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| Alaïs VerdenArtisan
| Sujet: Alaïs Verden [Validée] Ven 30 Sep 2022 - 20:43 | | | Alaïs, Parce qu’il parait que l’espoir fait vivre◈ Identité ◈ Nom : Verden
Prénom : Alaïs (Adelaïde, en réalité, mais c’était aussi le prénom de sa grand-mère. Elle préfère donc la version abrégée.)
Age : 24 ans, née le 12 septembre 1142
Sexe : Féminin
Situation : Célibataire
Fiancé disparu, présumé mort. Parents, Jean et Maude Verden, présumés morts.
Rang : Peuple - Artisane
Lieu de vie : Marbrume, La Hanse
Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs :
Carrière d’artisane : FOR +1 - END +1 - HAB +1 - INT +1
Compétences et objets choisis : Compétences :
- Art - Niveau 1 - Empathie - Niveau 1 - Poterie - Niveau 1 - Volonté de fer - Niveau 1 - Fuite – Niveau 1
Objets :
- Des gants en cuir usé pour protéger ses mains des hautes températures - Une dague, dont elle ne s’est jamais servi - Des vêtements civils - Un tablier de cuir
Commerce : un atelier dans le nord-ouest de la Hanse, au-dessus duquel se trouve un petit appartement vide. L’ancienne propriétaire n’a laissé que le matériel de poterie. Alaïs a également acquis du matériel de verrier, mais elle doit le (faire) réparer.
◈ Apparence ◈
Plus d’un mois maintenant qu’Alaïs avait acquis sa petite échoppe poussiéreuse. Un mois de travail acharné, pour tenter de relever la tête et arrêter de… subir. Dans la lumière blafarde qui transperçait les rares carreaux qu’elle n’avait pas encore trouvé le temps de nettoyer, la jeune femme se tenait face à sa dernière création, un imposant miroir commandité par l’épouse d’un commerçant dont la boutique se trouvait un peu plus haut dans la rue. Alaïs ne pouvait que leur en être reconnaissante. Rassembler les matériaux nécessaires avaient certes demandé du temps, et de l’argent, mais le résultat était satisfaisant. La surface polie lui renvoyait un reflet net et la grande blonde prit donc un instant pour l’observer, s’asseyant sur le bord de son établi. Après tout, ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait inspecter sa propre image…
La première chose que l’on remarquait, et que la jeune femme aurait préféré oublier, était sa carrure clairement héritée de son forgeron de père. Elle était donc grande, en tout cas pour une femme, aux épaules et aux hanches larges. Les mois de famine avaient toutefois affiné sa taille et, même si la vie était un peu moins dure depuis quelques temps, elle pouvait toujours facilement compter ses côtes. Elle conservait pourtant une certaine forme physique, profession oblige. Et oui, c’est lourd, les blocs d’argile.
Ses longs et volumineux cheveux blond clair lui tombaient au creux des reins. Elle les portait cependant perpétuellement attachés en un haut chignon impeccable afin de les protéger de ses outils de travail et des fours à hautes températures. Elle les coiffait également d’un foulard lorsqu’elle se trouvait à l’atelier et ne les libérait que dans l’intimité de sa solitude.
Ses grands yeux bleu clair et immuablement tristes étaient soulignés par d’épais sourcils. Ses lèvres charnues souriaient rarement et sa mâchoire franche était souvent crispée par la concentration et, depuis quelques temps, la contrariété.
Elle portait des vêtements simples et pratiques, qu’elle recouvrait d’une tablier de cuir dès qu’elle se mettait au travail, ainsi que des gants de cuir, dès qu’elle approchait de ses fours. Elle pouvait toutefois difficilement travailler avec précision en portant ces gants et ses mains ainsi que ses avant-bras, portaient donc les marques de myriades de petites coupures et brûlures collectées au fil des années.
Son l’expression décidée et son allure alerte inspiraient généralement confiance à ses interlocuteurs. Il faut dire que le tableau ne manquait pas de charme…
◈ Personnalité ◈
S’il y a bien une chose que sa grand-mère lui avait bien apprise, c’était à se tenir correctement, en toutes circonstances. Ne pas jurer, ne pas montrer sa frustration, ne pas parler trop fort,… bref, être une femme discrète. Et si elle avait pu être soumise en plus, cela aurait été l’idéal. Et elle était bien partie pour y parvenir si les circonstances ne l’avait pas poussée sur les ailes d’un vent de rébellion. Alaïs apparaissait toutefois toujours calme et posée, sauf dans les situations d’urgence absolue où elle perdait totalement ses moyens. Tremblements, bégaiements et esprit vide à l’appui.
