prestement Auguste de la couche. Tandis qu’une jeune fille s’employait à baigner le nouveau-né dans un petit baquet d’eau tiède, la guérisseuse entreprit de faire naître l’inattendu et inespéré jumeau. En dépit de tous les efforts de Félice, le second enfant se présentait dans le mauvais sens, un pied en avant. Tout en ronchonnant, mais sans jamais perdre son sang-froid, la guérisseuse s’employa à délivrer l’autre jambe et le petit corps, frêle et tremblant, finit par sortir du ventre de sa mère.

Eblouie par la lumière vacillante des bougies, ses poumons traversés par un air sec et froid, épuisée et surtout affamée, la petite fille pâle et chétive poussa son tout premier cri de vie dans les bras de son père, après quelques secondes d’une longue incertitude. Auguste, émerveillé par l’incroyable cadeau que venaient de lui faire les dieux, baisa le front délicat de sa fille et souffla d’une voix chevrotante :

- Tu es un ciel, un ciel plein d'étoiles, une vision céleste.

◈◈◈◈◈
◈◈◈


◈ L'enfance est une vallée ouverte vers les sommets ◈

De mai 1142 à juillet 1154, Cité de Marbrume.

1
- Bon sang ! Edouard ! Céleste ! Revenez-ici tout de suite, espèce de sales petits morveux ! hurla Hildbert, l’un des plus vieux talmeliers de la Grande Rue des Hytres. Moi vivant, vous n’mettrez plus jamais les pieds dans mon commerce ! Votre père va en entendre parler ! Vous allez prendre une sacrée correction ! ajouta-t-il en agitant son poing gros comme un jambon en l’air.

Sans doute le vieux matou de la boulangerie « Le Pétrin » se souviendra-t-il à jamais des jumeaux Courtelame et de leurs blagues malveillantes après avoir perdu sous la lame d’un vieux rasoir à barbe plus de la moitié de sa jolie fourrure grise. Céleste, elle, gardait plutôt de cette période de sa vie le souvenir des éclats de rire qui rythmaient chacune de ses journées à Marbrume, tandis qu’ivre de liberté et de jeux, elle baignait allégrement dans l’insouciance de l’enfance. Et si parfois, terrassée par une nouvelle fièvre et forcée à l’alitement, elle s’ennuyait entre les murs de sa maisonnée, elle finissait toujours par trouver aux côtés de son frère jumeau une façon très originale, parfois ingénieuse et souvent même dangereuse de s’amuser...au plus grand dam de leurs parents, qui avaient, semble-t-il, toute la peine du monde à contenir l’incroyable imagination de leurs benjamins.

Car autant que l’on se souvienne, les jumeaux Courtelame ne se quittaient pas d’une semelle, quoi qu’il arrive. Leurs rires et leurs chagrins se partageaient toujours à deux. Ils parlaient en même temps, avaient exactement les mêmes amis et faisaient les mêmes bêtises, tout naturellement. Où qu’ils se trouvaient, ils étaient toujours en train de chuchoter entre eux avec des yeux brillants de malice et des rires de gorge qui avaient le don d’exaspérer toute la famille. Ils s’aimaient avec une vive tendresse, mais surtout, ils étaient très complices et solidaires dans l’adversité. Céleste, plus petite et malingre que son frère, tombait souvent malade et souffrait beaucoup du mépris affiché par son frère aîné Gildas, qui lui prédisait un avenir d’incompétente épouse. Alors, pour aider sa sœur, Edouard avait appris très jeune à la porter sur son dos, lui permettant ainsi de partir à l’aventure dans les ruelles de la Cité, même lorsque la fièvre et son petit corps affaibli ordonnaient davantage de prudence. Une formidable complicité, enviée, curieuse et parfois blâmée, qui fût mise à mal à l’été 1154, lorsque les adultes décidèrent pour eux qu’il était plus que temps de quitter le monde de l’enfance. C’est ainsi qu’aux rires les plus francs, les plus ingénus...succédèrent des larmes de douleur.

◈◈◈◈◈
◈◈◈


◈ Toute vie est un puits de solitude qui va se creusant avec les années. ◈

Le 28 Août 1154, Temple de la Trinité, Cité de Marbrume.

