Marbrume


Le Deal du moment : -29%
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 ...
Voir le deal
499.99 €

Partagez

 

 Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... EmptyMer 25 Mai 2022 - 22:33
POUR UNE POIGNEE DE QUATRAINS, ET POUR QUELQUES TERCETS DE PLUS...


Ou l'échange de deniers moyennant bons procédés lyriques, en compagnie du brave écuyer Emeric


Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... 1280px10

« Il faisait nuit dans moi, nuit sans lune, nuit sombre ;

Je marchais en aveugle et tâtant le chemin,

Les deux bras en avant, le long des murs, dans l’ombre. »



Las ! Ecoute, cher lecteur, le désespoir d’un homme esseulé, perdu dans ses mornes pensées.

J’étais pris d’un terrible mal, un mal que ne connaisse que trop les poètes et les gens d’esprits. J’étais pris par la fièvre d’Amour, qui, bien qu’inspirante muse, se trouvait être un poison lent lorsque la dame de nos rêves n’était pas encore conquise. La jalousie, le désir, ou encore l’humeur dépressive comptaient ainsi parmi mes maux.
Même mon passe-temps favori, qui était de me retirer en ma chambre pour écrire et composer poèmes, réflexions, aphorismes ou satires, ne parvenait à m’amuser un tant soit peu. L’étude ne m’était non plus d’aucun secours.

Je m’isolais donc des jours durant, fermant mon huis à double-tour, à tel point que j’inquiétais les rares serviteurs encore à ma disposition (les autres ayant déguerpit depuis fort longtemps de ma modeste demeure, faute de pouvoir payer leurs gages). Je mangeais et je ne me laissais pas aller, certes ; mais quelle existence maussade que la mienne en cet instant ! Je n'avais d'ailleurs en ma possession que peu d'argent ; je me retrouvais sur la paille, incapable de satisfaire les désirs de ma Dame, et j'étais incapable de lui faire la cour convenablement.

Je dois cependant dire qu’en cette sombre période subsistait néanmoins chez moi un unique plaisir : celui de déambuler dans les belles et majestueuses rues de l’Esplanade, lieu d’extravagantes demeures, et de contempler depuis un point de vue fort agréable l’horizon lointain, fixant mon regard vers les inaccessibles étendues océaniques. Seul l’odeur de l'air marin et la vue de vagues ondoyantes parvenaient à apaiser mon âme meurtri.

J’allais donc ainsi lorsque, au détour d’une rue, j’entendis une belle et enivrante mélodie. Intrigué par les envoûtantes notes de musiques, et ne pouvant résister à l’appel de l’Art, je décidai de me laisser emporter par le flux. Je remontais alors les sentiers pavés de l’Esplanade, ayant pour seul guide le doux son d’une mandoline, jusqu’à arriver sur une place de moyenne taille, où je ne m’étais encore jamais rendu. Là, un attroupement hétéroclites de demoiselles et de damoiseaux applaudissaient les artistes, qui se tenaient sur une estrade en bois. Je me maintins à l’écart de la foule, prêtant attention à la prestation des troubadours. L’un d’eux jouait donc de son instrument, tandis que l’autre, un vaniteux roulant des mécaniques pendant qu’il déclamait, récitait de galants sonnets ayant toutefois le mérite de divertir.

Je ne sais qui étaient ces gens ; des musiciens de passage, sans aucun doute, doté d’un certain talent, il est vrai. Mais qu’elle ne fut pas ma surprise, lecteur, lorsque j’entendis les vers suivants dans la bouche du bellâtre qui se prenait pour un poète :

« …Lors, si vous me croyez, mignonne
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté
Cueillez, cueillez votre jeunesse
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
»

« Cornedouille ! Mais… L’on me plagie ! », m’écriais-je en mon for intérieur.

