Marbrume


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 La sainte fille publique

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Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



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MessageSujet: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyJeu 9 Juin 2022 - 12:01
LA SAINTE FILLE PUBLIQUE


Prières et réconfort dans le divin Panthéon, en compagnie de la charmante Joséphine de Léon



S’il y avait un lieu dans lequel je n’avais point remis les pieds depuis voilà des années, c’était bien entre les saints murs d’un sanctuaire. Non pas que je ne croyais point aux Dieux (je n’étais pas encore arrivé à cette hérésie), mais leur existence, qu’elle soit avéré ou non, m’importait peu, car les déités consacrés semblaient tout aussi impuissantes que nous en ces temps marqué par le désespoir et la désolation, restant sourdes aux prières des masses implorantes se pressant en ce lieux. Quel intérêt y avait-il alors à se prosterner devant les idoles froides d’Anür, de Rikni ou de Serus ? Les Trois ne semblaient pas avoir beaucoup de conciliation pour les lépreux crasseux se traînant jusqu’à leur autel, ces derniers ressortant de l’imposante structure aussi laids et nécrosés qu’à leur arrivés ; les mères éplorées, bien que priant tout leur soûl pour la survie de leur enfant atteint par la gale ou le typhus, enterraient quoi qu’il arrive leur progéniture dans la semaine, malgré la dévotion exemplaire dont elles faisaient preuve dans l’accomplissement des rites sacrés. Je ne comprenais guère, pour ma part, pareille obstination : les folles sommes d’argents ainsi déposé sur le lieu des offrandes aurait pu être quelque peu mieux dépensé, par exemple pour se payer l’aide d’un praticien, ou, du moins, pour fournir une sépulture décente au mort.

Cependant, au vu des visages suppliants mais sereins qu’affichaient les fidèles dans leur actes pieux, je comprenais que tous ces braves gens venaient avant tout chercher du réconfort auprès des imposantes statues de pierres sombres des quiètes divinités. Il leur fallait bien s’accrocher à une espérance, celle qu’au-dessus de ce monde s’apparentant à un dépotoir fumant séjournaient là haut, dans les cieux, des Dieux cléments, tout puissants et miséricordieux, trônant fièrement dans l’éther. Qu’il s’agisse de braves gens du communs ou de pêcheurs cherchant repentance, tous se raccrochaient à ce maigre espoir salvateur, lorsqu’ils contemplaient le visage de pierre de leurs idoles.

C’était certes un lieu apaisant que le Temple de Marbrume, où flottait dans l’air de part et d’autre une agréable odeur d’encens, sublimé par le calme régnant en ces lieux sacrés. Le doux silence était cependant quelque fois brisé par l’élévation de cantiques, ou par les échos des prières prononcées dans un murmure par les dévots disséminés ça et là. D’un point de vue artistique, le Temple était un sublime édifice, une véritable prouesse architecturale, bien loin des sobres sanctuaires parsemant ma province natale, qui tenaient plus de la chapelle que de l’église. Les solides colonnades de marbre soutenant la voûte de la basilique tenaient du travail de maître, tandis que les vitraux colorés, qui laissaient passer la chaleureuse clarté du jour et où étaient représentés les grandes scènes mythologiques du culte officiel, trahissaient par leur perfection le travail des plus éminents vitriers des siècles passés. Bien que d’ordinaire hermétique à la mystique, je ressentais au fond de moi la spiritualité émanant du lieu, chose qui m’était inexplicable.

Mais tu te demandes sans aucun doute, lecteur, ce que moi, Gyrès, comte de la Boétie, noble humaniste à l’esprit rationaliste (c’est-à-dire un « profane » dans le savant langage de la prêtrise) pouvait faire dans le Saint des Saints. Je dois avouer que je me suis de même posé maintes fois la question. A vrai dire, je venais ici pour honorer une promesse que j’avais faite à l’un de mes chers amis, Pierre de Lucain, gracieux poète mort il y a voilà peu de temps, emporté par une infection urinaire. Je venais lui rendre un dernier hommage en ces lieux, en déposant sur l’autel d’Anür, Déesse de la Vie et de la Mort, un simple denier, afin de payer son passage sur la barque des Enfers.