Un froid glacial, presque déplaisant, régnait au sein du Temple de la Trinité. Céleste resserra délicatement les pans de sa capeline, surprise par la différence de température après la chaleur estivale du dehors. Elle avait bien failli ne pas venir aujourd’hui. En s’apprêtant ce matin, elle avait réfléchi des heures durant à ce qu’il se passerait si elle n’assistait pas à la cérémonie de passage à l’âge adulte d’Edouard. Personne ne viendrait la chercher. Rien ne s’en trouverait changé. Elle se montrerait juste à la hauteur de son indécrottable réputation de « courant d’air », voilà tout. Pourtant, elle était venue. Non pas pour rendre hommage aux Dieux - louée soit Anür -, mais pour dire au revoir à Edouard, qui allait ce soir partir faire ses classes au sein de l’Armée Royale, tout comme son père et ses frères aînés avant lui. Céleste s’était donc reprise, avait passé sa plus jolie robe pour l’occasion - celle que son frère préférait la voir porter parmi toutes -, s’étaient forcée à quitter l’obscurité bienveillante de sa chambre et était même arrivée un peu avance, ce qui n’était vraiment pas dans ses habitudes. Postée à distance aux côtés de son frère jumeau, elle avait regardé silencieusement les amis de la famille arriver, peu désireuse d’attirer l’attention sur Edouard et sur elle. Pas encore. Elle ne se sentait pas encore prête à affronter une telle épreuve. Chaque fois qu’elle repérait un visage familier, elle fermait les yeux et se répétait qu’elle faisait ce qu’il fallait. Qu’elle devait tenir jusqu’au bout, être forte, surtout ne pas pleurer. Car c’était là tout ce que l’on attendait d’elle aujourd’hui.

Elle ne se décida à bouger que quelques minutes avant le début de la cérémonie religieuse. Céleste dût se rappeler plusieurs fois de mettre un pied devant l’autre alors qu’elle remontait la grande allée du Temple. L’estomac noué, le cœur battant la chamade, elle balaya du regard la foule qui s’était rassemblée à proximité de l’autel. Son père était assis au premier rang, le bras passé autour des épaules de son épouse. Tous deux contemplaient silencieusement les vitraux représentant la Trinité. Son oncle Conrad s’approcha d’eux et posa une main sur l’épaule de son frère aîné. Ce dernier le gratifia d’un sourire sincère, où se mêlait la fierté de voir son fils rejoindre l’Armée Royale, et une incertitude contenue. Lorsqu’enfin, Conrad posa le bleu de ses yeux sur elle, Céleste ressentit un besoin impérieux de se ruer hors des murs du Temple, de rentrer chez elle et de fermer la porte au monde entier. L’enfant se figea un instant, puis lâcha la main délicate de son frère et prit la fuite, courant aussi vite qu’un vent de tempête. Profitant de sa petite taille, elle se faufila entre les jambes des adultes, sourdes aux appels de son père, de son oncle et de son frère jumeau. Soudain, un homme lui bloqua le passage, l’agrippant dans ses bras pour arrêter sa course folle. Mauvais réflexe. La petite fille lui mordit violemment la main et vit à la tête de Rodéric Sauveterre qu’elle venait de lui faire très mal. Ce dernier lâcha prise et Céleste s’enfuit éperdument à travers les ruelles animées de la Cité, cherchant à lasser ses éventuels poursuivants.

Le 29 Août 1154, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

Aux rires les plus francs, les plus ingénus, succédèrent des larmes d’une indicible douleur.

Le 03 septembre 1154, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

Son absence devint trop difficile à supporter. A chaque nouveau jour, à chaque nouvelle heure sans lui, quelque chose se brisa en elle et une souffrance s’empara de son cœur. La douleur, brûlante, puissante, envahit tout son corps comme un poison mortel. Elle perdit son beau sourire, la lumière dans ses yeux, sa joie de vivre et sa confiance inébranlable en l’avenir. De ses tourments, elle ne dit rien à personne, gardant pour elle seule tout le poids de son malheur. Lentement, Céleste s’étiola telle une fleur privée de la lumière du soleil. Et le soir du 3 septembre 1154, elle s’effondra dans les bras d’une prêtresse aux portes du Temple de la Trinité, consumée par la fièvre et agitée par un affreux délire. La mort lui tendait de nouveau les bras, comme une vieille amie, l’invitant à la rejoindre dans une étreinte glaciale et inconfortante.

Le 11 septembre 1154, Temple de la Trinité, Cité de Marbrume.

Elle était à peine conscience - et bien incapable de protester - lorsque Rodéric Sauveterre trouva place à ses côtés. Sa visite pour le moins inattendue ne fût pourtant pour Céleste qu’une succession de moments de tourments ; le bruit incessant des chariots dans la ruelle ; la transpiration de son corps frémissant, perclus de mille et une douleurs ; sa mère, Gildas et Rodéric qui la soignaient à tour de rôle, lui épongeaient le front et la forçaient à avaler des soupes froides qu’elle vomissait presque aussitôt... Elle passa ainsi des semaines au lit, alternant rêves cauchemardeux et semi-conscience, sans plus vraiment pouvoir distinguer la frontière entre les deux, sans même pouvoir apprécier le sourire et le regard de gentillesse dont cet homme gratifiait l’enfant qu’elle était.

Le 28 décembre 1154, Temple de la Trinité, Cité de Marbrume.

Céleste sentit une main fraîche et protectrice sur son front. Cette douce caresse, cette première sensation physiquement agréable dont elle se souvenait après le départ de son frère pour les rangs de l’Armée Royale, la fit progressivement sortir des ténèbres. En ouvrant les yeux, la petite fille découvrit un clerc guérisseur qui veillait sur elle d’un sourire tendre et doux, presque paternel, saluant d’un rire cristallin son réveil et la nouvelle vie qui pétillait au fond des yeux gris. Edwin lui répéta que tout allait bien. Que cela n’avait été qu’un mauvais rêve comme en font les enfants avant de se précipiter dans le lit de leurs parents. Qu’après une telle épreuve, l’avenir lui sera clément.

