Alleaume, Et en moi sera le désert. N'y entrera que ciel léger.
◈ Identité ◈
Nom : Bonaventure
Prénom : Alleaume
Age : 33 ans
Sexe : Masculin
Situation : Veuf
Rang : Connu comme simple pêcheur, en vérité pirate au service du Dauphinat.
Lieu de vie : Quartier du Port, dans une bicoque humide où le vent s'engouffre plus qu'il ne le faudrait.
Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs : (voir topic Système Rp & Xp - Carrières)Carrière du Pirate
+1 en FOR, +1 en CHAR, +1 en ATT, +1 en HAB
Compétences et objets choisis : (voir topic Système Rp & Xp - Compétences)Compétences :
- BAGARRE - Niveau 1
- BAS FONDS - Niveau 1
- BRAVADE - Niveau 1
- NAVIGATION MARITIME - Niveau 1
- SURVIE EN MILIEU HOSTILE - Niveau 1
Objets :
- Coutelas
- Bolas
- Gambison
- Jambières de cuir
◈ Apparence ◈
Il est parmi les pauvres gens, un certains type de gueux en haillons qui ne dégagent pas que de la misère. Une certaine stature, une fierté. Presque une arrogance. Derrière la crasse qui couvre sa mine, les deux orbites d'un bleu glacial posent sur vous un regard qu'on ne saurait dire terne ou malicieux. Terne par sa froideur, impression accentuée par le teint presque blafard d'Alleaume, malgré les brûlures du sel et du vent. Mais pourtant, ces yeux moribonds ont quelque chose qui pétille au fond de leurs iris, qui embrase son regard et laissent planer une impression dérangeante. L'impression que ces orbes bleues grises sont faussement calmes et mortes, comme une mer d'huile avant qu'elle ne soit secouée par un violent orage. Perçant entre ses mèches brunes et grises, ces yeux-là sont en mouvement constant. Quand ils ne scrutent pas l'horizon ou la mer, c'est tout autour qu'ils observent. Ils vous dévisagent, regardent vos mains régulièrement, vos pieds. Ils voguent tranquillement d'un endroit à l'autre, sans agitation, mais restant rarement fixes. Son visage buriné par la vie en mer n'est pas si désagréable. Il ne s'agit certainement pas d'un modèle de beauté, mais son nez légèrement tordu, ses joues marquées et ce regard lui donnent un certains charme. Il ne fait pas tomber les dames, mais ne les fait pas fuir non plus. Sa bouche asséchée par la soif et le sel est légèrement pincée, comme retenant en permanence un songe, une remarque ou une injure. De ce fait, son sourire semble désagréablement sarcastique, même quand il est sincère. Une barbe mal rasée vient parfaire le tableau. Des cheveux presque longs mais n'arrivant pas à ses épaules encadrent le tout. Il les porte la plupart du temps en bataille, libérés au vent, ou bien coincés maladroitement derrière ses oreilles. Il n'y a que le large pour le forcer à plus de discipline, sans quoi ils viennent gêner son regard si vagabond.
Ses mains sont abîmées, sèches et calleuses. Là aussi, le sel et l'effort ont fait leur œuvre. Ses ongles sont sales, souvent abîmés. De légères coupures parcourent ses paumes et le dos de ses mains. Les cordes les ont usé, les rendant rêches. Elles ne sont pas moins habiles pour autant. Ses gestes sont précis, sûrs. Le reste de son corps semble lui aussi avoir été forgé par le labeur et la mer. De taille moyenne, il a bonne stature. Il ne dépasse guère ses congénères, ou de peu, mais a les épaules solides, juste assez larges. Elles se prolongent de bras musclés. S'ils n'ont pas la taille de cuisses comme certaines forces de la nature, ils sont toutefois robustes et forts. Alleaume se tient particulièrement droit, même après tant d'années à se faire battre par le vent et les vagues. De manière générale, il est musclé, sans excès, forgé par l'effort constant, les tâches physiques ainsi que l'entraînement au combat depuis quelques années. Ce n'est ni un mastodonte, ni un maigrichon. En parcourant sa peau nue, l'on découvre de temps à autres de vieilles cicatrices, éparses. Sur le torse, dans le dos. Au creux du bras gauche. Difficile de savoir si elles sont dues à la pêche ou à la fréquentation des pirates et autres malfrats, mais certaines semblent correspondre à l’œuvre d'armes blanches. Moins anodin, il porte sur la fesse gauche une marque de brûlure dont la couleur encore rougeâtre laisse à penser qu'elle n'est pas si ancienne. Qui lui a donc cuit le cul ?
