Marbrume


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 Les chiens ne font pas des chats [Héléna]

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Clervie de Sombrelune



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MessageSujet: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyLun 11 Juil 2022 - 21:38
12 avril 1167.
Marbrume
La caserne



Astor Monfleury était l'un des plus riches bourgeois de Bourg-Levant. Il possédait en effet une forge, une tannerie et une pêcherie sur le port ; tout cela lui garantissait de grands revenus, aussi, lorsque vint le temps de trouver un époux pour sa fille, put-il se permettre de lui organiser une réception de présentation digne de ce nom chez la Vicomtesse de Montauxsonges, une douairière respectable qui occupait l'un des vastes manoirs de l'Esplanade. Il espérait bien ainsi appâter l'un de ces nobles désargentés qui offrirait à sa fille un titre en échange d'une jolie dot.

La petite Ivy Montfleury était une jeune femme de dix-sept ans aux grands yeux vert tendre et aux longues boucles couleur de blé mur. Son rire de cristal emplissait la pièce lorsqu'elle se divertissait d'un potin et il émanait de son sourire une joie communicative. Lorsqu'elle entrait dans une pièce de son pas grâcieux, les hommes la suivaient du regard et les femmes elles-même étaient fascinées ; sa soirée de présentation promettait donc grand succès. Elle avait reçu la meilleure éducation possible, son père ayant embauché les meilleurs percepteurs et maîtres à danser. Elle était faite pour briller.

Seulement, une tragédie eut lieu ce soir-là ; la dite demoiselle disparut ; l'on retrouva des traces de sang dans le jardin et une étole.
La douairière Montauxsonges en avisa immédiatement le Sergent Dupré, qui en avisa le coutillier de la milice intérieur Lelac.
Le coutillier Lelac était un fort honnête homme, mais il ne savait que faire de cette délicate enquête ; une demoiselle avait disparu, ça concernait des sangs-bleus, et aucun membre de sa coutillerie de bras cassés n'avait un grain de jugeotte ; mais son sergent avait exigé des résultats séance tenante, et s'il se défilait, il risquait de le mécontenter grandement et de dire adieu à toute possibilité d'avancement. Ce n'était point là ce que ce monsieur souhaitait.

Fort heureusement, à défaut d'être lui-même particulièrement malin, il savait aussi écouter les ragots dans la caserne, et il entendit dire qu'une certaine milicienne que l'on surnommait Corbac avait sauvé cinq moutards d'un sacrifice à Etiol ; qu'elle les avait retrouvés presque à elle toute seule, avec seulement l'aide d'un chevalier. Certes, Lelac n'aimait pas l'idée de s'en remettre à une femme ; pour lui, la place des femmes, c'était au foyer, pas dans une caserne. Mais le fait était que le dossier de la Corbac révélait que ce n'était pas son premier exploit et qu'apparemment, elle avait le don de trouver les informations là où personne ne pensait nécessairement à aller les chercher.
Et de plus, il était également dit d'elle qu'elle était apparemment issue d'une famille de marchands et connaissaient les usages des bourgeois. Elle saurait se comporter face aux Sangs-Bleus et peut-être lui parleraient-ils plus facilement qu'à l'un de ces abrutis illettrés et bons qu'à la castagne qu'étaient la majorité des miliciens, bien qu'elle ne fût point gradée ; il suffirait que Lelac demandât au sergent un petit laissez-passez. De toute façon, il n'était point nécessaire de lancer toute une coutillerie sur l'affaire tant qu'on n'avait pas idée du coupable. De plus, le père avait insisté sur la discrétion, craignant probalement que le ravisseur eût atteint à la vertu de la jeune femme, ce qui compromettrait toute belle alliance qu'il imaginait si cela venait à se savoir.
Le coutillier Lelac convoqua alors ladite Corbac dans son bureau et elle écouta attentivement toute l'affaire ; elle assura qu'elle ferait ce qu'elle pouvait et partit en le saluant, non sans l'avoir remercié d'avoir ainsi pensé à elle. Il en fut surpris car Corbac était connue pour son insubordination et son indiscipline, du moins c'était ce qu'on racontait ; mais non, elle n'avait point protesté que c'était son jour de repos et qu'elle avait mieux à faire, elle avait au contraire paru très désireuse de se montrer utile. Bref, elle avait l'air plutôt d'une brave fille !

Il ne se doutait point que Clervie était sortie du bureau la cervelle en ébullition. Bon sang. Une affaire. Et qui y mêlait les nobles, en plus. Tant mieux en l'occurence. C'était l'occasion ou jamais d'y nouer peut-être des contacts en plus d'aider une jeune femme innocente. Mais la jeune femme redoutait qu'on retrouvât un cadavre ; elle avait disparu depuis la veille au soir !
Dans tous les cas, on lui avait remis l'étole que portait la jeune femme, et cela lui donna une idée. A la milice, il y avait une brigade canine et certaines personnes étaient douées pour pister, bien que ce fût surtout pour la milice extérieure que l'on utilisât ce genre de moyens; mais là, il s'agissait de sauver une personne issue du gratin de Marbrume, et le coutillier lui avait donné un papelard avec le sceau de son sergent qui l'autorisait à formuler toute requête qu'elle jugerait nécessaire.

Une putain des rues, tout le monde s'en serait moqué éperduement, tout comme personne ne se souciait des gamins que j'ai sauvé, mais une demoiselle des beaux quartiers, ça y'est, ils remuent ciel et terre. Par les Trois, que c'est admirable !

Elle était donc d'une humeur massacrante lorsqu'elle se dirigea vers le chenil. Des chiens l'accueillirent en grognant et en aboyant. Clervie n'avait jamais eu vraiment d'affinité avec les chiens. Elle préférait les rapaces. Elle vit alors une jeune femme blonde qui caressait un magnifique chien au poil d'ébène et opta pour elle ; elle n'avait vraiment pas envie de demander service à un homme, craignant de devoir encore faire face à de la moquerie. Mais celle-ci était sans doute en repos et il allait sûrement falloir la convaincre.

- Bonjour, la salua-t-elle d'un ton aimable. Je suis Claire, de la coutillerie de Blancfer. Mais là, je suis exceptionnellement mandée par le coutillier Lelac, de la milice intérieure. Il a demandé de l'aide pour une affaire... délicate.

Elle baissa un peu la voix, invitant sa camarade à s'approcher pour entendre la suite :

- Une demoiselle de la haute bourgeoisie a disparu à sa soirée de présentation hier. J'ai son étole. Nous pourrons circuler sur l'esplanade s'il le faut, le coutillier m'a remis le sceau de son sergent. Vous croyez que votre chien pourrait nous aider à la retrouver ? Si on y parvient, ça vous fera bien voir des gradés. Vous êtes partante ?


Dernière édition par Clervie de Sombrelune le Sam 4 Mar 2023 - 9:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyMar 12 Juil 2022 - 9:45

- Bonjour, rétorqua la brigadière, visiblement surprise de rencontrer le corbeau de la milice dans cet endroit. Claire ? Drôle de nom pour un corbac, c'est marrant, je ne vous imaginais pas du tout comme ça, pouffa-t-elle gentiment tout en se relevant. Je suis Héléna Feln. En quoi puis-je vous aider ?

Retirant son gant recouvert de suif, la jolie blonde tendit sa main en direction de la nouvelle venue. Souriante, comme toujours, Héléna avait tout de le jeune femme aimable et accueillante, chose qui contrastait grandement avec la réputation des hendois, souvent jugés aussi froids que la terre qui les avait vu naître.

La demoiselle se fit alors plus discrète, baissant doucement l'intonation de sa voix comme si elle l'invitait à la confidence. Une fille de riche venait donc de disparaître… Ce qui en soi, n'avait rien de surprenant. Des femmes disparaissaient chaque jour sans que personne ne lève le petit doigt. Jugeant cela comme un acte isolé, quand bien même les disparitions pouvaient avoir lieu dans le même quartier. Ici, la seule différence tenait dans la fortune de la famille…

-Bien-sûr que je suis partante, je n'avais rien de particulier à faire aujourd'hui… À part de nettoyer leurs déjections, pouffa la blondinette avant de soupirer tout en se grattant nerveusement le sommet du crâne. Combien de personnes ont touchés cette étole, au juste?

Elle sourit de nouveau, mais sa contrariété était parfaitement visible sur ses traits. La brigade étant récente, peu de personne ne la prenait encore au sérieux. Sans parler de leur méconnaissance totale du monde canin et des capacités de leurs chiens, tous extrêmement jeunes et en plein entraînement. Oslo pouvait bien être doué pour son jeune âge, son talent restait encore immature.

