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 [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament

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Darine de Crèvecoeur
Darine de Crèvecoeur



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyDim 20 Fév 2022 - 19:49
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




L’élan qu’il prenait prudemment pour les faire redescendre la laissa à bout de souffle. Elle n’aurait jamais pensé être capable d’enlacer un homme avec autant de force et elle avait clos les yeux afin de ne pas voir le sol qui se rapprochait au fur et à mesure de leur descente. Dès que ses pieds retrouvèrent la stabilité du sol, elle mit un moment avant de se détacher de l’archer. Au travers de son masque mystique, sa respiration s’écourtait. Elle ne remarqua qu’à cet instant, étrangement, l’œil borgne et constater cette tare ramena la sensation de vertige. Comment avait-elle pu ignorer ce détail ? Autour d’eux, les éclats de voix des miliciens éloignèrent sa stupeur et, très lentement, elle se détourna vers le carnage que l’on tentait de déblayer. On osait à peine approcher le monstre dont la carcasse apathique ressemblait à une statue étrange. Du sang avait été projeté aux alentours ; les projections dessinaient une toile abstraite sur les murs et contre le dallage grossier du passage.

Bientôt, sa main trouva un chemin vers celle de Théophile et elle la saisit avec délicatesse. Pignon les avait lâchés maintenant qu’ils étaient au sol. L’effervescence, le soulagement et le deuil donnaient à l’atmosphère une tension étrange ; on ne ferait plus attention à eux avant moment. Il y avait des regards hagards, des gestes mécaniques, des lèvres qui tremblaient. La férocité d’un tel incident laissa des marques vivides et indélébiles dans les esprits. Elle avait besoin d’égarer le sien loin de cette tourmente et les paroles de Castaing ressurgirent dans sa mémoire.

« La carte.. » soupira-t-elle alors qu’ils prenaient la direction de l’intérieur de la caserne. « C’était le Jugement. »

L’ombre des murs de la caserne les enveloppèrent dès qu’ils franchirent la porte. Bientôt les rumeurs de l’extérieur laissèrent place à un silence macabre. Finalement, elle marqua une pause en plein milieu de la cantine plongée dans la pénombre. Quelques bruits de bottes martelaient la tranquillité sordide des lieux, signe que l’on s’agitait encore – quelque part, pour remettre de l’ordre. Deux soldats passèrent au pas de course entre les tablées vides et elle avisa une porte dérobée vers les cuisines où elle entraîna le veuf. A l’abri de l’agitation, entre les casseroles suspendues et les odeurs de fumée froides, elle libéra sa main afin de porter les siennes à son attrape-rêve. Les chaînes qui striaient sa figure se déformèrent au moment de les relever pour s’en libérer. Au travers d’une fenêtre, un rayon de lumière se hissait péniblement dans les airs et frappait leurs figures. Celle de Darine venait d’être révélée. Un nez long et fin, des pommettes hautes ; des joues tendres où l’ombre de fossettes apparaissaient timidement. Elle avait un grand front sur lequel la sueur avait collé des mèches sombres.

« C’est à cause de cette carte que je préfère me cacher » expliqua-t-elle.

Les goûts et les couleurs se discutaient rarement, mais Darine de Crèvecoeur avait du succès auprès des hommes ; sa propre mère en avait fait un atout dans l’espoir de l’élever socialement et cet atout s’était métamorphosé en malédiction. Elle préférait les voiles et les masques pour officier, pour se cacher des regards et épouser la pudeur inspirée par Rikni.

« Je dois vous remercier, vous m’avez probablement évité un trépas certain. »

Un bruit la fit tressaillir. Ce n’était qu’un rat qui venait de se faufiler entre deux ustensiles. Le calme retomba rapidement et elle ne sut pourquoi sa main fut attirée vers lui. Son pouce épousa la paupière inférieure de l’œil aveugle. Après une caresse qui exprimait sa curiosité ; elle parla doucement :

« Comment avez-vous perdu votre œil ? »

Quelque chose avait sommeillé en elle trop longtemps. Elle avait attendu ce signe de la part des dieux et elle souhaitait s’ouvrir au monde désormais. Elle souhaitait que Théophile lui montre tout. L’horreur qui s’était imprégnée dans sa poitrine ne partirait plus jamais.


© Laueee



Dernière édition par Darine de Crèvecoeur le Lun 21 Fév 2022 - 21:37, édité 1 fois
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyLun 21 Fév 2022 - 18:22
Le calme relatif des hauteurs se termina lorsque Soeur Darine et Théophile mirent tous deux pied à terre sur le chemin de ronde. Le milicien remarqua bien que la prêtresse ne s'était pas remise de ses émotions. Pire, se retrouver plus proche du lieu de carnage semblait la plonger dans un état de choc encore plus profond. La confirmation lui vint alors qu'elle lui expliqua ce que signifiait la carte qu'elle avait tiré pour elle, tout en le guidant à sa suite vers un endroit à l'abri de l'agitation ambiante.
Jamais elle n'aurait dû avoir à assister à cette horreur. Son âme était entachée de la mort et de la fange, au même titre que bien trop d'autres. Même si la haine qu'il ressentait envers ces créatures s'était quelque peu calmée avec le temps, ces moments avaient tendance à la réveiller. L'injustice que revêtaient ces scènes auxquelles la population n'aurait jamais dû être mêlée était amère. Lui, le soldat, s'était engagé dans ce but. C'est lui qui devait subir pour que eux puissent dormir sur leurs deux oreilles. Sauf que la fange n'en avait strictement rien à foutre de tout ça !

Le bruit des chaînes de Darine fut un doux carillon qui apaisa ses ruminations. Sa pupille intacte observa attentivement ce qui se révéla. L'homme ne pouvait être que subjugué par la beauté qu'on lui montrait. Ces pommettes qu'il avait effleuré, il désirait à nouveau les parcourir, mais plus seulement du bout des doigts.
Alors, quand pour la quatrième fois, la jolie jeune femme rapprocha son corps du siens, il sut qu'il devait l'arrêter. Elle avait beau lui confesser qu'elle souhaitait se cacher, ses actes criaient le contraire. Et Théo ne serait pas ce fils de salaud qui abuserait d'elle, alors qu'elle était clairement perdue.

Le borgne saisit le poignet de la jeune femme et porta sa main devant sa bouche. Il la fixa intensément par-dessus.

«  Je vous l'ai déjà dit Soeur Darine, si vous jouez avec le feu, vous allez vous brûler. »


Puis il déposa ses lèvres sur les phalanges délicates face à lui, sans cesser une seconde de l'observer. Il ne s'agissait pas d'un simple baisemain. Non... le milicien resta quelques secondes de trop pour que ce soit anodin
Alors qu'il restait soudé à sa peau, son esprit se projetait. Il se voyait remonter les frêles bras dans une ligne de baisers lascifs, découvrant la saveur de sa compagne. Il l'imaginait facilement le goût d’encens et de rose mêlés qu’il avait cru sentir en début de séance, encore un peu plus fort alors qu'il s'arrêterait dans le creux de son cou.

Avant que ses pensées ne se réalisent, il relâcha la douce main. Son iris était certainement dilatée, alors qu'il sentait que son bas-ventre ne resterait pas insensible à d'autres errements.

« Vous ne devriez pas vous approcher autant d'un homme. Partez du principe que vous ne pouvez pas nous faire aussi facilement confiance, aucun d'entre nous, à moins d'avoir trouvé celui qui vous mérite. »


Théophile s'incluait dans le lot sans aucun remord. Si elle n'avait pas été si jeune, et si innocente, il se serait déjà emparé de ses lèvres depuis longtemps, depuis la première fois où elle les avait mis à sa portée.

Se détachant d'elle pour ne pas éprouver plus que de raison ses hormones, il se mit à ses côtés, dans une position qu'il maîtrisait parfaitement. Dos contre le mur, un genou et un pied relevé, il observa nonchalamment la petite cuisine. C'était beaucoup plus simple que de regarder Darine et ne pas se laisser tenter. Il lâcha un rire, le visage plus détendu.

« J'aimerais vous raconter une histoire héroïque, mais ce n'est pas le cas. C'était un accident, bête et méchant. »

Autant il détestait qu'on le ramène à sa condition, autant parler de ce qui l'avait provoqué ne le dérangeait plus tant. Surtout qu'il ne lui semblait entendre aucun jugement, aucune curiosité malsaine dans la requête de sa compagne. Juste un désir sincère de savoir.

« J'avais presque sept ans, et ma mère était enceinte de mon frère. Le froid tombait et j'ai voulu lui apporter une couverture. Il y en avait plusieurs dans la maison mais la seule à laquelle j'ai pensé était en hauteur. En la tirant, j'ai aussi fait tomber une décoction qui s'est renversée sur mon oeil. En m'entendant crier, ma mère s'est précipitée et a nettoyé aussi bien qu'elle pouvait. Elle n'aurait pas pu sauver ma vue, mais au moins je n'ai pas besoin d'un oeil de verre ou d'un cache, les Dieux en soient loués ! Bref comme je vous le disais rien d'héroïque. Une bêtise de plus à mon palmarès. »

Cela avait pris du temps pour que l’incident soit derrière eux. Sa mère avait de ce jour abandonné son envie de devenir guérisseuse, se contentant de son travail d’herboriste. Théophile avait mis longtemps avant de ne plus se sentir coupable. Jusqu’à ce que son père lui sorte un de ses éternel « grand couillon » quand il le lui avoua. Un rictus réjouit s’épanouit sur son visage en se rappelant ce moment où il comprit que jamais ses parents ne l'avait tenu pour responsable.
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Darine de Crèvecoeur
Darine de Crèvecoeur



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyLun 21 Fév 2022 - 20:27
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




Un feu invisible courait le long des phalanges d’une prêtresse au regard trouble. Elle avait ramené la main qu’il avait baisé derrière son dos, pour en cacher la fébrilité évidente ; elle qui n’avait jamais connu un contact aussi rapproché avec un homme, avait été surprise par l’audace de Théophile. L’éducation aristocratique de la jeune brune lui avait enseigné que les hommes bien-nés savaient se tenir ; si sa mère l’avait mise en garde contre les relations charnelles, particulièrement celles consommées hors mariage, si les principes du Temple lui avaient enseigné la pudeur, elle avait enregistré ces valeurs comme acquises chez tous les hommes. S’il y avait eu une carte de divination pour représenter la naïveté, nul doute que la figure de Darine aurait figuré dessus.

L’explication sur l’œil invalide balaya son trouble et lui permit de retrouver terre, une nouvelle fois.

