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 Du sang, de la chique et du mollard

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Lazare de MalemortComte
Lazare de Malemort



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MessageSujet: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMar 24 Mai 2022 - 14:41



Du sang, de la chique et du mollard | Mai 1167

L’effervescence du port n’a jamais fléchi, jamais flanché depuis que j’y accoste voilà de cela une trentaine d’années. Si l’amoncellement de mâts et de coques s’est considérablement réduit depuis l’approche dévorante de la Fange sur les littoraux glacés de nos côtes, la nécessité de recourir à la ressource maritime est devenue telle que les vendeurs à la sauvette sont hui légion. L’on harangue, peste, s’exclame, parie, acclame, persifle, sans harmonie ni ordre, sans raffinement ni politesse, un chaos vivace qui fait de cet endroit abracadabrantesque l’un des plus chers qui soient à mes yeux car plus véridique, viscéralement crédible, que tout ce à quoi l’Esplanade me confronte de jour en jour ; révérences pompeuses, sourires mielleux, minauderies cancanières, rien de toutes ces fanfreluches sociales ici bas. La mire la plus aguerrie ne pourrait capter dans l’antre de sa pupille acérée le détail des caisses - tantôt solides, tantôt branlantes - acheminées sur les quais déjà bien encombrés de barils et filets de pêche enroulés en vrac autour d’un poteau de bois. Si la majeure partie de ces cargaisons passées de mains en mains sont constituées de poisson frais, d’autres entraînent bois, minerai et ressources destinées aux réparations et constructions de Marbrume même, ou bien à l’inverse, du Labret qui en fera le meilleur des usages. Elle ne pourrait capter non plus du recoin de l’œil les visages éreintés, taillés à la serpe, des travailleurs frappés par les bourrasques iodées ou les rais brûlants de l’astre d’or ; hommes et femmes fredonnant parfois à l’unisson quelque chant si vulgairement prononcé qu’il serait ardu d’en déchiffrer les paroles, mais respire pourtant la plus folle des libertés.

Et quelle liberté, celle de pouvoir fouler les pavés dispersés au profit d’une allée boueuse et sanguinolente, constellée d’écailles scintillantes et de tripes engorgées qu’un chat errant s’en viendra rattraper de justesse avant qu’un autre ne s’en empare. Une dure loi de la jungle qui profite à ceux qui se lèvent tôt, ou ne se couchent jamais, bien trop affairés à dénouer et réparer les nasses de chanvre et de fils de fer qu’ils tressent à s’en faire céder la peau, teintant de carmin leurs sempiternels pièges à crustacés. Les grues s’activent l’une après l’autre dans un concerto de poulies rouillées et stridentes, et chargent sur un convoi en partance pour le Labret plusieurs tonneaux déjà fort abîmés de vivres et de briques en désordre. Un cri. Semble-t-il qu’un ouvrier trop impatient se soit blessé en laissant choir maladroitement une lourde charge n’ayant pas épargné ses orteils sans doute brisés, si peu chanceux. Peu s’arrêtent à son secours, tant le flux tendu de marchandises et âmes n’a de cesse de couler entre les artères de pontons et de débris d’échardes et de poissons nauséabonds. Ses lamentations plaintives sont petit à petit asphyxiées dans l’arrivée en fanfare d’un capitaine aisément reconnaissable à son cortège de marins enthousiastes agglutinés dans son sillage. Les voiles choquent, les amarres se larguent, l’on remonte la passerelle et il ne faudra pas plus de temps au bâtiment frappé des armoiries royales pour quitter le quai duquel il était fait prisonnier depuis la veille.

L’air chargé d’effluves salins me faisait souvent oublier la vase putride, portant l’odeur macabre des corps engloutis sous sa surface sirupeuse, prêts à vous arracher la gorge à grand renfort de crocs décharnés, plus fins encore que des aiguilles. Cette menace incessante paralysant jusqu’au moins sensé d’entre nous tous, éléments de bétail dans leur enclos de pierre et de bois, dernier bastion, peut-être, de l’Humanité. L’effroi fait vibrer mon échine à l’idée que nous soyons la perte de notre race, dignes représentants d’une bassesse animale qui ne survivrait pas à l’angoisse permanente prenant nos remparts en étau…

☙ • ❧

Au cœur d’une venelle adjacente à la grand place des quais, affalé sur l’étal d’une forme de cantine ouverte fleurant bon la soupe de poisson, un homme bien bâti à la crinière rasée de près s’assoupit presque par dessus l’écuelle où gisent arêtes et nageoires grillées au feu de bois. Éreinté par une matinée de réparations et d’entretien le long de la coque de son bâtiment, ses mains calleuses encore sales de l’étoupe goudronnée sont encore çà et là piquetées d’échardes et de tâches de sang. Le tohu-bohu environnant ne semble pas avoir raison de sa somnolence, bien qu’il lutte contre la nécessité de piquer du nez. Le gérant de l’échoppe, dont le tablier respire la vétusté et les éclaboussures de nourriture datant de la semaine passée, ne manque pas de rappeler l’ouvrier à l’ordre en claquant ses doigts gras sous son nez penché pour le surprendre. D’un sursaut grondant, l’énergumène lève le minois sur l’index accusateur dressé par dessus lui, et comprend que son tabouret si précieux bien que bancal est réclamé par un sexagénaire pour le moins pressé de s’y installer. Le trentenaire ossu se redresse, trapu plus que haut sur pattes, provoqué par l’attitude insolente du vieil homme et l’interruption de sa sieste régénératrice, vieillard de qui il s’approche en arrondissant le dos comme un ours mal léché. L’échange se veut néanmoins verbal, tandis que le saint siège gît, solitaire, sans roi pour le coiffer.

Cette distraction était parfaite pour Agathe, dont les cheveux blonds cendrés ramassés sous son béret abîmé lui donnaient des airs de jeune éphèbe. Venue récolter quelques restes du repas de midi en arrière cuisine, jouant sans doute d’yeux de chien battu et de moues juvéniles pour parvenir à ses fins, c’est avec un morceau de pain rassis entre les dents qu’elle franchissait le perron animé par l’altercation de ces deux buffles têtus. Ni une ni deux, apercevant le petit sachet de cuir ballotté à la ceinture du marin mécontent, la voilà qui s’élance et le bouscule, feignant l’inattention. Ses doigts habiles s’emparent de la bourse bien chargée du jouteur et l’arrachent de l’anse de son pantalon de toile d’un geste sec et maintes fois répété. Cependant, le lien serré peine à se défaire et tire avec lui le vêtement du mathurin exaspéré qui se retourne, coupé dans l’élan de ses échanges injurieux.

Fuir. Vite.

Catastrophée par le fait d’avoir manqué la discrétion de son coup, Agathe détale comme un lièvre à qui l’on aurait brûlé les poils, comme piquée par un aiguillon à bétail. Et sur ses talons pourtant rapides, le preste matelot lui assénant autant de noms d’oiseaux que de pas dans sa direction. Bousculant une lavandière, renversant un panier d’oranges d’un étal, les deux dératés s’enfoncent dans les ruelles plus discrètes du quartier portuaire, mais aussi plus imprévisibles. Car après une demi-douzaine de minutes de poursuite effrénée, la jeune adolescente bifurque sur sa gauche et se retrouve dans une impasse due à l’effondrement d’une bâtisse bien trop vétuste. Faite comme un rat, alors que le trentenaire bien réveillé l’accule en bout de rue, elle tente d’escalader une façade, mais sa cheville frêle subit le fer chaud de la paume rêche de son poursuivant… qui la tire brusquement en arrière pour la jeter au sol.

T’vas voir c’que j’fais des p’tites merdeuses comme toi… !

Agathe referme ses bras fins sur son visage pubère et poupon, recroquevillée sur le terrain terreux et jonché de débris, consciente qu’elle sera passée à tabac pour avoir manqué de délicatesse dans son vol à l’arrachée. Ses ongles crissent sur le béret froissé, un couinement lui échappe, alors que le ver adolescent se resserre un peu plus sur lui-même à mesure de secondes.

☙ • ❧

Mes contemplations s’achèvent avec le zénith déclinant. Rebroussant chemin parmi les allées tumultueuses de l’arrondissement naval, ma canne imprime son passage sur la terre meuble.




Dernière édition par Lazare de Malemort le Jeu 7 Juil 2022 - 21:04, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMar 24 Mai 2022 - 16:57
Ah, le port. Amas de gens allant et venant avec des buts si peu définis ou au contraire si définis qu’il en devient difficile de lire correctement toutes les actions qui peuvent s’y dérouler. C’est justement là la beauté du jeu me direz vous. Sans doutes. Quartier favorisé par nombre de personnes… De mon point de vue, au-delà du point précédemment cité, l’odeur y est trop forte pour que je parvienne à me détendre aisément. Et on ne parles pas des marées… je crois que c’est bien le pire. Enfin, je gage que vous devez vous demander ce que je fous là, du coup ? Il s’avère qu’hormis l’odeur, les inconvénients de cet endroit sont aussi ses forces. C’est facile de monter un guet-apens à un marchand ici. Ou encore de parvenir à négocier quelque chose. La plupart des gens du coin s’en foutent d’où on vient, tant qu’on peut leur apporter quelque chose. Et avec tout ce tintamarre, la plupart apprécie les capacités d’un gamin dans mon genre. Quoi qu’il en soit, je suis à la recherche d’assez de sous pour un peu de médecine, alors il me faut bien rassembler ça si je le peux. C’était en tout cas mon objectif premier, jusqu’à ce que je voies cette petite blonde chercher à fuir un type la dépassant bien trop pour que ce soit juste. Une moue s’affiche alors sur mes traits tandis qu’avec que je viens attacher les quelques renforts que j’ai fait coudre sur ma veste de cuir. Renforts ayant pour but de simplement empêcher qu’on puisse me la tirer aisément au combat. Comme on à déjà essayé, je sais quelles ouvertures ça peut m’apporter, de les laisser galérer en vaines tentatives. Il ne me faut pas plus de temps pour m’engouffrer dans la ruelle à leur suite. Sans réfléchir plus que de raison, je me suis comme à mon habitude enflammé face à cette horrible scène. Le voir la jeter au sol en tirant sur sa jambe à fini de me faire voir rouge et alors que j’arrive face à lui, je profite de l’ouverture crée par l’effet de surprise pour décrocher une droite voulue magistrale au niveau de la rotule de mon adversaire. Oui… La colère n’a rien de bon. Je ne suis qu’un gosse et si j’avais pris le temps de plus l’observer, j’aurais constaté qu’outre sa carrure, tout le présente comme un combattant aguerri. Qu’il s’agisse de ses grandes mains calleuses, de sa coupe réglementaire ou encore du teint de sa peau. Il est sûrement au service d’un navire militaire quelconque. Merde. Je vais me prendre une dérouillée… Mais qu’importe, tant qu’elle me permet de voir la jeune femme s’en tirer indemne. A pleins poumons, j’use des derniers instants de répit qu’il me reste pour le provoquer pleinement et… dans un vain espoir, tenter d’appâter quelqu’un qui saura le chasser.

