Marbrume


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AliceBannie
Alice



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MessageSujet: Alice [Validée]   Alice [Validée] EmptyMer 16 Fév 2022 - 21:43



Alice, Forgée dans les flammes



Identité



Nom : /

Prénom : Alice

Age : 20 ans

Sexe : féminin

Situation : Célibataire

Rang : Bannie, égorgeuse

Lieu de vie : 1166 village des bannis - 1167 Ventfroid

Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs :
Carrière du Briscard

+2 INT, +1 CHAR, +1 HAB

Compétences et objets choisis : (voir topic Système Rp & Xp - Compétences)

Compétences :

- Alphabetisation - Niveau 1
- Sens De La Repartie - Niveau 1
- Arme De Predilection Épée- Niveau 1
- Seduction - Niveau 1
- Survie En Milieu Hostile – Niveau 1

Objets :

– Quelques bijoux volés
– Vieille tunique de lin
– Veste en cuir rapiécée
– Lourde pelisse à capuche

Apparence



Sa peau était blanche comme le lait, soyeuse comme le miel – du moins, c'est ce qu'il imaginait. Sans scrupule, il contemplait ses courbes magnifiées par sa tunique de lin chiffonnée, un état qui contrastait avec ses traits parfaits. Par les Trois, il aurait donné cher pour ne serait-ce que poser ses mains calleuses sur ses hanches, pour caresser ses cuisses galbées et embrasser son cou cerclé de bijoux qu'elle avait subtilisé avec grâce et habilité. Dans ses rêves, il passait ses doigts dans sa longue chevelure noir corbeau, se perdait dans ses yeux verts, brillant tel des pierres précieuses. Sa bouche naturellement rouge l'invitait à l'embrasser d'une passion dévorante, son sourire espiègle lui assurait des nuits courtes, mais intenses ; une promesse chaude et envoûtante qui animait son entre-jambe.

Soudain, elle intercepta son regard. D'une démarche sensuelle – du moins, c'est ce qu'il crut – elle s'approcha de lui, un rictus ravageur sur ses lèvres pulpeuses. Ses doigts, longs et fins, sculptés pour étreindre et effleurer, se tendirent vers lui, vers sa joue crasseuse et mal rasée.

L'illusion vola en éclat. Une poigne démesurée pour de si jolies mains agrippèrent sa chemise trouée ; avec violence, elle le tira vers lui, manquant de peu de fracasser son crâne contre le sien. L'homme glapit malgré lui, surpris par tant d'agressivité : un sourire mauvais animait désormais ce ravissant visage.

T'as b'soin d'aide pour me regarder, l'nouveau ? lui susurra-t-elle.

Moqueuse, elle descendit ses prunelles sur vers son bas-ventre, avant de raffermir sa prise sur l'étoffe abîmée. Quelques rires fusèrent entre les rangs ; des habitués qui s'étaient fait prendre au même jeu quelques semaines plus tôt, ou d'autres, qui avaient repéré la lueur de folie qui dansait derrière ses charmes et s'en étaient méfiés dès leur première rencontre. L'égorgeuse se lécha les lèvres, avant de le railler à nouveau, arrogante.

Plus ta queue grandit, plus ta langue disparaît ?

— Non, parvint-il à articuler, sans pour autant essayer de se soustraire à la poigne de sa supérieure hiérarchique.

Tant mieux, roucoula-t-elle.

Il ne sut comment interpréter sa réponse.

Elle le repoussa sans ménagement et il tomba à la renverse. Elle était un piège à elle seule, comprenait-il, dans lequel il avait sauté à pieds joints. Un air carnassier sur le visage, elle le toisait ; il frissonna. Il avait commis sa première erreur ; les deux émeraudes qui le jaugeaient lui promettaient qu'il n'en commettrait plus aucune. Alice n'était pas qu'un piège, elle était une arme. Un pommeau laqué d'or, doté de jolies moulures, une garde ouvragée, sertie de gemmes ; fixée sur l’œuvre, une lame si tranchante qu'elle avait dû être frappée maintes fois avec ardeur, plongée dans des flammes qui l'avaient façonnée à la perfection. Marcel n'imaginait pas à quel point il avait raison.

