Marbrume


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MessageSujet: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyDim 13 Fév 2022 - 14:15
Port de Marbrume, le 16 mai 1167


Le soleil se couche enfin, et Jean vient de partir à la taverne, comme presque tous les soirs. J'sais pas comment il fait, parce qu'il fait encore chaud, alors j'suis bien contente d'avoir à sortir de la chambre étouffante. J'ai là, dans un grand panier, tout un tas de fioles et de pots en terre remplis d'infusions, de décoctions, d'onguents et de pâtes. J'en ai fourré un paquet dans ma robe aussi, mais j'ai pas des poches extensibles non plus !

Je m'dirige vers les quais, en laissant Jeannot devant la maison avec la vieille Lucie. Le panier est lourd, je marche vite, je louvoie entre les passants, et j'arrive au bord de l'eau, enfin, pas tout à fait au bord, s'agirait pas d'tomber dedans ! J'pose enfin mon panier, c'que j'ai chaud ! Je transpire et je sens que ma tunique en lin colle à ma peau. Il y a un léger vent, le vent de la mer : il rafraîchit agréablement. J'avise une barque qui traîne là, renversée avec son ventre vers le ciel et je m'y assois pour attendre, coudes appuyés derrière moi et jambes étendues devant, savourant ce petit instant de répit en regardant les passants. J'en reconnais la plupart : il y a là le père Mathurin avec sa brouette, et la petite Aliénor qui nourrit les chats. Ah, et la Josette qui va rejoindre son amoureux là-bas, sous le porche ! C'est la fin de la journée, et yen a encore beaucoup au travail, alors personne s'arrête me causer, même si je fais quelques signes de la main pour saluer une connaissance ou deux de loin.


Dernière édition par Mariotte le Ven 1 Avr 2022 - 20:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyMar 15 Fév 2022 - 21:47

« Renard Le Roux »*
16 mai 1167

Il n’avait pas fallu longtemps au Goupil pour tenir parole. Comme promis, il avait fait porter à Mariotte l’ensemble des plantes nécessaires à la réalisation d’un élixir qui ferait probablement leur fortune tant la crédulité des petites gens était grande. En vérité, l’idée était si grandiose que pas un jour ne s’écoulait sans que le contrebandier ne s’étonne de ne pas y avoir songé lui-même. À croire qu’en dépit de dépenses excessivement futiles, les gains tirés de ses manigances lui suffisaient.

Arrivé sur les quais depuis les quartiers les plus malfamés de Marbrume, le marchand longea la mer sans lui accorder un regard, préférant chercher des yeux une sirène qu’il avait convenu de retrouver.
La mise au point de leur système de communication secrète était une réussite et en dépit de capacités artistiques contestables, le roublard s’était découvert un certain talent pour esquisser assez bien les femmes nues – ou seulement à demi. Pourtant, un détail l’avait frappé à l’instant même d’exprimer son art : laisser entendre à Mariotte qu’il désirait la voir était une bonne chose, mais savoir où la trouver était encore mieux. Ce léger oubli dans leur cabale grotesque avait poussé le contrebandier à réviser ses plans. Une âme en peine, modestement rétribuée, avait alors transmis marchandises et compléments d’information à la poissonnière.

S’ils devaient se voir, ils se rencontreraient sur les quais.

Mais tandis qu’il les arpentait sans distinguer la silhouette qu’il cherchait, Le Goupil réprima un soupir. Assurément, le lieu de rendez-vous demeurait trop vaste, quand bien même la discrète brise marine, alimentée par le tumulte des vagues, rendait respirable un air proprement étouffant pour un mois de mai.

Comme il approchait la frontière du quartier, le renard redouta une perspective qu’un profil familier balaya aussitôt. Nonchalamment assise sur une barque retournée, Mariotte semblait contempler un domaine qui ne recelait plus aucun secret, dont elle se sentait probablement reine – comme un poisson dans l’eau, aurait-il pu hasarder s'il avait été ivrogne, boiteux et adepte d'un humour bancal.
L’entretien imminent, qu’il présumait délicieux, étira inévitablement ses lippes en un sourire qui ne le quitta plus jusqu’à ce qu’il rejoigne sa complice, après avoir bondi lestement sur ce ventre de bois, offert en pâture.

— Salutations, beauté des quais ! s’exclama-t-il en papillonnant des cils, le bas du visage dissimulé derrière un écran rectangulaire en carton, fixé sur un manche, tiens. Cadeau !

Interrompant son numéro, le roublard s’éventa brièvement avant de tendre à la jeune femme cet éventail grossier, volé plus tôt dans les cuisines d’une taverne crasseuse.

— Attends-tu depuis longtemps ? Il paraît qu’il faut savoir se faire désirer en certaines circonstances, gloussa-t-il avant de lorgner ce panier décidément trop garni, eh bien… Tu as fait honneur à ma cueillette, à ce que je vois. J’ai bien fait de sauter un repas, s’amusa-t-il en descendant de son perchoir pour approcher des fioles, pots et onguents.

Délesté de son indémodable pèlerine longue – rapiécée tant de fois qu’elle n’était jamais plus qu’un ensemble bariolé de tissus de piètre qualité –, il ne restait plus sur le dos du renard qu’une chemise en toile ouverte sur son torse squelettique, dont les manches, retroussées au-dessus de ses coudes, révélaient des avant-bras filiformes lardés de cicatrices.

Pliée en deux au-dessus du panier, la carcasse de l’animal en observait le contenu avec intérêt. Ses doigts griffus saisirent alors un récipient qu’il étudia en se redressant. Un effluve détestable lui caressa le museau lorsqu’il le déboucha.

— Par tous les… Qu’as-tu donc mis là-dedans ! s’inquiéta-t-il en refermant la petite bouteille, éclaire-moi de ta sagesse, semi-déesse : qu’ai-je à gagner, à ingurgiter ceci, sinon une mort prématurée ? s’enquit-il dans un haussement du sourcil droit.

__________________
* : petite entorse à la règle, ici : il ne s’agit pas d’une enluminure ou d’une illustration, comme d’ordinaire, mais d’une broderie. Il se trouve que je n’ai pas résisté à la tentation, en voyant cet être folklorique perché sur le dos du renard. J’espère que tu ne m’en tiendras pas rigueur, fée des eaux salées ;]
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyMer 16 Fév 2022 - 13:20
Parmi les badauds, je ne vois pas venir Henri. Il me surprend en arrivant de l'autre côté de la barque, sautant dessus avec une aisance qui en dit long sur son agilité. J'peux pas retenir un petit cri de surprise, avant de me mettre à rire. Il me tend un éventail qui est vraiment bienvenu, dans cette chaleur un peu moite au bord de l'eau, et j'commence à l'agiter, toujours à moitié allongée sur la barque. J'pourrais presque m'endormir là, comme ça...

- Bien sûr que j't'attends depuis trop longtemps, Goupil, lui fais-je avec un clin d'oeil. Moi, je connais son vrai nom, ça montre bien qu'on est des vrais partenaires. Mais pour c'qui est de te désirer, j'laisse ça à ta femme !

Il s'agite autour de mes pots, curieux comme une vieille pie. Pour sûr, il avait l'air miséreux la dernière fois que j'l'ai vu, mais maintenant qu'il a enlevé son manteau, c'est encore pire ! Ça, c'est un vrai problème... Je fais la moue.

- Dis donc... Si tu veux passer pour un érudit, les verres sur le nez, c'est bien, mais ça va pas suffire ! Tu f'ras un effort pour te trouver aut' chose à te mettre !

Il débouche le premier pot, grimace comme un gamin à qui on demande de manger sa soupe. J'soupire, je me redresse sur mes deux jambes et je hisse le panier sur la barque.

