Marbrume


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 Belle promesse

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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Belle promesse    Belle promesse  EmptyVen 27 Mai 2022 - 8:50
20 Avril 1167
Demeure des Montfort de Brieu
Esplanade



«  Qu’a t-elle dit ? Qu’est ce donc ? »
«  Il semblerait que cela soit…un genre d’infusion. A base d’eau et d’herbacé Monseygneur. »
«  De l’eau et des herbes. »
«  C’est cela même. »
«  Saints dieux. »

Le glaviot brunâtre et géant qui s’échappa de ses lippes vint s’écraser au sol avec la force et le vif d’une fiente éjecte en plein vol par une de ces satanées mouettes qui longeaient la côte nord. Heureusement qu’aucunes âmes charitables ne se trouvaient sur sa course ou elle aurait sans douter, finit borgne voir estropié. Le goût âpre qu’avait laissé cette description dans la bouche de Mederich ne semblait plus vouloir le quitter ; à Corburg, personnes n’avaient jamais eu l’idée de s’infliger tels décoctions outres les jours de fièvres et de maladies. Comment pouvait-on dans la décence, proposer à un hôte de le rejoindre pour partager tel breuvage ? Le Vieux Rab était si consterné, qu’il hésitait entre l’insulte et la moquerie. Que lui voulait donc réellement cette femme ? Voici une question qui le hantait presque plus que la promesse de partager une coupe aux herbes autour d’une table, d’un âtre, et d’une foule de domestique prêt à répondre à vos moindres désirs.

Bien qu’il exécrait la flagornerie et le faste en général, il n’était pourtant point dupe sur les réalités que cachait certaines choses. Aussi, était-il réellement en place de refuser invitation pareil ? Lui, le non natif qui avait pourtant bien prouvé, pourrait bientôt se targuer d’avoir partager un instant avec une des hautes les plus enracinés à cette terre qui existe. C’était en soit, un attrait non négligeable, une simple rencontre qui, même si elle se déroulait mal, aurait eu le loisir d’exister. On en parlerait sans douter à la cour Royal : le frustre faquin Corbin en pourparler avec la belle et douce native présumé veuve. Il n’en faudrait pas plus à la rumeur pour faire son oeuvre et Mederich, bien qu’il n’appréciait point cela, était forcé d’accepter que c’était ainsi que les choses fonctionnaient. Si le soleil ne brillait pas sur votre cuir, il fallait forcé l’astre à se détourner de sa course pour venir éclairer le lopin de merde qui servait de terrain d’entrainement.

C’est donc plus guidé par la curiosité qu’il se rendait en cet instant, accompagné de son escorte, dans la demeure des Montfort de Brieu. L’Esplanade grouillait de vie en cet instant et c’était encore une fois, une bonne chose. Les Hardis Roukiers à la tenue de cérémonie, attiraient les mires aussi bien qu’un furoncle au milieu de la trogne. On distinguait notamment leurs casques : chef d’oeuvre de forgerie que le Comte avait fait préparé du meilleur des aciers. Un métal en réalité abreuvé du sang de leurs frères d’armes morts pour aller le récupéré dans une expédition à Salers qu’il avait personnellement mené. Mais le résultat en valait sûrement la peine, les langues se déliaient à la vision de ces heaumes simulants les traits d’un corbeau. On aurait dit une volée d’oiseau géant à face métallique, une vision qui avait de quoi stimuler l’imaginaire, la peur et les moqueries. Mais une nouvelle fois, l’important était surtout que l’on parle d’eux.
Le paraître, même en ces temps d’apocalypse, était toujours aussi important que le fond. Mais Mederich choisissait un chemin qui lui était propre ; jamais il ne se pavanerait dans la luxure, lui préférant de loin la colère et la violence. Qu’on se souvienne de lui comme le reitre qu’il était et non comme un mielleux à la panse grasse.
Côme de Broque, son proche chevalier, s’avança et frappa avec force et lourdeur à la porte de la noble demeure. Sept en tout, le Grand Mestre et ses hommes patientaient le regard dur devant les battants.

«  Corburg se présente aux portes des Montfort de Brieu pour partager…le thé. Ouvrez. »

Mederich avait laissé son valet armé se charger de la présentation, et se retint d’un nouveau crachat à l’évocation de cette foutue boisson.



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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyVen 27 Mai 2022 - 14:15
« — Tu sais ce que l’on dit de lui ici ? On dit qu’il…
Et l’on dit aussi que les lutins des marais font cailler le lait à même la mamelle les jours de pleine lune. Oui-da j’ai bien entendu ce que l’on dit de lui, et pour autant que je sache cela n’est pas ton affaire.
Pas mon affaire ?, répéta Clothilde offusquée, tu laisses un ogre entrer sous notre toit et ce n’est pas mon affaire ?
Mon toit. La rectification de la Comtesse fût plus sèche qu’elle ne l’aurait désiré, mais cela eut au moins le mérite de faire taire la désapprobation de sa dame de compagnie. La pauvresse, qui ne cherchait qu’à aider, se retrouver rabrouée par le mauvais caractère de son amie. Si elle en avait l’habitude, cela ne la blessait pas moins. Et quoiqu’elle en dise, Aliénor en avait la parfaite conscience. J’ai invité le seigneur Corbug à se joindre à moi pour le thé, que cela te sied ou non. Je n’ai que faire de ce qu’il se dit là dehors ; je ne suis ni sourde ni aveugle Clothilde.
T’acoquiner avec les faquins ne t’apportera que du malheur, et tu seras bien la seule à blâmer.
J’accepte les conséquences de mes actes, et les Trois savent à quel point tu devrais en faire autant. Tu te comportes comme une enfant gâtée, et je te protège bien trop.
Je ne t’ai jamais demandé de le faire. Les larmes lui montaient aux yeux, mais la brune restait digne devant l’impassible visage de la maitresse des lieux.
C’est bien là ce qui nous séparera toujours ; tu ignores ce qu’implique des responsabilités.

