Rencontre arrosée.

La pluie tombait sur Marbrume, sans discontinuer, rendant les rues plus maussades encore que d'ordinaire. Un vrai temps de chiens. Les gens se serraient dans leurs manteaux pour lutter contre l'humidité ambiante, la mine fermée, pestant contre le ciel. Comme si leur lots de malheurs quotidiens n'était pas suffisant...
Cependant, pour Alastair, la journée avait été bonne. Les derniers gibiers qu'il avait relevé il y a de ça deux ou trois jours venaient d'être achetés par une mégère bien trop propre pour habiter dans les bas quartiers. la vieille dame devait surement servir une famille de sangs bleus. Ainsi malgré l'air indigné et la voix scandalisée de la vieille servante, Alastair lui avait vendu les deux derniers canards de la boutique pour un prix volontairement élevé. En voyant la femme sortir de sa boutique en maugréant, il ne put retenir un sourire de satisfaction. Arracher de l'argent à ses pourceaux d'aristocrates, et ce en toute légalité, mettait toujours le braconnier en joie. Et puis au fond, si ses prix connaissaient de brusques augmentations lorsque certains clients, bien spécifiques, se présentaient dans son échoppe, ceux-ci restaient toujours libres d'acheter ou non.
C'est ainsi qu'il ferma la devanture de sa maison qui faisait office de magasin. Il rangea la petite salle et mit l'argent récolté sous scellé, après en avoir glissé une petite partie dans une bourse en cuir. Il enfila ensuite sa longue cape, vérifia que son couteau de chasse pendait toujours à ceinture,puis fin prêt, il sorti par derrière malgré la pluie qui déferlait toujours sur la ville. D'excellente humeur, le chasseur avait décidé de s'offrir du bon temps. C'est donc en pataugeant dans les rues insalubres, qu'Alastair se dirigea chemin vers le "Six roses", l'une des seules tavernes du Goulot encore en un seule morceau.
Lorsqu'il ouvrit la porte, Alastair fut accueilli par la chaleur du feu et un concert de grognements, de rires, et autres beuglements. La bière coulait à flot et la taverne était pleine à craquer. Pour sur, le mauvais temps, ça attirait le péquenot dans les tavernes. Le braconnier joua des coudes au milieu de l'assistance, pour atteindre le comptoir ce qui finit de chasser les dernières sensations de froid logées dans ses membres. Il commanda une pinte au près de la tenancière qui gesticulait et virevoltait en servant les clients et répondait à leur demandes avec un bagou bien aiguisé. Une fois sa bière entre les mains, il porta la choppe à ses lèvres et savoura une longue et lente gorgée de mousseuse. Après un claquement de langue approbateur, il s'adossa au comptoir et promena son regard sur l'assemblée de buveurs et de soudards afin de s'immergé un peu plus dans cette ambiance enfiévrée. Ce n'était guère dans ses habitudes, mais il arrivait au chasseur d’apprécier la compagnie de ses semblables, surtout quand dehors, c'était le déluge. Du coin de l’œil, Alastair remarqua une petite table qui venait de se libérer dans un coin et entreprit la traversée de la taverne pour s'y installer afin de tranquillement profiter du reste de sa choppe. Mais en cours de route, un ivrogne plus éméché que les autres tomba à la renverse de sa chaise en beuglant, percutant le braconnier qui se cogna à son tour un petit brin de femme aux longs cheveux noirs. Sous le choc, la bière de la donzelle lui échappa des mains et se répandit sur le sol.
"Scusez m'dame", dit Alastair en s'adressant à la femme après avoir laissé échappé une flopée de jurons en directions du groupe d'ivrognes qui étaient retournés à leur beuveries, "ce soir les péquenots sont méchamment imbibés et tout aussi imprévisibles...". Toutefois, il se sentait d'humeur généreuse, aussi farfouilla-t-il dans sa bourse et en retira quelques pièces qu'il tendit à la jeune femme. "tenez, afin d'effacer cet accident, après tout c'est moi qui vous ai bousculé."