Ayant besoin de peu de sommeil et très matinale, elle détestait rester à ne rien faire et préférait être continuellement active. Créative et à l’aise avec de nombreux supports, elle passait la plupart de son temps à créer et dessiner, enfermée entre quatre murs. La nature et les grands espaces n’étaient définitivement pas son fort.
Elle était très douée pour écouter et apporter du réconfort, mais n’était par contre pas très bonne conseilleuse. La perte de son fiancé avait par ailleurs entamé sa capacité à s’attacher. Le deuil lui vrillait toujours le cœur et la jeune femme ne se voyait pas remettre le couvert. Il lui était pas ailleurs toujours difficile de faire confiance aux gens après avoir été manipulée et utilisée pendant des années. Il allait pourtant bien falloir travailler sur cet aspect, à en croire les regards de travers qu’on lui adressait de plus en plus souvent. Son célibat n’allait plus être tolérer bien longtemps…
Très croyante, et s’étant toujours sentie particulièrement attachée à Anür, ses rares sorties privées consistaient en des visites au Temple. (Maintenant qu’elle était un peu plus à l’aise en ville, il était vraiment temps qu’elle étende ses horizons. Et fasse quelques rencontres.) Sa foi ainsi que son optimisme avaient cependant été sévèrement entamés par les événements des dernières années. Mais les interrogations qui la taraudaient étaient enterrées profondément dans son subconscient (on ne peut pas tout gérer à la fois, elle faisait vraiment de son mieux…). Car le traumatisme était bien réel. La fuite de Boétie, Ronan, les mois de privation et puis, la cerise sur le gâteau, les horreurs de l’invasion, l’avaient sérieusement secouée. Cauchemars et moments de panique (un bruit saisissant, un mouvement suspect dans la foule ?) faisaient maintenant partie de son quotidien, ainsi qu’un tic nerveux pendant lequel elle se mordillait la lèvre inférieure, parfois jusqu’au sang. Un fond coléreux bouillonnait au fond de son être et elle n’avait pas encore trouvé d’exutoire. L’art ne suffisait pas.
La jeune femme essayait toutefois de se reconstruire. Un peu d’espoir et d’ambition n’avaient jamais fait de mal à personne.
◈ Histoire ◈
Les premières années …
Alaïs se souvenait avec une douce nostalgie des premières années de sa vie.
Fille unique du maître forgeron d’une petite ville du comté de Boétie, elle n’avait jamais manqué de rien. Son père, au fil des ans, avait en effet conclu des contrats très lucratifs afin d’armer correctement la garnison locale de l'armée royale, mais s’était aussi fait un nom auprès des nobliaux de la région en créant des pièces ornées plus fines, et surtout uniques, qui tapaient aisément dans l’œil des grands de ce monde. Jean Verden était toutefois un peu brut de décoffrage, et généralement couvert de suie et de sueur. La mère d’Alaïs, Maude, gérait donc les relations commerciales de leur petite exploitation, avec cette courtoisie passive-agressive qui avait toujours donné des sueurs froides à la petite fille. Ses parents ainsi occupés à longueur de journées, finalement plus pour le prestige que pour mettre du pain sur la table, c’était la grand-mère maternelle de la petite demoiselle, la vraie Adelaïde, qui s’était occupé de son éducation.
Grand-mère Adelaïde était une femme forte et vertueuse. Elle avait élevé cinq garçons et deux filles, et il n’avait jamais été question que quiconque lui marche sur les pieds. Aussi, lorsqu’elle avait décidé d’emménager avec son fils aîné et son épouse alors enceinte, personne n’avait pu l’arrêter. Malgré l’âge qui voûtait sa silhouette et les malheurs qui assombrissaient son regard, elle paraissait inébranlable, un véritable roc à travers l’enfance de la petite fille, qui veilla à ce qu’Alaïs, nommée en son honneur donc, suive le même chemin qu’elle : elle serait une bonne épouse, et une bonne mère, capable de s’intégrer dans les cercles de plus en plus guindés fréquentés par ses parents.
L’avarice des hommes connait toutefois peu de limites… Aussi, Alaïs n’avait pas encore dix ans lorsque son père remarqua chez elle un certain talent artistique. Les dessins qu’elle produisait pour s’amuser et passer le temps n’avaient d’ores et déjà d’égales que les œuvres des grands artistes. De manière d’abord tout à fait détournée, le forgeron testa donc l’habileté de la petite fille, sollicitant toujours plus de nouveaux dessins et créations variées pour « décorer son atelier ». Il procurait matériaux et idées pour ensuite se tapir dans l’ombre et observer son petit prodige travailler.
