L'entrainement des insociables [Feat. Gael de Conques]

Le convoi se dirigeant vers Marbrume était accompagné de quelques miliciens. En renfort pour quelques petites missions, il n’était pas rare pour les externes de rentrer en ville de temps à autre lorsqu’il y avait besoin. 

Rosalie n’avait eu presque aucun écho sur les raisons qui poussaient quelques camarades et elle à revenir entre les murs. En réalité, elle n’avait de toute évidence pas chercher à en savoir plus non plus, se disant qu’elle obtiendrait les informations en temps voulu. La jeune milicienne avait simplement eu l’ordre de retrouver un certain Gaël De Conques, dans l’optique de perfectionner certaines techniques de combat en cohésion avec une escouade de l’externe et une escouade de l’interne. Les camarades qui accompagnaient la brunette avaient également un nom de milicien désigné, avec qui ils devaient s’entrainer et partager leurs expériences durant leur séjour à Marbrume. 

L’intérêt n’était pas rediscuté : profiter de l’expérience des différents miliciens pour approfondir ses propres techniques était en soit une bonne idée. Rosalie n’avait rien contre cela, cherchant d’autant plus à devenir plus forte pour combler ses faiblesses physiques et mentales. Mais quelque chose la dérangeait, quelque chose dont elle ne pourrait faire l’impasse quoiqu’elle fasse : l’aspect social. 

Elle ne savait combien de temps elle resterait à Marbrume et craignait de devoir subir toute sorte de tentatives de sociabilisation durant les entraînements réguliers. Si l’idée de ne pas adresser un mot en dehors des combats pouvait en rebuter plus d’un, celle-ci était idéalisé par l’insociable milicienne. 

Et cela, Siméon s’en doutait fortement. Le collègue de la jeune brunette est un jeune milicien de la même escouade que celle-ci. S’étant rencontré à leur arrivée à Genevrey, Siméon n’a jamais réellement lâcher la petite brunette, bien qu’elle ne semblait pas vouloir s’en faire un ami. Au tout début, il forçait la communication, imposant sa présence lorsque Rosalie s’isolait. Finalement, au fur et à mesure, la jeune milicienne finit par l’accepter, se rendant bien compte qu’il était l’une des rares personnes biens à s’intéresser à elle. Elle ne s’est jamais réellement confiée à lui, peut-être même qu’il n’en sait que très peu sur elle, mais lui n’hésita pas à venir discuter de ses problèmes, sans s’attendre à des retours bien développés. Il était l’extravertie, elle l’introvertie. Il était le grand bavard, elle l’insoutenable silence. En beaucoup de points ils s’opposaient, mais la bienveillance du garçon, son soutien indirect et sa présence amenait Rosalie à le considérer réellement. Il devint, sans qu’elle s’en rende réellement compte, un de ses premiers amis depuis la tragédie mondiale. 

Alors que le convoi s’était arrêté quelques instants, le temps d’une brève pause, Siméon en profita pour s’approcher de Rosalie, occupée à surveiller les alentours.

- On est bientôt arrivé. Alors, prête ? dit-il avec un grand sourire, accompagné d’un petit coup de coude amical.

Allez allez…

Un soupir de la brunette en guise de réponse, ce qui ne manqua pas de faire rire son camarade.

- Rhaaaaa, ça va bien se passer, soit pas stressée ! Si ce n’est pas le cas, tu sais que je suis là, hein ? Au pire, tu n’es pas obligée de lui parler vraiment. Explique lui les bases, tes exercices, pose des ques…. 
- …
- … tu ne poseras pas de questions. Écoute, peut-être que ce sera lui qui fera la conversation. Ou peut-être pas ! Et puis…
- Siméon.
- Oui Rosalie?
- Qu’est-ce qui te fait dire que cette mission me rend nerveuse ?
- ...Ah. Euh… Ouais. T’as raison. C’est peut-être moi qui stresse à ta place, en fait.

En réalité, bien que l’aspect social n’arrange pas la soldate, elle n’en est pas moins inquiète. Sous un haussement des épaules, le milicien ria nerveusement. La milicienne quant à elle lui offrit un petit sourire avant l’annonce de la fin de pause. Elle secoua doucement la tête, engageant son pas pour se replacer.

- Arrête de t’inquiéter.
- Tu ne me facilites pas la tâche…, murmura-t-il pour lui-même.








Cela faisait déjà deux bonnes heures que la jeune milicienne était réveillée. Elle s’était préparée à son rythme avant de sortir dans la cour afin de commencer son entraînement personnel avant d’entamer celui avec l’interne. 