-T’as vraiment une sale gueule toi hein ! En même temps… j’en attendais pas mieux d’un connard capable de s’en prendre à une femme qui t’arrives tout juste à la taille ! Et ça ose jouer les…

Un coup aura suffi à m’envoyer au tapis. Je sens cependant que son équilibre n’est pas parfait. S’il n’était pas entraîné, mon coup aurait pu suffire. Par malchance pour moi, il ne fera que boiter pendant un temps… chien ! Putain ! Avant qu’il n’ai réellement le temps d’enchaîner, je me redresse, relevant les bras pour utiliser la robustesse de ma veste à mon avantage, me campant solidement sur mes appuis. Il enchaîne alors tandis que je tâche de simplement rester debout. Il sait cogner, renforçant mes observations. Un coup de pied passe aisément sous ma garde, me penchant en avant tandis qu’il en profite pour me décrocher un direct dans les dents. Mais… je reste debout, crachant un peu de sang. Ma lèvre est fissurée et ma vue se brouille. Un si petit visage face à un si gros poing… je ne pouvais que difficilement espérer moins. A vrai dire… je continue à faire rempart pour un être qui n’est probablement plus derrière moi, mais tant que je n’en aurais pas le cœur net…. Non. Même là, je ne pourrais pas fuir. Il est plus fort et probablement plus agile que moi. Quoi que son genou… Un nouveau coup percute mes bras, me laissant l’impression qu’ils vont tomber malgré la veste qui les protège. Ce n’est qu’après un moment me paraissant infini que les coups finirent par cesser… Me laissant un instant titubant avant que je ne me reprennes. Sans me rendre compte de ce qui se passe autour de moi, je baisse ma garde prêt à bondir… avant de suivre le regard du vainqueur vers… un homme d’une quarantaine d’années. Une profonde quinte de toux me prends. Résultat d’une petite glaire de sang s’étant formée dans ma bouche et étant passée dans ma gorge après une respiration mal contrôlée. Après quelques quintes assez fortes, je finis par parvenir à cracher le morceau, littéralement, qui roule doucement jusqu’aux pieds de l’homme ayant permis cette « pause circonstanciellement salvatrice ». Geste parfaitement incontrôlé. Nul doute qu’il aura pu s’en rendre compte. Il n’en sera pas moins lourdement chargé de reproches et de haine envers le marin que jusque là, je ne pouvais que mépriser. Mais cela ne dura qu’un instant. Instant suffisant pour constater de l’importance qu’il semble accorder à celui qui l’a coupé dans son élan. Je reporte donc mon attention sur mon potentiel « sauveur », essuyant ma bouche et mon visage dans un grimace et un petit râle de douleur, du revers d’une manche. Tiens… mon oreille siffle un peu… j’imagine qu’il à du essayer de contourner ma garde à coup de claques. Classique. Ah… si j’faisais dix centimètres de plus seulement… Connard.

Au bout d’un moment, je finis par réellement accorder mon attention à cet homme. Ce n’était pas par manque de respect que je l’avais calculé le strict nécessaire jusqu’ici. Non… Je me remettais simplement tant bien que mal d’une véritable rossée. Chose loin d’être évidente, surtout, quelque part, qu’on est sensés y être habitués. Ma fierté est piquée à vif et je n’ai qu’une envie, rouer ce fils de catin de coups. Cependant, force est de constater que l’homme qui « venait » de faire son entrée était d’un charisme irréprochable. Tant et tellement que je déglutis lentement en sentant son regard se poser sur moi. L’agresseur semblait s’être échiné, comme si on venait de le questionner sur les évènements. Il me jetait alors des regards aux allures furibondes, comme pour me reprocher la tournure de celles-ci. Mais je dois bien admettre que cet échange de regard avec le quarantenaire avait suffit à me ragaillardir. Je me tenais droit, décrochant les attaches supérieures de ma veste, comme pour faire montre de mon assurance. Je n’avais rien à me reprocher, je le savais. Et je n’en démordrais pas. Sa prestance, si fière et droite, venait de me raffermir. Bien que je dansais doucement d’un pied sur l’autre, mes forces étant amoindries suite à l’échange précédent. Je ne sembles cependant sans doutes nerveux en rien. Si je soutiens son regard ? Oui. Je sais que face à ce genre d’hommes, fiers et robustes… la fierté et la droiture sont des langages primordiaux. J’attends alors là, simplement et patiemment, qu’il me questionne ou m’accorde la parole. Il faudrait être aveugle pour ignorer son rang et c’est ainsi qu’il faut agir face à tels cas, je le sais. Il n’y à plus qu’à espérer que je n’en ai pas trop raté de leurs échanges. Au pire… je saurais rebondir. Je sais toujours rebondir !
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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMar 24 Mai 2022 - 19:10



Du sang, de la chique et du mollard | Mai 1167

Alors que le marin passablement agacé d’avoir été volé s’accordait une brève pause dans le matraquage répété de coups de pieds dans les côtes de la jeune adolescente, reculant d’un pas ou deux pour reprendre son souffle après une course endiablée, l’intervention de ce gamin freluquet — en comparaison du robuste trentenaire — ne manque pas de l’alerter plus encore. Si l’effet de surprise de son apparition entre le loup et sa proie prévaut et vaut à cet adulte bourru une douleur lancinante dans le nerf du genou gauche, il se remet rapidement en selle en dépit d’un boitement pénible. Les oreilles chauffées par les paroles de l’adolescent, la brute épaisse ne lui laisse pas le temps de parachever sa provocation qu’un crochet du droit lui est décerné, d’une force que l’on devine mesurée néanmoins, n’allant pas risquer de tuer un morveux même dans l’impasse la plus sombre d’un quartier attenant à l’Esplanade. Mais l’assommer sévèrement aurait assez d’impact pour le satisfaire, si bien qu’une fois redressé, le matelot poursuit ses assauts, heurtant les bras hissés en garde haute du jeune homme. Une faille, il s’y insère. Un coup de genou désarme le petit impudent et un nouveau coup droit lui éclate la lippe, mais la teigne tient bon. Dans leur ronde martiale, les deux hommes s’affrontent jusqu’à ce que le môme chétif fasse dos à la seule issue, et que son adversaire lève le nez vers la ruelle dans la continuité de ce cul-de-sac. Et ses poings abîmés, rougeoyants d’éraflures à la jointure de ses phalanges, de chuter à mesure qu’il se redresse. Le bagarreur flanche d’un teint rougeaud à une pâleur livide, déglutissant les glaires épais qui se formaient dans sa gorge nouée.

M-Monsieur le Comte… !

☙ • ❧

Mes errances parmi les venelles les moins fortunées du quartier portuaire n’avaient guère d’objectif précis, si ce n’est celui d’occuper mains et esprits durant les réparations et l’entretien de mon ultime bâtiment, vestige de ce qui m’a été légué, son frère emporté par une mauvaise mer en cette funeste année 1164. Je foule deçà delà les pavés descellés des chemins les plus cahoteux, m’égare sous des tentures et linges mis à sécher entre deux fenêtres ouvertes sur la rue, me retrouve parfois devant une allée condamnée par principe de sûreté. Il me faut en franchir plus d’une demi-douzaine avant d’être interpellé par l’étrange agitation d’une artère parallèle dont le brouhaha résonne sur les briques irrégulières des corridors d’habitations. Le pas plus discret, la canne au pommeau léonin percé d’émeraudes pincée contre mon flanc, j’approche l’altercation dont les plaintes semblent de plus en plus nettes ; grondements, crachats, plaintes, pleurs… Rien qui à l’oreille ne sache me dissuader de me présenter à l’orée de ce combat clandestin. Et quel spectacle.

Un petit rouquin pris d’une quinte de toux crache bientôt sa misère à mes pieds, une jeune fille en pleurs s’adosse encore à un encombrement de débris et meubles bloquant le passage, souillée de terre et de sang, et parmi eux, un homme à la somme de leurs deux jeunes âges, dont les traits décontenancés le font virer de l’écarlate au grisâtre. Un homme dont je connais les traits, la mire brune, la crinière rase, l’air penaud et les poings serrés. Je m’empare de mon sceptre à la fusée sombre et annelée d’argent, et l’impose sur le pavé brisé où je me tiens d’un claquement sourd ; et deux sentinelles glauques de fustiger le gabier, l’exhortant à avouer son péché et à me conter l’affaire dans ses moindres détails. Le gamin se ramasse, débarbouille son visage tuméfié d’un revers de manche qui semble lui arracher un rictus désagréable, et je le sens en recoin de mire me fixer avec insistance. Le temps que mon serviteur trouve un sens à la situation et me la relate sans bégayer davantage, je fais peser un regard neutre et composé, qui n’a ni compassion, ni pitié pour ce petit vaurien, pas plus qu’il n’a de hauteur ou de condescendance. Car dans sa peine, il semble vouloir se montrer digne, non pas de moi, mais de lui-même, à mesure qu’il réajuste sa tenue poussiéreuse. Quant à la jeune fille qui constate cet arrêt sur image, ayant quitté son couvre-chef pour mieux dévoiler la blondeur grise de sa crinière souple, celle-ci s’approche voûtée en deux, une paume maintenant ses côtes détraquées. Souffreteuse, elle s’appuie contre la pierre froide de la façade adjacente, et marmonne une réponse qu’il m’est ardu de déchiffrer.

Alors mon - bien peu - fier matelot d’amorcer une réponse tout en désignant d’une main dédaigneuse Agathe pliée en deux.