◈ Personnalité ◈
Étrange personnage qu'Alleaume. Nombreux sont ceux qui le fréquentent ou ont eu à la fréquenter, mais tous n'ont pas le même ressenti. Comme l'eau, il essaie de se rendre insaisissable et changeant selon les humeurs et le publique qui lui est donné. Bien que peu souriant au premier abord, et affublé d'un visage peu chaleureux, c'est un homme joueur. Il aime la comédie, et la ruse. Avant que tout ne devienne si morne à Marbrume, il aimait s'attarder devant les bouffons, saltimbanques et autres artistes qui pratiquaient leurs arts dans les rues. Il en a gardé la volatilité de leurs personnages. Ainsi, il semble avoir plusieurs visages. En réalité, tous se complètent pour former ce qu'est cet homme au fond: un malheureux désespéré qui s'échappe du fatalisme ambiant grâce à un jeu de dupes. Bonaventure ne fait pas l'unanimité. Son goût pour les masques - c'est bien entendu une métaphore - peut le faire paraître lunatique, et on le comprend mal. Tous s'accorderont cependant à souligner son cynisme parfois irritant quand il s'exprime avec ironie et sarcasme. Il ne peut s'empêcher d'avoir un regard acide sur ce qui l'entoure. Et qui peut le lui reprocher, quand on vit de tels temps ? Mais il ne se prive de tourner en dérision ce qu'il observe et vit. Cela ne fait pas pour autant de lui un comique en herbe, bien qu'il aime faire rire quand il n'agace pas. Bien qu'il ait toujours un commentaire sur tout, c'est aussi un faux-calme dont les excès de colère lui ont valu plusieurs bagarres dans les tripots du port. Mais aussi en mer. Un tel matelot, qui ne peut s'empêcher quelques remarques désagréables et moqueuses, cela peut vite taper sur le système quand on est en huis-clos au milieu des flots. Les plus susceptibles ou bourrus n'apprécient pas toujours sa compagnie. Heureusement, il sait fort bien se défendre et sa gouaille n'est pas qu'une façade. Ce n'est pas pour autant une pipelette insupportable, n'imaginez pas Alleaume comme un oiseau moqueur piaillant sans cesse. Il est plus proche d'un corbeau silencieux, mais dont le rare croassement peut irriter l'oreille.
Rares sont ceux qui le fréquentent plus que de raison. Et lui-même n'aiment pas grand monde au point de trop les voir. D'ailleurs, il épargne sa salive la plupart du temps, quand il n'a pas une remarque piquante à faire. Saoul, c'est une autre histoire. Il devient bien plus bavard et léger, moins cynique. Il aime alors chanter et la camaraderie. Les bagarres, tout autant, bien qu'il ne les provoque que rarement, ou alors sans le vouloir. Mais il se prête volontiers au jeu, et se mêle souvent des rixes qui ne le regardent pas. Il aime d'ailleurs l'alcool plus que de raison, comme bien des marins quand ils sont à terre. Il faut dire qu'en dehors de rares amis et connaissances, c'est l'un de ses compagnons les plus fidèles.
Il n'ouvre guère son intimité aux étrangers et nouvelles rencontres, ou après du temps et quelques mésaventures communes assez drôles ou graves pour les rapprocher de lui. Son cercle proche s'est restreint au fil des ans. Depuis la mort de sa femme, et ses trois enfants. Il n'en parle guère, ou marmonne parfois le récit de quelques souvenirs douloureux dans son sommeil ou après une bonne biture. C'est comme un trou dans son existence, une faille dans la coque de son navire cabossé, qu'il tente de colmater comme il peu. L'eau monte et il s'affaire à la rejeter par-dessus bord. Bien qu'il chasse ces pensées la plupart du temps, elles reviennent souvent le hanter au moment de fermer les yeux, ou quand il observe le ciel de nuit sur le pont d'un navire. Il était déjà acide avant la disparition de Constance et des enfants, mais cela n'a bien sûr rien arrangé. Il ne l'aimait pourtant pas. Il a aimé tant de femmes, sans jamais aimer celle qui partageait sa vie. Peut-être est-ce le pire dans ce deuil.