***

Le tissu coula sur son corps nu et chut sur le sol dans un doux froissement. Alice plongea ses mains dans une bassine d'eau froide et les porta à son visage, lavant les traces de sang et de boue qui le maculaient. Comme tous les soirs, elle ancra ses yeux dans le miroir poli qui lui faisait face, grimaça à la vue de sa peau pâle. Un teint nacré qu'elle ne pouvait laisser colorer au soleil de peur de trop en dévoiler ; les dieux savaient pourtant à quel point elle avait aimé se baigner dans les rayons de l'astre, soupirer de bien-être sous ses baisers brûlants. Un gémissement plaintif s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle passait ses bras autour de son corps et se laissait tomber sur la pierre glacée de Ventfroid. Sous ses pieds, la morsure du froid remontait le long de ses jambes qu'elle jugeait trop maigres, s'enroulait autour des boursouflures qui serpentaient dans son dos hideux. Jamais pourtant le froid ne parvenait à calmer cette chaleur sourde qui pulsait de ses cicatrices. Il la rassurait, sans pour autant la guérir.

Un rire nerveux s'échappa de ses lèvres. Comment l'aurait regardée cet abruti de Marcel – et tous les autres – s'ils connaissaient son secret ? Son corps était sa plus grande force ; elle ne disposait pas de meilleure arme pour diriger, influencer et provoquer. Paradoxalement, il était aussi sa plus grande faiblesse ; la source d'une douleur infinie qui ne cessait de la brûler, un rappel morbide de son adolescence, un fardeau qu'elle ne pouvait que dissimuler derrière des couches de tissus et des regards de braise.

Elle releva les yeux vers le miroir posé sur un vieux meuble. Trop basse, elle ne pouvait plus observer son reflet. Parfois, elle aurait aimé disparaître : mourir dans les flammes, fondre sous leurs caresses. Satanée Ombre.

Alice s'allongea sur le dos, fixa le plafond de ses grands yeux verts. Non, elle ne pouvait pas mourir, elle devait s'amuser. Les dieux – trois, quatre, cinq, elle n'en avait plus rien à faire – l'avaient privée de sa beauté ainsi que de sa vie. Brûlée, huée, abandonnée, ruinée... Elle avait une vengeance à accomplir, une revanche à prendre. Contre qui ?Tout le monde. Mais surtout contre elle-même.


Histoire


Arence 1160


La sueur perlait sur son front. Ses cheveux attachés en hâte s'échappaient de leurs liens et chatouillaient son visage, tandis qu'elle virevoltait autour de son grand frère. Elle l'avait harcelé pendant des jours pour qu'il lui apprenne à se servir d'une épée ; une tâche qui lui avait toujours sembler plus intéressante que la couture. Guillaume avait cédé quelques semaines plus tôt, parce qu'elle lui avait fait de la peine ou parce qu'elle l'avait vraiment rendu fou, Alice n'en savait rien – et pour être honnête, elle s'en fichait. Il était si exaltant de tenir fermement entre ses petites mains une arme en bois ainsi qu'un bouclier rond – bien que ce dernier fût encore trop lourd à son goût. À l'abri des regards, dans l'ombre des écuries – le palefrenier l'adorait, jamais il ne mentionnerait cet écart à ses parents – Guillaume et Alice s'entraînaient dès qu'une occasion le leur permettait.

Ses bras la tiraillaient, des bleus cachés par sa tunique fleurissaient sur son corps, tandis que ses jambes, si petites et pourtant si lourdes, perdaient le rythme. Guillaume, lui, s'amusait de son état et se plaisait à cogner l'arme de sa cadette afin de la faire reculer. À chacune de leurs retrouvailles, il prenait à malin plaisir à frapper un peu trop fort ici, un peu trop fort là, sans jamais essayer de lui apprendre bottes et autres coups d'estoc. Alice n'était pas une idiote, elle savait qu'il cherchait à la faire abandonner, à lui prouver que ce n'était ni sa place ni son devoir. C'était mal connaître sa petite sœur : ragaillardie par la prétention de son aîné, elle ne cessait de le houspiller afin qu'ils entament un nouveau duel.

