Mains chapardeuses.. [Elwen et Wilhem]

C'est avec soulagement que je franchis les portes du crépuscule et pénètre dans la ville. Ce n'est que la mi-journée et ma partie de chasse aurait pu se prolonger un peu plus longtemps mais cela aurait augmenté mes chances de croiser un fangeux et diminuer ainsi mes chances de survie.
Je jette un dernier regard, angoissé il faut l'avouer, vers la porte avant de tourner le dos et prendre la direction du vieux marché. Oublié le bon temps où je n'avais aucun effort à fournir et que tout me tombait dans la bouche.. Aujourd'hui, la seule chose que je sais faire, ou presque, et qui me permet de survivre et évidemment celle qui m'expose le plus au fléau. Si seulement j'avais su..
Je ressasse mes noires pensées tout en continuant ma route. Si je connais ce chemin par cœur, je n'en reste pas moins sur mes gardes, ma sacoche remplie de gibier serré contre moi. Mon arc passé en travers de mon épaule peut peut être suffire à décourager les plus couards, je ne suis pas à l'abri d'un mendiant désespéré et prêt à tout pour se mettre quelque chose sous la dents. Ça ne serait pas la première fois que ça m'arrive et certainement pas la dernière, la misère étant de plus en plus prononcée chaque jours.

Un brouahaha lointain et indistinct m'indique que je me rapproche du vieux marchés et de ses nombreux étals, malheureusement presque vide pour la plupart. Je ne devrai pas avoir de difficulté à trouver un ou plusieurs acheteurs pour mon maigre gibier, le peuple n'ayant pas les moyens de se montrer difficile. La main toujours posé sur ma sacoche, je me rapproche de l'étal d'un boucher de ma connaissance, qui me propose toujours un prix correct. Malheureusement, je trouve sa boutique porte close.
Intrigué, j'accoste sa voisine, une poissonnière bruyante affairée à évider ses poissons.

- Excusez-moi, le boucher est absent aujourd'hui ?
- Parti pour affaire à c'qu'il m'a dit mon garçon. Aucune idée de quand il se repointera !
- Tant pis, merci quand même..

Que faire ? Resté dans le coin et l'attendre, ou partir à la recherche d'un autre acheteur ? Cette dernière option me parait la plus logique, mais il se peut que je perde un peu de bénéfice. Je reste donc planté devant la boutique, pensif, réfléchissant à qui pourrait me proposer un prix attractif.

Enfin. Un jeune garçon à l'air pas farouche pour un sous est arrivé il y a peu. J'ai passé la matinée à guetter une proie comme celle-ci, car mon ventre, plutôt mécontent, commence à mettre à rude épreuve ma discrétion... Fort heureusement, le brouhaha ambiant du marché et la foule y résidant m'ont permis de suivre ce jeune homme. Ses cheveux retombent en mèches rebelles sur son front. Ma première impression ? Pas futé, le petit. C'est bien mignon, l'arc, mais peut-être faudrait-il penser à détailler les alentours au lieu de se croire protégé par un simple morceau de bois auquel une vulgaire ficelle est accrochée. Me voilà donc, slalomant entre les passants, bien plus intéressée par la sacoche qu'il semble garder précieusement qu'à son air revêche et prétentieux. Il s'approche, l'air décidé, vers la boutique du boucher. "Air déçu dans trois, deux, un...". Je souris en le voyant discuter avec la poissonnière et rester planté là, l'air perdu. Pas de souci, je vais l'aider à bouger.
Bon. Un plan d'attaque. Énormément de monde fréquente ce marché : autant dire que beaucoup de gens sont, comme moi, à l'affût d'une opportunité de... chapardage. Mais il y a également de pauvres honnêtes de gens. Des honnêtes gens qui ont pris pour habitude de bien protéger leurs boutiques et étals. C'est donc tout naturellement que nos nouvelles cibles deviennent ces apporteurs de butin, qui ne semblent par voir plus loin que le bout de leur petit nez rempli de parfum de luxe. Quoi que, celui-ci a l'air plutôt banal. Je sais reconnaître le statut des gens dès le premier coup d’œil : c'est là que réside la "chance" - si on peut l'appeler ainsi - d'être une bourgeoise déchue. Donc, qui dit homme se prétendant d'un rang supérieur, qui plus est honnête (celui-ci préférant gagner sa vie en chassant plutôt qu'en volant), dit aussi homme pas très malin. Je souris en coin, et me faufile lentement entre les passants en mouvement.
La discrétion est ma spécialité. Mon apparence banale et négligée pousse les gens à reporter leur regard ailleurs que sur moi, dans la plupart des cas du moins. Quoi de mieux que la foule pour vous camoufler ? Je m'approche lentement de mon but, faisant de temps à autre mine de marcher avec le flot mouvant de personnes plus ou moins empressées. J'y suis presque.
Je fourre ma main dans ma poche et saisis ma fidèle dague, que j'aime appeler "ma meilleure amie". Nous passons maintenant à la partie la plus rude de ma stratégie...