Enfin, comme tous les autres sujets du duché, il a donc ses peines. Et alors ? vous dirait-il. Cela ne l'empêche pas de se lever à l'aube et emmerder son monde, râler et piquer malicieusement ses camarades en mer.
Ce n'est pas qu'un merle moqueur légèrement alcoolique. Quelque chose n'a pas changé depuis la perte de sa famille, c'est son goût pour l'argent facile - chose de plus en plus difficile à obtenir - et son rapport très changeant à la morale et la loi. Ses principes évoluent selon ses besoins et le moment. S'il n'est pas dénué de cœur, il s’accommode très bien d'actes de cruauté ou de petites et grosses magouilles. Son intérêt personnel passe bien avant le bien commun, et au feu l'humanité. Cela fait de lui un malfrat plutôt banal mais apprécié de ses employeurs. Feignant un minimum de loyauté auprès des mains qui le nourrissent, il accomplit toujours ses travaux sans rechigner ni poser de questions, tant que la paie est bonne et remplit son assiette. C'est par ailleurs un baratineur parfois bien à l'aise, ce qui a pu servir à maintes reprises. Et quand il se tait, il travaille avec expérience et soin. Son rapport à la religion est à l'image de son utilisation de la morale : variable. Il croit, comme ses contemporains, aux Dieux. Avec certaines limites et toujours avec cynisme. S'il vénère Anür et lui rend les hommages qu'elle mérite de manière très assidue, il apporte beaucoup moins de crédit aux autres divinités de la Trinité. Non pas qu'il réfute leur existence, mais se questionne. Seule la déesse de la Mer trouve grâce à ses yeux, car elle le protège et il entre dans son domaine chaque fois qu'il quitte la terre ferme. Mais le malheur ambiant et total autour de lui l'a rendu cynique vis à vis des Dieux aussi. Sont-ils morts ? Se désintéressent-ils du sort des hommes, malgré toutes les gesticulations des croyants et du clergé ? Alors au diable les Dieux, qu'ils le maudissent, quelle différence avec ce qu'il vit déjà ? C'est lui qui gagne son pain à la sueur de son front, pas Rikni qui lui ramène du gibier déjà mort et prêt à consommer sur le pas de sa porte. Ainsi, s'il continue de faire le minimum exigé et fait mine d'être bon croyant, les autres marins savent bien qu'il supporte mal les bigots et donneurs de leçons. Ils le savent toujours croyants, mais supportent mal ses remarques parfois déplacées sur la religion, ce qui ne l'aide pas à être plus apprécié de certains de ses congénères. C'est toutefois un comportement qu'il se garde bien d'exprimer de retour au port. Il est plus facile de faire accepter une certaine amertume vis-à-vis des dieux auprès de pirates et malfrats sans foi ni lois qu'auprès des marins pêcheurs et artisans qu'il fréquente une fois à Marbrume.
Non, une fois au port, il revêt le masque du sarcastique marin fêtard qui a toujours un mot un brin aguicheur pour la femme qui le sert. Mais au fond de lui, il n'y a plus que l'appel de la mer qui le fait vibrer.
◈ Histoire ◈
1134. Marbrume dort, presque paisible. Quelques tripots sont encore agités, et d’inquiétantes silhouettes errent seules sur les quais, titubantes. Elles rentrent chez elles, pour celles qui ont un abri pour la nuit. La pluie commence à tomber doucement, tandis qu’une légère brume est en suspension au-dessus des eaux calmes. Le clapotis de la mer perturbe à peine ce ballet des ivrognes, dont les pas chaloupés ressemblent à une étrange chorégraphie. Au loin, des éclats de voix. Dans d’obscures tavernes encore ouvertes, alors que le jour ne tardera plus, des marins saoules entament une dernière chanson.