Mon sang ne fit alors qu’un tour devant cet éhonté larcin, acte criminel sans commune mesure. J’avais récité ces vers il y a bien longtemps, lors d’une aimable soirée en la demeure du vicomte de Boiscendré, soirée de haute tenue où je rencontrai pour la première fois la belle Léonice, baronne de Raison. Et je les retrouvais là, prononcés par un autre, qui s’en attribuait toute la gloire ! Certes, cela témoignait de la renommée de mes vers ; mais un vol restait un vol, d'autant plus que je n'étais point crédité. L'en ma province natale de Boétie, cela constituait même un crime punissable devant la cour seigneuriale.

« Faquins ! Voleurs ! Malandrins ! Coprolithes ! Aliborons ! Cuistres sans vergogne ! Sots carmins ! » clamais-je alors, osant aller au-devant de la foule. « Ces vers ne sont point de vous, misérables ; vous vous emparez du travail artistique d’un autre ».

L’assistance demeurait abasourdie et silencieuse. Les deux escrocs ne dirent rien pendant un instant, s’échangeant un regard coquin. Après une brève concertation muette entre les deux larrons, le faux-poète se décida à avancer jusqu’au rebord de son estrade, me toisant hautainement :

« Voyez donc ce drôle d’oiseau, mesdames et messieurs. Je n’ai subtilisé personne, mon bon sire ; si c’est là la qualité de mes vers qui produit en vous cette jalousie mal placée, faites mieux, je vous en prie ! », dit-il tout en haranguant ses crédules auditeurs.

L’huluberlu me prenait au dépourvu. Il avait la foule derrière lui, foule qui m’insultait copieusement pour ainsi venir troubler les festivités. Il faut dire que je n’avais pas fière allure, affaibli par ces jours que j’ai passé cloitré en mon domaine. Mais je ne perdis ni mon sang froid, ni mon courage, allant au-devant de l’adversité.

« Si fait, ignoble individu ; si je ne peux démontrer votre supercherie, je montrerai à tous que vous n’êtes rien d’autre qu’un pâle imitateur. Et je le prouverai en vous écrasant par mes vers. »

Je montais à mon tour sur l’estrade, sous les huées de l’auditoire qui ne voyait en moi qu'un vil perturbateur, un beau parleur inapte. Mon ennemi, d’un air narquois et hypocrite, calma la foule, lui priant de faire calme (« laissez-le donc se ridiculiser », clama-t-il dédaigneusement à l'assistance hilare). L’homme me sous-estimais ostensiblement, tout comme les individus face à moi. Je restais là un instant, quiet, rassemblant, sous l’angoisse, mes pensées éparses. Je sentais l’impatience monter parmi la multitude. Il me fallait faire mieux qu’un poème de ma propre création, tâche ardue s’il en est, et réussir à retourner la foule en ma faveur. Le joueur de mandoline accorda son instrument, et commença à jouer une mélodie pour accompagner ma déclamation. Me redressant pour assurer une certaine prestance théâtrale, j’engageais alors les hostilités de la plus belle des manières :

« Conservez votre souffle, monsieur le rieur !
Il pourrait bientôt vous faire défaut.
Je m’en vais prouver tout à l’heure
A quel point vous n’êtes qu’un idiot.

"Fais rire le parterre, histrion qui ânonne,
Avalant la voyelle et toussant la consonne !
Qu’on sonne le tocsin pour pendre, c’est urgent
Au gibet du bon goût ton bagout d’indigent !"


Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit

Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot: sot !
»

Le silence sur la place fut total. Devant ce manque de réaction innatendu, J’eus soudain peur de m’être engagé dans une trop dangereuse entreprise, et de m’être pris au jeu de mon plagieur. J’attendais, suant à gouttes froides, les rires moqueurs et les cris de désapprobation de la plèbe. Mais, bien au contraire, la foule rit aux éclats et se fondit en acclamation. Elle me portait ainsi aux nues, au grand damn de mes détracteurs, qui ne trouvaient rien à redire, dépassé par le génie de mon art. Rien de mieux pour s’attirer la grâce des hommes que le rire et la moquerie.

