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| Annonce aux portes de la nuit | |
| GrimaudPrêtre
| Sujet: Annonce aux portes de la nuit Mar 23 Aoû 2022 - 22:59 | | | 2 avril 1667, au coucher du soleil. La lumière mourante du soleil s’infiltrait encore à travers le vitrage étroit de la Bibliothèque, teintant les ouvrages et les étagères d’une pâle lueur orangée. Une tentative bien vaine de réchauffer une pièce que la fraicheur printanière refroidissait, et dont les dimensions titanesques n’envisageaient pas, de toute manière, de se laisser attiédir par de quelconques feux de cheminé. La nuit s’installait lentement au dehors, et au-dedans prenaient place les ombres, paresseuses, envahissant peu à peu les murs, les meubles et les écrits. Afin d’y voir mieux, Grimaud alluma une chandelle, avant de plonger à nouveau le nez dans son ouvrage. Les livres étalés et grands ouverts sur la table, les rouleaux jaunis par les décennies, ses propres documents et carnets dépliés ça et là, le tout croulait sur la table sur laquelle il concentrait son travail, qui consistait à réunir et consigner dans son carnet les notes prises ces dernières semaines. Le tout se penchait surtout sur des recettes pour des remèdes divers et variés, notamment concernant la guérison et la cicatrisation de morsures. Trouver de nouveaux moyens de soigner ce genre de blessure pourrait s’avérer utile dans la lutte contre la fange, à ses yeux : limiter les cas d’infection permettrait d’éviter d’une part les amputations gênantes, d’autre part les morts causées par la putréfaction, qui conduisent inévitablement à l’apparition de toujours plus de fangeux. Leurs morsures étaient d’autant plus difficiles à traiter que dernièrement, leurs gueules s’étaient pourvues de crocs aiguisés, absents chez l’être humain. Il fallait également ajouter dans l’équation la puissance démesurée de la mâchoire de ces créatures, qui bien des fois étaient assez puissantes pour broyer cuir, tissus, muscles et os. Ses pensées se mirent à divaguer. Comment de telles caractéristiques, absentes chez les premiers représentants de cette espèce (pour autant qu’on puisse la nommer ainsi), s’étaient-elles développées par la suite ? Car les premiers témoignages et rapports fiables concernant les fangeux n’avaient jamais fait mention ni de griffes, ni de crocs proéminents, et pourtant, certains spécimens dernièrement faisaient clairement étalage d’une dentition carnassière. A partir de quel moment un fangeux développait ces singularités ? Ces monstres réservaient-ils encore d’autres attributs cauchemardesques pour l’avenir ? L’idéal, bien entendu, serait de pouvoir les observer, pendant plusieurs mois, plusieurs années même, pour répondre clairement à ses questions. Malheureusement, ces sales bêtes ne se laissaient pas si facilement abattre, alors en attraper une… cela relevait du simple rêve pour le moment, l’Etoile de Langres comportait encore trop peu de partisans pour espérer le réaliser. Se rendant compte qu’il perdait une fois de plus le fil de son travail, Grimaud poussa un soupir d’exaspération. Il était peut-être temps de ranger le foutoir de parchemins et d’encre éparpillé devant lui, cela faisait plusieurs heures qu’il n’avait pas pris une pause qu’il jugea bien méritée. Dans le silence, il commença à replier ses affaires, plumes, encriers, carnets, se disant qu’une promenade dans les couloirs du temple lui ferait le grand bien. |
| | | Foulques ChastelMilicien
| Sujet: Re: Annonce aux portes de la nuit Lun 29 Aoû 2022 - 1:15 | | | Adossé contre le mur, une figure mince se prélassait, profitant de la fraicheur de la pierre. Inquiétude et anxiété troublait son jeune esprit, l’inaction semblait s’être emparé de son esprit. Allait-il oser ? N’allait-t-il pas ? L’arrivée de quelques novices l’interrompit dans ces réflexions, Foulques salua d’un signe de tête, tout surpris, ces camarades de longue date. La vision de leurs robes disparaissant à l’angle d’un mur, la lente disparition de la lumière du soleil, il n’était plus temps à présent de perdre du temps. Sa conviction était prise, le clerc confronterait son proche ami.
