Marbrume


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 De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]

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Margaux de Piana
Margaux de Piana



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MessageSujet: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyLun 6 Juin 2022 - 13:58


Février 1166
Maison de Léonice de Raison - Esplanade


De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] Hevr

Vêtue de sa plus jolie robe verte recouverte d'une cape de bonne laine bordée de fourrure, ses cheveux rebelles sagement coiffés par de beaux rubans roses qu'elle dissimulait par un bonnet de dentelle, Margaux était fin prête pour aller visiter Léonice de Raison, une amie récente de ses parents. Dûment conduite par sa mère, Dame Hermance de Piana, l'enfant soupirait d'ennui à l'idée de passer quelques jours loin de sa maison, de son potager et de ses livres.

Il fallait dire que l'honorable matrone aimait tendrement sa première née ; mais elle se trouvait désespérée de sa sauvageonne de fille. Le contexte évidemment n'avait pas aidé à son éducation, puisqu'à peine avait-elle atteint ses huit ans, âge à laquelle on aurait enfin pu commencé à lui apprendre quelque chose, que la petite famille avait été contraint de déménager à Marbrume en toute hâte afin de fuir les Fangeux.
Privés de la plus grande part de leurs serviteurs, contraints à une adaptation à un mode de vie plus simple, homme, femme et enfants avaient dû se réadapter de force.
Et si le sieur Philibert et son épouse avaient continué à fréquenter la noblesse de manière sporadique à tout le moins, l'éducation de leurs enfants s'en était trouvée affecté. Ils s'étaient focalisés sur l'apprentissage du petit Louis à la lecture et à l'écriture, mais Margaux manquait cruellement de manières. Débordée, la bonne dame n'avait plus guère le temps de se consacrer à sa fille - aussi était-elle fort soulagée de voir une de ses pairs se dévouer à cette grande cause.

Ce fut ainsi qu'elles pénétrèrent à deux dans la bâtisse qu'habitait la noble, en se faisant annoncer par sa domestique, qui les escorta dans un escalier un peu sombre mais bien entretenu.

Arrivée au salon, Hermance offrit une élégante inclinaison de la tête à la propriétaire, avant de légèrement pousser sa fille en avant.

- "Bien le bonjour, ma chère Léonice ! Je vous présente donc ma fille, Margaux. Je vous remercie infiniment de vous porter volontaire pour éduquer cette petite... Tous ces derniers évènements ont gravement imputés sur nos efforts à faire d'elle une vraie dame, et vous comprendrez qu'elle a besoin de fréquenter plus assidûment la noblesse, afin que nous puissions espérer, malgré tout, quelque mariage avantageux pour elle. Enfin, vous savez tout cela... êtes-vous bien sûre que je puis vous la confier pour que vous l'y aidiez ? Je ne voudrais pas qu'elle vous soit un fardeau."

Ladite petite fille esquissa, du haut de ses huit ans, une révérence encore maladroite, puis offrit à l'étrangère un beau sourire empli de naïveté.

A dire vrai, maintenant qu'elle était là, elle se sentait emplie d'une irrépressible curiosité ; et elle avait grand-hâte de connaitre la suite.
Sa mère reprit la parole.

- "Je vais malheureusement devoir repartir. Mon fils Louis est légèrement souffrant, et je devais l'emmener voir un médecin. Vous m'excuserez..."

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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyLun 6 Juin 2022 - 16:23
«Oui, elle va passer quelques jours avec nous,» expliqua Léonice à ses domestiques. «Ca ne devrait pas nous faire de mal ; voilà bien longtemps que nous n´avons plus entendu d´enfants en notre compagnie, n´est-ce pas ?»

Tout le monde était ravit de cette nouvelle ; Léonice s´y plaisait, surtout en voyant les sourires à la fois tristes et heureux sur les visages de ses domestiques. Tout avait été si compliqué, si dur et si pénible pour ceux qui avaient traversés le royaume de Langres en 1164. Un an et quelques mois ne suffisaient pas pour calmer les peines et les douleurs, Léonice ne le savait que trop bien. Mais parfois, la vie et les expériences se montraient charitables, comme le montrait son lien récent avec les Piana. La baronne ne connaissait que très peu le mari d´Hermance, mais l´avait déjà côtoyé à plusieurs reprises lors d´un rendez-vous demandé par sa femme. Léonice, en l´échange de quelques denrées, s´était engagée à les aider dans leurs affaires et dans la gestion des domestiques ; mais de fil en aiguille, les deux femmes avaient finis par échanger bien plus, se liant d´amitié si rapidement que l´on aurait cru qu´elles s´étaient toujours connues. Les Piana comme le domaine de Raison étaient des non natifs, des gens arrivés sur le tas lorsque cela s´était rendu nécessaire ; et puis, deux mères finissaient par se reconnaître dans les difficultés qu´on ne partageait qu´à ceux qui vivaient la même expérience. Si Léonice ne s´était jamais étalée sur sa solitude, sur son feu époux ou sur l´absence de ses enfants, il ne fut pas difficile pour Hermance de deviner toute la douleur de l´affaire. C´est un jour où la noble se sentait débordée par l´éducation de sa fille que Léonice s´était proposée de l´aider un peu de ce point de vue là.

« Mon domaine a beau être petit, il nous reste suffisamment de chambres pour accueillir une jeune fille comme Margaux ou des domestiques supplémentaires. Je ne ferais pas de miracle, mais cela pourrait vous faire du bien, à vous comme à elle, et cela pourrait productif.»

Léonice n´eut pas besoin de forcer une quelconque main ; Hermance ne souhaitait pas se débarrasser de sa fille, mais la perspective de la convier à une amie la soulageait d´une demande qu´elle n´avait jamais osé formuler.

Quelques jours plus tard, le duo se présentait alors à la porte de Léonice, qui les accueillit de sa prestance naturelle. Elle ne portait qu´une robe simple, dans les tons verts d´eau qui se mêlaient à de la dentelle dorée, notamment sur les manches. La baronne inclina la tête en découvrant la jeune fille, presque surprise de retrouver un visage qui lui paraissait familier. Embrassant son amie sur la joue, Léonice hochait la tête d´un air tranquille.

