Mars 1165. Le client est roi

Les pièces brillaient dans la main tendue de Pépin qui, se haussant sur ses pieds, avait tenté de se faire voir par-dessus le comptoir. Les filles l'avaient aperçues mais, solidarité féminine oblige, elles faisaient toutes mines de l'ignorer, se jetant dans les bras des clients qui arrivaient après. Pépin ne se démonta pas. Ce n'était pas la première fois que les filles d'une maison close lui jouaient ce spectacle. Rendues cruelles par leurs conditions, elles en profitaient toujours pour soumettre un homme plus démuni qu'elles, sur le plan physique, simplement pour la satisfaction de se sentir supérieures, au moins une fois.

D'une main ferme le nain posa son argent sur le comptoir. Sa voix grave résonna sous le plafond du hall.

« J' veux une fille. J'ai de quoi payer ! »

Les gloussements venant frapper à ses oreilles firent trembler ses poings. Ces vipères se moquaient ouvertement de lui. Il en entendit une déclamer distinctement le terme « gnome », cinglant comme une gifle.

Pépin se campa sur ses pieds, posant ses poings sur ses hanches. Le nain releva la tête, tentant de regarder de haut tous ces gens qui le surplombaient.

« Est-ce ainsi que l'on traite un bon client, chez vous ? Je veux parler au maître de ces lieux ! »

D'autant plus qu'il avait dûment économisé pour se permettre ces quelques minutes de détente. Qui payait consommait, non ?

Eh bien. La journée venait de se finir et je cherchais toujours un moyen de savoir les agissements soit de la Milice, soit des Nobles. Pourquoi ? Car, j'ai étais mis à l'écart du projet ambitieux du Duc. Et que grâce à cette mise à l'écart j'avais perdu un énorme bénéfice, je me suis donc mis en quête d'un homme pouvant passer inaperçu et me servir d'espion. Ce qui était râpé pour Gondemar, mon homme de confiance et Anton Gunof, un de mes lieutenants. Mais pour l'heure, il était temps de récolter mes parts dans mes commerces.

N'avais envoyé plusieurs hommes récolter l'argent qui me revenait des commerces qui étaient dans ma Corporation. Le Goulot, le Labourg ; mes hommes s'en chargeaient. Je m'occupais personnellement d'un ou deux bordels de Bourg Levant dont une de mes dernières acquisitions: Le Gant de Satin. Un bordel assez bas de gamme, certes mais qui faisait des bénéfices assez rondelet. Je passais l'huis avec deux de mes hommes qui se dispersèrent dans l'établissement.

La Maquerelle, une femme svelte entre deux âges, brune, ses cheveux descendant aux épaules. Elle avait des yeux bleus magnifiques et un sourire enjôleur. Elle était vêtu d'une robe rouge et s'approcha de moi, tout sourire.

''Ah Théodemar ! Un plaisir de te revoir ici. J'imagine que tu viens percevoir ton revenu. elle me fit la bise sur les deux joues et je répondais avec un sourire:

''Exactement, Juliette. Mais cela ne m'empêche pas de regarder un peu ta marchandise.

Elle se mit à rire et me tendit une bourse de cuir, que je pris doucement et je remarqua un nain entrain d'houspiller les catins. Je le désigna du menton demandant qui était-ce. Elle m'expliqua qu'elle 'e le savait pas mais qu'il était arrivé dans la soirée.
Je lui demanda alors une cruche de vin et deux coupes. J'allais alors vers les canapés où je m'affala dans l'un d'eux juste derrière le petit homme et je dis:

''Vous voulez voir le Maître des Lieux, mon petit ami ? Vous l'avez derrière vous. Que ce passe t-il donc pour que vous fassiez un tel scandale dans un si modeste établissement ?

Une jeune blonde aux yeux verts, vêtu d'une robe bleu ouvert de dos, s'approcha pour mettre une cruche en terre cuite près du canapé avec deux coupes et s'asseya sur un de mes genoux.