◈◈◈◈◈
◈◈◈


◈ Cruauté, quel mot a autant de noblesse que celui-là ? ◈

Le 10 février 1155, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

1 Deux petits coups fermes frappés à la porte de sa chambre indiquèrent à Céleste que le soleil allait très prochainement se lever sur la Cité de Marbrume. Le corps engourdi par la fatigue, la jeune fille maintint obstinément les yeux clos et sa couverture coincée entre ses jambes avec la ferme intention de profiter encore un peu du temps qui lui restait. Céleste n’avait vraiment aucune envie de se lever ce matin ; Et encore moins de poser ses petits pieds sur le plancher glacial de la maison de famille, qui lui rappelait à chaque nouveau jour que la ville était figée depuis plusieurs semaines au cœur d’un hiver rigoureux, sans pause et sans fin.

Tandis que les premiers rayons du soleil réchauffaient délicatement sa peau et son âme, le grincement entêtant d’une porte qui s’ouvre sortit Céleste d’un sommeil profond et sans rêve. Agacée, elle grogna de mécontentement et enfouit son visage sous son oreiller, puis ouvrit les yeux, vaincue. Qu’elle le veuille ou non, elle allait de toute façon devoir sortir de son lit pour aller travailler. C’est donc l’esprit encore ensommeillé et ses pensées errant vers le passé qu’elle enfila une longue robe en lin clair et un tablier immaculé, qu’elle avait préalablement déposés sur une chaise près de la porte de sa chambre. Elle noua ensuite ses longs cheveux en un chignon grossier dans sa nuque, puis mit autour de son cou un collier dont le joli pendentif, finement ouvragé, n’avait d’autre valeur que celle - la plus sacrée - de l’amour que Céleste portait à l’homme qui le lui avait offert le jour de sa venue au monde.

Le ventre noué par l’angoisse d’un premier jour, Céleste observa du coin de l’œil sa mère qui s’apprêtait dans le petit salon. Cette dernière lui offrit en retour un sourire réconfortant, avant de couvrir ses frêles épaules d’une épaisse cape noire, soufflant à son oreille : « Tout va bien aller, tu vas voir. Sois courageuse, ma fille, mon étoile. »

Ensemble, elles rejoignirent un petit groupe de domestiques au sein de l’imposante demeure des Dussac, située à seulement quelques centaines de pas de leur propre maison, de l’autre côté des remparts.

Le 28 juin 1155, Demeure des Dussac, Cité de Marbrume.

- Par les Trois ! Céleste ! Dépêchez-vous un peu ! Le Comte et son épouse sont en train d’approcher ! Il est grand temps d’aller les accueillir à l’entrée ! l’accueillit sèchement Madame Lebert.

Bonjour ! eut envie de lui aboyer Céleste, mais elle s’en abstint, suivant du regard sa mère qui s’éloignait en direction de la chambre des enfants à l’étage. Après tout, elle non plus n’avait pas très envie de la saluer. Elle servait la famille Dussac depuis plusieurs mois maintenant. En dépit de son jeune âge et de sa santé fragile, elle travaillait vraiment très dur pour apprendre les rudiments du métier et donner toute satisfaction à Madame Lebert, l’Intendante de la maison. Cette femme particulièrement sévère, aux lèvres pincées et au port altier, ne manquait pourtant pas une occasion de relever chacune de ses erreurs, même lorsque cela n’occasionnait aucun dérangement à quiconque. Son degré d’irritabilité et de nervosité n’avait par ailleurs pas cessé de grimper depuis qu’elle avait appris le retour du Comte Dussac au Domaine, jusqu’à atteindre son point culminant ce matin.

- Céleste ! Voulez-vous bien vous tenir correctement et ranger votre mèche sous votre bonnet ? Il est hors de question que vous apparaissiez en public dans un pareil accoutrement ! Combien de fois vais-je devoir me répéter pour que cela rentre dans votre petite tête ? Si vous n'étiez pas la fille de notre chère Félice, cela fait bien longtemps que je vous aurais foutu dehors !

Une autre domestique vérifia dans un coin de miroir qu’elle ne risquait pas les mêmes réprimandes, puis secoua énergiquement son petit tablier blanc. A priori, tout était parfaitement en ordre pour elle, vu que Madame Lebert la préserva de son humeur massacrante. Le cœur battant la chamade et le visage affichant une moue renfrognée, Céleste rejoignit d’un pas rapide le reste des domestiques à l’entrée principale et, une fois bien à sa place, se tint la plus droite que possible. Sa mère et l’Intendante arrivèrent peu à sa suite pour terminer la haie en l’honneur du retour du Comte. Tendue, Céleste reprit prudemment son souffle. Elle n’avait pas eu une seconde à elle depuis qu’elle travaillait ici et n’avait pas encore eu l’opportunité de rencontrer l’un des membres de la famille Dussac, à l’exception de leurs deux petits garçons de cinq et trois ans, qui étaient restés au Domaine. Maintenant qu’elle voyait la litière tractée par des chevaux approcher du sentier, elle se souvint qui était à l’intérieur et ses mains devinrent aussi moites que par un jour de grande chaleur. A quoi pouvaient donc bien ressembler les Dussac, sans tous les avantages qu'offrait le portrait d'un artiste de renommée ?

