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 Certainement pas l'affaire qu'on cherchait

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Mélisende PerraultEspionne
Mélisende Perrault



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MessageSujet: Certainement pas l'affaire qu'on cherchait   Certainement pas l'affaire qu'on cherchait EmptyDim 9 Avr 2023 - 23:08
16 mai 1167
La Hanse
Après-midi

La Hanse, j’y avais passé une grande partie de ma vie. C’était ici, aussi, que Florence était morte. Parfois divers souvenirs me traversaient l’esprit quand je marchais parmi les étales, heureusement ma capacité à me concentrer sur mes propres affaires m’aidait bien à bloquer l'afflux inutile d’émotions qui pouvait survenir.

On me connaissait bien par ici, et je les connaissais bien en retour, avec des compromis et des petits coups de main, il y avait de quoi se mettre suffisamment de monde dans la poche.
Je passais la porte d’une petite boutique bien entretenue, elle ressemblait à s’y méprendre à celle du père Perrault quand la vie était encore simple et sans Fange, le même genre d’articles, entre objets du quotidien et camelote, plus ou moins, tape à l'œil.
Blanche faisait du bon travail, et contrairement à moi, son mari n’était pas un bon à rien, mais il avait ses travers et c’était bien pour ça que j’étais là.

«-T’es passée m’dire l’bonjour ? Ou tu es là pour autre chose…»

Elle me lança un regard plein de suspicion, facile pour elle de savoir ce que je venais faire ici.

«-Si c’est comme ça qu’tu accueilles tous tes clients…»

«-Les porteurs de mauvaises nouvelles, et les mauvais payeurs seulement.»

Elle m’offrit un sourire complice et m’invita à approcher, elle continuait de faire reluire un bijou de modeste qualité, pas la première marchandise que les gens cherchaient désormais, mais c’était le genre de chose qui pouvait attirer l'œil sur le reste.

«-Tu vas me dire ce que tu viens faire là ?»

Un soupir m’échappa, il était temps de déballer.

«-Ton mari… Est en train de se taper une catin. Tu voulais que je te prévienne la prochaine fois qu’ça arriverait et c’est chose faite.»

Je tendis la main pour lui faire signe qu’il était temps de me payer, mais au lieu de pièces, elle me mit violemment son morceau de chiffon dans la main. Elle s’agitait dans l’échoppe, récupérant au passage un châle et rangeant deux trois choses sur son passage.

«-Raclure de furoncle de Fangeux, forniqueur, baiseur de chèvre, briseur de promesses…»

Je perdis quelque peu le file des insultes alors qu’elle disparaissait dans leur pièce à vivre pour revenir avec un bâton.

«-...de fesses, enflure de gredin, engendreur de malotru, couilles molles !»

Impuissante, je regardai le bâton qu’elle tenait fermement, espérant qu’il n’était pas pour moi.

«-Blanche ?»

Une bien maigre tentative de la ramener à la raison.

«-Il est où, ce baiseur de catin ?!»

J’haussai un sourcil et je lui tendis à nouveau ma main, espérant qu’elle comprendrait enfin. Exaspérée par ma demande, elle disparut tout de même à nouveau à l’arrière, pour me mettre dans la main, une fois revenue, et encore plus violemment que le tissu, quelques pièces.

«-Il est chez la Bertha. Une des chambres à l’étage.»

Elle remit correctement son châle sur ses épaules, se recoiffant quelque peu, comme pour affirmer la dignité qu’il lui restait malgré son cocu de mari.

«-Tu vas me garder l’échoppe. Moi j’vais aller m’occuper de ce-»

Je n’attendis pas la nouvelle insulte, préférant l’interrompre avant qu’elle ne sorte.

«-Garder l’échoppe ? C’est pas mon boulot ça.»

«-Fait pas l’effarouchée, tu connais l’travail. J’te donnerai une pièce en plus. C’est pas si mal payé.»

