Marbrume


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 L'enfant de la Louve, et son amant

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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptyVen 8 Avr 2016 - 22:10
- La corde est mouillée ! Je t'avais pourtant dis de faire attention !
C'est fou ça ! Je te demande pas grand chose ! Je te l'ai pourtant répété plein de fois : Mets-les dans un sac et garde-le au-dessus de l'eau.
C'est pas vrai !

Il marmonnait dans sa barbe en observant son frère porter tout le matériel comme un mulet. Il lui avait pourtant répété ça deux ou trois fois ce matin, juste avant de partir, et pourtant il voyait encore qu'à chaque fois qu'il parlait ça entrait dans une oreille et ça sortait par l'autre.
Il posa l'arbalète par terre, et cala son pied dans l'étrier pour bien la fixer. Il appuya sur la petite noix qui permettrait de remonter la corde, posa ses deux mains dessus et la remonta lentement de façon à verrouiller le mécanisme.

- Passe-moi un trait.

Du gros sac que Blaise se traînait, il sortit un petit carreau d'arbalète. Le prêtre le cala sur l'arme, et visa en direction du ciel, juste derrière le rocher.
Voilà où ils étaient, en cette belle matinée d'un des rares jours de congé de Philippe. Sur un rocher. Juste au nord de Marbrume, alors que la marée était encore basse, ils avaient marché un long moment pour s'installer sur un de ces gros rochers qui apparaissaient au milieu des eaux.
« Et les fangeux, alors ? » avait demandé Blaise, un peu inquiet de sortir des murailles. Mais Philippe avait vu comment les Fangeux n'aimaient pas le sel. Alors, depuis, il n'avait pas vraiment peur de se retrouver là, au milieu de nulle part.

Ce qui l'inquiétait, c'est que la marée était en train de remonter, et qu'il allait falloir bientôt partir s'ils ne voulaient pas se retrouver piégés comme deux gros imbéciles.

- Tu es prêt ? Te rate-pas cette fois.


Juste derrière le rocher, plus loin de l'eau, il y avait des mouettes. Des tas de mouettes bien appétissantes, qui tentaient de chasser le poisson. Toutes alignées, elles étaient parfaites pour un bon repas. Le problème, c'est que ces sales mouettes ne venaient pas là où Philippe voulait qu'elles soient. Alors, le seul moyen qu'il avait trouvé, c'était de demander à Blaise de les faire fuir vers lui.

- Vas-y.

Blaise jeta un cailloux près du banc de mouette aligné par derrière la vague. Son premier caillou fit un minable ricochet, mais le deuxième parvint à frapper les galets juste devant les oiseaux. Trois d'entre eux s'envolèrent en criant, un peu terrifiés.
Sitôt qu'ils étaient passés au-dessus, Philippe leva son arme, et appuya sur le déclencheur de l'arbalète. Son carreau vola en l'air, vers le ciel, mais se contenta de rater les trois oiseaux. Le trait continua sa route, fit un arc dans le ciel, puis alla tomber au milieu de l'eau pour flotter et disparaître avec les vagues.

- Ah, merde...
Un autre.
Allez, vite !

Encore une fois, il posa le pied à l'étrier, il appuya sur la noix, il tira sur la corde, il posa le carreau sur l'arme et il apposa la crosse sur son épaule.

- Ce serait plus facile si la corde n'était pas mouillée.
Mais de toute façon c'est tout toi, t'écoutes jamais ce que je te dis.


Il leva son arme en l'air. Blaise se prépara, alors que Philippe se mit à prier à voix haute, presque en hurlant, chose qu'il ne faisait pas si souvent que ça, préférant chuchoter lorsqu'il priait pour lui-même.

- Rikni, guide ma main et que mon tir soit juste,
Aiguise mon œil et affûte mes doigts,
Béni cette arme pour que je l'utilise,
Et qu'avec je massacre mes ennemis !


Blaise jeta un caillou. Puis deux. Puis trois. Puis quatre. Il n'arrive pas à atteindre le banc de mouette qui piaillaient comme si elles se moquaient des deux humains à l'autre bout des rochers.

- Applique-toi bon sang ! Tu do-

Le temps qu'il parle pour faire une remarque à son frère, un caillou avait atteint une mouette en pleine tête. La pauvre bête hurla et recula en arrière, tandis que ses amies volaient, apeurées. Philippe n'eut pas le temps de bien viser, leva son arme en toute hâte, et, logiquement, manqua son tir.

Sur le coup, Philippe voulu s'énerver. Trop souvent, la colère lui remontait et il voulait se déchaîner. Mais il ferma les yeux, verrouilla sa mâchoire et crispa ses dents. Lentement, il reposa l'arbalète à terre et posa son pied à l'étrier.
Heureusement, pour ne pas s’énerver, il avait son souffre-douleur.

