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 Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison

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MessageSujet: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptySam 11 Juin 2022 - 9:20
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Un clair-obscur sous l'œil des dieux | DECEMBRE 1166

La clepsydre se vidait, et avec elle apparaissaient les premiers émois du crépuscule. Euryale se leva, quittant le banc de prières ; prières feintes au demeurant, cependant la dame de Malefreux avait pris l’habitude de venir hanter ces lieux sacrés de façon hebdomadaire. Cherchait-elle une forme de paix intérieure, ou simplement une réconciliation avec cette Trinité que son âme honnissait ? Nul n’aurait su soupçonner les méandres de ces élucubrations qui s’entortillaient sous son crâne penché. Ainsi opérait-elle donc, se forçant à quitter la solitude du vieil hôtel de ses aïeux pour se perdre en ce lieu, vers la fin de journée, à l’heure où le grand hall se vidait, ses murmures fervents s’étiolant avec le départ de ses fidèles. Une brève génuflexion, une gifle de sa dextre sur le tissu de son sombre bliaud pour en défroisser le pli, et elle prit malgré tout le temps de faire le tour de la vaste bâtisse. Son ombre élancée sinuait sous les vitraux enchâssés de plomb, laissant dans son sillage le froufrou discret de sa vêture. Sous les feux obliques d’un soleil couchant, leurs toiles de verre gravées d’enluminures, certes fanées avec le Temps mais encore vivaces, donnaient l’illusion qu’un champ de fleurs s’étendait à ses pieds. Front bas alourdi du poids de ses pensées parasites, la veuve Montecler se laissa porter par elles, jetant parfois un bref coup d’œil aux statues monumentales des Trois lorsqu’elle passait devant eux.

Sa muette contribution consommée, Euryale contourna les rangées de bancs, sa senestre effleurant les dossiers au bois patiné, son regard sautillant sur les cierges coiffés de leur flamme. Jusqu’à ce que, dans un soupir contraint, elle décide de déserter les lieux hantés par les prémices nocturnes pour affronter les frimas de l'hiver.

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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyLun 13 Juin 2022 - 18:50
Léonice ne venait jamais vraiment pour prier. Il y avait tout un art dans l´aspect de se montrer, de se laisser écouter et de dialoguer avec tous les types de personnes qui osaient se montrer en ces lieux sacrés aux heures de grand monde. La baronne butinait des interactions comme le papillon social aux cheveux flamboyants qu´elle se trouvait être ; il y avait pourtant, au milieu de tout ça, des journées étranges qu´elle passait, presque studieuse, à suivre des airs silencieux qui la guidaient comme autant d´échos. L´hiver se renforçait de son manteau de gel et de fraicheur, forçant la couverture plus importante et la fourrure contre la cape ; mais cela ne la gênait pas. Le confort relatif de son domaine lui permettait de ne jamais souffrir trop longtemps des aléas du temps et des températures, les gens lui rappelaient sans cesse tout le mal qu´il pouvait y avoir à rester clôturés derrière des murs.

Sa crinière libre dans un espace qui lui appartenait, Léonice s´était trouvée à ne pas tant trouver d´attrait aux discussions. Son errance la porta sur les bancs de prière, là où les plis se forçaient à sa robe bleu ciel et aux ses doigts se raidissaient lors des signes propres à cet état. La dame pria moins qu´elle n´observa les statues comme les vitraux, le regard perdu dans une mer de songe, le menton parfois trop relevé pour la tradition de tels lieux. Quand son front se penchait, son visage disparaissait sous une pluie de boucles orange presque audacieuses ; elle ne sut s´il s´agissait de l´hiver ou d´un souhait exaucé, mais jamais la baronne ne fut dérangée lors de cet après-midi qui déclinait progressivement en soirée. Un engourdissement à ses jambes la rappela à une réalité qu´elle crut éloignée ; de drôles de spectres aliénaient sa vision lorsque son regard glissait contre les ombres creusées aux bords du Temple. On les aurait dit grignotant la pierre de leurs petites dents invisibles, aux murmures effrayants ou charmeurs. La rêverie se conclut pas un souffle nasal et un redressement désharmonieux ; Léonice avait mal aux jambes d´avoir été si longuement assise. Elle passa par le côté où la fixait Rikni de sa hauteur serpentine ; l´habitude et le poids des obsessions d´Hector la firent s´incliner, quelques secondes avant qu´un sourire mutin ne se devine sur les lèvres roses de la veuve ; voilà bien quelque chose qu´elle appliquait sans se retirer de l´esprit que cela touchait au ridicule, mais les croyances , bien qu´atténuées de la belle, la rendait prudente dans son territoire moral et mental.

Elle ne se rendit aucunement compte qu´une ombre s´était avancée à son extrême parallèle ; sa remarque se fit au près d´un soupir mêlé, puisque les deux femmes s´exprimèrent de la même façon sans se noter, faisant lever le regard à Léonice dans une surprise non feinte.