-Bon... souffla-t-elle.
Pour bien commencer… Débutons par le commencement : allons donc rendre visite à cette charmante famille. Cela permettra à Oslo d'enregistrer toutes leurs odeurs… Et puis, s'ils sont riches, la p'tite bourgeoise doit bien avoir une chambre à elle qui empeste son parfum, non ? elle se tourna vers son chien qui, comme à chaque fois que l'on ne s'occupait plus de lui, se roulait sur le dos, les quatre pattes en l'air pour mieux exposer son magnifique poitrail feux. T'en pense quoi toi ?

Wouf !

-Si c'est bon pour vous, Claire, nous pouvons y aller. Je dois juste prévenir mon chef... elle pointa un jeune homme du doigt, occupé à jouer avec un immense croisé Marbruméen d'un noir profond. C'est lui là… Il est de bonne humeur aujourd'hui. dit-elle en posant ses poings sur ses hanches avant de se mettre à crier.Hey, Roxo !

Le chien réagit immédiatement, abandonnant sa posture d'appel au jeu pour adopter celle qu'il prenait chaque fois qu'il était en alerte : bien droit.

-Dis à ton maître que j'ai quelque chose à faire !
-Dis donc, Feln, rétorqua le jeune brigadier en chef sur le ton de la réprimande, C'est pas comme ça que ça marche !
-À plus, lança-t-elle amusée avant d'aller récupérer la laisse et le collier de son partenaire. Sans écouter le reste des protestations de son chef, qui finirait de toute façon par se calmer, elle équipa le jeune Oslo qui trépignait d'impatience à l'idée de quitter le chenil.

- C'est parti, je vous suis, lui lança-t-elle d'un ton enjouée avant de finalement prendre les devant pour la mener à l'extérieur. Elle a disparu où exactement votre demoiselle ?


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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyMer 13 Juil 2022 - 19:03
Fort heureusement, la brigadière canine suggérait alors de se rendre chez la jeune fille pour trouver son odeur et ainsi mettre le chien sur la bonne piste. Clervie approuva cette suggestion. Puis, elle assista à la petite scène entre le brigadier en chef et sa nouvelle alliée avec envie. Visiblement, elle semblait s'entendre avec ses collègues, pas comme Clervie qui passait son temps à se quereller avec la majorité. Mais on ne se refaisait pas !

- Je vais tout vous expliquer, répondit Clervie alors qu'elles se dirigeaient vers l'extérieur de la caserne. Alors, déjà, nous allons à Bourg-Levant, tout près de la porte des anges. La demoiselle qui a disparu n'est autre qu'Ivy Montfleury, la fille du négociant, celui qui possède l'une des plus grandes pêcheries de Marbrume. Quant à la disparition, l'étole a été retrouvée dans le jardin de la Vicomtesse de Montauxsonges, sur l'esplanade. La demoiselle y était pour sa soirée de présentation. L'objectif de ce genre de soirée étant d'attirer de potentiels prétendants pour la reine de la fête. J'imagine que quelque chose a dû mal tourné, mais j'ignore quoi. Aloys Montfleury était suffisamment fortuné pour pouvoir espérer marier sa fille à un fils de baron, voire à un comte. Peut-être cela a-t-il suscité de la jalousie. Peut-être l'un de ses ennemis a-t-il décidé de le ridiculiser en attentant à la vertu de la petite ; ce genre de coups bas est chose courante chez les sang-bleus.

Elle ajouta :

- C'est d'ailleurs pour cela que l'on nous a recommandé la discrétion, je pense. Si nous retrouvons mademoiselle vivante, mais qu'il s'avère qu'elle a été... déshonorée, ils nous demanderons sûrement de garder le secret en plus de châtier le responsable à huis-clos. Bande de faquins,
siffla-t-elle.

Clervie avait été avertie par sa mère plus d'une fois du danger à se laisser séduire par le premier jouvenceau venu et elle supposait que la jeune Ivy aussi ; la présence de sang dans le jardin et sur l'étole signifiait que la jeune fille s'était sûrement débattue et qu'on lui avait fait violence ; et pourtant, peu importait, s'il lui était arrivée la même mésaventure qu'à Clervie et que son auteur était un nobliaud, elle serait autant blâmée que son ignoble bourreau. C'était ce dernier point qui révoltait la milicienne. Comme si c'était de leur faute si les hommes agissaient comme des bêtes !
Les rues de Bourg-Levant étaient animées ce jour-là, le ciel était nuageux, mais il n'y avait pas de pluie à l'horizon. Il faisait même plutôt doux, un temps à sortir. Mais Clervie et Héléna ne s'attardèrent guère. Elles poursuivirent leur route jusqu'à apercevoir l'élégante muraille qui marquait la frontière entre le quartier bourgeois et l'Esplanade.
Comme à chaque fois, Clervie embrassa longuement du regard les jardins et les manoirs visibles en surplomb du monticule derrière la muraille. Elle ne savait pas quand, ni comment, mais elle se jura qu'un jour, ceux qui les avaient chassés de cet endroit, elle et sa famille, paieraient pour leurs crimes.
Et peut-être bien qu'aujourd'hui pourrait constituer une étape pour renouer quelques liens intéressants avec ceux qui habitaient de l'autre côté de ces murailles...

Astor Montfleury était un homme mince et encore bel homme malgré ses quarante-cinq ans passés. Son corps noueux trahissait qu'il avait accompli de lourdes besognes dans sa jeunesse et ses yeux bruns étaient emplis d'une flamme farouche. Il portait une chemise noire et rouge impeccablement coupée par-dessus des braies de belle facture. Il parut assez suspicieux de voir ainsi arriver deux femmes, mais lorsque Clervie lui montra le sceau du sergent Dupré, il changea complètement de comportement et les invita d'un air empressé à entrer.

Clervie et Héléna avaient facilement trouvé sa demeure, entourée d'un jardin de roses blanches et rouges. C'était en effet une maison élégante, qui n'aurait pas déparé sur les premières venelles de l'esplanade, au perron taillé dans de la roche fine et aux poignées de portes couvertes de dorure. Il les reçut dans un charmant petit salon, aux fauteuils de bois couverts de lourdes tapisseries pourpres et argentés. Elles ne devaient pas être données, ce fut sûrement pour cela qu'il fit la grimâce à l'idée de laisser entrer le chien.

- A votre guise, finit-il cependant par céder. Si vous pensez que cela peut nous aider à la retrouver. Je n'ai plus qu'elle. Sa mère nous a quittés il y a quelques années et je n'ai pas eu de fils.
- Vous souvenez-vous de qui était présent à la soirée ? demanda Clervie avec courtoisie. Votre fille avait-elle... suscité l'ardeur d'un prétendant qui aurait pu ne pas supporter d'être évincé ?
- Le jeune fils du banneret de Sylvène avait exprimé un... certain intérêt, avoua Astor. Mais Ivy lui avait fait comprendre, en toute courtoisie, qu'elle ne partageait pas ses sentiments.
- C'est tout ?
- Le vicomte Artès d'Aubechamps était son prétendant le plus sérieux. Mais c'est là un honnête jeune homme, je ne l'imagine point lui faire violence, d'autant que j'étais en train de négocier avec son père...

Un puzzle commença à se dessiner dans la tête de Clervie. Le petit banneret pouvait avoir très mal pris de s'être fait damner le pion par le fils du vicomte.

- Cela ne peut être Sylvène non plus, dit Astor comme s'il lisait ses pensées. Je l'ai vu repartir assez rapidement avec sa mère lorsqu'Ivy a... mis fin à leur entretien.
- Mais elle a disparu peu après.
- C'est fort possible. Mais je pense que la Vicomtesse de Montauxsonges pourra vous en dire plus au sujet des autres invités.
- En attendant, nous aimerions voir la chambre de votre fille. Je comprends, bien, Monsieur que la... compagnie d'Oslo puisse vous poser problème, mais si vous voulez qu'il arrive à la pister, il faut absolument qu'il puisse sentir un drap ou autre avec seulement l'odeur de votre fille. L'étole ne convient pas, d'ailleurs, je vous la rends.

Lorsque l'homme reprit l'objet, il laissa, pour la première fois depuis le début de l'entretien, l'émotion prendre le dessus. Ses yeux d'onyx battirent soudain des paupières et Clervie vit briller une larme alors qu'il pressait le tissu contre son coeur, comme s'il s'agissait de sa chère petite. Alors que sa camarade se dirigeait déjà vers l'étage, ayant reçu l'approbation du bourgeois, Clervie lui dit d'une voix douce :

- Nous allons faire tout notre possible, monsieur Montfleury. Je vous le promets.
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyMer 13 Juil 2022 - 21:53
"L'oiseau de mauvaise augure a parlé", se dit la brigadière tout en avisant la milicienne un sourire mystérieux aux lèvres.