Cette sale petite garce a volé ma bourse, monseigneur, j’ai jugé bon de la corriger, et ce morveux a débarqué pour réclamer sa part aussi.
Langage.
Mais…

D’un pas, puis un autre, j’avale la distance me séparant du buffle. Le geste preste et adroit, j’abandonne le pommeau de ma canne pour en saisir le corps en l’élançant en l’air, et assène un ample coup contondant juste au sommet de l’oreille familière, qui s’abaisse dans un grognement douloureux. Avachi sous mon nez, le mathurin ravale ses jurons, les dents serrées de vexation et de honte d’être rabroué ainsi devant deux enfants. Il me tarde déjà de m’échapper de cette situation parfaitement inacceptable, tandis que je me dois de corriger l’un de mes propres hommes pour le bien de ma propre réputation. Laissant à ce bœuf sans manières le temps de laisser l’écho de ce choc quitter ses tempes, mes pupilles fendues se fichent sur le visage juvénile du chenapan.

C’est à votre tour, jeune homme. Et tâchez d’articuler.



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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMar 24 Mai 2022 - 19:36
C’est avec un sourire torve et honnête que j’assiste à la scène, me contentant d’hocher. Si j’ai réussi à suivre d’une oreille ce qui à été dit, je comprends assez vite sans avoir besoin d’aide que la femme est première à avoir fauté. Je ne me sens cependant pas désarçonné dans mes valeurs, demeurant droit en continuant à observer la scène avec un intérêt certain. Je ne peux qu’apprécier que cet abruti ai reçu un châtiment, même simple. Ce n’est que trop rarement le cas et cela ne peut que faire naître en moi un respect certain envers le comte qui me fait maintenant face. Son regard dans le mien, il semble me questionner afin d’obtenir ma version des faits. Ma première réaction, l’espace d’un instant, est d’ouvrir grand mes yeux, tout ronds. Il vient réellement de me demander ma version des faits ? Un pincement m’attrape le cœur alors que j’hoche vivement, le remerciant sans doutes plus qu’il ne peut l’imaginer par ce simple geste. Si mon regard ne suffit pas à trahir ma reconnaissance devant ce simple fait. Je me reprends cependant assez vite à nouveau avant d’inspirer longuement, et de soutenir à nouveau son regard tandis que je commence, le ton aussi clair que ma gorge nouée par la tension et les coups reçus puisse le permettre.

-Bien Monsieur. De mon point de vue, j’ai simplement vu un homme courser une femme dans une ruelle avant de la jeter au sol pour la rouer de coup et l’insulter. Qu’elle ai commis un méfait ou non, je ne vois pas quelle fierté on peut retirer à frapper quelqu’un au sol, sans défense. Je pense la punition aussi démesurée qu’injuste, surtout venant d’un homme ayant visiblement reçu un entraînement martial poussé. J’ai donc décidé de m’interposer, ne serais-ce que pour bafouer sa fierté à jamais en lui laissant l’image d’un gamin capable de résister à ses coups, Monsieur.

J’ai parlé assez fort pour me faire bien comprendre, sans hésiter ou couper mes mots. Ma colère devant cette scène encore assez puissante pour m’alimenter d’audace. Tellement, d’ailleurs que je la poussa jusqu’à reprendre la parole, l’aspect torve sur mes lippes changeant de forme pour prendre un aspect plus fermé. Là, je ne pouvais plus contenir la colère quant à ce fait qui m’horripilait depuis bien trois ans, maintenant.

-C’est de toute façon la seule chose que je pouvais faire, dans ce monde ou ceux qui sont sensé protéger les faibles ne font que les affaiblir encore. Comme cette scène l’a bien démontré… Monsieur.

Par « cette scène », il était évident que je faisais référence à ce grand gaillard en train de cogner une femme sans défense. Pas à l’intervention héroïque du dit-compte. Mais l’on à tendance à moins réfléchir sous la colère. Il ne me restait plus qu’à espérer qu’il comprendrait ou je voulais en venir. Il me fallut un instant pour calmer l’élan de colère qui m’avais traversé… Instant face auquel je ne pus que baisser le regard, conscient qu’il était injuste de la diriger vers cet homme qui était intervenu, LUI. J’acceptais alors la honte de m’être emporté par ce geste, avant de souffler longuement, et de relever le regard pour lui faire face à nouveau, plus calme. Oui… Ce genre de scène n’était pas si rares. Combien de disparitions de femmes et d’orphelins étaient ignorés par nombre de ceux qui étaient sensés représenter la loi ? Combien de morts injustes simplement car un nobliau trop sur de lui avait décrété que les choses étaient ce qu’ils voulaient qu’ils soient. J’imagine que je ne peux que m’estimer heureux que l’un d’eux ai daigné m’accorder droit de parole. Hein ? Je n’ai pas parlé de la blessure infligée ? Oui… je sais. Si j’ai réussi à bafouer sa fierté avec le fait d’être resté debout… Qu’en sera t-il de boiter pendant un temps par ma faute, hm ? Surtout si je n’en montres aucune fierté particulière, hm ? Je vous laisse imaginer la question. Qu’il s’étouffe avec ce connard ! Quoi qu’il en soit, il ne me reste plus qu’à rester là, droit et aussi digne que mon état le permet. J’imagine que s’il à puni son matelot, je n’en mérite pas moins pour m’être au moins emporté face à lui. S’il m’a demandé mon avis, c’est peut être tout aussi bien pour chercher une excuse pour me punir au passage pour avoir osé salir l’un de ses matelots. Ça ne serait pas la première fois j’imagine. Je dois donc m’y préparer psychologiquement, car il est évident que ce fait ne restera sans doutes pas impuni. Je m’accorde en tout cas rapidement un coup d’œil rapide à la femme, plus loin. Une voleuse, donc. Elle aussi mériterait un châtiment pour ça. Bien qu’il reste évident qu’elle ne l’ai sans doutes pas fait sans raison. Si les choses n’étaient pas telles qu’elles sont, on aurait pas besoin de ça pour survivre. C’est une question compliquée. Mais je gage que de toute façon, mon avis importera peu sur la question. Alors autant me satisfaire de lui avoir évité le pire. Ça ne m’aurais pas surpris qu’il ailles jusqu’à la trousser pour ça. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai mentionné… autant attendre mon châtiment dignement. Je ne démordrais pas de ma droite conduite, car je sais qu’elle l’a été. Je ne ploierai pas. Même si je dois finir décapité pour ça.
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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMer 25 Mai 2022 - 0:09



Du sang, de la chique et du mollard | Mai 1167

À tout le moins, cet enfant n’était pas incapable de ne pas mâcher ses mots, bien que sa voix chevrotante à l’aube de son discours trahit son anxiété passagère. Parmi les grognements plaintifs du mathurin se frottant l’oreille ensanglantée par une aspérité de mon arme d’appoint, j’entends l’explication pour le moins effrontée de l’adolescent amoché. Ainsi, il s’agissait d’un petit justicier des rues, de ces héros prêts à sauver la veuve et l’orphelin au détriment de sa propre santé voire de sa propre vie. Bien que dans le cas présent, je sache mon homme capable d’une retenue… un peu tardive. Sa façon appuyée de me nommer ne manque pas de déclencher un sursaut nerveux à la commissure de mon œil gauche.

Monsieur… le Comte.

Il me fallait corriger cette erreur d’étiquette par souci d’équité, peu enclin à être désigné comme un égal par un malandrin des rues populaires. Mais l’affaire n’était point réglée que je menais le pommeau froid de ma canne sous le menton humide de larmes iodées d’Agathe, la forçant à relever ses grands yeux azurés dans ma direction. Ragaillardie par l’arrêt des hostilités, reprenant petit à petit son souffle, elle se redresse un peu plus poliment et dissimule discrètement ses mains occupées en aval de son échine encore un brin voûtée. Vêtue d’une chemisette grise à manches longues et d’un veston verdâtre, ses braies remontées par dessus l’un des pans de sa blouse lui donnent un air dévergondé de garçon manqué. Ses souliers de cuir fin sont abîmés par l’humidité et les courses sans doute fréquentes de son quotidien sur le terrain accidenté des bas-fonds. Il est manifeste, par mon regard appuyé, que je requière son intervention suite aux accusations certes bien mal formulées de mon matelot. La jeune fille, d’une petite quatorzaine d’années, coule une mire vipérine sur son agresseur encore anxieux à l’idée de ne pas connaître la sauce à laquelle il sera mangé. Puis enfin, un regard plus curieux voire impressionné à l’égard de l’insolent garnement. Pèse-t-elle seulement le pour et le contre de la réponse qu’elle me donnera qu’elle lève enfin ses deux aigues-marines vers moi pour déclamer avec assurance.

J’ai rien fait moi, m’sieur l’Comte.

L’espièglerie de sa voix n’a guère de secret pour qui, comme moi, eu un enfant. Le mensonge maladroitement dosé n’a d’autre conséquence pour elle que de recevoir un coup de canne en travers de l’estomac, abrupt message qui coupe aussitôt le flux de sa respiration et la fait virer à un rouge tomate presque instantané ; son béret alourdi par une sacoche de cuir tintante et trébuchante choit rapidement au sol derrière ses talons. S’effondrant à genoux de nouveau, bras ramenés contre son ventre douloureux, un gémissement lui échappe ainsi qu’un flot de larmes. Aussitôt, mon gabier se jette sur la préciosité de ce chargement et extrait de ce capuchon aplati sa trouvaille : la bourse subtilisée qu’il agite devant mon nez comme une preuve de la justesse de son initiative. Justesse qu’il n’ose pas agrémenter un d’un “voyez” qui lui aurait valu davantage qu’une trempe. Je note toutefois qu’il souffre d’une jambe, et peine à effectuer un mouvement aussi basique que celui de s’abaisser et de se relever. Ma paume droite, libre de toute arme, se tend afin de récupérer le butin si ardemment défendu : et de deux doigts, me voilà y fouiller afin de déterminer le nombre d’écus s’y trouvant. Une quinzaine de pistoles, soit un demi-salaire mensuel, gît au fond de cette petite poche de peau tannée. J’extrais l’une des piécettes que je conserve au creux de ma paume, et glisse cette bourse au ceinturon d’armes ornant ma taille, rabattant ma cape noirâtre sur mon flanc droit. Ne me reste qu’à adresser ma sentence.