« Par délicatesse, j´attribuerai un tel soupir à l´embarras de devoir quitter d´aussi Saints lieux, Madame…»

Léonice s´était spontanément arrêtée, profitant du vide qui leur soufflait autant que l´hiver pour y déclarer son trait d´humour. Levant la tête sans se montrer particulièrement indécente, elle s´inclina toutefois légèrement ; la femme face à elle n´avait rien du quidam facilement rencontrable au détour du Temple ; il y avait même quelque chose de presque impérieux dans ce regard acier ; Léonice n´eut pas honte de réaliser qu´elle se sentait légèrement impressionnée. Elle ne se départit cependant pas de sourire son sourire amusé, laissant l´occasion à son interlocutrice de réagir de la manière dont elle le souhaitait sans se sentir obligée de converser.











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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMar 14 Juin 2022 - 17:39
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Un clair-obscur sous l'œil des dieux | DECEMBRE 1166

Tout aussi surprise d’être ainsi appréhendée dans un soupir qui traduisait autant son ennui que sa contrariété, Euryale interrompit cet élan qui la poussait vers les portes du Temple, béant sur le paysage hivernal balayé d’une brise aux effluves iodés. Ses pieds chaussés de bottines de cuir s’ancrèrent au sol, avant de pivoter vers la créature à la rubescente chevelure. Sa propre tignasse d’un noir charbonneux aux discrets reflets bleutés était enchâssée dans une unique et épaisse tresse qui avait trouvé refuge au sommet de son crâne. L’on pouvait apercevoir l’esquisse ophidienne jouer à cache-cache avec le voile noir qui en celait le strict édifice, ce dernier retenu par un cercle d’argent ciselé pesant sur son front pâle et bombé, et que hantait un cortège de corbeaux artistement sculptés en filigrane.

La repartie de la dame aux cheveux de feu, mâtinée d’une pointe d’humour, eut l’heur’ de soutirer un rictus pincé, empreint de réserve, sur les lèvres de la dame de Malefreux.

- … Et par délicatesse, je répondrai que ma grand-mère avait pour habitude de dire : « Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire. » A savoir si cela doit s’appliquer à moi. Ou à vous. Là réside le mystère.

La riposte diplomate au trait d’humour de Léonice était là, malgré le côté pince-sans-rire qui émanait de ces sentences lâchées sur un ton lent, grave, aux prosodies aussi mélodieuses que le permettaient les éraflures qui harcelaient ses cordes vocales. Un contraste déroutant face à ces nuances en clair-obscur qu’offrait son faciès de lys, auréolé de la tranchante obsidienne de sa crinière maîtrisée. Euryale laissa filer une poignée de secondes avant de s’incliner à son tour, jouant de politesse en déclinant une partie de son identité. Sans doute trouvait-elle peu utile de dérouler par le menu son appartenance à la noblesse, aussi modeste fut-elle.

- Euryale Montecler, Madame.

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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyVen 17 Juin 2022 - 10:36
Il y avait toujours une attente des premiers mots, des premiers éclats qui résonneraient au travers des lèvres voisines lorsque Léonice s´adressait à quelqu´un. Elle se demandait le ton, la prestance, des choses qui pouvaient à la fois briser un début d´appréciation comme au contraire lui donnait une saveur plus exquise. Léonice ne savait pas à quoi s´attendre mais possédait déjà une idée arrêtée sur quelques possibilités ; mais voir son trait d´humour répondu avec ce genre de voix manqua de la faire rougir de surprise. Bénit soit la pénombre qui camoufla les changements de pigmentations sur les joues blanches de la baronne aux cheveux de feu, elle ne fut ainsi pas obligée de changer d´angle de vue pour se dissimuler au regard acier de son interlocutrice.

« Peut-être laissera-t-on aux ombres le bénéfice du doute. Les mystères ne perdent-ils pas en saveur une fois résolus ?»

La conversation filait sur les présentations. Léonice était peu souvent troublée par de quelconques déconvenues ; mais ici, elle aurait été prête à parier que la dame aux cheveux d´ébène appartenaient à la haute noblesse. Quelque chose dans le ton, dans la tenue, dans cette manière qu´elle avait eu de soupirer une âme distraite par son temps, ancien comme présent. Loin de s´imaginer la supercherie, peut-être que la fatigue l´empêchait de deviner une évidence ; beaucoup de riches bourgeoises possédaient les mêmes atours que les bien-nées.

« Léonice de Raison. Je suis tout de même navrée d´avoir ainsi interrompu votre visite.»