Ainsi, le petit corbeau semblait certain de rechercher un cadavre et non plus une personne. En soi, il s'agissait bien évidemment d'une possibilité, mais c'était loin d'être la seule. Néanmoins, pour l'heure, Héléna se garda bien de prononcer la moindre hypothèse, même si elle jugeait trop facile de crier au meurtre pour quelques gouttes de sang…

Ne prêtant guère attention à l'architecture du quartier, la blondinette avançait en observant son chien. Oslo semblait plutôt calme en apparence, mais sa queue était portée haute tandis que les poils entre ses omoplates s'étaient hérissés. Attentif, il reniflait la truffe en l'air, signe qu'il cherchait une odeur encore fraîche et qui n'avait pas eu le temps de se déposer sur le sol pavé. Trouvant l'attitude du canidé fort intéressante, la brigadière restait silencieuse… Jusqu'à ce qu'ils arrivèrent au manoir.

-Je vous demande pardon mais il serait bon de laisser votre animal dehors… lui avait-on lancé à son arrivée.

Toujours très patiente et aimable, la milicienne avait servi son plus beau sourire, accompagné d'une touche de sarcasme, celui-ci.

-Soit, mais dans ce cas, notre présence ici est totalement inutile… À votre guise...

Elle fit mine de renoncer, allant même jusqu'à tourner le dos à leur interlocuteur… Le temps que ce dernier ne se ravise après l'intervention de Claire.

Tout le long de l'interrogatoire, la blondinette et son chien restèrent en retrait, sans se montrer inactifs pour autant. Tandis que l'humaine observait la pièce avec grande attention, le canidé reniflait çà et là, avec plus ou moins de calme… Plus calme qu'à l'extérieur, néanmoins. Aussi, Héléna préféra mettre cela sur le compte de l'animation particulière régnant dans le quartier ce jour-là.

Tout en observant, l'hendoise prit grand soin d'écouter les paroles du bourgeois. Ce dernier, étonnamment d'ailleurs, ne parla que très peu de sa fille, comme s'il s'agissait d'un personnage secondaire dans cette histoire étrange…Il pouvait bien exprimer son émotion, allant jusqu'à larmoyer sur le morceau de tissu, quelque chose n'allait pas dans cette histoire.

Mais qu'importe, tout ce qui l'intéressait se trouvait justement à l'étage… Lieu qu'elle s'empressa de rejoindre dès qu'elle en eut l'autorisation. Une domestique, visiblement chagrinée, les escorta jusqu'à la chambre de la demoiselle.

-Auriez-vous constaté quelque chose de différent chez votre maîtresse avant sa disparition ? murmura l'hendoise sur le ton de la confidence avant de lancer un regard entendu dans la direction du petit oiseau.

Après tout, ne dit-on pas que pour savoir ce qui se passe exactement dans une maison, mieux vaut interroger le personnel ?

-Que voulez-vous dire ?
- Je parle de son attitude. Avait-elle l'air d'être inquiète, ou bien exceptionnellement enjouée ?
-Et bien, elle se préparait pour un grand événement alors…

Et si jusque-là la domestique avait parlé sans réfléchir, celle-ci prit enfin le temps de laisser ses souvenirs faire leur bonhomme de chemin.

- C'est vrai qu'elle passait énormément de temps à la fenêtre de sa chambre… Elle regardait dans le vide…
-Et, elle ne faisait pas cela avant ?
-Non, c'était tout récent… Une semaine ou deux, tout au plus. Ma dame n'avait pas non plus grand appétit…
-Rien d'autre ?
-Rien que ne me vienne dans l'immédiat… Mais je peux interroger les autres…
-Nous le ferons quand nous aurons terminé ici, si vous le voulez bien…
-Oh, il faut demander à messire... C'est que nous avons beaucoup de travail et…
-Messire veut retrouver sa fille… Je suis certaine qu'il vous sera fort reconnaissant de bien vouloir nous aider...

Quelque secondes plus tard, les voilà arrivées dans la chambre de la fameuse demoiselle. La domestique les salua très brièvement avant de disparaitre dans le couloir. Oslo rentra le premier afin de répondre à l'ordre "cherche" lancé à la volée.

- C'est étrange, tout de même, souffla la milicienne avant de se placer devant la fameuse fenêtre qui donnait sur une bâtisse un peu plus petite que celle-ci et qui semblait abandonnée. Généralement, les familles des victimes parlent énormément de leur proche disparu… Un peu comme s'ils cherchaient à leur donner corps...

Détaillant le bâtiment voisin, la blondinette nota qu'une seule fenêtre, faisant justement face à cette pièce, n'était pas recouverte de planches…

-Et si elle n'observait pas seulement ... Mais qu'elle attendait que quelqu'un fasse son apparition ? dit-elle en indiquant la fameuse fenêtre.

Au même moment, Oslo aboya avant de gratter frénétiquement le tapis… Prestamment, la brigadière alla rejoindre son compagnon qu'elle félicita joyeusement avant de repousser le tapis. Dessous, se trouvaient quelques lattes de paquets branlantes… Une cachette … Souriant à pleine dents, la blondinette retira les lattes pour en sortir un petit paquet de tissus délicat refermé par un joli ruban bleu pâle. Tout en se relevant, elle ouvrit le fagot pour en tirer une pile de ce qui semblait être des lettres… Dont le papier avait été parfumé…

-Qu'est-ce donc ? Du jasmin ? De la rose ? dit-elle en grimaçant avant de tendre le fagot à la brunette. Qui parfume son courrier ? Quoiqu'il en soit, pour être caché ici, ce doit être intéressant. Tu sais lire ? Tu as trouvé quelque chose de ton côté ?
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyVen 15 Juil 2022 - 22:03
Clervie écouta sa compagne faire ses premières suppositions. Et tiqua lorsque Héléna insinua que par son attitude, le père avait peut-être quelque chose à voir dans la disparition de son enfant.

- Non. Il a peu parlé parce que justement, il est fou de douleur. Il redoute qu'elle ait disparu pour toujours.

Elle ajouta :

- Dans les hautes sphères sociales, on apprend à cacher ses émotions. Les hommes comme les femmes ne se laissent pas aller devant des étrangers et parlent peu. S'il avait dit un mot au sujet d'Ivy au lieu de s'en tenir aux faits, il aurait craint de craquer. Il a d'ailleurs bien failli quand je lui ai rendu l'étole. Je peux me tromper, bien sûr mais je crois bien qu'il était sincère.

Elle s'arrêta là, craignant de trahir un peu trop son appartenance à ces fameuses "hautes sphères sociales", un détail qu'elle préférait garder caché à la plupart de ses camarades miliciens. Mais malheureusement, tout était contre elle.
Alors qu'elle regardait chaque recoin de la chambre à la recherche d'un indice, voilà que le chien commençait à gratter le tapis. Héléna le souleva et découvrit alors une cachette dans le parquet ; elle en ressortit des lettres reliées avec un joli ruban bleu.

-Qu'est-ce donc ? Du jasmin ? De la rose ? Qui parfume son courrier ? Quoiqu'il en soit, pour être caché ici, ce doit être intéressant. Tu sais lire ? Tu as trouvé quelque chose de ton côté ?

Le tutoiement était venu naturellement aux deux femmes et la jeune milicienne brune s'était même prise à ressentir une possibilité de complicité. Ce fut sans doute pour cela qu'elle ne retint pas un petit rire :

- Oooooh ! Mademoiselle Ivy avait un galant, dirait-on... Et un du genre qu'elle ne pouvait avouer à son père... Mais a priori, il doit être d'assez bonne naissance, puisqu'il sait écrire. Serait-ce notre petit banneret ?

Elle perdit vite sa gaité en réalisant le sens de la question d'Héléna. Par les Trois, décidément, le rôle factice qu'elle jouait à la milice devenait de plus en plus dur à tenir. Mais la vie d'une jeune fille était en jeu, et s'il y avait une chance de la retrouver vivante...

Aussi, au bout d'un instant, finit-elle par lâcher un soupir :

- Oui, Héléna. Je sais lire, et j'ai passé mon enfance dans ces quartiers. C'est aussi pour cela que c'est à moi que le coutilier Lelac a confié cette enquête. Evite de l'ébruiter, j'ai suffisamment de problèmes avec les conscrits. Et si tu te demandes comment une fille de bourgeois se retrouve dans la milice, dis-toi que parfois, le destin peut se montrer très cruel et te prendre absolument tout.

Le ton était sans réplique et trahissait clairement qu'elle ne dirait rien de plus. Elle avait glissé deux mensonges au milieu d'une affirmation correcte. Décidément, cela lui devenait de plus en plus facile. Mentir, toujours mentir. Mais elle n'avait pas le choix. Elle changea de sujet et attrapa la dernière lettre du paquet:

- Voyons voir un peu qui envoie de jolies lettres parfumées au jasmin à mademoiselle Ivy... Oh, quelle surprise ! H. de S. , il a signé. De Sylvène ?