- Serait-y pas capricieux notre bonhomme ? J'y ai mis que les plantes que tu m'as apportées l'autre jour : si ya pas de venin dedans, alors tu mourras pas ! Et puis, je ne te demande pas de toutes les goûter : si l'odeur est trop repoussante, on le vendra pas. Non, il nous faut une odeur qui fasse remède, sans les dégoûter ! Et que penses-tu des onguents, dis-moi ? Les potions, c'est plus classique ; mais avec un onguent, on se démarque sans problème ! Et puis ça sera parfait pour les mains de ces dames ! Le fait est que ça revient plus cher à fabriquer en revanche...

Oui, j'aime pas trop m'poser de questions, mais là on est sur la naissance d'un truc à vendre, il faut faire ça bien, il faut donner envie, il faut créer le besoin ! J'ai tellement d'espoir dans les sous qu'on pourra gagner ce jour-là ! Je passe les mains sous mon tablier pour sortir les dernières fioles que j'ai mises dans ma robe et les ajouter aux autres sur la barque.

- Tiens, en v'là d'autres, j'les avais rangées en bonne place !
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyJeu 17 Fév 2022 - 22:27

« Renard Le Roux »
Plongé dans une profonde réflexion que lui avaient d’abord inspiré les remarques de Mariotte, et que lui inspiraient à présent les fioles, le renard se frottait la barbe du bout des griffes en suivant des yeux les mouvements de la poissonnière. À sa perplexité palpable s’ajouta le problème des onguents, que les flasques sorties de sous le tablier balayèrent néanmoins.
Les sourcils hauts, Le Goupil observa tour à tour les potions fraîchement alignées sur la barque, puis sa complice, avant de ricaner pour lui-même.

— J’étais déjà curieux de savoir ce qu’il y avait là-dessous, voilà une raison de plus d’y… fourrer mon nez, admit-il dans un sourire.

Ses longs doigts s’étirèrent vers un récipient contenant l’un des cérats, son museau en huma le parfum. La jeune femme avait eu une bonne idée : une pommade était plus adaptée à un produit censé adoucir les mains. Exceptionnellement, pourtant, le roublard ne songea pas aux demoiselles qui appliqueraient la marchandise sur leurs pattes, mais plutôt aux hommes qui, conscients de la supercherie, envisageraient de s’en passer sur le…

— C’est bien pensé, l’onguent, trancha-t-il dans un gloussement, celui-ci me plaît bien. Il ne sent pas mauvais, mais très fort. C’est typique de ce que ces escrocs du Temple badigeonnent sur les plaies et autres blessures.

Par acquit de conscience, le contrebandier sentit chacun des baumes réalisés par la poissonnière, mais son choix resta arrêté sur le premier en dépit d’une comparaison méticuleuse – impliquant autant l’odeur que la texture et la couleur.

— Ainsi donc, je ne suis pas à ton goût, beauté des quais ? minauda-t-il en s’attaquant à présent aux fioles, tout érudit n’est pas nécessairement replet. D’ici à ce que la foire ait lieu, je serai bien incapable de me refaire une santé et n’ai pas les moyens de renouveler mes oripeaux, mentit-il en jetant un regard à la poissonnière, enfin… J’imagine que je pourrais bien voler une tenue plus appropriée dans les quartiers bourgeois de notre charmante cité. Je n’y ai pas encore croisé d’œil aussi vif que le tien, pour surprendre ce que personne n’est censé voir.

Patiemment, le renard observa l’allure des potions, puis en flaira le parfum – réitérant plusieurs fois l’opération vis-à-vis des mêmes, le cas échéant –, procéda à une sélection silencieuse impliquant de remettre dans le panier toute odeur ou tout aspect trop repoussant, pour ne retenir que les produits alignés sur la barque. Il en choisit cinq de la sorte, et se saisit de l’une d’elles.

— Dis-moi, Mariotte, hasarda-t-il en buvant une gorgée du mélange, bon sang… c’est infect, déplora-t-il en s’humectant les lèvres dans une grimace de dégoût, je disais donc : imagine, au fil de ma… dégustation, l’une des décoctions produit l’effet que nous recherchons. Comment comptes-tu m’aider à surmonter cet obstacle ?

Hormis le fin sourire étirant ses lippes, l’amusement du renard n’était pas aussi palpable que d’ordinaire, lui conférant un air presque sérieux.

— À toutes fins utiles, et avant même que tu envisages seulement de te dérober : je n’ai pas de femme pour te sauver la mise.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyDim 20 Fév 2022 - 13:13
Je ris à nouveau. C'qu'il est drôle cet énergumène, enfin quelqu'un qui s'prend pas la tête avec des formules de gens d'la haute ou qui m'embête pas à me dire que j'parle trop ! J'agite mes jupes dans un froufrou de tissu pour le taquiner, puis l'oubliant aussitôt pour sentir à nouveau mes crèmes. A n'en pas douter, l'odeur de certaines a changé depuis que j'les ai faites... Parfois en bien, pafois en mal... Très mal. Je retrousse le nez de dégoût.

- J'pourrais bien t'aider si tu en as besoin, partenaire... Parce que l'apparence, c'est important tu vois. Faut pas montrer les cicatrices et ce genre de choses, c'est pas vendeur, puis faut êt' prop' sur soi quoi... Oh ! Et tu pourrais me trouver une robe... Oh, oui, une robe en lin, bien tissée régulier, propre, avec une jolie couleur ? Ou même... Ou même un simple ruban... Je t'en prie ! J'peux faire distraction, je peux amadouer la milice, si tu me promets ça ! S'il te plaît ?

Mais oui ! S'il s'introduit chez quelqu'un d'assez riche pour avoir une chemise propre, pourquoi pas un ruban au moins ? J'en ai tellement envie ! Sans m'en rendre compte, je me suis mise à tirer sur sa manche pour attirer son attention, j'aimerais tellement qu'il accepte !

Mais j'affiche un grand sourire lorsqu'il commence à me poser des questions sur l'efficacité des mes remèdes maison.

- Ce serait formidable ça, si l'une de ces fioles marchait vraiment... Mais dis-moi, toi, comment que j'pourrais savoir si c'est bien la boisson qui fait son effet ou si ça n'est pas plutôt les cochonneries qui te viennent en tête quand tu essaies d'imaginer ce qu'il y a sous mes jupes, hein ? Tu s'rais pas le premier, va !

J'éclate alors franchement de rire.

- Si tu as besoin d'un coup de main pour ce genre de problème, ne compte pas sur moi, je suis bien trop chère pour toi l'ami. Alors si ça d'vient trop dur à supporter faudra qu't'ailles dépenser tes sous inexistants chez les donzelles à la cuisse légère... Et si tu as besoin d'un prêt pour ça... Moyennant un p'tit intérêt, je serais prête à t'en faire un, vraiment parce que c'est toi !
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyLun 21 Fév 2022 - 21:47

« Renard Le Roux »
Déjà intrigué par cette façon qu’elle avait eue de lui saisir la manche pour la tirailler, tel un enfant, le renard n’avait à présent plus d’yeux et d’oreilles que pour sa partenaire. Quelques commentaires suffirent à lui inspirer un éclat de rire, en écho à celui de Mariotte.