Navrée, navrée, il fallait le dire rapidement ; il y avait bien un léger sourire en coin qui trahissait tout le plaisir qu´avait Léonice à, en vérité, ainsi interrompre par curiosité une femme de peut-être quelques années son aînée. Euryale dégageait quelque chose de particulier ; en plus de l´amusante coïncidence qui avait lié leur respiration, chose que l´on ne dégageait pourtant qu´en étant persuadé d´être seul. La baronne leva la tête pour croiser le regard d´une statue des Trois. Si elle cacha son léger mépris de l´instant, elle laissa glisser ses yeux avec une certaine lassitude avant d´en revenir à l´acier d´Euryale.

« Mais si votre humeur et votre temps le permettent, peut-être puis-je vous proposer ma compagnie», sourit la baronne sans aucun regard pour la supposée naissance d´Euryale.











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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyVen 17 Juin 2022 - 16:50
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Un clair-obscur sous l'œil des dieux | DECEMBRE 1166

Et l’échange insolite de se poursuivre, escorté d’un éclat sonore d’escarbilles échappées de quelque bougie souffreteuse. Noyé dans le flot lumineux, faseyant, de ses consœurs, le misérable rejeton de cire jetait son halo ocré sur la queue écailleuse de l’impressionnante statue d’Anür. Un coup d’œil vers la crachotante flamme, et Euryale hasarda un pas supplémentaire vers la jeune femme dont elle ne devinait les traits que par le hasard d’un jeu d’ombres avides et de lumières avares. A cette approche, le voile noir occultant toute indiscrétion sur sa crinière s’irisa de délicates vaguelettes. Son propre profil se vit harcelé de ces auras discrètes, dont les reflets fleurdelisaient d’or la surface orageuse de ses iris braqués sur Léonice.

- Tout dépend de leur saveur. décocha-t-elle dans un hochement de tête entendu, tout en entrelaçant ses doigts devant elle.

Et celle de son propre mystère, qui avait provoqué ce soupir aussi indiscret qu’opiniâtre, avait un goût de cendres. Les échos de pas tintinnabulant à portée d’ouïe bornaient parfois le silence de leurs réflexions communes. Sans doute s’agissait-il des silhouettes esseulées de quelque âme de cette congrégation religieuse qui sévissait entre les hautes colonnades du Temple.

- Vous n’avez rien interrompu, madame. J’en avais terminé. Elle marqua une pause, ses prunelles sautillant sur les rares détails discernables de ce visage griffé par le foisonnement de ces boucles affolantes d’un roux orangé, solaire. Le sourire scellé à ses lippes gourmandes, cette dernière semblait visiblement amusée par la situation cocasse de leur rencontre. Le temps, je l’ai. reprit-elle alors, laconique, comme souvent. Et si j’écoute mon humeur-… non, je n'en ferai rien. Votre compagnie est bienvenue, madame.

Cet effort de sociabilisation, elle le travaillait depuis son retour à Marbrume. Et surtout depuis cette rencontre avec la milicienne Claire, une rencontre hasardeuse, dans ce même lieu sacré soumis aux gifles d'une pluie tenace, qui l’avait bousculée dans ses retranchements et l'avait obligée à mettre un peu d’eau dans le vin trop âpre de son caractère distant. Et distrait.

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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptySam 18 Juin 2022 - 13:43
Léonice basculait sa tête sur le côté, comme soumise au poids d´une idée amusante qui ressortait dans son regard bleuté. Voyant le pas fait en sa direction, la baronne singea le geste afin qu´elles puissent correctement s´observer ; c´était aussi sa manière de montrer toute la sympathie qu´elle avait pour l´échange, la jeune femme étant en appétit d´interaction. Peut-être ne se serait-elle pas montré aussi entreprenante si Euryale ne lui avait pas fait cette si particulière impression ; elle lui donnait l´impression de rencontrer un opposé presque immédiat et pourtant, quelque chose poussait Léonice à s´intéresser à sa compagne, quand bien même n´était-elle pas de sang bleu. La baronne entendit la remarque qui n´appelait pas vraiment de réponse ; son sourire pour seul témoin, elle se tenait le dos droit en laissant le tissu de ses manches recouvrir ses poignets. Les mains jointes au niveau de son bassin, Léonice attendit qu´Euryale accepte ou non sa proposition ; il était rare que la Raison soit confrontée à de tels refus, mais en l´absence de témoin elle n´en tiendrait rigueur à personne ; si la plupart des visiteurs venaient en partie pour se faire voir, Léonice ne formant pas une exception, une fois que la nuit commençait à poindre de son éclairage d´albâtre c´était comme si toutes les règles changeaient dans un monde qui en possédait bien peu. Le sourire de la belle se réaffirma une fois son invitation acceptée ; une main distraite passa à ses lèvres dans une fausse tentative de camoufler son sourire.

« Parfait, dans ce cas, je vous invite à me suivre non loin des petites alcôves où les scriptes travaillent la plupart du temps. Il y a quelques petits salons que l´on peut utiliser en présence de cheminée, je pourrais nous y faire un peu de thé.»

