Un parfum de garance | Pv Margaux

Leurs bottes foulaient le pavé qui sonnait lugubre des bas quartiers. Théodore et Avide, deux hommes issus de milieux différents mais qui connaissaient Marbrume pour des raisons différentes ; l’un était un enfant ayant grandit au sein de la guilde des voleurs, tandis que l’autre était un noble déchu devenu milicien. Leur seul point commun résidant en l’allure d’une fleur d’automne et au nom de Baronne qui en plus de leur avoir offert son aide en des temps moins avantageux, savait comment payer ses gens et les rendre à l’écoute de quelques perspectives au goût de mission.

Théodore, l’enfant des bas quartiers, avait des épaules trop larges pour un gabarit plus petit que la plupart de ses confrères. Devenu maître serrurier, l’homme battit comme une porte de en bois doublé de fer avait le regard perçant, mais souriait facilement. Il était à l’aise, malgré sa démarche d’ours au poil hérissé, mais moins remarquable que le milicien qui n’en n’avait absolument pas la tenu. Avide était plus grand que Théodore, plus léger, peut-être moins gras. A son côté pendait une épée non gravée, offerte par Léonice lorsqu’il devait ainsi s’éloigner en douce des sentiers battus. Les deux hommes étaient au courant de l’enfant dont ils devaient prouver l’existence ; une gamine aux cheveux roux, probablement très jeune et malingre, certainement exploitée par quelques voyous dont les deux hommes devaient rapporter l’existence.

Les marchands des rues, dans leurs étals, voyaient quotidiennement passer l'entièreté de la faune des bas-Quartiers. Derrière leur carriole de bois, où ils vendaient soupe à la morue et coquillages bouillies, brochettes de tripes ou simplement gruau au millet selon les bourses déjà modestes, ils assistaient en témoins parfois directs à la violence qui régnait dans les ruelles sombres et empuantis qui menaient au port.

Parmi eux, un brave homme du nom du Pierrot le Borgne, autrefois ferronier dans le bourg de Piana, avait été contraint de revoir son orientation professionnelle et surtout sa manière de gagner sa pitance, alors qu'un gang, celui des Rabatteurs à ce qu'il avait appris plusieurs jours plus tard, lui avait saisit ses outils lorsqu'il avait refusé de payer pour leur protection.
Il avait même été, par la suite, contraint de leur emprunter de l'argent ; ce qui l'avait amené ici, à vendre de la bouffe qu'il faisait passer pour du bœuf et du cochon frais alors qu'il ne s'agissait que de rats et de viande avarié dont il retirait les vers chaque jour, pour les rendre plus présentable.

De fait, même sa famille l'avait surnommé l'Avare. Avec le temps, il était devenu amer et rancunier, et ne manquait pas d'économiser pour pouvoir rembourser ses dettes. Il avait le rêve de s'en sortir mieux que son seigneur, par exemple, qui avait été tué dans l'incendie de sa maison ; et était parfaitement ignorant que sa fille, toujours en vie, était passée plusieurs fois devant lui en boitant, sans prêter, elle aussi, attention à son médiocre achalandage.

Et c'était ainsi qu'il avait été fort réceptif à la vue des piécettes qui brillaient dans la main dudit Théodore. Rendu fort loquace par l'appât du gain, il leur offrit un sourire édenté avant de leur répondre d'une voix un peu pressée :

- "Ben, y'a deux-trois gamines rousses dans l'quartier, de c't'âge mais y'a toujours les mères qui leur filent le train. J'en ai vu une bien mignonnette, dans une taverne du Goulot, chuis sûr qu'vous pouvez vous la faire, contre quelques écus. Moi chuis pas là pour juger, hein, bon, l'est boiteuse. Mais l'a l'âge qu'vous voulez. C'est la servante d'la taverne. Le Cochon qui Pète. M'faut rentrer avec d'quoi payer, mais tout est accessible, hein, s'vous cherchez d'la viande tendre."

Il ricana, un peu sombrement, secoua la tête, avant d'empocher l'argent. Et recommença à héler la foule pour vendre sa médiocre pitance.

- "Et maint'nant dégagez, les pervers. Pas qu'ça à faire.