— Par tous les seins, tu es brillante, concéda l’animal dans un soupir de satisfaction, ses bésicles de nouveau rivées sur les fioles, comme il en saisissait une seconde, cela étant, mon imagination ne saurait esquisser la splendeur d’une semi-déesse sortie des eaux pour nous côtoyer, nous, pauvres mortels, alors… comment pourrais-je tirer plaisir de ce que je ne peux pas même concevoir ? Non, non. Je suis un homme d’action, qui ne croit que ce qu’il voit. Plus encore en matière de charmes ! déclama-t-il en avalant une gorgée de la nouvelle potion, s’étonnant de lui trouver un goût agréable, essaye, celle-ci est délicieuse. Ce n’est pas ce que nous recherchons, mais c’est une belle découverte admit-il, quoi qu’il en soit, je suis ravi d’apprendre que tu as un prix, ma douce, alors que je te pensais hors du marché, s’amusa-t-il après une brève œillade en direction de sa partenaire, tu te fourvoies, sur mon compte. Je n’en ai peut-être pas l’air, mais je te prie de croire que j’ai… la bourse pleine, assura-t-il avant de ricaner de sa propre bêtise, plus sérieusement, je n’ai nul besoin d’un prêt, mais te sais gré de te montrer aussi… altruiste. C’est si rare, en ces temps.

La troisième mixture fut un bon compromis pour leur affaire, justifia que le contrebandier dispose le contenant à part.

— D’ailleurs, cet aparté au sujet des gourgandines me rappelle un sujet dont je voulais m’entretenir avec toi. Mais j’y reviendrai, lui assura-t-il en se saisissant du quatrième flacon, ainsi donc… tu désires un ruban a minima ? Une robe, idéalement ? poursuivit-il en haussant un sourcil, me prendrais-tu pour un marchand ?

Amusé par sa propre remarque, le renard gloussa de nouveau, écarta l’avant-dernière fiole en raison d’un goût beaucoup trop acide, puis s’empara de l’ultime récipient.

— Je connais une boutique, pas bien loin de Bourg-Levant, qui appartient à une tisserande. En théorie, je serais plus que légitime à lui demander un service de ce genre, mais je pressens un mauvais accueil et une fin de non-recevoir, médita le roublard dans un sourire, il faudra donc faire sans. Cela étant, les linges suspendus pour sécher ne manquent pas. On devrait pouvoir trouver de quoi te combler. Ne reste plus qu’un problème à résoudre : qu’ai-je à y gagner, hmm ?

Dans la foulée, le contrebandier avala une gorgée, jaugea la saveur, grimaça brièvement, mais déposa la fiole aux côtés de l’autre élue.

— En mon sens, il faut choisir entre ces deux-là. Le goût n’est pas très agréable, mais supportable. Je te laisse trancher, énonça-t-il en s’adossant à la barque, bras croisés, je disais donc : qu’as-tu à m’offrir, pour cet odieux méfait ? Que je vole pour mon compte me paraît juste et nécessaire : comme tu l’as si bien souligné, je dois m'improviser érudit et, pour ce faire, en revêtir l’apparence. Mais toi ? Ton rôle ne sera-t-il pas d’être superbe en haranguant la foule de ta voix mélodieuse ? Force est de constater que tu n’as nul besoin d’une belle robe en lin pour charmer. Après tout, tu l’as affirmé toi-même : je ne suis pas le premier à essayer en vain d’imaginer ce qu’il y a sous tes jupes. Assurément, je ne serai pas le dernier, et la tenue que tu porteras, quelle que soit sa matière, sa couleur ou sa qualité, sera toujours honnie des hommes, estima-t-il, mais je suis tout ouïe, beauté des quais. Donne-moi les raisons qui devraient m’amener à subtiliser quelque chose pour toi.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyMar 22 Fév 2022 - 21:23
- M'aurait étonné que tu dises le contraire ! Un homme, ça n'dira jamais que sa bourse est vide... Dans toutes les espèces de situations ! Mais moi, peu m'importe de savoir ce qui se passe dans tes braies. C'est pour ça qu'ma valeur reste inestimable, puisque tu as des envies et des besoins, alors que moi, je n'y ai aucun intérêt dans l'histoire !

Oh, quelle histoire, oui ! Je souris et je lui fais un sourire charmeur avant de rire. Comme tous les hommes, il ne pense qu'à ça, mais la différence cette fois-ci, c'est qu'il a beau parler, il n'a toujours rien tenté : ni de toucher mon derrière, ni de poser un bisou sur une joue. C'est vraiment c'est un drôle d'animal que voilà !

J' goûte prudemment la fiole qu'il me tend : pouah ! Quelle délicieux goût en effet, ça n'a rien d'un remède viril ça ! c'était vraiment pas dans mes intentions, et j'vois vraiment pas à qui je pourrais vendre une infusion comme ça, ou ptêt bien pour les bébés, ça pourrait marcher, enfin si les bébés choisissaient eux-même leurs remèdes, et pas leurs mères...
Je renifle la suivante : je vais lui faire confiance, c'est un homme lui. Il doit bien savoir c'que les hommes aiment ou pas. Même si moi j'trouve ça un peu trop doux... Puis j'm'étouffe en l'entendant parler à nouveau de ma robe, la potion fait un aller-retour entre mes narines et ma gorge et malgré qu'ça m'agace, j'ai les yeux qui brillent en l'écoutant me dire que la robe n'est pas impossible à avoir.

- Un marchand ? Bien sûr que tu en es un : tu sais mettre un prix. Même si j'pense que t'as encore des choses à apprendre, et puis un marchand à la rue, ce serait vraiment pitoyable tu crois pas ? Qu'est-ce que tu pourrais bien vendre ?

Et c'est exactement ce que j'pensais qui allait se passer qui s' passe, il me d'mande d'y mettre un prix. Peut-être que je devrais me méfier après tout, parce que demander un prix avant d'en proposer un, c'est tout d'même une tactique commerciale sacrément roublarde.
Mais... L'offre et la demande hein ?

- Eh ben ! Tu l'dis toi-même : j'ai pas b'soin de cette robe moi ! Alors pourquoi que j'y mettrais un prix dis-moi ?

Hic. Par le saint poisson des mers c'pas le moment d'avoir le hoquet ! Une négociation si délicate foutrebleu ! J'essaie quand même de prendre un air bougrement sérieux pour qu'il m'écoute bien.

- Te payer en sous qui brillent pour une robe, c'est pas la question, mais j'imagine que tu l'sais hein ? J'me l'achèterais directement si j'voulais... Mais j'suis pas une hic ingrate tu sais, si tu f'sais ça pour moi tu rentrerais dans mes bonnes grâces. J'te traiterais aussi bien que mes meilleurs clients ! Et même...

J'me rapproche de lui et je me hisse sur mes pieds pour lui chuchoter à l'oreille.

- J'ai quelques contacts utiles, tu sais bien... Et puis, j'ai des infos. Des bonnes infos, des mauvaises, des potins, j'peux te retrouver qui tu veux dans la ville, les visages et les racontars, ça, oui, ça c'est mon domaine ! Autant qu'les poissons en fait, mais tu m'as jamais vu couper d'poissons hein ? Heureusement, parce que tu s'rais tombé amoureux en moins d'deux crois-moi !

Je me suis éloignée de lui et j'me mets à sourire larg... hic... ement. J'espère qu'il m'a prise au sérieux, parce qu'un ruban tout beau, tout neuf, ça fait si longtemps qu'j'en ai pas eu à moi...
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyLun 28 Fév 2022 - 21:30

« Renard Le Roux »
Tout aux réflexions inspirées par les propos de la poissonnière, les yeux du renard s’obstinaient à fixer le vide, cependant qu’il se grattait distraitement la barbe du bout des ongles. Il n’y eut qu’un début de hoquet pour le ramener à l’instant présent dans un haussement de sourcils fugace, qui précéda un sourire moqueur de plus en plus large, entretenu par les paroles et le comportement de sa partenaire commerciale.

— Me rémunérer en informations... médita-t-il en reprenant sa contemplation, je suppose que ce pourrait être intéressant. Du moins, si je n’avais pas déjà quelques contacts en la matière – assez, pour ne rien te cacher – et si je n’étais pas déjà dans tes bonnes grâces, hm ?