Rivière. Hui, ce sont deux semaines de salaire. Je ne serai plus aussi clément.
Jeune fille. Ma miséricorde vous vaudra une côte fêlée plutôt que la mutilation.
Quant à vous, jeune homme. Vous remplacerez Rivière dans ses travaux à compter de ce jour, et ce pour une semaine, tâches qu’il ne pourra effectuer dans cet état. Ceci
, déclaré-je en hissant la pistole crasseuse à hauteur de vue, vaut deux jours de salaire.

Contrit, le matelot sait les risques qu’il prendrait à répondre par l’insolence à un homme de ma stature. Aussi reste-t-il presque silencieux, jusqu’à acquiescer malgré ses poings clos. Risquer de perdre son emploi voire d'être dénoncé se devait être un châtiment bien moins enthousiasmant que celui de perdre le fruit de son travail des derniers jours.

… Bien, monseigneur.

La jeune Agathe quant à elle reste prostrée au sol, ayant probablement subi davantage qu’une côte fêlée, et n’étant pas en posture de contester cette sentence qui aurait pu être à son plus grand désavantage si je décidais de la mener à un coutilier.

Votre nom, réclamé-je au justicier, sans autre forme de procès.


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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMer 25 Mai 2022 - 0:50
A sa reprise, je tilte. Putain, je le sais en plus, l’autre con l’a appelé par son titre ! Une erreur aussi basique ! Je me mords la lèvre inférieure, tic nerveux trahissant sans doutes ma diatribe intérieure… avant d’hocher, signalant par ce geste, non sans une grimace quant à ma lèvre fendue, que je ne referais plus la même erreur. Pour la suite… Je m’y attendais sans réellement m’y attendre. A la réponse de la jeune fille à la question du comte, moi même je compris assez aisément son mensonge. Je ne pus donc rien dire face à la sentence qui l’accompagna. Il est vrai que c’était là un acte d’une certaine clémence. Elle aurait pu à minima y perdre une main plutôt que quelques doigts, le mensonge s’ajoutant au vol. Ou pire encore. Voir le marin tenter de fanfaronner en revanche m’arracha un regard plus sanguin. Félicitations, médor, t’as cogné deux gamins -dont un que t’as pas réussi à coucher- et en plus tu fais le fier ! Je comprends pas comment des types dans son genre peuvent encore trouver moyen de mettre du putain de beurre dans leurs épinards ! Si ça tiendrait qu’à moi, je finirais de lui ruiner sa putain de jambe, histoire de prendre plaisir à le voir ramper ! Je suis donc en tout cas resté sans broncher en entendant les os de la jeune fille craquer. Mais il fut évident que la réaction du marin manqua de peu de m’enflammer à nouveau. Je ne pus que me satisfaire en voyant le comte sanctionner à nouveau son homme. Y’a pas à dire, décidément, ce type ne peut que gagner mon respect. Je reporte alors totalement mon attention sur lui, gobant ses mots avec l’attention qu’il commence à mériter à mes yeux. Quelque part, puis-je avoir l’audace d’avoir réussi à gagner un peu du sien ? Il m’a repris sans me faire tâter de sa canne, à moi aussi. Non.. ça n’aurait été que cruauté inutile… tant que je ne commet pas à nouveau la même erreur. Je dois avouer que la finalité me concernant me prit, elle, assez de court. Le remplacer ? L’idée de me voir jeté dans la cage aux lions me traverse l’esprit. Un marin est soudé avec les siens… sinon ils ne survivraient jamais à un séjour en pleine mer. Comment réagiront ses comparses lorsqu’ils sauront ce qui s’est passé, et qu’ils m’auront face à eux ? Je tique à cette idée. De toute façon, je n’ai pas réellement le choix. Et puis… cette pièce… pourrait me permettre de fournir un peu de pain à quelques gamins au moins… C’est assez injuste, dans le fond. Deux jours de salaire pour une semaine… mais à nouveau, je n’ai pas réellement le choix. C’est moi qui ai choisi de cogner, je ne peux qu’en payer le prix. Il pourrait tout aussi bien me dénoncer, j’imagine. Il ne me faut donc qu’un instant pour prendre ma décision et acquiescer silencieusement face à cette « punition ». Il me semble être un homme juste, voir assez clément. Si je montre que je peux gagner ma pitance honnêtement… peut être m’accordera t-il un paiement juste. Je serais bien idiot de tenter de marchander maintenant, de toute façon. Dans le fond, j’ai conscience que j’ai plus à y gagner qu’à y perdre.

-Je n’en ai pas… Monsieur le comte. Généralement...On m’appelles simplement « Gamin ».

Après un silence, j’ajoute, afin de faire patte blanche et de montrer mon intérêt.

-Puis-je savoir en quoi consistera le travail, Monsieur le comte ? Je ne l’ai sans doutes jamais fait mais… Je ne compte pas prendre ça à la légère. Ne serais-ce que pour remercier votre clémence à notre égard.

Conclus-je visiblement au nom des deux orphelins présents. Je continuais à me montrer digne, malgré la douleur provoquée par chaque mouvement de lèvres… prêt à lui emboîter le pas sur l’instant si c’était nécessaire. Une semaine… Une petite moue traversa cependant mon visage… démontrant sans doutes mon tracas alors que je me demandais si j’aurais le temps et l’occasion d’aller cuisiner pour les gosses… Il me faudrait au moins leur faire parvenir un message. Celle-ci accepterait-elle de le faire… pas sûr, au vu de son état. Me voilà bien embêté. Je ne suis pas réellement en position de demander une faveur… tant pis. J’aviserais. C’est ce que j’ai le mieux appris à faire, après tout ! Je me raffermis au mieux, avant d’observer à nouveau le comte. Une pensée me traverse alors l’esprit, tandis que mon regard passe du marin à l’enfant… J’espère qu’il ne sera pas con au point de faire une connerie. Il lui sera assez aisé de lui reprocher tout cela, et de vouloir se venger, avec un peu d’alcool dans le sang. Enfin… Le cas échéant, j’imagine que je n’aurais plus qu’à en parler avec le comte. Après tout… Il est bien placé lui même pour savoir que si cette enfant meurt bientôt, le coupable pourrait s’avérer être assez logique. Je tâcherais d’essayer de la retrouver… questionner les gens du coin devraient suffire. Juste histoire de me rassurer. Ou de faire justice… Si je puis dire. Et si ce comte est aussi digne que ce qu’il me semble l’être. Bien ! Nous verrons donc.
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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMer 25 Mai 2022 - 9:09



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Vous serez Rubin…

Il me fallait bien trancher sur le concept incongru qu’on puisse ne pas avoir été nommé, ou décidé de s’être nommé, à cet âge déjà avancé. Car l’enfant bien bavard n’était pas des plus jeunes, pour avoir su résister aux coups bien que mesurés de Rivière. Ce dernier, dressé comme un piquet sans lever le regard dans ma direction afin de ne pas attiser mon courroux plus avant, réajuste sa tenue débraillée après s’en être enfin rendu compte. Sa crinière n’a fort heureusement besoin d’aucune retouche, mais sa chemise auparavant blanche est désormais tâchetée de carmin, et arbore les traces essuyées de ses mains sales sur ses flancs. Ses bretelles de cuir tombées à ses cuisses retrouvent peu à peu le chemin surélevé de ses épaules, remontant ses braies épaisses aux genoux souillés au-dessus de sa taille. Ne lui restait qu’à boutonner le sommet de sa cotte qu’il avait sans doute ouverte lors de sa pause du déjeuner afin de se rafraîchir après un dur labeur sous le soleil clément de mai. Au moins avait-il la décence de rafraîchir son apparence, il m’était pour le moins désagréable d’être associé avec pareil chiffonnier.

Quant à Agathe, la petite blonde n’avait qu’à peine remué depuis le coup punitif l’ayant terrassée. Tout du moins avait-elle tenté de se redresser, en vain, car son flanc gauche semble souffrir mille maux qu’elle tâche de ravaler par orgueil. Une chance que je n’aie pas à l’ouïr chouiner et gémir alors qu’elle se fourrait elle-même dans de pénibles situations pour le bien de faire valoir sa fierté déplacée. La respiration pénible, ses ongles sales crochetés à une aspérité de la façade qu’elle tentait plutôt d’escalader agilement, l’adolescente froissait son béret ramassé d’une poigne aux blanches phalanges trahissant la douleur lancinante de son côté.

... Chargerez et carénerez mon navire.

Quoi que cela puisse vouloir dire pour un novice, je n’allais guère m’épuiser à lui lister les tâches qu’il devrait accomplir en lieu et place d’un matelot déjà rompu à l’exercice. D’autres sauront le guider, ou bien le jeune homme s’adaptera et suivra la cadence marquée de ses pairs de la semaine. Peu me chaut dès lors que le travail demandé est effectué. D’un bref sursaut de la tête, je signale à Rivière qu’il est autorisé à disposer, ce dont il ne se prive pas bien que son pas accidenté ralentisse la manœuvre. Jetant une dernière œillade au garçon buté, il lui fait savoir que sa chance insolente était avec lui ce jour béni, mais que cela ne durerait probablement pas. Regagnant les abords des quais, le mathurin réprimandé échappera toutefois au regard de ses camarades dont la pause n’est pas encore achevée, et bifurquera dans d’autres ruelles pour y disparaître enfin.

Vous serez attendu sur les quais à la première heure, ce lendemain.

M’apprêtant à quitter les lieux à mon tour, je fais coulisser ma canne vernie jusqu’à en empoigner le pommeau et faire résonner sourdement le renfort d’acier qui en protège l’embout au sol. Réajustant la feutrine de ma cape sur mon épaule gauche, je fomente un demi-pas de retraite mais la complainte d’Agathe me force à couler une mire déplaisante sur sa carcasse froissée ; suppliant qu’on l’aide non sans manquer d’air pour déclarer ces mots sans buter sur chaque syllabe, elle tend une main molle dans ma direction.

Débourbez-vous. Et estimez-vous fortunée de pouvoir tendre cette main.

Je me fichais bien de la savoir dans une posture si compliquée, et ce garçon, fraîchement baptisé Rubin, devrait sans nul doute la sortir de ce mauvais pas sans mon accord. Me tournant vers l’issue de ce labyrinthe de venelles, je ne lui laisse qu’un instant pour verbaliser son accord.