Chez les Bonaventure aussi, le temps semble à la fête. Malgré le mauvais temps, Geoffroy et Brunhilde célèbrent. Cette dernière vient d’accoucher, Alleaume est né. Ses premiers cris retentissement dans la bicoque de pêcheur. Son père embrasse son front. Bienvenue, Alleaume, souffle-t-il doucement, avant de lui offrir un sourire édenté. Le premier sourire de sa vie sentait l’alcool frelaté et la soupe de poisson. Comme quoi, la prédestination…
Il était l’aîné tant attendu. Enfin, le précédent étant mort-né, il était l’aîné bis. Mais peu importe. Détails. Après lui vinrent sa sœur, Louise, puis le dernier, Aldémar. Louise fut rapidement emportée par la maladie, à peine âgée de six ans. La peine d’Alleaume fut terrible. Sa sœur n’avait qu’un peu plus d’un an de moins que lui, et ils étaient très proches. Avec Aldémar, ses relations étaient plus chaotiques, malgré un amour fraternel bien présent. Enfants, ils se battaient énormément. Comme beaucoup de frères, après tout. Mais plus que de petites chamailleries, leurs rixes devenaient violentes et parfois dangereuses avec l’âge. Les coups n’étaient pas retenus. Il a toujours semblé à Alleaume qu’Aldémar le haïssait, pour une raison qui lui échappait. Quand il était en colère, son regard s’obscurcissait et il ne semblait ne plus répondre à la raison. Leurs moments de complicité étaient rares, tant l’humour taquin de l’aîné était insupportable pour le chaotique petit dernier. Ce duo qui ne marchait que moyennement fut rapidement bien connu dans le quartier du port. Le Choucas et la Mouette, voilà comment on les appelait. Le Choucas, c’était Alleaume. Ses yeux d’un bleu froid et perçant, ainsi que ses cheveux noirs de jais avaient motivé ce surnom. La Mouette, c’était le bruyant Aldémar, aux cheveux d’un blond éclatant, presque blanc quand le soleil tapait fort. Le jour et la nuit. Les oiseaux de malheur. Ils passaient leur temps à courir les quais et se chamailler, quand ils n’aidaient pas leur père de retour de mer.
Dès qu’ils furent en âge, ils apprirent auprès de lui à naviguer et pêcher. La question ne se posait pas. Alleaume embrassait sans poser de questions l’appel de la mer. Il était attiré inexorablement par celle-ci, et attendait avec impatience depuis longtemps de pouvoir partir. Il avait l’impression que sa vie était contenue dans un minuscule vase, le quartier du port, et que la mer qui s’en déversait donnait sur un monde infini.
Les Bonaventure sont, d’aussi loin qu’ils s’en souviennent, une famille de pêcheurs et marins. Son père travaillait sur une petite embarcation, manœuvrée par cinq hommes tout au plus. Quant à sa mère, elle faisait un peu d’artisanat depuis chez elle, dans le textile.
La rumeur veut que leur nom de famille vienne de leur extraordinaire chance en mer. Rares étaient les Bonaventure à disparaître sur les flots. Ce n’était pas statistiquement plus vrai que pour d’autres familles, mais quelques exploits de marins et rumeurs remontant à leurs aïeux avaient maintenus la rumeur. Geoffroy avait réactivé le mythe en survivant à un accident en mer pendant un violent orage. Seuls lui et un autre gars était revenus en vie, indemnes. D’autres rumeurs faisaient d’une de leurs arrière-grand-mères une diseuse de bonne aventure appréciée sur le port, à l’époque des anciens. Personne n’en savait trop rien, mais le nom était resté d’une manière ou d’une autre, et les marins de la famille priaient Anür pour conserver sa bénédiction et faire honneur à leur nom.
Les oiseaux de malheur devinrent rapidement manœuvres pour l’employeur de leur père. Au début, trop jeunes pour naviguer, ils déchargeaient les bateaux revenant de la pêche et aidaient à la vente. Puis, Alleaume prit la mer dans l’équipage de son père. Il apprit le métier avec soin et rigueur, et prit aussi l’amour de l’océan. De ses bruits, ses odeurs. De la vie sur un navire. Il rêvait alors d’aller au-delà des zones de pêches, découvrir l’inconnu et fantasmait sur des mondes ignorés. Mais on se contentait de pêcher en cabotant. Geoffroy et les autres marins transmirent au Choucas leur goût pour la plaisanterie scabreuse ou moqueuse, les marques de camaraderie taquines. Il les reprit à son compte, en y ajoutant son amertume personnelle et son éternelle insatisfaction. Prenant de l’assurance et de l’âge, il devint un marin avec qui il faisait bon travailler, mais pas trop discuter. Aldémar les rejoignit bientôt. Leurs relations ne s’améliorèrent pas franchement en mer, la promiscuité n’aidant pas. Quelques franches disputes éclataient souvent, mais la présence du patriarche aidait à apaiser les tensions ou du moins les faire taire.