Je fonce sur le malheureux à pas feutré et, d'un geste plus que rapide, coupe la bandoulière de sa sacoche avant de saisir fermement cette dernière. Je me mets ensuite à courir, profitant de la rapidité qu'a gagné la foule. Heureusement, j'ai l'habitude de ce genre de choses, et je place beaucoup d'espoir en mon endurance...

Les bras croisés sur ma poitrine et perdu dans mes pensées, je commets une des plus graves erreurs qui soit : ne plus faire attention à ce qui m'entoure. Ce qui est assez ironique pour un chasseur, quand on y pense..
Une bousculade brutale me sort soudainement de mes pensées, ainsi qu'une sensation d'allègement sur mon flanc.. Cette foutue gueuse est partie avec ma sacoche !
Sans plus tergiverser, je la prends en chasse, sa chevelure claire étant assez facilement repérable. Mordiable, c'est qu'elle court vite, cette foutue gamine ! Même si elle a l'air plutôt à l'aise au milieu de la foule, le monde présent sur le marché entrave notre progression à tout les deux. Si elle part du principe que je vais me fatiguer et abandonner mon butin, elle se trompe amèrement.. En plus d'être assez endurant, ma hargne me fera la pourchasser dans toute la ville si il le faut.
Soudain, je vois un éclair de cheveux clair disparaître dans une ruelle attenante et je la suis en un virage serré, manquant m'envoyer à terre. La ruelle est remplie d'immondices laissées à l'abandon par les marchand que la voleuse évite avec beaucoup d'agilité, il faut le reconnaître. Sauf que je suis assez bon à ce jeu là aussi.

Peu à peu, de ruelles en ruelles, l'écart entre nous se réduit, jusqu'à ce qu'elle puisse presque sentir mon souffle dans sa nuque. Souffle devenant de plus en plus bruyant et saccadé, mais pour mon plus grand bonheur, le sien fait de même.
Je lui saisis enfin le poignet dans un tournant mal calculé, la vitesse et l'arrêt soudain la faisant presque tomber. Elle tourne un visage au regard empli de haine vers moi et je peux enfin détailler cette canaille. Elle est sale, la chevelure mal tenue, des vêtements crasseux et informe qui n'arrive pourtant pas à cacher sa maigreur. Malgré ce spectacle déplorable de misère, je remarque ses traits fins. Son visage pourrait être beau si elle faisait plus attention à elle. Sa poitrine se soulève rapidement et ses lèvres entrouvertes laissent échapper un souffle rauque d'avoir couru si longtemps.
Je resserre mon emprise sur son poignet avant de lui cracher sèchement mes paroles.
-Fini de jouer maintenant. Rends moi cette sacoche.

Je ne pensais pas que ce garçon serait si tenace, si coriace. D'habitude, ils vous suivent sur quelques mètres puis s'arrêtent au milieu de la foule ou au détour d'une rue, soulevant piètrement leurs épaules désormais allégées du butin qu'ils avaient eu peine à obtenir. Mais celui-ci, non. Foutus chasseurs... Il y en a bien eu quelques uns, évidemment, qui ont réussi à m'avoir, mais très peu. Et jamais, ô grand jamais aisément. Nul doute qu'il est plutôt fort en ce qui concerne les proies. J'envisage un instant de m'arrêter, de lui rendre son butin et de lui faire les yeux doux, dans l'espoir de m'en faire un allié. Il serait en effet plutôt pratique d'avoir un chasseur pour "ami" et mon appétit serait ainsi toujours rassasié... Et puis, je me rappelle qui je suis. "Hors de question. Plutôt crever. Attrape-moi, si tu peux."
Je cours, bousculant quelques passants qui poussent des jurons amers sur mon passage. Je cours, slalomant dans les rues, négociant habilement les virages. Je cours, mais je commence à m'essouffler. J'osais espérer qu'il serait à bout de souffle avant moi, mais c'est peine perdue. Et puis, soudain, c'est le drame. Il attrape mon poignet, je suis une nouvelle proie capturée. Fichue faiblesse.