Ces mots lancés sur un ton monotone et péremptoire furent de trop. Des gouttelettes cristallines coulèrent sur les joues rosies de colère de Clothilde de Beaumont, qui plus fière qu’elle ne l’aurait cru, tourna les talons et décampa à grandes enjambées. Les sanglots résonnèrent une ou deux fois avant de disparaitre en haut du large escalier, laissant la Montfort seule dans le petit salon. Elle soupira, à la fois soulagée et coupable, inspectant une dernière fois la pièce du regard. Tout avait été installée avec soin pour accueillir le Comte. Elle pouvait au moins accorder à son amie cela : sa venue la rendait nerveuse. Elle avait entendu mille histoire sur ce drôle d’oiseau et sa compagnie, assez pour qu’elle en soit à l’inviter ce jourd’hui, mais aussi pour se sentir peu assurée. Cela ne lui ressemblait guère. Quoiqu’elle sût comment elle voulait mener cet entretien, elle n’en restait pas moins impressionnée et doutait encore qu’il s’agisse d’une bonne idée. Mais elle avait longuement réfléchi ; des nuits entières elle avait compulsé les documents un à un. Aliénor ne pouvait guère reculer maintenant de toute façon : on frappait à sa porte.

Presque aussitôt, sa garde se tint non loin, tendue mais discrète, alors qu’accourait le bon Hugues dans son costume ridiculement chamarré et trop petit. Son embonpoint, ses jambes courtaudes et son nez empâté rendait l’ensemble grotesque. Pourtant, il était un intendant fidèle et dévoué, à l’œil vif et à l’instruction impeccable. C’était lui qui avait d’abord initié la Comtesse aux affaires, et qui l’avait ensuite conseillé en secret. Maintenant elle était assez indépendante pour prendre ses décisions sans le consulter, et il ne s’était pas plaint non plus d’être soudainement mis à l’écart. Il avait sûrement de l’affection pour cette petite, abandonnée dans ce manoir par les siens trop tôt. Hugues n’avait plus à s’en faire à présent ; elle était assez éclairée pour évoluer correctement quand d’autres tombaient dans la déchéance. Plus encore, elle s’était enfin décidé à allier tous ses savoirs ; au commerce s’ajouterait bientôt la politique, à laquelle elle s’était longuement exercée à la cour ducale, des années avant la terrible arrivée de la fange. Les monstres des marais avaient pourtant tout changé. Elle avait mis de côté les intrigues, pour veiller à leur avenir ici-bas : Clothilde, et tous les fidèles servants de la maison Montfort de Brieu. Aucun Comte n’aurait permis qu’il arrive malheur à ses gens, aussi peu soient-ils. Alors elle avait administré sa maisonnée comme l’on administrait une terre, avec autant de sagacité qu’elle en fût capable, assez au moins pour être confortablement installée à présent.

On faisait entrer la délégation, et elle semblait parfaitement installée dans ce petit salon, assise dans un large fauteuil, les bras soigneusement posés sur les accoudoirs rembourrés. Elle affichait la même mine placide, les yeux figés sur la porte ouverte de la pièce où arrivait en tête de cortège Hugues, suivit de huit hommes en tenues d’apparat. Le comte était peut-être moins rustre qu’on le laissait entendre à l’Esplanade. Dans son dos, les chevaliers veillaient à sa sécurité. Souvent elle s’imaginait comme ces jeunes femmes de la basse-ville ; elles n’étaient pas contraintes de craindre que l’on attaque constamment. Elles n’avaient pas à endurer l’omniprésence de l’épée grondante dans les fourreaux de ces hommes. Elles étaient plus libres qu’elle dans sa cage dorée. Pour l’heure, elle faisait avec et bénissait la Sainte Mère de lui offrir une bonne vie. Au moins n’avait-elle pas à dormir avec les rats !

« — Madame, sa Grandeur Mederich comte de Corbug vient s’annoncer. Hugues baissa l’échine dans une révérence comme l’exigeait l’étiquette puis laissa entrer les hommes au corbeau dans un geste ample.
Allez Hugues. Faîtes chercher des rafraîchissements pour ces messieurs. Le port altier, elle se leva dans un bruissement de soieries. Face à elle se trouvait certainement l’un des messieurs les plus laid qu’elle n’ait jamais connu. Rien n’allait sur ce visage buriné par le temps. Pour autant, elle garda contenance, offrant un sourire affable à son invité et sa compagnie. Monsieur le Comte, je suis enchantée que vous ayez donné suite à mon invitation. Si vous voulez bien vous donner la peine… D’un gracieux mouvement de la main, elle lui proposa un siège. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu’elle craignait même qu’il ne soit audible par tous. C’était vrai à présent : elle ne pouvait plus revenir en arrière. »
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyMar 31 Mai 2022 - 9:13



«  Comtesse. »

Le salut fut bref, courtois, précis ; d’un signe baissant du chef, le Vieux Rab marqua la révérence comme il était coutumier dans ces instants. Néanmoins, il n’affichait pas la mine des bons jours, car depuis l’arrivé de la Fange, plus aucuns jours ne valaient la peine d’être appelé « bon » par le Comte de Corburg. Depuis que les morts qu’il avait connu vivant avaient envahi librement ses terres, aucunes aubes n’avaient de saveurs ; seul lui restait en bouche le goût âpre de la cendre, unique héritage de son Comté parti en fumé alors qu’il s’éloignait en prenant la mer pour sauver sa vie. Oui, la vie de Mederich était depuis d’un gris terne et fade ou les nuances de blancs ne se devinaient que quand sa lame s’enfonçait dans le corps calleux et mort d’un fangard. Une existence dédié secrètement à la vengeance et au combat d’un mal incurable, voila à quoi il en était réduit. Mais alors qu’il toisait la jeune donze qui l’accueillait en ce jour, cette perception qu’il pensait assez clair des choses du monde, prit un sérieux coup dans la trogne. Peut être existait-il encore quelques divertissements autres que celui de chercher la mort en tuant des morts ? Si c’était le cas, la Dame de Monfort de Brieu en faisait partie. Jeune, belle, fraîche et semblant bien bonne, elle était indubitablement, tout son contraire. Pourtant, il distinguait une certaine dureté dans son regard, sous le faste et le fard, mais pouvait-il en être autrement aujourd’hui ? Ce même regard qu’il avait déjà croisé il y a bien peu chez l’héritière des Sabran. Une génération entière, condamné à assumer le poids d’une punition divine pour laquelle, aucuns ou presque, n’étaient coupables.