La soirée avait été plutôt bonne pour moi ce soir, je m'étais fait une vingtaine de pièces d'or pour avoir aidé un couple à déménager d'un quartier à l'autre. Cela pouvait paraître stupide, mais en tant que mercenaire je faisais ce qu'on me demandait sans poser de questions, voilà ce qu'était mon travail. Lorsque j'ai fini je suis rentré chez moi, dans ma petite maison. J'ai pris quelques secondes pour regarder autour de moi avant de retirer ma tunique noire et d'enfiler une robe à corset des plus simples. Je m'admirais dans le miroir, c'était plaisent parfois d'avoir l'air d'une femme. La robe que je portais était verte et laisse entrevoir le début d'un décolter. J'avais caché une dague que j'avais attachée à ma jambe sous ma robe puis j'étais partie vers les six roses. Un vieux bar où le patron me connaissait et me laissais faire à peu près ce donc j'avais envie.

-Sert moi ton meilleur breuvage.

Je pris lentement le verre qu'il me tendait en lui souriant avant de boire lentement en observant l'assemblée autour de moi. La pluie dehors attirait bien des gens et je me surpris à me demander s'il avait bien tous un endroit au dormir ou s'il allait simplement dormir dehors. Je me faufilai tant bien que mal jusqu'à une table qui était encore libre pour déguster tranquillement ma bière sans me faire importuner par les autres. Lorsque je me levai pour aller poser quelques questions au teneur de cette auberge pour me renseigner sur mes prochains contrats je me fis violemment bousculer par un homme et échappa le reste de ma bière qui se rependit sur le sol. Alors que l'homme qui, après avoir lâché des jurons volumineux envers le groupe d'ivrogne s'excusa auprès de moi et me proposa même de me rembourser. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres alors que je pris l'argent en disant d'une voix douce.

-Merci pour tout et vous n'avez pas à vous excusez pour leur comportement... Que diriez-vous de m'accompagner jusqu'à ma table pour me tenir compagnie ce soir?

Je me surpris à penser que je devais avoir des airs de putain à chercher de la compagnie ainsi, mais il n'y avait pas de mal à son non? Ma dernière conversation qui ne parlait pas se travaille remontait à longtemps, ça me ferait du bien de parler d'autre chose.

Sans rancune, la jeune femme empocha l'argent et invita Alastair à sa table. Malgré son sourire aimable, un voile passa dans ses yeux, comme si une grande lassitude pesait sur ses épaules. Apparemment, elle se sentait seule et le chasseur venait de lui offrir une occasion de se divertir. "Drôle de brin d'femme, pour chercher compagnie en pareil endroit" songea le braconnier. Mais avec un haussement d'épaules, il chassa les germes de méfiance qui s'insinuaient doucement dans sa caboche. Il était trop tôt pour juger la donzelle et, d'autre part, il était intrigué par cette étrangère et voulait la connaitre davantage.
Aussi répondit-il un bref "Pourquoi pas?" suivi par un laconique "Je vous suit." Avant que la jeune femme ne se dirige vers le bar. Après que celle-ci eut rechargée sa pinte au comptoir, il lui emboîta le pas jusqu'à sa table, esquivant les buveurs et les flaques nauséabondes à l'allure peu engageante.
Arrivés à destination, ils s'installèrent en face à face sur les simples sièges de bois qui accompagnait fidèlement la table. En silence, ils trinquèrent et aspirèrent chacun une grande goulée de liquide. Par dessus le rebord de sa choppe, Alastair regardait cette femme à la robe ample et au vert décolleté... Elle aurait put être une fille de joie, mais quelque chose dans sa démarche était beaucoup trop fière pour confirmer cette première impression. Il émanait d'elle une certaine discipline, une droiture que l'on ne retrouvait pas chez les putains. Cette dernière observation ranima sa vigilance et poussa le chasseur à sortir de son mutisme. Après un dernier regard en biais, il entama donc la conversation afin d'assouvir sa curiosité: " Alors, comment t'fais-tu appeler dans le coin? Et par les dieux, qu'est-ce qui t'a amené à passer la soirée dans c'te gargote?"

Il conclue sa phrase en reprenant une autre gorgée de bière.

Un petit sourire s’étira sur mes lèvres alors que ses paroles résonnaient autour de nous. Il est vrai que pour la plupart des ordures d'ici, je n'étais qu'un brin de femme dont il pourrait abuser sans même ce poser des questions, mais la vérité était tout autre. J'aimais bien être dans les bas-quartiers, il y avait toujours quelque chose se plaisent à faire ou encore à voir. Il y avait bien plus d'action ici que dans le petit quartier calme dans lequel j'habitais. Je pris quelque gorgée de ma bière et grimaça en la reposant devant moi. Je sais bien que c'était l'apocalypse, mais l'aubergiste aurait pu faire l'effort de laver ses verres! Je repoussa mon verre plus loin et dis lentement.