« Bonjour Hermance, et bonjour, jeune Margaux. Oh, ne vous en faites pas. L´éducation est primordiale, même à notre époque, mais je pense que le temps a facilité quelques souplesses. Retournez donc auprès de votre fils, et passez le bonjour à votre mari de ma part.»

Léonice reporta son attention sur l´enfant. C´était fou comme elle ressemblait à sa propre fille ; en plus vieille, néanmoins. Les yeux d´un bleu si profond, la chevelure ornementée d´un petit bonnet ; et un sourire qui respirait une innocence pas encore disparue malgré la présence des monstres au dehors de la ville.

« Comme l´a dit votre mère, je suis Léonice de Raison, baronne de Raison. Vous pouvez m´appeller Madame Léonice, ça sera largement suffisant. Qu´en dites-vous ? Voulez-vous rentrer ?»

Et une fois Hermance partit, Léonice tendrait ses doigts fins vers ceux de la petite, pour l´entraîner à sa suite.









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Margaux de Piana
Margaux de Piana



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyMar 7 Juin 2022 - 15:58


Hermance de Piana se sentait tout à fait rassurée. Léonice, sa chère amie, saurait très bien s'occuper de sa tendre petite ; quant à cette dernière, elle semblait détendue et enjouée.

Elle tapota donc la tête rousse de son enfant, esquissa un sourire chaleureux à la baronne, en lui offrant quelques mots d'adieu. Elle prit ensuite congé, laissant les deux nobles seules à seules.
Une boule dans la gorge, Margaux aurait voulu retenir sa mère à la dernière seconde. En réalité, c'était la toute première fois qu'elle était séparée de sa génitrice pour plus d'une journée, et elle se sentait chagrinée et intimidée - mais, les larmes aux yeux, elle essaya de faire un effort pour ne pas sembler pleurnicheuse.

La petite fille renifla fièrement, puis prit la main délicate de Léonice.

- "Oui, madame Léonice. Je serai bien aise de visiter votre maison, savez-vous ! A la maison, nous ne visitons plus personne, et peu de monde viennent nous rendre la pareille. C'est tout de même étrange de vivre à Marbrume."

Promenant ses yeux d'azur emplis d'innocence sur ce qui l'entourait, elle sembla un instant fascinée par un petit bibelot posé sur une table basse, effleura les moulures du bois du mur du bout d'un doigt.

- "Etes-vous mariée, madame Léonice ? Quel âge avez-vous ? Oh, je voudrais tant vous montrer ma poupée, mais elle est dans ma malle, en bas. Vous savez, elle a des cheveux presque comme les vôtres, blonds et bouclés. Vous verrez qu'elle est très belle. Mère dit que je suis un peu grande pour les jouets, mais je les aime tout de même, surtout la nuit !"

S'enthousiasmant toute seule, les joues rosies en parlant de son univers familier, l'enfant faillit se prendre les pieds dans sa robe, ploya le dos en agitant un peu sa tresse, tout à un bonheur entier et puéril.

- "Qu'allons-nous faire chez vous, chère madame ? Je n'ai pas très bien compris, j'en ai peur !"

Elle tâchait indubitablement d'imiter sa mère dans ses intonations et dans ses propos - ce qui était plus ou moins réussi, sa petite menotte fermement plantée dans celle de l'adulte.
Son chagrin s'éloignait un peu, sans doute masqué par son verbiage prolixe ; mais il pesait toujours sur son petit cœur tendre, tenace, déterminé et bien caché.

A nouveau, elle renifla, plissa sa bouche en une moue étrange. Il ne fallait pas pleurer, ce n'était pas très digne - mais c'était si difficile...
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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyMer 8 Juin 2022 - 10:41
La petite posait tout un tas de questions ; Léonice croyait bien Hermance quand elle disait que sa jeune fille avait quelques problèmes avec l´ordre social, mais sa curiosité restait une bonne chose ; il suffirait juste d´un peu la diriger pour la concentrer en des points plus importants. La baronne ne connaissait pas encore très bien le caractère de la jeune fille, mais il lui était difficile de ne pas faire de parallèle avec son propre enfant du temps de son vivant. Au moins avait-elle l´avantage de ne pas être pressée par le temps ou les obligations, et Léonice pourrait pleinement se consacrer à l´enfant, avec toutefois une légère retenue pour ne pas que son cerveau ne mélange trop de choses.

« Ah bon, vous ne voyez plus personne ? Ah, peut-être que vos nobles amis sont un peu occupés. Nous vivons une drôle d´époque, vous savez, et il faut s´armer de diligence comme de patience pour y trouver son compte.»

Il n´y avait que peu de bibelots ainsi exposés dans les couloirs où le petit salon qu´elles atteignirent bien vite. Seule résistait une bibliothèque en bois brun, agrémentée de quelques ouvrages dont on ne pourrait prédire les âges. Léonice aimait les parcourir du regard pour se rappeler que les lettres existaient toujours ; et que peut-être, elle pourrait en apprendre plus sur certains traités qu´elle avait durement ramenée de sa main de l´Ouest.

« Oh j´imagine très bien que votre poupée doit être splendide. Peut-être pourrez-vous me la montrer quand je visiterais vos parents ? Pour vous répondre, j´ai été mariée mais je suis désormais veuve. Et j´ai dépassé depuis peu vingt-deux printemps.»

Pour aider la jeune fille dont elle ne connaissait pas encore les capacités intellectuelles, Léonice dessina avec ses deux doigts deux fois un deux. Elle guidait la jeune fille au travers des meubles parfaitement propre et des servants qui s´inclinaient à chaque fois qu´elles les croisaient. Léonice fit attention aux gestes et à la posture encore un peu juvénile de l´enfant, chose qu´elle verrait peut-être à lui apprendre en premier. Elles arrivaient à une petite chambre à l´étage, dont le lit était peut-être un peu grand pour celui-ci d´une enfant qui serait particulièrement agréable.

«Alors, jeune Margaux, voici la chambre où vous dormirez le soir. J´espère qu´elle vous plait ! Pour ce qui est du séjour ici, votre mère m´a demandé d´aider à votre éducation. Voyez-vous, une dame comme vous se doit de connaître des choses essentielles pour trouver sa place dans le monde. Car vous avez envie de trouver votre place, n´est-ce pas ?»

Le ton de la jeune femme était doux et invitait la petite à répondre sans lui couper la parole ; avec un peu de chance, Margaux aurait quand même conscience des moments où elle devait répondre et de ceux où il fallait écouter ; cela serait déjà une bonne étape d´aquise.









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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyJeu 9 Juin 2022 - 22:08


Margaux perdit son sourire en apprenant qu'elle était veuve. Elle la considéra brièvement, hocha la tête plus gravement, en faisant la moue.

Il y avait eu tant de morts et tant de misère dehors ; bien que madame Léonice ne semblait pas très jeune, sans doute avait-elle beaucoup de chagrin encore. Maman disait toujours qu'il lui faudrait rapidement un fiancé, mais pas avant quatre ou six ans. Autant dire toute une vie encore !
Enfin, toujours était-il que la demoiselle était un peu calmée. Il était difficile de parler de ses poupées quand on vous parlait de mort, sujet qu'elle détestait entre tous, et elle esquissa une moue un peu gênée.

- "Je sais bien que je suis une enfant, mais je ne suis pas sotte, madame Léonice ! Je vais bientôt avoir neuf ans, et je sais parfaitement compter ! Et lire et écrire, aussi."

Il s'agissait plus ou moins de la liste non exhaustives de ses compétences formelles, mais cela justifiait largement l'indignation légitime qui s'emparait d'elle. Après tout, on ne devait pas la prendre pour un bébé, elle était une demoiselle ! Une noble !
Néanmoins, elle se tempéra. Ce n'était pas vraiment digne de se mettre en colère pour si peu : maman serait peut-être fâchée si elle comportait mal. En fait, c'était évident, à la réflexion.

- "Mais je suis désolée pour vous, madame Léonice. C'est affreux de perdre son mari. Anûr doit bien veiller sur vous, maintenant."

L'enfant était sincère, mais ne savait pas trop quoi dire, et surtout comment le dire ; aussi, se toucha t-elle le nez, s'agita un peu, tout en suivant son hôtesse à l'étage, où elle salua les domestiques du regard avec l'enthousiasme qui la caractérisait, jusqu'à pénétrer une jolie chambre claire avec un grand lit.
Oh, un lit d'adulte ! Quelle joie !

Les yeux brillants, elle se tourna vers la baronne, lui offrit son sourire le plus doux.

C'était une question tout à fait étrange : n'avait-elle pas déjà sa place dans le monde ? Elle était la fille du chevalier fieffé de Piana, un Sergent qui travaillait à la Milice. Un homme important qui côtoyait d'autres personnes importantes, et qui lui ferait épouser... un autre homme important ?

- "Je... Je ne croyais pas devoir trouver ma place..." finit-elle par répondre d'une voix empreinte de naïveté. Elle reprit la parole. "Mais je voudrais bien apprendre, pour devenir une dame comme vous et maman ! Vous savez, je connais un peu de musique, et je sais aussi broder. Je sais reproduire le blason de Piana. Je vous montrerai si vous voulez. ..Et je ferai de mon mieux pour profiter de ce que vous voudrez bien m'apprendre."

A voir le lit, tout compte fait, Margaux éprouvait à nouveau la nostalgie de sa chère et tout aussi énervante génitrice. Elle allait passer une nuit entière hors de la maison, et sans doute deux, ou trois ! Cela l'effraya soudainement, et la petite fille tenta, encore, de réfréner ses larmes.

- "C'est vrai que nous vivons une drôle d'époque, avec les monstres. C'est sûrement pour ça que mes amies restent à l'Esplanade. Elles non plus, n'ont pas le droit de sortir."
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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyLun 13 Juin 2022 - 19:06
Il était si facile de lire sur le visage de Margaux toute la gamme d´émotions qu´elle traversait. Léonice ne répondit rien dans l´immédiat, au moins heureuse de voir que l´enfant restait sensible au deuil, même s´il lui faudrait peut-être apprendre à dissimuler son malaise à l´avenir.

« Allons, je ne vous pense pas sotte, ma chère, mais la Fange aurait pu grandement ralentir votre éducation, il me fallait donc vérifier les bases. Ravie de l´entendre, cependant, j´ai quelques livres ici qui devrait vous plaire.»

Margaux manquait un peu de tenue, peut-être ; elle réagissait avec beaucoup d´enthousiasme et ne se cachait pas de grand chose. Il fut agréable de noter qu´elle était capable de comprendre quand elle allait peut-être trop lien dans son expression ; subitement après s´être indignée d´être traitée comme moins éduquée qu´elle ne l´était vraiment, l´enfant se tempéra dans une moue que Léonice trouvait adorable.

« Je vous remercie pour vos mots, jeune Margaux. Je ne saurais dire si cela est affreux ; les Dieux nous imposent parfois des choses qui nous sont douloureuses pour nous apprendre à nous relever.»

C´était en tout cas la version la plus noble à penser ; Léonice en voulait un peu plus à cette créature démoniaque qui s´était emparée de la vie d´Enguerrand, mais cela remontait à tant d´années que la douleur paraissait bien lointaine. La baronne observa la plus jeune découvrant sa chambre ; elle sautillait, s´émerveillait d´une manière dont celle étaient capables les plus innocents. Léonice nota tout ce qu´elle entendit, avant d´elle aussi répondre en espérant éclaircir un peu l´esprit de la plus jeune.

« Trouver sa place est une drôle de manière de le dire. Je reformulerai en disant que nous devons apprendre la meilleure manière de la tenir, notre place. Comme vous le savez, les hommes et les femmes ne savent pas faire les mêmes choses ; nous pouvons vivre ensemble car il existe beaucoup de règles que nous devons apprendre et respecter. Heureusement pour vous, ma demoiselle, certaines règles sont amusantes à apprendre, comme la danse ou la couture, d´autres vous fatigueront bien plus mais je ferais en sorte de trouver une manière qui nous soit agréable à tous les deux.»

La baronne se déplaçait dans la pièce jusqu´à une petite armoire où reposait quelques vêtements féminins ; la plupart étaient trop grands Margaux, mais trop petits pour Léonice qui ne portait plus ce genre d´effets. Heureusement avait-elle pensé à envoyer un domestique à la maison des Piana pour qu´on leur rapporte les affaires de Margaux.

« Oh, j´espère en effet que vous pourrez me broder le blason de Piana, j´ai très hâte de le voir ! Je ne suis pas musicienne, mais je pourrais vous entraîner un petit peu. Pour le reste, votre apprentissage ici se fera des règles du monde ; je vous parle ici de ce que nous appelons l´étiquette. C´est la manière de parler, de se tenir également pour une jeune femme noble, de savoir quand se taire également ou cacher ses émotions. Mais avant cela… peut-être avez-vous soif ? Nous pourrions aller boire un peu de thé dans la cuisine, j´ai vu l´une de mes domestiques en préparer, tout à l´heure.»












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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyMar 14 Juin 2022 - 21:47


Encore difficilement capable d'imaginer des épreuves suffisantes envoyées par les dieux pour susciter un tel apprentissage, la jeune Margaux hocha distraitement la tête.

Elle s'approcha de l'armoire, que l'adulte avait ouverte, regarda les tissus et les vêtements avec beaucoup de curiosité. Elle aimait beaucoup cette femme attentive qui lui parlait avec douceur de toutes ces choses de la vie qui aiguisait fortement sa curiosité. Bien sûr, elle avait très envie de devenir une Dame, une noble digne de ce nom, pleine de prestance et d'élégance - aussi ses yeux humides séchèrent-ils presque immédiatement, tandis qu'elle regardait Léonice de ses grands yeux clairs.

Elle se demanda quelles règles pouvaient bien être si assommantes ; et elle songea aussitôt à la tenue à table, au langage, et à toutes ces petites règles innombrables qui pourrissaient le quotidien.
Néanmoins, elle faisait confiance aux adultes, aussi virevolta t-elle d'un pas léger en direction de sa nouvelle amie.

- "Oh, Madame Léonice, je serai très contente de tout bien apprendre, même si je ne comprends pas bien pourquoi les hommes et les femmes ne pourraient pas savoir les mêmes choses. Il y a des femmes qui sont maintenant dans la milice, même si avant, elles ne savaient pas se battre."

Elle eut un instant de réflexion, et sembla se rappeler de la question de son interlocutrice. Avec enthousiasme, elle faillit battre des mains, avant de se rappeler que maman ne se comportait jamais comme cela.
Ainsi, l'enfant prit sa voix la plus aimable, imitant à la perfection l'accent parfois un peu maniéré de sa génitrice.

- "Je vous remercie pour le thé, car j'en ai grande envie. Vos serviteurs sont très diligents."

Elle vint docilement lui reprendre la main, lui souriant avec naïveté, en se dirigeant doucement vers la porte de sa jolie chambre.

- "Père trouve que les miliciennes sont courageuses mais stupides. Il doit les commander et les entraine parce que ce sont les ordres du Duc, mais il dit que les femmes ne devraient pas aller au combat. Elles sont plus fragiles que les hommes et ... et il faut qu'elles fassent des enfants. Sinon, il n'y aura personne à protéger des Fangeux. Mais... que peut-on faire d'autre, alors ? N'est-ce pas inutile de savoir danser et jouer de la musique ?"

Tant de questions tournoyaient dans sa jeune tête ! Mais effectivement, elle avait soif et faim aussi - la jeune Margaux avait hâte de sa collation, et de mieux connaitre "Madame Léonice" !

En chemin pour la cuisine, elle s'appliqua à lui faire nombre de compliments sur sa maison - pour finalement pousser un soupir de bonheur devant la cuisine. C'était son endroit préféré à la maison, et elle savait d'avance que ce serait pareil pour celle de l'amie de sa mère !
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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyVen 17 Juin 2022 - 14:31
Le tour de la pièce semblait ainsi bien avancé. Léonice observa la jeune enfant se déplacer, ajustant ses moues à mesure que la conversation évoluait dans une direction que la baronne trouvait satisfaisante. La question sur la différence entre les hommes et les femmes se valait ; fut un temps où Léonice se sentait d´une opinion plus catégorique, avant de comprendre que les choix de chaque parent alliait beaucoup de choses dans la vie d´un homme comme d´une femme. Elle répondit d´un tout toujours aussi pédagogue, cherchant à se faire comprendre sans être trop tranchée ; il ne fallait pourtant pas risquer inculquer des choses que Margaux n´avait pas besoin de savoir.

« Les hommes et les femmes pourraient savoir les mêmes choses, mais ça mettrait beaucoup de désordre dans notre monde. Et puis, pour reprendre votre exemple des femmes qui peuvent désormais tenir une arme, ces dames resteront toujours plus faibles que des hommes, car leur corps n´est pas fait pour ainsi se tenir.»

Margaux eut une réponse digne d´une enfant de son rang ; un franc sourire répondit à la petite rousse au ruban. Léonice se promit de gratifier la jeunette par un petit biscuit provenant d´une boîte achetée quelques jours plus tôt mais qui n´avait pas encore été entamé.

« Pour faire plus simple, jeune Margaux, les femmes apprennent les choses dans lesquelles elles excellent, et les hommes en font de même. C´est une question d´aller au plus pratique, car nous savons déjà à quoi nous sommes destinées et c´est un avantage qu´on ne doit pas prendre à la légère.»

La main fragile vint entrelacer ses doigts à ceux de Léonice qui reprenait le chemin du couloir puis du petit escalier qu´elles avaient grimpé à leur arrivée.

« Je ne serais pas aussi catégorique que le seigneur votre Père. Si les femmes peuvent prendre les armes, c´est parce que l´on craignait de manquer de bras armés. Mais c´est vrai qu´elles sont plus fragiles ; cependant, serait-ce mieux d´empêcher une femme d´accomplir un devoir qu´elle pense être le sien ?

Une réflexion que Léonice ne développera que très peu, préférant répondre au reste de l´interrogation de Margaux pour la rassurer.

« Car les Fangeux ne dansent pas et ne font pas de musique. Je pense, jeune Margaux, que nous avons besoin de garder notre humanité et de nous démontrer que nous ne sommes pas des bêtes sauvages. Mais si cela peut vous rassurer, il y a beaucoup d´autres choses très utiles que vous apprendrez également ; les femmes nobles doivent avoir beaucoup de connaissances et de qualités, ce dont vous serez doté.»

Léonice se laissa complimenter, souriant de manière naturelle tout en faisant preuve de petite modestie ; cela servirait également d´exemple à comment Margaux devait se comporter quand on lui faisait des compliments. La retenue était le maître-mot dans al plupart des situations ; et enfin elles arrivaient à la cuisine. Une domestique dans sa trentaine avait finit de préparer le thé. Sur la table en bois épais était disposé deux tasses sur un petit tissu rouge ; deux cuillères et du sucre étaient également présentés. Alors que Léonice laissait l´enfant s´installer, elle fit un signe à sa servante pour lui demander de lui rapporter son plus récent achat. Elle s´installa ensuite juste en face de Margaux, continuant de discuter sur les sujets que préférerait la jeune fille.












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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyDim 19 Juin 2022 - 19:57


La petite fille ne s'était jamais véritablement projetée dans l'avenir.
Elle n'avait pas véritablement côtoyé de femmes miliciennes, sinon à les croiser rapidement dans la rue ; mais il était clair qu'à la réflexion, elle ne penchait pas véritablement pour apprendre l'épée et toutes ces choses d'homme. Elle était bien plus fragile que Père, et de toute façon, maman ne l'autoriserait jamais. Ah ça, elle en était absolument certaine !

Aussi Margaux finit-elle d'écouter attentivement sa nouvelle mentor, les mains sur ses genoux, avant de lui offrir un sourire tendre. oh, elle admirait déjà cette femme à la tenue parfaite, à la douce modestie et à l'âme qu'elle sentait instinctivement fort douce - aussi essaya t-elle de l'imiter alors que les deux dames et damoiselles s'installèrent à table, que la servante leur servait le thé.

- "Merci."

Claironna l'enfant, les joues roses et les yeux myosotis brillant d'une lueur joyeuse. Puis, gardant les mains poliment sur la table, elle ne put s'empêcher de renifler brièvement, car elle se sentait un peu la goutte au nez.
Assoiffée - car elle n'avait presque rien bu depuis l'heure de midi - elle but une grosse gorgée de thé, avant de fixer Léonice avec curiosité.

- "De quelles connaissances et de quelles qualités devons-nous être dotées ? Maman dit que les jeunes filles doivent être belles, pour être mieux mariées, et savoir faire des additions et des soustractions, pour gérer le ménage. Je sais qu'elle parlait de l'argent, mais ce n'est pas poli de l'évoquer. Cependant, je trouve cela injuste, car une fois mariée, il faut savoir s'en occuper. Mais si personne ne nous en parle, alors la chose devient bien plus compliquée. Je ne voudrais pas que mon époux me trouve sotte."

Elle reprit une petite gorgée de liquide chaud, le buste étonnamment droit, fit une petite grimace sous la forte amertume du liquide ambré.

- "Comment avez-vous connu Maman ? avez-vous beaucoup d'autres amies ici ? Moi, j'aime encore beaucoup jouer, aux cartes, ou à la poupée par exemple, mais maman dit que je suis trop grande pour être aussi frivole. A quel âge avez-vous arrêté de vous divertir ? Et maintenant, que faites-vous pour occuper vos journées ? Avec maman, nous nous occupons de notre potager, et nous donnons de quoi manger à ceux qui en ont besoin, mais surtout aux pianais, quand ils viennent nous voir. Maman dit que nous sommes toujours responsables d'eux."

C'était un sujet tout à fait sérieux, qui taraudait beaucoup l'enfant. Elle savait que son devoir était d'aider les indigents, même s'ils semblaient plutôt dégoûtants. Mais tout de même, la vie ne serait-elle pas horriblement monotone sans pouvoir s'amuser ?

- "Est-ce mal, pour une dame de qualité, de se trouver un travail, si la Fange continue d'exister hors des murs ?"
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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyLun 20 Juin 2022 - 19:42
Léonice fut heureuse d’avoir demandé à sa servante de ne pas faire trop chauffer l’eau des fois que la plus jeune ait très soif ; celle-ci se serait complètement brûler à ainsi prendre de si grandes lampées de la boisson chaude. La domestique revint quelques secondes plus tard avec la boîte en étain. Déposée près de Margaux, la baronne fit un geste souple dans la direction de la petite fille, l’invitant à l’ouvrir et à découvrir les petites pâtisseries à l’intérieur. Il s’agissait globalement de gâteaux secs, puisqu’ils se conservaient mieux, mais ils avaient gardé le moelleux de la sortie du four de part leur fraîcheur. Léonice prit soin de rajouter un petit peu de miel dans sa propre tasse avant de l’humer et d’en prendre une gorgée. Tout de suite, la chaleur inonda sa bouche puis sa gorge avec le parfum exquis qu’exhumait la boisson. La question sur les différentes qualités n’étaient pas sottes ; Léonice ne s’était jamais questionné de cette manière, mais elle savait que Margaux n’était pas la seule enfant Piana. Peut-être que la présence d’un petit frère la rendait plus naturellement curieuse, ou peut-être que sa mère n’avait pas fait preuve de suffisamment de soin pour étouffer ce trait de caractère chez sa fille.

« La beauté est en effet quelque chose d’important, mais il ne s’agit pas uniquement du don des Trois à notre naissance. La beauté c’est aussi l’élégance, savoir se tenir, savoir parler, savoir se parfumer. Toutes ces petites choses qui seront peut-être les plus agréable si vous aimez vous faire belle… en tout cas, je vous avoue que c’est mon cas.»

Léonice avait toujours été coquette, et elle devinait que Margaux l’était peut-être au moins tout autant que sa mère, en témoignait la présence du joli ruban à ses cheveux ou de sa magnifique robe verte.

« Votre époux ne vous trouvera jamais sotte si vous brillez dans tout ce qu’il ne sait pas faire. Cela dit, savoir compter est une bonne chose, vous en aurez besoin. Mais l’éducation sert aussi à nous apprendre ce qui appartient aux hommes, ne vous en fâchez pas. Moi-même qui n’ait plus d’époux, me fais toujours aidé par l’un de mes domestiques, parfaitement capable dans ce domaine. Je n’irais pas jusqu’à me trouver sotte, et j’espère que vous non plus !» tenta de s’amuser la baronne.

Elle aimait la fraîcheur et la curiosité de Margaux ; si elle devait rediriger certaines de ses questions, Léonice n’essayait absolument pas de la brider, bien qu’il faudrait lui apprendre à ne pas poser toutes les questions à tout le monde et sans égard de certains contextes. En voyant la petite moue de la jeune fille au ruban, Léonice poussa du doigt le petit pot de sucre ainsi que celui de miel, feignant ne rien avoir vu pour ne pas gêner l’innocente.

« C’est très bien de s’occuper d’un potager, cela doit vous apprendre beaucoup de choses. En ce qui concerne votre mère et moi-même, j’ai proposé mes services pour les aider dans leurs affaires, puis nous nous sommes liées d’amitié.»

Margaux posait beaucoup de questions, très vite, aussi Léonice la ralentit d’un geste délicat de la main, afin que la baronne puisse répondre sans risquer se faire couper la parole.

« J’ai arrêté de jouer à la poupée assez tôt, mais je ne dirais pas que j’ai arrêté de me divertir. C’est plutôt que mon divertissement s’est retranscrit au travers d’autres choses ; j’aime beaucoup danser, voyez-vous. J’aime aussi discuter, prendre le thé… et il m’arrive de jouer aux cartes avec certaines de mes amies, mais par pitié, ne le dites pas à votre mère,» pouffa la jeune veuve.

Pour ce qui était du travail, Léonice pencha la tête de côté. Si elle n’avait pas exactement de travail comme l’entendait l’enfant, elle exécutait des tâches en se faisant rémunérer, lui permettant de maintenir à flots sa maisonnée sans trop se priver.

« Je ne sais pas si je peux complètement répondre à votre question. Une dame de notre rang ne devrait jamais avoir à travailler. Et si tout se passe bien pour vous, vous n’aurez qu’à soutenir votre époux et élever vos enfants, ce qui est déjà une charge considérable. Maintenant, on ne peut pas oublier les horreurs de la Fange. Les femmes peuvent devenir miliciennes… peut-être que quand vous serez en âge de le faire, vous pourrez ainsi travailler. Mais je ne sais pas si cela sera un jour bien vu ; vous avez entendu votre père sur ces femmes au sein de la milice. Il est toujours plus difficile de faire des choses que nous ne sommes pas supposées faire, même si ce n’est pas impossible.»








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Margaux de Piana
Margaux de Piana



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyMer 22 Juin 2022 - 21:38


A nouveau - et bien que l'enfant n'ait qu'une hâte, répondre avec autant d'enthousiasme que lui permettait sa jeunesse - elle resta sagement silencieuse. Ce faisant, elle ne manquait pas de promener son regard sur la jeune veuve, tentant d'imiter ses manières, à commencer par la cuillerée de miel dans son propre thé ; allant jusqu'à détailler son regard et sa jolie peau claire.

Détendue, le sourire à ses lèvres minces, elle tenta d'ordonner ses idées, qui venaient en désordre dans sa cervelle encore chaotique, posa ses mains bien à plat sur le bois de la table, puis s'attarda sur un contenant mystérieux déposé par la domestique, qui se révéla être une boite à gâteaux. Elle faillit pousser un cri naïf de joie, se contenta de glousser avec entrain, le visage plissé de ravissement.

Avec ce qu'elle put d'élégance, elle tendit d'abord les friandises à son hôtesse, avant de saisir un biscuits entre ses petits doigts, pour le mordre avec détermination. Le goût de miel et de noisettes grillées explosa dans sa bouche comme une liqueur, et elle ferma les yeux quelques secondes, comme pour mieux en savourer le goût.

- "Nous ne sommes pas sottes, même si nous sommes coquettes, c'est tout à fait différent !"

Renchérit alors Margaux avec bonhommie, avant de continuer d'un ton de voix un peu péremptoire :

- "Il se peut que la Fange m'oblige à gagner de l'argent, lorsque je serai grande, c'est vrai. Mais alors peut-être que Père, mère et vous me trouverez un gentil mari qui ne me demandera pas d'aller dans la milice. Je sais qu'ils nous protègent, mais une fois, j'en ai entendu un dire... un gros mot."

Elle se protégea la bouche en rougissant, honteuse d'avoir même prononcé le mot - et continua sur sa lancée, emballée, sans même s'en apercevoir.

Ses yeux saphir brillaient à la lueur des chandelles, et, en finissant sa tasse de thé, elle inspira doucement, le cerveau en ébullition.

- "Voudriez-vous m'apprendre à jouer aux cartes ? Je dois vous avouer quelque chose. Parfois, je m'ennuie à la maison. J'aimerai bien vivre de la musique, si j'en avais l'occasion. Et si je savais mieux chanter, je ferai des concerts de harpe, en déclamant des ballades. Pensez-vous que je sois dépravée de le désirer ?"

La fille du chevalier Fieffé du domaine de Piana n'imaginait pas à quel point elle était encore égocentrique et tournée sur sa petite personne. Mais n'étais-ce pas là l'apanage des enfants heureux et choyés ?
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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyVen 24 Juin 2022 - 17:22
Il y avait des paires de secondes où le coeur de Léonice se serrait légèrement. Margaux était une petite fille adorable, pleine d´entrain et qui avait envie de tout, de tout décrouvrir, et d´apprendre plein de choses. Elle lui rappelait parfois sa propre fille, ce qui n´aidait pas la baronne à rester neutre dans leur interaction. Peut-être que son regard était plus doux encore que celui d´une simple tutrice envers sa pupille, que ses lèvres se plissaient dans un sourire trop peu formé ces dernières années. Quand elle s´en rendait compte, elle reprenait une position plus adéquate, sans réussir à totalement se détacher de ce que dégager l´enfant face à elle. Léonice dut faire de gros efforts pour ne pas éclater de rire en voyant tout le caractère contenu de la Piana ; consciencieuse, la femme aux cheveux de feu accepta volontiers le biscuit qui lui était tendu, piochant de ses doigts délicats dans la figure comblée d´étain.

« Les hommes ne font pas toujours la différence, mais ce n´est réellement important que pour nous, gentes dames. Les hommes se méfient moins des jolies fleurs, jusqu´à en ignorer les épines», plaisanta Léonice en fournissant à la plus jeune un clin d´oeil.

Elle ne savait pas si Margaux cherchait à l´imiter ou si elles aimaient réellement les mêmes choses, manipulant la tasse de la même manière ; Léonice aima à penser que les deux solutions étaient possibles, et qu´il n´y avait aucune raison de briser ce charmant moment en lui posant la question. Certainement qu´elle finirait par s´en rendre compte d´un moment à l´autre.

« Un gros mot ? Ah, cela arrive, oui. Cela dit je peux vous rassurer sur une chose, Margaux, quoiqu´il se passe dans votre vie, personne, et je dis bien personne, ne vous obligera à rejoindre la milice. Les femmes qui y sont ont leur propre volonté ; leur vie est trop difficile là-bas pour qu´on leur demande d´y aller.»

Léonice se sentait catégorique, bien qu´au fond d´elle, toutes les règles qu´elle pensait croire ne cessaient de se modifier avec le temps qui passait. On ne pouvait être sûr de rien, pas plus de la mode que de l´éducation des jeunes femmes ou de la température de la cour ; pourtant, la baronne voulait présenter un pallier rassurant pour la jeune enfant qu´était Margaux, sans chercher à lui mentir ou lui cacher la vérité.

« Oh, vous apprendre à jouer aux cartes ? Cela ne sera pas notre priorité, mais ça ne me dérange pas. Une compagne de jeu supplémentaire fera plaisir à tout le monde, ici, même si cela sera peut-être notre petit secret…»

Léonice prit le temps de finir sa propre tasse ainsi que son petit gâteau avant de répondre.
« Nous possédons tous des désirs, je pense qu´il est sain de les cultiver. Vous avez le droit de vous rêver chanteuse, mais il serait mentir de vous affirmer que votre seule volonté suffirait à vous faire accéder à tout ce que vous souhaitez.»

Léonice adoucit un peu plus sa voix avant de reprendre, consciente qu´objectivement, ce qu´elle disait pouvait être assez brusque.

« Nous autres femmes sommes soumises à beaucoup de choses, mais c´est aussi car dans un avenir proche, Margaux, beaucoup de gens dépendront de vous. Pour l´instant, vous avez suffisamment de temps pour suivre vos envies, chercher à vous amuser et c´est très bien. La musique est un honorable passe-temps, il ne faut cependant pas oublier que vous serez bientôt une adulte responsable. On comptera bientôt sur vous pour épauler votre mère, vous marier, vous occuper d´une maisonnée, de domestiques, et de beaucoup de choses que seules les femmes savent réellement faire…»

Une lueur malicieuse teinta dans le regard azur de la baronne.

« Nous assurer que les hommes survivent.»





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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyMar 28 Juin 2022 - 15:51


Margaux buvait les paroles de madame Léonice, tout en finissant son gâteau.

Bien sûr, elle savait qu'elle rêvait d'un avenir qui ne viendrait sans doute jamais, qu'il n'était pas complètement entre ses mains et que sa volonté n'y ferait pas tout. Qu'un jour, elle devrait faire face à ses responsabilités de noble, mais aussi de femmes. C'était plus important d'avoir un enfant, de devenir mère pour faire continuer l'humanité, de gérer une maison et de perpétuer toutes les traditions maintenues depuis des siècles.

Pour se donner le temps de la réflexion, elle finit sa tasse de thé, joua avec une de ses jolies boucles rousses presque étincelantes de propreté, en contemplant la noble devant elle.

- "Je vous aime beaucoup, madame Léonice. Quand je serai une épouse et une mère, je ferai de mon mieux pour vous ressembler, ainsi qu'à maman. Je serai heureuse d'épauler maman, et d'avoir un foyer à moi, si vous me trouvez toutes les deux un gentil mari. Peu importe qu'il soit vieux, s'il est gentil, et riche aussi. J'ai entendu dire que Piana avait été dévastée, mais je le remettrais sur pied, et je créerai un beau verger qui embaumera jusqu'à Marbrume ! Et vous y serez la bienvenue, si vous ne rentrez pas chez vous tout de suite."

Des propos d'une naïveté extrême, mais qui respirait bon la bonne volonté et le désir sincère de faire plaisir à son interlocutrice. Elle lui offrit un grand sourire ravi et déterminé, et croqua dans la fin de son biscuit avec détermination.

- "Qu'allons-nous faire maintenant ? Oh, vous savez, j'ai une idée ! Comme la noblesse doit donner l'exemple, nous pourrions organiser un concert pour rassembler des choses dont le peuple a besoin. Des gâteaux, des couvertures... je ne sais pas trop ce dont ils auraient besoin mais ce serait un des travaux ... de la noblesse ? De venir en aide à leurs protégés ! Ce serait si joli, Père et maman seraient fiers de nous !"

Sans songer que son projet serait irréalisable en l'état, la petite fille joignit les mains avec enthousiasme, puis, son petit cerveau toujours en ébullition, passa brusquement à une autre idée. Elle avait aussi très envie de jouer aux cartes, de faire de la musique et d'aller visiter les poupées de sa chambre ; mais sagement, elle s'efforça de mettre un peu d'ordre dans sa tête.

- "Madame Léonice, qu'allons-nous faire maintenant ? oh, j'y pense ! M'apprendrez-vous à me faire belle, pour que les hommes ne se méfient pas de moi...? Je n'ai encore jamais mis de poudre. Ce doit être très amusant ! Et j'adore les secrets. Oh oui, faisons les cartes !"