Un gémissement s'échappa de ses lèvres lorsque ses fesses heurtèrent le sol poussiéreux. Une fois de plus, elle n'avait pas réussi à éviter l'allonge de Guillaume, gênée par son bouclier. Elle ne parvenait pas à l'utiliser, mais subissait sa présence, un fardeau collé sur son bras gauche. Renfrognée, Alice lui lança un regard noir avant de se remettre debout. Il riait toujours lorsqu' elle s'élança. Ses coups d'estoc dérisoires ne parvinrent qu'à provoquer de nouveaux sourires moqueurs, mais elle ne se laissa pas démonter pour autant. D'un mouvement brusque, elle se débarrassa de l'égide et profita de cet instant de surprise pour attaquer. Guillaume para sans difficulté comme prévu. Souple comme un félin – il fallait bien que ses cours de danse servent à quelque chose – la jeune noble s'abaissa tout en lâchant son arme factice, avant de se saisir d'une jambe de son adversaire. Ils tombèrent tous les deux à la renverse ; par chance – plaise aux Trois – Alice se retrouva sur lui. Elle plaqua ses paumes sur son torse et s'écria « J'ai gagné ! » avant de rire aux éclats. Espiègle, elle ne l'aida en rien pour se relever, trop ravie de pouvoir se pavaner.

— Idiote ! râla Guillaume. Tu ne peux pas faire ça !

Bien sûr que si ! L'important c'est de gagner !

Elle rayonnait. Sa première victoire. Rusée, il était vrai. Mais c'était là qu'était sa force. À bien y réfléchir, sa véritable victoire fut d'en prendre conscience alors qu'elle rentrait à peine dans l'adolescence.


****

Arence 1164


On racontait que des monstres rôdaient aux alentours de la ville fortifiée, mais existaient-ils vraiment ? C'était absurde, sa mère l'avait dit. Son père en avait ri. Les pauvres inventaient toujours de bonnes histoires avait déclaré Guillaume quelques jours plus tôt. Ils n'avaient pas l'argent pour se faire remarquer, il leur fallait bien autre chose. Oui c'était drôle, s'était dit Alice, mais la blague n'avait pas de sens : pourquoi inventer de telles horreurs si des personnes disparaissaient vraiment ? Il n'y avait pas de fumée sans feu. Sa famille vivait richement et calmement, sur les hauteurs d'Arence, avec pour seules préoccupations les bals, les piécettes et leur splendide réputation. Ils ne côtoyaient pas les gens du peuple qu'ils aimaient dédaigner. Cependant, Alice s'était dégoté un intérêt particulier pour certains d'entre eux.

Elle ne pouvait l'avouer, mais elle avait découché plusieurs nuits pour s'aventurer dans les quartiers non pas misérables comme l'affirmaient ses géniteurs, mais plus modestes. Proches des remparts, les ruelles ne respiraient pas le luxe, mais Alice se plaisait à déambuler dans ces venelles, à observer les étalages garnis de breloques de cuivre et surtout, à discuter instruments à cordes et jolies notes avec Tristan. Oh, elle préférait ses yeux bleus et ses bras musclés à ses discours musicaux – auxquels elle se faisait une joie de participer, il fallait bien que ses cours de musique servent à quelque chose. Néanmoins, la jeune femme n'avait jamais rien eut à faire des clef de sol et autres rythmes, si ce n'est celui du corps de Tristan ondulant contre le sien. Ses mots étaient peut-être barbants, mais ses gestes n'en étaient que plus... distrayants.

Quoiqu'il en soit, les rumeurs au sujet de créatures affreuses allaient bon train dans la basse-ville d'Arence et, à mesure que les nuits passaient, elles devenaient plus inquiétantes, plus réelles. Elles s'évanouissaient aussitôt qu'Alice rentrait dans sa jolie demeure. Là, le drame était tout autre : à dix-sept ans, il était grand temps que la cadette accepte un parti qui dorerait un peu plus le blason familial. Alice avait prié les Trois pour que ce jour funeste soit repoussé, encore et encore. Peut-être les avait-elle trop implorés ; le chaos dans lequel plongea Arence quelques mois plus tard fut des plus radical. Pour sûr, la question de son mariage fut enterrée – avec ses proches – pour le restant de son existence.


****

Qu'est-ce qui était le pire ? La peur ? Non, la peur lui permettait de continuer. Elle coulait dans ses veines sans la paralyser. Et puis, peur de quoi ? Des créatures ? De la mort ? Du feu ? Tous les dangers étaient là et pourtant, ils étaient abstraits.

Des râles gutturaux parvinrent à ses oreilles. Était-ce un fangeux – terme communément admis par le peuple – ou un mourant rendant son dernier souffle sur le pas de sa porte ? Alice ne vérifia pas. L'on racontait que la milice était en ville, prête à défendre les habitants contre ces insanités. Mais tout n'était que désordre et débâcle, clameurs et pleurs. Une poutre enflammée tomba derrière elle, des grésillements se mêlèrent aux gémissement que la jeune femme ne pouvait faire taire. Ils résonnaient dans sa tête en une cacophonie incessante, un charivari qui l'empêchait de percevoir d'autres sons. Mais que pouvait-elle écouter d'autre ? Il n'était plus question d'oiseaux, de musiques ou de rires. Arence grouillait. Chacun courait pour sauver sa vie. Rarement celle des autres ; ainsi était l'espèce humaine, se dit Alice, lorsqu'un homme en écrasa un autre après l'avoir bousculé.