L’une après l’autre, Foulques traversait les ailes du bâtiment. Il revoyait ces plus beaux souvenirs d’enfance, leurs jeux, leurs bêtises, ces longues heures passées à étudier, à rouspéter contre leurs professeurs, à s’échiner à nettoyer chaque maudite pierre de ce lieu saint. De bons souvenirs, quelque chose qu’il chérirait.
Ces pensées revenaient à Grimaud, son compagnon de toujours. Il avait tant changé, et de son côté, Foulques avait peu à peu prêté moins d’attention à son ami. Tant de choses l’avait occupé, des doutes quant à son ordination comme prêtre, ces activités occultes avec Lothaire, son choix final d’opter pour la milice. Leur amitié survivrait-t-elle à cet autre changement ? Le prendrait-il comme une autre trahison ? Un coup de couteau s’ajoutant aux nombreux bouleversements qui ont secoués Grim ces derniers mois…
La dernière était la bonne. Foulques percevait déjà son confrère de toujours de derrière la porte, sa manière de ranger en vrac son outillage sans grand soin. Dieux qu’il ferait un sacré clerc d’ici quelques années, brillant sans doute, novateur et authentique, mais certainement détonnant.
- Grim ? Ah tu es là, je te cherchais partout.
Sa voix avait quelque accent cassé, faible, manquant d’énergie.
- J’ai… j’ai besoin de te parler de quelque chose.
Le mince Folco, pourtant si calme et indolent, donnait cette image de trouble timidité. Il n’avait pas l’habitude de donner cette image, surtout à un ami habitué à l’entendre franchement parler de ces d’âmes sans ambigüité.
- Tu aurais un moment à m’accorder ?
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| | | GrimaudPrêtre
| Sujet: Re: Annonce aux portes de la nuit Jeu 1 Sep 2022 - 12:05 | | | Alors que Grimaud s’affairait à mettre sa table en ordre, une voix qui lui était déjà bien familière l’interpella, l’affublant d’un surnom qu’il n’acceptait que de la part de quelques personnes. Il jeta un rapide coup d’œil derrière son épaule, qui lui confirma que c’était bien Foulques qui se tenait là. Il empila encore quelques livres, histoire de fignoler le travail sans trop de négligence.
- Oui, je suis là. Je viens de finir ce que j’avais à faire, je suis en train de ranger tout ça.
Il fit un geste vague désignant la table, avant de se tourner vers son ami, un sourire éclairant la partie droite de son visage comme cela se produisait rarement ces derniers temps. Il se rembrunit bien vite, cependant, quand il constata l’air faiblard de son ami. Foulques était loin d’être une forte tête tapageuse, mais il n’avait pas pour habitude de s’exprimer avec autant d’effacement qu’en ce moment même. Quelque chose paraissait le tracasser, quelque chose d’assez grave pour qu’il se montre aussi hésitant à partager le fond de sa pensée. A la fois surpris et préoccupé par ce comportement, Grimaud ne sut un court instant pas comment réagir.
- Tu n’as pas bonne mine, Folco, tout va bien ?
Il posa sa main sur l’épaule de Foulques pour accompagner ses paroles. Ce n’était pas le genre du prêtre de montrer autant de sollicitude à l’égard de qui que ce soit, mais le novice était à part. Les évènements troublants de ces dernières années, le passage à l’âge adulte et son lot de responsabilité nouvelles, l’angoisse de la fin du monde provoquée par d’infernales créatures, ainsi que diverses préoccupations chacun de leur côté, tout cela les avait menés à se voir de moins en moins souvent, mais rien n’avait encore réussit à sincèrement entamer leur amitié. Le prêtre prédisait d’ailleurs que cette amitié avait de longues années encore devant elle, après tout les deux comparses ne vivaient pas bien loin l’un de l’autre, le Temple n’était pas si grand.
- Je pense que prendre un peu l’air te ferait du bien, tu peux me dire ce que tu as sur le cœur pendant qu’on marche.
Cela leur permettrait également de s’éloigner des oreilles indiscrètes, pensa-t-il. Certains clercs avaient une fâcheuse tendance à courir après le ragot que Grimaud trouvait de plus en plus insupportable.