« Je pense que les gens de bien ici présent ont tranchés en ma faveur. Si vous voulez bien, je vais à présent me retirer », ponctuais-je, dans un ultime sourire sarcastique adressé au bellâtre, qui tirait une mine déconfite. « J’ai fort à faire. »

Si j’étais pour le moment applaudit par cet auditoire de fortune, je savais très bien que celui-ci m’oublierait une fois que j’aurai quitté les lieux. J’avais néanmoins ridiculisé les malandrins, et cela me suffisait amplement. Je reparti ainsi l’âme tranquille, lorsque j’entendis quelqu’un me héler et m’interpeller dans mon dos.


Dernière édition par Gyrès de Boétie le Ven 27 Mai 2022 - 22:31, édité 4 fois
Revenir en haut Aller en bas
EmericÉcuyer
Emeric



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Re: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... EmptyJeu 26 Mai 2022 - 10:49
Nouvelle journée de repos.

Emeric comme à l'accoutumé prit le partie d'une promenade. Prendre un peu l'air lui fait du bien, surtout avec les événements de ces derniers jours, de plus, il peut en profiter pour poursuivre la mission que lui a confiée la Dame à la chevelure flamboyante.

Marchant sur les jolies routes de l'esplanade, le jeune homme entend au loin une mélodie et des murmures enthousiastes. Curieux, il décide de se rendre sur place.
Il trouve une petite foule de gens bien habillés en train d'applaudir deux musiciens dont l'un joue encore de sa mandoline pour accompagner l'enthousiasme ambiant.

Lorsque le silence substitua l'effervescence, le chant reprit.
Quelques vers ! Quelques accords !
Puis l'intervention d'un homme qui s'attire l'attention au point de venir prendre place devant la foule en accusant les deux artistes de plagiat créant une cacophonie au sein de l'audience.

L'écuyer ne bouge pas de son coin et s'amuse même de la situation. Qui croire ? La foule fait pour l'instant son choix, et ne donne guère de crédit au perturbateur. Cependant, ce dernier n'a pas dit son dernier mot !
En effet débute un duel de vers qui tourne à l'avantage de l'offenser. Il savait y faire, prestance, théâtralité le public est abasourdi. Emeric entend son coeur lui suggérer une idée pouvant l'aider à plaire à la Dame de ses Rêves.
Le duo un instant déconfit par l'humiliation reprend ses mélodies, et le jeune homme, contrairement aux restes, s'eloigne de ces artistes de pacotilles pour retrouver l'homme qui vient de descendre de l'estrade après sa petite démonstration et de s'éloigner du petit concert improvisé.

Il le rattrape au detour d'un carrefour marqué par une fontaine luxueuse représentant diverses félins crachant de l'eau dans une allure menaçante.

- Sir... Un instant je vous prie ! Clame l'écuyer en pressent le pas pour arriver à la hauteur du poète. Qu'elle claque pour les deux bellâtres. Ajoute-il en reajustant son ceinturon.

- Je me nomme Emeric, écuyer de son état. Dit-il pour se présenter simplement. Je suis navré de vous aborder de la sorte, mais, en vous écoutant, l'idée m'est venue de vous solliciter car nul doute que vous devez être doué pour chanter l'amour n'est-ce pas ? Demande t-il en posant la main sur son coeur.

Son regard se pose sur la fontaine, alors qu'il maudit son coeur pour l'audace dont il vient de faire preuve...



Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Re: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... EmptyDim 29 Mai 2022 - 20:39
Alors que je continuais de ma démarche victorieuse ma paisible promenade, j’entendis donc derrière moi une voix m’interpeller. Me retournant avec méfiance, car je craignais qu'en ayant provoqué l’ire d’un de mes insolents rivaux, l'un d'eux aurait été suffisamment zélé pour me poursuivre à travers toute l’Esplanade, je découvris, stupéfait, que mon poursuivant était un jeune éphèbe maigrichon aux cheveux ébouriffés. Essoufflé par sa course, il me couvrit tout d’abord de louanges sur ma prestation passée : réajustant son ceinturon, qui manquait de glisser de ses minces hanches, le juvénile individu m’interrogea ensuite, d’une voix enthousiasmée, sur mes capacités à « chanter l’Amour ».

Je ne pus m’empêcher de m’esclaffer de rire face à une telle demande, provoquant le regard intrigué des passants, qui me regardaient désormais comme une bête curieuse. Mon interlocuteur, déconcerté, me dévisagea d’une mine sombre, déçue, ne comprenant guère où je voulais en venir, pensant que je me moquais ainsi de lui.

« Allons, ne tirez pas une telle trogne, mon brave ! , lui dis-je, pour le rassurer, tout en lui assénant une grande claque virile dans le dos. Si je sais chanter l’Amour ? Mais je suis le meilleur en ces murs, voir en ce monde, pour conter la romance ! Vous avez frappé à la bonne porte, si je puis dire. Pardonnez mon arrogance, mais je puis vous assurer que nul ici n’égale mon talent artistique en ce qui concerne la célébration de la geste courtoise, parfois à mon grand malheur, tant le manque de concurrence me fait craindre que ma plume ne s’acclimate, à son tour, à la médiocrité locale. "Au pays des aveugles, les borgnes sont rois", comme l’on dit ; mais j’espère ne pas trop aggraver ma cécité. »

Mon esbroufe suscita à nouveau le regain d’intérêt de mon poursuivant. Ses yeux semblaient pétris d’espoir, comme si j’étais pour lui un inattendu sauveur, même s’il ne semblait pas avoir compris tout ce que je lui disais. J'avais en face de moi un esprit lent, sans aucun doute, mais, grand prince, je mettais sur le compte de la fougue de l’âge sa lourderie. L’on s’agite à cette période de notre vie plus qu’on ne réfléchit, mais l’on s’assagit heureusement avec le temps.

« Je vous devine sujet aux peines du cœur et aux tourments de l'Amour, mon jeune ami, au vu de votre demande intéressé. Et je ne pense guère être bien clairvoyant en imaginant que vous cherchez à séduire votre belle à l’aide d’un galant poème, mais, las, vous désespérez car vous êtes un illettré incapable d’aligner plus de deux rimes qui ne soient pas « amour » et « glamour ? »

Je l’interrompis avant même qu’il n’eut le temps d’acquiescer ou de rétorquer quoi que ce soit, tant je connaissais par cœur la chanson.

« Avant toute chose, balayais je rapidement, allons nous asseoir près de cette fontaine. Nous y serons plus à l’aise pour discuter plutôt qu’à rester ainsi parmi ces badauds ».

J’invitais donc d’un geste de la main mon jeune adorateur à me suivre jusqu’au lieudit. M'étant assis sur le rebord en marbre clair et soigné de la fontaine, je pris le temps de le regarder de haut en bas, afin de l’analyser : au vu de ses habits quelque peu délabré, de ses mains usés par le travail manuel et par ses traits tirés par la fatigue, il était aisé de conclure que j’avais face à moi un plébéien. Mais le rang n’avait ici aucune importance : au moins ce brave homme reconnaissait il le véritable Art, plus que n’importe lequel de mes orgueilleux congénères.