«  C’est grand honneur que vous me faite, sachez. Nous autres Corbiens, avons peut loisir de fréquenter telle demeure. J’ai grand hâte de partager le thé promis. »

Mentant comme un foutu arracheur de dent, ces dernières paroles eurent du mal à franchir ses lippes à un point tel, qu’il en bava dans sa barbe. Ne prenant pas la peine de s’essuyer la lippe, il prit aise, s’asseyant sur un fauteuil richement décoré. S’il était en habit d’apparat - une simple tenue et tabard relativement propre, il était loin de fleurer roses et fleurs ; son dernier bain remontant à son retour dans la Cité, soit plusieurs jours en arrière. Heureusement pour la Comtesse, il n’avait pas eu loisir de s’entrainer ou de chevaucher depuis, sous entendant donc des effluves bien présente mais acceptable pour un nez pas trop regardant.
Les chevaliers qui l’accompagnaient, n’étaient point Corbien, aucuns d’entre eux, des raclures de sang-bleue en possédant juste assez pour s’élever de la boue commune, mais ils avaient le loisir d’exister et de se comporter plutôt bien. Sermonné à la dure avant d’être sélectionné, ils se contenteraient d’eau et de pain sec, Mederich avait bien insisté, redoutant tout incident possible.

«  Néanmoins, je doute fortement que me faire découvrir cette fameuse boisson herbacé soit l’objet principal de votre invitation. Ma réputation me précède et je n’ai point pour habitude de me laisser aller à la langue de bois. Nombre de sang bleue en mal de patrie serait prêt à vous lécher l’arpion pour une place en cet endroit.
Qu’attendez vous de moi, ma Dame ? 
»

Il saisit la coupole fumante que lui tendait un domestique à l’allure peu ragoutante, poussa du renifoir au dessus, refoula un grognement de dégout, puis releva du chef. Valets et chevaliers le dévisageaient avec une expression surprise. Il avait sermonné ses hommes sur la conduite à tenir, mais lui, personne ne lui avait fait de sermon. Dévoilant son plus beau sourire, une rangée de ratiches sale et noirâtre, le Vieux Rab enfourna une goulée.



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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyJeu 30 Juin 2022 - 13:59
Aliénor éclata d’un rire clair, à la fois charmant et odieusement dangereux lorsque ses prunelles d’acier se posèrent à nouveau sur le Comte. Son hilarité secoua à peine ses épaules, alors que le liquide chaud à l’intérieur de la tasse se borna à quelques remous placides. Voilà qui ne pouvait qu’abonder dans le sens des allégations qu’elle avait entendu de lui ; Mederich était sans surprise. Quoiqu’un peu déçue, la curiosité l’ayant poussé à ne pas donner trop de crédit au mythe, elle devait bien avouer que cela avait un avantage conséquent : elle savait à quoi s’en tenir. Il était rustre, malpoli, et sûrement bien mieux éduqué qu’il ne laissait à penser. Un homme parfait pour ce qui allait s’en suivre. Ses quenottes dévoilées dans un sourire énigmatique, elle adressa un signe de tête à Hugues, qui s’en fût par la porte à grandes enjambées. La tension sur le tissu de ses vêtements laissait à craindre un craquement inopportun, mais comme par trop habitués à la soumission d’une pareille force, ils tinrent bon – au moins jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vue complètement. Il résidait néanmoins à l’intérieur du port altier de la dame quelques appréhensions. L’espace d’un bref instant, de quelques secondes tout au plus, le doute l’assaillit de nouveau, consciente de l’enjeu de l’entrevue.

L’idée avait d’abord germé longuement avant qu’elle ne se décida à en parler à Clothilde de Beaumont. Cette dernière, qui goutait fort peu au monde des affaires, avait perdu toute couleur à la simple énonciation du projet. Elle l’avait à moitié traité de folle, avant de la supplier de ne rien en faire, et surtout de ne pas s’impliquer plus avant dans pareilles folies. Sûrement avait-elle raison : c’était la personne la plus censée qu’elle n’ait jamais eu le loisir de connaitre, et la plus équilibrée aussi. Mais leurs caractères différaient en toute chose, si bien que si la petite noble de compagnie se contentait de son maigre sort, à l’intérieur des murs épais de la cité, Aliénor n’avait que trop longtemps repoussé l’échéance. Et outre l’envie de prospérer, somme toute louable, elle voulait assumer la place qu’elle s’était choisi, ici, en ce monde. Dans le nouveau Royaume, créé par les doigts boueux et décharnés de la Fange, les titres n’avaient plus de sens que la nostalgie de la noblesse pour un monde révolu. Ce qui prima donc, c’était la puissance ; non pas de celle accordé par la naissance, mais celle des armes et de l’or. Bien sûr, en tant que femme, elle ne goutait que fort peu à la première et s’était donc établit l’objectif d’atteindre promptement la seconde, qui surpassait de toute façon sa consœur. Car qui possédait assez d’or – et de puissance – pouvait bien s’allouer n’importe quelle épée de ce foutu duché.