Ses parents avaient disparu de son champ de vision depuis belle lurette. Le dos de Guillaume était son point de repère. Il avait revêtu son armure qui lui donnait fière allure ; les flammes se réverbéraient sur l'alliage entretenu de sa tenue. Dans sa main gantée, il ouvrait le chemin de sa rapière. Son chemin. Alice le savait : son frère n'était qu'un pleutre parmi d'autres, jouant de l'arme pour amuser la galerie, certainement pas pour sauver des vies. Sinon la sienne. Et pourtant, elle marchait dans ses pas, parce qu'aussi détestable qu'était Guillaume, il était tout ce qui lui restait.

Des larmes dégoulinaient sur ses joues, la fumée lui piquait les yeux. La tête à moitié dissimulée derrière un châles épais, elle toussa à plusieurs reprises sans s'arrêter de courir. Mais pour aller où ? se demanda-t-elle. Une fois dehors, les monstres les attendraient dans leurs terres. Ils y étaient presque, pourtant : elle connaissait bien les lieux grâce à ses escapades nocturnes. Il leur suffisait de couper à l'Hydre ô Miel puis de prendre à droite et de passer devant la boutique de Tristan.

Pas par là ! Guillaume !

Peu habitué à la basse-ville, son aîné n'était pas au fait des raccourcis à emprunter. Il fonçait tête baissée sur la route principale, faisant fi de la foule qui s'amassait autour de lui, pressée de sortir vivante d'Arence, forteresse devenue piège brûlant. Alice manqua de trébucher, jura entre ses dents, reçut un coup de coude entre les côtes, poussa de l'épaule au hasard et héla son frère à nouveau. Enfin, malgré la cacophonie générale, il se retourna vers elle. D'un geste de la main, elle lui désigna la ruelle à l'angle de l'auberge, mais n'obtint pour toute réponse qu'un froncement de sourcil interrogateur accompagné d'un grognement rageur qu'elle devina sur ses lèvres.

Sur leur gauche, les flammes gagnaient en intensité. Des étincelles voletaient dans les airs, se mêlaient aux nuages de fumée et de poussière qui plombaient le ciel. À droite, le feu se levait ici et là, nourri par des flammèches qui retombaient paresseusement sur des charpentes en bois. Même sans connaître les venelles, le bon sens de quiconque l'aurait poussé à prendre le chemin qu'Alice indiquait. Mais dans la cohue et la panique, les habitants d'Arence oubliaient leurs repères et se ruaient sur la route principale.

En quelques enjambées et bousculades, elle parvint à rattraper son aîné qui, sans lui demander plus d'explication, lui avait déjà tourné le dos et reprit sa route.

Écoute-moi ! hurla-t-elle en posant une main sur son avant-bras sans ménagement. Par là ! Le chemin est plus rapide et...

— Je me fiche d'aller sauver ton abruti de luthier !

Malgré la chaleur étouffante, elle blêmit. Elle le lâcha sous la surprise, vacilla sous son regard accusateur et son sourire mauvais. Depuis combien de temps savait-il ? Cela avait-il la moindre importance ? L'avait-il seulement rapporté à leurs parents ? Le contraire aurait été étonnant. Autour d'eux, l'on se poussait encore et toujours, l'on accourait en tous sens. Alice était secouée de toutes parts alors que Guillaume demeurait droit et fier. Le jugement désapprobateur qu'elle lut dans ses yeux lui coupa plus le souffle que la fumée ambiante. Enfin, l'inévitable se produisit. Un grand fracas retentit d'abord. Elle tourna la tête sur sa droite, les yeux écarquillés. Le temps suspendit son cours avant que la bâtisse, haute de deux étages, dévorée par les flammes, ne capitule pour de bon. La haine disparut des prunelles de son frère ; seule la peur y résidait. La charpente s'effondra, une partie des murs s'écroula sur la route principale. Le frère et la sœur eurent le même geste. Pourquoi avait-elle agi de la sorte ? Plus elle y repensait, plus elle jugeait le comportement de son frère plus adéquat que le sien. Alice l'avait poussé vers l'avant pour le protéger. Guillaume l'avait poussée droit vers les flammes.