La démarche n’était pas du goût de Maude, qui n’avait que peu d’affection pour cette enfant à laquelle elle ne s’était jamais vraiment intéressée. Mais lorsque son époux fit miroiter la plus-value que l’habileté de leur fille pourrait apporter à leurs créations, elle n’émit plus le moindre doute. Jean dut cependant prendre patiente. S’il avait pu faire plier Maude, Adélaïde en revanche s’opposa catégoriquement à ce qu’Alaïs approche de la forge et la petite fille put encore profiter de quelques mois de tranquillité.
Mais Adelaïde était déjà âgée, et fatiguée. Elle s’endormit un soir pour ne plus se réveiller et Alaïs fut pour la première fois confrontée à la disparition d’un être cher. Pas question toutefois pour ses parents de l’épauler à travers cette épreuve… à peine le cercueil gorgé d’eau de mer enterré que la petite demoiselle faisait ses premiers pas dans la forge et découvrait le domaine infernal de son paternel. Il n’était pas question de lui faire forger quoi que ce soit, bien évidemment. Par contre, sous la houlette sévère de son père et le regard toujours un peu moqueur de sa mère, elle apprit à dessiner les croquis préparatoires des ouvrages ornés. Entrelacs, fleurs et autres créatures mythiques rêvés par les commanditaires prenaient vie sous son fusain avant que son père ne les immortalisent dans l’acier.
Alaïs passa donc les trois années suivantes de son existence à travailler sur ses dessins dans l’atelier de la forge mais aussi, dès que Jean l’en sentit capable, aux gravures de plus en plus délicates qui ornaient les épées et autres ouvrages du maître forgeron. Et on en peut pas dire que cela l’amusait beaucoup. Elle aurait grandement préféré jouer avec les autres enfants du quartier, au dehors.
À l’époque, l’étrangeté de la situation n’échappa pas à la jeune demoiselle, sans pouvoir vraiment mettre de mots sur le malaise qui l’habitait. Sa mère était toujours aussi distante mais elle passait beaucoup de temps avec son père, qui la traitait avec une nouvelle forme de respect. Elle ne voyait presque plus le soleil, perpétuellement penchée sur son plan de travail, et ses rares sorties n’avaient qu’une seule destination, le Temple. Sa cérémonie de passage à l’âge adulte fut pourtant traitée comme une simple formalité et elle fut de retour à l’atelier dans l’heure.
La réalisation fut lente et douloureuse… Ses parents n’avaient que très peu d’affection pour elle et seul son talent, si aisément rémunérateur, les intéressait.
Que pouvait-elle y faire cependant ? Grand-mère Adelaïde était morte depuis longtemps. Elle n’avait pas vraiment de liens avec les autres membres de sa famille et ses parents s’étaient assurés qu’elle n’ait pas de relation en dehors des quelques apprentis de la forge.
La solitude la frappa de plein fouet.
… L’apprentissage …
Son père sembla remarquer les subtiles changements qui intervinrent à cette période. Alaïs, qui avait jusque là toujours apprécié la chance de passer du temps avec son père, n’affichait désormais plus la même vitalité ni le même enthousiasme. La qualité de son travail n’en pâtit jamais mais elle devint irritable, avec tout le monde, et plus particulièrement Maude.
Jean était loin d’être un imbécile… Peut-être avaient-ils trop profité de la poule aux œufs d’or ?… Et un vent de culpabilité lui gela les entrailles. Sa mère aurait honte de lui. Alaïs aurait-elle le courage de s’opposer à eux ? Ou pire, de s’enfuir ? Il ne pouvait décidément pas prendre ce risque…
Dans les jours qui suivirent, il parcourut les échoppes de ses amis artisans à la recherche d’un art qui correspondrait mieux aux aptitudes d’Alaïs. D’un environnement plus propice aussi (enfin, si possible). Mais surtout, de quelqu’un qui accepterait de prendre une (jeune) fille en apprentissage. Ce n’était pas gagné.
Maude tenta par ailleurs de s’y opposer, bien évidemment. Perdre Alaïs et la touche de raffinement qu’elle apportait à leurs produits signifiait une régression de leur niveau de vie et son épouse pouvait être très vocale quand elle le voulait. Alaïs observait leurs échanges d’un air désabusé. Ses pires craintes avaient trouvé confirmation et seules les promesses de son père d’obtenir un apprentissage ailleurs lui donnaient le courage de se lever le matin.
Ses espoirs ne furent pas vains car Jean finit par lui dénicher, les dieux soient loués, une place chez un maître verrier. Abriel, c’était son nom, n’avait qu’un seul apprenti, son fils, et ce dernier manquait parfois de finesse. Il avait pourtant fallu pas mal de négociations (et beaucoup d’argent était passé sous la table aussi…) avant que le chef d’atelier n’envisage d’engager une apprentie, talentueuse au possible et qu’il n’aurait ni besoin d’héberger, étant donné qu’elle rentrerait chaque soir chez ses parents, ni besoin de rémunérer comme c’était normalement d’usage pour les apprentis masculins. Soit, Alaïs n’allait pas cracher dans la soupe.