Mais Aliénor Montfort de Brieu ne rêvait pas de guerre alors que les combats se menaient déjà à sa porte. Du moins, elle ne souhaitait pas si ardemment que ça de mettre la dernière cité debout à feu et à sang. Son objectif était plus insidieux, plus pragmatique, peut-être plus fourbe aussi. Mais cela, elle se garderait bien de l’annoncer, ni ici au Corbeau, ni à aucun des alliés qu’elle allait pouvoir se faire dans son sillage. Elle s’en tiendrait comme à son habitude à ne jamais trop en dire. Hugues ne tarderait plus, lorsqu’elle placarda de nouveau son regard sibyllin sur l’affreux visage confortablement installé dans sa masure. Elle n’était nullement impressionnée. Elle avait grandi dans ce monde, et n’en restait pas moins aussi terrible qu’aucun des hommes ici présents, quoiqu’elle eut l’air d’un chaton entouré de panthères. Qu’ils la pensent donc incapables ! Cela aussi l’arrangeait bien.

« — Vous vous méprenez cher Comte. Personne ne rêve de se tenir à votre place, car ceux qui le font habituellement sont en bien plus… délicate posture que vous ne l’êtes présentement. Et je me garde bien d’inviter ici nos commensaux ; ils ont tendance à m’ennuyer.

Un mensonge. Elle se murait dans une expression indescriptible de menace, d’orgueil et d’amusement, passant en revue les garçons qui tenaient la jambe de leur maître avec autant de dévouement qu’une meute de chiens. Droite, froide, implacable, elle avait tout de celle qu’on appelait la Comtesse Vierge. Hugues entra les bras chargés d’une carte, le souffle court, déposant silencieusement le tout sur la table qui trônait un peu plus loin. Il s’écarta alors que la Montfort le rejoignait, étalant devant eux les contours du duché. S’il voulait la vraie raison de l’invitation, et bien voilà qu’il ne serait déçu. Elle laissa le temps au Comte d’approcher assez, prenant délicatement le coupe papier qui traînait là pour l’enfoncer d’un geste sec et précis dans le château qui marquait l’ancienne ville tombée de Tourbière. Plantée dans le bois, le petit morceau de métal vacilla un peu avant de s’immobiliser complètement dans le silence de la pièce.

J’attends de vous, Monsieur, que vous m’aidiez à reprendre cette ville. Ni plus, ni moins. ».

Sa voix était aussi fraîche que l’hiver, et elle se tenait là, imperturbable, consciente enfin qu’elle ne pourrait plus jamais faire machine arrière et que les vraies choses commençaient enfin…
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Mederich de CorburgComte
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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyMar 12 Juil 2022 - 9:07



Siroter telle pissoiterie semblait au supplice que celui du pal.

Le liquide à l’immonde goût lui pénétré glotte et glissoire avec la lenteur d’un boeuf estropié, s’amoncelait dans sa gorge qui manifestement, refusait d’en déglutir la rasade. Après moult souffrance et tout autant de volonté, il réussissait enfin à glisser la lampée jusqu’à bien plus bas, la ou elle ne ferait plus de mal avant sa sortie. Véritable expédition pour le Vieux Rab, qui avait réussit l’épreuve de la goulée, mais point celle du faciès. Sans douter, hommes, femmes et valets avaient put apprécier bien laide grimace sur ses traits déformés par le dégout. Cette herbachié aqueuse lui rappelait avec insistante l’urine d’une vieille rosse que son aîné d’une province voisine, le Baron de Chirme lui avait un jour forcé à boire par pure cruauté. Un souvenir des plus déplaisant au premier abord, mais à la fin heureuse : ce fumier de broutteur d’orifice reposait maintenant six pieds sous terres, dévoré par sa propre géniture fangeuse ; pour sûr qu’il apprécierait à sa place, n’importe quelle pisse d’âne servit dans si beau salon à sa place.

Mederich aurait put, sur cette pensée joyeuse, continuer son chemin de croix en avalant toutes sortes d’horribles liquides car c’est sans faillir qu’a peine sa loge retrouvée, il aurait rincer en abondance sa gose d’un distillat à vous déchausser le dentier. Mais c’était la sans compter les dessins de la Dame, qui avait manifestement d’autres plans en tête. Loin des ergoteries d’usage et de rang, la fieffé native à l’allure frêle, ne l’était en réalité que d’apparence. Pour sûr qu’au fond de tel corps fluet, se cachait une coque d’acier solide, prête à dévier lames et coups d’un univers qui se révélait tout aussi dangereux que le grand extérieur. La belle, lui lui exposait la, sous ses mires fatiguées, une terrible demande, une demande de conquête. Non pas que sa forme ou sa finalité le soit , bien que cette dernière soit gage de changement ; mais terrible par l’excitation ravageuse qu’elle engendrait dans sa carne endolori. Voici des années que la foutue couronne se reposait sur ses lauriers, choisissant la clémence et la tempérance ; s’en était trop pour Mederich, ça l’avait toujours était depuis que Corburg était tombé.

Il en alla jusqu’à oublier la lie qui pataugeait dans sa gorge. Manqua de s’étouffer, éructa comme un goret pour éviter une mort certaine, fit fausse route et recracha séant le liquide dans sa barbe miteuse. Une quinte de toux l’emporta, à point tel qu’un larbin vint à son secours pour lui administrer une aide quelconque qui consista sûrement à lui tapoter le dos. Mais le Vieux Rab se reprit, chassa l’impertinent d’un regard noir et d’un doigt vengeur avant de se reprendre sa contenance, toisant la Dame.

«  On m’avait dit beaucoup sur vous, Madame, mais on avait omis de me parler de la folie. »

Chefs et nuques se raidirent, même chez les Roukiers. Le temps sembla se suspendre un instant, freinant les faquins dans leurs courses à la découverte du thé. D’autres essayaient de faire le moins de bruit possible en terminant une part de pâtée qui roulait encore grassement dans leurs gueules. Celui qui allait s’adonner à quelques loufferies vagabondes, dut contracter du sphincter pour éviter bel effet.