Tout compte fait, s’il y avait bien une divinité dont je souhaitais ardemment l’existence, c’était sans l’ombre d’un doute celle d'Anür la Magnificiente. Rikni était pour moi quelque peu louche ; Serus n’était qu’un faune lubrique ; mais la Grande Déesse, divinité de l’Amour et du Bonheur, comblait de ses grâces mon esprit. Elle avait toute ma sympathie, bien que je doute grandement, comme pour ses confrères, de sa capacité à agir en ce monde matériel.

« Me voilà à présent acquitté de mon devoir », me dis je en moi-même à cet instant. Il était temps que je quitte cet endroit qui n'était malgré tout que peu à ma convenance.

A moins que...


Dernière édition par Gyrès de Boétie le Dim 17 Juil 2022 - 8:39, édité 3 fois
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Joséphine de LéonFille d'Anür
Joséphine de Léon



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MessageSujet: Re: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyVen 10 Juin 2022 - 12:43
La majorité de ses consoeurs n'avaient pas à se plaindre de leur condition. La moitié était des prostituées qui avaient fuit l'insécurité des bas quartier. L'autre, des filles qui avaient embrassé cet ordre pour ne plus subir la famine et le froid. Pour toutes ces personnes être nourries, logées, soignées et protégées en échange d'un peu de volupté était tout à fait honnête. Elles qui n'avaient jamais été considérées étaient maintenant devenues des femmes de valeur. Après tout elles étaient vouées à porter les enfants d'Anür.

Joséphine n'était pas comme ces filles. Elle n'avait pas la prétention de se sentir supérieure à elles, mais elle était... différente. Jo' était bien née. Sa vie n'avait été qu'opulence. Elle n'était pas reconnaissante envers le Temple. Elle n'avait pas été sauvée. La jeune femme s'y sentait comme prisonnière. Son frère l'avait fait chanter pour qu'elle rejoigne les rangs de ces filles de joie. Les Gardiens des filles d'Anür lui avaient fait comprendre que si elle ne remplissait pas son devoir, ils se passeraient de ses services. Joséphine était donc dans un étau. Si elle n'était pas à la hauteur, elle serait renvoyée. Si elle n'était même pas capable d'être une fille de petite vertu, son frère Tristan serait fou de colère et de honte : il révèlerait alors au grand jour son secret. Elle n'avait donc pas le choix. Elle ne pouvait pas échouer. Peut-être qu'un jour elle s'y habituerait, peut-être prendrait-elle même du plaisir dans son travail. En attendant elle encaissait, en priant secrètement pour ne pas tomber enceinte. Joséphine ne voulait pas élever un enfant dans ce monde, pas dans ces conditions.

Joséphine regarda son reflet dans le miroir. Elle venait de finir de tresser ses cheveux en une large natte complexe, parsemée de fils dorés. La jeune femme portait une longue robe de soie d'une couleur bleu pâle sur laquelle étaient brodées des fleurs avec un fil d'un ton plus sombre. Cette couleur faisait ressortir ses yeux, mais ils n'étaient pas ce qui attirait le regard. Aujourd'hui, son décolleté plus que vertigineux serait tout ce que l'on retiendrait d'elle. Malgré la légèreté de sa tenue, Jo' se trouvait pour une fois assez jolie.

C'est alors qu'un messager entra précipitamment dans sa chambre pour lui annoncer que la Mère Gardienne avait requit sa présence dans les brefs délais dans le hall d'entrée du Temple. Le gosse était essoufflé il semblait avoir couru comme si c'était là sa seule raison de vivre. Ce qui n'était pas loin d'être le cas. Joséphine le remercia et lui proposa un verre d'eau et un biscuit avant qu'il ne reparte. Sans attendre la réponse du gamin, elle se dirigea sans attendre en direction du hall.

La Mère Gardienne l'attendait dans la vaste pièce, visiblement agacée que la pauvre fille ne soit pas arrivée en un claquement de doigts. Joséphine avait toujours trouvé Soeur Bérénice intimidante. Son regard était souvent glacial et elle ne l'avait jamais vue sourire. Elle était l'une des Gardiennes que la noble évitait avec précaution.

- Celui-là.

La prêtresse avait parlé d'un ton sec en désignant un homme du menton. Elle n'avait pas besoin d'être plus explicite. Soeur Bérénice prétendait qu'elle était capable de sentir le nobliau à trois lieues à la ronde. C'était le genre de proie - plus communément nommé bienfaiteur potentiel - qu'il ne fallait laisser filer sous aucun prétexte. Il fallait faire appel à la fille d'Anür adéquate, la première catin tout droit sortie du Goulot ne pouvant convenir. Encore jeune et jolie mais surtout de haute naissance, Joséphine avait été d'office toute désignée pour cette mission. Quoi de mieux qu'une fille de sang noble pour appâter un de ses congénères ?