Je me nomme Ellie et j'aime bien être la ou les événements ce passe, voilà tout.

Je lui adressa mon sourire le plus charmant en me penchant un peu pour mettre mes formes en valeur en continuant de sourire. J'aimais beaucoup voire les hommes comme lui perdre leur moyen devant l'audace du petit brin de femme que j'étais. Puis je regarda autour de moi avant de demander.

Mais dit moi..... toi, qui es-tu et que fait tu ici?

"Sacré tempérament l'Ellie...", songea le chasseur tout en jaugeant le petit bout de femme qui lui faisait face. Joviale et souriante, la donzelle semblait à son aise dans cette ambiance que beaucoup aurait qualifié de glauque voir malsaine. Cependant, lorsqu'elle se pencha en avant, arborant un sourire appuyé, tout en répondant aux questions de son interlocuteur, Alastair ne sut dire si la bougresse n'avait pas froid au yeux ou plutôt chaud aux fesses. Dans tout les cas, la vue était des plus agréable, c'est certain.

La question qu'elle lui posa fit revenir Alastair à une réalité, bien moins douce que la rêverie à laquelle incitait le charmant buste de son interlocutrice . Le braconnier se prit une grande goulée de breuvage amer et âcre afin de se remettre les idées en place, légèrement honteux de s'être laissé aller de la sorte. Aussi, pour se rattraper, il regarda résolument la jeune femme dans les yeux avant de répondre:

"J'me nomme Alastair, J'suis chasseur. J'm'occupe de ramener la barbaque en ville que je revend. Et si j'suis là ce soir c'est pour m'en jeter une pinte ou deux dans le gosier. La journée a été bonne."

Un sourire de satisfaction s'étira lentement sur son visage en repensant à la vieille rombière qu'il avait plumé. Sur ce il avala une autre gorgée de bière. Il ne sentait presque plus le relent de moisi en arrière goût ce qui rendait la bibine passable. Il balaya l'assemblée de soudard du regard et soupira:

"Et j'avais envie d'un peu d'animation. De me sentir entourer d'humains, discuter avec des gens quoi. Histoire d'oublier pour un moment ses foutues carcasses qui infestent les marais. Au final, j'me retrouve au chaud à causer avec un demoiselle, somme toute sympathique. J'crois qu'on peu trouver pire comme situation. "

Alastair fit une courte pause et reporta son attention la jeune femme. "Et toi Ellie, questionna-t-il intrigué, à quoi t'occupes tes journées ??t'as pas l'air d'être le type de nana à passer ses journées plongée dans les fourneaux ou à tricoter des napperons ..."

Un petit sourire se dessina lentement sur mes lèvres alors que je regardais le chasseur devant moi. Il semblait hésiter entre prolonger son interrogatoire ou simplement plonger la tête dans mon décolleter. Comme ça cet homme était simplement chasseur? Il avait plutôt une tête de braconnier selon moi, mais qu'importe après tout, je ne m'attendais pas à croiser un noble dans ce trou, mais c'était déjà mieux que ce que je croisais habituellement entre les ivrognes et les soldats qui pensaient pouvoir tous faire. Je comptais bien profiter de sa compagnie encore un peu et puis, il n'y avait pas de mal à prendre un peu de plaisir, non?

Tu a bien raison de croire que je ne suis pas le genre de femme à rester simplement à la maison à s'occuper du foyer, je suis ce qu'on pourrais appeler une lame à acheter.

Je garda mon sourie et avait fait attention de baisser le ton lorsque je lui dit cela. Je n'avais pas peur, mais je savais que certaine personne ici n'aimait pas particulièrement les mercenaires. Pire encore, certain soldat de Marbrume nous harcelais pour que l'on entre dans la milice sous prétexte que c'était une "obligation", mais je n'étais certainement pas une catin à soldat et je savais que c'était ce qui m'attendais si je devenais milicienne.

J'ai une idée... Si on sortait d'ici? Je suis sûr que l'on pourrait trouver un endroit plus calme.

Je lui sortie mon sourire le plus charmeur enivrer par l'alcool qui commençais à monter et à faire sont effets. Je repris même une gorgé de cet horrible breuvage. Je continuais de le fixer en attendant sa réponse.