Le 17 juillet 1155, Demeure des Dussac, Cité de Marbrume.

Le souvenir du sourire qu’ils avaient brièvement échangé ce jour-là hantait encore aujourd’hui une part de son esprit au point de gêner sans cesse sa concentration. Depuis, Céleste dormait d’un sommeil agité, commettait erreur sur erreur, faisait preuve d’une maladresse affligeante et oubliait comment accomplir certaines tâches domestiques simples, s’attirant très vite les foudres de Madame Lebert, qui s’écria à très haute voix :

- Espèce d’incapable incompétente de feignasse irresponsable ! Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de vous, Céleste Courtelame ?
- Continuer de me hurler dessus, comme toujours, Madame Lebert,
rétorqua sèchement la jeune fille, en continuant de ramasser les débris du vase qu’elle avait fait tomber au sol.
- Je vous demande pardon ?! Sale petite…
- Sale petite quoi ?
intervint soudainement le Comte Dussac, qui venait de pénétrer dans le petit salon en compagnie de son épouse. Madame Lebert, avez-vous bientôt fini de hurler à tout-va ? On peut vous entendre depuis l’autre bout du domaine. Qu’est-ce qui vous chagrine, encore… ?
- Mon...monsieur le Comte !
balbutia la vieille Intendante en s’empourprant comme une braise. Madame la Comtesse ! C’est...c’est que…

1 Le Comte Lionel Dussac était un homme fort charmant, distingué et plutôt riche ; Un négociant bien famé, qui ne regardait pas à la dépense et pensait avant toute chose au plaisir de son petit domaine. Epoux d’une femme aimante et adorée, père de deux magnifiques enfants qu’il souhaitait voir s’élever vers le ciel, il traitait toujours son entourage avec prévenance et une infinie gentillesse. Son affection pour chacun de ses domestiques était par ailleurs aussi évidente que son amour pour les membres de sa famille. Il ne semblait y avoir aucune part d’ombre en cet homme. Et si elle existait, alors sans doute était-elle au service de la Lumière.


- Retournez au travail, ordonna-t-il d’une voix simplement impérieuse. Vous, restez, ajouta-t-il en se tournant vers Céleste. Qui êtes-vous ? Je n’ai pas encore eu le plaisir de vous être présenté.
- Céleste, Monsieur le Comte, bafouilla l’intéressée, la tête basse.
- Quel prénom ravissant...et rare ! Nous seriez-vous tombée du ciel, par hasard ?

Céleste, et elle en eut profondément honte, se mit à rougir d’une telle violence que le Comte Dussac sembla en savourer chaque seconde. Intimidée par l’intensité de son regard et les effluves de son parfum musqué, elle n’arrivait plus à bouger, ce qui n’était vraisemblablement pas le cas de son interlocuteur. Ce dernier fit un pas vers elle, s’arrêta, écarta délicatement la mèche de cheveux qui tombait sur son front puis laissa ses doigts frôler la peau délicate de sa tempe :

- Vos chev…
- Je vous souhaite officiellement la bienvenue au sein du Domaine des Dussac, mon enfant, les interrompit soudainement la Comtesse. En mon nom, et en celui de mon époux.
- Bien entendu, si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous savez où nous trouver,
ajouta le Comte sur un ton plus grave, avant de retirer sa main du visage de sa domestique.

Le couple ducal quitta le salon et, sitôt la porte refermée, Céleste reprit son souffle, le cœur battant à tout rompre.

Le 11 novembre 1155, Demeure des Dussac, Cité de Marbrume.

Quel est ce sentiment nouveau qui la maîtrise au point de lui faire oublier les heures et ne pouvoir l’arracher du Domaine ? Sa mère s’inquiète de ne plus la voir ; Céleste le sait, pourtant elle reste. Elle reste dans l’espoir d’entendre cette voix qui la charme, qui la fascine, qui l’enivre !

Le 30 avril 1156, Demeure des Dussac, Cité de Marbrume.

Elle exhala un soupir et soudain, les lèvres du Comte Dussac se soudèrent aux siennes en un long baiser plein de fougue, de puissance et de promesses. Lorsque Céleste s’écarta enfin pour reprendre son souffle, elle tremblait de tout son corps, terrifiée par la violence des émotions qui la consommaient, l’enivraient. Désir. Joie. Honte. Culpabilité. Plaisir. Et même pitié…En même temps, il lui semblait percevoir une torturante sensation de vide au plus profond de son être. D’un geste faible, Céleste posa à plat sa main sur la poitrine de Lionel pour le repousser. La stupeur figea son geste. Une ombre noire enserra le cœur de la jeune fille. L’épouse du Comte se tenait à la porte, avec, dans ses bras, son nourrisson.