« Fini de jouer maintenant. Rends moi cette sacoche. »

Je grogne, le cœur palpitant sauvagement dans ma poitrine. Je hais être en position de faiblesse face à un homme. Pire que ça : je ne le supporte pas. Mon sang ne fait qu'un tour. Malheureusement pour lui, je ne compte pas m'arrêter là. Je hausse un sourcil, l'air presque triste, presque vaincu. En réalité, je gagne juste du temps pour reprendre mon souffle - même si, par la même occasion, il peut reprendre le sien. J'envisage un instant de lui donner un coup de tête, mais je pense qu'il risque de l'avoir bien plus dure que moi, et puis être sonnée n'est pas la meilleure solution... Finalement, je lui crache à la figure, sourire en coin, puis profite de son étonnement pour l'esquiver tel un serpent se faufilant entre des rochers étroitement proches.

« Ne jamais baisser sa garde, piètre chasseur ! »

Je reprends ma course. Je sais éperdument qu'il m'aura, c'est une évidence. Il est plus fort et au moins aussi endurant que moi. Mais il est hors de question que je le laisse récupérer son butin si facilement ! S'il ne me talonnait pas comme ça, je pourrais à la rigueur planquer le gibier, mais c'est peine perdue : il le verrait, et je perdrais de précieuses secondes. Alors je cours, stupidement, sachant que l'issue est inévitable. Juste par fierté. Ce n'est qu'une question de temps...

Sujet: Re: Mains chapardeuses.. [Elwen et Wilhem] Mer 16 Mar 2016 - 12:55

« Ne jamais baisser sa garde, piètre chasseur ! »

Elle m'a craché dessus. Cette garce a osé me cracher dessus. Et m'a échappé par la même occasion, ma sacoche toujours entre ses mains. Je reprends ma course folle tout en m'essuyant le visage avec ma manche d'un geste rageur. Malgré mon souffle court, je redouble ma cadence afin de ne pas me laisser distancer. J'ai été stupide de me laisser prendre par surprise et constater ceci me mets d'autant plus en colère. Oh toi, quand je t'attraperai, tu vas passer un très mauvais quarts d'heure.. Je ne sais pas ce que je vais lui faire, je n'ai jamais frapper une femme. Mais je dois avouer que pour le moments, les muscles en feu, les poumons demandant grâce et ma dignité rudement atteinte, ce n'est pas l'envie qui manque.
Je saute par dessus un tas d’immondices qu'elle a agilement esquivé quelques instants plus tôt. Elle perds peu à peu son avance, je peux sentir sa faiblesse faire écho à la mienne. Malheureusement pour elle, mon activité m'a rendu plus endurant que ces misérables vols à l'étalage. Je peux facilement imaginer ses cibles, des bourgeois grassouillets essoufflé rien qu'à l'idée de descendre de leurs fauteuils rembourrés. Ne jamais baisser la garde, certes. Mais ne jamais sous estimé ses adversaires.
C'est sur cette pensée que je parviens finalement à la rattraper, lui attrapant sans ménagements sa chevelure crasseuse. Ce geste a pour effet de la stopper immédiatement dans sa course, et non sans douleur.

"Alors Princesse ? Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?"

Je la plaque violemment contre le mur, tout en lui bloquant la moindre issu avec mon corps. Nous sommes si proche que je peux détailler la lueur de haine dans ses yeux, son menton toujours relevé dans une attitude fière, le souffle aussi haché que le mien. Je lui décoche un sourire mauvais tout en lui arrachant la sacoche des mains. Mais le fait est que je ne sais pas quoi faire d'elle. Lui arracher le cuir chevelu a suffit, je ne me sens pas la force de la frapper de sang-froid.

Sujet: Re: Mains chapardeuses.. [Elwen et Wilhem] Lun 21 Mar 2016 - 10:04

Je ne pensais pas que celui-ci serait si coriace et si endurant. Enfin, j'aurais quand même dû m'y attendre : un chasseur est forcément plus habile qu'un villageois innocent et non persévérant. Je me suis certainement surestimée cette fois-ci, il faut bien l'admette... Je ne m'avouerai cependant pas vaincue aussi facilement. Je slalome entre les rues et les passants, mais mon habilité et ma vitesse en ont pris un sacré coup. Ma respiration se fait rauque, mes poumons commencent à brûler presque douloureusement. En bref, je sens que je vais bientôt devoir retourner "mon" butin à son propriétaire initial. Foutu chasseur.
Il attrape ma chevelure avec autant de délicatesse qu'un gorille et un cri aigu - autant de surprise que de douleur - s'échappe de ma gorge. Foutu, foutu chasseur. Il me plaque violemment contre un mur, bloquant toute issue et rendant impossible chacun de mes mouvements, avant de m'arracher sa sacoche.