«  Car c’est la folie que vous me proposez, pis encore, je décèle que vous en ayez pleinement conscience. La rumeur due précède, aussi, ne me perdrais-je pas en finauderies : Verser mon sang pour refluer la Fange ne m’effraye point et vous devez le savoir, mais que gagnerais-je à votre entreprise outre le risque de finir moi aussi par développer une certaine attirance pour la chaire fraiche de mes cogénères ? Ne me dite pas que vous me sauverez ainsi du thé. Je vous en serais gré, mais j’ai mes propres méthodes pour cela, bien moins radicale. »

Sur ses mêmes mots, il débouchonna une flasque qui se retrouvait cachée dans les plis de son tabard. Manifestement, attendre le retour à sa loge lui sembla trop long. Il aurait put s’étendre sur plus que les risques physiques, cette demande d’aide se retrouvait entachée du spectre insidieux de l’ambition démesurée, certains iraient jusqu’à dire, du fard de la trahison
Et le Roy - loué soit-il, n’était pas connu pour apprécier les ambitieux. Mederich en avait pleinement conscience, mais rien de cela ne l’intéressait réellement.
Seule comptait la réponse. Sa réponse.



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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyJeu 21 Juil 2022 - 16:14
« — Allons Monsieur le Comte, ne vous méprenez pas de moi ; pensez-vous sincèrement que je suis aussi folle que vous le dites ?
Elle eut un sourire aiguisé, révélant alors qu’elle était tout aussi prédatrice que n’importe quel hôte de l’Esplanade ; à la différence certaine qu’elle n’agissait jamais trop hâtivement de peur de dévoiler son jeu à la mauvaise personne. En ayant convoqué à son chevet le Chien de Langres, elle s’était assurée d’avoir quelqu’un en mesure de comprendre les choses aussi simplement qu’elle les énonça. Elle voulait reprendre le village. La raison d’une telle entreprise, - risquée mais non pas impossible -, reposait sur des choses qu’elle n’osait avouer même à sa propre maison. Alors qui croyait-il être pour exiger d’elle qu’elle lui dévoile ses plus intimes secrets ? Avait-elle l’air sotte à ce point ? Non, il y avait autre chose derrière la question du gaillard sale et mal entretenu, vieux qui plus est. Une chose semblable à une lueur, à une étincelle d’excitation qu’elle espéra repérer dans ses yeux de limier. Car, sentant le glas approcher telle était la nature des hommes : s’éteindre dans un dernier coup d’éclat. Plus encore, elle souhaitait que Mederich, notoirement connu pour son égide de bretteurs de tout horizon, en eut marre de rester le cul coller dans des appartements trop beaux, jouant de la noblesse mondaine plutôt que de celle de l’épée. On ne pouvait renier ce que l’on était : et le Comte avait toujours eut l’acier à la place du cœur.

Finalement, à l’éclairage de ses espoirs peut-être un peu naïfs, peu importait qu’il s’agisse d’une conquête ou d’autre chose. Elle comptait que le Corbac eut assez de l’argumentaire de bataille pour accepter son offre. Car le vieux bouc pouvait bien essayer de tromper qui il voulait en cherchant quelconque ordre de raison, Aliénor avait l’intime conviction qu’il ne courait ni après la fortune ni après la reconnaissance de personne. Et elle ne le connaissait pas assez pour en savoir d’avantage sur ce qui pouvait bien l’émouvoir plus encore que de revêtir l’armure. Alors, toujours parfaitement droite et peu impressionnée par les mots employés, elle déposa sa tasse encore fumante dans un coin et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Hugues avait fait appeler une jeune servante qui débarrassa tout le monde. La discussion qui allait s’en suivre méritait l’attention de chacun, et son invité avait déjà de quoi s’arroser le gosier. Si la chose eut été un outrage, elle ne lui en tint nullement rigueur ; il avait les sales manies des clébards mal éduqués, rien qui ne puisse se corriger le moment venu. Pour l’heure, l’étiquette l’intéressait bien moins que la carte sous ses doigts.

En vous parlant de mon projet, je vous enjoins à le rejoindre. A vous de voir midi à votre porte, Monsieur le Comte. Vous pourrez investir par la suite, ou bien vous désintéresser de la chose sitôt conquise, je m’en moque. Je ne cherche ni le monopole ni la gloire, si tel est le sens de votre question.

Elle ne mentait pas. Si la Comtesse vierge avait prononcé ces mots avec calme, ce fût certainement parce qu’il était plus aisé de dire la vérité que de la cacher. Aussi ne chercha-t-elle pas à noyer le poisson ; ça n’avait aucun espèce d’intérêt ici. Elle-même s’établirait sûrement après ce coup d’éclat, et financerait por parte l’expédition, mais cela n’était pas ce qu’elle cherchait. Ses aspirations étaient ailleurs, bien plus proche aujourd’hui qu’il ne le serait lors de la reprise de la terre, à l’extérieur.

Adoncques, permettez-moi de vous formuler la question différemment. Que vous faudrait-il pour vous convaincre tout à fait de braver la fange et de reprendre ce qui nous est dû ? ».
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyMar 26 Juil 2022 - 10:15




Pour la première fois depuis que son rustre séant avec pénétré les confortables soieries de la demeure, il toisa la Comtesse Vierge. Et cette fois ci non pas comme on pouvait observer une belle rosse dans les stalles des maquignons, point non plus comme on pouvait lorgner grosse carne sur les étales marchandes des bouviers forains, non, cette fois ci, le Vieux Rab perçait de la mire sous la coquille. A travers le faste et la luxure, sous le teint et les courbes, il la dévisageait en ayant arrêté son geste, suspendant sa lampée pour scruter la réalité. Cette femme était faite d’un autre bois, elle n’avait rien de la minaude prête à vendre croupe pour gagner quelques bonnes places dans bonne société, non, car c’était manifestement elle qui distribuait ce genre de béatitude, c’était elle qui prenait , elle qui accordait, elle qui donnait. Mederich, l’espace d’un instant, ce sentit prit dans beau traquenard, comme un vieux loup comprenant trop tard qu’il avait mit la mauvaise patte au mauvais endroit. Les cliquetis du piège ne s’étaient pas encore totalement actionné, mais la guide elle, s’en trouvait déjà perdu. Pourtant, pour le Comte, cela n’avait plus réellement d’importance aujourd’hui, Corburg était tombé, tout le reste n’était que succession d’évènements qu’il se devait d’affronter sans plier. On ne pouvait tuer celui qui était déjà mort - une phrase plus totalement d’actualité à vrai dire.