Peu de personnes étaient présentes, ce qui offrait à la brunette la tranquillité qu’elle appréciait tant. Elle ignora les quelques regards sur elle, concentrant toute son attention sur ses propres mouvements et ses exercices sportifs. C’est au bout d’une demie-heure qu’elle allégea ses efforts, principalement pour observer l’environnement qui l’entoure. La cour étant le point de rendez-vous donné pour l’entraînement spécialisé. Alors, elle prit quelques instants pour se rappeler de la brève description qu’on lui avait donné de celui qu’elle attendait. Et idiotement, elle se rendit compte qu’elle ne se souvenait de plus grand chose concernant la description physique de son futur partenaire de combat. Et il était hors de question pour elle d’aller voir chaque milicien qui arrivait au compte goutte pour leur demander leur identité. 

Alors simplement, elle reprit quelques petits exercices pour patienter. Si elle n’était pas en capacité d’identifier le milicien, sans doute que lui réussira à l’identifier elle. Après tout, il n’y avait pas énormément de femmes dans la Milice… encore moins au point de rendez-vous actuel. 

Solution de facilité? Peut-être…

Terminant d’enfiler sa deuxième botte, Gaël se leva enfin du bord de son lit pour mettre son gambison. Il vérifia une dernière fois sa dégaine avant de commencer à vouloir sortir du dortoir.

«-Tu vas rejoindre ton partenaire d’entraînement ?» Demanda un milicien à peine réveillé.

Gaël s’arrêta un instant sur place, réalisant qu’effectivement aujourd’hui il devrait se coltiner quelqu’un d’autre. Il grommela quelque chose à son comparse qui ne l’écoutait déjà plus.
On l’avait mit de pair avec une femme dans ses souvenirs, voilà qui serait bien embêtant, il allait sûrement devoir mesurer sa force pour éviter de la mettre dans l’embarras.

La cour n’était pas pleine à craquer, ce qui l’arrangeait, la plupart du temps il préférait venir s’y entraîner aux heures où la fréquentation y était la plus basse.
Il regarda autour de lui, Gaël n’était pas du genre à arriver en retard, et cette fois-ci la chose lui avait peut être fait défaut, parmi les hommes de l’extérieur ne se cachait non pas une, mais plusieurs femmes.
Il se massa l’arrière de la nuque essayant de se remémorer la description de cette certaine Rosalie, étaient-ce ses yeux qui étaient bruns ? Non ils étaient verts, enfin peut-être.
Le milicien préféra attendre que quelques uns de ses camarades arrivent d’ores et déjà pour réduir le nombre de ses possibilités, il alla donc chercher une épée d’entraînement en attendant, tout en guettant la seule femme qui resterait potentiellement, il commença quelques gestes simples pour s’échauffer un peu.

Après un instant, alors que les camarades externes et internes faisaient connaissance, il remarqua enfin une jeune fille qui s’était isolée pour effectuer quelques exercices.
Elle était brune, c’était donc peut être elle.

Il se planta à côté d’elle, arme à la main, un air un peu austère sur le visage, si la jeune fille était capable de voir plus loin que cette expression, elle aurait compris qu’il s’agissait en fait d’embarras. Sociabiliser n’était pas le fort de Gaël, et depuis ses déboires, il avait perdu toute aisance avec les femmes, elles l'intimidaient un peu à vrai dire.
Malgré son anxiété, il se tenait toujours aussi droit, un peu de fatigue dans les yeux. Il observa un peu plus la jeune fille avant de se raviser, prenant conscience que le geste avait pu paraître déplacé, bien qu’il essayait simplement de l’identifier.

«Hm… Rosalie ?» Le nom flottait un peu dans l’air, il essayait de ne pas avoir l’air trop hésitant pourtant. «Je cherche une Rosalie, de la milice externe ?»

Se sentant observé, le jeune homme préféra recentrer son attention sur un cailloux un peu plus loin. Les coups des autres miliciens résonnaient déjà dans la cour, il se demandait s’ils avaient pris du retard par sa faute.

«-Lui-même…»

Il avait commencé à tendre sa main vers elle pour la saluer mais elle lui coupa l’herbe sous le pied déjà prête à commencer. Sûrement n’avait-elle pas vu son intention, et il espérait que ce soit le cas pour que la chose soit moins gênante.
Au moins elle ne rechignait pas pour s’y mettre et cela lui éviterait en plus de faire la conversation.
Gaël hocha la tête reprenant la grippe sur l’épée pour lui indiquer qu’il était déjà prêt il commença à entrouvrir la bouche pour lui signaler qu’il essaierait de ne pas y aller trop fort mais une fois encore la jeune femme ne lui laissa pas beaucoup de temps.