Elle balaya la première lettre du regard :

- Ooooh ! Il écrit bien quand même, le bougre. "J'ai tant attendu ce "je vous aime" écrit de votre main, cette main que je rêve de baiser encore et encore, j'ai tant espéré voir les émeraudes de vos yeux luire de tendresse, et voilà que cela se produit, non point dans mes songes, mais dans la réalité ; mon âme en est si troublée, mon coeur si empli de joie que je ne puis plus trouver le sommeil. Il me tarde, ma belle Ivy, de pouvoir vous serrer dans mes bras ; mais cela se pourra bientôt, car je crois avoir trouvé un moyen sûr de nous garantir quelques belles entrevues..." Oh, le faquin ! s'exclama-t-elle. La maison en face... Crois-tu qu'ils se retrouvaient là ? Par les Trois, c'est ce que je disais, qui que ce soit, s'il s'est débrouillé pour se retrouver seul avec elle, cela m'étonnerait qu'il n'ait point outrepassé certains droits. En tous les cas, il va falloir remettre ce paquet de lettres à son père, c'est à lui seul de savoir ce qu'il va convenir d'en faire et redoubler de discrétion. L'existence même de cette correspondance pourrait compromettre la réputation d'Ivy et son entrée dans le monde. En tout cas, cela se voit que la demoiselle n'a plus de mère depuis longtemps. Visiblement, personne ne lui a enseigné qu'il faut absolument éviter de se compromettre ainsi, surtout lorsqu'on a un père qui vous destine à un vicomte !

Clervie interrompit sa diatribe, le feu lui montant aux joues, se rendant compte qu'elle raisonnait exactement comme la fille de baron qu'elle avait été et à qui on avait enseigné dés le plus jeune âge que l'amour n'était point fait pour ceux qui étaient destinés à régner sur une seigneurerie ; elle avait la chance de pouvoir aimer librement Gwendal, mais avait redouté jusqu'au bout que quelque chose empêchât ce mariage. Et cela était arrivé... Quelle ironie...
Avec Erwan, elle avait cru vivre ce fameux bonheur conjugale que tout le monde vantait, mais le forgeron l'avait aimée de façon étouffante, faisant fi de son besoin d'obtenir justice pour sa famille. Elle n'avait pu le supporter. C'était là qu'elle avait réalisé que Gwendal avait été le seul homme en mesure de réellement la comprendre. Mais il était mariée à une autre et ses sentiments pour lui étaient éteints.

- Et si on allait jeter un oeil à la maison d'en face ? Enfin, après avoir parlé aux domestiques et au père.

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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyLun 18 Juil 2022 - 17:13

-Dans les hautes sphères sociales, "on" apprend à cacher ses émotions. Les hommes comme les femmes ne se laissent pas aller devant des étrangers et parlent peu.

Il s'agissait-là bien d'une affirmation et non d'une supposition, Héléna en aurait mis sa main à couper. Et puis, il y avait aussi l'emploi du "on" parfaitement inclus au reste de la phrase, laissant paraître une sorte d'appartenance que la milicienne veillait à cacher. Le sourire de la brigadière s'étira un peu plus, même si cette dernière veilla à ne rien laisser paraître… Après tout, cela ne la regardait absolument pas, alors autant ignorer toute cette histoire pour mieux se concentrer sur le reste de l'enquête.

La découverte des fameuses lettres apportait quelques éléments, laissant supposer l'existence d'un galant dans la vie de la jeune bourgeoise fortunée. Claire perdit rapidement son sourire lorsque la brigadière lui demanda si elle savait lire…Celle-ci se lança alors dans une tirade tout aussi étrange que suspecte… Héléna leva les yeux en l'air, les roulant naturellement avant de soupirer.

- Détends-toi, on n'est pas là pour enquêter sur toi, Claire. Et puis, honnêtement, je ne suis pas du genre à dénicher les petits secrets de mes collègues. Je n'ai fait que te poser une simple question, affirma-t-elle, souriante avant de reporter son attention sur son chien, parti renifler ailleurs. Il était donc parfaitement inutile de te justifier...

"Quelle femme étrange," se dit la brigadière, consciente que sa collègue du jour cachait bien des choses… Pourquoi vouloir absolument se justifier sinon? Mais comme elle l'avait affirmé, Héléna n'avait que faire de l'histoire de Claire. Elles étaient là pour enquêter sur une disparition, ni plus, ni moins…

La milicienne aux cheveux d'ébène se mit à lire, tandis que la blondinette fouillait la pièce dans l'espoir de découvrir d'autres indices. L'homme avait signé H de S… S'agissait-il réellement du prétendant éconduit par la bourgeoise ? Peu probable en écoutant les paroles lues par le corbeau.

Sa lecture achevée, Claire revint sur le sujet de la maison abandonnée se trouvant juste en face.

- C'est possible. Il serait intéressant d'aller fouiller par là-bas, rétorqua Héléna tout en enfouissant son bras sous le matelas dans l'espoir d'y trouver quelque chose. Mais il serait bon également de continuer à lire ces courriers. Inutile de le faire ici et maintenant, personne ne nous en voudra de les emporter à la caserne...Les remettre au père dans l'immédiat reviendrait à prendre le risque que ce dernier ne les brûle… Surtout si la réputation de sa fille est en jeu. Elle ressorti son bras, déçue. Il n'y a rien ici...

Et encore une fois, Claire s'emporta plus qu'elle ne l'aurait dû...

-Mais on s'en cogne de sa réputation pour l'instant. Quelle importance quand on peut avoir l'espoir de la retrouver vivante ?gronda dans la blondinette avant de pointer les lettres du doigts. Ça, ça laisse supposer que cette gosse de riche a pu simplement prendre la fuite avec son amoureux. Il n'y a rien de plus simple que de faire croire à sa mort pour gagner sa liberté en changeant d'identité ensuite. Je ne dis pas que c'est forcément le cas, mais ce n'est pas une hypothèse à rejeter et encore moins à livrer entre les mains d'un bourgeois avec une aussi grande ambition. Donc, pour l'instant, en dehors de nos supérieurs, on ne parle à personne de nos découvertes. Compris ?

Peu encline à se mettre en colère, l'hendoise s'était exprimée avec flegme. Toujours aussi souriante, elle récupéra les lettres pour les mettre dans sa besace avant de rappeler Oslo qui venait de se coucher à ses pieds.

-Ouais, allons donc visiter cette maison. Nous interrogerons les domestiques juste après. Sait-on jamais ce que l'on peut y trouver dans cette barraque...

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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyMer 20 Juil 2022 - 19:48
Clervie sentit un certain agacement l'envahir devant le raisonnement d'Héléna. Cela se voyait bien que c'était une fille du peuple. Elle ne voyait pas les conséquences auxquelles sa découverte les exposait. Elle ne comprenait pas que si c'était à elle que l'affaire avait été confiée, c'était justement pour qu'elles prennent en compte ce genre de choses et ne fassent pas de bavure. Et ce fut ce qu'elle tenta d'expliquer à sa compagne.

- On ne s'en "cogne" pas, comme tu dis. Pourquoi crois-tu que c'est à moi que ce sergent que je ne connaissais même pas a confié l'affaire ? Parce qu'il savait que j'agirai avec discrétion. Mais je suis d'accord. On montrera les lettres directement à Lelac et à personne d'autre. C'est trop... délicat. Et cela ne signifie pas que je me fiche de retrouver la demoiselle vivante, au contraire.


Ayant dit, Clervie emboîta le pas à sa camarade de manière à ce qu'elles puissent retourner dans la rue. Elle s'en voulait de se montrer aussi froide, mais elle avait du mal à supporter des attitudes insouciantes lorsqu'elle se retrouvait dans une affaire aussi sérieuse. Et pourtant, les Trois savaient qu'une amie souriante comme Héléna ne lui aurait pas fait de mal. Depuis qu'Elisabeth était loin, Clervie se sentait assez seule, même si elle recherchait cet état de fait par crainte que ses ennemis n'utilisâssent les gens qu'elle aimait contre elle.

Une fois franchie le portail grillagé et ornée de jolies ipomées bleues et violettes, les deux femmes n'eurent aucun mal à tirer le loquet de la porte, à la grande surprise de Clervie. De toute évidence, cela ne faisait pas longtemps que personne n'était passé par ici. D'ailleurs, le vestibule était relativement propre, avec peu de poussière. Un élégant escalier aux fines barres sculptées d'entrelacs compliquées les invitait à l'étage. La jeune milicienne l'emprunta sans hésiter.

- Personne n'habite actuellement ici, mais cela n'a pas l'air complètement abandonné, commenta la jeune brune en montant les marches quatre à quatre. Nos deux amants se retrouvaient-ils dans l'une des chambres pour y faire commerce charnel ? Dans ce cas, j'espère qu'Ivy connaît une bonne herboriste,
dit Clervie d'un ton soudain plus humoristique. Son père va nous faire une crise cardiaque si jamais elle nous fait un bât...