« Et…. »

Elle laissa échapper un sourire bien malgré elle.

« Comment va votre frère ? »

Elle se moquait, du moins, ses yeux s’étaient mis à rire pour évacuer les images sanglantes imprimées dans ses rétines fragiles. La bêtise n’aurait pas eu l’audace de pousser cette pauvre à perdre les eaux prématurément. Alors que son sourire s’éteignait, ses pensées dérivèrent jusqu’aux marches du Royaume de Langres, bien avant l’avènement de la Fange, lorsqu’elle était encore la fille d’un Duc et que ses frères la choyaient plus que de raison. Combien de bêtises n’avaient-ils pas commises en sa présence ? Combien de fois ne lui avaient-ils pas fait promettre de ne rien dire, malgré les traces physiques que pouvaient laisser leurs méfaits ? La naissance ou le statut social n’empêchaient pas les enfants d’être des enfants. Darine secoua doucement la tête et puisa une profonde inspiration dans ses entrailles encore retournées par l’émotion.

« J’aimerais pouvoir m’approcher de qui je veux, sans craindre quoi que ce soit. Apprenez-moi à tirer à l’arc. » souffla-t-elle en retrouvant le chemin de son regard. Sa main refit surface et elle la tendit pour effleurer les plumes des rares flèches restantes dans le carcan. Elle se remémorait la moue de l’officier qui l’avait surprise en plein milieu du corridor, tenant maladroite un arc en main, de sa raillerie condescendante. Elle servait Rikni, et les enseignements de cette dernière menaient aux armes. Si son genre lui niait le droit de se battre, d’avoir sa place sur un champ de bataille, elle souhaitait savoir. Elle avait besoin d’éprouver ses limites afin de pousser sa spiritualité à un meilleur éveil. Elle voulait éprouver la douleur dans les muscles que l’on bandait.

« Et je vous aiderai à retrouver votre épouse. Nous ne sommes pas obligés d’affronter la Fange. Si elle a survécu et qu’elle s’est réfugiée à Marbume comme des milliers avec elle, elle se serait perdue dans l’anonymat. Mais au Temple nous avons recueilli tant de personnes. Les Archives sont loin d’être précises, à cause des évènements, mais je peux interroger, je peux interroger chaque jour tous ceux et toutes celles qui viennent, il suffit de me la décrire, de me donner des détails qui pourraient faire la différence, éveiller un souvenir chez quelqu’un qui aurait pu la croiser. Peut-être, d’abord me donner le nom de votre village, s’il y a le moindre rescapé, il ou elle saura peut-être quelque chose. »

Finalement, elle se rapprocha du feu. Pas celui qui couvait dans les êtres servant à cuire la nourriture, mais celui qui avait l’apparence de Théophile Castaing. Elle outrepassa l’avertissement, comme si les dieux lui offraient ce droit et la drapait d’un bouclier invisible.

« Laissez-moi vous aider, comme vous m’avez aidé. Je suis au service des dieux et ces derniers m’ont menée à vous aujourd’hui, au moment où votre foi déclinait. Je dois partir du principe qu’il ne faut pas vous faire confiance, mais vous, quel principe vous empêcherait de m’accorder votre confiance ? »


© Laueee

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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyMar 22 Fév 2022 - 20:17
« Mon frère ? Il se porte comme un charme ! »

L’archer ne comprit pas pourquoi Soeur Darine lui posait cette question. Mais depuis qu’il l’avait rencontrée le matin, Théophile avait bien compris qu’il n’était pas toujours facile de suivre le fil de ses pensées. Comme pour le plupart des femmes en fait. D’ailleurs, d’où lui sortait cette idée d’apprendre à tirer à l’arc ?

Surveillant du coin de l’oeil, l’archer laissa Darine jouer avec ses flèches. Mais il ne pouvait nier que la demande l’interpelait. Il voyait mal comment une femme qui avait voué sa vie aux Dieux et à leur parole pouvait vouloir se battre. Ce n'était pas son terrain. Pour autant, ce n'était pas à lui de juger. Si elle souhaitait apprendre à manier les armes, il ne serait pas celui qui viendrait y remédier.

Sauf que quand elle se mit à parler d'Alice, son esprit se ferma. Ce qu'elle sous-entendait, il ne pouvait pas l'entendre. Si elle a survécu ? Si elle a trouvé refuge à Marbrume ? Voir avec des rescapés ? Cette femme ! Une prêtresse ! Comment pouvait-elle en parler avec autant d’insouciance ?!

Le milicien la cloua contre le mur et s’approcha suffisamment d’elle pour qu’elle sente son corps. Il colla son nez contre le sien, et sa voix descendit d’un ton.

« Savez-vous à quel point il serait aisé que je prenne votre innocence, ici-même, sans que personne ne vienne à votre secours ? Ce n'est pas l'arc qui vous aidera. Et ce n'est pas moi qu'il vous faut...quoi que vous cherchiez... »

A chaque mot, leurs lèvres se frôlaient puis l’archer posa son front contre celui de Soeur Darine. Qu'était-il en train de faire ? Pourquoi fallait-il qu'elle remue ces choses en lui ? Ne pas réfléchir à ce qu'il avait perdu lui allait très bien jusque là. Elle ne pouvait pas l'entraîner sur cette pente. Il inspira profondément et ferma les yeux.

« Si elle était vraiment ici, elle m’aurait retrouvé, je le sais. Et même si elle était en vie, ailleurs, elle m’aurait trouvé aussi. C’est elle qui sait toujours quelle est la bonne chose à faire, depuis toujours. Je ne peux pas...Ne rallumez pas la flamme de l’espoir, s’il vous plait. Je ne supporterais pas de la perdre une deuxième fois... »

Aucune autre explication n'était possible. Il était intimement persuadé de ce qu'il disait. Alice était la plus forte et la plus maline d'eux deux. Elle avait toujours su le trouver, peu importait la cachette qu’il réussissait à se dégoter. Toujours. Sauf qu'en le disant à voix haute, il se rendit compte qu'il n'avait fait aucun effort. Inconsciemment, il s'était encore déchargé sur elle, sa Douce. Fidèle dans son soutien depuis tant d'années, elle n'avait jamais failli.

« Théo »

Cette voix…. Alice ! Le milicien tourna la tête à droite, l’éloignant du visage de Darine. Puis la voix revint, derrière son oreille gauche.

«  Est-ce que tu as envisagé toutes les possibilités ? »

Non, on lui avait asséné que Alice était morte. Al n'avait parlé que du cri et de l'avertissement de sa belle-soeur, et Théo ne lui en avait jamais demandé plus. L'urgence avait prit le pas, puis la résignation. Pourtant sans témoins, quelles étaient-elles, ces fameuses possibilités ? La mort, la renaissance dans la fange, une morsure, ou une fuite. Celle qui lui filait des cauchemars étaient que la plus douce des femmes ce soit transformée en créature du mal. Mais, si elle avait juste été mordue, ou si elle avait réussi à s'en sortir saine et sauve ? Qu'elle était coincée quelque part, incapable de l'atteindre ?

Le murmure s’était tu, comme si il avait seulement été un signe des Dieux pour qu’il entrevoit la solution de leur envoyée comme possible.

Il finit par soupirer, vaincu.

« Mais je ne suis pas ce lâche qui refuserait de la chercher par peur. Même si ça doit me mener à la folie...»

Les chances que le dénouement soit positif étaient si fines, qu'il pourrait passer des années dans sa folle chasse. Maintenant que la graine du doute était semée, il serait difficile de s’en défaire.

Le milicien relâcha Darine et reprit sa place initiale, à la seule différence qu'il se tenait la tête des deux mains. Seul un faible sourire, indiquait que la parenthèse était terminée. Sa colère, aussi brusque qu'inhabituelle, s'en était allée, ne laissant que de la lassitude.

« Par les Dieux ! Vous voyez bien, sans elle je fais n'importe quoi...j'aurais pu faire tout ça bien avant...Je ne suis qu'un crétin sans nom...Veuillez m'excuser Soeur Darine si je vous ai fait peur. »

Sur ces derniers mots, il tourna son visage vers elle pour qu'elle puisse attester de l'authenticité de ses excuses et vérifier l’état dans lequel il avait laissé celle qui avait seulement tenté de lui apporter son aide.
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Darine de Crèvecoeur
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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyDim 27 Fév 2022 - 18:56
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




Darine demeurait dos contre le mur, incapable de s’en détacher. Son souffle court fuyait de ses lèvres entrouvertes. Théophile s’était montré menaçant, assez pour la terrifier, mais trop peu pour qu’elle ne se sentît pas vivante au contact fugace de leurs corps et au frôlement de leurs bouches. Elle avait à peine eu le temps d’une réaction, aussi piégée qu’une hirondelle à la sortie du printemps. Elle se savait vulnérable. Sa capacité à additionner deux et deux éloignait le spectre du déni : elle était pertinemment au courant de sa faiblesse. Celle d’être une femme, en premier lieu, et une érudite en seconde lieu. Ses seules armes étaient ses charmes et ses connaissances, peut-être sa relative richesse issue de son sang bleu. Ses yeux accrochèrent enfin ceux de l’archer, puis le silence se prolongea.



Finalement, un nerf réagit quelque part dans son corps, l’incita à se décrocher de ce mur froid. Ses pas l’éloignèrent de Castaing, elle contourna une large table centrale qui servait de plan de travail. Les nombreux ustensiles et aliments en suspensions occultèrent une partie de sa silhouette. Son beau visage retourna aux mystères des ombres. Malgré la distance, il put l’entendre parler tandis qu’elle le contemplait entre deux casseroles ballotées par le passage délicats de ses doigts contre leur cuivre.

« Je peux vous aider, contre la folie, aussi » annonça-t-elle d’une voix neutre, malgré son cœur battant dans sa poitrine. Enfin, sa ronde le ramena à lui, tout près de lui, bien qu’elle gardât ce mètre entre eux, par prudence et à la fois par goût du risque. D’une fenêtre haute, la lumière du jour jetait sur leurs silhouettes une poussière jaunâtre qui renforçait l’ambre des prunelles de Crèvecoeur. « Ce n’est pas vous qu’il me faut et je ne cherche rien d’autre que votre salut, mais. Peut-être que je suis celle qu’il vous faut, pour cette quête, parce que vous cherchez désespérément des réponses. »

Une de ses mains fébriles s’approcha et effleura les phalanges du milicien. Le geste était semblable à un mouvement ensorceleur, mais elle se ravisa bien vite et se détourna.