Prenant un instant pour refermer sa flasque qu’il rangea à nouveau dans les plis sombres de ses mises. Il se racla le glissoire, y dégageant un glaviot qu’il aurait, en toute autre circonstances, envoyés tapisser la pièce. Mais Mederich déglutit, ce qui eut en terme d’apparence, à peut prêt le même type d’effet.

«  Nenni, ma dame la Comtesse, combattre la Fange est en soit, l’unique but qui agite ma vieille carcasse. Pour ce combat, point besoin de me convaincre par quelques artifices que ce soit. Ce n’est pas de courage que nous manquons ici, pas plus que de volonté, veuillez me croire. Nous faisions face aux non-morts alors même qu’ils déferlaient dans la cité, acier au clair tandis que d’autres mieux nées choisissaient l’escampe. J’en connais donc le prix qu’il en coute d’affronter la Fange, et nous ne sommes pas si nombreux à le savoir réellement. »

A peine une réprimande face à la majorité de soit disant « bon sang » ayant été par toujours, épargné par les affres de l’existence et cela, alors même que le monde s’effondrait. Aujourd’hui qu’il n’en restait plus que les ruines, Mederich tirait une bile amère de la situation : les choses n’avaient pas réellement changé, le pouvoir appartenait toujours à ceux ayant réussit à conserver leurs privilèges sans verser la moindre goutte de sang. Ô pour sûr qu’il ne comptait pas la plèbes dans ses calculs, elle restait et demeurerait à jamais à sa place, mais c’était de l’ancienne noblesse d’épée d’on il parlait. Celle ci, celle qui avait conquérir la terre aux premières lueurs des temps, c’était elle qui aurait dut donner la direction et non pas l’inverse.
Il ne pouvait l’avouer à son interlocutrice, mais la perspective de briller une nouvelle fois par l’acier était bien trop tentante. Passer des jours à scruter les entrainements des novices, faire quelques rares sorties, croiser à peine un groupe de pillard, tout cela n’avait plus rien de très motivant pour le Vieux Rab.

«  Si vous souhaitez mon partenariat dans votre entreprise Comtesse, voici donc mes conditions : si c’est un Chien de Guerre que vous cherchez, vous l’avez trouvé. Mon épée sera votre et mon Ordre tout autant. Nous saignerons et tomberons s’il le faut, mais pour cela, sachez que je ne dispose ni des fonds, ni de la reconnaissance nécéssaire à mener parfaitement cette conquête. Partagez, soutenez, financez, et nous serons votre bras armée. Faite de moi votre homme lige, que tous sachent parmi les natifs que Corburg se bat pour Montfort de Brieu. Trouvez moi une éloignée cousine pour lié nos maisons et nous serons ainsi indissociable. J’ai bien conscience du caractère ostentatoire de ma demande, mais reprendre Tourbière sera bientôt l’évènement qui agitera la cour et faire preuve de discrétion ne sera plus d’aucunes utilités une fois les hostilités lancées. J'en gage bien sûr, de patienter jusqu'au moment que vous jugerez propice. »

Il reprit alors, presque théâtralement la coupe de thé en essayant de paraitre le moins offusqué possible face à se qu’il s’apprêtait à faire. Tendant le bol comme on pourrait tendre une chopine pour sceller un sombre marchandage dans un tripot de bas étage. 

«  Que dites vous donc ? »



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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyLun 22 Aoû 2022 - 19:19
Son cœur eut un raté, et sûrement la jointure de ses doigts blanchie en entendant la réponse du vieux Corbac. S’il avait été d’humeur plus douce, ou plus complaisante à son arrivée, elle voyait maintenant que le regard qu’il posa sur elle avait tout autant changé ; la badinerie avait laissé place à une toute autre forme de conversation, de celles que tiennent habituellement les hommes, de celles des temps perdus où être noble avait encore du sens. Et alors qu’il exposait ses chicots à chaque phrase, elle résista à l’envie de se gifler pour s’assurer que ses esgourdes ne l’avaient point trompé. Adoncques, entre deux promesses, il lui avait offert l’hommage lige, sans qu’elle n’en eut rien demandé. C’était inespéré, audacieux et ô combien séduisant. Peut-être que ses joues rosirent sous la stupeur, il lui semblait avoir presque du mal à reprendre son souffle dans cette pièce soudainement à la fois trop vaste et trop étriquée. Comme si, en un mot, le Chien avait ranimé de vieux souvenirs. Elle se revoyait à Brieu-ville, dans la demeure comtal. Elle revoyait les fêtes somptueuses, les robes de soie, les chants et les danses. Oui, elle ressentait son enfance ressurgir avec ferveur, comme une force contraire à l’application qu’elle avait mis durant toutes ces années à enterrer cette vie-là. Mais le destin était imprévisible, et les Trois venaient de lui rendre ce qu’elle avait longtemps fuit : l’espoir que les choses changent enfin.