****
Quelque part, 1164


Les flammes léchaient-elles encore son dos ? Derrière ses paupières semi-fermées, Alice entrevoyait le feu ravager la pièce. La sueur dégoulinait le long de son visage, se mêlaient à ses larmes. Étaient-ce ses larmes ? Sa conscience était absente. La douleur engloutissait ses sens. Rien ne comptait plus que la fournaise qui la dévorait. Parfois, elle percevait des cris ; les siens. Une ombre dansait entre les flammes et tournoyait autour d'Alice. Elle lui adressait des mots doux qu'elle ne saisissait pas, un élan de fraîcheur l'accompagnait toujours, refroidissait son corps ardent – jamais la caresse de l'eau glacée ne durait assez longtemps.

Ainsi s'écoula sa vie – des heures, des jours, des semaines – illuminée d'ombre, enténébrée de lumière. Cette monotonie lancinante s'estompa le jour où elle ouvrit les yeux, comme si elle venait au monde une seconde fois – à ceci-près qu'elle se souvenait parfaitement de cette deuxième naissance. Couchée sur le ventre, elle observait les alentours, nota avec soins le bric-à-brac indescriptible qui noyait la pièce. Des étagères encadraient les murs, jonchées de fioles en tout genre. Tout naturellement, elle s'appuya sur un coude pour se relever. La douleur s'enflamma et piqua ses yeux, elle crut sentir son dos se craqueler, pria – n'importe qui – pour que la sensation soit purement métaphorique.

— Ne bouge pas, lui intima une voix. Je viens d’apposer de nouveaux onguents sur ton dos.

Ombre quitta définitivement l'obscurité lorsqu'elle s'accroupit devant ses yeux. Une femme d'une quarantaine d'années, à en juger par les rides qui barraient son front, les cheveux gris qui s'échappaient de son bandeau coloré. Elle tenait entre ses mains abîmées une tasse fumante ; Alice y reconnut une odeur de sauge – il fallait bien que ses cours de botanique servent à quelque chose. Transportée par ces effluves, elle se remémora quelques unes de ses nuits.

— Bois ça. Tu n'as pas beaucoup de temps.

Elle se saisit du récipient, manqua de le lâcher. La porcelaine était chaude, trop chaude. Étouffant un juron, Alice grimaça et souffla sur le breuvage.

Du temps ?

— Les fangeux progressent.

Les fangeux. Tout lui revint en mémoire, un écho aux brûlures tiédies par les onguents et autres remèdes d'Ombre. Guillaume l'avait poussée. Au lieu d'essayer de le sauver, elle aurait dû s'accrocher à lui ; ils seraient tombés tous les deux. Ses hurlements se seraient mêler aux siens sous l'avidité des flammes. Le feu... Les fangeux n'en étaient pas la cause, comment s'était-il propagé pour commencer ? Quelqu'un avait dû heurter une lampe à huile dans la précipitation... Mais quel feu embrasait une ville fortifiée telle Arence ?

Je...

— Bois ça, lui intima Ombre de nouveau, d'un ton autoritaire.

Alice s'exécuta, l'air maussade.

— J'sais pas comment tu f'sais pour marcher, raconta-t-elle contre toute attente. T'avais quitté Arence quand j't'ai trouvée.

Ombre haussa les épaules avec nonchalance. À croire qu'elle assistait à ce genre de spectacle tous les jours.

— J'peux pas fuir, j'attends ces putains de monstre. Mais toi, t'es une coriace. Les Trois t'ont envoyée, pour que j'fasse quelque chose de bien dans ma vie.

Alice arqua un sourcil.

C'est ce que je suis ? railla-t-elle. Vous m'avez sauvée pour vous faire bien voir d'Anür ?

Ombre lui répondit d'un nouvel haussement désinvolte.

— Repose-toi encore un peu. Si t'es pas prête quand ils dévasteront le village, mes efforts n'auront servi à rien.

Ombre s'éclipsa d'une démarche chaloupée. Elle boitait. Une vieille canne en bois supportait son maigre poids et elle soufflait bruyamment à chacun de ses pas ; sa respiration avait guidé les songes d'Alice sans qu'elle ne s'en rende compte. La jeune femme grommela. Ses yeux verts se perdirent dans les ondes légères à la surface de la tisane. Elle distinguait les contours mouvementés de son visage, ses mèches de cheveux plaquées sur son front. Elle roula des épaules et gémit malgré elle. Si son visage n'avait pas changé, qu'en était-il du reste ? Ombre essayait de la sauver, mais le désirait-elle réellement ? Il ne lui restait plus rien. Quelle force lui avait permis de quitter la ville ? Quels dieux avaient daigné lui laisser la vie sauve ? Certainement pas les Trois qui lui avaient tout pris.