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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyMer 25 Mai 2022 - 11:32
Un nom. Ce concept est-il si important ? J’entends… J’ai conscience que si tout le monde s’appelait « Gamin » ça poserait fatalement un souci quelconque. Mais nous autres dans la rue on vit et on co-existe sans avoir besoin de s’appeler par un nom. On s’interpelle de façon taquine tout en se rejoignant. Le regard montre bien à qui on parle, tout comme la familiarité. « Hé, petit ! » Lancé d’une voix colérique ne s’adresse pas à tous, le plus souvent simplement à celui qui vient de faire une connerie. Dans mes pensées, je capte bien évidemment le regard du marin. Oui… Je me suis fait un ennemi. M’enfin, ce n’est ni le premier, ni le dernier. Et je dois bien avouer que jusqu’ici, je n’accorde que très peu d’importance à ce détail. Bah oui, pourquoi reléguerais-je un tel trou du cul à un quelconque autre rang que « détail misérable » ? Vous me trouvez dur ? Croyez moi, les abrutis dans son genre sont légion, encore plus que des meurtriers en série. Une rumeur court comme quoi des types auraient fait rentrer les fangeux en ville, et que c’est pour cette raison qu’ont eu lieu les deux attaques de ceux-ci. Eux…méritent beaucoup plus d’attention que ce gars. Au pire il me tombera dessus au détour d’une ruelle et je finirais à nouveau roué de coups, j’en ai l’habitude. Tant qu’il me laisse en état pour nourrir les gosses… Ma foi. Je préfère encore moi que cette gamine. Même fautive. Tant qu’elle fait ça pour survivre, tout du moins. Rubin, donc. Il faudra que je tâche d’apprendre à répondre à l’appel de ce prénom. Si je compte l’adopter ? Pas fatalement. Peut être. Je verrais le moment ou ça deviendra absolument nécessaire. Pour l’instant, je le range dans un coin de ma mémoire. Un comte m’a donné ce nom, il vaut mieux que je le range au moins dans un coin de ma mémoire, me direz vous. Demain. Bien. Ça me laisse le temps de ramasser ce qu’il reste de cette gamine. Ça me donnera l’occasion de la guider jusqu’à chez elle, ou en tout cas, là ou elle crèche. Ainsi, je pourrais m’assurer du manque de représailles sur sa personne avant de disparaître dans les quartiers ou je suis le plus habitué. J’aimerais réussir à glâner quelques pièces ou de quoi faire au moins un petit potage aux gosses… mais dans tout ça je sens que ça va être limité. Fais chier. Je vais trouver une solution… je n’ai pas vraiment le choix. En y repensant, comment un connard pareil peut-il bien porter le nom d’une si belle chose ? Une rivière.. J’ai souvenir de ce dont il s’agit. Ne me demandez pas comment… je l’ignore moi même. Mais c’est un lieu naturel pouvant être à la fois très beau en plus de permettre la survie par la pêche, par exemple. Que signifie « Rubin » ? Sans doutes rien d’aussi attrayant. Quelle importance, de toute façon ? Ce n’est pas ça qui me permettra de survivre. Il me faudra juste apprendre à y répondre dans certaines circonstances au moins. Je sens que les prochains jours vont être particulièrement chiants. Je n’ai pas peur de travailler, non, au contraire. Mais s’il est si con, ses comparses le seront-ils aussi? Vont-ils chercher à le venger ? Le venger d’un enfant.. Dire que ce monde est si con. Enfin. Il serait peut être temps que je me fasse à l’idée que mon apparence me présente à des allures moins infantiles. Mes méthodes vont devoir bientôt changer. Un soupir las traverse mes lèvres à cette idée. Il semble qu’à ce rythme je ne sois destiné qu’à devenir un simple gros bras des bas quartiers. Il va falloir que je me renforce, physiquement, pour me surpasser.

En le voyant s’éloigner, je réagis à nouveau, avant de lui lancer un simple « Bien, Monsieur le comte » ! Acceptant ainsi ses directives quant au lendemain… avant de me tourner vers la jeune femme. De là, sans réellement chercher à engager le contact sur tout ce qui venait de se produire, je me suis satisfait à l’aider à se relever, avant de lui demander de simples indications sur ou la ramener. La tête encore trop pleine de tout ce qui venait de se produire et d’appréhension quant à la suite des évènements. Une fois l’enfant raccompagnée, et l’endroit mémorisé, je l’ai laissée à son sort. Si j’ai trop de conscience pour la laisser dans la rue à la merci d’autres abrutis ou encore d’ignorer les questions qui me sont essentielles, je n’ai pas non plus de pitié mal placée pour quelqu’un qui à mérité son sort. S’il s’avère cependant qu’elle n’a pas d’endroit réellement ou aller… je me serais satisfait de la ramener là ou se trouvent les autres orphelins que je côtoie. Ils pourront choisir de s’occuper d’elle ou non. Dans tous les cas, je m’y rendrais ensuite, histoire de les prévenir que je ne pourrais peut être pas m’occuper de leur préparer quelque chose pendant quelques jours. Peut être. Mais que je pourrais me faire pardonner ensuite, si le comte s’avère être aussi digne que je le pense. Bien sûr, j’aurais aussi prévenu la jeune couturière avant de me trouver un coin ou me reposer. Nul doute que je ne vais pas pouvoir continuer à cumuler les heures en retard cette fois. Il va me falloir les rattraper au contraire. Les orphelins m’ont d’ailleurs invité à profiter de leur « couverture », que j’ai pour une fois volontiers accepté. Voir les rôles s’inverser pour une fois n’est pas pour me déplaire, quelque part. Et c’est ainsi que pour la première fois depuis des mois… je me suis accepté à une réelle nuit de sommeil.

---------------------------------------------

Le lendemain, aux premières heures, je me suis attelé à utiliser un fond d’eau des dernières pluies pour me débarbouiller un minimum. Je gage qu’ils ne s’attendront de toute façon pas à plus d’un souillon… avant de me rendre directement à l’endroit convenu. Me voici ainsi donc aux « pieds » de l’immense navire… Prêt à l’emploi. Il ne me reste plus qu’à trouver un matelot ou peut être le comte? Non… je doutes qu’il soit là pour m’accueillir. Cette idée m’arrache d’ailleurs un ricanement bref. Je me présentes donc au matelot le plus proche.

-Bonjour ! Je suis ga… Rubin, le comte m’a dit d’être ici aujourd’hui, que dois-je faire ? 

Mon air démontre bien que je ne suis pas là pour chômer et je ne me montres ni mutin ni irrespectueux. Au contraire, je m’attends tout aussi bien à être accueilli d’un direct du droit pour une vengeance d’égo mal placée.
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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyJeu 26 Mai 2022 - 0:28



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L’accord présenté fin accepté, je pouvais enfin tourner les talons sur ce médiocre non-événement et laisser à ce jeune homme la triste tâche de raccompagner l’adolescente où bon lui semblera, bien qu’un soupçon de mépris me fasse souhaiter le contraire. La diction de Rubin avait pour mérite de ne pas être adéquate à son rang, ce qui ne manquait pas de me laisser un arrière-goût d’inachevé qu’un jour, peut-être, j’aurais l’occasion de réparer.

Agathe, deux côtes cassées plutôt qu’une, devra s’appuyer sur l’épaule du gamin des rues et le mènera, ruelle après ruelle, jusqu’au taudis où un homme l’accueille. Quadragénaire, brun et barbu, le concerné remerciera son serviteur d’une bien froide manière et attrapera la jeune fille par le bras pour la tirer — sans délicatesse ni compassion pour ses blessures — à l’intérieur de la bâtisse branlante. Il s’en faudra de peu pour que la ceinture s’abatte entre les omoplates de la voleuse, réprimandée non pas pour avoir pris cette initiative, mais pour avoir reçu une cuisante correction qui ne fera que se poursuivre sous ses pleurs plaintifs et supplications agonisantes.

☙ • ❧

Le bosco auquel l’adolescent s’adresse se tient à l’orée du quai où siège un grand deux-mâts abattu en carène, allongé presque à l’horizontale pour dévoiler sa quille au vent. Cayornes, cabestans, pompes, cabrions, étoupe, sacs de lest, tout est organisé afin de manœuvrer la bête avec le plus de prudence possible ; les ouvertures et failles de son bordé sont calfeutrées par des braies goudronnées, les mâts stabilisés à de lourdes bittes d’amarrage en fonte, des sacs de sable balancés à la proue afin de répartir l’effort tant sur le grand mât que le mât de misaine. Plus d’une trentaine d’hommes s’affairent ici à sécuriser la posture bancale du bâtiment, s’échangeant des termes techniques que qu’il serait ardu de comprendre pour qui se veut novice dans ce domaine. Et le bosco d’aviser le jeune homme du coin de l’œil, détaillant d’une brève analyse ses aptitudes physiques.

Rubin, ouais. M’sieur l’Comte m’a parlé d’toi. Paraît qu’tu remplaces Rivière qu’s’est bien amoché hier dans l’effondrement d’la baraque rue Saint Edouard. T’jours à s’retrouver au meilleur endroit au meilleur moment c’ui-là. Bon ! On va pas chômer, y a du boulot.

Et ainsi s’annonçait le début d’une longue semaine de labeur pour le jeune homme qui serait bien plus sollicité que le Comte ne l’avait fait croire. Le premier jour de sa sentence est destiné au carénage du navire, une technique de nettoyage de la coque consistant à brosser et déloger les organismes marins s’étant infiltrés entre les planches de la structure navale. Un travail pour le moins peu intellectuel qu’aucun marin, soit-il milicien ou simple matelot du peuple, ne rechigne à effectuer tant il est nécessaire à la bonne tenue et la longévité d’un tel bâtiment soumis sans cesse aux aléas de l’univers aquatique. Le deuxième jour comprend la remise en place du navire tel qu’il aurait toujours dû être - à la verticale - non sans y passer une longue matinée, les paumes brûlées par les cordes de chanvre tendues de part et d’autre de la Manticore afin d’en maîtriser le basculement. Les cales débarrassées au préalable sont alors prises d’assaut par l’équipage et le jeune homme embrigadé, afin de l’initier au calfatage des cales, consistant en la pose de toiles plongées dans la poix et le goudron et insérées dans toutes les ouvertures potentielles du bois constituant la coque immergée, afin de la rendre la plus étanche possible. L’ouvrage est salissant, collant, et se débarrasser de la mélasse noirâtre pourrait bien lui occuper la soirée.