- Je dois retourner travailler, bafouilla Céleste.

Lorsque la jeune fille leur tourna le dos et voulut s’éloigner, le Comte ne fit ni une, ni deux : il attrapa son frêle poignet avec une force excessive, se plaqua derrière elle, l’enlaça étroitement dans ses bras, puis parcourut ses jambes et ses hanches de ses mains brûlantes. Son souffle vint caresser sa nuque, tandis que d’une voix dénuée de tendresse, il murmura au creux de son oreille :

- Cesse donc de te comporter comme une enfant, Céleste. Nous n’en avons pas encore fini, toi et moi.

Les gestes de tendresse et d’amour laissèrent aussitôt place à une violence effrayante. Ce soir là, et tous les autres soirs depuis, il la viola à plusieurs reprises, profitant des silences consentis de sa chère épouse pour commettre l’irréparable. Lorsqu’elle se débattait, il la giflait. Lorsqu’elle appelait à l’aide, il la battait à coups de poings, jusqu’à ce qu’elle se soumette entièrement à son emprise. Il finit par y prendre goût, en même temps qu’il gagnait en aplomb. Et plus les violences se succédaient, plus il prenait confiance en lui. Cette confiance le galvanisa. Le plaisir qu’il en retirait transcenda tout son être. La part du monstre en lui se fit une place grandissante…et destructrice.

◈◈◈◈◈
◈◈◈


◈ La peur n'effraie pas la douleur ◈

Le 4 juin 1158, Demeure des Dussac, Cité de Marbrume.

1Morgane Dussac détacha sa ceinture et la fit glisser d’un geste rapide, déchirant l’un des passants de sa jolie robe bleu de ciel. Elle leva le bras et asséna un coup sur le dos dénudé de Céleste. Puis un autre.
Et encore un autre.
Et encore.
Et encore.
Et encore.
Et encore.


Le cuir de la ceinture siffla et craqua sur la peau de la jeune femme un nombre incalculable de fois. Ne crie…Ne crie pas…C’est la seule façon que tu auras de gagner contre eux, s’ordonna-t-elle, en proie à une douleur sans nom. Mais Céleste pleura à chaque nouveau coup. Hurla à chaque nouvelle morsure. Elle avait l’impression que quelqu’un avait recouvert son dos et ses côtes de braises incandescentes.
Le Comte Lionel Dussac, jusqu’alors témoin silencieux de la scène, saisit le poignet de son épouse.

- Ne la tue pas, Morgane, souffla-t-il d’une voix sèche.
- L’aimez-vous ?

Silence.

- Lionel, l’aimez-vous ?!

Le Comte lâcha le frêle poignet. Aussitôt, les coups se remirent à pleuvoir sur le dos et le ventre de Céleste, dont les cris de douleur déchirèrent l’obscurité, sans qu’aucune aide ne lui soit jamais apportée. La haine de cette femme, que la jalousie attisait comme un feu dévorant, brisa son esprit, son âme et son corps si brutalement qu’elle tomba inconsciente sur le sol.

Le 05 juin 1158, Temple de la Trinité, Cité de Marbrume.

La vue du sang bouleversa le vieux Edwin. Tout autant que la nature et la gravité des blessures qu’il allait devoir soigner aujourd’hui. Le clerc guérisseur s’efforça pourtant de contenir au mieux son désarroi. Cette toute jeune femme, qu’il connaissait depuis qu’elle était venue au monde, avait besoin de lui plus que jamais. Alors, comme à son habitude, il nettoya ses plaies avec soin et douceur, car il imaginait non sans mal à quel point la douleur devait lui être insupportable.

- Pas un mot à votre père, j’imagine ? demanda-t-il en essorant un linge souillé de sang et de sueur.
- Pas un mot, répondit simplement Céleste, la gorge nouée.
- Pourquoi vous ne le laissez pas vous venir en aide ?

Un nouveau linge vint couvrir ses plaies et la jeune femme hurla de détresse, crispée sur le petit lit branlant. Elle s’accrocha fermement au cadre en bois, le souffle court et les yeux révulsés, tandis que la douleur rayonnait jusqu’au bout de ses doigts tremblants. A présent, elle ne voyait plus que gris, et dans ce gris, flottaient les yeux vert émeraude du clerc. Son parfum de menthe lui parvenait à travers l’air fétide de la pièce, semblable à un souffle de miséricorde. Sa douce présence lui rendait la force d’âme pour se relever. Une fois de plus.

- Il les tuera…Si je parle, il les tuera tous, murmura-t-elle à voix basse.