« Tout d’abord, ne vous affligez point de votre incompétence poétique : vous n’êtes ni le premier ni certainement le dernier à faire écrire vos vers galants et vos billets doux par un autre. C’est un fait courant dans la haute société, voyez-vous. Nombre de richissimes aristocrates, d'esprits épais mais de pesantes bourses, ont recours à l’aide d’un tierce individu pour courtiser leur précieuse, friande de poésie et de lyrisme. Mais trêves de palabres, voulez-vous ? Comment vous nommez vous, mon jeune ami ? »

Revenir en haut Aller en bas
EmericÉcuyer
Emeric



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Re: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... EmptyLun 30 Mai 2022 - 15:23
Le fantasque personnage se met à rire. Emeric se demande alors s'il n'est pas tombé dans un piège ou simplement si cet homme se moque de lui car il ne serait qu'un imposteur ayant chercher querelle pour le plaisir.

Alors qu'il s'apprête à répondre pour connaître la vérité sur ce rire, son interlocuteur le devance en lui donnant une bonne claque dans le dos qui le fait brièvement grimacer.
Cependand, il donne une réponse qui lui plait, car il affirme être le meilleur pour chanter l'amour.
D'ailleurs, le jeune écuyer, qui de par son apprentissage refuse l'arrogance, se trouve fort étonné par la conviction du poète sur ses compétences.

Ceci dit, il n'a point l'intention de s'offusquer de cet orgueil démesuré. Les passants semblent intrigués par cet homme, et Emeric le remarque mais préfère passer outre... Après tout, que peut-il perdre ?
Lorsque ceci sera terminé il prendra son service au sein de la demeure de Madame de Montfort.

Bref Emeric l'écoute avec une pointe de curiosité et des mimiques pour essayer de masquer son incompréhension.
Il se frotte le menton et se sent légèrement gêné lorsque son interlocuteur le rabaisse, en faisant de lui un illettré. Il soupire.

Esquissant un sourire pour toutefois reconnaître qu'il a compris la raison de sa demande, il exprime par ses yeux le souhait avoir d'avoir frappé à la bonne porte, et que à la fin de leur petit entretien il puisse avoir de quoi plaire à Mademoiselle Clarence.

Le poète l'invite à prendre place près de la fontaine. Elle se trouve un peu à l'écart et éloignée du passage.
Emeric le suit, toujours sans mot, et toujours fasciné par l'extravagance de cet homme...

Ce dernier prend place sur le rebord de la fontaine qui de par sa forme offre un siège des plus agréables. Il remarque que le poète le scrute puis en prenant la parole continue à le faire passer par ce qu'il n'est pas.
Emeric portant en horreur le mensonge et avant de s'asseoir décide de répondre.

- Messire, je me nomme Emeric, ne vous sentez offensé si je vous corrige, débute-t-il, je suis écuyer, mais avant cela je fus page dans un domaine de la noblesse non loin du Labret.
Les circonstances m'ont guidé jusqu'ici pour mettre en parenthèse mon parcours, et m'obligent à servir comme domestique au sein de la demeure de Madame de Montfort.
Toutefois, loin de moi le désir de ne pas devenir chevalier, le sort à mis sur ma route la Dame à la chevelure flamboyante à qui j'ai fait serment d'obéissance et de soumission car ma foi en Rikni m'a soufflée que grâce à la volonté de cette Dame je pourrai me construire, m'épanouir et trouver le droit chemin vers mon objectif... Affirme-t-il avec une ferveur non dissimulée avant de faire un pas pour prendre place.

- Ainsi n'ayez crainte, je ne suis certes pas le plus à même à comprendre votre génie, mais je suis loin d'être incapable de saisir quelques bribes. Souffle-il avec amusement en s'asseyant.

- Que pouvez-vous faire pour moi ? Demande-t-il. Plaire à une Dame n'est guère aisé, et je n'ai point honte de recevoir vôtre aide, l'humilité n'est pas un défaut ! Comment vous nommez-vous ?