« Et ravir mon innocence ne vous en apportera aucune. » trancha-t-elle avec l’autorité des aristocrates, le ton hautain vibrant dans l’air des cuisines endormies. Quelque part, elle lui tenait rancœur pour sa brusquerie. Elle n’avait jamais particulièrement tenu à cette innocence qu’elle portait davantage comme une malédiction ; conserver sa virginité n’était pas un soulagement, mais une forme d’enchaînement à des ambitions maternelles auxquelles, elle n’adhérait pas. Elle avait grandi entourée d’hommes, de ses frères adorés, et avait toujours souhaité se joindre à eux, dans leurs éternelles bêtises comme dans leurs activités plus solennelles. Être une femme et une pucelle avaient représenté des obstacles frustrants auxquels elle s’était pliée par obéissance et par accoutumance. Quand, enfin, elle avait accepté les devoirs qui lui incombaient : se marier, enfanter, le destin l’avait privé de ce qui faisait l’essence même d’une femme. Elle n’était donc rien et cette insignifiance l’avait conduite au Temple, seul endroit où elle pourrait être utile, seul lieu où on lui accordait un semblant de valeur. Mais dans le monde séculier, fait d’hommes et de femmes, elle n’était qu’un corps invisible : elle ne pouvait ni se battre, ni enfanter. Qu’importait dès lors, d’être vierge.

« Je ne vous mentirai pas, vous m’avez fait peur. »

Elle ne tenait pas à sa virginité, mais elle ne souhaitait pas particulièrement la perdre dans la violence et la brutalité. Elle n’avait aucun moyen de se défendre contre une agression et l’espace d’une seconde, il l’avait terrifié.

« Si vous souhaitez refuser ma présence à vos côtés et débuter votre quête seul, il suffit de me le signifier avec des mots et non des gestes. » expliqua-t-elle en tentant de cacher son amertume et sa déception. « Je retournerai au Temple, vous ne me verrez plus jamais, et je prierai pour votre réussite. »

Qu’il la repoussât ferait s’effondrer les minces espoirs qu’elle gardait à propos de Lantsov de Crèvecoeur. Si Théophile retrouvait ne serait-ce qu’une trace de son épouse perdue, Darine aurait droit à sa quête également pour le retour d’un être cher. Qu’il la renvoyât au Temple, et elle demeurerait dans l’ombre des prières et à la merci des prétendants que sa mère ne cessait de lui envoyer pour un destin plus funeste encore, car qu’adviendrait-il si l’un d’entre eux la mariait et se rendait compte que la fleur qu’elle était n’offrirait jamais de fruits. A quelle violence cette déception la soumettrait ?



© Laueee

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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyLun 28 Fév 2022 - 18:08
Soeur Darine s’était éloignée de lui, rien de choquant après la façon dont il s’était conduit. Un vrai mufle. Pire, un enfoiré. Théo comprenait bien qu'elle veuille rester éloignée, les yeux reflétant la peur et la stupeur, mais aussi quelque chose d'autre. Une certaine flamme, qu'il avait senti dans les gestes de la jeune prêtresse et dont il avait attisé le brasier. En un tout autre lieu, et tout autre temps, il aurait été ravi d'avoir suscité cet émoi. Il ne pouvait le nier, il aimait ça. Sans jamais aller plus loin avec les bourgeons prêts à éclore, cette douce tension qui naissait entre deux corps, entre deux âmes, le nourrissait. Les cicatrices laissées par la solitude avaient besoin de ce baume.
Lorsque la prêtresse revint vers lui, l'effleurant, il savait que cet énième rapprochement cachait un sentiment qu'elle même ne devait pas comprendre. Et lui ne pouvait en profiter plus, effleurer ses lèvres était proche de la limite qu'il s'imposait. Surtout quand elle lui confirmait la peur qu'elle avait ressentie quant à ses gestes brutaux.

« Je ne l’aurais jamais fait. J’ai simplement voulu...je ne sais pas trop...vous faire aussi peur que vos mots m’ont foutu les chocottes ? Mais jamais je ne ferais parti de ces enfoirés qui forcent une femme, encore moins quand elle n’a pas connu l’amour. Encore une fois, je vous prie de m’excuser si vous le pouvez. »


Mais le pourrait-elle, sans comprendre elle-même ce qui se jouait entre eux exactement ? Et puis, avant qu'elle ne se lance avec lui dans cette quête, il lui devait des explications. Elle devait savoir pourquoi ça le mettait dans un tel état. En tous cas, si elle comprenait ce que le borgne allait lui dire, car sa cervelle était en vrac.

« Alice...ma femme...c’est difficile pour moi. Je ne me suis toujours rendu compte que trop tard de l’importance qu’elle avait pour moi vous savez. Si elle ne m’avait pas poussé, je n’aurais jamais compris qu’elle était la seule pour moi et qu’elle était celle que je devais épouser. Et quand elle n’était plus là, j’ai compris à quel point je l’aimais et qu’elle représentait une partie si importante de ma vie. »

Il se souvenait encore le jour où Alice lui avait proposé de l'épouser. A cette époque, elle était sa fidèle amie, aussi chère à son cœur qu'un membre de sa famille, mais jamais il ne l'avait regardé comme une femme. Jusqu'à ce qu'elle lui en fasse la remarque ce jour-là. Le jeune homme l’avait regardé comme si une corne avait poussé entre ses yeux.
Théophile avait mis plusieurs semaines pour se rendre à l'évidence. Il s'était éloigné d'elle, l'observant de loin. Petit à petit, il avait essayé de la voir tel qu'un étranger l'aurait vu. Et il comprit qu'elle avait raison. Il n'y avait qu'elle qui savait le captiver ainsi, comme si elle était le papillon le plus flamboyant dans un monde terne. Toujours son regard était attiré par ses yeux pétillants, son sourire aimable et la douceur qui se dégageait du moindre de ses pores.
Ce qu'elle avait trouvé en lui, ça par contre, il avait toujours eu du mal à le comprendre. Sa Douce avait beau le réconforter, il n'avait jamais pu perdre ce sentiment de puiser en elle sans jamais rien lui donner en retour.

« Vos mots, ils m’ont fait comprendre qu’encore une fois je ne la mérite pas. Elle m’a toujours soutenu et maintenant qu’elle a peut-être besoin de moi quelque part, peut-être depuis des mois, je suis là, à me lamenter sur son absence. »

Il soupira, fermant les yeux un instant. Ses entrailles se tordaient devant toute cette vérité qui lui pendait au nez. Soeur Darine ne lui avait rien dit qu'il n'aurait pu deviner seul. Et pourtant, il avait fallu le concours de plusieurs prêtresses pour le mettre face à ses responsabilités. Soeur Gudrun en premier. D'ailleurs elle lui balancerait probablement un "je vous l'avais bien dit". Puis Soeur Darine, envoyée de Rikni, venue le sortir de sa tourmente.
Désormais, il se rendait totalement compte du mensonge dans lequel il vivait. Toutes ces femmes qu'il avait honoré, aucune d'entre elles n'était Alice, aucune ne pourrait combler son absence. Malgré tout, il se savait faible. La solitude était bien trop effrayante pour qu'il ne cesse de se noyer dans la luxure. L'euphorie de l'extase était bien trop addictive pour qu'il ne cesse de l'embrasser de toute son âme. Alors le milicien devrait vivre dans cette contradiction, ne pouvant se défaire d'une vérité comme de l'autre.

« Honnêtement, je ne sais pas ce que vous gagnez à aider un soldat comme moi dans cette quête insensée. Mais clairement vous êtes plus lucide que moi, alors oui, j’aurais besoin de vous. »

Un soldat, oui. Il était peut-être milicien désormais, mais le serment qu’il avait fait à l’ancien Roi était toujours présent en lui. S’engager, ce n’était pas un choix fait par dépit après que le monde s’écroule. C’était la suite logique de ce qu’il avait toujours été. Son père lui avait transmis le sens de l’honneur, un héritage qu'il perpétuait avec fierté.

Ce que la belle jeune femme pourrait trouver d’intéressant dans le merdier qu’était devenu sa famille, c'était un mystère. Peut-être la Déesse Serpent avait-elle réellement placé ses pions vers cette voie. Il fouilla les perles d'ambre face à lui, espérant qu'elles lui donneraient une réponse. L'archer préféra ne pas bouger. Tout ce temps, sa position était resté la même. Il était plus simple de laisser s'échapper une flamme interdite que de s'y brûler.
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Darine de Crèvecoeur
Darine de Crèvecoeur



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyMer 9 Mar 2022 - 19:39
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




« Doit-on toujours gagner quelque chose ? Je ne suis pas intéressée. » expliqua-t-elle avec un pragmatisme étonnant. Darine ne recherchait ni la reconnaissance, ni la richesse : sa quête pour aider autrui était motivée par des aléas mystiques qu’elle tissait dans ses songes interdits. Elle n’avait rien d’autre à quoi se raccrocher. Comme beaucoup de sujet du royaume, la vie avait perdu une grande partie de son sens depuis la catastrophe de la Fange. Le monde avait perdu en rationalité et elle s’étonnait que des hommes cherchassent encore des réponses. Un cliquetis léger indiqua qu’elle revêtait son masque. Les chaînes couvrirent sa figure délicate. Elle regrettait d’avoir égaré son châle sombre sur les hauteurs, mais composerait avec. « Je ne fais que servir les intérêts de la révérée Rikni et des dieux. Le reste m’importe peu. Si votre femme est quelque part, vous la trouverez, je vais m’en assurer. En attendant. »

L’éclat de lucidité qui éclairait les iris de Darine évoquait une maturité dûment acquise au fil des souffrances et des injustices. Malgré le privilège de sa naissance, elle avait compris que la Fange avait remis les hommes sur le piédestal de la mortalité : les nobles périssaient comme les roturiers. Elle avait longtemps renoncé à jouir de son sangbleu pour s’arroger les faveurs du destin. L’éducation du Temple lui avait ouvert une autre voie. D’un pas déterminé, elle brisa leur proximité et se dépêcha de quitter l’écrin de tranquillité qu’étaient les cuisines, assurée que Castaing la suivrait. Elle se jeta corps et âme dans le tumulte de la caserne, affronta les mines dévastées de ceux qui, inexpérimentés venaient d’être confrontés pour la première fois à un fangeux. Certains n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes, ratatinés contre les murs, tâchant de rassembler leurs esprits fébriles pour suivre les ordres qui avaient suivi le chaos. D’autres, semblaient insensibles à l’horreur, les gueules fermées, les mâchoires contractées. Ceux-là, imaginait-elle en les croisant, avaient déjà affrontés la mort quelques fois et se demandaient quand la grâce des dieux arrêterait d’être de leur côté. L’atmosphère s’était rétrécie autour des épaules frêles de la prêtresse qui tâchait de garder la face, malgré son âme ébranlée. Elle aurait voulu, elle aussi, se recroqueviller et oublier le drame, mais ce n’était pas ainsi qu’une envoyée de Rikni devait se comporter.