Sans que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, elle prit la poudre d’escampette, me laissant seule avec ses marchandises. Il fallait qu’elle soit vraiment énervée, ou qu’elle m’accorde une grande confiance pour me laisser le travail de sa vie de cette façon, les deux en fait.
Je n’étais pas une voleuse après tout, et j’avais bien trop à perdre à lui faire défaut. Par contre j’étais maintenant coincée dans un lieu un peu trop familier pour moi.
Absente, j’observai le petit bijou sans prétention, une broche. Au fur et à mesure que je la détaillai du regard, elle devenait de plus en plus jolie.
C’était bien triste qu’elle n’attirât pas plus l’acheteur au premier regard, je me demandai à combien l’estimait Blanche alors que je la reposais à sa place avec attention.

Me voilà à devoir faire du commerce pour la rente d’une autre, il était temps de faire un petit effort, je lui devais bien ça à Blanche, par contre j’étais bien loin de m’attendre à ma première visite.
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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



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MessageSujet: Re: Certainement pas l'affaire qu'on cherchait   Certainement pas l'affaire qu'on cherchait EmptyLun 10 Avr 2023 - 15:24
L’animation qui régnait dans la basse-ville était toujours rafraichissante. Aliénor déambulait dans les rues, bien qu’accompagnée de sa garde, se laissant porter tantôt par les douces odeurs d’épices, tantôt par les cris joyeux des enfants. Quoiqu’elle pataugeait dans la bouillasse du peuple, il se dégageait une très agréable atmosphère d’impunité et de normalité. Nul ne pouvait se douter qu’au-delà de la l’agitation et des épaisses murailles, la mort attendait. L’insouciance qui poussait les gens à agir comme si de rien n’était la réconfortait. C’était une dose d’espoir bienvenu, un bond dans le passé, comme si tout ceci n’avait jamais été rien de plus qu’un vilain rêve. Elle se plaisait à croire qu’elle avait, elle aussi, participé au retour des jours heureux – à sa manière. Il n’y avait pas un an, les rues lui paraissaient alors bien plus hostiles et froides, la famine tenant le ventre même des honnêtes hommes, et le souvenir du couronnement blessant toujours les âmes. Elle ne pouvait guère les blâmer : elle-même avait eu fort à faire pour oublier le chaos qui avait régné, les hurlements et la terreur. Toutefois, si la ville n’était pas tombée ce jour-là, alors elle tiendrait bon. C’était une espèce de promesse naïve faite à elle-même, comme si cela pouvait changer les choses.

Elle profitait bien plus que les pauvres Jean et Armand qui demeuraient sur le qui-vive. Quoique la Hanse n’était pas le pire quartier dans lequel se promener, il n’en restait pas moins que la misère rendait les gens assez fous pour s’en prendre à quiconque avait un tant soit peu de valeur. Et non qu’elle s’en vanta, la Comtesse était d’une exceptionnelle somme, surtout ici. Elle possédait des parts dans quelques commerces du coin, en plus des deux trois autres à Bourg-Levant. Jusqu’à présent, sa réputation était plutôt bonne ; elle offrait un toit et s’assurait de maintenir le travail des travailleurs hardis qui manquaient d’air. En échange, elle obtenait d’eux un rachat au prix fort de sa généreuse contribution, ou bien un loyer bi-mensuel. Les affaires marchaient bien, et elle n’investissait jamais à l’aveugle. En bonne mécène, elle s’assurait de la rentabilité de son offre sur le long terme, et cela passait également par quelques visites impromptues. Elle s’amusait alors à fouiner dans les livres de compte pour s’assurer qu’on ne la flouait pas, mais venait également s’assurer de la bonne santé de ses gens. On ne pouvait attendre de quelqu’un autre chose que l’excellence, si bien qu’elle chouchoutait ses protégés pour cela lui soit profitable. Médecine, herbes, aux premiers signes de fatigue, la Comtesse Vierge se faisait fort de remettre sa mule sur pieds.