La jeune fille fut d’abord enchantée de l’opportunité. Le verre avait bien des perspectives, aussi pratiques que décoratives, et les techniques pour le travailler étaient aussi variées. Mais l’attitude renfrognée de Ronan, le fils du maître d’un an son aîné, aurait dû lui mettre la puce à l’oreille… Car si Abriel ne leva jamais la main sur elle, il n’en était pas de même pour Ronan. La moindre erreur, la moindre incartade, était toujours pareillement punie : par des coups, encore des coups et toujours des coups. Abriel pouvait aussi se montrer très malveillant, et même Alaïs n’échappait pas à sa hargne. Elle s’accrochait cependant aux lueurs d’espérance qui illuminaient son quotidien morose : entre les paroles blessantes et les comportements agressifs, Abriel lui apprenait de magnifiques techniques et lui transmettait un savoir-faire inestimable. Et le temps passé à soigner les coups et blessures de Ronan, à le soutenir dans ces moments difficiles, les avaient considérablement rapprochés. Aussi, il ne fallut pas longtemps avant qu’Alaïs ne le compte parmi ses amis. Son seul ami, en fait…
La renommée de l’échoppe allait grandissante, la fortune d’Abriel également. Il commença donc à investir dans de petites pierres semi-précieuses, puis précieuses, à sertir sur les œuvres d’Alaïs afin d’obtenir des pièces toujours plus surprenants et plus fines, de la simple fiole de parfum aux effigies les plus fantaisistes. Bien sûr, Ronan et Alaïs tombèrent amoureux. Enfin… à ce jour, la jeune femme ne parvient toujours pas à établir si elle est réellement tombée amoureuse de Ro’, ou si la situation les a tout simplement liés irrévocablement l’un à l’autre.
Toujours est-il que face à la silhouette toujours plus imposante de son fils, et à l’approche de son dix-huitième anniversaire, Abriel se calma notablement, certainement par peur de prendre enfin un coup en retour. La relation des jeunes gens ne lui avait par ailleurs pas échappé et il craignait que Ronan ne prenne la poudre d’escampette en emmenant sa petite mine d’or avec lui… Le maître verrier adopta donc une attitude bien plus plaisante et promit même aux deux jeunes gens, désormais fiancés, de financer une superbe cérémonie de mariage dès que Ronan aurait terminé son apprentissage pour devenir compagnon.
Les parents d’Alaïs, qu’elle évitait comme la peste, n’émirent aucune objection et les deux jeunes fiancés rongèrent donc leur frein pendant… quatre longues années.
Heureusement (enfin, tout est relatif…), après un accident avec l’un des fours, le côté gauche du visage d’Abriel avait été sévèrement défiguré. Alaïs et Ronan, qui étaient jusque là confinés à la verrerie, purent ainsi diversifier leurs activités en prenant part à l’aspect commercial de l’échoppe. Rencontrer la clientèle, négocier les prix des matières premières, échanger avec les autres artisans du quartier,… Une toute nouvelle dimension, tout aussi enrichissante, s’ouvrait à eux et leur permirent de tenir le coup.
La jeune femme avait vingt-et-un ans lorsque Ronan parvint enfin à obtenir le titre de compagnon, et Alaïs ne se sentait plus de joie. Ils pourraient enfin se marier, prendre leur indépendance, mais aussi leur revanche sur ces parents qui les avaient infantilisés et exploités pendant tant d’années. Car il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour comprendre que si elle avait été acceptée comme apprentie et que son travail était d’ores et déjà loué à travers tout le comté, personne ne comptait l’élever au rang de compagnon. Ce n’était tout simplement pas la place du femme.
Son mariage avec Ronan était sa seule chance…
Mais Abriel n’en avait pas fini avec eux. Les problèmes de peau liés à sa brûlure au visage n’avaient fait que s’aggraver avec les années et, venue l’heure de tenir sa promesse, il ne fit que la reporter, encore et encore, arguant de ses soucis de santé et demandant aux fiancés de patienter.
Au fil des ans, Alaïs avait développé un arsenal de mécanismes de défense, pour se protéger des indélicatesses de son entourage. Mais après cinq ans de fiançailles, d’une conduite plus qu’impeccable dans l’intervalle, et de ce que la jeune femme ne pouvait plus qualifier que d’une mauvaise plaisanterie, son sang se mit à bouillir.
Elle était en train de réfléchir à la meilleure manière de retourner la situation en leur faveur quand d’étranges rumeurs, murmurées par-dessus les comptoirs des échoppes, attirèrent son attention.