Lui et Blaise avaient toujours eut une relation bizarre. Philippe ne détestait pas son frère. Il l'aimait bien, dans un sens. Mais il éprouvait pour lui une sorte de mépris, une sorte d'amour vache, toxique, mal tourné, très hautain. Ce mépris avait bien empiré quand Blaise était revenu en toute hâte à Marbrume, fuyant la Fange. Philippe avait à peine caché sa déception, que pour lui, un baron se devait de tenir son château, de se défendre, de se battre, comme le faisait la Dame de Traquemont. Non, au lieu de cela, il avait fui, et jeté le déshonneur sur leur père et sur leurs ancêtres. « De vrais combattants, eux », il répétait tout le temps.
Il n'avait jamais confronté Blaise directement. Il ne l'avait jamais traité de lâche en face. Mais il n'arrêtait pas de faire des sous-entendus blessants, espérant qu'il capte le message.

Et puis, papa n'était plus là, et Philippe se comportait un peu trop comme un père envers Blaise, alors qu'ils n'avaient pas une si grande différence d'âge, alors que Philippe n'avait quasiment jamais été là pour lui ces dernières années. C'est que lui aussi avait fuit. Mais il n'avait pas fuit la Fange ; Il avait fuit ses propres fautes.

- On a pas le bon rocher.
Rassemble nos affaires, on va à celui en face, là. Et dépêche-toi un peu, j'en ai marre de te voir rien faire.
Si j'avais amené un garçon avec moi à ta place, je suis sûr que j'aurai déjà attrapé deux ou trois mouettes !
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MessageSujet: Re: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptySam 9 Avr 2016 - 16:11
Qui est il, ce grand gaillard de Philippe au coté duquel j'ai toujours fait pale figure ?
Qui est il pour moi ? Celui qui s'est amouraché et a couché avec ma mère ? Celui qui s'est révéler être au final le véritable père de mon bâtard de petit frère, Thomas ? Ou bien devais je le voir comme un prétendant un peu trop sérieux à mes titres ?
Ou bien encore devais je le voir tout simplement pour ce qu'il était réellement : mon frère.

C'est bien cette dernière vérité que j'avais du mal à considérer. Une tête de haut et deux décennies qu'on avait d'écart tout de même. Et encore, si ce n'était que ça... De notre éducation à notre parcours, de nos aspirations à nos batailles quotidiennes : tout différait entre nous deux.



Voilà ce qui me travailla l'esprit tout du long de notre court voyage séparant le manoir des Tourres de cette misérable plage de galets et de rochers saillant à l'extérieur de la ville.
Aux mots bas et autres injonctions que m'envoyait Philippe je réagissais toujours de la même manière : un petit sourire entendu et un hochement de tête, le genre d'attitude qui laissait sous entendre autant une écoute attentive et une prise de note minutieuse de ce qu'il me disait, qu'un dédain pur et simple dans le genre "Oui, oui, dis moi en plus et grattes moi le dos".

Cette relation a toujours était ainsi depuis notre arrivé à Marbrume. J'avais adopté dès le début une attitude stoïque face à ces attaques et autres mots blessants, n'y répondant qu'avec un fin sourire dans le genre "parles, ça ne m’atteins pas".
Bien sur que ça me blessait. D'ailleurs à quoi j'étais en train de penser à cet instant même où l'on se dirigeait vers la plage ? Et bien à notre relation foireuse.

J'ai réussi à répondre avec le sourire à ses mesquinerie jusqu'alors, mais je sentais comme une fissure s'agrandir... dès lors je m'étais mis à pousser le "jeux" plus loin, dans le genre "quand tu te fais gifler, tends l'autre joue", là je baissais même mon froc et lui donnait la cravache de mon choix pour me faire fouetter.
Dans les faits ça donnait quelque chose comme ceci :

- La corde est mouillée ! Je t'avais pourtant dis de faire attention !
C'est fou ça ! Je te demande pas grand chose ! Je te l'ai pourtant répété plein de fois : Mets-les dans un sac et garde-le au-dessus de l'eau.
C'est pas vrai !

- Ah mais quel tête en l'air !
Je suis tellement sot qu'on pourrait m'attacher au bout d'une corde et me jeter dans un puit pour ramener de l'eau.
Pardon.
Mille pardons.

Le truc c'était de doser le ton. Juste ce qu'il fallait de niais et de mielleux pour qu'il ne puisse pas savoir si je m'écrasais comme une merde ou bien que je me payais sa tronche.