Quand ce dernier fut trop usé pour travailler, il se retira. Le Choucas et la Mouette étaient devenus de braves gaillards, taillés et bons travailleurs. Leur père ne vécut pas longtemps après avoir quitté la marine. Les marins disaient que les Bonaventure ne supportaient pas de rester trop longtemps à terre, et qu’une fois au vieil âge ils ne faisaient pas long feu. Le métier avait brisé sa santé, il s’éteignit deux ans après avoir abandonné la pêche. Les garçons s’entendaient alors pour subvenir aux besoins de leur vieille mère. Cela faisait un sacré trou sur la paie d’Alleaume, qui avait soif d’écus. Qui plus est, la cohabitation devenait de plus en plus difficile entre les deux frères, maintenant que leur père ne faisait plus office de médiateur. Les oiseaux de malheur se rentraient dedans régulièrement une fois à terre, et se battaient sans ménagement l’un contre l’autre dans les bordels. La moindre vexation était prétexte à se rouer de coup. Cela ne fit qu’aiguiser le goût d’Alleaume pour la provocation, lui qui ne pouvait souffrir la susceptibilité de son frère. Ce dernier était un vrai volcan, et avait un peu plus de carrure que son aîné. Surtout, il avait le coup de poing facile et était connu pour cela. Le Choucas et la Mouette apprirent petit à petit à voler chacun de leur côté. Alleaume quittait l’équipage, tandis qu’Aldémar en devenait le leader. Ce dernier avait de bonnes relations avec l’employeur, qui appareillait plusieurs petites embarcations de ce genre. Alleaume était fatigué de lui lécher les pompes, et ne voulait passer sa vie à gagner quelques pièces pour engraisser un gros bourgeois aigri.
Il eut vite fait de trouver un nouvel employeur. Un armateur plus fortuné, et ambitieux. Il y avait un peu d’argent à se faire. La flotte de ce gros sac était un peu plus importante. Quelques navires de pêche, et surtout des navires de commerce. Alleaume commençait par pêcher un peu pour le compte de ce nouveau grassouillet, lorgnant sans s’en cacher sur une place sur les navires commerciaux. Il avait déjà eu vent par ses amis marins et petites frappes des tripots qu’il y avait de l’argent à se faire sous le manteau, sur ce type de bateaux. Des contrebandiers faisaient sortir de la marchandise, à petite ou grande échelle, selon les connivences des patrons.
Il parvint rapidement à se faire affecter sur un petit navire de fret. Il ne mit pas longtemps à commencer son entreprise. Du poisson de luxe par-ci, des objets de valeur par-là. Il travaillait seul et ne gagnait pas grand-chose, s’insérant timidement dans le réseau de contrebande du port. Il écoulait les marchandises la nuit venue dans de bien mal fréquentées auberges. Il s’y fit connaitre et rencontrait nombre de personnes de ces milieux. Rapidement, il s’enfonçait dans la petite pègre portuaire et aimait ce qu’il y découvrait. Les limites de son existence semblaient s’élargir de jour en jour, et il se faisait un peu d’argent en plus. Des contrebandiers plus expérimentés le firent entrer dans leurs cercles, et lui permirent de changer d’équipage pour travailler avec d’autres marins dans les mêmes combines.
Mais notre monde est petit, infiniment petit. Le port de Marbrume encore plus. Et bien qu’Alleaume rêvait d’en repousser les limites, il découvrit bien vite qu’elles étaient les mêmes pour tout le monde. Du moins, pour ceux d’en bas. Aldémar, qu’il ne fréquentait plus vraiment, vint à découvrir les activités de son frère. Sans que le Choucas ne sache depuis quand ni pourquoi, Aldémar semblait être devenu un chantre de l’honnêteté et du travail sincère. Il priait beaucoup, et, Alleaume devait l’avouer, s’occupait avec bien plus d’assiduité que lui de leur mère mourante. C’est au détour d’une ruelle sombre, en pleine nuit, qu’Aldémar vint faire connaître à son frère ce qu’il pensait de sa nouvelle carrière. Les injures furent de mise dès le début de la conversation. Alleaume, fin saoul, sortait alors tout juste d’un tripot où il avait dépensé ses gains journaliers. Aldémar était également légèrement éméché, assez pour être plus brute que d’habitude. Et il l’était déjà beaucoup. La discussion s’envenima, et les rancœurs fraternelles prirent le dessus sur la raison. Tout se mélangeait dans la discussion animée, leur mère, l’honneur de leur père, la religion, la réputation, la honte. Un coup sec finit par partir, envoyant Alleaume au sol. S’en suivit un chaos indescriptible, un enchevêtrement des deux corps se roulant par terre, se projetant contre les murs humides. Les coups volaient, une molaire aussi. Finalement, après plusieurs minutes de bastonnage, Alleaume finit le cul par terre et la tête ensanglantée, maudissant Aldémar qui tournait les talons. Les oiseaux de malheur étaient séparés pour de bon. Leur mère s’endormait pour toujours peu de temps après. Alleaume était seul.