S´inclinant par habitude, Léonice redressait un peu sa coiffure en lissant une mèche rebelle à son oreille. L´hiver ne rendait pas la tenue de ses cheveux plus simple, malgré les compétences de la baronne pour mater cette cascade de boucles qu´elle aimait autant que cela ne l´agaçait. Entre capuchons, bonnets et capes, il lui était pourtant difficile de nouer correctement sa chevelure ; et ce soir ne faisait pas exception.

« Léonice suffira. N´y voyez pas de la fausse modestie ; mais je trouve ce lieu d´un prétexte tout trouvé pour oublier quelques instants certaines normes sociales ; puis-je vous appeler Euryale ?» demanda la baronne dans un sourire.

Elle ne cherchait pas spécialement à marcher au devant, préférant au contraire rester aux côtés de la dame aux cheveux noirs, bien que leur statut supposé et respectif ne l´autorise pas par habitude. Léonice aimait quelques menus changements ;et bien qu´elle aurait du mal à l´admettre, c´était bien elle qui avait le plus besoin de compagnie en ce moment.

« J´espère que vous me pardonnerez quelques banalités, mais il ne me semble pas vous avez déjà aperçu ici. Êtes-vous originaire de la cité ?»











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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyDim 19 Juin 2022 - 14:17
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Un clair-obscur sous l'œil des dieux | DECEMBRE 1166

A l’invite de la jeune femme dont la crinière fauve semblait s’enluminer de vivaces feux follets, Euryale se fendit d’une moue indécise, avant de céder à sa requête. Après tout, pourquoi pas ? Et cette incartade à ses habitudes esseulées serait une occasion d’apaiser les inquiétudes de sa vieille gouvernante qui ne cessait de lui rebattre les oreilles sur son inertie sociale. Elle emboita donc le pas à cette dernière, l’allure faussement nonchalante, gracieuse, le tissu de leur toilette respective s’effleurant dans de discrets chuchotis, ciel d’été contre nocturne empyrée.

- J’ignorais l’existence de ces salons, n’ayant jamais fomenté le dessein d’explorer ces lieux sacrés plus loin que ces bancs de prière. commenta-t-elle, le front haut sous son voile ténébreux et le regard plissé, chamarré de curiosité, se faufilant vers ces issues ignorées qui menaient aux salons suscités. Ma foi, j’apprécierais volontiers un thé. Je ne m’habituerai jamais à ces froidures qui vous saisissent jusqu’à l’os. Et pourtant-…

Elle n’acheva pas sa sentence, ses sens se focalisant sur l’écho de leurs pas discrets martelant les dalles de marbre. Lorsque Léonice suggéra de l’appeler par son prénom, elle se contenta d’un bref hochement du chef, sa coiffe de sombre mousseline frissonnant dans ce simple mouvement. Elles dépassèrent bientôt les alcôves, et le scriptorium.

- Originaire de Marbrume, non. Mais du Duché, certainement. Je suis née au domaine de Malefreux, sur la côte. répondit la veuve Montecler, de cette voix griffée, tout en captant par de brefs coups d’œil les esquisses cordiales qui flottaient sur les lèvres charnues de sa voisine. Et si mon visage ne vous semble guère familier, c’est parce que mon retour en cette cité est récent. J’ai vécu près de huit ans au Duché d’Hendoire, non loin d’Allange. Elle marqua une courte pause tandis que se profilaient les contours de banquettes et de sièges qui partageaient cette aire intimiste avec une cheminée de pierre à l’âtre ronflant. Et de lâcher, sur un ton monocorde, distant. Le Firmament.
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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyLun 20 Juin 2022 - 10:47
La baronne admirait la froide élégance de sa compagne, à l’opposé strict de ce qu’était capable de dégager Léonice par ses habitudes. Persuadée de ne pas avoir affaire à une noble, le contraste entre elles semblait d’autant plus fort qu’il s’alignait sur le clair-obscur perpétuel de ces couloirs baignés par de trop faibles sources de lumière. D’une ligne inconnue, Léonice suivait le tracer imaginaire que faisaient les yeux gris d’Euryale, suivant par son cours les pièces jalousement gardées par les ombres.

« Par les temps qui courent, je ne me prétendrais pas grande exploratrice, mais quand je suis arrivée à Marbrume il y a maintenant quelques années, je ne peux nier avoir ressenti le besoin de trouver un endroit à la fois au milieu de tout mais suffisamment éloigné de mes habitudes pour m’y retrouver.»