****

Duché de Morguestanc - fin1164

« Trouve Marbrume », lui avait ordonné Ombre en guise de dernières paroles. À bien y réfléchir, ses ultimes mots avaient certainement été « V'nez m'bouffer, bande de crevards » mais Alice n'était déjà plus là pour les entendre. Brillante idée qu't'as eue. Tout le monde cherche Marbrume, putain ! En retrait et camouflée par une épaisse pelisse à capuche, elle suivait un convoi qu'elle avait rejoint quelques jours plus tôt. Composé de plusieurs caravanes et de quelques chevaux, il progressait trop lentement au goût d'Alice, mais avait le mérite de rassembler plusieurs hommes armés qui pourraient s'avérer utile. Elle-même cachait sous sa tunique luxueuse, tâchée et déchirée, une dague qu'elle avait subtilisée sur un cadavre rencontré en chemin. Sa présence la rassurait, même si elle n'était pas certaine de pouvoir s'en servir ; elle enviait les épées longues qui battaient les cuisses des soldats encadrant la procession. Cet abruti de Guillaume avait peut-être accepté ses entraînements pour se moquer librement de sa cadette – et la frapper en toute impunité – mais ses cours improvisés se révélaient utiles.

Ombre lui manquait. Sa bienfaitrice avait beau l'avoir recueillie par pur égoïsme, Alice lui devait la vie. Sans ses onguents et autres tisanes, jamais elle n'aurait été en mesure d'arpenter le Duché de Morguestanc plusieurs semaines après manqué de périr dans les flammes d'Arence. Quelque jours avant que les fangeux n'attaquent le village où elle avait trouvé refuge, elle avait observé ses cicatrices sous l’œil impassible d'Ombre. Alice n'avait pas versé une larme. Sans doute avait-elle déjà trop pleuré. Elle n'était plus rien. À son tour, elle n'était plus que ténèbres ardentes glissant parmi les vivants. Ses cicatrices ne cessaient de la brûler. Ombre lui avait dit que c'était impossible après autant de temps. Pourtant, Alice les sentait creuser sa chair un peu plus tous les jours. Elle entrevoyait son reflet dans les prunelles de Guillaume. Percevait son cri mêlé aux hurlements.

— ... milice l'aurait brûlée...

— Non, pas possible ?

— Au moins, les fangeux sont morts !

— Paraît qu'il y a eu aucun survivant !

Alice releva la tête, prêta une oreille attentive. Ce n'était pas la première fois qu'elle entendait cette rumeur. À la manière des flammes creusant des sillons dans son dos autrefois parfait, les pièces de puzzle s'assemblaient dans son esprit. Elle ne se souvenait pas avoir vu un seul milicien aider l'un des habitants d'Arence. Elle se remémorait non sans mal les râles des créatures vadrouillant dans les ruelles, leurs gargouillements obscènes lorsqu'ils attrapaient une proie. Ensuite elle avait couru. Et le feu s'était déclenché sans qu'elle n'en comprenne l'origine. Jusqu'à maintenant.

Elle se mordit la lèvre inférieure jusqu'au sang. Ses ongles s'enfoncèrent dans ses paumes craquelées par le froid.

Alice avait blâmé Ombre de l'avoir laissée en vie. Désormais, elle la remerciait. C'était à elle qu'elle formulait une prière silencieuse, la haine flamboyant dans ses prunelles émeraudes.

****

Marbrume - Janvier 1165


J'ai atteint Marbrume, Ombre. Ton conseil était à chier. Même ici, elle devait fuir à nouveau. Elle n'en pouvait plus. Ramassée sur elle-même, le dos plaqué contre la pierre froide de la vieille bâtisse qu'elle s'était dégotée quelques jours après son arrivée, elle fixait la porte d'entrée sans ciller. Son instinct lui soufflait de ne pas rester là ; une porte en bois à moitié pourrie n'arrêterait pas les monstres qui rôdaient dans les rues. Près d'elle, d'autres personnes se soutenaient les unes les autres, les mères apeurées soufflant des mots apaisants et hypocrites à leurs mômes qui ne cessaient de brailler. Leurs sanglots lui tapaient sur le système, ils risquaient d'attirer ces saloperies de bestioles.