La voix du propriétaire du Gant de Satin fit se retourner Pépin. Affalé tel un pacha au sein de son harem, l'homme n'inspirait guère la confiance. Son regard luisait pareil aux vipères que le nain avait pu apercevoir, lors de son enfance dans les champs, reptiles sournois sachant toujours comment trouver le chemin du poulailler. Néanmoins l'homme avait été le seul, jusqu'à présent, à lui parler directement. Prenant son courage à deux mains, Pépin s'avança à sa rencontre, stoppant à quelques pas de l'homme. Tel un domestique veillant à ne pas outrepasser le cercle intime de son maître.

« Je ne commettrais pas de scandale, Messire, si l'on me traitait correctement. »

Pépin ouvrit grand les bras comme s'il voulait embrasser la salle entière.

« J'ai eu beau demander une fille, aucune ne s'est présentée à moi. Oh je sais que je n'ai pas l'allure d'un chevalier, et que mes jambes courtes, ma taille de nain ne leur plaisent pas. Mais elles doivent contenter tous les clients, n'est-ce pas ? »

Raflant les pièces qu'il avait déposé sur le comptoir, Pépin les jeta sur la table basse. Une des pièces cogna contre la cruche.

« Je ne suis pas érudit, mais je sais compter. Il y a là de quoi se payer une soirée. Je veux donc une fille saine, et immédiatement. À moins que vous souhaitiez que je déclame quelques rumeurs sur votre modeste établissement ? »

Du mieux qu'il pouvait, le furet tentait de faire face au serpent.

L'homme s'approchait de ma personne, pas trop tout de même. Il s'était arrêté juste devant moi, à quelques pas comme ci j'étais l'un de ses maîtres. Je le regardais avec un léger sourire, il voulait qu'on le traite correctement ? Hm ... C'est alors qu'il commença à s'apitoyer sur son sort, mon dieu, mon dieu. Je lui dis alors:

''Vous savez mon brave. Le physique ne fait pas tout. Les paroles mon cher, les paroles. N'est ce pas ma chère ?

La jeune catin posée sur mon genou gauche se mit à sourire timidement et hocha la tête à l'encontre du nain pour acquiescer. C'est alors que l'imprudent balança des pièces sur la petite table faisant tinter la cruche en terre cuite tout en ordonnant et menaçant. J'arcquais un sourcil et je me leva lentement tout en laissant la blonde s'asseoir sur le canapé, tout sourire elle aussi. Je m'approcha alors de lui toujours avec un sourire et je dis tout en me baissant légèrement à son oreille.

''Sache que je ne cède pas au chantage, mon ami. Si tu veux une fille, tu me le demande Gen.ti.ment. sinon, j'ordonne à mes gardes de faire en sorte que tu finisse dans le prochain chargement pour le bûcher funéraire, compris ? mon ton était doux, calme, sans aucune tension dans la voix. Puis avant qu'il ne réponde, je me remis droit et je dis tout en riant.

''Hahaha ! Mais tu as de l'audace et j'aime ça ! Assieds-toi et prend un verre mon ami ! Vas y n'es pas peur, je ne mord pas. Cathy, monsieur veut une nuit avec une charmante demoiselle. Ne le prend pas mal mais vas donc me chercher Selena. Elle est à l'étage et elle n'est là que pour la soirée. la jeune blonde se leva alors et alla à l'étage dans un déhanché envoûtant. Je la regardai partir tout en me rasseyant et je dis:
''Pas mal, n'est ce pas ? je me pencha alors vers la table tout en prenant la cruche et remplissant les verres. Je proposa l'un d'eux au Nain
Allons, prend ! Assis-toi. Alors mon ami, quel est ton nom ?

Un frisson glacé dévala la colonne vertébrale du nain. Le venin sourdait de chaque parole que l'homme venait de lui glisser tout bas, sur le ton de la confidence. Pépin n'était pas un homme spécialement courageux, il n'était pas un héros. Ses genoux ne jouèrent pas des castagnettes, néanmoins sa verve avait baissée d'un ton. À trop tirer sur les moustaches du chat il allait finir croqué goulûment.