… La Fange …
Ce que beaucoup prirent d’abord pour des contes de bonnes femmes impressionnables ne tardèrent pas à lui glacer le sang. Ces histoires de monstres humanoïdes s’attaquant aux êtres humains étaient bien trop différentes des rumeurs qui circulaient habituellement dans la région. L’on prit les premiers réfugiés pour des fous. Mais Alaïs trouvait leurs récits bien trop cohérents. C’était comme si les dieux lui disaient qu’il était temps de prendre la poudre d’escampette. Entre leur situation sans issue, et maintenant des menaces de cannibalisme, les signes devenaient immanquables.
Il ne fallut que peu de mots pour convaincre Ronan de plier bagages. Il avait aussi atteint sa limite et l’aurait probablement suivie quoi qu’il arrive. Ils migreraient donc vers l’est et, dès qu’ils auraient trouver une ville de taille respectable, ils se marieraient, sans fanfares, et installeraient leur propre échoppe. Ce ne serait pas simple, ils en avaient bien conscience, mais ils seraient enfin libres et travailleraient pour leur propre compte. Alors ils préparèrent leurs sacs sous le couvert de la nuit et partirent à l’aube, se greffant à une caravane mêlant marchands et réfugiés effrayés qui n’avaient qu’une idée en tête : partir plus à l’est, toujours plus à l’est. Ce qu’Alaïs ne dit pas à Ronan, c’est qu’avant de décamper sans un mot pour leurs familles, elle s’était allègrement servie dans le coffre-fort d’Abriel et avait caché sur sa personne quelques pierres précieuses aisément dissimulables.
Pour les deux amoureux qui n’avaient jamais connu que les murs de leur petite ville boétienne, leur exil volontaire avait un arrière goût d’aventure bien excitante. Toutefois, l’horreur n’allait pas tarder à les rattraper, et leur vie sombrer dans de nouveaux abysses jusque là inconnus. Leur caravane n’était en effet pas particulièrement pressée, jusque là. Les quelques réfugiés de l’ouest qui les accompagnaient pensaient avoir déjà mis suffisamment de distance entre eux et la menace et les marchands privilégiaient une avancée régulière et mesurée adaptée aux chevaux de trait. Ils furent donc aisément rattrapés par d’autres réfugiés qui semblaient avoir Etiol en chair et en os à leurs trousses. Des réfugiés de leur propre ville, ravagée par le Fléau.
Alaïs n’eut qu’une brève pensée pour ceux qu’ils avaient laissé derrière eux car le temps n’était pas aux geignements. Ses parents, Abriel, certains de leurs fidèles clients,… Etaient-ils parvenus à s’échapper ou avaient-ils succombé aux griffes et dents de la menace putride ?
La fuite en avant était désormais inévitable. Les fangeux, comme on les appelait, étaient rapides et semblaient infatigables. Leur caravane, au nombre gonflé par de nouveaux réfugiés, accéléra le rythme et avait maintenant une destination bien précise, la ville fortifiée de Marbrume. Car leurs éclaireurs étaient formels, les monstres étaient sur leurs talons.
Ils venaient d’atteindre la frontière du duché du Morguestanc, près d’Estaing, quand l’effroi les rattrapa enfin. Les fuyards avaient pris l’habitude de ne dormir que quelques heures, vers midi, lorsque les fangeux étaient les moins actifs, et d’avaler les lieues le reste du temps. Mais plusieurs jours d’un temps maussade se trouvèrent être leur plus grand ennemi. Car là où les migrants, épuisés, n’avaient d’autre choix que de s’arrêter périodiquement pour un peu de repos, même sous la pluie, les fangeux, eux, n’étaient plus incommodés par le soleil et comblèrent l’écart en un temps record.
Cette journée restera à jamais gravée dans sa mémoire… D’épais nuages ténébreux masquaient le soleil et déversaient des trombes d’eau sur les fuyards éreintés et affamés. Ronan et elle marchaient à l’avant de la caravane quand les premiers cris se firent entendre. La panique s’infiltra dans chacun des membres de la jeune femme et elle s’agrippa à son fiancé, ses mains abîmées enserrant ses épaules. Il avait heureusement toujours été plus réfléchi qu’elle, et surtout beaucoup plus courageux. Le regard grave, il l’étreignit et lui souffla à l’oreille :
« Cours. Ne t’arrête pas, dans aucun village. Ne fais plus que courir, toujours plus à l’est. Tu devrais atteindre Marbrume dans deux jours. Je te rattraperai… »
Il s’écarta d’elle et lui mit une vielle dague émoussée dans la main. Il ne garda que l’épée courte qu’un marchand lui avait remis plusieurs jours plus tôt. Puis, alors qu’elle restait pétrifiée, une main serrée sur la poignée de la dague et l’autre toujours agrippée à son épaule, il la repoussa et haussa le ton, couvrant les cris morbides qui montaient toujours de l’arrière de la caravane.