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| | | Foulques ChastelMilicien
| Sujet: Re: Annonce aux portes de la nuit Ven 9 Sep 2022 - 22:51 | | | Le blondinet le voyait s’affairer à ranger son matériel, quelques ouvrages empruntés, des notes surtout. Comme animé de cet instinct fraternel qui les unissait, Grimaud l’invitait à aller prendre l’air, conscient que ce besoin qu’avait Foulques de s’échapper un instant des difficultés. Un peu d’air frais, une bonne discussion franche et une petite séance de marche à pied, rien de mieux pour se changer les idées. Voir plus clair dans le ruisseau troublé de nos existences.
- Je… ça va, j’avais besoin de te parler Grimaud.
Celui-ci n’hésita pas à pose une main sur l’épaule du novice. Sentir la main de son ami sur son épaule semblait à la fois le soulager d’un poids tout en le pressant de se débarrasser de son secret, de cette décision qu’il avait mûrement mûrie en silence, peut-être trop longtemps d’ailleurs.
- Allons-y, oui, j’aurais bien besoin de marcher un peu.
Il y avait quelque chose de symbolique quelque part, se disait le jeune Chastel, à parcourir les couloirs sombres du Temple, ces puissants murs et ces hautes arcades, tout en racontant à son ami, son frère, ce qu’il s’apprêtait à faire. Cette page qui se tournerait dans sa vie, en espérant que Grimaud n’en souffrirait. Les deux silhouettes, jeunes, au pas énergique et à la cadence certaine, longeaient ces piliers et ces voûtes qui les avaient vu grandir, naître intellectuellement même. On les y avait formés à devenir une élite, quelque chose qui ferait de l’enfant né dans le caniveau un être capable de parler sans rougir à un Duc … ou à un Roi. Enfin, peut-être pas justement, pas assez vite, pas sans d’interminables compromissions, réseautages, alliances, mise en anathème et autres stratagèmes ne cherchant qu’à flatter les plus hauts placés, quitte à y perdre toute volonté de réforme.
- Dis Grimaud, tu as déjà eu l’impression de te sentir étouffé ici, entre ces murs ?
La mémoire lui revenait. Ces finales embrassades avec sa mère et les membres de sa fratrie, son père l’accompagnant jusqu’aux escaliers du Temple, ces adultes discutant entre eux avant que le petit et chétif garçonnet n’intègre les ordres comme novice. Les faces de tout leurs petits camarades lui revenait en mémoire. Y compris celle de cette petite teigne qu’était Grim’. Ils s’étaient assez vite bien entendu ensembles. Le goût des expérimentations, des bêtises, cette curiosité dévorante ainsi que ce mépris pour le règlement, c’était quelque chose qui semblait les avoir unis assez vite. Enfin, c’était l’impression qui en ressortait à Foulques, examinant religieusement ces souvenirs comme au cours d’une confession.
- J’étouffe Grim’ ici.
La sentence avait quelque chose de lapidaire. Elle ne laissait pas de place à la discussion.
- Je m’apprête à te dire quelque chose d’important, une décision que j’ai prise, et je souhaiterais que tu ne cherches pas à me faire changer d’avis. S’il te plaît.
Le novice n’avait juste pas la force de lutter contre son meilleur ami. Il souhaitait juste être compris et respecté dans son choix, aussi stupide et insensé qu’il puisse paraître. Gravissant quelques marches ensembles, il poursuivait sa rumination, semblant absorbé dans quelques troubles pensées complexes. Chaque mot était réfléchi, comme pour ne pas laisser place au moindre regret. De ça, il n’en voulait plus.
- Je vais quitter les ordres, Grim. Je ne veux pas être consacré prêtre.
Qu’importe ce qu’en dirait son père, Folco savait déjà qu’il serait comme mort à ces yeux. Qu’il évite au moins de se prendre une gifle ou deux d’ailleurs lorsqu’il l’annoncerait à sa famille. A moins que le coup ne parte lorsqu’il annoncerait son choix de rejoindre la Milice de Marbrume. Pire encore, cette satanée Milice extérieure, puisse les Trois le protéger de leurs Miséricordes. Foulques se demandait si faire porter le message par un intermédiaire ne serait pas une meilleure solution, il ne voulait pas entendre sa mère plus que tout à ce sujet. Cris, insultes, pleurs surtout, il ne voulait rien qui puisse le faire changer d’avis.
- Ah… Morbois !