Ses pas la guidèrent enfin sur le chemin de l’officier qui l’avait moquée. Il aboyait sur deux recrues au visage empourpré et lorsqu’il eut terminé avec eux, il se détourna vers la silhouette féminine et ce qui ressemblait à une âme damnée et qui n’était que Castaing. Fallait-il s’étonner de le trouver dans les jupes d’une femme à un moment pareil ? grognait le regard acéré du Sergent.

« Je crois que le Temple aimerait savoir ce qu’il vient de se passer ici, Monsieur, déclara-t-elle avec une autorité étrange, dont le ton tranchait avec ses jolis yeux d’ambre. Sa stature et sa douceur la rendaient si peu crédible en position d'intimidation, mais elle essayait.
« Nous enquêtons. Et j'crois qu’une prêtresse devrait retourner au Temple et prier les dieux pour c'qui vient de se passer ici » gronda-t-il, serrant les dents pour conserver un minimum de civisme alors que ses nerfs rompaient sous la menace encore invisible qu’étaient les dégâts occasionnés par le fangeux.
« -Etes-vous sûr ? Je peux vous aider à trier vos blessés. Ceux qui ont été mordus, vous connaissez leur sort, je veux m’assurer qu’ils le subissent afin de protéger les fidèles. »

Le militaire leva les yeux au plafond avant de fustiger Théophile en silence comme s’il était l’unique responsable de la présence de cette bonne femme entre les murs de la caserne.

« Avec tout le respect que j'vous dois, ma Sœur, au nom de quelle autorité vous permettez-vous ?
- Celle que me confère les dieux et leur Clergé. Mais peut-être que je devrais retourner au Temple et demander que d’autres viennent et me remplacent. Des prêtres moins accommodants qui poseront peut-être plus de questions et chercheront des coupables.
- Castaing, vous l’accompagnez, les blessés sont rapatriés dans les cachots, gueula-t-il d’une voix sourde et acerbe, parce qu’on y était : la petite prêtresse venait de lui taper sur les nerfs, qu’il avait entre autre une caserne sans dessus, dessous sur les bras, qu’ils n’étaient définitivement pas assez d’officiers et que les vrai supérieurs ne tarderaient pas à réclamer des comptes avant que l’incident ne remontât aux oreilles du plus haut-pouvoir et que des têtes fussent réclamées, exigées alors qu’assez de sang avait déjà coulé. Elle ne l'avait clairement pas intimidé, ni avait eu assez d'autorité sur lui, mais il souhaitait qu'elle s'en allât au plus vite et céder à ses exigences revenait à la voir disparaître rapidement.
- Parfait, souffla Darine sans quitter l’officier du regard, elle s’adressa à l’archer. Montrez-moi les cachots, Théophile. »

Le quarantenaire bourru et la jeune prêtresse se défièrent encore quelques secondes des yeux, et puisqu’aucun d’eux ne cédât, ils durent rompre le contact visuel en même temps et elle se détourna enfin vers son coéquipier du jour, soupirant de soulagement. Tous ses membres tremblaient en silence, d’avoir défié l’autorité d’un homme d’armes. Autour d’eux, les bruits des éperons et des bas précipités, les exclamations, parfois les sanglots étouffés, les rires bourrus de ceux qui avaient déjà tout perdus et cette odeur de poisse qui esquintait l’intérieur d’une caserne aux blessures invisibles.



© Laueee

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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyVen 11 Mar 2022 - 23:23
La réponse de Soeur Darine à sa question était étonnante. Elle n’avait rien à y gagner, si ce n’était que l’accomplissement de sa mission ? En y réfléchissant, alors qu’elle s’éloignait de lui, l’archer se dit que lui non plus n’avait rien de plus à gagner lorsqu’il sauvait une vie. Pourtant il le faisait, car c’est ainsi que lui voyait sa mission.

« Quoi qu’il advienne, j’ai déjà une dette envers vous. Soyez-en assurée. »


Mais la jeune femme était passée à autre chose. L’éclat qui brillait désormais dans ses yeux n’annonçait rien de bon. C’était la même détermination qui avait été présente plus tôt, quand elle l’avait poussé dans ses retranchements. Et en avait résulté une tempête à l’intérieur de lui.
Aussi, quand elle s’éloigna d’un pas décidé, il la suivit de près, ne souhaitant pas que le phénomène se reproduise à plus grande échelle. Grand bien lui avait pris. Darine faisait face à un Coutilier débordé. La conversation ne plaisait pas à ce dernier, mais alors pas du tout...Et Théophile semblait canaliser le mécontentement de l’officier. Ca annonçait quelques corvées supplémentaires les jours prochains…

Le borgne resta en dehors de leur échange, tant que rien de grave ne se passait. Cela lui permis de se recentrer sur l’horreur de la situation actuelle, et non celle de son monde intérieur qui s’était complètement retourné. Au diapason des miliciens aux visages défaits, son âme se débattait avec sa culpabilité et la souffrance de n’avoir rien fait pour sa Douce. A chaque seconde qui passait, à chaque blessure qu’il voyait passait, leur douleur amoindrissait la sienne et cela lui rappela qu’il avait une mission à accomplir. Jamais Alice ne lui pardonnerait d’abandonner ceux qui comptaient sur lui, pour se préoccuper de son fantôme. Alors, pour faire honneur à Sa Douce, et ne pas la décevoir plus, il enfouit ses sentiments et retrouva son masque de grand enfant.

Darine possédait, face au gradé, une certaine présence. Quelque chose qu’il n’avait pu observer que chez les nobles et les personnes destinées à de grandes choses. Des deux, c’était elle qui brillait par sa dignité, son intelligence et sa présence. L’homme d’armes ne pouvait que s’incliner face à cet adversaire protégé par les Dieux.

« Je vous prie de suivre l’humble guide que je suis Soeur Darine. »


Rien d’humble dans sa manière de sourire malicieusement, ou bien même de s’incliner avec trop de manières, ce qui provoqua une nouvelle fois l'ire du Coutilier. Une telle bouffonnerie aurait pu lui sembler déplacée si il n’avait pas vu l’archer être l’un des principaux acteurs de la chute du fangeux de la cour.

« Castaing, ne me forcez pas à vous faire disparaître de ma vue avec des coups de pieds au cul. »

Le trublion se releva et fit signe à la prêtresse de le suivre. Chacun reprenait son rôle, lui le soldat aux mœurs légères et elle l’envoyée des Dieux en mission. C’était bien mieux ainsi, leur zone de confort était respectée. Aucune tentation, aucun dérapage, aucune remise en question.

Le silence fut de mise durant le trajet, alors que tout autour d’eux il n’y avait que désolation. Les portes de la caserne, qui avaient été fermées en urgence, laissaient à présent entrer des miliciens confus, curieux et qui avaient été directement réquisitionnés pour s’occuper des mordus. En particulier pour aller les accompagner chez eux, une fois leurs blessures guéries, et s’assurer qu’ils quittaient les murs de la ville. Seuls ou avec leur famille, peu importait.
C’était un cruel sort qui les attendait, mais Théophile n’était personne dans ce monde pour pouvoir l'exprimer à haute voix. Il ne pouvait faire que ce qui lui était possible à son échelle, comme c’était le cas avec Pierrick et Laura, les adolescents qu’il avait aidé à Balazuc. S'insurger publiquement l'aurait condamné au même sort.

Après quelques minutes à déambuler, Théophile aperçu Le Rouquin avec un air contrarié, chose étrange chez son camarade. D’un naturel plutôt serein en toute occasion, cette expression n’annonçait rien de bon. Ce qu’il lui indiqua de sa voix nasillarde confirma cette impression.

« Puceau a été blessé... »

Le borgne se tendit.

« Le fangeux ? »

« Non, un crétin qui fuyait l’a poussé contre un mur. Il s’est cogné la tête et tout le monde est trop occupé avec les mordus. »

Le soulagement coula dans ses veines. Il n’était jamais exclu que l’un d’entre eux ne se blesse, soit mordu ou même passe l’arme à gauche. Mais ce n’était que des hypothèses. Ils vivaient quasiment tous ensemble. Lorsque leurs vies étaient en danger, et même quand ce n’était pas le cas, ils se faisaient aveuglément confiance, au même titre que si le même sang coulait dans leurs veines. La fin de l’un d’entre eux aurait été un coup dur pour tous.
Enfin rassuré qu’aucun d’entre eux ne quitterai la caserne aujourd’hui, Théophile pu se rendre compte qu’il avait laissé complètement de côté la prêtresse le temps de cet échange.

« Soeur Darine, mon camarade Barthélémy Tastet. Il était avec moi tout à l’heure mais vous ne l’avez peut-être pas vu. »

Il se rendit alors compte que si quelqu’un pouvait aider le jeune homme, c’était bien la belle jeune femme qui se tenait à ses côtés.

« Où est Puceau ? »

« Aux cachots, il était dans le coin quand tout ça est arrivé. »


« Tu crois qu’il a vu quelque chose ? »


« Pas impossible. »

Le borgne fixa Soeur Darine, espérant qu’elle ait compris que leurs objectifs se rejoignaient. Elle pourrait informer le Temple, soigner les blessés et s’assurer qu’aucun mordu ne reste entre les murs. Pour cette dernière part, il était légèrement frustré que Soeur Darine y accorde autant d’importance, assez pour vouloir s’assurer elle-même que ces gens soient mis dehors. Pensait-elle à ce qu’il advenait de ces pauvres âmes ? Mais ce n’était pas ce que le Temple et les grands de la ville exigeaient d’elle. Tout comme on exigeait parfois qu'il tue. Ils se contentaient tous deux d'obéir au final.
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Darine de Crèvecoeur
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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyMer 16 Mar 2022 - 21:09
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




Darine avait saisi le regard de Théophile au vol et l’avait compris. S’ils devaient former un duo, le temps d’une quête pénible, il valait mieux que ce genre de langage ne lui échappât pas. Ses oreilles attentives avaient suivi la conversation, malgré son retrait. Parfois, il valait mieux observer et elle avait eu besoin d’un moment pour calmer l’adrénaline que la confrontation avec l’officier avait généré dans ses veines. Le trajet l’y avait aidé, les rapprochant de la fraîcheur humide des cachots. La Caserne ne tarderait pas à se rendormir, semblable à un animal qui devait panser ses plaies après une lutte pénible. Il fallait profiter qu’il y eût encore un moment de flottement, que la hiérarchie ne la mît pas dehors, pour enquêter. Occuper ses pensées avec la fange lui donnait l’impression de toucher au but, de retrouver Lantsov.