Depuis qu'elle était devenue une fille d'Anür, elle n'avait jamais eu à prendre les devants. Les hommes étaient le plus souvent amenés directement dans sa chambre, déjà tout disposés à faire leur offrande. Voilà qui était différent. Sous le regard sévère de la Mère Gardienne, Joséphine allait devoir séduire. Elle n'était maintenant plus très chaste, mais n'avait aucune idée de comment faire ce genre de chose. La jeune femme ne put accorder beaucoup de temps à sa réflexion, l'homme avait déjà terminé sa prière et s'apprêtait à quitter le Temple sans demander son reste. Elle prit une grande inspiration pour se donner du courage et le rattrapa.

- Bien le bonjour, Messire.

Joséphine s'avisa que sa voix était moins assurée qu'elle ne l'aurait voulu. Elle était mortifiée de devoir faire ce genre de choses mais espéra que cela ne se verrait pas trop. La fille redoubla son sourire, pour compenser son malaise. Sous le regard de marbre des immenses statues des divinités, et sous celui encore plus glacial de la Mère Gardienne, qui l'observait de loin, elle continua d'une petite voix afin que seul son interlocuteur l'entende :

- Avant de partir si précipitamment, ne voulez-vous pas faire une dernière offrande aux Dieux ? Un bel homme comme vous ne peut pas s'en aller avant de profiter d'un moment de plaisir sous la bénédiction des Trois.

Elle aurait été tentée de lui toucher l'avant-bras. Elle avait vu sa consœur Cyrielle faire ce geste un jour. Mais sa proie était différente, et Joséphine craignait de le brusquer. Se mordant délicatement la lèvre inférieure, elle laissa plutôt courir les doigts de sa main droite le long de son décolleté pour y attirer le regard de l'inconnu. Son geste demeurait cependant assez chaste. Après tout ils étaient encore dans un lieu de prière, un peu de retenue était donc de mise. Elle lui offrit un large sourire, priant intérieurement pour qu'il ne tourne pas les talons.
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Gyrès de BoétieComte
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MessageSujet: Re: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyMer 29 Juin 2022 - 17:18
Alors que j’achevais mon saint office et que je m’apprêtais à quitter ces lieux bien trop souillés par ma présence profanatrice, une voix survenant de mon côté m’obligea à tourner les talons, coupant court à ma fuite. Me retournant en maugréant pour moi-même, car j’espérais fuir sans être vu par une quelconque rébarbative connaissance de moi-même, je fus agréablement surpris en découvrant l’identité de l’interpellante. Il s’agissait d’un fort joli brin de fille à la flamboyante chevelure rousse, dont la poitrine saillante s’offrait à la vue de tous par l’entremise d’un décolleté plongeant. D’abord ravi dans un premier temps par cette inopinée et heureuse rencontre, je ravisais aussitôt mon enthousiasme, me montrant circonspect : que me voulait donc cette drôlesse ? Car femme avenante est souvent synonyme de combine débitante ; et je n’avais guère l’envie d’être le pigeon plumé de cette étrange farce.

Ma réticence était fondé, au vu des propos que me tint l’avenante ; mais j’étais on ne peut plus hébété par sa proposition. Usant de ses charmes naturelles, la séductrice tentait de m’aguicher, ici, en plein Temple, pour que nous nous ventrouillions, sous couvert d’un don aux Trois ! Quelle était donc que ce mélange bâtard, à mi-chemin entre une prêtresse et une catin ?

L’avance était ma foi séduisante, car la belle n’était point vilaine, mais j’avais néanmoins passé l’âge fougueux de mes jeunes années à fréquenter des bordels. Il m’était même désobligeant de devoir payer pour passer un échange plaisant avec une dame, car là n’était point dans ma manière de considérer l’union amoureuse. Mais, par-delà ma réticence évidente, je constatais que la pauvresse ne semblait elle-même que peu convaincue par ses dires ; elle était loin d’avoir la confiance des habituées du métier. Ma conscience me soufflait que quelque chose d’étrange se tramait, au vu de la tension palpable entre nous ; il me semblait même apercevoir quelques délicates gouttes de sueurs glisser le long des tempes de la prêtresse aguicheuse. Tout en balbutiant quelques mots à l’égard de cette dernière, je balayais d’un œil vif la vaste salle du sanctuaire, sentant le poids pesant d’un regard étranger sur nous deux. Il ne me fallut guère plus que quelques secondes pour trouver la personne à qui appartenait ces yeux obtus : une mégère à l’air froid et à la tête de crapaud, vêtit comme une nonne, se tenait non loin de là, adossée à l’un des piliers du sanctuaire.