Il réfléchissait trop, cela lui troublait les humeurs, comme disait le Mestre Lothaire. Continuer de marcher lui ferait du bien, ou du moins tempérerait ces biles. Et qu’il se calme sur les blasphèmes, jurer ainsi sur la Mort des Trois n’est jamais conseillé ici entre ces blocs de pierre pluriséculaires.
- Je vais rejoindre la Milice, la Milice extérieure, Grimaud.
Le bruit de leurs bottines et souliers sonnaient contre le dallage d’un bruit régulier. La face de Foulques semblait se figer dans une quelconque expression indéfinissable, comme s’il s’efforçait de rien laisser paraître de ces tourments intérieurs. Il fallait juste qu’il délivre son message.
Dernière édition par Foulques Chastel le Lun 17 Oct 2022 - 17:14, édité 1 fois |
| | | GrimaudPrêtre
| Sujet: Re: Annonce aux portes de la nuit Dim 25 Sep 2022 - 18:03 | | | Grimaud crut un instant à une plaisanterie, mais le sérieux avec lequel son ami lui avait annoncé sa résolution éliminait cette hypothèse. Ahuri, le jeune prêtre s’arrêta brutalement, il avait l’impression qu’on venait de le frapper au visage. Il n’aurait jamais imaginé que Foulques puisse un jour décider de quitter les ordres. Il s’attendait plutôt à ce que le novice lui avoue un simple larcin, un écart maladroit ou un problème délicat qui requerait les conseils d’une tierce personne… Il s’attendait à beaucoup de choses, mais pas à cela. A peine Grimaud commençait-il à prendre en compte cette information qu’une autre le prit à la figure. La Milice extérieure ? Certainement, de toutes les carrières, celle de milicien n’était certainement pas celle qu’il imaginait pour son ami. Ses pensées se mettaient à s’affoler, et il inspira profondément pour se calmer. Il devait réfléchir la tête claire à ces nouvelles.
Il resta en silence quelques instants. Il était vexé de ne pas avoir réussi à voir le coup venir d’une part, et d’autre part le fait que Foulques ne lui partage son envie de rejoindre la Milice qu’une fois sa décision prise le blessait. N’avait-il pas toujours prodigué les meilleurs conseils qu’il puisse au jeune homme ? N’était-il qu’un confident médiocre ?
Il ravala l’agressivité et l’irritation qu’il sentait se tapir en lui.
- Qui t’as mis cette idée en tête ? Son timbre de voix était neutre, son œil valide scrutant le visage de Foulques.
Le jeune prêtre ne connaissait que trop bien l’habitude de son interlocuteur à se laisser porter par les décisions que les autres prenaient pour lui. Jamais il n’avait choisi quoi que ce soit par lui-même, et Grimaud commençait à se figurer très clairement une rencontre avec un milicien qui aurait rempli la tête de son ami de chimères mensongères sur la vie que ces soldats menaient.
- Tu vas te faire broyer. Tu sais de quoi sont capables les monstres que combattent la Milice. On a eu de la chance une fois en leur échappant, ça n’arrivera pas une seconde fois.
Il jeta de rapides coups d'œil autour de lui, avant de reprendre, cette fois-ci en baissant la voix et en approchant son visage de celui de Foulques.
- Tu as vu les atrocités dont ils sont capables, dit-il en faisant un geste vague indiquant ses cicatrices.
Grimaud n’imaginait que trop bien son ami se retrouver déchiqueté, mutilé, tué par ces atrocités. C’était la dernière chose dont il avait envie, la fange faisait trop de dégâts pour qu’il puisse permettre de la laisser détruire aussi ses proches. Une autre pensée traversa son esprit, concernant les parents du novice. Jamais le prêtre n’avait eu l’occasion de les rencontrer formellement, mais il en avait assez entendu parler pour savoir qu’ils étaient loin d’être tendres et que les attentes qu’ils posaient sur les épaules de leur fils seraient terriblement déçues d’apprendre que Foulques ne feraient pas sagement ce qu’ils lui diraient de faire. Déçues au point d’en venir aux coups certainement.
- Je ne suis pas sûr que tu te rendes bien compte de tout ce que ça implique. Je comprends que tu te sentes mal à l’aise au Temple, la vie de prêtre n’est pas faite pour tout le monde, et peut-être n’est-elle pas faite pour toi… Mais celle de milicien ne l’est pas plus, je puis te l’assurer.