Ses iris reportés sur la poissonnière au joli minois, les lippes du roublard s’étirèrent davantage.

— Tu ne me feras pas croire que tu ne m’apprécies pas, naturellement ou nécessairement. Je te distrais trop pour que tu prétendes le contraire. Puis mes bésicles et mes doigts griffus t’apparaissent bien trop utiles pour que tu envisages de les laisser filer avant d’en avoir usé et abusé. J’ai donc tout lieu de penser que l’excellente marchande que tu es ne cherche qu’à m’amadouer et me rouler, afin de m'offrir quelque chose… que je possède finalement déjà.

Sans se départir de son rictus, le contrebandier s’écarta de la barque contre laquelle il prenait appui, saisit l’anse du panier de potions et onguents recalés par leurs soins, puis proposa son bras à la jeune femme.

— Dissimule en bonne place ce que nous vendrons pendant la foire, beauté hoquetante, pendant que je porte le reste. Où souhaites-tu entreposer tout ceci ? Guide-moi, je te suivrai… Après quoi, ce sera à moi de t’emmener quelque part, lui promit-il, énigmatique.

Lorsque sa partenaire fut enfin parée à l’orienter dans des venelles qu’il connaissait pourtant, le marchand se mit en marche d’un pas lent, presque contemplatif, comme si le port était l’endroit le plus diversifié et délicat à admirer dans cette cité maudite.

— Pendant que tu réfléchis à une proposition plus alléchante, discutons, hm ? suggéra-t-il de manière rhétorique, je dois bien avouer que ce que tu as dit plus tôt me tracasse. Je veux dire : j’ai des envies et des besoins, tu as raison, mais… ne serait-ce donc pas ton cas, pour que tu ne tires aucun intérêt de ma bourse ? médita-t-il en observant alentours, je côtoie mon lot de femmes et il n’y en a pas beaucoup pour résister, lorsque l’on sait comment les… prendre, dirais-je. Il suffit de fabriquer de toute pièce l’homme qu’elles attendent à l’instant de l’échange. Le preux chevalier, le mauvais garçon, l’oreille attentive, le bouffon... s’amusa-t-il en lorgnant sa compagne du coin de l’œil, faut-il que tu sois tombée sur des incapables pour n’éprouver aucune appétence en la matière, beauté des quais ? À moins que tu ne sois là que pour cela. Tenter, sans que personne ne te possède jamais. De ces femmes que l’on idéalise, aux pieds desquelles on se pâme dans l’espoir d’obtenir d’elles un baiser, poursuivit-il en concédant, dans une moue, une certaine pertinence à ses délires, ma foi, ç’aurait quelque chose de poétique, tu ne crois pas ? Par ailleurs, cela expliquerait les amoureux transis alors que tu lèves les filets de poisson… Non mais quelle tête de pipe tomberait sous le charme à cette occasion ?

Dépassé par cette seule perspective, le roublard remua brièvement la tête en signe de dénégation.

— Tiens, pour en revenir aux envies et aux besoins, surenchérit-il, selon toi, la prostitution existe-t-elle parce que les hommes ont manifesté les premiers des désirs que leurs épouses ne parvenaient pas à assouvir totalement, ou parce que les femmes ont, les premières, vu en la vente de leur corps un moyen apparemment plus simple de gagner leur vie ? En d’autres termes : la prostitution est-elle née de la demande ou de l’offre ? hasarda-t-il en reportant son regard sur la poissonnière, c’était le sujet évoqué plus tôt, dont je voulais m’entretenir avec toi. Je suis curieux d’avoir un avis féminin sur la question.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptySam 5 Mar 2022 - 22:40
Je fais la moue moi aussi. Il se moque, il se fiche de mes informations ? Grand bien lui fasse ! Je les garderai pour moi !

- Soit. Je te mets au défi de prétendre que tu n'aimes pas ma compagnie : t'as jamais eu d'aussi bon public que moi, j'suis sûre, parce que tu causes encore plus que moi, alors j'imagine qu'on doit bien t'dire que tu parles trop hein ? J'ramasse les quelques fioles restantes et j'les range à nouveau dans la poche de ma robe, tout en continuant à discourir. C'est un vrai problème ça, ici ya personne qui aime parler alors que c'est la seule chose divertissante dans la vie, pas vrai ? Ça, puis bien sûr d'aut'choses, comme les rubans. On va déposer ça chez moi, j'connais pas d'endroit plus sûr.

J'attrape son bras, il est sacrément galant, je m'sens comme une grande dame avec son chevalier servant, enfin façon d'causer parce que j'compterais certainement pas sur cette grande carcasse rabougrie pour me sauver d'un chevalier noir ou d'un dragon, ça non, il en pas la carrure ! D'ailleurs j'peux pas me retenir de rire en l'observant et en l'imaginant en armure. J'ai pas tout écouté à son discours parce qu'il fait des phrases très longues, ça montre bien qu'il est instruit, mais j'ai du mal à suivre. J'crois bien avoir compris le sens général quand même.

- Oh ça, oui, yen a qui m'idéalisent, va donc savoir pourquoi ? Est-ce que j'essaie d'aguicher les hommes pour de vrai ? Non, c'est souvent pour la blague, mais certains m'prennent au sérieux, et crois-moi c'est pas si poétique. Mais moi ! Oui, moi aussi j'aimerais un preux chevalier, mais j'crois pas en avoir déjà croisé un sympathique pour le moment, mais crois-tu qu'ils se baladeraient sur les quais ? Puis, ce genre d'appétit, c'est bon pour les jeunettes qui rêvent et les hommes, oui ! Surtout les hommes. J'dis pas que j'y ai pas pris d'plaisir à faire des galipettes, plus jeune, mais enfin, tu sais, j'préfèrerais encore êt' tranquille toute seule moi. Mais faut bien manger alors, ma foi, on fait c'qu'il y à faire, mais j'vais pas chercher à m'faire trousser juste pour un p'tit plaisir maigrelet, ça non !

Ya pas à dire c'te gaillard là se pose de drôles de questions, comme s'il avait que ça à faire de sa journée alors que j'serais lui je penserais déjà à un moyen d'manger à ma faim, mais bon j'suis pas dans ses bottes.

- On est arrivés ! Là, tu vois, c'est mon Jeannot, j'espère bien qu'plus tard il sera solide, pas comme toi ! Comme ça, il m'nourrira quand j'serais vieille, même si j'compte pas devenir vieille et plus rien foutre bien sûr, mais une paire de bras forts à la maison c'est vital tu vois ?

Je laisse Jeannot et la vieille Lucie qui sont assis dehors pour pousser la porte.

- V'là mon château, et on va poser ces fioles à l'étage de la tour, chez la vieille Lucie, pour pas que l'dragon s'pose trop d'questions.

Je lâche le bras de mon compagnon du jour et j'commence à grimper, j'ouvre la porte du palier et j'lui désigne un endroit par terre où je commence à reposer les fioles qui se trouvaient dans ma poche avant de r'mettre les poings sur les hanches en le regardant. J'suis sacrément curieuse, mais j'essaie de pas l'montrer.

- Alors, où qu'tu veux m'emmener comme ça ? Est-ce que c'est un endroit agréable ? Avec des bonnes choses ? Ou peut-être un endroit où on peut s'faire de l'argent ?

Tant pis, je mords à l'hameçon comme une dorade pas très fine, mais l'appât est trop tentant. Je l'suis sans rechigner, en poursuivant la conversation.