Emeric se recoiffe d'un geste habile avant de remonter ses manches et de caler ses pouces à son ceinturon. Cette rencontre lui semble prometteuse. Qui sait peut-être que de la poésie il pourrait récolter des informations... En attendant il observe des passants et des couples tout en entendant au loin le son de la mandoline.
Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Re: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... EmptyMer 8 Juin 2022 - 23:34
Mon jeune admirateur était donc un écuyer et un ancien valet, ce qui expliquait son langage étonnamment fleuri, bien loin du rugueux dialecte plébéien qui a la fâcheuse tendance d’écorcher mes savantes oreilles. L’affaire semblait bonne ; au vu de son rang, le damoiseau pouvait sûrement se permettre de s’attacher mes onéreux services.

« Je vois, mon brave Emeric. Vous vous adressez à Gyrès, comte de Boétie, plus brillant esprit en ces murs et poète incompris ; néanmoins, comme je vous l'ai dit, vous avez frappé à la bonne porte. En lisant mes vers, votre aimée tombera inévitablement sous votre charme, du moment que vous les réciter correctement, et avec conviction, que diable ! Peut-être n’avez-vous pas ma plume, mais je crois reconnaître en vous un habile parolier. Cependant, voyez-vous, même si j’ai grand plaisir à servir l’Amour, j’ai aussi grand besoin de remplir ma bourse. L’existence ne fait de cadeaux à aucun de nous, que nous soyons de haute ou de basse naissance. »

Face à la mine quelque peu interloqué et déçu de mon interlocuteur, qui semblait sérieusement penser que je l’aiderai gratuitement en sa tâche, je choisis de faire rebondir la discussion sur une note plus entraînante :

« Mais trêve de mondanités, nous réglerons les problèmes d’ordre financier plus tard ! m’exclamais-je tout en me redressant dans de grands geste expressifs et enthousiastes. Entretenez moi plutôt de vos affaires de cœur. Qui est donc votre dame ? Que pouvez vous me dire sur elle ? S’il faut que j’écrive, il me faut matière pour que je puisse modeler. Décrivez la moi, en long et en large. Quelles sont ses signes distinctifs ? Comment s’exprime-t-elle ? Oh, n’ayez nulle crainte, mon brave ; par la prestance de ma plume, je serai capable de faire passer une lépreuse pour Anür en personne. Il suffit d’enjoliver quelque peu les choses. Mais, maintenant que j’y pense, lui avez-vous déjà même adressé la parole, à votre mie ? », concluais-je d’un ton dubitatif.

Je craignais soudain que mon brave ami ne ce soit mis en tête de courtiser une dame de haut rang. Au vu de sa jeunesse et de sa profession, mais aussi au vu de l’idéalisme niais qui brillait en ses yeux d’un noir de jaïs, j’eus un désagréable air de déjà-vu. Affaire compliqué, très compliqué même, que de ravir le cœur d’une noble personne de haut lignage, quand l’on est soit même un nécessiteux. Plutôt que de courir la gueuse (et les Trois savent qu’ils ne doit guère manquer de jolies filles de basses naissances en ces lieux), ce pauvret s’était visiblement amouraché d’une gente dame. Je me pinçais d’angoisse les lèvres, devinant la réponse de l’écuyer.

Car mon inquiétude n’était point infondé : combien en avais-je connu de pages qui, cherchant à séduire héritières et filles de bonnes naissances, enhardi par leurs gracieux physiques, s’étaient retrouvés au mieux roués de coup de bâtons et expulsé du fief, au pire pendus par les pieds sur la place publique, jusqu’à ce que mort s’ensuive ? La cruauté des hommes est sans limite lorsqu’il s’agit de protéger l’hymen de leur descendance. Un seigneur affable et courtois de prime abord pouvait se révéler être un monstre effroyable lorsque l’on osait poser les yeux sur l’une de ses jouvencelles. Avec un peu de chance, l’aimable Emeric était tombé sous le charme d’une belle veuve ; mais, bien loin de vivre la romance passionné qu’il espérait avec la dame de son cœur, devra t-il du moins se contenter du rang de gigolo favori de sa seigneurie.
Revenir en haut Aller en bas
EmericÉcuyer
Emeric



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Re: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... EmptyLun 20 Juin 2022 - 11:18
Emeric ne sait pas vraiment s'il peut faire confiance à cet homme, mais après tout, se dit-il, que pourrait-il lui arriver, il n'avait pas l'air d'être très dangereux, même s'il avait appris à ne pas se fier aux apparences. Au moins, à écouter la suite, il retrouve chez son interlocuteur une image de lui un peu plus correct que celle précédemment dite.
Le jeune homme hoche simplement de la tête, et ne répond pas, même lorsque le noble évoque l'aspect pécunier.