Je compris ainsi instantanément la supercherie lorsque j’aperçus la vieille peau : la jolie rousse était sous l’emprise d’une bien détonante maquerelle camouflée sous des habits de bonne sœur. Que signifiait pareille combine ? Depuis quand les filles de joie opéraient-elles au sein même du Temple des Trois ?
La pauvrette ne semblait d’ailleurs pas être une de ces gueuses courant le port ou le Goulot ; ses habits, sa manière de s’exprimer, qui était bien loin du patois rugueux et poissard des catins-à-marins, ainsi que la blancheur de son opulente poitrine étaient tant d’éléments qui trahissaient de manière évidente sa noble condition. Comment fille de si haute naissance avait elle pu se retrouver à pratiquer pareil métier ?

Connaissant le sort réservé par les maquerelles à leurs « filles » qui ne rapportent pas suffisamment de sesterces une fois la journée bouclée, ma nature empathique prit le dessus sur mon envie de me dépareiller de cette peu plaisante situation en refusant les avances de la belle et en traçant ma route loin de ces lieux dont la nature sacrée semblait s’être sérieusement dégradée ; ainsi, bien que je m’en mordis les lèvres, il me prit l’envie de jouer le jeu, du moins le temps d’échapper aux yeux de vipères de la bonne sœur aux mœurs douteuses, afin d’éviter à la belle rousse moult sévices infligés par la vieille acariâtre.

« Il me plairait volontiers de profiter de la grâce d’Anür en votre compagnie, très chère. Serait-il possible d’accomplir cette aumône en un lieu plus… intime ? » dis-je, grimaçant, d’un ton peu assuré.
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Joséphine de LéonFille d'Anür
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MessageSujet: Re: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyVen 1 Juil 2022 - 11:21
Lorsqu'elle était arrivée à Marbrume quelques années plus tôt, Joséphine s'était de suite sentie à l'aise dans le Temple. Avant le Fléau, elle n'avait pas été un modèle de piété, et ne l'était d'ailleurs toujours pas. Mais l'immensité du Temple de la Trinité avait quelque chose de rassurant. C'était comme si ces anciennes pierres pouvaient retenir la folie du monde et celle des hommes. Comme si les préoccupations de l'extérieur n'avaient plus lieu d'être. Comme si, dans ces murs, rien ne pouvait l'atteindre. Elle se sentait protégée de tout, c'était sans doutes la raison pour laquelle elle avait pris l'habitude de s'y rendre aussi souvent.

Seulement depuis quelques mois, la vision que Jo' avait du Temple avait changée. S'il demeurait un havre de paix pour la plupart des gens, il ne l'était pas pour une fille d'Anür. La jeune femme savait que maintenant, elle ne valait pas plus qu'un bout de viande qu'on agiterait sous le nez d'une meute de chiens. Elle avait pourtant eu l'habitude de vivre sous le joug des hommes, elle qui n'avait longtemps existé que pour satisfaire la recherche de pouvoir de son paternel. Les laisser disposer de son corps était différent.

Et pourtant elle se trouvait là, à devoir séduire un homme sous le regard sévère de Soeur Bérénice. Elle avait l'impression d'être évaluée et qu'elle ne devait pas échouer. L'homme la regardait, semblant hésitant. Il la détaillait de la tête aux pieds et elle s'efforça de ne pas perdre le peu d'aplomb qu'elle avait. Peut-être ne la trouvait-il pas à son goût ?

A son grand soulagement, l'homme accepta sa proposition. Il ne semblait pas très emballé, mais la fille d'Anür ne s'en offusqua pas, trop rassurée de ne pas faire face à un échec. Joséphine culpabilisa un peu : elle avait comme l'impression de le prendre au piège. Puis elle se ravisa : elle ne l'obligeait en rien et s'il se montrait hésitant de prime abord, elle ne doutait pas qu'il changerait rapidement d'avis dans l'intimité. Et si vraiment elle ne lui plaisait pas, il n'aurait qu'à imaginer quelqu'un d'autre sous ses assauts.

- Venez avec moi Messire ! dit-elle d'une voix chaleureuse.

Elle prit la main de l'homme pour l'entrainer hors de la grande salle. Sa paume dans la sienne, leurs doigts s'entremêlant, elle s'avisa que la main du noble était grande et douce. Croisant le regard de Soeur Bérénice, celle-ci lui adressa un imperceptible hochement de tête entendu que Joséphine ignora volontairement. Au moins, elle ne serait pas renvoyée aujourd'hui. Avant de laisser l'occasion à l'homme de changer d'avis, elle l'emmena gaiement dans l'aile des Filles d'Anür qui se situait non loin d'où ils s'étaient rencontrés. La bouche sèche, elle ne rompit pas le silence durant leur court trajet.

Ouvrant une porte en bois, elle le fit entrer dans ses appartements. L'endroit n'était pas immense mais l'ameublement était assez luxueux et chaleureux. Au milieu de la pièce trônait un imposant lit baldaquin recouvert de draps bleus. Sur le côté, l'âtre diffusait une douce chaleur face à deux canapés de velours pourpre et un guéridon remplit d'un plateau de petits gâteaux et d'un service à thé. Joséphine avait aménagé un secrétaire contre le mur opposé, non loin duquel était dressé un joli paravent dissimulant l'espace où elle faisait sa toilette mais où la baignoire pouvait aussi servir à d'autres activités... Enfin, d'épais rideaux participaient à rendre l'endroit assez intimiste et différents tapis couvraient en partie le sol de pierre.

La jeune femme referma la porte derrière eux puis se tourna vers son invité :

- Dites moi Messire, quel genre de plaisir recherchez-vous exactement ?

Elle se rapprocha de lui avec un air malicieux en même temps qu'elle parlait. Plus à l'aise maintenant qu'elle n'était plus sous l'œil vigilant d'une Mère Gardienne, la rousse se sentait un peu plus audacieuse, d'autant plus qu'elle savait que l'homme face à elle avait accepté sa compagnie. Brisant le peu de distance qui les séparaient, elle se retrouva à quelques centimètres du noble et posa une petite main sur son torse dans une moue aguicheuse, attendant qu'il lui avoue ce qui rythmait ses plus intimes désirs.
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MessageSujet: Re: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyVen 1 Juil 2022 - 14:27
La mine réjouie et soulagée qui apparut sur le visage de la belle une fois que j’eus acquiescé à sa proposition ne manqua pas de me conforter dans le choix que j’avais effectué. Je n’eus guère le temps d’articuler le moindre mot que déjà la jolie rousse m’embarquait, glissant sa douce et gracieuse main dans mon dextre, pour tirer ma silhouette mécréante hors du sanctuaire d’Anür la Grande.

Passant tous deux non loin de la nonne-maquerelle, je remarquais d’un peu plus près le visage hideux de la bonne sœur. Il y avait de ces gens dans le vaste monde dont le visage était marqué par la méchanceté : plus ils vieillissaient, et plus l’animosité qu’ils portaient vis-à-vis du genre humain déformaient un peu plus les traits de leur faciès antipathique. L’aigreur et l’amertume se lisaient dans le regard de la vieille chouette ; qui sait s’il ne se cachait pas auparavant dans ce laideron une jolie et belle femme, transformée par la malfaisance et la hargne qui la rongeait en abominable crapaud ?

Perdu dans mes constatations, je ne prêtais aucunement attention au chemin que nous parcourions. Absorbé par ma médisance, mais aussi envoûté par la démarche séduisante de mon accompagnatrice (dont notamment le mouvement si particulier de ses hanches voluptueuses), je ne remarquais pas qu’au lieu de sortir du Temple pour accomplir nos péchés de chair, nous nous enfoncions un peu plus en son sein. Qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque la belle m’accueillit en une chambre, qui devait être la sienne, située en plein cœur de l’auguste basilique ! La chambrée était bien loin de souffrir la comparaison avec la sobriété glauque des chambres de religieuse ; si l’on ne pouvait décemment pas la qualifier de « luxueuse », l’attention qui était portée au bon soin de la pièce contrastait grandement avec l’austérité des saints lieux. Son aménagement si particulier et si raffiné trahissait un peu plus l’origine élitiste de son occupante.

Une fois la porte en bois refermé, nous coupant définitivement du monde extérieur, l’aguicheuse revint vers moi, usant d’une voix charmeuse et d’un rapprochement physique fort plaisant. Elle m’interrogeait sur la manière dont elle voulait que nous accomplissions nos péchés amoureux, ce qui ne manqua pas, il est vrai, de me faire rougir davantage. La tentation était grande ; l’espace d’un instant, j’étais prêt à oublier tous mes nobles principes pour profiter d’un moment charnel et réjouissant avec la séductrice. Par les Trois, que je rêvais en l’instant de la dévêtir, et de lui faire l’amour sur ce lit en baldaquin qui n’attendait que de nous voir accomplir nos basses œuvres sur ses lattes !

Mais, néanmoins, fidèle à mes principes, je n’en fis rien. « Ce qui sépare l’homme de l’animal, c’est la conscience », comme disent les grands maîtres philosophes. Et je n’allais point laisser mes pulsions bestiales prendre le dessus sur mon esprit savant ; profiter ainsi d’une fille forcé par la contrainte était indigne de toute personne se prétendant aimante du genre humain. D'autant plus que j'avais quelques questions ma foi bien plus importante à poser.

Ainsi, d’un simple et doux geste de la main, je rejetais la main enjôleuse que la dame galante avait apposée sur mon torse, parcourant le haut de mon corps de ses doigts fins.

« Ma Dame, je mentirais si je disais que je n’étais point sous votre charme, et que je ne vous trouvais point attirante ; il me faut avouer que vous êtes une fort jolie rose. Néanmoins, il me faut vous détromper sur mes intentions : je ne vous ait point laissé m’attirer jusqu’ici pour jouer à la bête à deux dos avec vous, en tout cas, pas en ces circonstances, car je ne goûte guère à l’union charnelle se traduisant par un échange de bon procédés .

Fouillant entre mes riches étoffes, j’en ressortis une bourse fort légère, dont je retirais une quantité non négligeable de deniers que je déposais soigneusement et consciencieusement dans mon autre main.

« Cela suffit-il pour payer vos services », questionnais-je, en toute probité, la fille publique.

Sans attendre sa réponse, j’enchainais immédiatement sur une autre question qui me taraudait l’esprit :

« D’autre part, pendant que votre horrible maquerelle pense que nous sommes entrain de nous ventrouiller, que diriez vous de discuter un peu ? M’étant attaché vos services pour un moment, je préfère user de ce temps chèrement acquis en une aimable conversation ».

Tout en disant ces mots, j’avais gracieusement posé mon séant sur le rebord du lit à baldaquin, invitant d’une légère tape sur les épais draps du matelas la jolie rousse à faire de même.

« Car, voyez-vous », repris-je d’une voix aimable et rassurante, « je suis d’une nature quelque peu curieuse, et peut-être pourriez vous m’expliquer comment en êtes vous arrivé là, vous une dame de la haute société langroise. Et que signifie cette sinistre entreprise de prostitution ayant cours au sein même du Temple ? »


Dernière édition par Gyrès de Boétie le Dim 17 Juil 2022 - 9:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyDim 3 Juil 2022 - 20:42
L'homme saisit doucement la main de Joséphine pour rompre le contact qu'elle avait initié. Non pour en déplaire à la rousse, elle en fut tout de même déstabilisée : la fille d'Anür n'était pas habituée à ce qu'un homme la repousse. D'autant plus lorsque l'homme en question avait accepté de la suivre jusqu'à sa chambre. Elle leva alors sur lui un simple regard interrogateur. Que pouvait-il bien attendre d'elle, si ce n'était son corps qu'elle lui offrait ?

La tête légèrement inclinée sur le côté, elle écouta la justification du noble sur son comportement. Ainsi donc ne voulait-il réellement pas profiter de ses services. Joséphine ne s'en offusqua pas. A dire vrai, cela l'arrangeait plutôt. Non pas que l'homme face à elle soit vilain, bien au contraire il fallait même lui reconnaître un certain charme ; cela étant ce n'était pas tous les jours qu'elle avait l'occasion d'éviter des ébats dans lesquels elle ne prenait jamais de plaisir.

La curiosité de la belle fut tout de même piquée à vif. Pourquoi l'avait-il suivie jusqu'ici dans ce cas ? Avant qu'elle n'ait l'occasion de lui poser la question, elle vit l'inconnu sortir minutieusement une copieuse somme de sa bourse en lui demandant si cela serait suffisant. Joséphine hocha la tête en fronçant légèrement les sourcils, se demandant où il comptait en venir. Décidément, songea-t-elle en regardant l'argent mis en évidence, soeur Bérénice ne s'était pas trompée à son sujet : le noble était bien un gros poisson.

En parlant de cette morue, la jeune femme retint un sourire amusé lorsqu'il la qualifia d'"horrible maquerelle". Il n'était pas si loin de la vérité. Joséphine saisit que l'homme devait être un fin observateur, pour avoir fait le lien entre les deux femmes en quelques instants. La gardienne n'était certes pas réputée pour sa discrétion mais l'exploit était tout de même notable. Alors la rouquine comprit : le noble avait certainement voulu lui éviter une situation délicate. C'était la seule raison qu'elle voyait à son geste. Elle se retint de le remercier, cela n'aurait fait que prouver qu'elle avait effectivement été en détresse face à la soeur pourvoyeuse. La rouquine le dévisagea, à la fois reconnaissante et en proie à l'incompréhension. Voilà qu'au lieu de profiter de cette situation, il voulait parler ? Eh bien, voilà un homme qui sortait de l'ordinaire.

- C'est vous qui payez, après tout, répondit-elle joyeusement en haussant les épaules dans un geste désinvolte.

Elle lui adressa un sourire malicieux et alla s'asseoir à côté de lui sur le lit, comme il le lui indiquait. Si elle n'appréciait guère la façon dont il parlait de son ordre, elle ne le montra pas. Être assimilée à une vulgaire catin des bas fonds avait quelque chose de dérangeant pour elle même si la vérité n'en était pas si éloignée. Au fond d'elle-même, Joséphine savait que les filles d'Anür étaient des prostituées qui exerçaient sous le couvert de la religion. Se définir comme telle n'était en revanche pas si facile pour la noble. Elle avait parfois du mal à croire que son existence avait réellement basculée irrémédiablement dans de si sombres abysses.

- N'aviez-vous jamais entendu parler des Filles d'Anür, Messire ? questionna-t-elle pour toute réponse à l'interrogation du noble.

La jeune femme replaça une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille et croisa ses mains sur ses genoux en contemplant l'homme d'un air amusé. Elle ne s'étonna pas qu'il ait deviné qu'elle était de sang noble, après tout elle ne faisait rien pour s'en cacher. Joséphine n'avait pas le souvenir de l'avoir déjà croisé sur l'Esplanade, ce qui l'arrangeait bien. Elle n'aimait pas avoir à faire à des hommes qui avaient connu celle qu'elle avait été autrefois. C'était toujours gênant pour elle : désormais elle était très loin de l'image de la docile et chaste fille d'un vicomte. Cherchant ses mots un instant pour qu'ils sonnent le plus clair possible, la fille d'Anür continua :

- Les instances du Temple ont pris l'initiative de créer cet ordre voilà peu. L'on dit que l'objectif n'y est point la prostitution Messire, avança-t-elle prudemment. Le dessein serait plutôt d'aider à repeupler Marbrume suite aux terribles pertes dues à la Fange, voyez-vous...

Joséphine n'était pas très à l'aise sur ce sujet de conversation, n'étant elle-même que peu convaincue par les dires officiels. Assez d'orphelins crevaient de faim dans les rues du Goulot sans que personne ne lève le petit doigt. Selon Joséphine, ç'aurait été ces vies là qu'il aurait fallut sauver en priorité, plutôt que de chercher à en créer de nouvelles qui seraient vouées à un destin encore flou aux yeux de tous. Mais la jeune femme devait fidélité à son ordre et ne l'aurait jamais décrié, encore moins face à un inconnu. Raison pour laquelle elle enchaina d'un ton convaincu :