La Comtesse Vierge n’était pourtant pas dénuée de toute envie. Elle savait bien mieux que quiconque dans cette salle à quoi elle s’exposait en invitant le Comte ce jour-là. Elle avait eut beau nier l’évidence, ce n’était là que l’expression de son propre projet inavoué. Pourtant elle se refusa à se laisser aller à ses émotions ; l’on ne pensait bien qu’avec la tête, et le cœur – l’âme – n’était qu’un obstacle supplémentaire à affronter. Un combat intestin entre ce qui doit être fait, et ce que l’on voudrait. Elle n’était guère plus l’enfant capricieuse et gâtée qui avait rejoint Marbrume à l’aube de ses seize années. La Fange avait forgé son caractère, comme le forgeron martèle le fer sur l’enclume. Chaque coup, chaque blessure avait causé son lot de peine et de mûrissement. Elle s’estimait aujourd’hui être arrivée à pleine maturité. Alors, reprenant ses esprits, elle lissa un pli de sa robe pour se rendre consistance. Quoiqu’on ait pu lui dire sur l’affreux visage qui se tenait devant elle, elle se réjouissait d’avoir su passer outre. Plus encore, elle était heureuse d’avoir été la première à tirer sur la laisse du molosse ; cela l’étonnait même que personne n’y ait songé avant elle. Si dans son costume de Comtesse elle s’amusait à agir comme si elle eut été l’élue, ses incertitudes la confortait souvent dans sa médiocrité ; elle n’était meilleure ni pire qu’aucun des survivants de l’Ignominie. Par conséquent, il était fort à parier que dans l’ombre, quelqu’un faisait exactement la même manœuvre.

Cela ne lui coûtait pas grand-chose de se le dire, de se le rappeler. Elle l’avait dit plus tôt : ni le monopole, ni la gloire. D’ailleurs elle comptait toujours à ce qu’autrui serve ses intérêts autant que faire ce peu. Seule, elle ne serait jamais capable de parvenir à ses fins. Penser l’inverse aurait été stupide et suicidaire ; et bien heureusement elle n’était ni l’un ni l’autre. Du moins, elle l’espérait.

« — N’ayez crainte ; offrir une cousine est un faible prix si ce que vous vous dites prêt à faire est vrai. Rendez-moi votre hommage lige devant les Trois, entérinons la vassalité par un traité légiféré, et vous pourrez dès lors vous considérer comme un homme marié. Vous disposerez pleinement des droits et des devoirs qui incombent au vassal envers son suzerain, et pareillement pour moi.

Oui, elle pouvait bien offrir la plus belle et la plus jeune de ses cousines sans que ça l’émeuve si le prix était convenable. Le plus difficile resterait sans doute de convaincre Evrard, leur père. Son oncle – qui avait marié la sœur de sa mère -, était un homme qu’elle appréciait la plupart du temps. Elle ne le fréquentait que peu avant la Fange, et ce dernier événement avait fini d’user les liens de leur famille. Pour autant elle éprouvait toujours de la tendresse pour ceux qui, par chance, étaient encore en vie ; et beaucoup d’envie. Ses plus proches parents n’avaient pas eu la même veine. Était-ce seulement dû au hasard ? Chassant l’affreuse pensée de son esprit, en se laissant peut-être porter un peu la liesse d’une rencontre réussie, elle trinqua avec sa tasse de thé, de manière peu conventionnelle.

Et puisque nous serons bientôt unis par d’avantage qu’une tasse de thé, peut-être pourrions-nous discuter plus avant des possibilités tactiques ; si j’en viens à financer ce projet, il devra être une réussite totale et sans équivoque. La faiblesse, c’est ce qui nourrit les Abominations dehors les remparts ».

Cette dernière phrase venait abimer l’air comme l’aurait fait un coup de fouet. Elle l’avait prononcé avec dureté ; et tout aussi cynique que cela pouvait paraitre de prime abord, il n’y avait dans ses mots que l’expression d’une bien triste réalité. S’ils voulaient y arriver, ils devraient vaincre. Et s’ils voulaient vaincre, ils leur faudrait sûrement se préparer longuement. Un dicton lui vint, et il était fort à propos : Langres ne s’était pas bâtie en un jour. Ses projets non plus.
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Belle promesse    Belle promesse  EmptyVen 2 Sep 2022 - 8:46



Alors, voici.

L’instant qu’il attendait été arrivé, sans qu’il n’y croit réellement car à peine avait-il espéré qu’un tel moment puisse se produire de son vécu. Lui, le sans patrie, l’étrange, l’abuseur de belles boissons, le rustre parmi les doux, venait d’obtenir son passage pour le saint des saints. Ô pour sûr, le chemin était encore long, semé d’embuches, de sangs et sans point douter, de moult morts ; mais qu’importe, d’audace il avait joué et le voila récompensé. A l’annonce des premiers mots de la Comtesse Vierge, il avait dut retenir un sourire, une lippe fuyante qui en vérité, avait aisément put se soustraire à son contrôle. Car le marché qu’il venait d’obtenir en cet instant, Mederich l’avait déjà mainte fois essayé, tenté, proposé, pour à chaque fois s’être vu éconduit. Et la, dans l’intimité d’un des salons les plus prestigieux de ce qu’il restait de l’ancien monde, on lui avait accordé récompense. Difficile d’y croire dans un premier temps, mais le Vieux Rabs était justement, vieux, il lui restait en effet bien moins de temps à consommer que celui déjà dépenser, alors, la nouvelle se digérait rapidement. A peine avait-il avalé d’un trait goulu le reste de son thé - qui au passage transforma son sourire en une grimace de dégout, qu’il intégrait déjà son nouveau statut, faisant fit de ce qu’il était encore dix minutes en arrière. Les parfumés et autres belles jambes de la cour royale n’avaient qu’à bien ce tenir, Corburg entrait enfin dans la danse.