Et ces petites sphères privées suffisaient à lui rappeler la chaleur d’une toute petite chapelle accolée à son ancien domaine, dans laquelle elle priait avec ses enfants de son vivant. Si la baronne se montrait moins moralement pieuse qu’avant l’arrivée de la Fange, certaines choses continuaient à lui faire du bien ; même si le seuil de ses silences n’était plus franchit que par des pensées parasites, la plupart du temps. Le pas des deux femmes résonnaient jusqu’à ne plus être dérangés par ceux de visiteurs rendus lointain ; Léonice pencha la tête de côté en pensant entendre une révélation de la part de son interlocutrice, mais son pourtant ne connut nul subordination. Respectueuse, la baronne fit comme si elle n’avait rien entendu, continuant de guider Euryale jusqu’aux pieds d’un dédale qui lui donnait l’impression de mieux respirer.

« Oh», nota Léonice, «Le nom ne m’est pas inconnu. Je crois même que mon mari était en lien avec quelques marchands qui devaient passer tout près de ce domaine.»

Même si cela remontait à suffisamment longtemps pour que la baronne ne s’en souvienne qu’avec le flou propre aux souvenirs que l’on laissait brûler dans l’âtre de l’oubli. La mention d’Hendoire crispa légèrement Léonice qui fit tout de même en sorte de ne pas chercher quoique ce soit du regard ; personne n’avait du les entendre, et quand bien même, elles ne discutaient pas suffisamment fort pour permettre à toute une galerie de les entendre. Mes les rumeurs pouvaient rapidement se lancer, et Léonice dut se faire violence pour parvenir à détendre les muscles de ses épaules.

« J’espère que quitter votre plus récent lieu de vie n’a pas été trop difficile», demanda la baronne le temps qu’elles pénètrent dans le petit salon.

Elle ferma la porte en bois derrière elles, chose qu’elle ne faisait pas habituellement mais qui lui paraissait nécessaire pour leur sécurité à toutes les deux. Si Léonice n’avait rien contre les rescapés d’Hendoire à titre personnel, elle ne voulait pas risquer être dérangée par un prêtre trop zélé qui comprendrait malhabilement quelque chose de travers. Une fois fait, elle se retourna pour rassembler les éléments afin de préparer un peu de thé, retrouvant la petite boîte de feuilles qu’elle avait laissé quelques jours auparavant.

« Excusez-moi de cette précaution, Euryale», dit-elle en jetant un coup d’oeil à la porte fermée. «Je ne vous apprends certainement rien, mais mentionner Hendoire reste audacieux. Et toute fausse exploratrice que je puisse être, je suis aussi faible que nous tous face à la peur que m’inspirent de récentes rumeurs,» regretta Léonice avec un brin de sincérité inédit.










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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyLun 20 Juin 2022 - 21:43
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Un clair-obscur sous l'œil des dieux | DECEMBRE 1166

Et cette errance aux effluves aventuriers à travers les couloirs plongés dans une semi-obscurité se poursuivit, chavirée de rares flambeaux et escortée de leur échange à mi-voix. Euryale, toute prudente qu’elle était, ne cessait de scruter les ombres qui grignotaient les murs en cette heure aux balbutiements nocturnes.

- Peut-être votre époux a-t-il eu l’opportunité de faire affaire avec mon-… père, qui gérait la scierie de Malefreux, ou du moins la visiter. précisa-t-elle en offrant son faciès de porcelaine au regard d’un bleu profond de sa voisine. Le domaine surplombe la mer, et se trouve ceint d’une forêt.

L’évocation faite à son père et, par extension, à la tragédie de la disparition de sa mère et de leurs gens, la saisit d’un raidissement du corps imperceptible ; si elle fit mine de ralentir le pas, ce ne pouvait être que pour s’attarder sur quelque détail architectural de ce dédale plongé dans un silence approprié au recueillement. Sa langue erra sur ses lèvres, les humectant, la sécheresse de sa bouche la surprenant désagréablement tandis que sa gorge s’animait d’une pénible déglutition lorsque Léonice poursuivit sur ladite difficulté d’avoir quitté Allange et ce qui faisait son quotidien depuis près de huit ans. Le visage angélique de son fils flotta abruptement sous son front penché, que des ridules parasites vinrent harceler d’un froncement songeur. Perturbé. Elle releva vite le visage et se perdit dans une réponse qu’elle pensa suffisante.

- Non. Plus rien ne me retenait, là-bas.

Dès lors qu’elles investirent toutes deux le petit salon, Léonice s’attarda à fermer la porte derrière Euryale. Cette dernière se tourna vers elle, un sourcil arqué ; mais l’argument livré par la jeune femme lui fit hocher la tête d’un mouvement d’entendement muet.

- Des rumeurs de quelle teneur ?
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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMar 21 Juin 2022 - 0:25
Bien que prenant note de ce qui lui était dit, Léonice ne saurait être aussi précise de sa mémoire. Le nom du domaine ne lui était pas inconnu, et la baronne avait passé suffisamment de temps à escorter son feu mari lors de quelques dîners pour avoir façonner de vagues capacités à retenir certaines manoeuvres. Mais les échanges avec la côte avaient fait partie des choses que le baronne avait décidé de ne pas garder, à la mort de son mari, pour se consacrer à des éléments qui lui paraissaient à la fois plus raisonnables et plus sécuritaires. Elle nota la faiblesse momentanée dans la voix d’Euryale ; en avait-elle trop dit ou pas assez, là était tout le hasard de la conversation. Ce qui était sûr, c’est qu’Euryale avait probablement autant perdu que Léonice, si ce n’était plus. Un visage de poupée savait reconnaître un pair, et bien que le temps ne soit pas passé aussi durement que chez certaines compagnes, Léonice notait les quelques traits qui donnait un âge plus ancien à Euryale.