Rapidement l’épée de son adversaire lui arrivait déjà dessus, il eut à peine le temps de monter sa garde, malheureusement c’est juste avant que les lames ne s'entrechoquent qu’il remarqua la force dissimulée de la lame.
Instinctivement son pied arrière changea d’appuis pour essayer de l’encaisser mais en vain, malgré le plus fort du choc absorbé par son réflexe final, la jeune fille venait de le toucher au bras.
(d100:92)

Elle avait déjà pris l’ascendant en quelques instants, ce premier coup fit oublier à Gaël toute envie de galanterie, déjà exalté par la promesse d’un bon combat.
Avant tout il essaya de rétablir son équilibre au plus vite pour redonner un coup presque l’épaule au devant, celui-ci était brouillon mais ne manquait pas en force, de toute façon il était donné pour simplement permettre à Gaël de reprendre un peu de terrain et une position où il serait beaucoup moins désavantagé. Vu le mouvement précédent de la jeune femme, cela aurait-été difficile de percer sa garde, il préférait économiser ses bottes et sa précision pour la surprendre au moment venu.
(d100:63)

Egalité. Son coup brusque avait fonctionné mieux qu’il ne l’avait prévu, la milicienne n’avait pas dû le voir venir à son tour. Maintenant il n’y avait plus aucun doute pour les deux combattants, ils s’étaient jaugés, chacun leur tour et dans une compréhension mutuelle c’était accordé le fait d'être un défi intéressant.

Le vrai affrontement pouvait commencer, Gaël avait le regard plus sérieux qu’à l’habitude, accoutumé aux entraînements avec des jeunes gens qui n’avaient souvent jamais tenu une épée, Rosalie était une opportunité bienvenue.

Lisant dans ses gestes une remise en place, il recula de quelques pas sans lui tourner le dos, agitant l’épée courte des miliciens sur le côté, il essayait de se familiariser avec sa légèreté par rapport aux épées longues auxquelles il avait été habitué durant sa jeunesse.
Une goutte de sueur glissa le long de sa tempe, il remua ses épaules pour essayer d’en dissiper la tension, les regards qui s’étaient ajoutés sur eux n’aidaient pas.
Il avait oublié le public avant que celui-ci ne se mette à parler, les remarques sur le sexe de son adversaire ne manquaient pas, il entendit même certaine moquerie pour le provoquer lui.
Il jeta un regard froid sur la foule, vers là d’où le dernier commentaire semblait venir, il n’aimait pas l’attention mais la voix de Rosalie redirigea ses pensées sur ce qui comptait vraiment à cet instant.

«-A toi» avait-elle dit. Sa voix avait tranché le brouillard de murmures, l’épéiste attendait de pouvoir se prouver à son tour, et Gaël se devait de lui rendre cet honneur.

Un combat d’entraînement c’est beau, loin de la vulgarité de la guerre, de la nécessité. Il n’y a pas à chercher à verser le sang, c’est une chorégraphie, une danse, avant de repartir pour un nouveau mouvement l’on peut prendre le temps de réfléchir.

Il l’avait sous-estimé une première fois, il s'agissait de ne pas reproduire la même erreur, la foule l’incitait à se précipiter mais il ne les entendait plus, un bref hochement de tête à Rosalie suffit à lui indiquer qu’il allait se lancer.

Une feinte, c’était ce qu’il fallait, tout son corps indiquait un angle, il espérait pouvoir la berner à protéger son flanc droit seulement il en avait trop fait, c’était trop tard pour feinter.
Non seulement le coup manquait de force car il s’attendait à le rediriger, mais de plus Rosalie pouvait voir exactement où celui-ci frapperait. (1d100 : 23)

Un arrêt brusque, il reprit sa respiration alors que la lame de son adversaire était encore tout juste sur sa gorge. Il avait essayé de se retourner mais le mouvement fluide de Rosalie et son mauvais engagement l’avait mené à cette situation. S' il avait s'agit d’un vrai combat, il serait mort.
Il déglutit, reprenant place, un hochement de tête à nouveau vers la jeune femme, approuvant son efficacité. Il passa sa manche sur son front, il suait, non pas par épuisement, mais pas la concentration qu’il mettait dans le combat.

«-Pardon. C’était un engagement médiocre de ma part.»