- Ça n'fait pas de doutes pour moi, c'est le besoin ! Imagine un peu, si personne n'avait besoin de manger, est-ce que j'aurais fait poissonnière ? Non Henri ! Pardon, Goupil ! Je m'suis laissée emporter, mais t'inquiète pas, ça m'arrivera plus, je sais garder un secret ! Non, les hommes ils ont besoin de ça, ils fonctionnent pas bien sans. Mais tu d'vrais le savoir, puisque t'en es un ? Pourquoi tu poses la question ? Si... Tu m'embrouilles avec tes questions ! Si c'était l'inverse, ça voudrait dire que... Que... Que les femmes proposent aux hommes... Juste comme ça ? Pour le plaisir ? Si c'était vrai, on aurait des hommes prostitués, et j'en vois pas courir les rues, sauf si là-dedans tu comptes Marc, le fils du charretier, çui-là, dès que la nuit tombe, il file voir sa belle Laurine, la femme du tonnelier ! Imagine donc, elle a bien... Bien deux fois mon âge, parce qu'elle a trois filles et qu'la plus jeune est née la même année qu'moi. J'pense qu'elle le paie pour ça, j'vois pas d'autre explication, alors t'as ptêt bien raison : ptêt que l'offre elle vient aussi des hommes et qu'le besoin vient de l'argent et que le plaisir dans tout ça, ça vaut pas tripette !
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyLun 7 Mar 2022 - 23:38

« Renard Le Roux »
Entre prétendu mystère volontairement entretenu et réflexions sincères, Le Goupil avait presque tenu un silence irréprochable au gré des explications et commentaires de la poissonnière. Il n’y avait eu, en tout et pour tout, qu’une unique exception sous la forme d’un marmonnement affirmant que des dragons, il en avait vu d’autres.
En dehors de cette remarque, les sourires et haussements de sourcils avaient manifestement suffi à apporter à la jeune femme ce qu’elle semblait attendre – sauf à ce que la curiosité ne l’étouffe, tout simplement.

— Pour en être moi aussi, j’ai croisé mon lot d’énergumènes dans cette cité et au-delà, tu sais, concéda-t-il à sa partenaire en avançant d’un pas lent dans les ruelles du quartier portuaire, ce Marc pourrait très bien prendre un plaisir sincère à fréquenter cette… Laurine. D’ailleurs tu le dis toi-même : la belle Laurine. Ne resterait-elle pas attrayante en dépit d’un âge certain ? J’ai pu constater que certains hommes aimaient les femmes plus vieilles qu’eux. Certains espèrent y trouver l’expérience, d’autres cherchent une mère de substitution… Cela me rappelle une histoire que j’ai lue, il y a longtemps, mais… Hm, je te la raconterai peut-être une autre fois.

Le contrebandier lorgna sa complice, esquissa un sourire plus large, et reprit naturellement le fil de la conversation.

— Merci d’avoir réfléchi à la question, beauté des quais. Je suis satisfait de voir qu’une réponse qui te semblait évidente a pu être nuancée, par la suite. Finalement, le débat n’est peut-être pas aussi absurde qu’il n’y paraît, gloussa-t-il en remontant ses bésicles du bout du majeur, parler d’hommes, de femmes et d’intimité rappelle à mon bon souvenir cette gargouille, au seuil de la mort, chargée de surveiller ce chiard sorti de tes entrailles, censé pourvoir à tes besoins lorsque viendront tes vieux jours. Quand bien même tu n’entendrais pas ne plus rien… foutre. Il me semble que c’était là ton terme, s’amusa-t-il dans un rictus en coin, ces deux propres-à-rien, donc, n’as-tu jamais envisagé de les… utiliser ? suggéra-t-il dans un nouveau coup d’œil lancé à la poissonnière, avec ton sens aigu des affaires, je m’étonne sincèrement que tu n’aies pas pensé à les transporter à Bourg-Levant pour la journée. Je veux dire : à quoi servent-ils, au port ? Surveiller ta maison ? M’est avis que l’on pourrait dérober tous tes biens sans que la vieille ne puisse rien opposer d’autre que des geignements à peine audibles, supputa-t-il en se penchant pour être à la hauteur de sa complice, poursuivant alors sa réflexion sur le ton de la confidence, dans un murmure qu’elle seule pouvait percevoir, tandis qu’une doyenne miséreuse, en proie à la famine et à la plus grande détresse, assise tristement dans les quartiers bourgeois avec son jeune garçonnet, qu’elle parvient difficilement à nourrir… Cela éveillerait sûrement la pitié et la compassion… Pourquoi pas quelques piécettes, quelques mets, concédés par les plus charitables ou les plus orgueilleux, hm ?

Ces manigances livrées, le roublard se redressa en couvant Mariotte d’un regard presque empreint de fierté ; comme s’il se réjouissait de répandre le vice, d’instiller les pires idées.

— En dépit de leur apparente inutilité, cela leur conférerait une certaine valeur, tu ne penses pas ? Ah, justement : Bourg-Levant.

Chemin faisant, les deux comparses avaient quitté les boyaux sordides et boueux, longé les quais, traversé Le Goulot, atteint la lisière entre la misère et la bourgeoisie. Gangrenées par la pauvreté des petites gens, les premières maisons du quartier ne payaient pas de mine, mais plus ils s’enfonceraient dans ces rues élégamment pavées, plus le faste – ou du moins ce qu’il en restait – s’imposerait progressivement.

— C’est ici que je voulais t’emmener. À femme exceptionnelle, lieu exceptionnel, n’est-ce pas ? prétendit-il en reprenant son avancée, car, indubitablement, tu es exceptionnelle, beauté des quais. Croire que tu es déjà trop vieille pour apprécier les… galipettes, comme tu dis ; clamer que tu préférerais être seule. Quoique je puis comprendre cette part-ci de tes aspirations, quelque part. Comme je regrette de ne pas t’avoir rencontrée quelques années auparavant, en une période où, plus jeune, tu semblais par ailleurs plus… ouverte à la… conversation, ricana-t-il en s’arrêtant de nouveau.

Devant eux s’étendait la grande rue des Hytres, artère centrale à partir de laquelle s’échappaient d’innombrables ramifications. C’était précisément dans celles-ci que le renard escomptait œuvrer.

— Nous sommes arrivés, ma douce, affirma-t-il en se tournant vers sa complice, c’est ici que j’entends agripper quelques affaires convenables pour mieux paraître. J’ai besoin de ton goût inné et de ton œil aiguisé pour repérer ce qu’il nous faut. Une fois l’objectif déterminé, je me chargerai de l’atteindre. Du moins essaierai-je. Alors, je te le redemande une dernière fois, susurra-t-il en se penchant vers elle, que me proposes-tu pour un ruban, voire une robe ? s’enquit-il en se redressant aussitôt, je te le concède, Mariotte, j’aime ta compagnie. Au demeurant, je n’ai jamais prétendu le contraire. Cela étant, je ne l’aime pas assez pour risquer de perdre mes deux mains pour toi, tout comme tu ne m’apprécies pas assez pour te compromettre. Nous nous entendons bien, toi et moi, rions, discourons… mais je sais reconnaître un semblable lorsque j’en vois un et je suis convaincu qu’il en va de même pour toi. C’est fâcheux, mais s’il te faut me dénoncer pour sauver ta peau, tu le feras et réciproquement, affirma-t-il en se massant les poignets, comme s’il s’échauffait en vue de ce qui l’attendait, au fond, je suis un animal simple à satisfaire, pour peu que la rétribution promise en vaille la peine et compense le risque encouru. Nous convenons tous les deux de ce que l’argent n’est pas à propos et je n’entends pas prêter oreille aux informations que tu possèdes. Que te reste-t-il ? Ou plutôt… jusqu’à quel point désires-tu vraiment ce ruban ou cette robe ?

Après avoir longtemps contemplé les ruelles de part et d’autre de leur position, le renard reporta son attention sur la poissonnière, esquissant alors un sourire indéchiffrable.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyMar 8 Mar 2022 - 22:47
- Une histoire que tu as lue ? Mais raconte, c'est sans doute pas une histoire que j'connais moi, j'en connais pas des gens qui savent lire, sinon je s'rais pas venue te d'mander ce service l'aut'jour ! Allez, s'il te plaît ?