On lui désigna Puceau, dont le front ensanglanté témoignait d’un choc rude. Comme les autres blessés, il était consigné dans la misère des cachots où la luminosité perçait avec difficulté depuis des torches. Certaines avaient été arrachées par la créature et du sang tâchait la pierre, en giclées abstraites. Crèvecoeur s’efforça de ne pas les détailler. Elle s’agenouilla près du blessé, qui avait été installé tout près d’une cellule depuis laquelle des geignements de douleurs s’échappaient. De ce qu’elle captât, les mordus ou soupçonnés de l’avoir étaient rassemblés dans les prisons et les grilles refermées sur eux, le temps que l’on s’organisât pour le tri et que les renforts arrivassent afin d’escorter tout ce beau monde hors des murs de la ville. Les ordres semblaient brouillons. Ses doigts tâtèrent la figure de Puceau dont le regard hagard lui parvint, il était bien conscient.

- Puceau, c’est votre vrai nom ? demanda-t-elle tandis qu’elle déplaçait des mèches de cheveux poisseuses pour examiner la plaie sale. Elle remarqua qu’il avait l’air solide, mais jeune, peut-être qu’il partageait son âge. Il cligna des yeux, comme s’il se rendait compte qu’on venait de s’adresser à lui. Darine chercha autour d’elle, un moyen de le soigner. Elle n’avait pas vraiment de compétence en médecine, mais avait déjà assisté des soigneurs au Temple. Par conséquent, elle connaissait quelques gestes rudimentaires, mais surtout, elle savait comment apaiser ceux que la douleur soumettait au supplice. Si Thibault semblait hors de danger, il demeurait le risque que sa plaie s’infectât. En réalité, Dubost était bien conscient, malgré la pulsation désagréable qui battait la mesure contre son crâne. La prêtresse n’aurait pu deviner que son silence n’était pas dû à sa commotion, mais à la timidité qui le paralysait à chaque fois qu’une voix féminine heurtait sa conscience.

Un bruit sec fendit l’air entre eux. La jeune femme avait déchiré l’ourlet de sa robe noire pour improviser du linge. Une bassine d’eau traînait près d’eux ; elle n’était pas très clair mais faute de mieux, elle y trempa le tissu et le porta à ses narines, effleurant ses chaînettes. Aucune odeur suspecte, comme celle de l’urine ou du vomi. Elle essuya donc le sang et la sueur, dévoila les traits de Puceau.

- Peut-être qu’il serait préférable que vous l’interrogiez ? proposa-t-elle à Castaing, sans cesser ses soins superficiels. Vous êtes proches, n’est-ce pas ?

Thibault émit un son et elle n’aurait su dire si c’était pour protester, pour approuver ou pour tenter un dialogue. Elle se contenta de faire glisser le linge humide dans son cou, faisant de son mieux pour écarter le cuir d’un uniforme léger. En même temps, elle vérifiait s’il n’y avait pas de trace de morsure, parce qu’elle n’était plus certaine de pouvoir faire confiance aux miliciens. Un mordu avait visiblement déjà échappé à leur vigilance. Cet écart pourrait se justifier de milles façons plausibles et cohérentes, mais personne ne pardonnerait et des coupables seraient forcément désignés. Elle remercia les dieux que Théophile fût archer et qu’il n’était pas affectée aux geôles.

- Je m’appelle Darine, indiqua-t-elle vers Thibault dont elle croisa de nouveau le regard.

Mais on aurait tout aussi bien pu la surnommer Pucelle, elle aussi. La réflexion lui arracha un soupir hilare qui se perçut à peine au travers de son masque étrange. Puceau ne distinguait d’elle que cette crinière libre et sauvage qui coulait en ondulations tourbillonnante sur un corps couvert de ténèbres. Et l’éclat ambré d’un regard auxquels les hommes aimaient se saouler.

- Un fangeux se déclare en pleine caserne, et vous écopez d’un coup à la tête par un camarade un peu trop lâche. Je ne sais pas si les dieux se moquent de vous, ou s’ils vous aiment, commenta-t-elle sans délicatesse.


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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptySam 19 Mar 2022 - 11:44
En rentrant dans les cachot, l’ampleur de la situation saisit Théo. Le nombre de blessés crée par deux fangeux seulement était impressionnant. Encore une fois, comme lors du couronnement, on voyait clairement que l’effet de surprise avait été aussi destructeur que les crocs des créatures. Les mordus avaient été enfermés, afin d’être sûr qu’ils ne s’échappent. Que ce soit la crainte d’une transformation immédiate ou d’une fuite avant leur exil, les gradés avaient pris des précautions suffisantes pour ne pas avoir un second incident aujourd’hui.

Les visages défaits des hommes enfermés reflétait la détresse qu’ils devaient ressentir. Parmi eux, le borgne en reconnaissait au moins trois qui avaient femmes et enfants à charge. A savoir ce qu’il allait advenir de ces familles. Serait-elles séparées ? Iraient-elles toutes vivre au Labret ? Ces choix n’appartenaient qu’à elles. Seuls les hommes qui avaient désormais la marque des bannis ne pourraient remettre les pieds dans la cité. Un messager était déjà sans doutes parti dans chacune des familles pour les prévenir de ce qu’il s’était passé, dans les grandes lignes, et surtout leur permettre de préparer leurs affaires.

« Non, Ma Soeur, c’est Thibaut. C’est ces...idiots qui m’appellent comme ça… »

Puceau répondait à Soeur Darine qui s’était attelée à le soigner après que Le Rouquin lui ait montré où se trouvait leur camarade. Leur cadet avait les traits tirés, ses yeux reflétaient la souffrance que lui causait son crâne. Sans doute était-il un peu sonné également, il avait mit un peu de temps à se rendre compte que quelqu’un s’occupait de lui. Le rouge qui colorait désormais ses joues n’était pourtant pas dû à la blessure.
Théophile sourit, Soeur Darine était réellement une très belle femme, et pour un garçon aussi timide que Puceau c’était quelque chose de compliqué à gérer. Il restait bloqué sur la chevelure de jais qui suivait le moindre mouvement de la prêtresse. Les chaînes sur son visage n’émettaient plus suffisamment de bruit avec le brouhaha ambiant, pourtant les maillons continuaient eux aussi à se mouvoir au rythme des respirations de Darine.

Les deux camarades du blessé laissèrent la jeune femme stabiliser suffisamment le jeune homme avant d’accéder à sa requête de l’interroger. Le borgne rit même de la plaisanterie qu’elle avait faite.

« Je crois bien qu’il est un de leur chouchou ma Soeur. Il a une demoiselle à demander en mariage, je suis sûr qu’Anür attends avec impatience qu’il se décide enfin à ce qu’il offre son coeur timide à Rosie. »

« La ferme ... »

Le regard noir que reçu le borgne était plutôt de bonne augure. Puceau avait toute sa tête, en tous cas suffisamment pour s’insurger que son histoire d’amour soit encore le centre de l’attention. Théophile s’accroupit devant son camarade, avec qui il avait une relation proche de celle qu’il entretenait avec son frère, et se fit un peu plus sérieux.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Thibaut comprit que le moment n’était plus à l’une de leur joute habituelle, bien qu’il n’oublierait pas de se venger auprès de son aîné. Ses traits se firent plus sérieux et la concentration se battait avec la souffrance. Le garçon ne regardait plus la prêtresse, certainement de peur qu’elle ne déconcentre de ce qu’il avait à dire.

« J’allais m’entraîner avec Arthur…tu sais, un de ses frère travaille aux geôles et il devait passer le voir. Quand on est arrivé dans le couloir...y’avais du monde qui courait vers nous et quelqu’un m’a balancé contre le mur du couloir d’à côté. C’est ce qui m’a sauvé parce qu’après j’ai vu un fangeux à leurs trousses. J’ai dû m’évanouir parce qu’après je ne me souviens de rien jusqu’à ce que Bart me retrouve ici. »


Le peu qu’il avait avoué rendait son souffle difficile. Il pressa une de ses mains contre sa tempe intacte, espérant certainement réduire la pression que sa cervelle subissait. L’archer jeta un regard vers Soeur Darine. Il espérait que la jeune femme puisse peut-être presser son crâne à certains endroits pour le soulager. Il savait d’expérience que cela suffisait parfois à apaiser, sa mère lui ayant souvent fait de même après son accident. Forcer sur un seul œil lui avait apporté son lot de migraines, et ce pendant presque deux ans, jusqu’à ce qu’il reprenne petit à petit possession de son corps.

« Comment il s’appelle le frère d’Arthur ? Si il était aux geôles on pourra peut-être en savoir plus sur ce qu’il s’est passé. »

« Léon... »

Le bras puissant de Puceau se saisit du poignet de l’archer et ses yeux fixèrent ceux de son camarade.

« Est-ce que...tu peux chercher Arthur aussi ? On a été séparés. »

« On va essayer. »

Le benjamin de la Coutilerie acquiesça. Théo savait que les deux garçons étaient proches, ils avaient grandit dans la même rue. Ne pas connaître le sort de son ami devait aussi ajouter une douleur supplémentaire au blessé.

« Est-ce que tu sais pourquoi il voulait voir son frère ? »

« Je crois...il ne m’a rien dit mais il y a des rumeurs...sa mère aurait eu la visite de créanciers. Ma mère me disait que les deux soldes d’Arthur et Leon ne suffisait pas à payer les dettes que leur père continuait d’accumuler... »

En soit, une histoire comme on pouvait en voir régulièrement de nos jours. Mais avec ce qu’il s’était passé, tout ce qui se rapprochait de près ou de loin de ces geôles pouvait être un indice sur ce qui avait amené un fangeux dans les murs habituellement sûrs de la caserne. Les yeux de Puceau indiquaient qu’il était parfaitement conscient de ces faits, et qu’il espérait que son ami ne soit pas lié à cette boucherie.

L’archer se tourna vers la jolie prêtresse, sans sourire cette fois. Le trublion n’avait pas de place dans cette pièce à l’atmosphère de plus en plus étouffante. Si ils devaient creuser cette histoire, toute leur énergie devait être utilisée pour faire la lumière sur les évènements.