C’est à cette époque qu’il fit la connaissance de Constance, une roturière parmi d’autre. C’était une belle tisserande aux yeux de biche, qui habitait le port. Elle s’était entichée d’Alleaume sans qu’il ne sache trop pourquoi, mais les deux s’entendaient bien. Elle tolérait et appréciait son caractère particulier et ses traits d’humour cyniques. Ils firent bientôt ménage et elle lui donnait rapidement deux filles et un fils. Elise, Dorine et Ronan. Constance était une femme plaisante à regarder, légèrement en chair mais élégante. Une blonde plantureuse, naïve mais si généreuse. Alleaume s’en est toujours voulu de ne point l’aimer, elle qui manquait cruellement de piquant. Mais elle ne semblait pas s’émouvoir du manque d’intérêt de son époux, et lui donnait l’amour qu’il ne savait lui rendre ou que trop peu. Elle ignorait – ou feignait à merveille d’ignorer – les activités particulières d’Alleaume, qui ne se baladait plus dans le port sans une dague dissimulée désormais. Il touchait à tout ce qui se faisait de sulfureux dans le port. Il avait quelques liens avec les bordels, fournissait en étoffe les filles de joie pour des prix raisonnables, et refourguait au marché noir tout sur quoi il pouvait mettre les mains. En parallèle, il travaillait d’arrache pieds comme marin pour maintenir sa réputation de travailleur acharné et honnête. Même si pour les mieux renseignés, le dernier qualificatif lui faisait de plus en plus défaut. Il se mit à jouer beaucoup. La vie suivait son cours tandis qu’il était devenu une figure habituelle chez les malfrats, et que son petit pécule évoluait sans jamais vraiment augmenter de manière significative tant il dépensait, jouait, finissant même par s’endetter.
Les créanciers commençaient à lui chercher des noises, mais les événements de janvier 1165 vinrent suspendre ces soucis, au moins temporairement. Voilà quasiment une année que la Fange se répandait, les rumeurs lointaines maintenant devenues un véritable cauchemar. L'humanité reculait et l’on voyait arriver avec de plus en plus d’intensité des réfugiés. Cela n’avait pas arrangé les affaires au début, toute cette main d’œuvre désespérée et ces bouches à nourrir. Mais il y avait toujours quelques pièces à se faire sur le dos des gens. Alleaume en avait peu profité, et s’était découvert bon cœur même, en aidant quelques nouvelles têtes pour lesquelles il avait de la sympathie, dont une certaine Mariotte, qui aura son importance dans son parcours. Il passait son temps en mer ou à truander sur le port, et la menace des Fangeux, bien qu’inquiétante, lui paraissait lointaine. Elle devenait de plus en plus concrète, pourtant. Elle allait lui éclater à la gueule. Constance et les enfants étaient à la Hanse ce jour-là. Ils n’en revinrent jamais. Le chaos était total. Alleaume ne revint de mer qu’une fois les événements terminés. Il ne sut jamais très bien quel avait été le sort de sa famille, et cela rendit le deuil plus douloureux encore. Il pleurait l’innocente Constance, et ses trois enfants chéris. Il devint plus terne et acide encore. Aldémar revint dans sa vie à ce moment-là, de manière plus apaisée. Il aidait son frère à ne pas sombrer, non sans difficultés. Le monde semblait s’effondrer, et eux-mêmes craignaient pour leur vie et leur avenir. La damnation semblait être la seule issue de ce monde, et elle s’accompagnait de souffrances terribles. Quelle noirceur s’emparait du cœur des hommes, et plongeait le monde dans la pénombre ? La foi d’Alleaume, déjà entamée par un caractère libre et amer, vacillait d’autant plus. Tout semblait perdre son goût et son sens. Il retournait vivre provisoirement chez Aldémar, qui avait gardé la maison familiale où ils avaient grandi. Il y élevait une famille. Lui aussi avait perdu son aîné, restait sa compagne, malade, et une fille chétive, traumatisée par l’idée de faire un jour face à ces monstruosités qui rodaient dans les campagnes. Elle ne sortait guère, l’effroi l’avait rendue elle aussi malade, d’une certaine manière. Partout, l’époque semblait aspirer la vie des gens qu’Alleaume côtoyait.