Ce fut donc d'un pas chancelant, comparable au lent balancement d'un homme soûl, que le nain se rapprocha du canapé. Un refus pur et net, il le craignait, aurait pu attiser la colère du gérant. Il semblait être homme à ne pas apprécier qu'on s'opposa trop à lui. Le nain se jucha sur le canapé, suivant le regard de Théodemar, appréciant le balancement des hanches de la prostituée.

« Charmant morceau. » approuva Pépin.

Le nain saisit le verre, le renifla avant d'en boire une gorgée. Il doutait que l'homme l'ait drogué, mais le réflexe avait été plus rapide que sa pensée. Marbrume n'était nullement une ville saine, et cette maison close semblait être un vivier à vipères.

« Pépin Duchesne, Messire. Dresseur de furets, dératiseur... Je pense pas que mon nom vous dise quelque chose. Hormis que j'ai des furets qui dorment dans mon lit en lieu et place d'une chaufferette digne de ce nom, je suis un banal citoyen. »

Le vin se révéla peu mauvais. On était loin de la piquette qu'on vous servait dans les tavernes des bas-quartiers. Pépin vida son verre, claquant la langue avec approbation.

« Fameux ce breuvage. Comme vos filles. Je suppose que le verre n'était pas gratuit ? » Un silence. « Et je pense que vous ne faites pas dans la charité, même pour vos clients. »

Le nain avait saisit le verre et l'avait reniflé comme ci, il avait l'impression que je l'empoissonne. L'empoisonnée ? Ici ? Maintenant ? Eh beh … même si j'avais des relations dans la Milice, jamais je ne ne pourrais faire comme dans la taverne du Port, demander aux Miliciens de faire disparaître le corps du pêcheur que j'avais tué uniquement par légitime défense, ceux de Bourg-Levant sont plus hargneux, plus ambitieux aussi, envie de prendre du galon rapidement en coinçant le moindre crime croustillant, des casses couilles en sommes.

« Pépin Duchesne » , un nom qui ne me disait rien certes mais qui était plutôt passe partout, qui se méfierais d'un nain et en plus d'un nomme qui avait comme nom « Pépin » m'enfin … c'est ce que je pensais avec un certain Grim Torren et dés sa première mission, il s'était fait avoir et j'ai été obligé de conclure une alliance avec un milicien pour que les informations qu'il avait divulgué ne soit pas rendu public.
Mais cet homme … je ne sais pas, il avait un quelque chose qui m'inspirait quelque peu confiance, comme sa détermination, son audace. C'était un homme qui pouvait être courageux à ses heures … du moins, je l'espérais.

« Je me nomme Théodemar. Théodemar Ecuviel, mais tutoie moi, voyons. Nous sommes entre amis. je lui souris alors et je bus à mon verre. « Allons mon ami, bien sûr que ce verre est gratuit, si il n'aurait pas été, tu ne serais pas assis avec moi à discuter. La charité ? Allons, je n'en fais que peu et ce n'est sûrement pas pour mes clients, ni les gens du peuple. Mais dis m'en plus sur ton métier, mon ami. Tu m'intrigue, je dois dire. Dresseur de furets ? Ces petites bestioles sont domesticables ? Je sais d'eux, qu'elles sont très intelligente, mais je n'en sais pas plus. Oh et ne t'inquiète pas. Sélèna arrive bientôt, le temps qu'elle s'habille, qu'elle papote avec Cathy … Tu sais comment sont les femmes, hahaha.

Pépin se dandina sur son bout de sofa. Le tutoiement il n'avait aucun mal lorsqu'il s'adressait à un autre membre du peuple. C'était habituel, coutumier, ancré dans ses habitudes. Néanmoins l'homme à qui il faisait face n'était pas n'importe qui. Il avait des airs d'homme du grand monde, du gratin de la société. Le nain finit par abdiquer. Avait-il le choix, après tout ?