Alice commençait à penser qu'elle avait la poisse. Arence était tombée, maintenant Marbrume était aux prises avec les mêmes créatures. Elle lança un regard noir au plafond, au ciel, aux Trois qui s'amusaient avec sa piètre existence. Ses mains tremblaient, elle les cacha sous sa pelisse. Les hurlements résonnaient dans ses souvenirs ; bientôt, les flammes léchaient la cité. Pas la bonne cité. Aucune fumée ne chatouillait ses narines, aucune chaleur suffocante n'étouffait ses poumons. La sueur dégoulinait le long de son visage, se nichait dans sa nuque ; elle frissonna. Elle ne devait pas rester là.

Une main griffue transperça la porte, les enfants braillèrent. La bête enfonça la maigre barrière sans mal, s'empêtra avec maladresse dans le bois détruit avant de redresser ses yeux vides vers ses prochaines victimes. Soudain, une silhouette apparut dans son dos et une lame s'enfonça dans le corps de la créature. Elle chancela en grognant, ce qui ne l'empêcha pas de se retourner avec une vitesse fulgurante. Alice profita de ce bref instant d'inattention et s'élança. En quelques enjambées, elle avait atteint la sortie sans un regard en arrière. Elle se faufilait dans l'entrée quand le fangeux griffa violemment l'abruti de milicien qui avait tenté de l'arrêter. L'homme – il ne semblait pas plus âgé qu'elle – bascula en arrière en hurlant. Alors que le fangeux s'apprêtait à lui sauter à la gorge, Alice retira l'épée d'un coup sec. Le sang noirâtre gicla sur son visage. Enfin une arme. Elle n'essaya pas d'achever le monstre : c'était peine perdue, elle n'était pas folle. Elle croisa les yeux suppliants du milicien. Se souvint des rumeurs. Raffermit sa prise sur l'épée. Huma la fumée. Et détala. Le fangeux aurait pu la courser, mais pourquoi perdre son temps avec une proie rapide, lorsqu'une autre était à ses pieds ? Chacun sa merde. Un sourire satisfait étira ses lèvres lorsqu'elle perçut les borborygmes lugubres du soldat.

****

Village des bannis - 1166


Accoudée à la balustrade, Alice toisait les nouveaux venus. De son regard perçant, elle détaillait chaque nouvelle tête, jugeait leurs gabarits et leurs allures. Emmitouflés de haillons et boitillants misérablement, ils étaient parvenus à gagner le village des bannis à la faveur de dieux goguenards. Depuis que le duc s'était coiffé d'une couronne absurde et avait dû faire face à une nouvelle invasion de fangeux, le bannissement avait repris de plus bel ; de pauvres mordus et leur famille apparentée venaient grossir leurs rangs de jour en jour. Certains vouaient au monarque une haine insondable, d'autres désiraient simplement démarrer une nouvelle vie. Pour sa part, Alice n'avait pas fait long feu dans la cité anciennement ducale. Un an plus tôt, elle avait fui ses murs cerclés de monstres et, après avoir erré pendant plusieurs jours en compagnie de lâches, elle avait gagné les refuges sur pilotis où, contre toute attente, elle s'était fait une place aisément, entre coups de coude et coups de gueule.

Elle ne les salua guère, renifla avec dédain lorsqu'un gamin voulut passer à côté d'elle, lui intimant de faire demi-tour, menaçante. Elle aimait ces quelques baraques perdues au milieu des marais pour l'aide hypocrite qu'elle y dénichait. Brigands, crève-la-faim et autres scélérats grouillaient sur ces terres hostiles ; ils avaient bâti une organisation où la complicité était toute relative. On ne rechignait pas à faire équipe pour attaquer un convoi, mais l'on préférait encore sauver ses propres fesses que celles des autres. Car Alice avait compris depuis belle lurette que l'Homme ne pensait qu'à sa gueule. Plus jamais elle ne commettrait l'erreur de pousser quelqu'un hors des flammes.