Je hausse les épaules de frustration à sa suggestion.

- Mais bien sûr que j'y ai pensé ! Seulement vois-tu, certains qui s'pensent sans doute meilleurs que les autres ont trouvé ça pas très moral, et j'peux te dire que ma réputation en a pris un sacré coup, alors j'ai arrêté. Pis l'mari de la Lucie, la vieille gargouille comme tu dis, il était pêcheur, alors les gens l'aiment bien dans l'quartier, ils la connaissent. Et elle répare les filets comme pas deux, alors l'un dans l'autre, on s'en sort plutôt bien comme ça, j'ai laissé tomber. Pis aussi, faut dire que garder l'Jeannot ça lui fait plaisir, alors c'est facile de s'arranger avec elle pour le loyer. C'est à elle la baraque tu sais ? Le jour où elle meurt, ça s'ra à nous. Ce s'rait rudement bien que ça tombe pas avant qu'le Jeannot parte naviguer avec son père mais bon, ça, on choisit pas hein ?

Il m'emmène vers les beaux quartiers, j'les connais bien, mais j'y mets rarement les pieds sans ma charrette. Y arriver au bras d'un galant homme, même s'il paie pas d'mine, faut bien avouer qu'ça m'remue étrangement les boyaux. Je ris à ses sous-entendus pas très fins, j'me sens flattée, j'aime bien ça. Il est autant sérieux que moi quand je m'amuse à rouler des hanches devant les badauds, mais c'est justement parce qu'il ne pense pas le tiers de c'qu'il dit que j'aime ça. Pas comme l'autre là, m'sieur Duval, qui m'fait aucun compliment pour ensuite tenter des choses sans prévenir !

J'esquisse un nouveau sourire à ses mots.

- Tout à fait ! On s'comprend, et c'est ça qu'j'aime bien chez toi. Ya pas d'rancune possible quand on est d'accord sur ces points hein ? Mais j'te rappelle que nous sommes partenaires. Alors même si j'ai pas envie d'me compromettre, et que j'pense qu'on est tous les deux d'accord sur le fait de s'tirer si l'un de nous se fait choper...

J'prends un instant pour regarder autour de moi. Je lâche alors son bras pour lui faire face, appuyant du doigt sur son torse avant de l'agiter dramatiquement en l'air.

- J'peux te proposer un spectacle que tu n'es pas prêt d'oublier ! Je vais te faire don de ma personne !

Avec un regard malicieux, je dénoue mon tablier et le retire pour lui fourrer dans les bras.

- Oui, j'pense pouvoir le faire. Faire une diversion pendant qu'tu feras ton affaire avec tes longs doigts habiles. Bien sûr, si la milice se pointe, on s'connaît pas hein ? T'en dis quoi ? M'est avis qu'tu avais quelque chose en tête, mais j'crois bien que c'est la seule chose qui m'paraît acceptable pour moi. En échange de ces jolis habits qui flottent là-bas ! Puis, moi c'est uniquement pour le plaisir, mais pour toi c't'un passage obligé d'avoir de beaux habits pour faire sérieux. Alors profite de ma proposition pendant qu'elle tient encore !
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptySam 12 Mar 2022 - 13:48

« Renard Le Roux »
Le tablier de la poissonnière dans les bras, les sourcils hauts, le renard dut bien concéder un certain étonnement le temps de deux ou trois secondes au moins. Une éternité, pour lui qui tâchait finalement de dissimuler, derrière des faux-semblants, toutes les émotions sincères susceptibles de le parcourir. Une pérennité qu’il chassa par son sempiternel sourire – quoiqu’il fût peut-être plus radieux encore qu’à l’accoutumée.

Donner de ta personne, hm ? répéta-t-il, tu ne saurais me faire plus plaisir, semi-déesse. Au cas où tu l’aurais oublié, cependant, je suis censé crapahuter pour récupérer des vêtements et ne pourrai ainsi profiter pleinement de ton spectacle. J’ose espérer qu’il est donc aussi auditif que visuel, afin de ne pas tout perdre de ta prestation.

Faute d’être inspiré, le marchand ne trouva rien de mieux à faire que d’enfiler le tablier de la poissonnière pour désencombrer ses doigts crochus.

— J’ajouterai que si notre petite entreprise tourne au vinaigre, outre le fait de ne pas se connaître l’un et l’autre, il serait pertinent, dans la mesure du possible, de nous retrouver au port, près de la barque retournée, recommanda-t-il, si ton spectacle me plaît, je te raconterai cette histoire, évoquée plus tôt, lui promit-il.

La dextre portée à son cœur, le renard étendit la senestre sur le côté et s’inclina théâtralement face à sa partenaire d’affaires.

— Mariotte ! s’exclama-t-il d’une voix claire, si nous n’en réchappons pas, je te prie de croire que ce fut un plaisir de friponner en ta délicieuse compagnie, déclara-t-il avec emphase.

Ponctuant son discours d’un clin d’œil adressé à sa comparse, le renard tourna les talons pour s’enfoncer dans la ruelle où l’attendait les vêtements étendus. Les bésicles rivées sur l’objectif, le contrebandier se frotta distraitement la nuque avant d’échapper un soupir.

Ces conneries n’étaient plus de son âge.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyMar 15 Mar 2022 - 14:55
Pendant un moment, j'ai bien cru que le marché que j'lui proposais lui allait pas, mais en fait, il accepte ! Il avait juste peur de louper cette diversion... J'me mets à rire encore, et encore plus une fois que je le vois avec mon tablier. Est-ce qu'il espère passer inaperçu comme ça ? Quel drôle d'animal, vraiment. Je hoche la tête vigoureusement, avant de m'figer devant une de ses nouvelles pitreries. Je sens qu'mes joues chauffent, pas qu'je sois gênée, ou alors juste gênée qu'il voit que son numéro m'laisse pas insensible. Ça m'fait plaisir que quelqu'un reconnaisse mes talents pour une fois, alors sa manière de m'dire au revoir comme un grand seigneur me laisse rêveuse. J'essaie de lui faire comme une révérence de grande dame moi aussi, en pliant les genoux et en soulevant ma robe.

- J'espère bien qu' la seule chose qui risque quoi que ce soit dans cette histoire ce sera ma robe, mais je compte sur toi pour me ramener des friperies à la hauteur !

Sur ce, je m'relève, et tente de repérer la femme que j'ai aperçue plus haut dans la rue, il y a un instant. J'panique un court moment avant de réaliser qu'elle est déjà passée devant nous, et elle est juste un peu plus bas dans la rue : elle est bien jolie, bien apprêtée, pas un seul cheveu qui dépasse de sa coiffe, et comble de chance, elle ressemble bien fort à la Gisèle, j'vais pas avoir à trop m'forcer pour c'que j'dois faire.

J'me mets à courir pour pas qu'elle s'éloigne trop, s'agirait pas qu'on soit à des lieues de la ruelle où jai vu la belle robe, ce serait bien dommage, puis surtout, ça vaudrait pas la peine que j'm'embête avec ça !
J'arrive enfin à lui mettre la main sur l'épaule pour l'arrêter et j'me mets à gueuler.

- TOI ! T'vas d'voir arrêter d'forniquer avec mon mari sale puterelle ! Ya qu'ça hein, les honnêtes gens ils font pas c'genre de choses, alors c'est pour l'argent dis-moi ? Pas la peine de parler, on va juste voir si tu lui plairas toujours après ça !