« Va ! Je te retrouverai ! Pars ! »
Alors Alaïs prit la fuite et se mit à courir aussi vite que ses grandes jambes le lui permettaient.
Aujourd’hui, quand elle repense à ce moment, un sentiment de l’honte l’envahit encore. Elle avait certes obéi à Ronan, mais elle l’avait surtout abandonné en prenant ses jambes à son cou. Sans aucun regard en arrière.
Evidemment, il lui était impossible de courir jusqu’à Marbrume, encore moins chargée de son pesant sac à dos. Mais elle courut jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à ce que la douleur dans son côté gauche la transperce, que la bile lui brûle la gorge et que ses jambes flageolent sous l’effort. Elle dut s’arrêter pour reprendre son souffle, puis reprit la route, à marche forcée cette fois, en contournant les villages et en évitant les autres réfugiés. Maintenant qu’elle était seule, elle se sentait bien fragile et ne souhaitait prendre aucun risque.
Son esprit restait vide. Comme toutes ces fois où les manipulations de son père lui apparaissaient, où les cris d’Abriel lui vrillaient les oreilles. Les doutes, l’horreur, la peine et l’effroi ne pouvaient pas pénétrer son fort intérieur, au risque de le fissurer. Il valait mieux s’endormir l’âme.
Quand elle passa enfin les portes de Marbrume, fin août 1164, elle n’était plus qu’une coquille vide.
… Marbrume
Les mois qui suivirent restent, dans sa mémoire, un amas de souvenirs et d’émotions plus désagréables les uns que les autres qu’Alaïs tente tant bien que mal d’oublier. Entre l’espoir de voir Ronan passer les portes de la ville à son tour et la situation catastrophique dans laquelle se trouvait la ville prise d’assaut par les réfugiés, la jeune femme passa les premières semaines dans une expectative épuisante, passant de refuge en refuge.
Puis, les portes de Marbrume furent closes à l’approche de la menace putride et la jeune femme se décida à rejoindre de manière plus permanente un refuge qui n’accueillait que les femmes, tenue par une commerçante. C’était plus sûr.
Le manque de nourriture et la désorganisation générale frappèrent terriblement les plus démunis et ce n’était pas la jeune Alaïs qui allait pouvoir y faire grand-chose. Elle tenta de survivre, troquant peu à peu toutes ses possessions pour un quignon de pain moisi, jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus que les vêtements qu’elle portait sur le dos, et les pierres précieuses dérobées à Abriel. Mais il n’y avait pas de marché pour ce genre de biens en pleine crise généralisée et il était hors de question de les échanger pour bien moins que leur valeur. C’était peut-être de l’orgueil mal placé, mais soit.
La famine faisait des ravages et Alaïs fut contrainte de changer de refuge à plusieurs reprises. L’estomac vide pendant des périodes de plus en plus longues, la jeune femme sentait ses forces la quitter et il lui devenait difficile de récupérer lorsqu’un peu de nourriture trouvait son chemin. Ronan lui manquait… Son art lui manquait… Et toutes ses tribulations lui paraissaient bien extrêmes, le prix de sa survie trop exorbitant. Elle se résolut à ne pas voir le printemps suivant. Elle quitta donc les bas-fonds de la ville pour remonter vers le port et le quartier commerçant. Si elle devait mourir, ce serait, si possible, entourée de paysages familiers.
À la nuit tombée, elle flânait à l’arrière d’entrepôts qui s’étaient vidés pour la soirée quand elle remarqua un travail laissé inachevé. Un pot d’argile que quelqu’un avait commencé à décorer d’une simple ligne de points blancs. La peinture de craie et le pinceau fin se trouvaient toujours sur le plan de travail. Les membres faibles et l’esprit embrumé par l’inanition, elle passa par la fenêtre entrouverte et passa toute la nuit à décorer tous les récipients et autres jarres qui lui tombèrent sous la main. Elle s’écroula ensuite de fatigue, persuadée que c’était la fin.
Alaïs fut réveillée par des mains épaisses qui la secouaient comme un pommier par l’avant de sa tunique. L’homme grossier lui criait dans les oreilles, demandant si c’était elle qui avait fait ça. Elle acquiesça faiblement, surprise d’être toujours en vie.
Dans les heures qui suivirent, on lui donna un bol d’un vieux bouillon de légumes à manger. Et la montagne de muscles qui l’avait réveillée (sauvée ?) lui proposa un marché : il lui offrirait une chambre ainsi qu’un lieu de travail sécurisés, un repas dès que ce serait possible et une petite solde si elle acceptait de travailler pour lui, à décorer ses créations. Bauduin était un potier bien loti. Il disposait d’imposants ateliers et d’entrepôts, ainsi que de quelques ouvriers, dont il la protégerait. L’offre lui était familière… Sauf que c’était la première fois qu’on lui donnait vraiment le choix. Alors elle accepta.