La vie était un jeu, un beau jeu auquel elle avait très envie de participer. Oh, comme le monde était beau ! Dans un élan spontané, la damoiselle se serra contre l'amie de sa mère, planta un gros baiser sur sa joue, puis se rassit, les mains puérilement posés sur ses genoux.
Elle n'était pas peu fière de ses idées, fallait-il avouer ; et plus elle écoutait l'amie de son honorable, plus elle avait envie de se comporter comme tel et de grandir, pour vivre tout ce qu'elle lui promettait. Elle rêvait de devenir respectable, responsable, tout ce qui, pour elle, était l'apanage d'une Dame ; et elle se rengorgeait de satisfaction de savoir que seul un tout petit peu de travail -même si c'était ennuyeux - était à faire. Que le monde était doux, malgré la Fange !
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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyJeu 30 Juin 2022 - 11:05
Puisque l’enfant se plongeait à une réflexion contemplative, Léonice en fit de même en finissant sa propre tasse de thé. Elle entendait les domestiques les plus curieuses se rapprocher discrètement de la scène, mais pas suffisamment pour que la baronne ne capte pas leurs pas dérangés. Elle ne s’en inquiéta cependant pas, toute concentrée qu’elle était à écouter Margaux reprendre la parole. La petite respirait la bonne volonté, c’était assuré ; Léonice en était presque admirative, d’ailleurs. Ses parents l’avaient très justement protégé de la plupart des horreurs de ce monde, malgré quelques écarts comme les mots de son père le Chevalier dont la pression mentale devait être importante.

« Je vous aime tout autant, jeune Margaux. Je suis certaine que vous ferez une merveilleuse maîtresse de foyer, mais nous avons encore un peu de temps avant cela. »

Elle ne préféra pas rebondir sur cette histoire de gentil mari, vieux ou jeune. Il était fort peu probable que Margaux n’épouse quelqu’un de son âge, et rien ne pourrait jamais garantir qu’elle se fasse bien traiter. Il faudrait affermir cet esprit naïf pour la préparer à beaucoup d’éventualités, même les pires ; chose que Léonice préféra reporter à plus tard, dans tous les cas.

« Je serais ravie de visiter votre futur verger, mais pour ma part, mon chez moi est désormais à Marbrume, vous n’aurez donc aucun mal à me retrouver » , sourit Léonice.

Elle savait son domaine laissé à la Fange ; les moyens du duché ne permettraient jamais de reconquérir quoique ce soit, disait-on. Il n’y avait pas assez d’hommes, de femmes, de fous pour repartir droit vers l’est, alors qu’on ne savait même pas ce qui avait déclenché ce cataclysme si ce n’était peut-être la lassitude des Trois. Il y avait cependant un avantage indéniable à la présence d’une enfant si jeune ; quoique pouvait penser Léonice, des plus sombres orages aux pensées les plus tristes, l’enthousiasme de Margaux était d’une efficacité communicative.

« Nous ne passerons pas tant de temps que ça ensemble, il serait donc délicat d’organiser un concert. Mais dans les mois à venir, il sera probablement possible d’organiser une petite réception visant à faire quelques dons pour le Temple. C’est une bonne idée ! »

Mieux valait ne pas complètement briser les idées de la jeune femme. Cela dit, Léonice avait quand même quelques idées en tête ; mais pourquoi ne pas faire au plus agréable ? Le baiser sur sa joue manqua de la faire rougir, peu habituée à recevoir de telles démonstrations. Elle ne lui refusa pas, gardant dans un coin de sa tête qu’il faudrait expliquer à Margaux qu’elle ne devrait se permettre ce genre de choses que dans la pure intimité de sa famille et de ses amis.

« Et que diriez-vous d’un cours de danse, ma chère Margaux ? Car après tout, vous serez bientôt invitée à toutes sortes de bal ; il faudra montrer l’ampleur de votre talent ! »




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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166]   De l'éducation des petites filles bien nées [Février 1166] EmptyLun 11 Juil 2022 - 13:17


Une réception. Un bal, même !

Si l'enfant entendait la domesticité non loin, cela ne sembla pas la toucher, ni la déranger. Elle était habituée, de par sa position, à se trouver toujours épiée par les adultes, qui la surveillaient constamment ; aussi se trouvait-elle parfaitement détendue et dans son élément.

Néanmoins, elle rougit de joie à l'évocation de cours de danse, sauta sur ses pieds avec enthousiasme, puis, comme si Margaux se rappelait les leçons incessantes de sa digne mère, se contenta de lisser sa robe verte de l'air le plus digne qu'elle put trouver.

- "Un cours de danse me siérait volontiers, madame Léonice. Je vous en serai gré, je ne voudrais pas me ridiculiser devant le monde."

Elle était sincère, même si son ton était un peu affecté, tant elle avait envie de paraitre une vraie demoiselle, et elle offrit un sourire ravi à son interlocutrice, avant de produire une révérence très élégante, pour lequel elle s'appliqua avec la grâce d'une élève aguerrie.

- "Je suis prête, madame Léonice. Cependant, j'ai une question, qui n'a rien à voir.. enfin, juste un peu, avec la danse. Comment fait-on pour organiser une fête ? Si cela ne tenait qu'à moi, je mettrais beaucoup de fleurs pendant notre réception. Je sais que le rouge est la couleur de la noblesse, n'est-ce pas vrai ? Alors je mettrais de la garance des teinturiers partout. Pour honorer le Roi et lui plaire, pour qu'il donne plus aux pauvres. Et si le Roi donne, alors les nobles aussi, n'est-ce pas ? Et puis, j'aime cette fleur. C'est ma préférée. Elle est simple, mais c'est une des fleurs les plus importantes, pour tout ceux qui aiment le rouge. Comme Père, et maman."

Un calcul élémentaire, qu'elle avait entendu de ses parents la semaine précédente. Mais il fallait avouer que la petite coquine ne dédaignait pas faire étalage de son petit savoir, surtout s'il s'agissait d'essayer d'impressionner sa nouvelle idole.

- "Faut-il pousser la table pour avoir plus de place ?"

Elle sautait fréquemment d'une idée à l'autre, surtout quand elle était excitée - et elle ne pouvait pas dire qu'elle ne se réjouissait pas de ce merveilleux séjour.
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