« Je me souviens en effet l’avoir entendu parler de scierie, mais je crains que ces affaires-là se soient arrêtée avec sa disparition.»

Tout le reste du comportement d’Euryale vint tranquillement confirmer ce que pensait la Baronne. Sans la scruter, Léonice s’inquiétait d’être agréable à sa compagne, peu lui importait sa naissance. Cette femme attisait sa curiosité et presque un brin de sa sympathie ; mais peut-être était-ce simplement le fait de la rencontre dans un lieu si propice au calme, au moins lorsqu’on ne croisait personne d’autre. La réponse sonna plus durement, peut-être ; Léonice pencha légèrement le nez en avant, dans un recueil tout relatif tandis qu’elles pénétraient la petite pièce.

« Je vois», admit-elle avec un sourire.

Il était difficile de savoir si quoique ce soit pouvait encore retenir l’humanité en dehors du couvert de murs pourtant fragiles. Le regard azur de la baronne se perdit momentanément dans la contemplation de sa petite boîte d’étain, avant de réaliser que cette posture ne lui était pas confortable. Revenant aux bancs autour d’une petite table en chêne blanc, la jeune femme prit place sans plus de cérémonie.

« D’hérésie, principalement. Des choses que la Cour comme le Peuple accusent parfois sans réelle raison autre que la couleur d’un oeil ou d’un ongle. Il me semble même avoir entendu quelqu’un clamé que les naufragés étaient en vérité un groupe de sorciers venus nous condamner. Si c’est le cas, je vous serais redevable d’attendre au moins que l’hiver passe ; histoire que je puisse mettre une belle robe.»

Le visage de Léonice alliait un étrange sérieux agrémenté d’un humour bien à elle, presque pernicieux. La veuve entendait les rumeurs et ne se montrait pas la plus sereine ; une légère crispation à ses mains trahissait cet état de fait. Au delà de ça, il lui aurait été très facile de tourner les talons et de prétexter avoir affaire ailleurs ; ce n’est pas son désir immédiat.






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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMar 21 Juin 2022 - 16:39
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Un clair-obscur sous l'œil des dieux | DECEMBRE 1166

Ainsi donc Léonice était-elle veuve. Une information qui laissa un sillage enténébré, aux effluves nostalgiques, dans l’esprit de la Baronne de Malefreux. Bien que, en ce qui la concernait, l’amour ne fit guère partie des closes de ce contrat de mariage qu’elle avait accepté, feu son époux Josse de Beaumont n’avait cessé de lui témoigner affection, tendresse, et loyauté indéfectible. Aujourd’hui en chérissait-elle le souvenir sans souffrir que les vestiges d’une passion qu’elle n’avait guère expérimentée ne la dévore de l’intérieur.

A l’imitation de cette compagne d’infortune inattendue, Euryale prit place à son tour sur l’un des bancs bordant la table en chêne, optant pour un face à face. L’allusion aux rumeurs d’hérésie la laissa comme de marbre, jusqu’à ce que s’échappe ce trait d’humour à la pointe empreinte de sarcasme et de dérision. Pourtant une certaine gravité se mêlait aux prosodies mélodieuses et cordiales du timbre emprunté par Léonice. La veuve Montecler adopta une posture faussement léthargique, son œil d’un gris pâle s’attelant à croquer ce visage qui était en tous points son opposé. Et, contre toute attente, un étrange rictus en coin flotta timidement sur ses lèvres d’un rose nacré creusant ses joues de deux minuscules fossettes.

- Il est déplorable que l’ignorance et la bêtise humaine mènent à de telles absurdités. Si cela peut vous rassurer, Madame, je n’œuvre jamais lorsque frappe le rude hiver. Ma hutte étant très mal isolée, mes mixtures ont tendance à geler. repartit-elle, rompant un instant le lien visuel pour balayer la pièce d’un autre de ces regards scrutateurs, curieux, avant de revenir à Léonice. Elle rebondit sur un autre sujet. Vous disiez ne pas avoir toujours vécu à Marbrume. Où résidiez-vous-… avant ?