« Si vous en avez fini avec Thibaut ma Soeur, partons à la recherche d’Arthur et Leon voulez-vous ? »

Et voir dans quel état étaient les deux garçons… Pour le bien de Puceau, il adressa une petite prière aux Dieux de trouver les deux garçons sains et saufs.
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Darine de Crèvecoeur
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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyMar 22 Mar 2022 - 17:32
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




- C’est la seule pi…

Sa phrase se scinda dans le néant quand, passant tout près d’une grille, une main ensanglantée avait surgi pour lui saisir le bras. On l’avait tiré si fort qu’elle se cogna au barreau et ses yeux rencontrèrent des pupilles dilatées dans la pénombre d’une cellule qu’une seule torche éclairait. Le visage de son ravisseur s’était approché, et de longs filaments blonds pendaient sur son front et ses tempes humides. Il avait l’air fou.

- Ma sœur, dîtes-leur, j’suis pas mordu, j’suis pas mordu, j’prie les dieux tous les jours.

Les phalanges du blessé étaient semblables à un étau de plomb et ses ongles sales s’enfonçaient au travers du tissu de sa robe, griffant la chair tendre. Elle grimaça de douleur, tenta de se débattre. Elle remarqua le cou blessé du soldat. Cela faisait nul doute qu’il avait été mordu, mais il suppliait que non, les larmes se mêlant au sang. Il craignait pour sa famille, pour son avenir hors des remparts de Marbrume, là où la Fange et le statut de banni ne garantissaient plus une solde misérable, mais ne promettaient que la souffrance et la mort. Darine n’arriva à ressentir aucune compassion ; elle n’était pas certaine de pouvoir en ressentir depuis la mort de ses frères ; elle n’arrivait simplement pas à éprouver autre chose que de la colère. Tout son cœur brûlait et elle s’efforçait de ne pas imaginer Lantsov dans la même situation. S’il était mort, elle implorait les dieux que son trépas fut rapide.

Elle n’eût guère besoin de répondre, Castaing et d’autres miliciens se chargeaient déjà de faire lâcher prise au condamné. Elle récupéra bien vite l’usage de son bras qu’elle massa contre elle, le souffle court et les yeux téméraires. Elle n’aimait pas que des inconnus la touchent. Elle songeait qu’elle aurait gagné le droit de regagner un bain après toute cette folie, de frotter sa peau jusqu’à la faire rougir pour effacer non seulement la puanteur, mais les traumatismes d’une journée maudite. Elle savait qu’en se frictionnant dans l’eau tiède, elle ne pourrait effacer les souvenirs que Théophile avait déposé en elle, ni son parfum qu’elle avait senti dans le dortoir, ni la forme de son arc qui épousait ses paumes maladroites, encore moins la chaleur de son souffle près de ses lèvres. Bientôt, les suppliques enragées des derniers mordus s’éteignirent à mesure qu’ils remontaient vers le reste de la Caserne. Dès qu’elle trouva un banc, la prêtresse se laissa choir, serrant ses mains l’une contre l’autre pour cacher le léger tremblement.

- Excusez-moi, j’ai besoin d’un temps mort, souffla-t-elle avant de lever ses prunelles vers Théophile.

Son cœur donnait l’impression d’être entraîné dans un galop sauvage et le sang pulsait désagréablement à ses tempes. Elle devrait sans doute supplier un supérieur au Temple, pour avoir un peu de ces plantes qui permettaient de dormir d’un sommeil de plomb, afin d’oublier, car davantage que la monstruosité du fangeux, c’étaient les yeux exorbités du mordu qui la hanteraient et la condamneraient à l’insomnie. Elle aurait aimé retourner au dortoir de la milice, trouver encore la couchette de Castaing, s’y recroqueviller et attendre que le temps passe.

- Et si Léon était mordu et encore aux geôles ?

Son regard s’arrima quelque part vers le sol, là où se terraient les cachots, elle n’aurait sans doute pas la force de s’y confronter une seconde fois.

- Ou s’il est mort, nous n’obtiendrons rien de plus si ce n’est que ces choses arrivent quand nous ne bannissons pas les mordus avec assez de vigueur. Toutefois…

Une part d’elle ne pouvait pas exclure qu’il s’agisse pas que d’un simple accident. Pas avec les mesures en vigueur. Elle croyait que les geôliers étaient sélectionnés sur le volet afin que la vigilance ne baisse pas et que ce genre d’incident n’arrive pas. Si c’était un geste délibéré, des hérétiques ou de revanchard. La Fange avait rendu les vivants si laids de l’intérieur. Elle avait confessé certains d’entre eux au Temple. Ils lui avaient confié leurs pensées les plus sombres ; ils s’étaient délestés de vils fardeaux auprès de Rikni.

- Si une personne est à l’origine de tout ça, nous devons la trouver. Peut-être devrions-nous nous séparer ? Vous cherchez Léon et je cherche Arthur. Ramenons-les dans les cuisines ? A l’abri des oreilles indiscrètes ?


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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyMer 23 Mar 2022 - 22:12
A peine eut-elle commencé à répondre, que Darine fut entraînée violemment près des grilles. Les yeux effrayés de la jolie prêtresse étaient à la hauteur de l’horreur qui lui faisait face. Le coeur de Théophile s’emballa sous la rapidité de l’action. Un coup la jeune femme était à ses côtés, l’instant d’après, elle était emprisonnée par un malheureux que l’un des deux fangeux avait largement croqué. Le pauvre bougre était dans le déni de sa situation. Comment lui en vouloir ? Jusqu’à ce matin, il avait survécu à la fange, à la maladie, à la faim. Sa solde de milicien lui assurait un train de vie plus confortable qu’à la plupart des Marbrumiens. Peut-être avait-il une femme, des enfants, une maîtresse, une famille…

Il avait suffit d’un seul moment, au mauvais endroits, pour tout perdre.

Comment l’accepter ?

Théophile ne connaissait que trop bien ces sentiments d’injustice, de perte irremplaçable, d’abandon… Pourtant, il ne pouvait compatir comme son coeur l’aurait aimé. Du moment où ce futur exilé était un danger, il devenait l’ennemi. Pourtant, avoir vu ce qui pouvait arriver à l’extérieur pour les malheureux jetés dehors, lui apportait une certaine indignation. Il ne restait qu’à prier que cet ancien camarade accepte son sort et parte s’installer au Labret, à Sombrebois ou Balazuc. Il pourrait même intégrer la milice extérieure si sa blessure le lui permettait et qu’il y survivait.

« Lâches la ! Elle ne peut rien pour toi ! »


Plusieurs miliciens présents se précipitèrent sur le mordu en même temps que Le Rouquin et Théo. Ce dernier se concentra sur le poignet de l’homme et le serra suffisamment fort pour provoquer un réflexe qui obligeraient ses doigts à abandonner leur proie. Au bout de quelques secondes, ils eurent gain de cause et la prisonnière fut libérée. Elle se recula et l’archer relâcha le mordu, plus intéressé par l’état de la prêtresse que par comment calmer l’homme.

Le milicien reconnaissait le regard hanté que lui présentait Darine. C’était celui de quelqu’un qui en avait bien trop vu en trop peu de temps. De nombreux habitants avaient eu le même après le jour du couronnement. Tels des fantômes errants, les survivants avaient erré dans la ville. Ils ne cherchaient même plus un abri sécurisé, ils ne cherchaient même plus d’explications. Ce qu’ils voulaient, c’était simple : ne jamais avoir vécu ce jour maudit. Malheureusement, le temps était un ennemi contre lequel il était impossible de jouer à armes égales.

Suivre la jeune femme et écouter attentivement son discours ne fit que conforter l’impression qui venait d’éclore en lui. Pour le moment son esprit combatif était là, bien présent, et il lui reconnaissait bien volontiers cette force de caractère. Mais jusqu’à quand pourrait-elle se maintenir à flots ? Quand allait-elle craquer ? Parce qu’il le savait, cela arriverait. Dans une minutes, une heure ou une semaine, cela arriverait. Le but n’était pas qu’elle s’effondre encore plus qu’elle ne risquait déjà de le faire.

S’agenouillant devant elle, le soldat posa une main sur son genou pour l’assurer de sa présence et chercha le regard de la jeune femme. Sa voix et son ton se firent doux et précautionneux, comme si c’était un animal sauvage en face de lui. Et il n’en était pas loin, il semblait que la prêtresse pouvait s’échapper au moindre mouvement brusque

« Soeur Darine… Pensez-vous réellement que je vais vous laisser seule dans ce foutoir ? Ce qui vient de se passer ne vous as pas suffit ? Je me demande même si je ne devrais pas vous raccompagner au Temple. Vous me semblez en avoir assez vécu aujourd’hui, personne ne vous en voudra si vous décidez que quelqu’un d’autre peut s’occuper de ça. Et puis vous savez, même vous , vous ne tenez pas à vous trouver en face d’un des Sergent ou face au Capitaine si ils surgissent pour demander des comptes. »

Une léger sourire naquit sur ses lèvres et son iris pétilla de malice un instant, allégeant l’air nauséabond qui les avait entouré jusque là. Il voulait repousser sa peur avec de la douceur, ses incertitudes avec sa solidité, et la gravité par un peu de légèreté. Il n’y avait que Darine qui pouvait vaincre elle-même ses démons liés à cette journée, mais il ferait ce qu’il pourrait pour l’aider. Il était plus qu’endetté envers elle.

« Vous savez, ce n’est pas parce qu’il se passe quelque chose d’inhabituel que l’explication est forcément étrange. Les pires crimes sont souvent basés sur des raisons totalement triviales. Ce n’est pas parce que Puceau nous a donné une piste qu’elle est forcément la solution à tout ça. Je n'aurais pas dû continuer sur cette voie...Elle n’est pas à écarter pour autant, mais il y a tellement d’autres explications que cela ne vaut pas de mettre votre santé en danger. »

La main du milicien se déplaça du genou pour se poser sur les doigts serrés de la jeune femme. Comme il sentait les tremblement que la stupeur avait emmené en elle, il décida de frictionner les deux menottes de Darine entre les siennes. La froideur qui s’en dégageait était peut-être un effet de son imagination, mais il n’aimait pas ça. Il n’aimait pas qu’elle se soit trouvée mêlée à tout ça. Les Dieux qu’elle priaient étaient décidément parfois bien cruels envers leurs plus fervents admirateurs.

« Vous n’auriez déjà pas dû assister à tout ça. C’est notre travail de soldat de nous occuper de ces horreurs pour que vous puissiez prêcher la paix et la bonne parole des Dieux. Je suis désolé de ne pas avoir pu vous en protéger. »

Le milicien se crispa un instant avant de reprendre ses gestes qu’il espérait apaisant.
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Darine de Crèvecoeur
Darine de Crèvecoeur



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyVen 1 Avr 2022 - 11:04
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




-Est-ce seulement un travail de s’occuper de ces horreurs ?