Pour le moment, Grimaud ne pouvait se résoudre à laisser partir son ami en fermant les yeux sur les répercussions qu’auraient son départ.
Dernière édition par Grimaud le Lun 24 Oct 2022 - 16:49, édité 1 fois |
| | | Foulques ChastelMilicien
| Sujet: Re: Annonce aux portes de la nuit Lun 17 Oct 2022 - 17:13 | | | La réaction de son ami de toujours était prévisible et pourtant, elle irrita Foulques. Il y avait quelque chose de primaire dans cette agacement, comme si Grim’ continuait, malgré lui, à répéter le même psaume dont on l’accablait depuis l’enfance. Non Folco, ne dis pas ceci, non Folco, ne tiens pas ta cuillère de la main gauche, non Folco, tiens toi droit et parle plus fort. On se rapprochait presque du dressage par moment, maintenant que le jeune Chastel se remémorait cette incessante éducation dont on l’avait chargé, tel l’araire sur les épaules du bœuf. Tout cela, cet enfant de marchand le rejetait par-dessus l’épaule.
- Merci de ta sollicitude, Grimaud, mais je sais très bien ce dont sont capable ces créatures.
Ce côté presque mère poule ne collait pas à son ami. En fait, il ne collait à personne. Foulques avait déjà eu l’occasion d’entendre les malédictions de son père, et pis que ça, les pleurs de sa mère, et cela, il n’en voulait pas. Qu’on arrête de le renvoyer à sa silhouette malingre, fine plus que famélique en réalité. Les avantages d’être un enfant de commerçant en plus d’avoir été placé au Temple. En somme, un petit privilégié au sein de la populace. - Et pourquoi elle ne serait pas faite pour moi, au fait ?, soufflait-il. Je n’ai peut-être pas ton tempérament, Grim’, mais je crois pas qu’asséner quelques revers face à un Fangeux fou furieux changera grand-chose.
Ces bestioles étaient vivaces, vifs et rapides, et surtout, elles emplissaient de terreur tout un chacun. Ce n’était pas un hasard si les bonnes femmes se refusaient à prononcer leur nom, craignant de les attirer par quelque maléfice. Ces athées créatures n’étaient plus du ressort de la création des Trois. C’était des forces de la nature, ou agissant en dehors des lois de la nature, bouleversant l’ordre cosmique tel quel défini par les canons du Temple. Seul un fou n’aurait pas peur de cette peste à deux pattes.
- Ecoute, je sais que je n’ai pas vraiment le physique d’un champion de Rikni. Tu me connais mieux que ça, non ? Et oui, je sais ce dont elles sont capables, Grim’…
La pensée que ces choses auraient pu en finir avec son camarade eurent probablement l’effet escompté, calmant les ardeurs du jeune garçon aux cheveux couleur tournesol. Il n’était pas venu se disputer avec un frère. L’ancien aspirant ecclésiaste était venu pour mettre au clair ces intentions, ni plus ni moins.
- Ecoute, je sais ce que je fais. Je souhaite me rendre utile, réellement utile, pas me retrouver le nez raclant la poussière de chaque ouvrage de cette maudite bibliothèque, à éplucher chaque flabliaulle parlant d’un quelconque triste sire revenu d’entre les morts !
Le Chastel jetait des regards d’un bout à l’autre, priant pour n’être pas épié. Après une démission des ordres, la dernière chose dont il aurait besoin serait d’être suspecté d’hérésie. Sentir le souffre n’était jamais bon quand vous avait de l’ambition. Mais les engrenages étaient en branle, le jeunot avait besoin de cracher ce qui sommeillait en lui.
- J’ai besoin de vraiment avancer dans ce domaine, de comprendre ce qu’il s’agit et d’agir par moi-même, de prendre les commandes ; pas de nettoyer le pot de chambre de chaque paralytique de cette hospice et de disserter entre amis sur les origines de cette maudite Peste. J’ai besoin de réalité, Grimaud, pas d’un énième filet de sécurité, d’un bon bol de soupe chaude et d’une litière douillette et chauffée.