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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMer 22 Juin 2022 - 0:00
Euryale était-elle réellement une sorcière ? Léonice n’écarta jamais totalement cette idée de sa tête. Toutes les choses pouvaient se trouver, se dire et se montrer ; mais ce petit sourire semblable à une fébrile secousse dans une eau calme tendait à rassurer la baronne qui, de toute façon, serait bien incompétence face au supplice d’une malédiction. La jeune veuve laissait son regard peu errer au milieu de la pièce, sauf en de très stratégiques périodes où la convenance ne pouvait laisser une femme scruter aussi frontalement sa voisine. La dame aux cheveux de feu se sentait pourtant captivée, happée dans ce ciel d’un éternel hiver que lui renvoyait le moindre regard d’Euryale. La baronne n’eut pas le temps de rebondir sur ce trait d’humour partagé qui pourrait autant être un dévoilement inédit ; mais revenir sur des sujets plus stables lors d’une rencontre lui allait tout aussi bien. Puisque l’eau n’était pas prête, Léonice croisa ses doigts contre son giron, les tissus de ses manches glissant jusque sous ses poignets ; si elle avait appris à raconter toujours la même histoire comme du papier à musique, Léonice se laissait toujours un peu embarquée par les souvenirs lointains de chaleurs qui l’étaient tout autant.

« Non, en effet, je ne vivais même pas dans le duché. Nous en étions même assez éloigné ; si je suis née dans le plein centre du pays de Langres, mon mariage m’a mené à l’ouest du pays, relativement proche de la frontière.»

Sa voix ne trembla pas malgré les souvenirs qui affluaient ; au visage adorable de son feu dernier né se couplait les dernières secondes de sa courte vie et ses cris, ses cris de détresse alors que sa mère refermait la porte du couloir, le condamnant.

« Je crains que mon histoire ne soit semblable à trop d’autres, aussi vous épargnerai-je l’inconfort d’écouter des plaintes à peine dissimulées en explications. Oh, je crois que l’eau est en train de bouillir.»

Léonice se redressa, laissant en suspend les quelques épisodes de sa vie qui cherchaient à la perturber. Quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle dise, Léonice restait une jeune femme en maîtrise de ses réactions mais dont les blessures peinaient parfois à se refermer. Alors qu’elle préparait deux tasses, sollicitant un petit tiroir pour en retirer du sucre, sa voix s’élevait à nouveau.

« Marbrume est une drôle de cité. Je ne peux vous souhaiter que de trouver amis et alliés pour vous épauler dans les problèmes futurs. En attendant, vous pourrez toujours venir prendre le thé avec moi ! Tenez.»

Les feuilles étant infusées, Léonice tendit la petite porcelaine vers sa compagne, s’étant penchée vers elle sans autre regard à ce qu’elle pensait être leurs statuts respectifs.






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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMer 22 Juin 2022 - 16:46
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Euryale percevait toutes les insolites nuances que dégageait cette femme dont le tempérament semblait aussi solaire que ce feuillage flamboyant qui auréolait son front de bourgeons capricieux. Sans se départir de cette gravité marmoréenne qui figeait ses traits d’un masque faussement indifférent, la veuve Montecler observait sa compagne, en décortiquait le moindre geste, la moindre mimique. Avec pour musique de fond, l’ébullition crescendo qui se manifestait en notes vaporeuses hors du bec de la bouilloire, elle comprenait que bien des malheurs avaient dû borner l’existence de Léonice et ses échappées ne passèrent pas inaperçues. La Baronne se reconnaissait, d’une certaine manière, dans cette pudeur et cette maîtrise des émotions savamment muselées.

- J’aurai plaisir, Madame, à venir partager quelque-… conversation, en votre compagnie. fit-elle, tendant sa senestre pour s’emparer de la petite tasse en porcelaine. Je dois cependant m’abaisser à reconnaître que les années passées au Duché d’Hendoire m’ont quelque peu éloignée de la société et de ses règles. L’on pourrait aisément me comparer ce jour d’hui à une vieille ourse acariâtre délogée de sa grotte.

Elle avait lâché ces mots sans la moindre esquisse de sourire. Seules ses prunelles d'orage semblaient douées d’une vie propre et vacillaient d’une émotion insolite.

- Que pouvez-vous m’apprendre d’autre sur cette-… drôle de cité, qui pourrait m’être utile à l’avenir ?
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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMer 22 Juin 2022 - 19:53
Léonice était bien incapable de dire si Euryale cherchait ses mots par habitude, respect, ou parce que des idées saugrenues lui traversaient parfois l’esprit. Elle n’en tint pas cas, se contentant de la sympathie que lui inspirait son aînée, avant de s’asseoir avec sa propre tasse entre les doigts. Une douce vapeur aux arômes de l’ouest s’élevait du breuvage dans lequel Léonice plongea un demi-morceau de sucre. Elle laissa le dé fondre au fond de sa tasse, revenant de temps à autres à un visage qui lui parut plus dur, ou juste différent. La comparaison fit sourire Léonice, mais pas de ces sourires polis qui alliaient convenance et amabilité ; plutôt de ceux que l’on offrait par reconnaissance et empathie. Euryale avait quelque chose de sauvage, de «autre» qui n’était peut-être dû qu’à l’image que se faisait la baronne des gens d’Hendoire. La femme eux cheveux flamboyants n’en n’était pourtant pas à quelques éléments inconnus près ; elle-même constituait une étrangeté avec sa petite taille et ses cheveux peu communs. Jusqu’à preuve du contraire, il ne s’agissait pourtant pas là de quelque chose qui risquait de lui coûter la vie dans l’immédiat.