La vie dans les ateliers de Bauduin était facile, comparativement à ce qu’elle avait connu dans le Goulot, et le travail n’avait rien de compliqué. Elle pouvait toujours compter ses côtes, mais au moins elle ne mourrait plus de faim et elle se sentait un peu plus en sécurité. La jeune femme s’intégra même relativement bien avec ses collègues et elle vécut les mois qui suivirent au jour le jour, en essayant de ne pas trop penser. Ni à Ronan, ni aux fangeux, ni aux pierres précieuses perpétuellement dissimulées sur sa personne.
Lors de la guerre putride, elle aida son patron et ses collègues à barricader les portes des entrepôts. Ils versèrent ensemble des larmes silencieuses lorsqu’ils entendirent s’élever, de l’autre côté des pans de bois renforcés, les appels à l’aide et les hurlements de leurs concitoyens. Mais ils n’ouvrirent les portes que bien des heures plus tard. Cela crée des liens. Bauduin et ses ouvriers, Marbrumiens de source, l’invitèrent donc tout naturellement à participer avec eux aux célébrations du couronnement. À la base, elle ne se sentait pas vraiment concernée. Si elle avait su, elle aurait suivi son instinct… Au lieu de festivités, elle se retrouva à courir à nouveau pour sa vie, ses collègues à ses côtés. Heureusement qu’ils se trouvaient loin des affrontements. Ils regagnèrent donc les entrepôts, se barricadèrent à nouveau, et firent le compte. L’un des jeunes ouvriers était tombé pendant la course. Bauduin l’avait vu disparaître sous les pieds de la foule. L’un des plus âgé ne revint que plusieurs heures plus tard, le regard hanté.
Mais Alaïs ne supportait pas l’idée de rester à nouveau confinée dans les entrepôts du potier alors que tant de gens souffraient. Elle avait encore pris la fuite, et s’en était à nouveau sortie indemne, là où des milliers de personnes avaient péri ou étaient blessées. La jeune femme se porta donc volontaire pour aller aider à soigner les blessés.
À ce jour encore, les visions d’horreur et l’odeur des buchers la réveillent la nuit. Mais elle tint bon, pendant les jours et les nuits de carnage qui se succédèrent.
Quand elle revint à l’atelier du potier, ce fut emplie d’une nouvelle volonté. La ville allait pouvoir se reconstruire, souffler un peu. Il lui fallait profiter de ce nouveau souffle. Elle avait de l’or dans les mains et elle devait trouver le moyen d’être celle qui en bénéficiait, directement. La verrerie n’était peut-être pas encore à l’heure du jour, vu que l’urgence était toujours de nourrir la population, mais avait également appris la poterie auprès de Bauduin. Il était aussi grand temps d’admettre que Ronan… ne reviendrait pas. Son patron comprit la démarche et accepta de la laisser partir, pour autant qu’elle promette de ne pas empiéter sur sa part du marché. Ils convinrent donc de se partager les contrats. Bauduin continueraient à produire les plus grands récipients utiles à la conservation tandis qu’Alaïs se spécialiseraient dans les produits plus délicats. Il lui demanda bien comment elle comptait débuter, mais la jeune femme garda ses ressources secrètes. Elle ne mentionna pas non plus ses projets pour la verrerie.
Les recherches furent longues et ardues. Il lui fallut des mois, pendant lesquels elle continua à travailler pour Bauduin, avant de trouver une échoppe convenable. C’est en mars 1167 qu’elle traqua la propriétaire d’un atelier de potier laissé à l’abandon dont l’artisan était mort durant l’invasion. Sa veuve ne s’en sortait pas et ne souhaitait qu’une chose, se débarrasser du petit bâtiment, avec tout cet espace inutile, dans le nord de la Hanse. Deux fours, un bel établi et un logement à l’étage… C’était parfait. La veuve accepta de laisser tout le matériel professionnel sur place et de n’emporter que les meubles et ses effets personnels en échange de deux des pierres précieuses qu’Alaïs avait toujours sur elle. Et, avant que la rumeur ne se répande, elle avait échangé les deux autres contre le matériel et les matières premières nécessaires pour se mettre en route ainsi qu’une couverture. Parce que bon, dormir à même le sol, ça va bien cinq minutes.
Maintenant, il ne restait plus qu’à se mettre au travail. La poterie, d’abord, puis la verrerie. Viser à nouveau une clientèle noble. Offrir du travail à des réfugiés. Et peut-être, pourquoi pas, être enfin reconnue pour ses compétences et intégrer l’Ordre des Compagnons.