Elle s'interrompit soudain :

- Par les Trois, tu crois qu'elle aurait pu faire croire à sa propre mort pour cette raison ? Mais selon la domestique, ça ne ferait que deux huitaines qu'elle connaîtrait son amant, c'est un peu tôt... Sauf si cela a commencé avant... Enfin, ce n'est là qu'hypothèse, continuons à chercher des indices.

Elles avaient à présent atteint l'étage. En entrant dans la première chambre, Clervie sut aussitôt que celle-ci avait été occupée ; le lit ne comportait aucun grain de poussière sur le matelas, même s'il n'y avait nulle couverture et oreiller. Elle avisa la commode et l'ouvrit ; du linge de lit s'y trouvait.

- On dirait que c'est bien là qu'ils se retrouvaient, en effet. Et... tiens donc !


Par terre, sur le côté du meuble, elle vit soudain une petite pique à cheveux décorée de jolis coquillages en argent et de petites perles de pierres fines bleutées.

- Joli bijou. On dirait qu'Ivy l'a égaré ici la dernière fois qu'elle est venue.
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyJeu 21 Juil 2022 - 11:08
L'attitude froide et revêche de la milicienne aux cheveux noirs, avait le don de fatiguer l'hendoise. Tout dans le comportement de Claire se faisait criard et révélateur, si bien qu'il devenait difficile de la croire lorsqu'elle affirmait n'être qu'une bourgeoise ayant grandi dans ces quartiers. Ainsi, Héléna se contenta de lui lancer un regard qui devait en dire long sur le fond de ses pensées.

-Si sa putain de réputation a plus de valeur que sa vie, autant cesser notre enquête immédiatement et inventer une histoire épique pour rendre service à ses parents, rétorqua-t-elle sèchement. Au lieu de réagir à chaud pour me bondir au museau, Corbac, essaie un peu de réfléchir à mes paroles. Je n'ai jamais dit qu'il fallait ruiner sa réputation et j'ai, au contraire, appelé à la plus grande discrétion.

À partir de là, il était aisé de comprendre pourquoi cette jeune femme avait si mauvaise réputation parmis les gens de leur clan. Son caractère devait être bien difficile à supporter.

-Bref, je suis ici pour aider à retrouver une jeune fille et non pas pour partir en guerre contre une autre. Alors, s'il te plaît, je peux comprendre que tu te sentes personnellement impliquée dans cette histoire, mais tâche de te souvenir que je ne suis pas ton ennemie.

Sur ces mots, la brigadière rappela son chien et quitta simplement la pièce puis la maison pour rejoindre la fameuse bâtisse.

-Drôle d'endroit, souffla l'hendoise avant de demander à son chien de chercher.

La maison n'était clairement plus habitée. Par endroit, des tas de poussière s'étaient accumulés, mais il était pourtant aisé de deviner les traces de vie et surtout de passage. Oslo ne trouva rien de bien intéressant au rez-de-chaussée et se dirigea rapidement à l'étage. Si Claire monta rapidement les escaliers en arborant une mine enjouée, Héléna quant à elle prenait son temps et admirait les traces de pas laissées dans la poussière qui recouvrait les marches.

-Plutôt petites, ces empreintes, souffla-t-elle en s'accroupissant devant l'une d'elle… Évoquant la marque laissée par un chausson plutôt que des bottes… En se retournant, elle constata qu'il n'y avait d'ailleurs que de petites empreintes, évoquant plutôt des pieds de femmes… Marrant, ajouta-t-elle en souriant avant de rejoindre la milicienne dans la chambre.

-Ça sent la fleur... dit-elle en se tournant vers la fenêtre devant laquelle trônait une chandelle. Repoussant le rideau, Héléna constata bien vite que celle-ci donnait justement sur la chambre de la jeune Ivy… Intéressant.

Tout en écoutant les paroles du corbeau, expliquant la découverte d'un bijou, l'hendoise se dirigea vers le lit afin de l'inspecter. Et c'est ainsi que, sur les oreillers, la brigadière retrouva deux cheveux… Longs… L'un roux, l'autre blond…

-Le bijou n'appartenait peut-être pas à Ivy, lança-t-elle en souriant, avant de placer les deux cheveux dans la main de la milicienne. Peut-être que notre demoiselle n'aura pas à se soucier d'une grossesse, finalement… En revanche, côté réputation, voilà une trouvaille qui ne pourra que déplaire à notre bourgeois. Je me disais aussi que ce parfum floral était un peu trop féminin...
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyJeu 21 Juil 2022 - 12:07
Clervie resta silencieuse un moment, de toute évidence, la milicienne blonde ne comprenait rien. Il ne s'agissait pas de prendre personnellement ou non l'affaire, il s'agissait de respecter certaines règles. Mais visiblement, Héléna ne pourrait pas être raisonnée davantage. Au moins avait-elle compris que seul le coutillier devait être mis au courant de l'affaire.
Mais voilà que tout se compliquait un peu plus lorsqu'Héléna remit à Clervie un long cheveu roux appartenant incontestablement à une femme. Clervie réalisa alors de quel péché la jeune Ivy s'était rendue coupable et en fut si choquée qu'elle se signa sur le champ.

- Oh, par Serus ! Quelle corruption lui a-t-il donc infligée là ? La malheureuse...

Le saphisme était l'un des péchés les plus condamnés par la Trinité et Clervie se l'était vu rappeler plusieurs fois par ses percepteurs du temps où elle habitait encore au château de Sombrelune. En effet, il lui était arrivé un jour de regarder d'un peu trop près le corps de l'une de ses dames de compagnie lors du bain, par simple curiosité et celui lui avait valu une remontrance dont elle se souvenait encore. Par la suite, ce genre de curiosité avait disparu lorsqu'elle avait commencé à voir Gwendal différemment que d'un camarade de jeu et elle ne s'était plus posée de questions sur le sujet.

- Qu'est-ce que nous allons bien pouvoir faire ?
demanda-t-elle. Il est en effet hors de question que nous parlions de cela à son père. On en a vus tuer leurs filles de leurs mains pour moins que ça ! Mais il faut qu'elle soit prise en charge par le temple... Comme elle est jeune, les prêtres seront compréhensifs et l'aideront. Serus l'a maudite, il faut qu'elle se purifie le corps et l'esprit. Bref, tu as raison. Retrouvons-la d'abord et si nous le pouvons, nous les raisonnerons, elle et sa... compagne.

Elle eut un frisson à la pensée que le coutilier Lelac pût décider de révéler la chose au bourgeois. La malheureuse Ivy commettait visiblement une erreur de jeunesse, mais elle ne méritait certainement pas un châtiment aussi rude que la mort. Elle déclara enfin :

- Je crois qu'il est temps de demander un entretien à la Vicomtesse de Montauxsonges. Elle saura peut-être qui est cette H de S. Si c'est une amie d'Ivy, elles ont dû déjà se voir plusieurs fois en société. Il est plus facile pour deux femmes de s'afficher ensemble sous le couvert d'une simple amitié que pour un homme et une femme, tu en conviendras. Et il nous manque encore quelques éléments pour retrouver la demoiselle.
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyJeu 21 Juil 2022 - 16:08
- Oh, par Serus ! Quelle corruption lui a-t-il donc infligée là ? La malheureuse...

Héléna resta interdite un instant, observant la milicienne avec des yeux ronds en constatant chez elle, cette étroitesse d'esprit que la blondinette méprisait chez les autres.

-La même que pour tout le monde, lorsqu'il s'agit d'amour, rétorqua-t-elle en soupirant avant de lui tourner les dos pour reprendre son exploration de la pièce.

Cette découverte lui permit de réaliser à quel point la vie de la jeune Ivy devait être difficile. Grandir, évoluer dans une famille ambitieuse, prête à tout pour accroître son pouvoir et son importance dans ce monde. Voir sa nature pointer du doigt, condamnée par le Temple même … Devoir se cacher, mentir, céder à la pression familiale afin de servir les intérêts de son père. Toutes les petites filles riches naissaient avec le même avenir. Héléna était assez bien placée pour le savoir même si, contrairement à Claire, elle était plutôt douée pour le faire oublier.

-
Qu'est-ce que nous allons bien pouvoir faire ?
demanda le corbeau tout en affichant une mine exprimant sa défaite avant de se lancer dans quelques élucubrations avec une voix saccadée.

- Découvrir ce qu'il lui est arrivé et aviser le moment venu. Après tout, si Ivy est morte, il serait bien inutile de révéler ce détail là à ses proches… Si elle est encore en vie quelque part… J'estime que la décision ne nous appartient pas.

Les deux hypothèses les plus probables concernant la disparition de la jeune bourgeoise ne nécessitaient pas forcément que son secret fut révélé.

-Trouvons cette H de S et nous retrouverons probablement Ivy … Enfin, si elle est en vie. J'ose espérer qu'elle n'a pas été assassinée à cause de cette "malédiction", justement...