Le troisième jour ne s’annonce pas nécessairement de meilleur augure, car il est temps de charger le navire de son gréement et de sa cargaison, à savoir une multitude de voiles démesurées, une nouvelle roue de gouvernail, un nombre incalculable de barils et de caisses parfois en piteux état mais dont le contenu est destiné à une autre colonie ; matériaux de reconstruction çà et là, vivres sèches, armes manufacturées dans les ateliers de Marbrume, tout y passe et se veut strictement consigné par second et quartier-maître, coopérant. Le quatrième jour cependant se voudra plus apaisant, certes utile et efficace, mais infiniment moins éreintant que les précédents : car ce jour-ci est voué à repeindre les bastingages, rebords de huniers et autres inscriptions sur les flancs aérés du navire. L’on proposera au jeune “Rubin” de s’encorder afin de passer par delà la poupe et user de ses mains juvéniles et agiles sur les dorures du nom sacré de ce bâtiment, en rappel au-dessus de la mare sale et poisseuse du port.

Cinquième et sixième jours sont consacrés à la voilure de la belle dame, le premier à en réparer les déchirures ou à en renforcer les coutures à l’aide de grands crochets et ficelles cirées, la toile épaisse et cramoisie étalée sur le pont afin que tous puissent arranger un recoin de plusieurs mètres carrés à eux seuls. Et le second enfin à hisser les kilomètres de drisses qui élèvent les phares carrés à leurs justes vergues, où les gabiers les plus expérimentés les fixent et les arisent pour en protéger l’intégrité en cas de bourrasque frappant la cité-état. Enfin, le dernier loisir du moussaillon en herbe sera celui de participer à récurer le pont de ses derniers débris, et de grimper au grand mât en compagnie d’un gabier expérimenté qui lui indiquera la marche à suivre afin de fixer le pavillon frappé des armoiries du comté de Malemort d’une face et du “royaume” de Morguestanc de l’autre. Il pourra profiter d’un coucher de soleil sur le dernier bastion de l’Humanité depuis des hauteurs peut-être jamais atteintes pour un adolescent des bas-fonds.

La totalité de son séjour aura eu son lot de blessures, d’épuisement, de reproches et de satisfactions malgré tout. Car le mensonge du comte justifiant sa présence à bord lui aura rendu la tâche bien plus aisée, bien qu’il ait été surveillé de près durant chacune de ses tâches. Il fait ainsi la connaissance de d’Avila, bosco d’une trentaine d’années l’ayant accueilli à bord. Gaudreault, gabier ayant tout juste vingt-deux ans avec lequel il aura gravi le mât principal. Ainsi que Bedefert, approchant l’âge de son seigneur, qui aura manœuvré ses cordages lors du ravalement de la poupe.




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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyJeu 26 Mai 2022 - 21:05
Contre toute attente, je ne sentis aucune animosité à la réponse de l’homme qui me faisait face. Cet état de fait me fit ouvrir des yeux arrondis lorsqu’il expliqua ce qui s’était produit et c’est avec un sourire rassuré que j’hoche vigoureusement à ses paroles. Il semble que la semaine ne va peut être pas être si vicieuse que ça, finalement ! J’ai donc appris que l’homme qui m’a acceuilli porte le rôle de « Bosco », un Bosco nommé « Avila ». Si j’ai bien compris l’utilité de son rôle, il consiste principalement à servir de « tampon » entre l’équipage et les officiers. C’est lui qui fait en sorte que ceux-ci obéissent bien aux ordres donnés au dessus, entre autres prérogatives. Ne connaissant rien à ce travail, mais portant une curiosité infantile évidente, j’aurais arrosé le pauvre de toute une pluie de questions, qu’il s’agisse de lui ou de mes rencontres futures, d’ailleurs. Que ce soit sur le nom de diverses choses ou encore sur le rôle de chacun. Ce ne sont pas des choses que j’ai eu l’occasion d’avoir en mémoire mais je ne me suis pas trop questionné sur tout ça. On ne peut pas tout savoir après tout. Et je n’aurais pas l’audace de me placer au dessus de quiconque sur ce point. Ce sont eux les experts, après tout ! C’est donc dans cet état d’esprit qu’ai exécuté les tâches du jour. Dans un premier temps, celle-ci m’a relativement inquiété voir effrayé. Approcher de l’eau pour ôter les organismes terrés sur le bois du navire… Les dernières fois ou j’ai eu de l’eau jusqu’aux chevilles… les fangeux n’étaient pas loin. Cela dit, à voir les autres travailler avec autant d’ardeur à fini par me pousser à me convaincre que je n’avais pas grand-chose à craindre. Une fois cet état de fait acquis, j’ai accompli ma tâche avec tous les efforts nécessaires. Au début, j’ai éprouvé des difficultés à décrocher efficacement les divers organismes à expulser mais là encore, face à la facilité présentée par certains, je n’ai pas hésité à demander à être guidé dans la tâche. J’ai fini par tomber sur un type plus bavard qui m’a montré une technique demandant moins de force que même un gamin comme moi pouvait mettre en œuvre. Sans compter, aussi, sur l’aide de Bedefert, qui m’aura « assuré » pour cette tâche et qui aura sans doutes accepté de répondre à certaines de mes interrogations. Pour le reste, ma résistance naturelle à joué en ma faveur. Je mentirais cependant en disant que je n’étais pas éreinté à la fin de la journée. Même habitué à endurer des conditions de vie assez difficiles, l’exercice m’a demandé des efforts que je ne suis pas habitué à fournir, et des gestes que je n’ai pas non plus l’habitude d’accomplir. Je dois bien avouer que pour l’affaire, j’ai fini par me trouver un coin ou m’affaler pour passer la nuit. J’ai d’ailleurs été agréablement surpris à ce qu’on m’autorise à me fourrer dans un coin du navire pour fermer l’œil. Au moins je serais sur place pour la suite ! Avant de me pencher sur la journée suivante !

Le second jour, je ne dirais pas que j’étais frais comme un guidon, mais j’ai dormi assez d’heures pour continuer à rattraper mon retard cumulé. Ce qui à sans doutes joué sur le fait que je me sois peut être montré moins… enthousiaste. Et ce, globalement… Jusqu’à la fin de la journée. Si la tâche proposée ne me gênait pas dans sa proportion à salir… Car bon, la crasse, je m’y suis fait…. Ce côté poisseux en revanche.. Et le temps qu’il m’aura fallu pour m’en passer… Et l’énergie que j’ai du développer pour compenser tout ça… Arh ! Une horreur ! Cela dit, même si je me suis montré moins partant, je n’ai pas accompli le tout avec moins de sérieux. Quelques fois encore… je ne réagis pas directement lorsque le nom de « Rubin » est envoyé mais… la seconde interpellation suffit la plupart du temps. Je n’ai pas particulièrement apprécié le séjour en cale, non plus. Trop sombre. L’impression que tout pourrait céder et nous écraser était bien trop présente. Comme mon imagination bien trop fertile, qui imaginait facilement les griffes d’un fangeux se créer une brèche dans le bois pour me sauter dessus. Cette nuit là, à nouveau, j’ai dormi comme un loir. J’espère sincèrement qu’on ne m’imposera plus d’y travailler à nouveau pendant la semaine… genre vraiment !

Troisième journée. Ma nuit à été assez bonne, l’épuisement d’une journée de dur labeur me changeant malgré ma résistance naturelle à mes journées rythmées par mes seules envies et désirs ! Et cette journée aura à nouveau l’occasion de tester celle-ci, de résistance. Éprouver, même, dirais-je ! J’ai du sans doutes prendre plus de petites pauses que l’auraient voulu mes supérieurs, mais mon endurance sur la durée m’aura permis de tenir jusqu’au bout malgré cet état de fait. Disons que j’ai eu l’occasion d’apprendre mes limites et que je sais quand il faut que j’arrête de forcer, et quand je peux me permettre de reprendre. En outre, la tâche à été accomplie sans trop, sans doutes, qu’on ai besoin de me reprendre. Si tant est qu’on m’ai surveillé plus particulièrement lors de mon transport de ce que je pouvais porter, on pourra relever que je ne me suis même pas particulièrement intéressé à ce que je pouvais transporter. On m’a déjà donné des paquets à porter et je suis habitué à ce genre de secrets. Je l’ai donc appliqué ici. Si on à pris la peine de m’expliquer le contenu des caisses, je l’aurais écouté avec curiosité mais sans pousser le truc plus loin. J’aurais pris, transporté et posé là ou on me l’a demandé, renseignant ce que j’avais à renseigner aux hommes gérant le tout ! En commençant à travailler ici, j’aurais pris soin de me débarrasser sans doutes assez vite de ma veste de cuir, je vois mal comment j’aurais pu voler quoi que ce soit avec un haut sans manches et un pantalon sans poches. Il n’est pas dans mes habitudes de voler de toute façon, je n’allais pas commencer là ou un comte pourrait me faire trancher aisément une main. Surtout que je ne suis pas sot au point de me croire sans surveillance. Ce soir-là, on ne m’a en revanche pas laissé dormir dans mon coin habituel. Je gage qu’on n’est pas du genre à faire facilement confiance à un gosse inconnu. Soit… J’en aurais profité pour rejoindre les orphelins, histoire de voir si tout va bien. Mais avant même de pouvoir me mettre en tête de faire quoi que ce soit… Le sommeil m’a rattrapé.