◈ Résumé de la progression du personnage : ◈
À suivre.
◈ Derrière l'écran ◈
Certifiez-vous avoir au moins 18 ans ? Si seulement j’avais pu dire non…
Comment avez-vous trouvé le forum ? Petite recherche sur FB.
Vos premières impressions ? Très complet, actif et communauté bien sympa =D
Des questions ou des suggestions ? Pas pour le moment.
Souhaitez-vous avoir accès à la zone 18+ ? Soyons fous…
Dernière édition par Alaïs Verden le Sam 1 Oct 2022 - 17:37, édité 1 fois |
| | | Séraphin ChantebrumeAdministrateur
| Sujet: Re: Alaïs Verden [Validée] Sam 1 Oct 2022 - 1:08 | | | Salut à toi et bienvenue! Alors concernant ta fiche, j'ai relevé quelques détails mais vraiment minimes. - Citation :
- Son père, au fil des ans, avait en effet conclu des contrats très lucratifs afin d’armer correctement la milice locale
La création de la milice remonte à l'avènement de la fange, avant cela c'était simplement l'armée régulière du Royaume. Ensuite concernant son apprentissage, je pense que pour l'époque, malgré tout son talent, il aurait été difficile pour une femme d'être engagée comme apprentie. Alors je te dis pas de revoir ce point là, juste qu'à minima Abriel a dû hurler et exiger des garanties de la part du père d'Alaïs, et vu le background de ton personnage, c'est totalement justifiable. Il faut juste que ça ait moins l'air de couler de source, deux trois lignes devraient amplement suffire! Je te laisse voir tout ça, et si tu as des questions hésite surtout pas! Bon courage! |
| | | Richard d'EstaingMilicien
| Sujet: Re: Alaïs Verden [Validée] Sam 1 Oct 2022 - 11:08 | | | Bienvenue à Marbrume Alaïs |
| | | Alaïs VerdenArtisan
| Sujet: Re: Alaïs Verden [Validée] Sam 1 Oct 2022 - 17:44 | | | Merci à tous les deux =D C'est un plaisir de replonger dans le rp après tant d'années au sein d'une communauté si sympathique! Pour les modifications : - j'ai remplacé "la milice locale" par "la garnison locale de l'armée royale" pour que ça colle. - pour l'apprentissage, je comprends tout à fait. J'ai donc adapté ce passage. Le voici pour ne pas devoir chercher dans ma tartine ;-) : - Citation :
- Dans les jours qui suivirent, il parcourut les échoppes de ses amis artisans à la recherche d’un art qui correspondrait mieux aux aptitudes d’Alaïs. D’un environnement plus propice aussi (enfin, si possible). Mais surtout, de quelqu’un qui accepterait de prendre une (jeune) fille en apprentissage. Ce n’était pas gagné.
Maude tenta par ailleurs de s’y opposer, bien évidemment. Perdre Alaïs et la touche de raffinement qu’elle apportait à leurs produits signifiait une régression de leur niveau de vie et son épouse pouvait être très vocale quand elle le voulait. Alaïs observait leurs échanges d’un air désabusé. Ses pires craintes avaient trouvé confirmation et seules les promesses de son père d’obtenir un apprentissage ailleurs lui donnaient le courage de se lever le matin.
Ses espoirs ne furent pas vains car Jean finit par lui dénicher, les dieux soient loués, une place chez un maître verrier. Abriel, c’était son nom, n’avait qu’un seul apprenti, son fils, et ce dernier manquait parfois de finesse. Il avait pourtant fallu pas mal de négociations (et beaucoup d’argent était passé sous la table aussi…) avant que le chef d’atelier n’envisage d’engager une apprentie, talentueuse au possible et qu’il n’aurait ni besoin d’héberger, étant donné qu’elle rentrerait chaque soir chez ses parents, ni besoin de rémunérer comme c’était normalement d’usage pour les apprentis masculins. Soit, Alaïs n’allait pas cracher dans la soupe.
J'ai tenté d'intégrer pas mal de résistance, un soudoiement en bonne et due forme et la condition qu'elle ne soit pas rémunérée du tout. |
| | | Séraphin ChantebrumeAdministrateur
| Sujet: Re: Alaïs Verden [Validée] Sam 1 Oct 2022 - 18:10 | | | C'est tout bon pour moi, je te valide donc! Ta couleur arrive, ta carrière est ici, tu trouveras les demandes de rp ici, et un modèle de journal par là si tu souhaites en créer un! Et pour les quêtes et missions ça se passe là! Tu trouveras ta fiche de succès ainsi qu'une carte à ton effigie dans ta carrière, n'hésite pas à jeter un oeil au système ici et à nous mp en cas de questions! |
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| Sujet: Re: Alaïs Verden [Validée] | | | |
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