Tout en soupirant, la blondinette passa délicatement ses doigts sur une gravure bien visible se trouvant sur la tête de lit :

-I + H… Il m'est vraiment difficile de voir une histoire d'amour d'un aussi mauvais œil. Que peut-il y avoir de mal à tomber amoureux d'une personne du même sexe ?

"Parce qu'il ne peut y avoir procréation… Voilà tout. " Malgré tout, l'hendoise ne pouvait s'empêcher d'espérer une belle fin pour ses deux là. Une fuite, une échappée vers un lieu suffisamment éloigné de leur famille respective. Un endroit où elles pourraient vivre leur histoire sans avoir à se soucier de cette foutue réputation qui semblait tant importer à ces gens… Elle espérait, mais n'y croyait guère pour autant… Car, partout où elles iraient, les deux femmes rencontreraient les mêmes difficultés et ce, à la condition qu'elles survivent. Le monde était devenu minuscule et bien trop hostile pour deux femmes seules ...

-Allons donc voir cette Vicomtesse… Je te suis.

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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyDim 31 Juil 2022 - 21:40
Clervie observa sa compagne d'un air un peu surpris. Visiblement, celle-ci ne semblait pas considérer que les deux jeunes femmes faisaient là quelque chose de mal. Certes, Clervie ne pensait pas non plus qu'elles méritaient la lapidation ou autre lourd châtiment pour cette faute, qui n'était selon elle pas plus grave que l'adultère. Mais qui restait bel et bien une faute.

- C'est une faute, se contenta-t-elle donc de répondre à la question de l'Hendoise. Les Trois condamnent le saphisme, car il détourne de la voie de la procréation. Mais nous ne sommes pas là pour les juger, même si je ne puis m'empêcher de m'inquiéter pour l'avenir de cette pauvre fille que j'espère bien vivante aussi.

Mais si c'est une faute, pourquoi Serus tolère-t-il que cela existe ? résonna soudain une voix en Clervie.

Depuis quelques mois, elle s'était rendue compte de par sa propre expérience que tous les textes de la Trinité n'était peut-être pas à prendre au pied de la lettre. Notamment depuis sa rencontre avec la guérisseuse qui lui avait donné la potion abortive en lui affirmant que Serus tolérait l'utilisation des plantes dans cet objectif si une naissance ne pouvait être souhaitée dans certains cas et qu'elle tenait de lui ce secret. Les Trois ne l'avaient pas maudite pour s'être débarrassé du fruit de son amour pour Erwan. Pas plus qu'ils ne l'avaient maudite d'avoir eu des relations hors des liens sacrés du mariage. Qu'en était-il finalement de l'amour entre les personnes du même sexe ?
Car, si elle prenait en compte les lettres et maintenant cette gravure sur la tête de lit, il paraissait évident qu'il s'agissait d'un amour aussi pur et sincère que celui qu'elle avait ressenti pour Erwan.

Ta famille a été tuée au nom des dieux alors qu'ils étaient innocents. Sont-ce les dieux qui condamnent ces deux pauvres filles ou est-ce la société ? Et la société de Marbrume est-elle un modèle de piété ? Tu sais bien que non, en tant que milicienne. Alors pourquoi jugerais-tu ?


Perturbée, Clervie se dépêcha de regagner la sortie de la maison.

L'officier qui gardait la porte des anges eut un air soupçonneux qui agaça bien Clervie.

- Oui, il est authentique, grogna-t-elle en montrant son sceau. Ma compagne et moi avons été mandées ici pour une mission particulière, nécessitant plus de subtilité que n'en font habituellement preuve les hommes d'armes. Par ailleurs, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer quel manoir est celui de la Vicomtesse de Montauxsonges ?
Son ton, froid, mais courtois, acheva de faire comprendre au milicien qu'il valait mieux qu'il obtempère s'il ne voulait pas se voir mentionner dans un rapport négatif à un sergent.
- A gauche de l'avenue qui longe le rempart, répondit l'officier. Le manoir avec le mur recouvert d'ipomées rouges.
- Merci bien. Passez une bonne journée, dit Clervie avec un petit sourire.

Ce fut un domestique qui leur ouvrit la porte :

- Qu... Qui dois-je annoncer, Mesdames ? demanda-t-il, l'air quelque peu suspicieux devant les manteaux verts portés par Clervie et Héléna.
- Miliciennes Claire et Héléna, répondit aussitôt la jeune brune, prenant les devants. Nous aurions besoin de nous entretenir avec votre maîtresse...
- Soit, mais il faudra laisser le chien dehors. Ma dame ne tient pas à voir abîmer les tapisseries...
- Eucant ! Que se passe-t-il donc ici ?

Les dents serrées sous l'effet de la brusque gêne concernant le fait que la Dame de Montauxsonges n'appréciait pas les chiens en sa demeure, Clervie se dépêcha de faire un signe de tête respectueux.

- Vicomtesse, salua-t-elle avec toute la dignité dont l'on fait preuve face à une aînée.

La vicomtesse de Montauxsonges était une respectable douairière dont les yeux gris perçants jugèrent Clervie des pieds à la tête. La jeune femme baissa instinctivement les yeux. Elle avait bien l'impression qu'il serait plus que difficile de cacher ses origines à cette vieille dame, que pourtant, elle ne connaissait pas et qui ne devait pas se souvenir d'une adolescente aux cheveux noirs nommée de Sombrelune ; elle n'était pas restée assez longtemps sur l'Esplanade et ne s'était point intéressée de près à leur famille. Aussi fit-elle de son mieux pour dissiper sa nervosité.

- Que puis-je donc pour deux miliciennes qui viennent jusque chez moi avec un roquet ? demanda-t-elle en les fixant de son énigmatique regard argent.

Clervie prit un air grave, mais resta évidemment courtoise :

- Le "roquet", comme vous dîtes, piste la jeune Ivy Montfleury. Nous avions pensé que vous pourriez peut-être... Nous parler d'elle ? N'est-ce point lors de sa soirée de présentation qu'elle a disparu ?

La vicomtesse parut alors se radoucir. Elle dit enfin :

- Oui... Ivy... C'est un vrai malheur. Astor Monfleury a bien élevé sa petite. Elle a tout pour briller sur l'esplanade. Bon, après... Je ne sais si je peux vous dire cela, mais...
- Mais... ?
- Ivy n'avait pas que de bonnes fréquentations. Elle... s'était récemment un peu trop rapprochée d'Hortense de Solvigne. En soi, elle m'a toujours paru une bonne petite, mais des rumeurs étranges courent sur elle et la brusque annulation de ses fiançailles avec le baron de Vivepierre...
- Quel genre de rumeurs ? demanda Clervie.
- Hermine de Solvigne est veuve et s'occupe seule de sa fille. Et il semblerait donc que cette dernière ait développé une certaine... fragilité. Qui la pousserait à ne souhaiter que la compagnie des femmes.
- Et le baron de Vivepierre aurait eu connaissance de cette... faiblesse ? demanda Clervie.
- Un prêtre lui aurait révélé... Mais ce ne sont là que rumeurs. Et si c'est la vérité, il est particulièrement déshonnorant qu'un officier du temple ait osé trahir le secret de la confession, en particulier celui d'une croyante qui tentait de revenir dans les grâces divines !
- Si la faiblesse d'Hermine a été donc connue dans le passé, dit soudain Clervie croyez-vous que cela ait pu parvenir aux oreilles du vicomte Artès d'Aubechamps, qui est passionné pour Ivy et en pleine négociations avec son père ?
- Qu... Par les Trois, vous croyez que...

Malgré ses airs dégoûtés en voyant Oslo, la vicomtesse lâcha soudain une dernière phrase :

- Dans tous les cas, ceci n'est point une discussion à avoir sur un palier où n'importe qui peut nous entendre ! Venez, entrez.
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyMer 7 Sep 2022 - 14:09

- C'est une faute,rétorqua la milicienne. Les Trois condamnent le saphisme, car il détourne de la voie de la procréation. Mais nous ne sommes pas là pour les juger, même si je ne puis m'empêcher de m'inquiéter pour l'avenir de cette pauvre fille que j'espère bien vivante aussi.


Même si elle l'aurait voulu, Héléna se retint fortement de répondre que l'amour et la procréation n'avaient strictement rien à voir l'un avec l'autre. Pour l'hendoise, la faute allait au jugement et non à l'acte en lui-même, même si beaucoup le jugeait comme "contre nature". Un jugement complètement grotesque dans la mesure où seul les dieux pouvaient influencer la nature de l'Homme avec un grand H. En soi, pour la brigadière, sans la volonté divine, de telles inclinaisons ne pouvaient exister.