Le 28 août 1158, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

Rien n’égalera jamais l’émotion d’un homme se retrouvant pour la première fois, après quatre longues années d’absence, au lieu où il a toujours vécu. Pendant qu’il a changé, grandi, mûri, appris l’art de la guerre aux côtés des meilleurs, la nature, elle, est demeurée toujours la même et il n’a que ses souvenirs d’enfance pour se rappeler ce qu’il était, et se comparer à ce qu’il est devenu aujourd’hui : un homme adulte, raisonnable, intelligent, appelé à de grandes ambitions, comme ses frères ; Un homme courageux, résolu, prêt à faire couler le sang, y compris le sien, pour défendre son Roi et le peuple du Royaume de Langres. Edouard a changé. Dès la seconde où les yeux de Céleste ont croisé les siens, elle a vu dans son regard une lueur nouvelle, froide et calculatrice. Non pas nouvelle. Elle était là depuis le début. Mais elle ne l’avait simplement jamais cherchée dans les magnifiques yeux bleus, devenus gris, de son frère jumeau.

Le 03 septembre 1158, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

1- Fiche-moi la paix, Edouard ! le supplia Céleste en essayant de récupérer sa main qu’il tenait fermement.
- Hors de question ! Quoi que tu puisses en penser aujourd’hui, tu es toujours ma petite sœur. Tu vas me dire qui t’a fait cela, qui t’a blessé, qui t’a…S’arrêtant un court instant, il soupira, avant d’ajouter d’une voix plus assurée : Je vais le tuer.
- Ce n’était qu’un accident, je suis jus…
- Un accident ? Vraiment ? Toutes ces marques sur ta peau ? Tu me prends pour un idiot ?
l’interrompit Edouard, dont la colère transpirait à présent de chacun des pores de sa peau.
- Je t’en prie Edouard, ça suffit maintenant ! Renonce. Renonce s’il-te-plait !
- Qui est-ce ?! Par les Trois, Céleste, qui est-ce ?! Nos parents sont au courant au moins ?


Edouard eut à peine le temps de terminer sa phrase que la jeune femme bondit aussitôt sur lui et l’attrapa à la gorge pour ensuite venir le plaquer contre le mur du petit salon. Le regard de Céleste devint aussi sombre qu’une nuit sans lune et la colère déforma son visage constellé d’égratignures et de larmes. Tout son être irradiait à présent une haine, une méchanceté et une cruauté presque viscérales. Jamais elle n’avait ressenti pareille douleur. Pareille impuissance. Pareil vide. Dès cet instant, Edouard sut qu’il l’avait perdue.

- Alors comme ça, j’ai abordé un sujet à éviter ? Lâche-moi maintenant Céleste, tu me fais mal, articula le jeune homme avec difficulté à cause de la main qui se resserrait de plus en plus autour de son cou.

Portée par une colère qui faisait trembler tout son corps, Céleste augmenta la pression de ses doigts autour du cou de son frère jumeau. Dos au mur, Edouard monta lentement ses mains au niveau de celles de sa sœur pour essayer de décoller ses doigts fins de sa peau meurtrie, mais à son plus grand étonnement, il avait plutôt l’impression d’essayer de tordre l’acier d’une épée. N’arrivant plus à respirer correctement, il balaya les jambes de Céleste pour la précipiter au sol. L’impact coupa le souffle de la jeune femme tandis que le corps d’Edouard la couvrit complètement. Maintenant ses poignets au sol de chaque côté de sa tête, il cracha, avec mépris :

- Je rêve ou tu viens d’essayer de me tuer ?!
- Mais à quoi est-ce vous jouez tous les deux ?! hurla soudainement Auguste, qui venait d’entrer. Edouard, vas-tu lâcher ta sœur ?

Les jumeaux se relevèrent précipitamment, leur bagarre bien vite oubliée. Ils avaient l’air affolé, à présent.

- L’un de vous va-t-il m’expliquer ce qu’il se passe, ou je dois deviner tout seul pourquoi mes enfants sont en train de s'écorcher sous mon toit ?

Rien ne pèse autant qu’un secret. Pourtant, ce soir là, en dépit de l’insistance de son père, Edouard ne dit pas un mot de ce qui avait entraîné sa querelle avec sa sœur. Il se contenta d’embrasser le front de Céleste et de lui chuchoter quelques mots dans le creux de l’oreille. Cinq petits mots qui illuminèrent ses traits et firent briller ses yeux gris argent comme la lame d’une épée. Cinq petits mots qui changèrent tout, et qui firent tambouriner son cœur dans sa poitrine, si vite que le souffle lui manqua.

◈◈◈◈◈
◈◈◈


◈ Le mariage est un duo ou un duel. ◈

Le 7 mars 1162, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

- Jamais !
- Céleste, ça suffit maintenant !
- Jamais je n’épouserai cet homme, et vous ne pourrez m’y contraindre !
s’emporta la jeune femme.

Auguste se leva brusquement de sa chais le regard étincelant d’une coloère qu’elle ne lui connaissait pas en assénant un coup de poing rageur sur le bois de la table. La bouteille de vin se renversa sous le choc et se brisa. Tout le monde autour de la table se tut, y compris Edouard, qui brûlait pourtant de défendre les intérêts de sa petite soeur.