Elle n’en serait jamais libérée et lui non plus. Il avait vu davantage depuis son entrée dans la Milice. La prêtresse avait toujours eu des remparts autour d’elle, des murs solides constitués par une foi inattaquable. La relative sécurité du Temple lui avait offert un refuge où le déni guettait chaque pensée tournée vers l’extérieur. Les phalanges de Théophile autour des siennes lui offraient un peu de chaleur et un soupçon de réconfort qu’elle ne méritait pas. Rien n’était convenable dans leur proximité. Sa présence au milieu de tous ces miliciens ne l’était pas pour la jeune aristocrate qui se cachait derrière la servante des dieux, tel une enfant terrorisée.

-Les dieux ont voulu que je vois de mes propres yeux. Ils m’indiqueront quoi faire pour renforcer ma foi.

Quoique diraient ou feraient les dieux, ce ne serait jamais aussi réconfortant que ces mains qui massaient ses paumes. Elle avait l’impression d’avoir chaud sous sa robe et sous ce masque rutilant. Les émotions de la journée l’avaient fait transpirer et elle se rendait seulement compte que le tissu noir de son vêtement de religieuse collait à sa peau par endroit ; qu’elle n’était plus aussi présentable qu’à son arrivée. Au milieu du sang et des morts, personne ne sentirait sa sueur ou ses émotions. Peut-être qu’on capterait encore la fragrance d’un parfum fruité. Peut-être qu’on lui trouverait un peu de l’odeur de Castaing parce qu’ils s’étaient effleurés tant de fois au milieu du chaos. Les chaînettes dansèrent devant son visage quand elle secoua la tête.

-Mais je sais que ce ne sont pas eux qui m’ont secourue, c’est vous.

A peine quelques mots avaient suffi pour qu’elle se courbe et réduise la distance entre leurs regards. Une tension irradiait de son corps féminin et se heurtait à la présence de l’archer. Bientôt, il ne resta plus que l’attrape-rêve pour séparer leurs souffles que des cris soudains précipitèrent. Elle se détourna vivement vers les clameurs en provenance des cachots, le temps de remarquer une fumée opaque remonter les escaliers qui plongeaient vers les sous-sols. Une silhouette émergea rapidement, bras contre sa bouche, fumante, le front luisant d’une sueur excessive.

-Le feu se répand dans les cachots ! cracha le milicien et des dizaines accouraient maintenant derrière lui, pour échapper au brasier.
-Faut libérer les mordus, souffla un autre.


Heureusement Le Rouquin apparut, soutenant un Puceau à peine remis sur pieds ; déjà les escaliers conduisaient la chaleur et les flammes vers le niveau où ils se trouvaient, à l’image d’une cheminée morbide. Les cris se muèrent en hurlement de détresse, de rage. On entendait les condamnés frapper sur les barreaux que l’incendie fragiliserait bientôt. Elle se dépêcha vers ceux qui discutaient de la marche à suivre. Le Sergent ne tarderait pas à descendre face à ce nouvel incident.

-Faut qu’on évacue les mordus, gronda celui qui était apparu en premier, son crâne chauve portait des marques de brûlures, il avait dû être au plus près du départ de feu et elle fronça les sourcils.
-On risque de crever avec eux, persiffla son collègue.
-C’est ce qui nous attendra si on les laisse crever.
-Le feu se chargera d’eux ! On devrait plutôt condamner les cachots.

La dispute se superposait à l’éveil du léviathan. La Caserne se remettait à gronder, en alerte. Le craquement sinistre sous leurs pieds indiqua que l’incendie ne tarderait pas à gagner en intensité et déjà les plus vaillants s’organisaient pour faire descendre des seaux d’eau ou de sable. Darine échangea un regard avec Théophile, horrifiée. Qu’arriverait-il si le moindre mordu périssait dans l’incendie ? Si plusieurs d’entre eux mourraient. Avant même que l’archer ne pût la mettre en garde, elle se hâta vers les escaliers et la fumée, s’enfonçant dans les boyaux de la Caserne. La chaleur soufflait, et elle se débarrassa une bonne fois pour toute de son masque, par crainte que les chaînettes ne fondent sur sa chair délicate qui transpirait déjà. La plupart des miliciens avaient les manches retoussés et s’organisaient déjà dans l’espoir de maîtriser le feu dont elle aperçut les flammes au fin fond des cachots. A ses côtés, un jeune homme tentait maladroitement d’ouvrir une cellule, mais les cris des prisonniers le perturbaient. La confusion écrasait l’atmosphère tendue

-Ne faîtes pas ça ! lâcha-t-elle, en toussant, essayant de lui reprendre les clefs des mains bien qu’elle avait l’impression de manquer d’oxygène. Dans la tension, le milicien la repoussa brutalement et elle chuta avec un cri muet. A terre, loin de la fumée épaisse, elle crut retrouver un peu d’air et se rendit compte qu’elle lui avait arraché les clefs des doigts dans l’élan de sa chute. Son corps frêle était épuisé et elle se disait qu’après cette maigre victoire, son butin en main, elle pourrait peut-être s’étendre et se reposer. Elle fermerait les yeux, juste quelques instants, le temps que la fatigue s’en aille. Ses lèvres entrouvertes inspiraient un oxygène qui se raréfiait. Tout autour d’elle, on toussait malgré les efforts vaillants que l’on continuait de fournir et qui semblaient payer. Si seulement, son châle ne s’était pas envolé sur ce toit, elle aurait pu protéger ses voies respiratoires. Quand elle se sentit soulever du sol, elle appela Théophile d’un souffle précaire. Elle attendit péniblement que sa vision fît la mise au point sur le visage du Coutilier qu’elle avait défié à de nombreuses reprises et elle ferma les yeux pour de bon.






-La place d’une femme n’est pas dans une Caserne, aboya l’officier après avoir allongé la prêtresse sur l’une des tables de la cantine. Il dardait son regard d’acier sur Théophile. Quand elle se réveillera, vous la ramenez au Temple, avant qu’un autre malheur n’arrive.

Sa voix était dure, mais lorsqu’il tourna son attention vers le petit bout de femme qui lui avait tenu tête plus tôt, il poussa un soupir discret, comme un signe de capitulation. Il se faisait violence, sans doute, pour ne pas écarter de ce visage doux, quelques mèches de jais. De toutes les prêtresses bornées et inexpérimentées, il avait fallu qu’on envoie celle dotée d’une grande beauté ; ce qui ne faisait qu’ajouter à l’amertume de cette journée. Si l’incendie avait réussi à être maîtrisé de justesse et que l’on comptait – par miracle, qu’un mort et de nombreux blessé, le quarantenaire n’était pas sûr qu’une force extérieure n’était pas à l’ouvre derrière ce qui pourrait ressembler à une série de sabotages.

-Et ne vous laissez plus avoir par son joli minois, Castaing. Cette femme-là n’est pas pour vous.

Après un dernier regard vers l’inconsciente, le Coutilier déguerpit vers ses obligations. Ses supérieurs venaient d’arriver et l’ordre allait enfin être rétabli. Ce n’était qu’une fleur qu’il offrait à Darine pour qu’elle ne fût pas accablée de questions. Le Rouquin profita de ce départ pour se rapprocher de son ami, déposant une main sur son épaule. Les voix devenaient plus distinctes pour la prêtresse, moins cotonneuses dans son esprit nébuleux. Les derniers mots de l’officier avaient réussi à percer jusqu’à sa conscience et elle eut un léger mouvement, avant de tousser.




© Laueee

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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptySam 2 Avr 2022 - 23:55
Trop près….bien trop près...c’est la seule pensée cohérente qui venait en cet instant à Théophile alors qu’une fois de plus les lèvres de Darine furent si proche des siennes. Un instant, il ne pensait qu’à la réconforter, ses mains protégeant celles plus frêles de la jeune femme, le suivant, il sentait à nouveau ce frisson de luxure traverser son dos. La prêtresse était une Pyromane, allumant en un instant le brasier de son désir. Sa fragilité, sa beauté, sa force de caractère...tout cela l’enflammait aussi sûrement que si on avait apposé une torche sur de la paille.

Pourtant, il n’était pas pour elle. Une fleur d’une telle rareté nécessitait un amour infini pour s’épanouir. Cela, il n’était pas capable de le lui donner. Surtout pas quand l’espoir refaisait surface. Toute la dévotion amoureuse qu'il avait s’était éteint trois ans auparavant, lorsque Alice avait disparu de sa proximité quotidienne.

Ce fut l’agitation venu des cachots qui détourna leur attention. Comme un air de déjà-vu, l’information leur arriva d’abords dans un calme relatif. Deux hommes venaient du chemin d’où Darine était sortie peu de temps auparavant.

Le feu...

Etait-ce le signe de sa journée ? Mais cette fois Théophile n’était pas le seul qui risquait d’y laisser des plumes. Les cachots s’étaient embrasés et de nombreux hommes risquaient d’y passer.

« Merde...»

Ce fut tout ce que le borgne réussit à murmurer en réalisant tous ceux qui se trouvaient là-bas. A commencer par ses camarades, qui heureusement apparurent bientôt en haut des escaliers.
Le son du métal frappé et des cris des malheureux coincés derrière les barreaux ne leur fut pas épargné, et la discussion qui arriva jusqu’à leur oreilles était insupportable. Car il n’y avait ni mauvais, ni bon choix. Seulement de la souffrance et de l’injustice dans tous les cas.

Les prunelles de Darine reflétaient un nouveau niveau de frayeur. Etait-ce la raison pour laquelle elle s’était dégagée et avait couru vers l’antre d’Etiol ? Que lui passait-il par la tête ?! Il ne pouvait la laisser courir vers la mort !
Le milicien se releva et commença à se diriger à sa suite, quand une poigne l’arrêta. Sans avoir besoin de le voir, il avait reconnu la jeune et ferme main de Puceau sur son avant-bras. Bien qu’il était sonné, sa force n’en pâtissait pas. Seule sa voix dénotait la douleur que son crâne subissait toujours.

« Non ! Tu va mourir là-bas ! »

« Je ne peux pas la laisser ! C’est elle qui va y passer ! C’est hors de question que je reste là à attendre ! »

Il fut relâché, sous les expressions exaspérées mais compréhensives de ses deux amis. Ils le connaissaient suffisamment pour savoir que bien peu de choses ne pouvaient l’empêcher de venir en aide à quelqu’un si il en avait décidé ainsi. Le Rouquin le héla et lui jeta le tissus qu’il avait utilisé pour se protéger de la fumée toxique. D’un signe de la tête, l’archer le remercia avant de s’engouffrer à son tour vers le coeur du danger.