"Alors Princesse ? Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?"

Mon regard est rempli de hargne et je peux voir le sien se remplir d'une fierté certaine. J'aurais presque envie de lui lancer "T'attaquer à une fille et être si fier ? Quelle preuve de courage." Mais en réalité, cela me rabaisserait. En réalité, j'aurais tout de même aimé naître homme : il est clair que cela aurait tout de même facilité mes vols et mes fuites. Néanmoins, cela aurait rendu impossible la seconde partie de mon plan...
Il ne m'est presque jamais arrivé d'y avoir recours. Seulement, mon ventre gargouille atrocement et, si je ne mange pas quelque chose - et surtout si je laisse filer ce chasseur -, je vais imploser de rage. Alors je baisse la tête minablement, mes cheveux retombant devant mes yeux. Je laisse la hargne s'échapper lentement de mes yeux et de mon visage et j'adopte une posture plus détendue, plus "molle". Bon sang, j'avais oublié combien il était dur de remplir ses yeux de larmes sur commande !
Finalement, au bout de quelques secondes remplies de silence, une larme s'écoule lentement le long de ma joue et va s'écraser sur le sol. Je relève juste assez la tête pour que le garçon la voit. Ainsi que la suivante. Cependant, je garde mes yeux rivés au sol, sans quoi ma crédibilité en prendrait un sacré coup. Je suis certes bonne comédienne, mais il y a des limites. Ma voix se fait faible et tremblotante sans entrer dans l'exagération : juste ce qu'il faut.

« Je... J'ai seulement faim... Pardon. »

Sujet: Re: Mains chapardeuses.. [Elwen et Wilhem] Ven 25 Mar 2016 - 10:46

Son regard hargneux est la plus belle des récompenses. Et oui, petite garce, tu ne peux pas gagner à chaque fois.. Mon sourire fier doit surement lui être des plus insupportable, ce qui a pour effet de me remplir de joie. Toute son attitude crie qu'elle n'a pas l'habitude de se retrouver dans une telle position de faiblesse, et cette petite leçon d'humilité ne peut pas lui faire de mal. Mais comment être certain qu'elle l'a bien assimilé ..?

C'est sur cette pensée qu'elle choisit de baisser la tête, son corps s’affaissant légèrement en une position de faiblesse. Allons bon, peut-être a t-elle comprit la leçon finalement ? Chose étonnante, jusqu'ici elle m'avait paru bien plus obstinée.. Puis, elle relève la tête afin que je puisse voir quelques larmes tracer des sillons humides sur son visage ainsi que la détresse de ses yeux rivés sur le sol. Elle admet sa défaite.

« Je... J'ai seulement faim... Pardon. »

Sa voix est tellement faible que j'ai du mal à percevoir les tremblements qu'elle contient. C'en est trop. J'éclate de rire. Comment ai-je pu être dupe à ce point ?! Cette fille est bien plus forte qu'elle en a l'air. Je la regarde, toujours en riant et son air triste et interloqué ne fait qu'accentuer mon hilarité.

" C'est du grand art je dois bien l'admettre ! "

Jamais, au grand jamais, quelqu'un m'avait fait coup là. En général, la comédie était mon arme de prédilection et mes "proies" n'avaient nul besoin de s'en servir contre moi. Je ne pensais pas cette fille capable de faire de même, simplement pour manger. Elle devait avoir le ventre sacrément vide.. Ce qui permettrait de s'amuser un peu..

" Pas besoin de continuer à te forcer tu sais. Décidément, c'est pas ton jour de chance hein.. En plus d'avoir réussi à te rattraper, voilà qu'en plus je ne suis pas dupe ! Même si je dois avouer que tu es assez douée pour jouer la pauvre fille en détresse.. "

Mon ton est ouvertement sarcastique et je vois la tristesse quitter ses yeux pour laisser peu à peu place à la colère. Ça promet d'être intéressant.. Je me délecte à l'avance du petit spectacle qu'elle promet de m'offrir et qui va certainement illuminer cette journée bien morne !

" Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Quel tour tu as encore dans ton sac ? Est-ce que tu vas me montrer tes talents pour la danse et les acrobaties pour me persuader que tu mérites les gains de mon travail ? Eh bien va s'y, je t'écoute ! Tu ne me feras pas croire qu'il en faut si peu pour te clouer le bec quand même.. "

Vu la façon dont elle m'a craché dessus la première fois que je l'ai rattrapé, nul doute que cette provocation fera certainement mouche, du moins je l'espère. Et sinon, je trouverai bien autre chose pour la mettre hors d'elle. Mais je ne suis pas idiot. J'ai bien compris qu'elle était maligne et qu'elle ne reculerait devant aucun coup en douce. Je resserre mon emprise sur ma sacoche, tout en restant sur mes gardes. Ce serait dommage qu'elle cherche à me frapper..

Sujet: Re: Mains chapardeuses.. [Elwen et Wilhem] Mar 29 Mar 2016 - 9:10

Il éclate de rire. Cette enflure éclate de rire face à une demoiselle en détresse ! De choc, je relève la tête. Je n'ai jamais été confrontée à ce genre de situation. Au mieux, j'avais droit à une part du butin. Au pire, ma cible haussait les épaules, s'excusait mollement puis repartait. Mais aucun n'a jamais osé me rire au visage. Aurais-je omis quelque chose ? Impossible. Mon petit numéro est parfait. Je l'ai assez travaillé pour ça...

" C'est du grand art je dois bien l'admettre !
" Pas besoin de continuer à te forcer tu sais. Décidément, c'est pas ton jour de chance hein.. En plus d'avoir réussi à te rattraper, voilà qu'en plus je ne suis pas dupe ! Même si je dois avouer que tu es assez douée pour jouer la pauvre fille en détresse.. "

Mes yeux s'écarquillent un peu plus. La tristesse faussée que je prétendais ressentir se glisse doucement hors de mon être pour être remplacée par un autre sentiment, authentique celui-là. La colère. Non, pas la colère... La hargne.

" Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Quel tour tu as encore dans ton sac ? Est-ce que tu vas me montrer tes talents pour la danse et les acrobaties pour me persuader que tu mérites les gains de mon travail ? Eh bien va s'y, je t'écoute ! Tu ne me feras pas croire qu'il en faut si peu pour te clouer le bec quand même.. "

Oh l'enfoiré. Oh le...

« Crétin. Sombre CRETIN. TU CROIS QUE CELA M'AMUSE DE JOUER LA FILLE FAIBLE POUR OBTENIR DE QUOI ME NOURRIR ?! »

Ma tête est bel et bien relevée désormais. Mes sourcils sont froncés et ma position, auparavant basse et relâchée, a laissé place à une autre, pleine de tension. Je dois certainement ressembler à une chatte prête à bondir en ce moment précis.

« PAR ANUR !! ESPECE D'EGOISTE. C'EST FACILE QUAND ON SAIT CHASSER, HEIN ?! MES SEULES PROIES SONT LES RATS. ET LES IMBECILES FINIS DE TON GENRE. »

Je me mets désormais à hurler. Certains passants, s'aventurant non loin de la ruelle dans laquelle nous nous trouvons, nous regardent d'un air surpris avant d'accélérer le pas. "Bon sang El, calme-toi, tu es totalement hystérique..." me dit une première voix. "MAIS ELLE A FAIM NON D'UN CHIEN !" hurle la seconde. Vous vous doutez bien que c'est elle qui hurle qui parvient à avoir le plus d'emprise sur moi. Et vous vous doutez bien que je me demande, parfois, si je ne suis pas schizophrène. J'implose intérieurement. C'est que je l'étriperais, l'autre en face. D'ailleurs, ma main est crispée sur la poignée de ma dague, accrochée à ma ceinture. Je sais pertinemment que je ne la sortirai pas - du moins, je crois... Mon autre main est crispée, refermée en un point hargneux. Lui non plus, je ne pense pas l'utiliser. Enfin...
La rage bouillonne en moi d'une force telle que je n'en avais pas ressentie depuis longtemps. Non, en réalité, j'ai vraiment envie de l'assassiner. Je suis d'ailleurs anormalement près de son visage. J'espère que mon haleine infecte est en train de lui faire pourrir les cloisons nasales et même l'âme, à ce fils de chiens !