Le quatrième jour, il semble que mon corps commence enfin à s’acclimater au rythme de travail et aux diverses courbatures, ce qui ravive mon moral. Après avoir dévoré une petite miche de pain rassis, qu’un autre gosse aura mis là, assez près de ma place pour que je comprennes l’intention derrière. Pour ce qui est de la bouffe d’ailleurs… Je dois bien admettre avoir été mis en difficulté. Mais… je me suis démerdé, comme toujours. Quitte à demander d’un air gêné une petite pièce à quiconque voudrait bien me la donner. J’ai l’habitude de ne pas avoir grand-chose sur l’estomac mais ce point en revanche à été le plus dur de la semaine. Si en terme de repos je m’en sors bien… en terme d’énergie, les quantités habituelles me sont dramatiquement faibles. Enfin, cela ne m’a pas empêché de me présenter au navire à nouveau, toujours à l’aube, ayant pris soin de me lever un peu plus tôt pour faire le trajet. Cette journée me fit cependant un bien fou. Pour deux raisons : premièrement, la tâche était bien moins rude, ce qui m’a aidé à me remettre des courbatures précédemment citées. Mais aussi car par chance, j’ai pu rendre service à un marchand du port qui m’a remerciant en m’offrant un grand poisson bien fait. Même si je l’ai partagé avec les orphelins, l’apport d’énergie bienvenu par ce beau bestiau m’a permis de ne pas sombrer dans les méandres des ténèbres à force de me surpasser. Je dois admettre que me pendre au dessus de l’eau, à jouer les singes sur le bois m’a quand même drôlement amusé. Et je n’étais pas au bout de mes surprises sur la question après ce qui allait m’attendre les deux prochains jours.

Le cinquième jour, donc, je me suis affairé sans grandes difficultés à la tâche. Celle-ci n’était pas si éreintante et en soi, j’avais eu l’occasion d’observer Margaux lorsqu’elle rapiéçait mes seuls vêtements. Cette observation cumulée à celle des matelots partout autour de moi… Je pense être arrivé à un résultat au moins convenable. À nouveau, je n’ai pas manqué de les questionner au besoin car oui, une couturière ne tient pas fatalement ses outils de la même façon que présentement. Et je reste loin d’être familier de la tâche. C’était assez amusant, quelque part, de voir tous ces hommes habituellement en train de pulluler ici et là se rassembler maintenant pour faire montrer d’une ardeur plus calme, tous occupés exactement à la même chose ! Enfin… ça ne m’auras pas empêcher de me blesser ici et là. Piquant mes doigts, entre autres choses réalisables à ce genre de tâches ! Je ne compte d’ailleurs plus le nombre d’éraflures ou encore les traces de peintures de la veille que j’aurais réussi à cumuler ici et là. De nouvelles marques qui s’ajouteront à celles que j’ai un peu partout sur le corps et qui auront été exhibées pas mal, cette semaine. Enfin, sur ce point, je me sentais assez proches de ces hommes dont pas mal avaient le cuir amoché de diverses façons. Je crois que le pire à supporter, surtout les premiers jours, ça à été les ampoules et cales se formant sur mes mains ! Je suis habitué à œuvrer poings fermés, alors utiliser autant mes mains ouvertes pour autre chose que la cuisine m’a fait étrange ! Ce jour aussi, j’ai pu rendre service au marchand contre un bon poisson. Je gage qu’il à du prendre en pitié ce gosse travailleur… Ou pas. La chance joue souvent beaucoup dans la survie qu’on obtient dans la rue. Ce soir à nouveau… Les gosses mangeront ! Bien entendu, je n’en oublie pas la part de la petite couturière. Encore moins ce soir là, après tout, comment l’oublier alors que nos rencontres m’ont au moins un tout petit peu aidé, aujourd’hui ? J’aurais eu aussi plus d’énergie pour aller lui rendre visite à l’auberge. Ce qui aide !

Le sixième sera sans doutes le plus rapide à décrire, la tâche relevait assez d’automatisme à prendre, dans mon cas. Il aura d’ailleurs surtout joué sur le nombre d’ampoules que j’aurais accumulé depuis le début de l’aventure ! Une tâche intéressante. Quelque part, j’aurais apprécié sans doutes pouvoir monter sur les hauteurs moi aussi, plutôt que de me contenter d’hisser, entre autres activités du genre. Machinalement, j’aurais continué à arroser de questions toutes personnes enclines à me répondre !

Le dernier jour fut en premier lieu une déception totale ! Récurer le pont après tout ça, quel ennui ! Je crois que quelque part, j’aurais encore préféré sauter en fond de cale pour aller remettre de ce bidule poisseux et dégueulasse ! Je pense que c’est le moment de la semaine ou, avec mes petites pauses improvisées du troisième jour, j’ai pris le plus de reproches et d’aboiement sur la trogne ! J’en ai eu bien d’autres, évidemment, mais c’est sans doutes normal. Je suis débutant, tout n’a pas pu être accompli avec la perfection d’un marin rompu. Rivière, ce bâtard de bas fond aurait sans doutes fait bien mieux. Cette pensée suffit à m’enrager pour … un bon moment. Jusqu’à ce que Gaudreault, en tout cas, vienne me tirer de cet enfer ! Je me suis donc retrouvé bien plus vite que je ne le penser à jouer les singes à nouveau, mais cette fois dans une proportion bien différente ! Je crois bien n’avoir jamais rien vu d’aussi impressionnant qu’à ce moment là ! Balader le long de la voile est un exercice aussi difficile que palpitant. Enfin, quand je vois mon comparse gabier œuvrer, difficile ne me semble être que la marque de mon manque d’expérience… comme la majorité des tâches de cette putain de même semaine ! C’est donc ainsi que j’ai pu finir ma dernière journée. Et si, quelque part… je m’attendais à simplement être laissé sur le port en mode « merci et salut ! » voir juste « allez, dégage maintenant », ma surprise fut délicieuse, lorsque le jeune homme m’amena au plus haut point accessible du navire pour me permettre de me régaler les yeux face à un spectacle qui pris, ce soir spécifiquement… tout son sens. Imaginez vous vivre avec une capuche sur la tête. J’ai déjà vu nombre de couchers de soleil mais… Celui-ci fut le plus particulier de ma vie. Aucun bâtiment, obstacle… rien pour me gâcher la vue ! Juste ce ciel immense virant à l’orange, avec tout ce qui l’accompagne. Pour la première fois depuis très longtemps, j’ai pu voir le soleil disparaître dans la ligne d’horizon. Si je dois me montrer particulièrement honnête, j’avouerais avoir assez apprécié cette semaine, en fait. Quelque part, c’est la première fois qu’on accorde sa confiance à un gosse comme moi, même si c’est pour réparer ce qui à été jugé comme une erreur, le labeur sur un navire n’est pas si désagréable. Je serais presque curieux de voir la ligne d’horizon qu’on peut avoir en mer. Mais… Je sais très bien que je ne peux que difficilement me le permettre. Trop comptent sur moi ici. Même si j’ai bien vu qu’ils ont redoublés d’effort cette semaine pour ne pas m’inquiéter. Pour la plupart, ce sont de bons gosses. Qui plus est, ma semaine accomplie, je n’aurais plus aucune raison, ni même le comte sans doutes, de m’en offrir la possibilité. Alors quelle importance finalement ? Autant ne pas se torturer l’esprit avec tout ça et me préparer à retrouver ma vie quotidienne. Pleine d’insultes, de violence et de crasse. Après avoir chaudement remercié mon bienfaiteur de la soirée, je suis retourné récupérer mon précieux bien avant d’apprendre que le comte allait arriver. J’ai tant bien que mal enfilé le vêtement avant de me diriger là ou on m’aura guidé… prêt à mettre un point final à cette histoire. J’aurais donc attendu, imitant mes comparses de la semaine dans les convenances à démontrer face à leur supérieur direct. Comme je le sais, ce sera à lui à m’autoriser à parler, si cela doit se produire ! Si je me montres stressé ? J’ai travaillé au mieux et honnêtement, n’ayant jamais mis les pieds sur un navire. Mes perceptions seront peut être différentes de celles de ces marins aguerris mais… Ce point, sans doutes, ne pourra pas être contesté. Alors…. Non, je n’ai aucune raison de stresser !

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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyVen 27 Mai 2022 - 9:25



Du sang, de la chique et du mollard | Mai 1167

S’était passée une semaine complète, où les tâches sur mon agenda se succédaient sans vraiment me fasciner. Ma trésorerie prenait un sacré coup compte tenu des réparations à effectuer sur le bâtiment, néanmoins, la tâche se devait d’être faite pour en assurer la pérennité. Il s’agissait non seulement de mon héritage séculaire, mais aussi de ma principale source de revenu depuis l’abandon de mes terres familiales, à l’extrême ouest du duché. Un rendez-vous avait été appointé à un intendant chargé des transactions extérieures de Marbrume ; qu’il s’agisse du Labret ou d’autres terres reconquises, la Manticore et moi-même étions mis à contribution, selon mon bon vouloir. Me mettre au service de Morguestanc n’était pas fait de gaieté de cœur mais bien afin de préserver mes privilèges. En l’état des choses, me retrouver ôté de mes titres ne m’apporterait qu’une fin peu souhaitable. Outre cela, une après-midi entière dépensée en frais de tailleur me vaudra enfin un costume ajusté à mes demandes, bien peu différent des précédents, mais plus adapté à la saison chaude qui ne saurait que poindre. Un dîner se devait être tenu le soir-même auprès d’un collaborateur et sympathisant de mes convictions, sur sa propriété de l’Esplanade où je tâche habituellement de rester discret, quoi que mes accointances soient connues des plus puissants de ce monde.

Chaque devoir se voyait entrecoupé d’autres occupations plus personnelles ; quelques temps de prière le soir venu, peu avant la fermeture des hauts battants sacrés du Temple Trinitaire, lorsque je me rendais sous la statue de Rikni pour lui imposer mes incessants questionnements. Parfois, une emplette d’ordre personnel donc je ne déléguais pas la tâche à mes serviteurs, ces moments où je me dégourdissais les jambes étaient parfois salutaires à un âge où la fougue démesurée de la jeunesse portait ses premières conséquences. Puis, la visite sans annonce d’une courtisane dont je récompensais soit le verbe, soit le silence, selon l’humeur dans laquelle je me trouvais à l’instant de son intrusion. Bien sûr, mon esprit fendillé ne me laissait aucun répit, perturbant le flot de mes songes et de mes paroles, me laissant parfois à errer dans un recoin de la cité où je n’avais aucun souvenir de m’être rendu. Cependant, je ne songeais pas une fois à aller contrôler le déroulement de l’entretien, sachant que ma confiance en mon second DeBréhant se savait entre d’habiles mains.