« C'est que tutoyer un homme comme vous, c'est pas donné tous les jours. Mais si j'ai votre accord... »

Converser avec Théodemar revenait à marcher sur un fil, jouer les funambules. Pas de chance pour Pépin, il n'avait jamais été très agile avec les mots. Et encore moins sur une corde. Le vertige le clouait bien trop au sol pour se permettre de telles prouesses. Alors il s'accrocha au seul sujet qui, dans tout ce marasme, lui apparaissait tel une planche de salut au sein d'un océan démonté.

« C'est un autre dresseur qui m'a appris ce métier. Les furets sont de braves bêtes. Les gens croient qu'elles puent comme les putois, mais c'est faux. Ça se sent juste fort quand ça se sent en danger, ou quand c'est blessé. C'est comme... » Pépin chercha son mot, une de ses mains s'agitant dans le vide. « … un signal d'alarme. Puis ça sent pas pire que certaines donzelles qui se couvrent de poudres et de parfums. »

Tout plongé qu'il était dans son sujet, le nain reprenait une brève assurance. Son regard brillait, avec la même lueur qu'un érudit aurait eu lorsqu'il se lançait dans un long monologue sur ses recherches. La lueur de la passion.

« Les furets sont très intelligents, je confirme. Ça apprend aussi bien des tours qu'un ours, et je dirais même mieux. Ce sont des créatures agiles, qui peuvent se faufiler partout... » Un rire. « Un peu comme moi. Mesurer la moitié d'un homme ça rend la vie plus dure, mais ça ouvre d'autres portes. Là où un homme passe pas, moi j'entre sans problème. »

« Allons mon brave, j'étais comme toi, un homme du peuple et je le suis toujours voyons sauf que je suis de la bourgeoisie mais faut que je t'avoue un secret. Avant de faire fortune, je cherchais mes pièces dans la boue. Si si, véridique.

Je sentais que Pépin était gênée voir intimidé par ma personne mais il ne le fallait pas. Je commençais à bien l'aimer ce petit gars et j'espérais que cette vérité le décoince un petit peu.
C'est alors que le dresseur de furet me raconta son métier mais aussi sur ce qu'il savait sur les bestioles qu'il dressait. Ce qu'il me racontait valait de l'or, je devais l'avouer … si il était à mon service, je me demandais si il serait beaucoup mieux qu'un certain Torren. Hmm …. je ne savais pas si j'avais confince assez en lui pour lui parler de ça mais … il avait peur de moi et c'était déjà une bonne chose … avec une p'tite bourse de cuir bien garnie, j'espérais qu'il ne me dise pas non.

Je le regardai alors tout en buvant une gorgée de mon vin lorsque la jeune et belle Séléna, une jeune femme rousse aux yeux bleus, au visage juvénile, habillé d'une robe verte ouverte, arriva alors en compagnie de Cathy … elle s'arrêta devant nous, faisant sa petite mignonnette toute timide et je regardai Pépin.

« Vois mon gars. Cette petite c'est la meilleure que j'ai. Une fille de noble que ses parents m'ont donnés comme caution pour qu'ils me remboursent leur prêt. Mais avant que je ne te laisse l'abimer mon cher … que dirais-tu d'une nuit totalement gratuite avec elle ? Garde tes pièces mais j'aurais besoin d'un petit service, serais-tu d'accord ?

Le verre manqua d'échapper des mains de Pépin. Une nuit gratuite ? Avec une fille noble ? Même si elle avait été déchue de son titre, et vendue comme une bête de somme, elle restait une demoiselle de sang-bleu. Le nain émit un doute sur ce lignage, mais un regard plus appuyé sur la donzelle balaya toute trace de doute. Les filles du peuple avaient aussi quelques beautés, pas piquées du ver, mais la Séléna les renvoyait tous à leurs fourneaux. Un joli morceau à croquer.