J'agrippe ses cheveux et tente de les tirer en arrière, vers le bas, mais la bougresse se r'tourne et m'empoigne les ch'veux avec un hurlement à faire trembler la Fange. Nom de nom, à quoi que j'me suis attaquée là ? Elle me fait mal aussi, alors avec mon aut' main j'essaie d'lui faire lâcher prise, mais elle s'y accroche à mes ch'veux, alors j'me penche violemment en avant pour que nos deux fronts s'rencontrent, c'qui marche, sauf que j'ai mal, bon sang, j'ai mal aux ch'veux, j'ai mal au front, dans la tête, ça résonne, ya des cris autour de nous, pis je sens qu'on tombe toutes les deux dans la merde, alors oui, c'est juste la boue d'la rue des Hytres, ça vaut toujours mieux que l'Goulot m'direz ? Ben non, ça reste une chiasse infâme et tout c'que j'veux c'est pas m'retrouver le nez dedans, alors je m'débats, autant avec les gesticulations d'la ribaude qu'avec mes robes où j'm'empêtre en grognant.
Soudain quelquechose cogne ma mâchoire, alors par réflexe je mords. J'pense bien que c'est son bras, et j'l'entends hurler à nouveau, et le monde se r'tourne, mes dents lâchent, d'un coup je vois le ciel avec une tête de furie en premier plan, j'suis coincée en d'ssous à pouvoir rien faire d'autre qu'à lui sortir la plus grosse pelletée de jurons que j'ai jamais sortie.

- BORDEL DE CHIASSE DE CON D'SES MORTS D'ANGUILLE POURRIE D'...

J'continue à en déblatérer un moment pendant que j'me reçois quelques coups qui m'font pas plus mal que ceux d'une fillette quand j'compare à ceux d'Jean, et j'essaie de m'dégager, quand soudain j'vois des bras soulever la diablesse et j'peux enfin m'relever, enfin, j'croyais, parce que je m'sens attrapée aussi, j'vois qu'on nous sépare, alors avant qu'elle soit trop loin, j'lui lance un crachat qui atterrit sur le bas d'sa robe. On est encerclés par des gens qui nous dévisagent, mais si j'ai autant d'bouillasse sur la figure qu'elle ya peu de chances qu'on me r'connaisse facilement... Puis, quoi même si c'était l'cas ? Ça s'fait pas d'voler le mari d'une autre, j'suis dans mon bon droit !

La grognasse en face de moi est complètement hystérique, elle a juste envie d'y r'tourner, moi pas tellement. J'crois bien que ç'a assez duré, s'il lui fallait plus de temps, c'est qu'il est pas bien doué d'ses dix doigts contrairement à c'que j'aurais pensé. Mais... Comment que j'vais m'dépatouiller de c'pétrin ? C'est vraiment injuste que j'me retrouve toujours dans les pires embrouilles, j'crois vraiment qu'les étoiles étaient pas bien alignées le jour de ma naissance, et ptêt même de ma conception.

- Lâchez-moi nom d'un chien ! Voyez pas qu'tout est d'sa faute ?

C'est vrai quoi, c'est pas moi qui trompe mon époux tout d'même ? Je sens les larmes qui me montent aux yeux et j'les pousse de tout mon coeur. C't'une rue plutôt bien ici, j'aurais pas tenté ça dans l'Goulot mais, ici... J'vais pas m'gêner.

- Bientôt cinq printemps qu'on est mariés, et le petiot ! Hein ! C'est bon, j'ai compris, j'm'attaquerai plus à elle, mais les dieux ! Les dieux sauront c'qu'elle a fait ! Moi j'suis ptêt trop misérable pour te punir, mais j'ai foi en la Trinité, parce qu'il faut bien qu'il y ait une justice dans ce bas monde !

Et là je fonds en larmes. J'sens que les bras s'relâchent, dans cet état j'pourrais pas m'battre ça c'est sûr, pis qui sait, ptêt que ma tirade leur a fait de l'effet ?

- Non, vraiment, faut qu'je reste forte, pour le petiot comprenez ? C'est... C'est pas facile, mais s'il le faut, je le ferai !

Je soupire en regardant vers le ciel, les épaules basses, les joues pleines de larmes et avec quelques sanglots qui m'secouent encore. Je r'pars doucement en traînant des pieds, comme si que j'avais le poids du ciel à supporter, et doucement, je pars dans la foule, tourne dans une ruelle voisine, laisse échapper un gros soupir de soulagement et me mets à détaler comme un lapin vers le port.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyJeu 17 Mar 2022 - 22:44

« Renard Le Roux »
Sous le fil étendu de part et d’autre de la rue et les vêtements qui s’y trouvaient suspendus, le renard songeait à la meilleure stratégie pour parvenir à ses fins. Indéniablement, sa grande taille ne ferait pas tout, aussi devrait-il prendre appui sur l’un des murs pour sauter plus haut et escompter saisir ses deux objectifs. Plus accessible, la robe ne lui faisait pas porter peine, mais le roublard n’était pas certain d’échapper aux remontrances de sa partenaire commerciale s’il revenait sans cette chemise avec laquelle il était censé faire illusion.

Ses réflexions furent interrompues par des cris en provenance de la rue adjacente, bientôt suivis de hurlements et d’insultes qui inspirèrent à ses lèvres un sourire sincère. À retardement, il comprenait mieux ce que Mariotte avait voulu dire en prétendant qu’elle donnerait de sa personne, et force était de constater que cela avait plutôt l’air de fonctionner. Profitant de cette diversion menée de main de maître, le roublard recula de quelques pas, puis s’élança. Peu gêné par la graisse, l’animal prit sans peine appui contre le mur pour se propulser plus haut, attraper le bas de la robe de ses doigts griffus et retomber agilement sur ses pattes. La chemise lui donna davantage de fil à retordre et nécessita qu’il s’y reprenne à deux fois.

Sans traîner, le renard plia méticuleusement son butin, puis l'enroula dans le tablier de la poissonnière. Ainsi, ce fut presque tranquillement qu’il quitta la venelle pour gagner la rue principale où semblaient déjà se disperser les badauds après que Mariotte eut fait son œuvre. Cette même quiétude imprégna chacun de ses gestes tout le long du chemin qui le conduisit jusqu’à la barque retournée du port, sur laquelle il s’installa en attendant sa comparse.

Le sourire qu’il lui adressa, lorsqu’elle pointa enfin le bout de son museau, souffrit du constat que lui inspira l’état de ses vêtements. Manifestement, tous les clabaudages et vilenies qui lui étaient parvenus de loin n’avaient pas été nécessairement exagérés.

— Je comprends mieux ce que tu voulais dire, en évoquant un risque pour ta robe... concéda-t-il dans un rictus.

D’un bond, le renard descendit de son perchoir et s’étira dans toute sa hauteur.

— Heureusement, tu as un précieux ami en la personne d'un fieffé roublard, poursuivit-il en dépliant soigneusement le tablier de la poissonnière pour en sortir la robe, qu’il appliqua sur lui-même, comme pour mieux contempler la beauté de l’ouvrage, pas mal, hm ? Toi, cette jolie robe, moi, une chemise presque neuve, avança-t-il dans un rictus en coin, on va tous les dépouiller...

Avec nonchalance, le roublard tendit la tenue à la jeune femme, se frotta la joue du bout des griffes une fois son présent offert.