- Tu l’épouseras, Céleste ! Le sergent Sauveterre est resté veuf des années durant depuis la mort de sa première épouse, dans l’attente de rencontrer la femme qui saura le rendre heureux, lui et sa fille. Il t’aime Céleste, c’est toi qu’il veut. C'est toi qu'il désire. Uniquement toi. Ton frère a tout arrangé.
- Et tu sais mieux que personne qu’il est celui qui te convient,
ajouta Gildas en se levant à son tour. Tu auras bientôt vingt ans, tu es déjà une femme, et le moment est venu de songer à ton avenir.
- Non !
contesta de nouveau la jeune femme, les yeux emplis de larmes. Non !
- C’est mon dernier mot.


Le 2 juin 1162, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

Rodéric Sauveterre et Céleste Courtelame se marièrent aux prémices du mois de juin 1162, par une chaude et paisible après-midi de printemps. A l’ombre des murs du Temple de la Trinité, bercés par les couleurs chatoyantes des vitraux et le chant puissant des clercs, ils se jurèrent un amour et une loyauté éternels, tandis qu’un ruban gris de perle retenait délicatement leurs mains liées.
La cérémonie de mariage et la fête qui en découla se déroulèrent sans fastes, mais avec beaucoup de joie dans les esprits et les cœurs. La seule ombre au tableau fût le silence obstiné qu’observa Céleste et qui ne manqua pas de profondément embarrasser Auguste, bien trop soucieux en ce jour de l’image que sa fille donnait des Courtelame aux invités. Mais la gaité de Rodéric, palpable, sincère et communicative, dissipa bien vite ce nuage dans le cœur de son mentor, mais également dans celui de son épouse, dont l’éclat des yeux brillait comme deux petites étoiles au milieu de sa souffrance.

Le 9 juin 1162, Bourg-Levant, Cité de Marbrume.

- Je ne te forcerai pas à faire une chose pour laquelle tu n’es pas prête, murmura Rodéric à l’attention de Céleste. Ni maintenant, ni jamais. Alors inutile de te tracasser, ajouta-t-il d’une façon presque désinvolte, alors que son regard brûlait d’une flamme intense. Ta famille pense le mariage consommé. J’ai une merveilleuse petite fille et à présent, je t’ai toi. C’est tout ce qui compte à mes yeux.

Le silence retomba dans la chambre aux grands rideaux bleus. Céleste dévisagea longuement son époux, s’appropriant peu à peu ces paroles inattendues, cherchant à se persuader que c’est là tout ce qu’elle avait toujours désiré entendre, et qu’à présent, ce serait plus facile pour elle. Pour eux deux. Eux trois. Mais elle ne pouvait pas ignorer le sentiment de culpabilité qui l’avait ensuite envahi lorsque Rodéric s’était détourné d’elle pour aller s’occuper de sa petite fille, Iris. Il n’était en aucun cas responsable de cette situation. C’était un ami de la famille, un homme bon par nature, qui connaissait son devoir. Bien qu’elle lui refuse obstinément la couche depuis le premier jour de leur mariage, il était doux et tendre avec elle. Rodéric comprenait, s’en accommodait, même s’il ne pouvait s’empêcher d’en concevoir une certaine amertume. Il n’avait pourtant de cesse de la rassurer, de la calmer. Céleste se sentait bien auprès de lui, en confiance ; malgré lui, il lui apportait une parenthèse douce dans sa vie trépidante.

◈◈◈◈◈
◈◈◈


◈ Qui verse le sang de l'homme, par l'homme aura son sang versé. ◈

De Juillet 1164 à Décembre 1164, Cité de Marbrume.

1L’apparition de la Fange bouleversa la vie du peuple du Royaume de Langres en le précipitant peu à peu dans le chaos, l’effroi et le deuil. Y compris Céleste. Elle vivait à présent une terreur permanente, tenaillante, sans trop savoir si elle craignait davantage ces monstres qui rôdaient aux portes de la Cité que les sévices que lui infligeaient quotidiennement les membres de la famille Dussac. Elle ne cessait de trembler. Pour sa famille, pour le peuple du Royaume, pour elle. Elle pleurait parfois la nuit, quand l’incertitude du sort des siens la tenait éveillée jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Pourtant, elle reconnaissait avec une certaine honte que cette nouvelle lutte contre la mort avait donné, non pas un sens à sa vie, mais plutôt une profondeur qu’elle n’aurait jusqu’alors jamais soupçonnée. Tout lui semblait plus…appréciable, plus réel, mais aussi plus fugace. Et curieusement, cette éphémérité lui permettait à présent de goûter au bonheur des choses simples et faciles dont elle ne souhaitait ni ne pouvait goûter la saveur jusqu’à ce jour. Elle avait désormais une conscience aigüe de la préciosité de l’instant présent. Toutes ses émotions s’en trouvaient...exacerbées.

Le 16 avril 1167, Domaine des Dussac, Cité de Marbrume.