L'offre était alléchante. Même trop. Que le gérant lui offre un verre relevait déjà de l'impensable. Alors une fille... Qui plus est pas du tout la plus laideronne de la maison.

« Garde tes pièces mais j'aurais besoin d'un petit service, serais-tu d'accord ? »

Certaines transactions se menaient autrement qu'avec des pièces sonnantes et trébuchantes. Pépin rassembla les siennes pour les remettre, à leur juste place, dans sa bourse. Le nain sauta à bas du sofa et s'inclina, grand prince, devant Théodemar : une inclinaison raide du buste, bien loin de la souplesse opérée par les nobles.

« Qu'est-ce qu'on ferait pas pour les beaux yeux d'une dame. » Il était clair, dans le ton employé par Pépin, qu'il acceptait ce marché pour profiter de bien autre chose que l'éclat du regard de Séléna. « Je serais aussi doux qu'un agneau avec elle. Vous me parlerez de ce service après que j'ai... consommé. »

Levant une main, Pépin flanqua une gifle sur la fesse de Séléna, appréciant la marchandise gracieusement offerte.

« Allons, ma douce, guide-moi jusqu'à ta couche. Je n'ai jamais pu toucher une noble. Tu seras ma première... et l'unique. »

Trottinant de ses jambes torves, le nain accompagna la fille de joie tout heureux de pouvoir obtenir satisfaction. Reléguant, dans un coin de son esprit, le temps de quelques embrassades, son marché avec Théodemar.

Spoiler:

Je bus une dernière gorgée de mon vin et je regardai le nain entrain de réfléchir à ma proposition. Le petit homme était probablement entrain de mesurer les pour et les contres, serait-il assez fou pour accepter ? Haha, je l'espérais bien et j'avais vu juste, l'appât du gain, l'envie de ne pas dépenser une moindre piécette prit le dessus et l'homme accepta. En plus … il semblait sous le charme de la petite Séléna … hahaha ! Qui ne pouvait l'être ? Même le grand Anton Gunof n'avait résisté aux charmes de la jeune catin.

C'est alors que le Nain partit avec la ribaude et je me leva avec un sourire sur les lèvres vers la ravissante Juliette qui elle me regardait avec un sourire enjôleur.

« Eh bien mon mignon, tu as cédé une de tes préférées à un gueux sans le moindre sou … que comptes-tu faire avec lui ? Tu as quelque chose derrière la tête.

Je la regardai avec un sourire charmeur , je dis tout en me resservant une coupe de vin et la mettant à mes lèvres.

« ça mon amie. Je ne divulguerais pas mes projets.

J'étais en pleine discussion avec la matronne lorsque vingt minutes plus tard, je vis le Nain revenir de la chambrée de la ribaude. Je me mis alors en bas des escaliers et en ouvrant les bras je lui dis.

« Ah voila mon fidèle ami ! Alors, qu'en penses-tu de ce petit … hm … essai gratuit ? Hein ? Allez viens mon ami.

Je le mena vers les canapés de tout à l'heure pour ensuite servir deux autres coupes de vin et lui proposer la première. Je lui dis alors sur un ton calme et sans tension dans la voix.

« Alors voila mon cher, j'aurais grand besoin d'espions. Vois-tu ? Les informations me manquent sur l'Esplanade en particulier. Tu auras .. hm .. trois écus par information intéressante, six, si elle en vaut la peine. Alors, qu'en penses-tu ? Tu ne viendra jamais me voir directement, trouve un homme ayant un écu rouge brodé sur la tunique, dans une taverne ou dans la rue. Il me fera transmettre les informations. Alors ?

Séléna avait su mener la barque à bon port, tenant la barre comme une digne fille de marins. Amusant venant d'une noble qui avait du vivre engoncée dans la soie et la facilité. Pépin se retira de sa chambrée aussi repu qu'après un bon repas. Ne manquait plus qu'une délicieuse pipe à fumer pour parfaire la soirée. Mais Théodémar attendait notre homme. Le nain n'eut nullement besoin de le chercher. L'homme vint à lui, bras grands ouverts, l'accueillant comme s'ils étaient des amis de longue date.