Un printemps suffit pour que le Choucas et la Mouette ne se déchirent de nouveau. Du fait des activités d’Alleaume, une nouvelle fois. Sa connaissance de la pègre locale lui permit de découvrir ce qu’on nomme le Dauphinat. La piraterie se développait en mer, et le Choucas avait l’opportunité de s’y joindre. Ses rêves d’aventure resurgissaient, excitant ses derniers côtés juvéniles. Et surtout l’argent l’excitait encore plus. Cela lui permit de rembourser une partie de ses dettes. Il disparaissait alors de plus en plus longtemps en mer, bien qu’officiellement il était toujours marin et pêcheur à ses heures perdues. La petite Mariotte qu’il avait aidé lui servait d’alibi, il la fournissait en poiscaille et objets de valeurs en échange d’une couverture confortable. Elle faisait courir le bruit à qui voulait l’entendre qu’il lui ramenait régulièrement du poisson. Les commerçants ayant grand rôle dans la propagation des rumeurs, c’était bien utile. Alleaume se méfiait d’elle, rechignant à être dépendant de cette étrangère qu’il ne connaissait pas tant que ça, mais il avait besoin de sa gouaille.
Devant ses absences répétées, son frère qui n’était pas dupe et avait lui-même quelques contacts devint méfiant. Il ne supportait pas l’idée d’héberger un traître et un criminel, sous le même toit que sa famille qui plus est. Il ne mit pas longtemps à le mettre à la porte, après une violente et énième bagarre. Alleaume reprenait une vieille bicoque pourrie et se retrouvait seul de nouveau. Il ne parlait définitivement plus à la Mouette, qui l’ignorait avec brio et ne lui accordait qu’un regard méprisant quand ils se croisaient sur la jetée. Le Choucas n’était pas malheureux pour autant, pas plus qu’à l’accoutumée en tout cas, et trouvait parfois refuge dans le repaire des pirates où il se fit quelques bons contacts avec le temps. Tout en œuvrant à garder une image respectable, autant qu’il le pouvait.
Fin 1165, il apprit par des connaissances qu'Aldémar avait disparu en mer. Son bateau ne revenait pas. Nul ne savait ce qu'il était advenu de lui et de son équipage. Alleaume fit enquête, mais aucun pirate n'avait croisé de tel navire ni attaqué un vulgaire bateau de pêcheurs. Depuis, le Choucas veille à faire parvenir à la veuve quelques écus pour la nourrir, elle et la môme malade. Il ne va pas la visiter, il se sentirait trop honteux et ne saurait quoi dire. Mais il leur donne assez pour manger à leur faim. Parfois, en mer, il scrute l'horizon, espérant voir apparaître au travers de la brume un radeau ou un navire aux mâts brisés. Pour y découvrir peut-être Aldémar, la Mouette, ce oiseau piailleur et violent. En attendant, le mystère plane. Des créatures marines mystérieuses l'auraient-elles emporté ? Lui, le Bonaventure, sensé être un rescapé à vie, un de ces miraculés qui le sort ne peut toucher. Tu parles, le sort a eu Constance et ses marmots. Pourquoi pas un Bonaventure de souche, hein ? Malgré tout, le Choucas est habité par ce doute désagréable. La Mouette ne se laisse pas couler aussi aisément, et il s'attend chaque jour à voir resurgir son frère volcanique au détour d'une ruelle, et se battre avec lui pour quelconque raison futile.