Les règles qu’elle imposait à ses obligés étaient claires, limpides d’entrée de jeu. Elle ne cachait aucun vice, et en retour, attendait de la populace une parfaite honnêteté. Elle abhorrait la trahison et le mensonge ; si bien qu’il en coutait cher à ceux qui essayait de la flouer. Elle était peut-être une femme, mais elle avait appris à s’endurcir assez pour gérer son commerce. La Brieu avait graissé les bonnes pattes, si bien que les premières tentatives avaient suffi pour imposer un certain respect. Bien sûr, elle n’était guère stupide : on essayerait sûrement toujours de la voler, mais au moins avait-elle la paix, la plupart du temps. Alors, elle avait tout le loisir de flâner, du potier au maraicher, allant saluer chacun de ses ouailles comme si elle était none. Puis, la marche avait cela de bon : elle lui permettait également de repérer quelques commerces à ajouter à son giron. C’est ainsi qu’après avoir manqué la collision avec des garnements jouant à chat, elle s’arrêta net devant le perron d’une petite boutique. L’échoppe ne payait pas de mine, toutefois était relativement bien situé, idéal donc pour faire fructifier son commerce. Pour autant, la devanture était quelconque. Le chambranle à peine peint, il n’y avait aucun nom sur le linteau et seule la vignette accrochée à de large chaîne indiquait le lieu. Poussée par la curiosité, Aliénor passa la porte.

L’intérieur était entretenu convenablement. Derrière l’épais comptoir se tenait une charmante jeune femme, de son âge ou à peine moins, aux cheveux de feu. Elle était tout à fait jolie. La Comtesse commença une rapide inspection : on vendait ici tout et son contraire. Il s’agissait d’un amoncellement de choses du quotidien, passant de la vaisselle au peigne, du peigne à la marmite. Un fatras de choses pourtant agencés avec intelligence, une quincaillerie qui lui semblait avoir du potentiel. Si Armand arborait la même mine dubitative que sa suzeraine, Jean, lui, semblait plus intéressé par la perle derrière le comptoir. Au moins, les deux avaient assez de goût.

« — Madame. Elle salua l’inconnue d’un sourire poli, s’approchant du comptoir d’un pas léger, continuant sa visite du regard. Vous avez là un charmant commerce ».
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Mélisende PerraultEspionne
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MessageSujet: Re: Certainement pas l'affaire qu'on cherchait   Certainement pas l'affaire qu'on cherchait EmptyLun 10 Avr 2023 - 19:25
Nul besoin de se retourner, il suffisait d’entendre la voix pour comprendre sur qui j’allais poser mes yeux. Madame et Charmant, rien que dans leur prononciation ces deux mots-là annonçaient toute l’élégance de la femme qui m’avait adressé la parole, si bien que je n’osai pas tout de suite la regarder.

Un instant, qui parut long pour ma part, une seconde à peine pour les visiteurs, enfin, je leur faisais face. J’avais rassemblé mon courage, feignant mon air détaché habituel, une main sur la hanche, prête à saluer. Malheureusement, la voix seyait parfaitement à la dame qui jurait complètement avec la modeste échoppe de Blanche, une apparence qui me laissa muette.

Évidemment, il fallait que sur la petite heure hasardeuse pendant laquelle je gardais un des multiples commerces de la Hanse, une femme comme celle-ci passe la porte. Je ne savais pas à quoi jouaient les trois, mais l’impensable qui était en train de se produire me fit avoir un sourire amusé, que je masquais en passant ma main sur mes lèvres avant que la noble femme puisse penser que je me moquais d’elle.
Au moins, mon amusement m’avait permis de reprendre mes esprits, j’inclinai la tête poliment, à défaut de savoir comment saluer selon l’étiquette.

« -C’est un beau compliment, j’en doute pas, mais ce commerce n’est pas l’mien. Je le garde pour une amie qui a… Une affaire pressante à régler… »

À n’importe quel autre glandu, familier du coin, j’aurai sûrement dit sans détour qu’elle était partie donner quelques coups de bâtons à l’autre cocu qui le méritait bien. Après tout, l’affaire était notoire et peu choquante dans le coin, mais le dire à ce genre de fille, c’était une autre histoire.
Il suffisait de voir son teint, pour se douter que la belle ne dût pas beaucoup fréquenter la plèbe et je m’en serais voulu de choquer une Jouvencelle, enfin voulue, disons que je craignais plutôt les conséquences, parce qu’il était sinon toujours tentant de choquer les femmes comme elles.