« Voyons voir… Il y a eu quelques frictions avec les naufragés d’Hendoire, principalement d’ordre… théologiques. Mais les superstitions et le Temple n’en sont pas les seules causes.»

Léonice prit le temps de réfléchir à comment amener ce qu’elle voulait dire ; le voile du bal masqué passa sous ses paupières qu’elle agita comme pour dissiper un mauvais songe.

« Je ne suis pas la plus qualifiée pour vous en parler. Mais depuis quelques années, des groupuscules terrorisent la cité, ou en tout cas alimentent une certaine crainte de la part de… eh bien, tout le monde. Certains d’entre eux vénèrent un Dieu qui ne fait pas partie des Trois…»

Elle s’arrêta, pas tout à fait inquiète, mais suffisamment prudente pour rapprocher son buste d’Euryale, abaissant la voix.

« J’espère vraiment ne pas blasphémer en disant ceci tout haut. En tout cas, ce sont des gens recherchés, qui ont déjà commis beaucoup de bassesses ; je crains que les croyances que l’ont connaît du duché d’Hendoire ne subisse un amalgame à la fois compréhensible mais également très regrettable.»

Elle se redressa, la baronne se demandant ce qui serait utile à quelqu’un qui n’était pas de la haute société ; puis Léonice se rendit compte que ce n’était pas la chose sur laquelle se questionner, aussi reprit-elle d’un ton calme ;

« Pour le reste, tout dépend des personnes que vous souhaitez fréquenter. Si je peux vous parler des événements majeurs qui ont secoués un peu tout le monde depuis mon arrivée, certaines informations ne vous intéresseront peut-être pas selon ce que vous comptez faire,» dit-elle en exécutant un léger mouvement du poignet en guide d’élément de présentation.






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MessageSujet: Re: Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison   Un clair-obscur sous l'œil des dieux | Léonice de Raison EmptyMer 22 Juin 2022 - 22:15
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Le breuvage brûlant versé dans le creuset de sa tasse, Euryale déclina la proposition d’un carré de sucre ; cependant, malgré l’absence de matière, la cuiller sauta dans l’onde fumante pour en agiter négligemment la surface. Tout en imposant ce mouvement presque mécanique, une musique tintinnabulante, discrète, escortant la danse de ses doigts, la veuve Montecler écoutait le compte-rendu des rumeurs qui dentelaient l’existence des Marbrumiens depuis quelques mois. Et la religion en était le facteur commun. Ses lèvres se retroussaient imperceptiblement d’un tic contrarié, sans qu’une seule de ses dents ne fut dévoilée.

- Notre confession-… entama-t-elle, interrompant brièvement son amorce par souci de correction. … à feu mon époux et moi-même, allait à la Trinité. Et nous n’avons jamais souffert des regards critiques ou des langues acerbes de la part de nos hôtes du septentrion. Ainsi que je l’évoquais plus tôt, j’ose émettre l’idée que, souvent, l’ignorance et l’aveuglement obstiné mènent à bien des extrémités. Au nom de la Foi détourne-t-on souvent le message des Dieux pour servir des causes moins nobles.

Euryale leva les yeux, dont l’opale orageuse se mua en un ton acier que l’on aurait pu croire près de trancher l’espace entre elles. Un bref tic étira ses lèvres en coin, tandis que la cuiller cessait son manège musical, et que la tasse s’élevait pour s’y accoler. La Baronne de Malefreux se désaltéra d’une gorgée, avant de cueillir quelques fleurs cobalt dans cette clairière qu’offrait le regard de Léonice.

- Pour le reste-… répéta-t-elle, courtoise. … je n’ai pas de souhait particulier, Madame. Et bien que la solitude soit une compagne agréable depuis trois mois, j’ai à cœur de laisser les Trois décider qui je dois croiser ou non. Elle déglutit, et ses paupières s’étrécirent, réduisant ses prunelles lactescentes à deux fentes qui n’amenuisaient guère leur éclat incisif. Après tout, la Trinité n’a-t-elle pas permis notre rencontre, ce soir, en ce lieu sacré qu’est le Temple ?

Qu’il était pénible de fabuler, de dissimuler son aversion pour ces simagrées religieuses et hypocrites. Elle se devait cependant de demeurer prudente… sous l’œil des Dieux, alors que sa jeune voisine évoquait ce sujet sensible.

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