Les bannis la craignaient plus qu'ils ne l'appréciaient ; Alice adorait ça. Elle redoutait de mourir, jamais de prendre la vie. Les quelques raids auxquels elle avait participé avaient démontré à ses camarades la folie qui s'emparait d'elle lorsqu'il s'agissait de survivre ainsi que son étrange habilité à l'épée – il fallait bien que ses cours secrets avec Guillaume servent à quelque chose – et sa propension à attaquer quiconque dans le dos, pour peu qu'elle s'en sorte toujours. Elle était devenue un pilier dans cette communauté de parias, un pilastre joliment décoré dont les moulures cachaient d'horribles fissures. Elle n'avait jamais laissé personne observer ses cicatrices ; elle ne s'approchait jamais du feu de camp. Ainsi à l'écart, elle pouvait savourer la morsure du froid et l'humidité des averses qui, selon le plaisir de dieux ingrats, tombaient dru sur le Duché du Morguestanc.

****

Ventfroid - 1167


Griffith lui avait fourni l'échappatoire tant attendu. Elle s'ennuyait ferme au village des bannis depuis quelques temps. Tout ce petit monde se ramollissait ; ils n'aspiraient plus qu'à mener une vie paisible, comme s'ils avaient oublié les raisons de leur présence dans les marais, exclus d'une cité décadente et fallacieuse. Alice ne pardonnait pas ; ni l'étiquette que lui avaient imposée ses parents, ni l'abandon de son frère, ni la résignation des miliciens, ni la faim dévorante des flammes, ni les murailles effondrées de Marbrume, ni...

Dans les cicatrices de Griffith, elle avait trouvé son reflet. Un être aussi hideux qu'elle, à la différence qu'il n'en avait aucune honte. Elle l'admirait plus qu'elle ne le redoutait. Il n'avait pas été difficile de lui démontrer sa volonté ni l'étendue de ses capacités – il fallait bien que les cruelles expériences de sa vie servent à quelque chose – de sorte qu'elle n'avait pas tardé à hériter de sa propre petite équipe qu'elle menait d'une poigne ferme, alimentait de faux sourires, domptait de mots aussi sanglants que mielleux. À la différences des autres bannis et égorgeurs, Alice n'avait jamais été bannie de la cité. Elle avait jugé qu'elle avait suffisamment de marques sur le corps pour le restant de ses jours... Et, aussi étrangement que cela pût paraître, aucun de ses méfaits n'avaient jamais été rapportés à la milice. Jouir d'accès aussi aisés à la cité fortifiée avait fait d'Alice un pion de choix pour ses supérieurs et elle abusait de ce statut particulier sans aucun scrupule.

Ventfroid, Ventfroid. Quelle douce mélodie à ses oreilles. Quelle délicieuse mélopée que celle du vent s'engouffrant entre les pierres glacées de la forteresse. Le gémissement des tempêtes lui rappelaient ses hurlements dans la chaleur étouffante.

Le soir, lorsqu'elle se retrouvait seule dans sa petite chambre, elle laissait tomber le mur et ses façades, et malgré elle, elle se plaisait à penser que cette comparaison était drôle. Drôle à en pleurer.


Résumé de la progression du personnage :



(Pour les anciens membres souhaitant réactualiser leur personnage, ne pas tenir compte de cette section en cas de nouvelle inscription.)


Derrière l'écran


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Vos premières impressions ? Mes vraies premières impressions furent : "oh c'est dark, ça va me changer !" x')

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Alice [Validée] Empty
MessageSujet: Re: Alice [Validée]   Alice [Validée] EmptyJeu 17 Fév 2022 - 11:47
Rebienvenue ! Hopla
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Le GoupilContrebandier
Le Goupil



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MessageSujet: Re: Alice [Validée]   Alice [Validée] EmptyVen 18 Fév 2022 - 8:52
Re-bienvenue parmi nous, Alylou !

Elle m'a l'air délicieuse, cette petite Alice Beau goss
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: Alice [Validée]   Alice [Validée] EmptyVen 18 Fév 2022 - 17:45
Re-bienvenue Alice !

Moi j'ai besoin d'aide pour te regarder Mooooh , clairement ce nouveau était nul....
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Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



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MessageSujet: Re: Alice [Validée]   Alice [Validée] EmptyVen 18 Fév 2022 - 17:56
Salut à toi!

Alors juste une petite précision, mais c'est un détail alors je vais pas te faire un tour de modération pour ça, mais pré-fange, la milice n'existait pas sous ce nom là. En dehors de ça c'est un joli personnage que tu nous a concocté, ça va te changer!

Tout est bon pour moi! Voici ta couleur, et ta carrière se trouve --> ici!

Amuse toi bien avec cette nouvelle tête!
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MessageSujet: Re: Alice [Validée]   Alice [Validée] Empty
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Alice [Validée]
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