Il se contente du petite moue, en espérant que son maigre salaire pourrait suffire. En attendant, le poète repart de plus belle, et relance le dialogue sur le sujet principal. Emeric n'est pas dénué d'une belle langue, mais il n'est pas non plus doté d'une plume à la hauteur des grands poètes comme semble l'être Gyres.
L'enthousiasme qu'il démontre se reflète sur le visage du jeune homme qui le regarde avec un air satisfait, et une impatience rare.
En cet instant, il veut oublier sa raison, et ne plus penser à ce qu'on disait sur la belle Clarence, à l'épreuve qu'elle représenter pour son avenir, et à la folie de l'aimer. Son coeur en ce moment se rebelle, s'exclame que le monde à beau être contre lui, il continuera à l'aimer ! Au point de vaincre la raison ?

L'écuyer a envie de croire qu'il peut lui résister, il a envie de jouer avec le feu, de le dompter, et de ne pas laisser l'amour le guider vers un geste qui lui ferait perdre tout espoir de devenir chevalier.
N'avait-il pas manqué de tuer pour elle ? Cette rage lorsqu'il vit l'agresseur de sa belle, oui, il aurait pu tuer si dans un éclair soudain et mystérieux l'image de Dame Léonice ne lui était apparu pour lui rappeler son devoir, et permettre à sa conscience d'étrangler le désir fou de son coeur....

L'orateur lui demande des précisions sur la dame qu'il courtise. Emeric en y pensant voit ses yeux briller d'une admiration sans limite, il se dit qu'il n'existe guère de parole digne de la décrire avec justesse.
Le jeune homme se gratte le menton et se lance dans une profonde réflexion avant de se lancer.

- Elle est d'une beauté hypnotique. Ses traits et sa silhouette sont extraordinairement fins et divinement tracés. D'elle, émane une grande fraîcheur, un charme à rendre fou, et un charisme digne d'une divinité, débute-t-il avec un extrême sentiment de vénération pour la Dame en question, sur sa tête se trouve de beau et longs cheveux d'une légères flamboyances.
Son visage est charmant, d'une innocence espiègle renforcée par de jolies yeux marrons en formes d'amande dont le regard doux lorsqu'il vous enveloppe font bondir votre coeur. Ses lèvres sont fines et son sourire irrésistible.
Poursuit-il avec toujours autant de désir et d'enthousiasme.

Il fait une pause, reprend son souffle, et poursuit en se levant, posant sa main sur la poignet de son épée accrochée à sa ceinture.

- Sa démarche est sensuelle et légère, on dirait qu'elle flotte... Tous ses gestes sont accompagnés par la grâce la plus sacrée... Mon coeur vous dirait qu'elle vaut bien le péché ! Elle est si belle.
Elle se nomme Clarence, et on peut la rencontrer souvent au marché sur le port qu'elle illumine par sa présence.
Déclare-t-il en reprenant place sur le bord de la fontaine.

Ses yeux brillent de la plus pure étincelle amoureuse. Un instant que savoure son coeur qui se veut bafoué par la foi, mais qui voit là, une opportunité de s'exprimer.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
MessageSujet: Re: Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...   Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus... Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Pour une poignée de quatrains, et pour quelques tercets de plus...
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - L'Esplanade ⚜ :: Quartier noble :: Rues mondaines-
Sauter vers: