⚜ Succession avunculaire ft. Camélia d'Orlhac - 18 Décembre 1165 ⚜

Succession avunculaire ft. @Camélia d'Orlhac - 18 Décembre 1165

Depuis la fenêtre de sa chambre, Aloys de Tourbière observait la merveilleuse dentelle blanche recouvrir les toits de la cité. Chaque nuit, la douceur vaporeuse se posant sur toutes les surfaces possibles et inimaginables, transformait tout en un univers de cristal. Plus bas, sur la Grande Rue des Hytres, le duvet moelleux étouffant les bruits se faisait piétiner par les plus matinaux. C’était l’heure de quitter les lieux. Le jeune homme finit par enfiler son sombre tabard par-dessus sa jacque de la même teinte. Il recouvrit ensuite ses épaules de sa cape verdâtre, faisant écho à ses armories. Enfin, il quitta l’auberge, le casque lui masquant le visage pour le protéger du vent glacial et mordant. La froideur implacable le saisit immédiatement, mais il eut connu bien plus grave par le passé. L’année dernière, le même mois, le jeune homme vécut l’hiver de plein fouet avec moins de tissu, arpentant ces mêmes rues pour survivre la trahison de son oncle Philippe. Il ne cessait d’y penser, se ressassant encore et encore, les tragédies d’antan.

Cette blessure n’eut jamais complètement guéri, elle fut juste oubliée au plus profond de son être, le temps de son service à l’extérieur des murs. Réouverte maintenant qu’il eut récemment récupéré son identité, la cicatrice semblait être vouée à marquer à jamais son corps et son âme. À vrai dire, il n’y avait nul endroit dans la capitale, où Aloys se sentait parfaitement en sécurité. Même loin du manoir familial, berceau de complots, la souffrance lancinante et indicible parvenait à trouver son chemin à lui, pour le suivre sans relâche, le hanter jour et nuit. C’était en quelque sorte, un poids insupportable, une charge qui l’écrasait et l’empêchait d’avancer pour devenir le digne successeur de son paternel. Néanmoins, il possédait actuellement des impératifs, des affaires urgentes à régler pour l’honneur de son nom.

Aloys pénétrait désormais dans l’Esplanade, avant de se diriger vers les résidences. Le froid continuait à engourdir ses doigts gantés et à lui transpercer les os, se faufilant sous ses vêtements pour s’immiscer dans chaque recoin de son corps. Cela dit, il trouvait un certain réconfort chez ce qui lui glaçait le sang à l’instant même. Il apprit notamment avec le temps, à apprécier l’odeur des flocons. Ce mélange de sapin, de fumée et de neige fraîche apaisait son esprit. Il l’aimait davantage à l’extérieur des murs, où il pouvait profiter de l’atmosphère de silence grâce à la rareté des bruits. Bientôt, il gagnerait le sud du duché, pour admirer une fois de plus la nature suspendue dans une pause hivernale. Oui, les champs, les arbres, là où les oiseaux se taisaient et les animaux se cachaient, là où tout semblait figé, à l’exception de la neige qui continuerait de tomber, toujours plus légère et toujours plus pure.

Finalement, le nobliau fit halte devant une sobre demeure, celle du Comte André II d’Orlhac. Il aperçut au loin, au-dessus de la grande porte centrale, le blason familial de l’étranger. Lorsqu’il s’aventura dans la cour blanche, sous les regards curieux des serviteurs grelottants, il fut intercepté par un garde lui demandant la raison de sa présence, auquel il répondit courtoisement : « Je suis le Baron de Tourbière… Son Excellence m’attend. ».

L'année 1165... L'année du changement pour Camélia, l'année de l'échec pour le Comte. Un déménagement soudain, la découverte de la maladie de son héritière, des fiançailles échouées... Une chose était certaine : il était temps que cette année cesse.

A la suite de l'échec de son futur mariage, la liberté de la Comtesse fût à nouveau restreinte. Après avoir subi l'agressivité de son paternel, déterminé à faire comprendre à sa fille à quel point elle l'avait déçue, Camélia reprit les tristes habitudes d'antan : seule la bibliothèque et sa chambre pouvait attester de sa présence.

Les mois défilèrent et petit à petit, lorsque la crise somatique de la Fleur n'était plus, elle pouvait enfin reprendre ses occupations. La routine reprenait ainsi, les domestiques de la maison Orlhac, inquiets quant à la santé de leur Dame, se rassuraient progressivement lorsqu'ils recroisaient enfin la concernée.

Ce jour, la fenêtre arborait un sublime paysage blanc. Camélia ne pouvait tenir en place : elle qui fût énormément confiner durant son enfance, observant la neige et l'environnement de sa simple fenêtre de chambre... Aujourd'hui, elle pouvait enfin la découvrir de plus près.

La jeune noble pressa sa pauvre dame de compagnie, Clothilde, pendant tout le temps du change. Amusée de voir sa Comtesse avec un regard si émerveillé, elle prit soin néanmoins de l'habiller assez chaudement, toujours inquiète quant à son état de santé et à sa fragilité. Elle n'eut cependant pas le temps de demander à Camélia de faire attention et de ne pas rester trop longtemps exposée au froid... Celle-ci quittant la pièce à peine la phrase commencée.

Ainsi, rapidement, la Fleur arriva à l'extérieur, dans la cour de son domaine. Elle découvrit la fraicheur soudaine qui vint mordiller ses petites joues, qui adoptèrent une petite couleur rosée à ce contact. Les premiers pas dans la neige ne pouvaient qu'étonner la brunette : du son qui émanait du sol à la sensation particulière qu'elle ressentait sous ses pieds. Elle cessa son pas pour s'abaisser, attrapant soudainement la matière blanche de ses mains pour en découvrir la texture.

- Votre Excellence !! Attendez !
- Regarde Clothilde ! C'est de la neige !!

Clothilde arriva quelques secondes après Camélia, complètement essoufflée de lui avoir couru après. Elle s'apprêta à lui insuffler son petit discours mais c'est en voyant l'attitude de sa Belle qu'elle décida de se taire. L'émerveillement de la Comtesse ne pouvait que faire sourire Clothilde, ravie de revoir enfin un véritable sourire sur son visage, après ces mois si compliqués.

Et cette sensation, Clothilde n'était pas la seule à la ressentir. Certains domestiques cessèrent leurs activités pour observer un instant leur Comtesse, amusés par la situation. Tous appréciaient Camélia, qui était le portrait craché de sa mère, autant sur le plan physique que sur le plan de la personnalité. En d'autres termes, elle était également le contraire de son paternel : si lui n'était qu'égoïsme et agressivité, elle n'était qu'altruisme et douceur.

Le rire de la Belle résonnait dans sa cour. Les deux jeunes femmes finirent par s'amuser ensemble, Clothilde se laissant entraîner par sa jovialité. Quelques pas de danse, une petite introduction de "comment réaliser une parfaite boule de neige pour provoquer une bataille"... Le temps semblait cesser un instant, laissant leur petite bulle de bonheur se renforcer. Si bien qu'elles ne remarquèrent absolument pas la nouvelle silhouette présente depuis déjà un petit moment à l'entrée de la cour.

~•~

- Je suis le Baron de Tourbière... Son Excellence m'attend.

Le garde hocha doucement la tête lorsqu'il entendit les présentations. Celui-ci était en effet au courant qu'un Baron était attendu par le Comte, le nom correspondant aux informations qu'il avait reçu.

- Votre Honneur, si vous voulez bien me suivre, accompagnant ses dires par un signe de main vers la direction du domaine.

La marche s'activa par la suite. Après quelques pas, la voix de Clothilde essayant de rattraper Camélia et le rire de celle-ci pouvait s'entendre. Le garde détourna son regard vers la voix de la dame de compagnie au loin, une main rapidement déposée sur la garde de son épée dans un réflexe protecteur, sûrement inquiet de la raison de l'appel soudain de son Excellence ainsi. Cependant, il se détendit rapidement lorsque la Comtesse fut dans son champs de vision, en train de découvrir la neige et de rire aux éclats.

Une fois à l'entrée de la Maison Orlhac, le garde accompagna le Baron jusqu'à un petit salon, là où quelques domestiques prirent le relai pour inviter Aloys à s'installer sur une petite table où quelques en-cas sont disposés, en attendant l'arrivée du Comte.

Il ne fallut que quelques minutes d'attente pour que l'hôte fasse son entrée, se dirigeant vers son invité pour le saluer.

- Baron de Tourbière. Je vous souhaite la bienvenue chez les Orlhac.

L'homme reflétait un certain charisme, sa voix inspirait une certaine fermeté et confiance en lui-même... Digne de la réputation qui le précédait. A la suite des salutations formelles, il invita de nouveau à l'installation autour de la petite table, les domestiques s'activant à servir un verre de vin aux deux nobles assis.

- J'espère que votre voyage jusqu'à nous fut agréable malgré la neige.

Orlhac se servit un petit bout de tartelette aux fruits avant de mettre fin aux tergiversations.

- Allons droit au fait. Vous avez mon écoute.

Petite légende :
Violet : Camélia
Bleu : Aloys
Violet clair : PNJ Clothilde, dame de compagnie
Vert : PNJ garde
Bleu foncé : PNJ Comte d'Orlhac

Le Baron de Tourbière se mit à suivre le garde d’un pas lourd et hésitant en direction du domaine. L’anxiété qui sommeillait en lui telle une bête sauvage depuis qu’il eut quitté l’auberge, avait attendu ce moment opportun pour se réveiller et rugir de toutes ses forces. L’idée de s’adresser à un Comte, accentuait la tension sourde qui se propageait dans son corps déjà mordu par le gel. Il s’agissait d’une sensation oppressante et familière. Cette dernière étouffait sa poitrine et serrait ses tempes sans relâche. Il avait un sentiment de déjà vu. Ce fut la même impression qu’il perçût, quelques semaines plus tôt, lorsqu’il dût se défendre devant le Duc de Sigfroi, le Conseil et la foule de nobles dans la grande cour. Aujourd’hui, il devait assumer les responsabilités que lui incombait son titre, car l’avenir de son nom dépendait désormais de ses uniques décisions.

Le Seigneur se concentrait sur son souffle pour tenter de contrôler les palpations rapides et saccadées, quand une brise légère vint soudainement caresser son visage fermé, apportant avec elle un souffle de gaieté et de légèreté. Au loin, résonnait un son délicat et délicieux venant s’imprégner dans ses oreilles, comme une symphonie de notes sucrées. Il s’agissait d’éclats de rires doux, spontanées, une douce mélodie qui venait ajouter une touche de beauté à un environnement froid et statique. Aloys observait à présent le garde dont la quiétude eut été troublée le cours d’un instant. Il s’interrogeait sur la raison pour laquelle l’homme eut posé la paume sur la garde de son épée. Quel genre de créature, ou de détenu(e), gardaient-ils en ces lieux ?

Par curiosité, le garçon jeta un regard discret vers la provenance du son mélodieux. Devant ses yeux asséchés par le froid, se dressait une beauté innocente enveloppée de blanc. Un rayonnement d’hiver semblait émaner de sa personne naturellement, sans artifice ni prétention. Jamais auparavant il n’avait vu un tel mélange de pureté, de grâce et de douceur. La fleur délicate captiva si bien son attention, qu’il oublia pendant l’espace d’un instant le but de sa venue en ces lieux. Il détourna à tire-d’ailes son immuable regard, comme pour se libérer d’un sort, puis doubla le pas pour diminuer la distance qui se fut creusé entre lui et le garde.

Lorsqu’il pénétra dans la Maison Orlhac, et enfin dans le salon, il retira son masque de fer pour saluer en retour dignement le Comte. « Votre Excellence. », répondit-il en inclinant légèrement la tête. Un serviteur vint promptement le décharger de ses affaires. Il se sentait bien plus en paix et en harmonie qu’à son arrivée, comme si la scène dont il eut été témoin précédemment eut étrangement réchauffé son cœur et nourrit son âme. La respiration lente et régulière, le cœur paisible, il vint donc s’installer à la table après y avoir été invité par son hôte. « Je vous remercie pour votre temps. », dit-il. Il suivait du regard les domestiques s’activer, décorant la surface de boisson alcoolisée et de tartelette aux fruits. Finalement, il acquiesça de la tête lorsque le Comte lui demanda si son trajet fut agréable. À vrai dire, c’était le temps idéal pour parler affaires.

« Je suis le Baron Aloys de Tourbière, le dernier en vie de la lignée et le seul être digne de représenter le nom. », commença-t-il par dire. Il lui semblait important de se présenter formellement, avant d’échanger sur de potentiels accords commerciaux. Au-delà de ce simple procédé, il souhaitait également souligner sa légitimité, s’introduisant comme le seul preneur de décision chez les Tourbière. « Vous avez sûrement entendu mon nom récemment. », poursuivit-il calmement. Depuis quelques semaines, dans la résidence du souverain et de son entourage, l’on entendait parler d’un certain bâtard, de l’enfant illégitime de Tourbière dont le titre eut été usurpé par son oncle. « Je suis encore jeune et inexpérimenté dans les affaires, comparé à mes ancêtres... », admit-il sans hésitation. « Cela dit, j’entends accomplir mon devoir en tant que successeur. », affirma-t-il ensuite avec détermination. « Ma famille est sur ces terres depuis plusieurs générations. », pensa-t-il important de préciser pour mettre subtilement en avant les bienfaits d’un éventuel partenariat. « Et mon défunt paternel, occupait la position de châtelain* auprès du Roi. », ajouta-t-il à cela. « Il se trouve que j’ai hérité de mon fripon d‘oncle, certains biens qui seraient susceptibles de vous intéresser. », révéla-t-il enfin. « Avant que je n’entre dans les détails et afin de répondre au mieux à vos actuels besoin, je souhaiterai en apprendre un peu plus sur votre activité… Si vous me le permettez. », finit-il par dire. Il espérait également en savoir un peu plus sur les étrangers au nom d’Orlhac.

*au service direct de la couronne et représentent sa voix dans des affaires précises ou des contrées éloignées. Il s'agit parfois d'autres nobles élevé à ce rôle spécifique.

Le Comte écouta attentivement le nouveau Baron. Comme à son habitude, il gardait sa posture imposante, laissant une froide neutralité s'ancrer sur son visage. Le père des Orlhac laissa un petit temps silencieux à la suite du monologue d'Aloys. Il scruta sans gêne le garçon, se redressant pour attraper son verre de vin lentement.

Finalement, il vient enfin à acquiescer de la tête. La présentation de Tourbière semble lui avoir plu puisqu'il paraît disposé à s'engager dans la discussion commerciale.

- En effet, votre nom ne m'est pas inconnu.

Le Comte ne se pencha pas davantage sur le sujet. A la suite de quelques gorgées de vin rouge, l'homme reprit la parole.

- Mon commerce est principalement basé au Labret. Il est composé de fermes pouvant combler les principaux besoins alimentaires.

Là aussi, étonnamment, le Comte ne se vendit pas comme attendu par l'interrogation du Baron. L'explication brève de ses activités n'étaient pas question d'un manque de confiance en son commerce, mais bel et bien un nouveau test pour Aloys. Il estimait qu'un homme d'affaire se devait d'être renseigner sur le business de l'autre avant de commercer avec celui-ci, encore plus lorsqu'on est à l'origine de la demande. Qu'il soit nouveau en affaire ou non, pour le Comte, certaines bases se devaient d'être acquises.

- Mais je suppose que vous vous êtes déjà renseignés sur ma famille et mon activité.

Sa dernière phrase n'était, ni dans l'intonation ni dans l'intention, un questionnement. Il l'affirmait, testant moins subtilement et avec un certain plaisir son invité.

Orlhac déposa son verre afin de reprendre sa posture d'antan. Il observa de nouveau son interlocuteur, hochant lentement la tête pour accompagner ses prochains dires.

- Quelle est la raison de votre venue? Qu'attendez-vous donc des Orlhac, Baron de Tourbière?

Si les enjeux se majoraient dans le salon des invités, à l'extérieur cependant, c'était comme une autre dimension. Camélia continuait à s'amuser dans la neige aux côtés de la pauvre Clothilde qui peinait à suivre sa Comtesse, ne cessant de lui dire de faire attention, craignant qu'elle ne se blesse ou retombe malade. Quelques serviteurs s'amusaient toujours de la situation, profitant de cet instant de joie dans ce monde remplis de malheurs.

- S'il vous pl-... Votre Excellence, attenti-... Mais ! Attend-... !!

Les rires de la Comtesse pouvaient s'entendre de l'intérieur. Si les quelques gardes et serviteurs présents appréciaient ce son, le visage du Comte lui se resserrait. Le paternel ne voyait sans doute pas les choses comme autrui, prenant cet amusement comme une perte de temps... et un manquement à son autorité, là où sa fille se devait de rester à l'intérieur du foyer jusqu'à nouvel ordre depuis les derniers événements.

Petite légende :
Violet : Camélia
Violet clair : PNJ Clothilde, dame de compagnie
Bleu foncé : PNJ Comte d'Orlhac

Le Comte Orlhac était assis à la tête de la table, dans une imposante chaise en bois dont son interlocuteur ignorait le genre. Son regard glacial scrutait le Baron de Tourbière qui osait s'adresser à lui. Une fine couche de givre semblait recouvrir son visage, rendant ses traits durs et impénétrables. Lorsqu’Aloys prenait la parole, son Excellence l'écoutait avec une froideur implacable. Son regard ne quittait pas le jeune homme, mais il ne laissait transparaître aucune émotion, ni intérêt ni dédain. Il écoutait simplement, avec une neutralité glaciale qui était encore plus intimidante que s'il avait exprimé son mépris ou sa colère.

Finalement, le grand Seigneur décida de prendre la parole après quelques verres de vins. Aloys, avait-il réussit à susciter son intérêt, ne serait-ce qu’un moment ? Sans surprise, il admit connaître le nom de famille du Baron, en revanche, il n’en dévoila pas plus sur sa personne contrairement aux attentes de son destinataire. Il se contenta seulement d’énoncer brièvement son activité, interrogeant le garçon par la suite sur ses connaissances préalables.

- « Bien sûr », assura-t-il en hochant la tête. Il avait laissé son associé, Othon de Prisépine, effectuer cette veille informationnelle. « Je veux simplement éviter tout malentendu ou attente irréaliste. », se justifia-t-il en portant un verre de vin à ses lèvres. En effet, il voulait s’assurer que les deux individus étaient bien sur la même longueur d’onde. Ajouté à cela, il lui semblait important d’établir une confiance mutuelle et de créer un environnement de communication ouverte avec un éventuel partenaire. Le fait de demander au Comte Orlhac de présenter son activité, était en soit un test, qui allait ensuite permettre au Baron de Tourbière de se forger une première impression. Or, le jeune Seigneur se contenta d’une seule et unique justification.

Le Comte Orlhac poursuivit sur sa lancée, demandant à présent la raison de la venue Baron de Tourbière ainsi que ses attentes. Ce dernier posa le verre de vin sur la table, mains figées sur la surface et doigts croisés désormais, il était prêt à convaincre le grand Seigneur.

- « Vous produisez, faites acheminer vos produits fermiers en grande quantité vers la cité pour ensuite les céder aux commerçants, qui à leur tour revendent à la populace. Cela profite également aux autres Seigneur rentiers de ces commerces. », commença-t-il par dire, pointant la marge réalisée par ces nobles à la fois partenaires et concurrents. « Aujourd’hui, ils acceptent d’acheter votre marchandise, demain, peut-être iront-ils voir ailleurs. », prévint-il ensuite. Ce risque était susceptible de devenir d’autant plus vrai, car si les hommes parvenaient un jour à reconquérir d’autres terres fertiles, plus de choix s’offriraient aux détaillants en termes d’approvisionnement.

De légers rires qui pouvaient s’entendre à l’extérieur de la pièce, venaient à présent parasiter les échanges ayant lieu dans le salon des invités. C’était un timbre familier, sur lequel l'invité pouvait d’ores-et-déjà associer un visage. Gêné, le Baron de Tourbière marqua un temps de pause, avant d’exposer finalement son ultime idée, l’index levé, pour recentrer l’attention du Comte Orlhac au faciès crispé sur sa personne.

- « Pourquoi ne pas commercialiser votre marchandise vous-même auprès des Marbrumiens ? ». Autrement dit, pourquoi ne pas devenir distributeur ? « Je vous propose de sécuriser vos affaires en garantissant votre propre accès au marché. Tout cela à moindre coût, et le plus rapidement possible. ».

Aloys se tut suite à cette proposition, puis vint s’approprier un morceau de tartelette aux fruits. Il souhaitait jauger la réceptivité du Comte Orlhac suite à cette idée visionnaire, avant d’entamer toute négociation.

Le Comte d'Orlhac écouta attentivement les explications du Baron. Si les premiers dires ne firent pas réagir l'hôte du domaine, la suite cependant amena à une certaine surprise sur son visage... suivit d'une incompréhension.

- Mh...

Un temps de réflexion s'imposa. Le Comte chercha où voulait en venir son interlocuteur, analysant silencieusement ses dires pour tenter de découvrir le moindre piège qui s'y trouvait. Néanmoins, le Comte connaissait sa position et celle d'Aloys... bien que méfiant de nature, l'idée qu'un Baron tente d'arnaquer la maison Orlhac ne semblait que très peu probable.

Malgré tout, il était difficile pour le maître des lieux de visualiser la fameuse idée révolutionnaire. Certes, il était conscient que les situations commerciales étaient fortement instables en vue de la période actuelle. Mais comment réussir à libérer assez de temps pour gérer son domaine, ses autres missions qui lui incombaient... et rajouter à cela la gestion entière son commerce ?

- Dites moi en davantage. Je crains ne pas voir concrètement comment votre idée peut se manifester, d'autant plus à notre difficile époque.

Bien entendu, le Comte était loin d'être naïf. Malgré le petit temps laissé à la suite de ses dires, il enchaîna par une seconde interrogation, sans laisser le temps au Baron de répondre à la première.

- Et surtout, où est votre rôle dans tout cela?

Là était sa principale incompréhension. Si le Baron de Tourbière proposait son aide à la gestion de ses affaires, il ne percevait pas l'intérêt pour la maison Tourbière d'aider à court terme la maison Orlhac, qui elle profiterait par la suite à long terme de cette aide. En d'autres termes, les incompréhensions du Comte étaient principalement liés à cette impression de déséquilibre dans les futures propositions... ce qui ne réjouissait pas le Comte, pour le moment.

Cependant, par chance, Orlhac restait ouvert à l'idée, ce qui permettait au Baron de continuer ses explications. Bien que ses traits soient tirés par l'incompréhension et la méfiance majorée, son attention restait encore acquise. Il était curieux de comprendre ce que Tourbière avait derrière la tête, mais tenait à lui rappeler qu'il était loin d'être une bonne idée de tenter un accord sous de mauvaises intentions avec lui.

- Soyez concis mais clair, Baron. Je n'apprécie guère éclairer à mes dépends ma compréhension à la suite d'un accord.

Si les informations que le Baron a récolté sont de bonnes qualités, il saura que ces dires évoquent la rancune réputée des Orlhac lorsqu'un accord est brisé par fautes d'informations claires ou de tentatives d'escroqueries. Ces rumeurs proviennent des rares affaires rompues par les Orlhac, où les interlocuteurs malveillants plongeaient soudainement en faillite ou bien dans le silence à la suite de cette rupture. Les rumeurs s'en suivirent, certains verbalisaient que les Trois portaient un œil bienveillant sur la maison Orlhac, d'autres évoquaient par la crainte que ces résultats ne sont pas le fruit d'une spiritualité mais bel et bien d'une terreur humaine : le Comte.

"Si un jour par malheur vous devenez leur allié, faites alors en sorte de ne jamais devenir leur ennemi."

La terrible réputation du Comte était une malédiction tout autant qu'une bénédiction pour ses affaires, d'après lui. Et c'est celle-ci qu'il souhaita subtilement rappeler au Baron... avant de réellement commencer la discussion commerciale.

Petite légende :
Bleu foncé : PNJ Comte d'Orlhac

Le Baron de Tourbière ne put s'empêcher de ressentir un léger frisson de nervosité parcourir son échine à l'écoute des paroles du Comte d’Orlhac. Bien qu'il eût anticipé cette réaction de méfiance, il ne put s'empêcher de se sentir un peu déstabilisé par l'aura de pouvoir et d'autorité qui émanait du maître des lieux.

Pourtant, Aloys ne se laissa pas intimider et garda son calme. Il avait une idée claire de ce qu'il souhaitait proposer à son Excellence, et il était déterminé à lui faire comprendre l'opportunité qui se présentait à eux.

Ses yeux ocres fixèrent ceux du Comte, sans flancher, alors qu'il répondait d'une voix assurée : « Je comprends votre méfiance, votre Excellence. Mais je vous assure que mes intentions sont honorables. Je ne cherche pas à vous tromper, ni à vous escroquer. Je suis ici pour vous proposer un contrat gagnant-gagnant, qui profitera à nous deux. »

Il fit une pause, cherchant les mots justes pour convaincre son interlocuteur :
« Vous avez raison de dire que la situation économique actuelle est difficile, voire chaotique. Avant de devoir mettre la clef sous la porte il y a quelques mois de cela, mon Oncle, Philippe de Tourbière, possédait plusieurs commerces d’armes historiques dans la Capitale. Deux pour être précis. Le premier se situait dans le Haut Quartier, et fournissait des armes et des armures de bonnes factures pour la Chevalerie et le reste de la noblesse. Le second, se trouvait au cœur commercial de Marbrume, La Hanse. À l’Est de ce dernier, se positionnait un entrepôt où était gardé en réserve les matériaux. Ces commerces sont aujourd’hui inactifs, je souhaiterai donc les céder le plus rapidement possible. »

Le Baron marqua une nouvelle pause, scrutant les réactions du Comte. Peut-être était-ce plus clair à présent ?

« Et quant à mon rôle dans tout cela, votre Excellence, celui-ci est simple : bailleur. Je vous propose de louer pour une durée déterminée mes commerce afin que vous puissiez les utiliser pour y vendre vos produits. Cela en échange d’un paiement régulier, jusqu’à l’entière acquisition de ces dits commerces. »*

Le Baron s'interrompit, laissant ses paroles planer dans l'air. Il savait que la décision finale appartenait au Comte Orlhac, mais il espérait avoir réussi à le convaincre de la pertinence de son projet. Il s’abstint pour le moment de discuter de prix, ne voulant davantage embrouiller l’esprit du son Excellence, qui semblait d’ores-et-déjà avoir du mal à saisir où le jeune homme voulait en venir depuis le début de leurs échanges.

@Camélia d'Orlhac * HRP: Définition du crédit-bail / leasing

Le Baron de Tourbière ne se laissa pas faiblir face à l'intimidation du Comte. Et dans ce contexte, cela plaisait au concerné.

Gardant sa posture fermée, son esprit l'était cependant beaucoup moins. Il écoutait attentivement les explications du Baron, se focalisant cette fois-ci sur la compréhension du projet et non la recherche de pièges. Le Comte considérait que sa menace avait bien été entendue, après tout.

Puis, soudainement, une lueur d'intérêt apparaissait dans les yeux sombres de Orlhac. Le maître des lieux comprit enfin l'enjeu et le rôle des Tourbières. Ce n'était pas un énième moyen intermédiaire de revendre ses produits. C'était une location jusqu'à achat du lieu.

Ce projet signifiait le potentiel retour de son indépendance complète pour son commerce. Ainsi, cela était beaucoup plus intéressant pour le Comte, ayant perdu ses biens immobiliers à la suite de son déménagement à Marbrume lors de l'invasion dramatique de ses Terres par les prédateurs de l'humanité.

Acquiesçant discrètement de la tête, Orlhac reprit la parole à la suite de quelques gorgées de vin.

- Je vois. Voilà une idée originale.

Bien qu'on pouvait comprendre ses dires comme un maigre intérêt, cela était en réalité un compliment. L'idée était originale... mais surtout intéressante. Le caractère de Orlhac ne permettait simplement pas une sincérité à ce sujet, n'étant pas le plus généreux en éloges.

Un petit temps de réflexion s'installa à nouveau...

- Et donc, quels seraient vos prix?

Il était temps d'amorcer la dernière - mais pas des moindres - lancée de ces négociations.

Petite légende :
Bleu foncé : PNJ Comte d'Orlhac