«  Nous ferons donc ainsi, devant les Trois vous recevrez mon hommage ma Dame. Je vous laisse le choix du moment et du comment, plus vite nous en aurons fait, plus vite nous pourrons prendre les devants. J’oserais encore vous demander Comtesse, de ne pas me céder votre cousine la plus laide, bien que, en vous regardant, on puisse douter qu’il n’existe autre chose que la beauté parmi ceux de votre sang, mais comprenez moi : le vieil homme que je suis n’a vu que trop d’horreur passé, j’apprécierais finir mes jours en contemplant quelque chose de beau. »

L’immonde rangée de ratiches qui se dévoilèrent en suite auraient put faire fuir n’importe lequel des troupeaux de fangards se baladant encore dans les Faubourgs. Le Vieux Rab n’avait que faire des sentiments qui pourraient être ceux de sa futur promise, l’amour n’était aujourd’hui qu’une sinécure réservé aux indolents et aux niets. Les vrais hommes sachaient qu’il était vain de dépenser temps et soucis pour satisfaire les désirs d’une belle qui ne serait en vérité, jamais pleinement satisfaite ; mieux valait-il qu’elle vous haïsse mais qu’elle vous obéisse. Tel était les principes en vigueur à Corburg, une gueuse restait une gueuse, fusse-telle du bon sang. Bien sûr, il ne pourrait avouer cela à la Dame qui lui faisait face, mais Mederich ne doutait point qu’elle n’en soit au courant, la Comtesse Vierge était certes jeune, mais sous son derme frêle, on pouvait ressentir la puissance du grand jeu qui battait dans ses veines.

Preuve de cette appétit non dissimulé pour les choses vraies, elle entra dans le réel sujet sans mains gantées, ni fards, ni poudres et cela, malgré qu’elle en soit recouverte de tête à pieds. Bien que le Vieux Rab douteuses qu’elle excelle réellement dans les faits de guerre et la stratégie de l’acier, il prit soin de ne pas la sous-estimer non plus, car que connaissait-il réellement d’elle ? Peut être fusse-telle la favorite de son père ou d’un oncle lui ayant transmit son savoir sur la question. Même s’il doutait qu’elle n’est qu’une seule fois aperçue un non-mort de prêt, Mederich se décida à faire comme si. L’heure n’était donc plus à l’herbachier et autres infusions venues d’ailleurs, il était temps de passer au sérieux. Signant en direction d’un valet, il fut assez expressif pour qu’on le comprenne : que quelqu’un lui débouche la grande flasque de verre ouvragée qui trônait sur un guéridon à moulures ouvragées, sans point douter qu’à l’intérieur, trônait un liquide précieux aussi bon pour la gose que pour l’esprit. Il patienta, trop longtemps à son goût, mais quand la première rasade lui réchauffa la glotte, il se permit un soupir de contentement.

«  Bien. Vous souhaitez savoir plus, vous saurez. Dans premier temps, sachez Comtesse, que j’ai par expérience appris qu’aucuns projets ne peut parvenir parfaitement à sa fin sans heurts. Faquin et charlatan serait celui qui pourrait ici, en cet instant, vous jurer que nous obtiendrons victoire totale et sans défauts. Car la vérité est la suivante : il y aura des morts, du sangs, des tripes et de la merde ma Dame. Tourbière est une place aujourd’hui isolée, mettre en place un ravitaillement ne sera pas aisé, mais réalisable si nous…vous disposez d’assez de fond. Recevoir l’appuie de Sombrebois sera non négligeable, y placer quelques uns de nos pions seraient gage de sureté, il me sera possible de participer à cette entreprise, mais j’imagine que vous serez bien mieux placé en tant qu’ambassadrice de votre propre projet. Maintenant, si nous réussissons à faire tout cela, si nous consolidons nos appuies et pouvons être sûr de quelques soutiens arrière, alors il nous faudra des hommes. »

Deuxième mains levées, deuxième rasade pleine, Corburg ne se posa point la question concernant le prix que pouvait valoir cette liqueur forte, lui n’avait en tête que les souverains nécessaires à l’aboutissement d’une folie.

«  Beaucoup d’hommes. Bien sûr, avec votre soutient, j’augmenterais drastiquement le recrutement parmi les jeunes nobles en mal d’épée. Ils rejoindront mon Ordre et seront formés par des vétérans ayant eu à faire à la Fange. Bien sur, tant que ces bleues n’auront pas réellement affronté notre ennemi, rien ne peut prédire leurs réels réactions, car personne n’est prêt face à cette menace. Il y aura des pertes, même pendant les entrainements ou j’organiserais quelques sorties pour traquer des sujets isolés, mais de cette manière, nous endurcirons rapidement pléthore de jeunes gens. Sachez aussi que même ainsi, nous aurions surement besoin d’autres choses que des nobles d’épées aux oreilles pleines de lait. Se rapprocher des Lames de Morguestanc serait non négligeable, ces mercenaires sont coriaces et connaissent la chose, mais ils sont cher, très cher. »

L’allusion était assez explicite, Aliénor devrait encore une fois mettre la main à la bourse. Le Vieux Rab fit tourner son verre entre ses doigts fripés sans le lacher du regard, manifestement il y cherchait une réponse. Sans relever la tête enfin, il s’engagea sur un dernier chemin. Un chemin glissant qu’il arpentait non sans idée derrière la caboche, espérant révéler un brin plus les réels intentions de la Comtesse Vierge.

«  Enfin, il reste…la Milice. L’extérieur. Si nous prétextions quelques raisons valable, sans forcément révéler notre réel but, peut être pourrions nous obtenir une quelconque aide bénéfique. Mais, vous le savez comme moi, cette option comporte quelques risques. Des risques qui pourraient attirer mauvais regards et mauvaises intentions à notre encontre. Des oeillades provenant de nuque raidis sous le poids de l’or ceignant leurs fronts qui, verraient dans notre entreprise, quelques parfums scandaleux. »

Des mots qu’il cracha presque comme un défi à son hôte, tandis que dans sa barbe, son immonde sourire faisait toujours office de phare.



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