- Ici vous ne payez pas des services : vous faites une offrande aux Dieux. Les filles présentes ici le sont de leur plein gré, et sont d'ailleurs considérées comme sacrées par le Temple. Nous accomplissons la volonté d'Anür afin de porter le fruit du renouveau.
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Gyrès de BoétieComte
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MessageSujet: Re: La sainte fille publique   La sainte fille publique EmptyDim 17 Juil 2022 - 9:08
Je détectais dans l’iris de la belle une trace d’amusement, intriguée qu’elle était par les fins talents d’observateur dont je me targue volontiers. Lorsqu’elle vint s’asseoir à mes côtés sur les draps brodés et parfumés du lit à baldaquin, je pu contempler davantage les traits de sn joli minois, plongeant mon regard dans ses beaux yeux bleus d’un azur envoûtant. Une part de moi-même regrettait désormais d’avoir ainsi lâchée une aussi coquette somme, qui représentait une grande part de mes économies, sans pouvoir profiter de l’ensemble des services allouées par la séductrice. La belle ne pouvait se douter que, afin d’échanger quelques palabres avec elle, je m’étais volontairement mis sur la paille. Que la peste emporte ma bonté d’âme ! Ce n’est pas avec elle que je payerais mes créanciers.

Néanmoins, j’évacuais ces sombres et tourmentantes pensées de mon génial esprit pour ne point être perturbé en cet instant privilégié en si plaisante compagnie.

Lorsque la belle rousse me confia qu’elle était liée corps et âme à l’étrange congrégation des dénommées filles d’Anür, je ne pus retenir une moue interloquée, car je n’avais point idée de ce que pouvait être pareille corporation.

« Pardonnez mon ignorance, très chère, qui est dû à mon caractère un brin casanier. Voyez-vous, je ne sors qu’occasionnellement de ma modeste demeure, juchée là-haut sur l’Esplanade, et il ne m’arrive que très rarement de m’aventurer dans la ville basse. Je ne m’attarde que peu en pareils lieux. Mais éduquez-moi, je vous prie », la priais-je d’un geste avenant.

D’une voix prudente mais peu convaincue, la sainte fille publique me conta à quel génial dessein étaient desservit ses offices, me récitant doctement les litanies du Temple, même si elle-même n’en croyait point un traître mot, au vu de son ton réservé et peu enthousiasmé. L’étrange alliage qu’il y avait entre la mesure apparente de ses propos et le ton ironique sous-jacent dans sa voix témoignaient d’une certaine habileté de parolière ; je n’avais point affaire à une fille sotte, comme je l’avais précédemment décelé. J’étais néanmoins hébété et excédé par ses dires sur les fonctions desdites filles d’Anür : labelisées et légalisées sous le couvert de l’eau bénite, le Temple avait mis à disposition des plus nantis de cette indolente cité des filles de joies parfumées d’encens. Je ne voyais peu en quoi pareille affaire avait à voir avec la religion des Trois, dont la doctrine était si prompte à condamner l’hédonisme, prônant au contraire la rigueur chaste des mœurs. Il y avait là étonnante et intrigante manigance, ma foi fort paradoxale.

Je tâchais alors de rassurer la jolie rousse sur mes nobles intentions et sur ma nature peu dupe. Elle-même ne semblait que peu à l’aise avec le discours officiel, et je sentais qu’une certaine tension émanait de ses traits crispés.

« Chassez donc ces faux semblants, ma mie, dis-je tout en apposant doucement ma main près de la sienne, car ni vous ni moi ne sommes crédules. Le Temple, pourtant autoproclamé gardiens de la bonne morale, s’est fait marchand de chair humaine, et vous en êtes une des victimes. Car je ne crois guère que vous vous êtes, de votre propre gré, engagée dans pareille voie obscure ? », concluais-je d’un ton doucereux.
J’exultais intérieurement de colère face aux procédés malfaisants dont usait désormais ouvertement le Clergé, et dont je n’étais point au courant, moi, pauvre imbécile heureux. Bien que n’étant que peu religieux, ayant toujours suspecté derrière les psalmodies bienheureuses des prêtres un double discours contradictoire et peu probe, je ne m’attendais guère à telle outrecuidante machination.

« Puisse le fruit être béni sous le regard d’Anür ; puisse Serus ouvrir les ouvertures cloisonnées », récitais-je dans un murmure sarcastistique pour moi-même, reprenant les paroles des Saintes écritures auxquelles la sainte fille avait fait allusion.

« Pardonnez mon impolitesse, me repris-je de fait d’une voix galante, mais je ne me suis point présenté à vous. Et j’ose me prétendre gentilhomme ! Je me dénomme Gyrès, comte de la Boétie, lointain paysage à des lieues de la funeste atmosphère du Morguestanc. A qui ais-je le plaisir de m’adresser ? »


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