Malgré tout, il ne lui appartenait pas d'exprimer tout cela à voix haute. D'autant plus qu'en tant que Hendoise vénérant quatre divinités et non pas seulement trois, son opinion personnelle risquait fort d'être fort mal interprétée.

Désirant se faire discrète, Héléna resta silencieuse se contentant de suivre sa comparse jusqu'à ce qu'une noble dame n'exprime tout son mépris à l'égard de son chien. Comment osaient-ils traiter son compagnon de la sorte alors que, jusqu'ici, il avait permis tant d'avancées dans cette enquête ? Aussi, contrariée, Héléna évita bien soigneusement de saluer ces personnes tout en ajoutant en croisant les bras.

-Malgré tout le respect que je vous dois, laissez-moi vous dire qu'Oslo n'est pas simplement un chien mais un brigadier au même titre que moi. Ainsi, s'il doit rester dehors, j'en ferai de même… Loin de moi l'idée de ruiner vos tapisseries...

Pour Héléna, le respect ne pouvait être acquis que par mérite et non pas seulement pour une histoire de rang. Après tout, sur ses terres, elle aussi était issue d'une noble famille, même si le terme "noble" ne signifiait pas toujours la même chose en Hendoire qu'en Morgestanc. Et même si l'hendoise faisait de son mieux pour s'intégrer à cette société, il lui était bien impossible de tolérer le mépris et les insultes livrées par une vieille peau.

Aussi, contrairement à Claire qui semblait quelque peu impressionnée par la vicomtesse, ce ne fut nullement le cas de Feln qui se montra fière et digne, plus particulièrement lorsque la "noble" qualifia son coéquipier de "roquet". Instanément, le regard de la milicienne se fit plus noir et sans doute aurait-elle manifesté son indignation si Claire n'avait pas pris la parole. Ainsi put-elle se reprendre et se concentrer sur l'enquête.

La conversation s'orientant autour de rumeurs étranges et même plutôt déconcertantes au regard de l'Hendoise. Après tout, qu'y avait-il de mal à se rapprocher d'une demoiselle jugée fragile… Et puis, quel rapport pouvait-il y avoir entre le fait d'être élevée par une femme et le fait de préférer leur compagnie ? Non, vraiment, Héléna peinant cruellement à comprendre.

Toujours silencieuse, elle suivit la vicomtesse et sa collègue jusqu'au salon où la Dame les invita ensuite à s'asseoir.

-Oslo, assis, demanda la brigadière à son compagnon qui obéit aussitôt avant de lui lancer un regard tendre signifiant qu'il attendait sa récompense. Attendrie, la blondinette lui offrit aussitôt quelques gratouilles sur la gorge. Vous avez évoqué certaines rumeurs sur la jeune de Solvigne et de sa relation avec Ivy Monfleury… Mais sauriez-vous nous dire d'où viennent-elles ?

-Quelle importance ?

-Et bien, il y a souvent une grande différence entre les rumeurs prenant naissances dans les échanges entre domestiques et entre… et bien, entre les gens de votre monde. Comme il y a une différence entre les rumeurs propagées par les jeunes demoiselles et les messieurs… Surtout si les demoiselles sont de jeunes nobles en attente de beau mariage et qu'un bon parti se voit destiné à une union avec une roturière… Enfin, il me semble que l'enjeu, les raisons même de cette propagation de rumeur ne sont pas les mêmes ...

-Il est vrai… Néanmoins, je ne saurai vous dire d'où elle vient exactement, rétorqua la vicomtesse qui se perdit aussitôt dans ses réflexions. Concernant la fragilité de la jeune Hortense, celle-ci est connue de tous depuis… toujours. Sa mère l'a bien trop couvée, la coupant même du monde jusqu'à se faire oublier. Pour beaucoup, Hermine avait honte de son enfant. Jusqu'au couronnement, l'on disait que la petite était difforme ou accablée de quelques handicaps la rendant inapte à une vie normale… Imaginez donc notre surprise lorsque les deux se présentèrent dans les gradins… Comme je l'ai dit, Hortense est une bonne petite, mais elle est… étrange.

- C'est-à-dire ?

-Et bien… À l'âge de ces demoiselles, leur seule réelle préoccupation est de trouver un bon époux. La soirée de présentation est une étape fort importante dans la vie d'une jeune femme. C'est leur moment, elles se doivent de briller afin d'attirer les meilleurs partis… Mais Hortense ne s'en est jamais préoccupée.

-Quel mal y a t-il à cela ?

-J'imagine parfaitement que pour vous tout cela peut paraître stupide. Il faut évoluer dans ce monde si particulier pour réellement comprendre notre manière de vivre et de voir les choses. Hortense évolue en parallèle. Elle se dit érudite, une intellectuelle attirée par les lettres. Elle passe énormément dans la bibliothèque du Temple… Il n'est guère bon pour une jeune fille de s'adonner à ce genre d'activité. Les femmes se doivent d'avoir des préoccupations plus saines.

- Comme de trouver un bon mari et de faire des enfants ?

-Précisément. C'est là notre nature. Comment pouvez-vous trouver un époux dans une bibliothèque ? Quel homme voudrait d'une femme érudite ? Ils sont bien trop fiers pour cela…

- Mais quel est donc le rapport avec Ivy ?

-Les deux passaient énormément de temps à discuter. On les croisaient régulièrement dans les jardins où elles se promenaient ensemble… Sans chaperons, bien-sûr … Elles s'entendaient à merveille… Bien plus que pourraient le faire de simples amies, voyez-vous… Enfin, cela encore tient de la rumeur.

-Rumeur rapportée par un clerc, donc...

-Maintenant que vous le dites… Oui… Il semblerait que ce soit bien le cas.

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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyDim 5 Fév 2023 - 18:16


Clervie plissa les yeux. Elle voyait bien qu'Héléna n'avait pas du tout apprécié que l'on traite Oslo de "roquet", et elle devait bien reconnaître qu'elle non plus, mais c'était ainsi. Alaric ne faisait jamais rentrer ses chiens de chasse dans le château, lui non plus. Ces bêtes avaient beau être les meilleurs amies de l'homme, il n'en restait pas moins qu'ils avaient tendance à laisser des déjections partout lorsqu'on n'y prenait pas garde. Les chats, c'était mieux. Le métayer des Sombrelune en avait un, un joli chat noir et blanc nommé Galvaude. Galvaude se laissait toujours caresser par tout le monde.
Evidemment, impossible de savoir ce que ce brave chasseur de souris était devenu après la fange. Sans doute était-il revenu à l'état sauvage lorsqu'il avait compris qu'il ne restait plus personne pour le nourrir...
Elle cessa de penser à Galvaude pour se concentrer sur la conversation. Visiblement, Héléna savait s'y prendre pour faire parler les gens. De ce qu'elle comprit, l'idylle naissante entre Ivy et Hortense n'était pas si secrète que ce que les jeunes filles imaginaient. Aussi son coeur fit-elle un bond d'angoisse dans sa poitrine. Elle avait beau désapprouver un tel lien, elle s'inquiètait surtout du genre de répression et de torture que pourraient subir les deux jeunes femmes si l'on les traînait devant le Temple pour répondre de ce péché. D'ailleurs, elle serra les dents lorsque la vicomtesse révéla qu'un clerc avait rapporté la chose...
Elle n'était pas étonnée qu'un prêtre eut trahi le secret de la confession. Ils étaient nombreux, les bigots qui profitaient de la robe lavande pour faire le mal sous couvert de faire le bien, les colporteurs de ragots, les souilleurs de réputation en chef. Par les dieux, elles les haïssait. Au final, elle n'était pas sûre que retrouver les deux jeunes femmes seraient forcément leur rendre service. Jusqu'à présent, elle pensait que personne n'était au courant. Mais si les rumeurs couraient déjà, il serait difficile de les faire taire. Or, si l'une des deux s'était confessée à un prêtre et avait déjà reçu un avertissement concernant le péché de saphisme, l'on considérerait qu'il y avait récidive. Dans ce cas, Clervie savait très bien ce que l'on faisait aux femmes ayant ainsi "corrompu" leurs corps pour les purifier : on leur pincerait les mamelons avec des tenailles ou on leur brûlerait la peau avec un fer rouge. Il n y avait plus qu'à espérer que leur jeune âge apitoierait les prêtres, comme cela avait été le cas pour elle lors du procès de sa famille.
Il allait donc falloir se rendre au temple pour trouver celui qui avait été un peu trop bavard. Mais avec quel indice ? Cela risquait de prendre un moment.
Dans tous les cas, elle se rendait à présent compte que quelque part, elle avait finalement de la chance. Il y avait mieux à faire qu'à pondre des enfants, surtout dans ce monde envahi par les fangeux. Et elle avait eu la preuve noir sur blanc que, contrairement à ce que les prêtres et tout le monde prétendait, le rôle de la femme n'était pas uniquement de procréer. C'était tellement... réducteur, voire, avilissant.