Pour beaucoup des miliciens présents il était incompréhensible de s’excuser pour cela, mais pour quelqu’un qui affectionnait l’escrime comme Gaël c’était important et au risque de s'y méprendre c’était le cas aussi pour Rosalie. Une simple notion de respect envers son adversaire, qui différencie le duel chevaleresque de la simple barbarie que l’on avait tendance à pratiquer dans les rangs de la milice.

Il allait reprendre l’offensive, hors de question de rester sur cet échec, il irait avec de la force cette fois-ci. Les observateurs y allaient toujours bon train de leurs commentaires, cela l’énervait au plus haut point, hors de question que l’on déconcentre son adversaire. Étonnement il se rendit compte qu’il n’était pas loin de gueuler sur eux, ce qui aurait été étonnant de sa part.

«-Ne faites pas attention à eux je vous prie. Donnez tout ce que vous avez. Je ne vais pas me retenir sur le prochain coup.»

L’épée prit de l'élan, se préparant à se heurter à celle de la milicienne si il le fallait, préférant passer sa garde avec brutalité qu'avec adresse, mais les jambes n’étaient pas en reste, dès qu’il le pourrait, il profiterait de la force de son coup pour frapper une des jambes de Rosalie avec la sienne et ainsi la renverser. La seule chance de Rosalie était probablement d’esquiver si elle le pouvait encore. (1d100 : 93)

La jeune femme avait cédé sous la force et était tombée à terre comme il l’avait prévu. Presque immédiatement il sentit la culpabilité s’installer, il y avait peut être été un peu fort pour un entraînement. Rapidement il posa un genoux à terre pour s’assurer que la milicienne avait encaisser le coup correctement et pour potentiellement l’aider à se relever si elle avait en besoin.

En premier lieu, son visage n’exprimait rien de très amical, il sentit la culpabilité doubler, elle lui en voulait sûrement puis au final il y eut un sourire, un petit, pas facilement discernable mais sincère.
Il ne put s’empêcher de le lui rendre, rare était les bons affrontements à la milice et encore plus rare les bons duellistes qui possédaient aussi un bon mental. Il ne s’était pas attendu à ce que ce duelliste soit une femme, mais ce n’était pas une mauvaise surprise.

Il proposa une poignée de main en bonne et due forme, prêt à la relever en même temps, lui aussi sentait bien que l’entraînement avait déjà été éprouvant.
La milicienne n’eut pas le temps de la saisir si elle le souhaitait qu'un autre camarade la connaissant avait fait irruption.

Au vu de la réaction de la jeune fille, une chose était sûre, ce n’était pas une connaissance amicale, au contraire. Il s’était relevé, sur la défensive prêt s’il le fallait à prendre parti pour Rosalie. Il lui avait fallu une grande volonté pour se retenir d’intervenir immédiatement, par respect pour sa partenaire d’entraînement, il ne pouvait pas se permettre de lui faire l’affront de s’occuper de la situation pour elle. Pourtant le chevalier en lui bouillonnait à l’idée de faire ravaler son petit sourire suffisant au grand blond.

Quand il tendit la main pour récupérer l’épée, Gaël jeta un regard à Rosalie, inquiet de ne toujours pas avoir de réaction de sa part, et c’était bien ce qu’il craignait, la jeune femme avait l’air incapable de bouger. C’était trop, il ne savait pas ce qu’il en était exactement mais c’était à lui d’envoyer balader le malotru. Il éloigna l’épée du blond, lui retirant enfin son sourire insupportable et il posa une main sur son torse. C’était peut être l’adrénaline du combat qui parlait encore, ou l’envie de protéger une demoiselle en détresse, en tout cas il avait eu un sursaut de confiance en lui.

«-L’entraînement est terminé. Si vous tenez tant que ça à vous exercer, je vois un grand nombre de miliciens autour de nous qui n’ont pas encore versé une seule goutte de sueur.» Il proposa enfin l’épée pour appuyer son propos.

Son visage sérieux avait suffit à intimider le blond, pendant un instant il s’était attendu à un peu de résistance de sa part, pourtant celui-ci se contenta de reculer d’un pas, foudroyant Rosalie du regard.

«-La prochaine fois alors. Tu n’auras pas toujours un garde du corps à tes côtés Lowens.» Il regarda Gaël de haut en bas, le jaugeant une dernière fois avant de repartir.

Enfin la tension était retombée, Gaël sentait bien qu’il n’était pas passé loin des problèmes, heureusement le blond avait été plus sage que prévu.

«-Allons ranger ça et nous occuper de l’équipement. Nous pourrons nous permettre un peu de repos ensuite.» Il ajouta un peu de douceur dans un sourire, espérant que cela suffirait à faire sortir Rosalie de sa torpeur.