Le regard dans le vague, Céleste crispa ses doigts ensanglantés autour du manche en bois de sa hache.
A ses pieds se trouvaient quatre amas informes de chair rouge et violacée, allongés sur un joli tapis brodé et baigné d’un liquide opaque, granuleux. Un mélange de sang, de tripes, de peau et de cheveux, qui avait aussi éclaboussé sur les murs, les fenêtres, le sol et même sur la pierre auparavant immaculée de la cheminée. Une violente odeur de sang flottait dans l’air, ainsi qu’une sensation étrange, comme si les quatre murs du petit salon avaient conservé les hurlements du calvaires auquel ils venaient tout juste d’assister.
Le Conte Dussac, son épouse et leurs deux plus jeunes enfants avaient été méticuleusement torturés et mutilés. On leur avait crevé les yeux, avant de leur ouvrir le ventre de haut en bas, pour en extirper les tripes et les éparpiller tout autour. Chacune des plaies étaient profondes. Les coups avaient été violents, incontrôlés.

Le 19 avril 1167, marécages entre Marbrume et Manerbes.

Le souffle court, Céleste se pencha, tout en serrant de ses deux mains la haute branche du vieux saule sur lequel elle venait de se réfugier. Les loups tournèrent pendant plusieurs heures autour de l’arbre, hurlant à la lune, grognant sans discontinuer, furieux sans doute de voir leur proie leur échapper après l’avoir traqué pendant si longtemps dans les marais. Puis, au milieu de la nuit, ils cédèrent leur place à un petit groupe de Fangeux, qui rôdaient à présent comme des bêtes sans âme sous le couvert des arbres.
Ils savaient. Ils savaient qu’elle était là, perchée à plusieurs mètres du sol, affaiblie et brisée.
Céleste toussa. Elle était transie de froid. Ses chausses et sa cape étaient trempées ; elle n’était vêtue que d’une simple robe en lin, et la branche d’arbre, couverte de mousse, était froide et humide. A plusieurs reprises, elle fût prise de quintes de toux tenaces qui manquèrent par moment de lui faire lâcher prise. La fièvre lui brûlait la gorge et la faisait claquer des dents ; un douloureux cauchemar acheva de vaincre ses forces. Et tandis que le soleil perçait l’horizon à l’est, elle bascula dans le vide.


Derrière l'écran


Certifiez-vous avoir au moins 18 ans ? Depuis de nombreuses années déjà...

Comment avez-vous trouvé le forum ? Je suis l'un de ses anciens membres. Après une absence de deux ans et un ami convainquant, je suis de retour avec un nouveau personnage, pour pleinement me réapproprier l'univers (et ses nombreuses évolutions depuis).

Vos premières impressions ? Comme la première fois...RAH.

Des questions ou des suggestions ? Ca viendra...ou pas.

Souhaitez-vous avoir accès à la zone 18+ ? Oui.



Dernière édition par Céleste Courtelame le Ven 14 Jan 2022 - 22:09, édité 255 fois
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Desmond de Rochemont
Desmond de Rochemont



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 13:40
Salut,

Bienvenue à toi (de nouveau) et bon courage pour ta fiche.

A bientôt
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https://marbrume.forumactif.com/t5332-desmond-de-rochemont-carri
Rosen de SombreboisBaronne
Rosen de Sombrebois



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 13:44
Bon retour parmi nous ! :)
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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 13:46
Re-bienvenue officiellement du coup ! Et bon courage pour la fiche Wink
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Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 17:58
Re bienvenue à toi!

Comme je t'ai dit, je suis trèèès content de te revoir ici!

Alors bon courage pour cette fiche, et tu sais où me trouver!
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InvitéInvité
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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 18:53
Re-bienvenue même si déjà dit sur la CB ! Chouettes avatars. Je vois qu’ils ont tous la maladie du cuir chevelu blanc façon Witcher tongue (Ce qui est bien entendu non naturel & commun à Marbrume.)
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Cécilia ValclairChasseuse
Cécilia Valclair



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyMar 12 Oct 2021 - 20:18
Bon retour sur le forum !
J'adore beaucoup ton ava, elle est tellement mignonnement cute Razz
hihihi

Bon courage pour ta fiche !
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Morgred PêcheurPêcheur
Morgred Pêcheur



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyLun 18 Oct 2021 - 7:26
Quelle honte, je viens de réaliser que je n'étais pas venu te souhaiter officiellement la bienvenue !
Alors, avec du retard : bienvenue, Céleste !

Pas trop de pression sur la prez', hein Wink
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InvitéInvité
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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptySam 30 Oct 2021 - 16:27
Oh tiens, j'ai le droit de passer ici maintenant et de :pompom:
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Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



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MessageSujet: Re: Céleste Courtelame [Validée]   Céleste Courtelame [Validée] EmptyDim 16 Jan 2022 - 23:23
Comme je l'attendais, ta fiche est impeccable, bien travaillée! On voit tout le mal que tu t'es donné pour nous sortir un truc aux petits oignons, jusqu'aux petites images!

J'ai rien à redire, comme prévu, alors ta couleur arrive, ta carrière est ici!

Et je te souhaite la re-bienvenue ici! Je te fais pas le tour du proprio, tu connais la maison Wink

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