Voilà, ça avait au moins le mérite d’être dit. Cela sonnait peut-être ingrat pour un orphelin comme Grimaud, pour qui chacun de ces ‘’conforts’’ étaient une chance, une conquête plus qu’un legs de parents ambitieux, attentionnés et prévoyants, mais cela n’occurrait pas à l’esprit de l’enfant de l’avisé marchand de cordelette. Une vie de petite attention l’avait-il rendu incapable de se rendre compte à quel point bien des enfants miséreux aurait voulu un patriarche aussi tyrannique, absolu et dirigiste au lieu de la misère dans laquelle ils vivaient ?
Même dans sa façon de vouloir jouer à l’indépendant, à celui qui voulait se faire lui-même, untel pouvait lui trouver les accents suffisants du marmot bien nourri, bien éduqué, soigneusement apprêté, celui qu’on voudrait comme gendre pour sa bru. Il n’avait jamais connu les affres de l’abandon et de la solitude, après tout. Prions pour que les intentions derrières ces actes revêtent quelque élan de noblesse moral et surtout, une foi sincère dans ces propres ressources, pas celle que lui auraient légué sa petite maison.
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| | | GrimaudPrêtre
| Sujet: Re: Annonce aux portes de la nuit Jeu 27 Oct 2022 - 14:42 | | | Les quelques phrases prononcées par Foulques n’avaient pas réussi à convaincre son ami que son choix était le bon pour lui. Au mieux, elles lui avaient fait un peu plus ouvrir les yeux sur le mal-être que ressentait son ami au sein du clergé, et qu’il avait lui-même peut-être été un peu lent à détecter. Au pire, elles ne faisaient que le conforter dans son idée que le novice ne se faisait qu’une idée très vague de la réalité de la vie des miliciens. Grimaud n’avait lui-même jamais fréquenté de près la soldatesque, mais les rapports dont il avait eu vent avaient brossé un portrait si peu envieux de la vie de ces hommes et de la violences à laquelle ils étaient confrontés lui suffisaient amplement pour savoir que même les plus coriaces ne se faisaient pas de vieux os, hors des murs de Marbrume.
- Je ne pense pas seulement à ton physique, quand je dis que cette vie-là n’est pas faite pour toi. Ton esprit ne restera pas intact non plus. Je ne dis pas ça parce que je pense que toi, Foulques, n’as pas la trempe, mais parce que je pense que personne ne l’a. Ta propre vie a donc si peu de valeur à tes yeux ?
Les épreuves imposées par ces dernières années avaient pourtant prélevé sur le jeune novice et sur lui-même leur impôt : les traumatismes, les cauchemars, les souvenirs de certains instants les hanteraient encore pendant longtemps, et les poursuivaient peut-être même jusque dans la tombe. Jusque là, ni l’un ni l’autre n’avait complètement basculé dans la folie, même si Grimaud, de son côté, sentait bien qu’il avait changé sans espoir de retrouver celui qu’il était auparavant. Il n’était pas sûr que son ami puisse affronter d’autres expériences dans ce genre sans sacrifier sa santé mentale.
- Je comprends, passer le nez à éplucher des ouvrages sans en retirer beaucoup de gratification est frustrant, mais tu penses sincèrement qu’il n’y a pas de juste milieu entre ça et te jeter la tête la première au milieu des fangeux ?
Il ne pouvait blâmer Foulques de se sentir impuissant face aux calamités qui accablaient ce temps. Lui-même avait commencé à poser les fondations d’une entreprise pour mener des actions plus concrètes, plus dangereuses, aussi, concernant la fange. Dangereuses d’une part parce qu’il devrait lui aussi approcher de près certaines de ces créatures, mais d’autre part parce que l’organisation serait sûrement amenée, dans le futur, à prendre une orientation parfaitement illégale et réprouvée par la bonne morale ecclesiastique. Il avait longuement hésité à en parler à son ami, avant de se raviser. Tout cela devait rester scellé dans le secret le plus absolu, et ceux qui, comme Foulques, étaient susceptible de condamner ces activités ne devaient en aucun cas être mis dans la confidence, fussent-ils des amis proches.
- Pars, quitte le Temple si ça te chante, mais ne prends pas ce genre de décisions inconsidérées. Tu vaux mieux que ça.
Bien entendu, Grimaud refusait de reconnaître toute la mauvaise foi dont il faisait preuve. Il ne pouvait pas se permettre de laisser Foulques se jeter dans la gueule du loup sans avoir eu recours à tous les arguments auxquels il pourrait penser.
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