☙ • ❧

Le septième soir, celui du salaire, approche à grands pas et je me prépare confortablement à me rendre au quartier portuaire afin d’inspecter les travaux terminés. Ce trajet, l’un des plus familiers qui soient à ma mémoire, me permet de laisser libre cours à l’afflux des chuchotis et parasites songes avides de s’épandre en commentaires inintelligibles, de moi comme du monde. La fin de la journée sonne un relatif apaisement du tohu-bohu journalier, à mesure que les ouvriers retrouvent leurs quartiers et familles pour les plus chanceux d’entre eux. Les allées détrempées et boueuses ne m’effraient pas plus que les tripes crasseuses et pestilentielles des poissons éventrés ayant souffert du soleil printanier, car ce n’est pas en costume mais en accoutrement de capitaine que je me présente à mon équipage se positionnant en rang serré sur le quai où la belle Manticore repose, rafraîchie en tout point ; emmailloté d’une ample chemise blanche dont la frontière est insérée dans une ceinture de soie verdâtre, c’est une riche redingote de même couleur, en laine rigide, qui coiffe mes épaules et mon col. Des hauts-de-chausses légèrement bouffants complètent une panoplie comme destinée à me faire paraître plus robuste que je ne le suis déjà, monté sur une paire de hautes bottes en cuir naturel. C’est DeBréhant qui se présente le premier, fier second et chargé de superviser le labeur de mes suivants. Puis d’Avila, responsable de me faire parvenir ses conclusions sur le travail du petit Rubin dont j’aperçois, du coin de l’œil, la présence. L’échange dure, assurément, et certains hommes s’impatientent sans doute, cependant je tâche de recevoir la totalité du compte-rendu avant de me présenter face à la trentaine de matelots de tous horizons qui espère sans doute mon appréciation.

… Ce fut une tâche ardue, une fois de plus, que de redonner son éclat à notre Dame. Aussi, et comme à l’accoutumée, le salaire hebdomadaire sera doublé pour qui n’aura rechigné au labeur. Le départ sonnera ce surlendemain, tâchez d’être repus de sommeil. Vous pouvez disposer.

Mon discours, motivé par l’ennui qu’il me procurait de brasser l’air iodé du port pour l’apparat de la chose, se devait ne rien transparaître. Les hommes réjouis d’être récompensés à hauteur de leur rude travail, non seulement par un gagne-pain doublé mais surtout par un jour de repos, s’échangent des accolades et se dispersent dans un fourmillement chaotique. Arrachant de mon ceinturon d’armes, cette fois apparent sans ma pèlerine pour le protéger, une bourse de cuir brut, je capte l’attention de Rubin et tâche de le savoir alerte avant de la lui jeter en cloche, assuré qu’elle soit bien liée pour ne pas disperser son contenu. Quelques pas suivront, pour me rapprocher de l’adolescent dont les mains calleuses ont vu d’autres horizons que les genoux de Rivière.

Voici votre salaire, faites-en bon usage.

Car la petite sacoche de peau tannée contenait assurément plus de deux pièces ; c’est trois pistoles et une cinquantaine de sous qui se battent pour une place royale sous le nez de l’enfant.



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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyVen 27 Mai 2022 - 15:45
Ainsi, comme convenu, le comte se présenta sur le navire, et deux des hommes se dirigèrent vers lui, lui présentant un rapport sans doutes complet, au vu du temps qu’il prit. La patience… je connais. J’ai eu l’occasion de mettre la mienne à l’épreuve plus d’une fois. Surtout que j’ai pu capter au moins un coup d’œil, venant d’Avila. De quoi me faire comprendre qu’il était sans doutes en train de jauger de ma personne auprès de son chef. Rien de bien choquant. C’est lui qui m’a accueilli, le premier jour. Le bosco. Il à du autant questionner ceux qui ont bossé près de moi que compléter ses propres observations afin de rendre ce rapport. Je ne m’en fais pas trop. Hormis les reprises à l’ordre que j’estime naturelles, je n’ai été en conflit avec personne sur le navire depuis mon arrivée, au contraire, je me suis montré plus curieux qu’autre chose sur le bon déroulement des choses. Je reste donc assez droit. Je sais avoir accompli mon œuvre au mieux. J’ai fait ce que je pouvais. Ainsi, son discours fini et le départ de tous dans toutes les directions effectué, c’est le regard du comte que je captais, cette fois, et, me tournant vers lui, je réceptionnais la bourse ayant volée vers moi. Non sans surprise, j’ai légèrement sous pesée celle-ci. Elle me semble bien lourde pour deux petites pièces. Je tilte alors. Aurait-il doublé mon salaire ? Un tâtonnage me confirma qu’il se trouvait là dedans plus de quatre pièces. Je relève alors mon regard vers lui, tandis que quelque part, la satisfaction se mêle à l’outrage. Cela ne m’empêche pas de ranger l’objet sous ma veste, l’attachant à un petit rond de cuir remplaçant sans doutes les poches intérieures. Je me suis toujours demandé ce que Guerrier faisait de ces petites attaches. M’enfin, on utilise les choses comme on peut. J’inspire alors, avant de m’approcher un peu, sans cesser de respecter les convenances. Je comprends que je peux rompre le rang en voyant les autres le faire, pour venir observer l’homme qui venait de m’offrir de quoi nourrir une grande poignée de jours les gosses sous ma protection.

-Monsieur le comte, si vous m’avez donné autant, dois-je y voir un encouragement de votre part à essayer de trouver un travail digne, ou quelque chose de ce genre ? Car si oui… Je ne peux que vous dire à quel point la tâche est ardue ! Si c’était si simple… Beaucoup ne souffriraient plus de la faim. Chacun est prêt à de bien cruelles choses pour garder le peu qu’il à. Je gage que c’était là aussi le cas l’autre soir. Cependant, je vous remercie. Grâce à vous.. Personne parmi les miens ne mourra de faim ce soir. Il semble qu’il reste encore des personnes justes en cette cité.

Après un silence, silence me servant à me dire que si manquer de casser un genou suffisait à trouver du travail, je serais surement riche présentement, je glisse simplement :

-Si… Vous avez besoin de main d’œuvre supplémentaire, à l’occasion… Je serais partant pour rempiler, Monsieur le comte.

Inutile de dire qu’il ne serait pas déçu, ou quelconque diatribe du genre. Ce serait bien inutile. Il à eu droit à un rapport sur mes compétences et maintenant que j’ai commencé à être formé, nul doute qu’il pourrait voir y voir un intérêt. Peut être. Nous verrons bien, cependant, j’imagine.
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MessageSujet: Re: Du sang, de la chique et du mollard   Du sang, de la chique et du mollard EmptyVen 27 Mai 2022 - 21:55



Du sang, de la chique et du mollard | Mai 1167

L’audacieux adolescent ne manque pas de verve, bien que son idéalisme me laisse un sentiment de perplexité, fort heureusement dissimulé derrière mes traits abrupts et fendus de stries peu amènes. La paie proposée ne valant que de moitié celle qui aurait dû être perçue me paraissait déjà bien maigre, mais du point de vue d’un enfant des rues, c’est sans doute un petit trésor qui se niche maintenant sous le veston du gamin entêté. Qui plus est, le troc aujourd’hui plus efficace que le paiement en sous et pistoles, ce n’est guère un chemin de facilité que je lui propose sous la forme de ces quelques écus frappés de l’effigie de feu notre précédent roi.

Tout travail mérite salaire, mais je n’ai pas vocation à engager tous les vagabonds du quartier.

Car ce n’est là que la finalité la plus cohérente à cette affaire contrariante. L’incident de Rivière n’était pas un cas isolé, et plus d’un jeune homme ou d’une jeune femme ont été battus à excès par cette brute épaisse qui malgré son impeccable travail ne savait contrôler sa rancune bouillonnante, destructrice. Toutefois, exposer la réalité de ce comportement troublé à ce petit justicier en herbe ne me semble pas la plus judicieuse des idées, pour une raison bien simple : la pénétration des Fangeux entre nos remparts a laissé bien des cicatrices dans l’âme et le cœur de nos hommes, et mon gabier n’était pas en reste. Les évènements ont ébranlé sa foi pourtant tenace, son amour paternel ainsi que la stabilité de sa famille auparavant soudée et désormais vacante. Toute injustice est aujourd’hui prétexte à faire rugir l’animal acculé derrière ses prunelles orageuses, en dépit de toute mesure. Ma sympathie — devrais-je dire compassion — pour cet homme a cependant fauché les limites bien maigres de ma tolérance toute aussi rachitique.

En revanche, l’absence de Rivière se prolongera pour une durée encore indéterminée. Aussi, restez disponible à quai. D’Avila semble satisfait de votre besogne.

Ni flatterie hypocrite, ni brossage dans le sens du poil, deux mains agiles de plus n’étaient pas de refus lorsque rémunérées à la moitié de leur potentielle valeur. Et un garçon de quai ne saura être encombrant, quand bien même son inaptitude à la navigation n’arrange guère mes affaires. Je soupçonne cependant un jour requérir ses services de petit rat de ville pour d’autres tâches que celles de récurer la quille de la Manticore. Car un presqu’homme de cet âge — je le soupçonnais aisément d’avoir une quinzaine d’années tassées — saurait passer inaperçu en des quartiers que je ne saurais fréquenter sans devoir me parer de haillons, pour peu que l’odeur de la propreté ne m’y trahisse pas. Plutôt que de me projeter trop avant dans ces complications logistiques, je lève le nez sur la splendeur renouvelée du brick ayant fait peau neuve, fier de mon héritage.

Sachez que ces pistoles ne sont pas si aisées à écouler parmi vos rues. Dites-moi quel paiement vous serait le plus profitable, à l’avenir.

Vêtements, nourriture, matériaux, services, tout ce qui à hauteur d’écus saurait me faire conserver un peu de trésorerie est bienvenu. S’il me fallait engager un peu du temps de mes loyaux serviteurs afin de lui apprendre les rudiments de la lecture, rien ne saurait me faire plus plaisir que de me débarrasser de ces vieux meubles.

[Clôture] Le jeune homme me propose alors un échange qui me semble pour le moins convenable, et sur lequel nous nous accordons sans plus perdre de temps. Il sera ainsi un débardeur affecté à l'entretien et au chargement de la Manticore, et qui sait, peut-être que l'amie couturière dont il m'évoque le nom saura se montrer utile quant à rapiécer nos voiles...


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