Pépin chaloupa sur ses courtes jambes, acquiesçant de la tête face à la question du gérant.

« Si ça avait pas été à mon goût j'aurais pas le sourire du gars qui a trouvé bonne pitance. L'était charnue comme je les aime, et aux endroits qu'il faut. »

De mimer, en disant cela, les monts et vallées de la belle Séléna, malaxant une poitrine imaginaire.

Le vin manqua de ressortir par le nez de Pépin. L'homme crachota, ravalant le vin au risque de s'étrangler plutôt que de courir le risque de gâcher si bon breuvage en le répandant sur le parquet. Théodemar n'avait guère tourné autour du pot, annonçant clairement la couleur de sa demande. Espionner l'Esplanade – en soit le quartier de la noblesse, du gratin de la société de Marbrume.

Ça flairait le piège. Les espions n'allaient jamais fureter juste pour déclarer à leur patron que, oui, la donzelle de untel était toujours vierge et bonne à épouser. L'homme devait sûrement vouloir des informations bien particulières. Il avait même déjà songé à comment les informations seraient rapportées.

La vipère avait saisit le furet au collet.

Dans son esprit, Pépin soupesa l'offre. Il risquait gros s'il était surpris, mais d'un autre côté l'argent gagné pourrait l'aider. Et Théodemar l'engageait pour fouiner, non tuer.

La main de Pépin trembla lorsqu'il reposa son verre. D'excitation ou de peur, il n'aurait su dire.

« J'ai parfois eu des nobles qui m'engageaient pour dératiser chez eux... Quelles... informations vous auriez besoin de savoir ? »

Au temps connaître directement les attentes de l'employeur pour éviter les erreurs futures.

Je me mis à sourire lorsque Pépin mimait son exploit. Haha, le pauvre homme … je l'aimais bien, il avait un sacré humour et je le plaignais aussi … en même temps être Nain n'était pas facile tout les jours.

Quand je lui proposais ce petit service, l'homme failli recracher son vin, eh bien qu'avait-il ? C'était ma proposition qui le choquait ? Allons bon, qu'aurait-il préféré ? Que je tourne autour du pot, non ce n'était pas mes manières.

L'homme semblait réfléchir quant à la récompense, je ne sais pas ce qu'il pensait mais je pouvais aisément le comprendre. Les pièces d'or qu'il pouvait amasser serait plus d'un mois de salaire pour un honnête travailleur. Il ne pouvait qu'accepter.

« J'ai parfois eu des nobles qui m'engageaient pour dératiser chez eux... Quelles... informations vous auriez besoin de savoir ? »

Je regardai alors l'homme avec un sourire, buvant une gorgée de mon vin puis disant sur un ton décontracté.

« Eh bien, mon ami … je ne sais pas. N'importe. Vois-tu on m'a mis de côté pour le Projet Ducal, l'Objectif Labret, j'ai perdu des bénéfices rondelets. Je veux tout savoir, tout ce qui s'y passe. Tout ce que tu pourrais m'apporter, pense à tes économies, mon ami.

Ah l'objectif Labret. Tout Marbrume en avait parlé. Pépin avait espéré en être mais, les circonstances étant ce qu'elles étaient, il avait été relégué, mis de côté. Sous prétexte que sa carrure ne répondait pas aux critères exigés. Peste ! Alors il comprenait, un peu, la situation de Théodemar, cette amère déception d'être sur le banc de touche.

« Je récolterais ce que je peux. » Toutes les informations possible c'était très large comme spectre de recherche. « Les chuchotements dans les couloirs, les médisances de nobles, tout ce qui tombera dans mon escarcelle... »

Enhardi, Pépin se permit de resservir un verre de lui-même.