Avec l’effet de surprise passé, mon attention commença enfin à arrêter de se faire absorber par la noble, et puis l’un de ses accompagnateurs commençait à avoir un regard un peu pesant.
Qu’est-ce qu’il me voulait celui-là à me regarder avec le visage comme un poisson pas frais de l’étale d’en face ?
La confusion se marqua un peu sur mon visage avant que je ne me décide à faire mon travail.

« -Pour autant, il est ouvert. Si vous voulez en faire le p’tit tour, j’vous en empêcherai pas. Blanche sait tenir commerce.»

Je présentai de la main l’endroit comme s’il s'agissait d’un royaume, avec un peu d’ironie, mais une pointe de respect honnête pour le travail de la commerçante.

«- Si vous r’cherchez quelque chose en particulier eh bien… J’suppose que j’peux chercher avec vous.»

Une bien maigre excuse quant à mon manque de connaissance des lieux que j’essayai de faire passer en plaisanterie, avant de me rendre compte qu’il valait peut-être mieux ne pas trop essayer de plaisanter avec ces gens-là, ce qui me fit me mordre la lèvre en attendant sa réaction.
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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
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MessageSujet: Re: Certainement pas l'affaire qu'on cherchait   Certainement pas l'affaire qu'on cherchait EmptyDim 16 Avr 2023 - 19:03
« — Oh je ne cherche rien de particulier, ne vous inquiétez pas. Je souhaitais juste… Eh bien, disons simplement que j’ai été curieuse.

Aliénor eut un petit rire entendu, alors qu’elle tournait la tête à droite, à gauche, tentant de distinguer le plein potentiel de l’endroit. Pour sûr, c’était un fourre-tout incommensurable, et si elle avait souhaité réellement quelque chose ici, il aurait fallu pas moins d’une semaine pour mettre la main dessus. Les choses étaient étrangement disposées, donnant à la pièce principale cet étrange impression de fatras. Pourtant, la comtesse en saisissait l’intérêt. Avoir pignon sur rue était devenu un privilège, et si cette boutique tournait encore, c’est bien qu’elle était rentable. Au moins assez pour que ses propriétaires légitimes ne l’aient pas cédé au début de l’Enfer, et qu’ils se payent avec ça les services d’une employée – aussi peu renseignée soit-elle. Etrangement, elle n’avait pas l’air déboussolée la rouquine derrière son comptoir. Elle n’avait même pas flanché, ne s’était pas esquivée à la question… Elle semblait avoir assez de connaissances dans la tenue d’une boutique. Quoique son manque criant d’éducation aurait pu faire froncer du nez la Brieu, la marchande était restée tout à fait charmante, et même un peu drolesque dans sa répartie. Peut-être était-ce sa balade qui l’avait rendu plus douce, en tout cas, elle ne lui lança qu’un regard bienveillant.

Et puis après tout, elle était entrée pour faire affaire. Il aurait été idiot de se montrer rude avec la gueusaille, aussi insupportable soit-elle. Elle avait eu de la chance de ne pas tomber sur pire ; lui restait à déterminer s’il s’agissait là de la nigaude du coin. Les femmes étaient rarement belles et intelligentes, car d’aucun n’en doutait, la laideur poussait son propriétaire à faire preuve d’esprit, tandis que la beauté amenait bien souvent la paresse. Elle se souvint d’une phrase que lui avait dit Clothilde alors qu’elles étaient enfant : l’intelligence est le privilège des moches. Forte à présent de sa propre expérience, et de ces années à gérer tant bien que mal son affaire, elle ne pouvait qu’approuver cet adage. En tout cas, elle ne serait nullement soutenue par le brave Jean, qui n’avait pas quitté la donzelle des yeux, comme s’il craignait qu’elle se volatilisa. Elle se retint de lui marcher sur le pied pour le tirer de sa rêverie. Plutôt elle s’avança vers le comptoir jusqu’à être tout à fait à portée de la jeune fille, glissant ses doigts sur le bois lisse.

Connaissez-vous bien cet endroit ? Je veux dire, bien sûr que vous semblez le connaitre puisque vous êtes derrière le comptoir, mais sauriez-vous m’en parler davantage ? J’aurais apprécié parler aux propriétaires, mais mon temps est aussi précieux que le vôtre j’en suis sûre.

Son sourire, autrefois amical, se mua en une moue plus terrible, alors que ses billes grises luisaient de malice. Faute de trouver la fameuse Blanche dans son échoppe, et bien elle se contenterai d’en apprendre plus par la jolie rouquine. Et avec un tant soit peu d’endurance, la brave fille lui donnerait de quoi parvenir à ses fins ; les pauvres gens étaient toujours les plus enclin à se livrer.

Savez-vous par exemple s’ils ont beaucoup de clients ? Quel est réellement leur fonds de commerce ? J’avoue volontiers que toute cette… quincaillerie me trouble un petit peu, madame ? »

Et elle attendait sagement que son interlocutrice lui donne son nom. La journée n’aurait pu se montrer meilleure.
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Mélisende PerraultEspionne
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MessageSujet: Re: Certainement pas l'affaire qu'on cherchait   Certainement pas l'affaire qu'on cherchait EmptyDim 16 Avr 2023 - 21:52
La curiosité, une arme redoutable à double tranchant, j’étais bien placé pour le savoir. Restait à savoir pourquoi ce genre de dame se laissait intrigué par ce genre d’endroit.
Sa façon de faire montrait une certaine habitude, j’aurai mis ma main à couper que ce n’était pas le premier comptoir qu’elle caressait de cette façon.

«- Connaissez-vous bien cet endroit ? Je veux dire, bien sûr que vous semblez le connaître puisque vous êtes derrière le comptoir, mais sauriez-vous m’en parler davantage ? J’aurais apprécié parler aux propriétaires, mais mon temps est aussi précieux que le vôtre j’en suis sûre.»

Je n’avais aucune légitimité à parler du commerce de Blanche, ce n’était pas comme si j’avais la tête dans ses livres de compte, même si je pouvais assurer que la femme était douée. Le problème n’était de toute façon pas là, je me demandais bien quelles étaient les intentions de la noble dans tout ça, et à partir de quel moment ça me retomberait dessus.
Puis, comme un signe des Trois pour m’aider à répondre à mes nombreuses questions, le visage de la douce innocence se transforma en une expression que je connaissais bien mieux, de celles que j’ai quand je tente d’extraire des informations. Tout le monde n’a pas ce genre de tête en le faisant, les yeux qui brillent de cette façon encore moins, peut être avions nous un ou deux points communs la noble et moi, si j'osais le penser de cette façon.
Je posai mon avant-bras sur le comptoir, osant me pencher un peu, juste assez pour m’affirmer sans pour autant indigner Son Altesse en rentrant de trop dans son espace personnel. Alors qu’elle recommençait à parler, je jetai un œil à celui qui continuait de me fixer, mon nez se retroussa un peu, il me prenait peut-être pour une plus grosse menace que j’en avais l’air, heureusement la voix de mon interlocutrice recentra mon attention.

«- Savez-vous par exemple s’ils ont beaucoup de clients ? Quel est réellement leur fonds de commerce ? J’avoue volontiers que toute cette… quincaillerie me trouble un petit peu, madame ? »

Elle avait continué ses questions, cherchant à les préciser, se demandant certainement si j’avais l’esprit assez affûté pour savoir où elle voulait en venir. En réponse, elle eut le droit de voir en miroir sa propre expression sur ma face, alors que je ne pouvais retenir l’esquisse d’un sourire amusé et un regard espiègle.

«- Perrault. Melisende Perrault. Et vous ?»

J’avais volontairement laissé le reste de ses questions en suspens, si cette demoiselle pensait pouvoir venir ici et jouer à ce petit jeu et que son petit minois suffirait, elle se mettait le doigt dans l'œil.

«- À vous entendre, on dirait que vous voulez acheter l’endroit.»

Je penchais la tête sur le côté, prête à décrypter la moindre petite réaction. Je n’avais pas envie de cacher ma curiosité à son égard et puis elle était certainement le genre de femme qui avait l’habitude d’attirer l’attention, ce genre de chose devait la flatter.
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Aliénor Montfort de BrieuComtesse
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MessageSujet: Re: Certainement pas l'affaire qu'on cherchait   Certainement pas l'affaire qu'on cherchait EmptyLun 8 Mai 2023 - 14:15
Elle détailla plus avant la marchande, accoudée sur son comptoir. Elle n’avait pas mauvaise allure, mais ses manières étaient celles d’une ribaude, ce qui tranchait atrocement avec le petit minois charmant de la rouquine. Pourtant, elle ne semblait pas exempte de qualité ; elle avait au moins assez d’intelligence et de courage pour poursuivre la conversation. Elle retint un petit rire amusé, continuant d’observer ce chaton mal peigné avec intérêt. Pour ça, elle en avait du bravache, car rien dans l’attitude d’Aliénor ne pouvait lui faire croire qu’elles se trouvaient là sur un pied d’égalité. Et malgré cela, Melisende ne paraissait nullement impressionnée, ou au moins contrite à une expression plus modérée de ses propos. Elle s’adressait à elle avec courtoisie mais sans déférence, à l’instar de la plupart de ses contemporains qui reconnaissait encore en elle l’ancien ordre. C’était très rafraichissant, quoiqu’il en coûta à la tenancière un regard torve d’Armand. Sa garde appréciait peu la rudesse de certains gueux, sûrement plus attachée qu’elle ne l’était aux vieilles conventions. Au moins, lorsque le dialogue était dépenaillé des usages, elle savait que l’échange serait plus franc. Cela lui convenait bien.

C’était d’ailleurs son manque de rigidité quant à l’étiquette qui l’avait conduit à vivre à la cour de son cousin. Audouin II l’y avait envoyé peu après ses fiançailles, dans l’espoir que la capitale ducale en fasse une enfant moins revêche. Jamais son père n’avait imaginé que ce serait là ce qui lui sauverait la vie. De son côté, Aliénor n’avait que moyennement bien vécu cet exil forcé ; elle avait dû dire au revoir à tout ce qu’elle connaissait et possédait, à son confort et ses habitudes à Brieu. La comtesse frivole, proche de ses gens et de son peuple avait forgé une nouvelle identité au fil des ans passés derrière les larges murs de Marbrume. De son caractère matamore, elle était devenue froide et raisonnée. Ce qu’elle laissait aller au gré de ses envies, ce feu ardent, s’était mué en glace. Contrairement à ce qu’elle pouvait bien laisser paraitre, Aliénor s’imposait une discipline plus dure encore que ce qu’elle attendait de ses sujets ; tout simplement parce qu’elle était l’antithèse de ce qu’elle avait un jour été. Au moins, elle l’avait compris, se préservait-elle des intentions les moins bonnes, et s’assurait de sa propre survit au milieu des requins. Il n’en restait pas moins une tendre affection pour son alter égo joviale et prompte à la farce, se fichant des codes et des convenances.

« — Je n’ai pas pour habitude de déposséder les gens, Madame. Disons que j’aime à œuvrer pour pérenniser les affaires des autres, et offrir une chance aux honnêtes travailleurs de faire fructifier leur labeur.

C’était une façon de présenter les choses. Elle ne s’étendit pas plus avant sur la teneur de son office ; de toute façon, la rousse n’était pas décisionnaire de la boutique, elle n’avait pas à en connaitre les détails. Elle semblait de toute façon assez maligne pour se faire sa propre idée là-dessus. Elle n’avait pas à cœur de convaincre les réfractaires, mais tendait toujours la main à qui savait reconnaitre sa mansuétude.

Cette échoppe est idéalement située, et semble tout à fait prospère. Si d’aventure les propriétaires avaient besoin d’un mécène généreux, pourriez-vous les informer de mon offre ? Ils n’auraient qu’à demander la comtesse Montfort de Brieu. J’aime à discuter avec chacun de mes protégés, apprendre à les connaitre en somme. Elle se dirigea d’un pas distrait vers une étagère, et en inspecta le contenu, soulevant une assiette puis une cale-porte ouvragé. Une affaire ne marche que lorsqu’on y met un peu de son âme après tout. Elle lança un regard par-dessus son épaule à la Perrault. J’espère que vous pardonnerez ma curiosité, mais puisque vous ne semblez pas travailler régulièrement ici, avez-vous vous-même une échoppe dans le quartier ? On ne confie pas son commerce si aisément, même à une amie ».

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