— Chose promise, chose due : tu as amplement mérité cette histoire évoquée plus tôt, admit-il en s’adossant à la barque, ses bras maigrelets croisés sur son torse, une histoire à la fois rocambolesque et tragique. Imagine un couple d’amants épris, souverains par ailleurs, attendant leur premier enfant. Désireux d’en savoir plus sur cette grossesse, peut-être dans le but de se rassurer, ils consultent un oracle qui leur annonce que s’il s’agit d’un mâle, ce dernier tuera son père et épousera sa mère, conta-t-il avec le sourire, se ménageant une petite pause pour appuyer l’horreur de la prédiction, les mois s'écoulent et, je te le donne en mille : un garçon voit le jour. Trop inquiets à l’idée que la prophétie se réalise, les parents abandonnent leur progéniture. La logique aurait voulu que le nourrisson meurt de faim ou se fasse dévorer, mais c’eut été sans compter sur le passage d’un berger, qui récupéra le bambin, finalement adopté par un Roi et une Reine. Tu noteras que certains ont la royauté dans le sang et tendent manifestement à n’attirer que cela, commenta-t-il au gré d’un aparté, je t'épargne les détails inintéressants sur l’adolescence du garçon. Fraîchement adulte, le voilà parti consulter l’oracle, qui réitère sa prédiction d'antan : il tuera son père et épousera sa mère. Terrorisé par une telle annonce, le jeune homme décide de ne prendre aucun risque et ne retourne donc pas voir ses parents adoptifs, qu’il pense être ses vrais parents, poursuivit-il, cependant, sur le chemin qui l'éloigne des terres qui l'ont vu grandir, il rencontre un vieillard avec qui il se querelle si violemment qu’il en vient à l'occire. Doté d'un sens de l'humour contestable, le destin voulut que ce vieillard soit en vérité le père du garçon. Bien évidemment, celui-ci ne prend pas même conscience qu’à cet instant, une partie de la prédiction s’est déjà réalisée. Comment aurait-il pu ? Il savait ses parents adoptifs à des lieues et les considérait comme ses géniteurs, continua-t-il en ponctuant son discours de quelques gestes grandiloquents, le jeune homme poursuit son périple et arrive dans une ville où sévit un monstre. Sans surprise, puisque le jouvenceau n’est jamais que le personnage principal de l’histoire, il triomphe de la créature et obtient, en récompense, la couronne du Roi de la cité… Couronne laissée vacante depuis la mort du précédent souverain, tué des propres mains de notre héros, sans qu’il ne le réalise encore. Tu me suis toujours ? gloussa-t-il en lorgnant Mariotte du coin de l’œil, le meilleur arrive maintenant : non content de monter sur le trône, le garçon épouse également la Reine, fraîchement veuve… Autrement dit, sa mère, ricana le roublard, ensemble, ils ont quatre enfants et le jouvenceau, devenu homme, ne réalisera ses crimes que bien plus tard, ce qui lui inspirera la brillante idée de se crever les yeux, acheva-t-il dans un haussement d’épaules, fin !

D’un geste nonchalant, le contrebandier parut dissiper l'étrange atmosphère inspirée par son récit.

— Mais laissons donc de côté ces fables moralisantes et revenons-en au concret, recommanda-t-il en arquant le sourcil droit, qu’ai-je cru ouïr, pendant ta prestation ? Que ton mari osait te tromper ? Mais comment peut-il exister homme plus butor ? Est-il aussi aveugle que le garçon de mon épopée, pour ne pas voir que beaucoup se damneraient pour obtenir ne serait-un qu’un baiser de son épouse ? hasarda-t-il dans un sourire énigmatique, aspires-tu à te venger, semi-déesse ? De lui ou de la gaupe à qui il va conter fleurette ? Tu n’as qu’un mot à dire et j’ai en tête quelques connaissances qui pourraient bien se charger de résoudre le problème.
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Mariotte
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MessageSujet: Re: [Terminé] Fioles sous tablier   [Terminé] Fioles sous tablier EmptyVen 1 Avr 2022 - 19:51
J'ai filé le plus vite que j'ai pu, droit vers le port, après un paquet d'détours et de regards derrière moi pour êt' sûre que personne me suivait, et j'suis allée jusqu'à une rampe pour descendre au niveau d'la mer, me débarbouiller la goule un maximum, frotter mes cheveux. Saleté d'boue puante. Ma robe, crottée. Déchirée à un endroit j'crois bien. La manche a salement morflé aussi. Va falloir que j'sorte mon aiguille ce soir. J'ai pas trop senti sur le coup, mais maint'nant qu'l'adrénaline retombe, je douille méchamment, j'suis plus trop d'bonne humeur, m'enfin, si Henri s'est pas loupé, j'devrais avoir une belle robe... En attendant j'ai pas l'air finaude. 'Core heureux qu'il fasse pas affaire avec moi pour mon physique.

J'remonte la rampe et je file vers la barque retournée où j'l'aperçois, fidèle au rendez-vous. J'entends plus rien, pas même ses moqueries, j'ai les yeux rivés sur le tablier qu'il déplie avec une lenteur insupportable, pour dévoiler... oh ! dévoiler la robe... qu'il déplie... Elle est si jolie ! J'ose pas la saisir avec mes menottes, cette robe toute propre, toute belle ! Alors j'reprends mon tablier, et j'attrape la robe avec, avant de m'installer confortablement par terre, dos à la barque, mon nouveau trésor dans les bras. Ça en valait la peine... Et j'écoute Henri me débiter son récit qu'il m'avait promis ! Il conte bien, alors j'le laisse conter, même si ya plusieurs fois où j'ai eu envie d'l'interrompre parce que j'suis pas bien sûre d'avoir tout saisi. Mais j'suis un peu déçue, parce que l'histoire a l'air de s'terminer mal.

- Mais... Mais ça veut dire que quand on d'mande une prédiction on risque de devoir s'crever les yeux ? Pourtant, moi j'ai déjà vu des voyantes, et j'ai jamais eu d'souci ! C'est quand même bien l'but, de voir l'avenir pour pas qu'il nous arrive de souci, non ? Et puis, moi mes yeux j'y tiens vraiment tu sais, sans ça, comment que j'finirais ! Des fois, j'ai l'impression qu'ils me lâchent, mais l'lendemain c'est reparti... Non, ton histoire elle fait vraiment trop peur ! J'aime pas !

Il propose de passer à aut' chose, alors j'fais oui d'la tête, moi j'préfère quand le prince emmène la princesse dans son château et qu'elle a de belles robes et des serviteurs et tout, j'préfère oublier c'qu'il vient de m'dire. Il est drôle quand même, ya pas à dire, il sait m'redonner l'sourire.

- Ah ça ! Crois-tu donc qu'on s'rait tombés dessus par un hasard miraculeux ? Ça, non, c'était juste une bonne femme qui passait par là, mais c'était pas vraiment un mensonge quand même, j'invente jamais d'histoires moi. Non, mais elle ressemblait beaucoup à Gisèle... Oh, tu connais Gisèle ? La patronne de la Sardine Souriante, tu sais ? Non ? Près du muret où on s'dessine ? Bon, crois-y ou pas, mais l'Jean lui a sauté d'ssus l'autre jour. J'te l'dis parce qu'ils étaient vraiment pas discrets ces deux-là, la moitié du port doit être au courant maint'nant. Ah ça ! J'étais sacrément énervée quand j'les ai trouvés ! M'enfin, tout bien réfléchi, j'pense pas qu'elle essaie d'lui piquer ses sous, parce qu'il est juste pêcheur hein ? Et elle, elle a une taverne ! J'aimerais juste bien savoir c'qui l'intéresse chez le Jean... Mais c'est pas l'sujet ! Non, figure-toi qu'ça m'arrange bien... J'veux dire, j't'ai déjà dit qu'c'est plus d'mon âge de faire des galipettes. Alors, si elle me laisse mon mari et qu'elle s'occupe de... cette partie-là, tu vois ? C'est parfait.

J'me relève, toujours avec mon tablier dans les bras, et j'm'incline bien bas.

- Messire Goupil, j'suis bien heureuse de cette journée ! J'm'en retourne chez moi maintenant. Dans trois s'maines, toi et moi, on s'ra riches, mais en attendant, j'ai du boulot moi !
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