« Dois-je signer un contrat ? Si je me fais attraper, je me doute qu'il ne me faudra pas mentionner votre nom. C'est la première fois qu'on m'engage comme espion. J'espère être à la hauteur. »

Le nain n'osait pas demander ce qui lui arriverait si jamais il commettait une faute. En ces temps troubles les gens pouvaient disparaître aisément.

« Je n'en doute point mon ami, j'espère du moins. Je veux tout, absolument tout. Mais les petites informations dans les bas-fonds m'intéresse également, surtout concernant un certain Bôdan Mercuro, un petit Robin des Bois de Marbrume et … si tu peux également trouver des informations sur un certain milicien. Anton Gunof, dans le Goulot, il paraîtrait qu'il aurait abusé de son pouvoir de milicien sur une jeune herboriste. Je ne connais pas son nom, à toi de me le trouver.

Est-ce qu'il fallait lui faire signer un contrat ? Je n'avais pas de papier sur moi … hm. Le Nain se prit un verre tout seul, il avait prit la confiance le bougre, haha. Je posa alors mon verre, puis je pris ma dague se situant à ma ceinture de ma main droite.

Je mis alors le côté tranchant sur la gauche, et coupa légèrement, j'eus une légère grimace de douleur mais un léger sourire la cachait. Je tendis ensuite la dague à mon interlocuteur puis ma main droite ensanglantée.

« Un pacte de sang inviolable devant les yeux des Trois, mon ami. Voilà ton contrat.

Puis la poignet de main finit, le nain me redonna ma dague que je rangea à ma ceinture dans son fourreau, je dis alors tout en entourant ma main d'un léger tissu qu'une catin me donna, je me mis alors à sourire.

« Bien évidemment, mon ami. Tu ne me connais pas, et je ne te connais pas. C'est ainsi. D'accord ?

J'avais un sourire de victoire, je n'avais pas besoin de Gondemar, la preuve. J'avais engagé mon espion et ce dernier était prêt à me servir contre une grasse récompense. Hahaha ! L'argent fait le bonheur.

Bôdan Mercuro. Le nom ne lui était pas inconnu. Il avait du en entendre parler lors d'un quelconque échange au sein d'une taverne, ou dans une ruelle. Les rumeurs n'avaient cessé de se multiplier après l'attaque des Fangeux au sein de Marbrume. C'est que l’événement avait causé un choc à la population. Et les théories sur l’événement, les rumeurs sur certains coupables, tout cela avait explosé telle une marmite laissée trop longtemps sur le feu et dont le contenu se déversait, en chuintant, sur les flammes.

Pépin nota mentalement chacun des ordres de son nouveau « patron ». Il ne demanda pas pourquoi Théodémar voulait ces informations. Cela ne le regardait pas. Moins il en saurait, mieux il se porterait.

La lame de la dague lui mordit la chair, les lèvres de la plaie picotèrent, lui arrachant une grimace. Le pacte se lia dans le sang – un pacte vieux comme le monde qui n'exigeait d'aucun parti de savoir lire ou écrire. Par ce geste Théodémar s'était mis à son niveau, ne le surplombant pas de ses connaissances de lettré. Pépin lui en sut gré.

« Que les Trois en soient témoins. » glissa Pépin alors que leurs sang s'entremêlaient.

L'échange terminé, Pépin porta la plaie à sa bouche. Réflexe acquis depuis l'enfance. Une des catins lui pansa la main à son grand étonnement, vite remplacé par un sentiment de satisfaction. Pépin hocha la tête face à l'ultime requête de Théodémar.

« Je ne suis qu'un humble client, Monsieur, rien de plus. »

Inutile de tergiverser davantage. Pépin sauta à bas du divan, inclinant légèrement la tête pour saluer le maître des lieux. De sa démarche chaloupée, le nain quitta la maison de plaisir la tête haute, un sourire flottant sur les lèvres. Si quelqu'un, dans la rue, le croisait il mettrait ce sourire sur le compte d'une bonne soirée passée dans les bras d'une fille. Il aurait eu raison. À demi.

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