Mais il avait oublié quelques vieilles dettes, de créanciers qui se fichaient éperdument de ses nouveaux amis. Il en fit les frais à l’hiver 1166, il y a quelques mois à peine. Ses dettes aux jeux, dans les bordels et auprès de plusieurs créanciers commençaient à peser une petite somme. Il se refusait à en rembourser certains, plus véreux encore que lui, s’estimant lésé. Certains avaient la main lourde sur les intérêts, et ceux-ci fluctuaient sans trop de justification. Il s’appliquait à rembourser une partie de ses dettes et travaillait comme une bête quand on vint taper à sa porte. Il était alors de séjour dans un village perdu en périphérie de la cité. Quelques affaires de contrebandes le menaient alors loin des murailles. La bicoque où il créchait était silencieuse. Seul le hurlement du vent s’engouffrant entre les planches pourries de la demeure brisait le silence. Jusqu’à ces cinq coups brutaux sur la porte. Alleaume n’était pas dupe, il savait qu’on ne se faisait jamais réveiller à une heure si tardive pour de bonnes nouvelles. Glissant une dague dans sa botte, il entreprit de sortir par derrière pour éviter son créancier. En se faufilant par son échappatoire, il tombait nez à nez avec un colosse bien original. Une colosse, pour être précise. Dans la pénombre, avançant à tâtons, il se heurtait à elle et son équipement. Avant qu’il n’ait pu réagir, il reçut une violente gifle. Peu galant, il retournait le coup. S’en suivit une bagarre pour le moins étrange, car c’était la première fois qu’il avait maille à faire à une femme, et aussi robuste qui plus est. Elle savait bastonner au moins aussi bien que lui, si ce n’est mieux. Voyant qu’il était à deux doigts de prendre une rouste, et alors que la donzelle lui hurlait qu’il devait payer maintenant, il tentait de s’esquiver. Après lui avoir tiré les cheveux et asséné quelques coups lâches, il tentait de tourner les talons pour prendre la poudre d’escampette. Un complice de l’ogre menstrué l’attendait et il reçut un violent coup derrière la nuque.
Il ne reprit ses esprits qu’un peu plus tard. Peu de temps, il semblerait, car la nuit était encore noire. Mais il s’était passé assez de temps pour l’emmener dans une forge déserte. Il faisait sombre, et seul le feu de la forge éclairait l’antre où ses tortionnaires l’avaient tiré. Il y avait encore ce satané diable à nichons, et deux autres complices qui paraissaient presque maigrelets à côté. Les maigrichons faisaient la causette, réclamant l’argent et reprochant l’amnésie sélective d’Alleaume qui jouait les ignorants. L’autre lui collait des torgnolles et le rasseyait sur la chaise en bois où il était planté quand il en tombait. Le Choucas finissait par perdre son orgueil, tenant plus à la vie qu’à sa fierté, et finit par promettre de payer. Mais voilà, il fallait des garanties qu’il se souvienne bien cette fois, et qu’il ne se fasse plus oublier comme il avait fâcheuse tendance à le faire. La recouvreuse de fond l’attrapait par les épaules pour je ne sais quelle manœuvre, et Alleaume se débattait avec vigueur, donnant tout ce qui lui restait d’énergie. Une nouvelle bagarre éclatait, mais à trois contre un, il prit une bonne volée. Sans trop savoir comment, il se retrouvait le cul nul, maintenu au sol par la guerrière. Elle s’emparait alors d’un fer chauffé à blanc, venant rosir ses fesses blanches. Sa main gantée venait étouffer le cri peu viril du Choucas, qui mordit à pleine dents la dame en armes. Voilà qu’il avait le cul cuit et sa fierté avait faillis.
Voilà notre bon Alleaume affublé d’un nouveau signe distinctif. Il eut du mal à s’asseoir pendant un moment, et se garde bien d’exposer son postérieur à n’importe qui. Mais il garde bien en tête que cette furie va venir chercher son dû d’un moment à l’autre. Entre temps, le navire du Dauphinat sur lequel il servait avait connu quelques mésaventures. Lui étant un Bonaventure s’en était sortis sans trop de mal, mais le bateau était à quai pour réparations. Il attend alors depuis son affectation à un autre équipage, et les Dieux savent que le travail ne manque pas dans ce secteur d’activité. Alors le cul meurtri de sa vieille marque et le torse bombé, il attend sans cacher son impatience de retourner en mer, s’aventurant bien peu en dehors de Marbrume depuis l’hiver.
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