Le peu de temps que dura cet échange lui suffit à retrouver la prêtresse au sol, un coutilier était au-dessus d’elle pour lui porter secours et la sortir de là. De la main de la jeune femme, il put voir glisser un trousseau de clés qu’un des sous-fifre du gradé s’empressa d’attraper. L’archer suivit le coutilier, qui tenait dans ses bras un précieux chargement aux cheveux de jais. Lorsqu’il la posa sur la table, son ton était sans équivoque. Désobéir n’était pas une solution envisageable. La jolie prêtresse devrait quitter les lieux de force, puisqu’elle n’avait pas pu saisir l’occasion que lui avait laissé Théo un peu plus tôt.

Le regard du gradé était lui aussi clair. Le masque tombé, le visage de la jeune femme n’avait plus de protection. Le jugement. Il était ici, dans les yeux du Coutilier. La noblesse de ce faciès endormi le troublait plus que de raison. Clairement. Les fables racontaient que des hommes avaient fait des folies avec ce qui semblait être cette admiration dans le regard.

Cette femme-là n’est pas pour vous.

« Je le sais Monsieur... »

Bien sûr qu’il le savait...d’ailleurs il n’aimait pas l’attirance indéniable qui s’était éveillée à plusieurs reprise entre eux. C’était un danger pour lui, et pour elle. Rien de bon ne ressortirait de tout cela. Il soupira, et perdu dans ses pensées, il n’entendit pas que la jeune femme pouvait s’être éveillée.

Pour éviter tout nouveau danger, Théo n’attendit pas. Une fois que le coutilier eut déserté les lieux, l’archer s’avança vers la jeune femme, passa un bras sous ses jambes et un derrière son dos avant de la soulever. Le torse de la prêtresse alla se poser naturellement contre celui du borgne. Ses longues mèches retombèrent devant le visage à la beauté irréelle de cette Pyromane, assurant un peu de répit à son porteur. Personne n’aurait à l’arrêter pour vouloir saisir une trace indélébile des traits fins de Darine sur leur rétine.

Toujours inconscient qu’elle pouvait peut-être l’entendre, il commença à se déplacer et lui murmura quelques mots en quittant les lieux.

« Si seulement les Dieux pouvaient vous faire comprendre de ne pas vous jeter tête baissée dans le danger...Votre vie est trop précieuse pour se terminer si jeune… »


Autour d’eux, la rumeur de la victoire contre les flammes se faisait entendre. Théophile ne tenait pas à saisir quel choix avait été fait concernant les mordus. Il est probable qu’ils aient été laissé derrière leurs barreaux, les condamnant à la mort si l’incendie n’avait pas été maîtrisé. Peut-être était-ce d’ailleurs le cas...Quoi qu’il en soit, ceux qui avaient pris les décisions devraient en répondre. Bien qu’on ne leur reprocherait probablement pas si, ceux qui devaient de toute façon être exilés, avaient été tué et emporté par le brasier.

Le borgne soupira à nouveau et resserra sa prise, ses pas arrivant bientôt près de la sortie de la caserne

« Qu’ils mettent sur votre route un homme qui saura vous protéger de vous-même. Et qui vous traitera comme vous le méritez. »

Ce n’est qu’à ce moment là qu’il la senti bouger. Depuis quand l’entendait-elle ? De toute façon il était déjà un crétin aux yeux de mal de gens. De qui se moquait-il ? Les pensées qui tournaient actuellement dans sa cervelle lui faisait penser à lui-même qu’il était un sot. L'impuissance qu'il avait ressenti ces dernières minutes le rendait réellement stupide. Alors, que Soeur Darine le pense aussi ne changerait pas grand-chose…

« Ne bougez pas Darine. Je vous ramène au Temple. Cette fois vous n’avez pas le choix, un ordre m’a été donné. Je vous conseille plutôt de vous reposer et de profiter de la balade. »

Le ton était ferme, sans contenir aucune dureté. Ce n'était pas à la jeune femme de subir son amertume que tout cette situation lui inspirait. Son incapacité à se défaire de l'impression que tout ceci était cruel, était un poison qui ne trouverait de remède que dans la boisson ou dans la passion.
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Darine de Crèvecoeur
Darine de Crèvecoeur



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MessageSujet: Re: [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament    [Terminé] - Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament  - Page 2 EmptyJeu 7 Avr 2022 - 10:23
Mon cœur brûle, une lueur éclatante au firmament
Théophile Castaing et Darine de Crèvecoeur




La voix de Théophile se confondait avec celle de Lantsov de Crèvecoeur. Elle peinait à récupérer assez d’oxygène pour y voir clair. L’air frais de la ville ne tarda pas à déposer des baisers invisibles sur ses joues tâchées de suie. Elle avait les yeux ouverts, et elle ne voyait qu’une lumière que bravait les traits de l’archer qui devenaient parfois ceux de son frère défunt. La crinière solaire de son ainée battait au vent à l’image d’un étendard. Elle fronça les sourcils. Il avait beau lui dire de ne pas bouger, elle souhaitait comprendre.

- Lantsov..

Une main délicate s’accroche au tissu de l’uniforme qui recouvrait le torse de Théophile.

- Ne me ramenez pas au Temple, je veux repartir avec vous.

Un soupir échappa à ses lèvres et elle redevint plus lourde au creux de ces bras qui la conduisaient vers l’inéluctable. Sa conscience flotta vers un passé vers lequel elle se tournait peu, par peur d’être paralysée. Elle revoyait les plaines du duché de Crèvecoeur, les tours de son château qui se découpaient dans le ciel d’un hiver morne et de la chaleur qui émanait de son aîné. La Fange avait tout englouti et à chaque fois qu’elle y repensait, elle s’imaginait le domaine ducal dévasté, rompu par le néant où régnait des fangeux.

Progressivement, les rumeurs de la cité la tirèrent de sa relative léthargie. Elle réussit à s’éveiller une seconde fois. Les traits de Castaing devinrent plus clairs. Elle manqua de leur faire perdre l’équilibre en souhaitant se soustraire à ses bras, mais se dépêcha de l’étreindre, par peur de chuter sur le pavé. Parfois, le couple attirait quelques regards curieux bien que la plupart des passants ignoraient leur présence dans les rues. Le jour déclinait et emportait avec lui ce qu’ils étaient seuls à savoir : l’attaque du fangeux, l’incendie qui s’était déclaré dans les cachots et dans leur esprit. Elle se souvenait de chaque détail désormais, même le plus insignifiant comme le poids de l’arc qu’elle avait tenu entre ses mains. D’autres choses émergeaient, les mots du Coutilier, ceux de l’archer qu’elle avait confondu avec la voix de son aîné. Elle se sentit honteuse et n’avait nulle part où se terrer. Il fallait donc parler, exprimer, tenter quelque chose.

- Je n’ai pas besoin d’un homme.

Ou peut-être que si. Elle avait cruellement besoin de son frère.

- Mais merci pour votre prévenance.

Que dire de plus ? Que le Coutilier avait tort, qu’aucune femme ne serait trop bien pour lui, ou hors de sa portée. Combien de personnes n’avaient pas dû lui dire d’oublier Alice ? Que son sort avait été scellé, qu’elle n’était plus pour lui, mais pour la fange et ses horreurs. Leur monde était régi par des codes et des règles que le chaos avait complexifiées Le désordre appelant au contrôle strict : ce qui était tolérable avant la Fange, ne l’était plus maintenant. Des castes avaient émergé ou s’étaient renforcées à Marbrume : le cloisonnement entre les classes n’avait plus vocation à être abattu sans une bonne raison. Même si elle n’était pas naïve, que l’officier n’avait pas fait allusion à son sang noble ou à son rang de prêtresse dans la société. Il avait sous-entendu l’interdit porté par sa beauté et par son tempérament.

Elle lui avait souri quand leur destination apparut dans leur champ de vision. Le parvis du Temple se vidait de ses fidèles maintenant que la soirée débutait. D’autres pèlerins remplaceraient les croyants diurnes, plus secrets, plus fervents. Avec patience, elle indiqua le chemin à Théodore. Pas l’entrée principale ; on leur poserait trop de questions. Il existait plusieurs portes dérobées connues des membres du Clergé, qui permettaient de quitter et de rejoindre le bâtiment et elle le guida vers celle dévolue à l’aile de Rikni, là où Darine avait fait son lit ces dernières années. Avec le temps, elle avait réussi à posséder une petite chambre individuelle, mais ce n’était pas là qu’elle dirigeait Castaing. Dès qu’ils eurent franchi la porte, le silence les enveloppa et les cris du monde extérieur s’évaporèrent. Dans la pénombre d’un couloir, elle put retrouver la terre ferme, s’appuyant sur les épaules de l’archer pour éprouver son équilibre.

- Je crois que je vous ai causé bien des soucis aujourd’hui. Vous ne devriez pas. Je veux dire, mon frère m’a dit un jour qu’on ne pouvait pas sauver tout le monde. Si vous arrivez à sauver ne serait-ce que celle que vous aimez.

Au milieu du corridor, elle paraissait frêle. De sa tenue, ne demeurait plus que sa robe sombre qui découvrait ses bras et un décolleté sage. Les ondulations de ses cheveux sombres absorbaient la lumière faiblarde qu’émettait une torche non loin d’eux.

- Je vais vous servir à boire, vous le méritez.

Et elle le dépassa pour plonger dans la fraîcheur du Temple assez grand pour qu’ils croisent peu de monde susceptible de s’intéresser à eux. Elle ouvrit la porte d’une petite salle où un autel à l’effigie de Rikni était sombrement dressé. Des coussins et des couvertures couvraient le plancher. Elle l’invitait à s’asseoir tandis qu’elle partait à la recherche d’alcool. Elle savait où certains prêtres cachaient le nectar précieux, que l’on offrait généralement à la déesse, sans omettre de s’en servir une goutte après. Elle n’en buvait pas. Sous son poids, le sol grinçait et les yeux de la déesse donnaient l’impression absurde de suivre le moindre de ses mouvements. Un simple jeu d’ombre et de lumière.

- Me jeter tête baissée dans le danger, reprit-elle enfin alors qu’elle revenait vers lui avec un gobelet et une bouteille à moitié pleine. C’est ce que les dieux attendent de moi. C’est ce que j’aurais dû faire depuis longtemps.



© Laueee

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