- Vous avez une idée de qui pourrait être ce clerc qui connaît tellement bien les enfants des nobles et leurs préoccupations et qui est si respectueux du secret de la confession ?
- Point. Mais je me souviens que l'un des aspirants donnait un cours d'éducation religieuse à Ivy, afin de justement la préparer à son rôle d'épouse. Il passe parfois encore sur l'esplanade afin de demander des dons pour le Temple. Vous devriez peut-être vous renseigner là-bas. Il s'agit de l'aspirant Arnaud, un jeune homme blond.
- D'accord. Nous allons essayer. Mais ma collègue a peut-être d'autres questions ?

Clervie avait l'impression qu'Héléna était plus douée qu'elle pour poser les questions, au vu de ce qu'elle avait déjà réussi à faire dire à la vieille dame. Aussi lui semblait-il judicieux de s'assurer qu'elle en ait bien terminé avant de quitter les lieux pour se rendre au temple. Après tout, la journée était encore loin d'être finie.
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyLun 13 Fév 2023 - 17:34
-Je n'ai pas d'autre question, non, rétorqua l'hendoise en serrant les dents.

Cette conversation et plus particulièrement les révélations qui allaient de pair, l'avait sérieusement contrariée. Pour la jeune femme, le fait d'accorder sa confiance à autrui et surtout le fait de révéler un secret aussi important que celui-ci était un cadeau précieux. Non, plus que cela, c'était un trésor qu'il fallait protéger coûte que coûte parce qu'une fois livré, ce secret devenait la responsabilité de l'être qui l'avait accueilli. Les clercs, plus que quiconque, se devaient d'assumer cette responsabilité si particulière. Chacun d'eux avait son lot de trésors à protéger et si la plupart s'acquittaient de cette tâche avec brio, il semblait évident que ce n'était pas le cas de tous.

Pauvre Ivy. Si cette piste s'avérait exacte, l'aspirant Arnaud, s'il était bel et bien coupable de ce manquement à son devoir de clerc, risquait fort d'avoir des ennuis, Héléna y veillerait.

-Allons voir cet aspirant Arnaud, lança Héléna à Claire avant de saluer la vicomtesse.

Une fois à l'extérieur, l'hendoise prit une profonde inspiration qui la conduisit à grogner bruyamment.

-Par les Dieux, ce monde me répugne, gronda-t-elle avant de se secouer la tête.

La noblesse Hendoise était bien différente de celle-ci. On veillait à enseigner aux enfants certaines valeurs, telles que le respect et l'honnêteté. Des valeurs qui semblaient inconnues à ces gens d'ici si l'on devait se baser qu'aux rencontres de ce jour-là.

-Bref, il nous faut encore trouver cet aspirant … Puis peut-être rencontrer ses supérieurs. Si même les prêtres nous trahissent de nos jours… Bon sang, où va le monde ?

Oslo, visiblement soucieux de voir son humaine dans cet état, vint immédiatement s'asseoir sur ses pieds. C'était son moyen à lui de montrer qu'il était bien présent pour elle. Attendrie, l'hendoise s'empressa de lui offrir une caresse, songeant alors qu'un chien valait plus que dix humains.

-Hortense semble être une érudite… souffla la blonde tout en se décidant à ouvrir la marche. Nous avons beaucoup parlé d'elle, peut-être devrions-nous aller à sa rencontre… Ou celle de sa mère. Elles aussi ont beaucoup à nous apprendre et puis… Si Hortense a également disparu, nous saurons vers quelle piste nous diriger. A vrai dire je pense que nous ferions mieux de commencer par cela avant de trouver l'aspirant Arnaud. Qu'en penses-tu ?
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MessageSujet: Re: Les chiens ne font pas des chats [Héléna]   Les chiens ne font pas des chats [Héléna] EmptyDim 5 Mar 2023 - 15:54
Lorsqu'elles furent sorties du manoir, Héléna laissa éclater un brin de fureur.

-Par les Dieux, ce monde me répugne, grogna-t-elle.

On est deux, songea Clervie en l'entendant pester, bien qu'étonnée. Héléna n'avait-elle donc pas encore passé assez de temps à la milice pour avoir vu pire ?

-Bref, il nous faut encore trouver cet aspirant … Puis peut-être rencontrer ses supérieurs. Si même les prêtres nous trahissent de nos jours… Bon sang, où va le monde ?
Clervie échangea alors avec elle un regard sombre.
- Le clergé d'ici n'a jamais été vraiment au service du peuple, finit-elle par cracher. Il est au service de ceux qui font le plus de dons au temple, c'est tout. Crois-moi, tu es loin d'avoir tout vu...

Là-dessus, la conversation s'orienta vers la jeune Hortense. Héléna suggérait d'aller voir la mère d'Hortense avant de trouver l'aspirant Arnaud et Clervie approuva aussitôt :

- Tu as raison. Cela m'étonnerait que Damoiselle Hortense ait elle aussi disparu, mais l'on ne peut rien exclure dans une affaire comme celle-là. Viens.


Elle entraîna sa comparse dans une autre allée bordée de massif de rocailles aux jolies fleurs rouges odorantes. Des odeurs douces qu'Oslo, le chien, devait sûrement apprécier, songea Clervie en regardant le canin. Elles croisèrent un jeune couple qui bavardaient joyeusement, ainsi qu'un banneret vêtu avec élégance qui adressa un sourire charmeur à Héléna.
Le soleil était presque à son zénith et la jeune femme fit un rapide calcul mental dans sa tête. Une nuit et une demi-journée, déjà, que la jeune Ivy avait disparu. Malgré tout ce que cela supposait comme répercussions, Clervie en venait à vraiment souhaiter que celle-ci soit bel et bien compagnie d'Hortense. Car si elle avait été enlevée par quelqu'un de malintentionnée, elle et Héléna avaient à présent toutes les chances de retrouver un cadavre...

Les deux jeunes femmes s'arrêtèrent finalement devant un élégant manoir pourvu d'une petite tourelle à la toiture bleu de ciel. Les Solvigne avaient visiblement été une famille assez riche pour disposer de ce genre de confort.
De nouveau, le domestique qui ouvrit la porte fit une petite grimâce en voyant le chien, mais par chance, Hermine de Solvigne semblait beaucoup plus apprécier les animaux que la vicomtesse de Montauxsonge et lui fit même l'honneur d'une caresse:

- Oh, le joli mâtin ! Il est adorable. Que puis-je pour ces demoiselles ?
- Nous sommes là à propos de la disparition d'Ivy Montfleury.
La noble eut une expression interdite que le visage :
- Disparue...? Comment ça, disparue ?
- Vous n'êtes donc pas au courant ? C'est pourtant arrivé lors de l'événement.Votre fille Hortense et vous-même étiez présente à la soirée, n'est-ce pas ?
- Oui, nous y étions. Hortense et Ivy sont amies. Mais nous ne nous sommes pas attardées très longtemps.
- Amies ? Nous avons entendu certaines rumeurs qui doivent vous être déplaisantes...
- Il faut toujours que les nobles inventent des choses sur les jeunes filles. C'est courant de par chez nous. Ils ne savent rien, siffla-t-elle.
- Où est Hortense, actuellement ?
- Au temple. Elle adore lire dans la bibliothèque. Ce qui m'a été maintes fois reprochés, certaines de nos connaissances nous reprochent que ma fille soit un peu trop... intellectuelle pour être séduisante. Moi, je ne suis pas tout à fait d'accord. Lorsqu'elle se mariera, elle se retrouvera sûrement à gérer un commerce ou un domaine. Comment pourra-t-elle seconder efficacement son époux dans ses affaires si elle est sotte, je vous le demande !
Son amie disparaît et Hortense va à la bibliothèque tôt le matin ? Ou Hermine de Solvigne sait très bien ce qui est en train de se passer et nous cache la vérité, ou alors elle est vraiment naïve.
Clervie jugea cependant prudent de ne pas tout de suite acculer la noble dame.
- Vous ne semblez en effet pas inquiète à propos de l'avenir de votre fille. Faut-il comprendre que vous avez reçu une demande pour elle ?
- Le fils du baron de Langret l'a en effet demandée. Nous en avons parlé la semaine dernière. Mais en quoi cela concerne Ivy...?

Clervie échangea rapidement un nouveau regard avec Héléna. Les deux jeunes filles avaient reçu des propositions de mariage la même semaine. L'hypothèse de la fuite devenait donc de plus en plus probable...

- Ecoutez-moi, Baronne de Solvigne, commença Clervie. Nous avons de bonnes raisons de penser qu'Ivy a peut-être fugué. Et il se pourrait bien qu'elle se soit confiée à Hortense. Etes-vous bien sûre que vous n'avez rien remarqué de suspect ces jours-ci ? Ne nous cachez rien ; songez au désarroi que ressent Montfleury, alors que sa petite est peut-être en danger !
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