Bref, l'exercice du jour pour ce bon vieux Blaise que je suis consistait à jeter des cailloux pour effrayer du moineau apparemment.
Et évidement, mon frère ne manquait pas de critiquer mes lancers, et mes choix de galets, et mon choix de cible...

- Ce serait plus facile si la corde n'était pas mouillée.
Mais de toute façon c'est tout toi, t'écoutes jamais ce que je te dis.


- C'est clair.


Bon d'habitude il lâchait deux ou trois blases sur moi le Phlippe, mais aujourd'hui c'était festival, une vraie pétasse, tout en bassesse et de facon permanente. Un plaisir pour les oreilles et l’ego.
Je dis pas, d'habitude j'étais du genre à prendre ça avec bonne humeur et détachement, mais là même un sourd entendrait l'absence total de respect dans ces propos.

Bordel, je sentais la bile me remonter, ça me travaillait... Il fallait que je me calme, que je fasse appel à toute ma résilience pour ne pas que je commence à devenir grossier.
Putain.
Putain de bordel de merde.

Non, je suis plus fort que ça. Aller mon Blaise, continues à jeter des cailloux et à sourire comme un demeuré. C'est bien.

Les mouettes volaient au dessus de moi, en lançant leur coassements comme si elles se riaient de nous.


- On a pas le bon rocher.
Rassembles nos affaires, on va à celui en face, là. Et dépêche-toi un peu, j'en ai marre de te voir rien faire.
Si j'avais amené un garçon avec moi à ta place, je suis sûr que j'aurai déjà attrapé deux ou trois mouettes !


- Pas le bon rocher ? Et si on avait pas plutôt le mauvais tireur ?
Si j'avais amené avec moi un vrai homme, je suis sur qu'on serait déjà rentré avec une dizaine de prises.


Un sourcil broussailleux se dressa jusqu'à l'arcade de mon colosse de frangin.
C'était de bonne guerre et il le savait, aussi reprit il sa marche pour se diriger vers un nouveau point de chasse, et moi, trottant péniblement -chargé que j'étais- à ses cotés. Il lâcha, après un soupir :
- Pfff. Même en marchant je te rattrape.
Il s’arrêta d'un coup, ne me laissant pas le temps de lâcher une quelconque répartie.
- Ici.
En face de nous se trouvait tout un groupe de mouette se prélassant sur un rocher vaseux comme une nués de mouche sur un pot de miel ouvert. Les animaux semblaient bien gras. Peut être parce qu'il n'y avait plus beaucoup de pêcheur dans le coin, et donc plus de poisson ? En vérité je n'en savais rien, j’avançais une supposition, voilà tout. Peut être bien aussi qu'elles se nourrissaient des cadavres bouffies de la cité qu'on jetait à la mer.

- Ne tirs pas en lob, mais en coup droit directement. Tout dans le poignet et le coude, verrouille ton épaule et lance.
Je m’exécutais immédiatement. La foule de moineaux se dispersa en piaillant son mécontentement. L'un deux vit son coassement virer au râle d'agonie quand un carreau d’arbalète vint se ficher dans sa glotte. Première prise.
A laquelle en suivit une demi douzaine d'autres. Philippe me lâcha même une fois l'arbalète pour que je puisse m'essayer à l'exercice. J'avais touché, mais beaucoup trop tôt, aussi le pauvre animal coula dans l'eau grise de la mer qui nous faisait face.
- Nul, zéro.
Comment veux tu te défendre contre la Fange si tu ne sais manier aucune arme bon sang ?

- Heu je sais pas : par la prière, comme toi tu fais ?
Peut être qu'avec assez de ferveur j'arriverais à en assommer un.


Il avait détecté le sarcasme, et me fit tout un sermon sur les dieux, leur volonté, la dévotion, et la raie de mon cul...

- Je pourrais même les insulter les dieux, que ça ne changerait rien.
Apparemment ils pardonnent tout.
Même les fautes les plus honteuses.


Je le fixe, il fronce des sourcils pour compléter son rictus soudain mauvais, avant de relâcher ses traits et de me tourner le dos.
- Rentrons.


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Philippe de Tourres
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MessageSujet: Re: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptySam 9 Avr 2016 - 18:31
Les mouettes qui traînaient étaient arrachées au sol sur lequel elles gisaient. L'une d'elles était toujours vivante, aussi, Philippe se décida à abréger ses souffrances en lui tordant rapidement ce qui lui servait de cou. C'était fou comment il avait été chanceux, il y avait de quoi faire un sacré repas avec toutes ces bêtes.
Nul doute que ça n'allait pas durer. Maintenant qu'il y avait cette rumeur comme quoi les Fangeux s'approchaient pas de l'eau de mer, les marbrumiens allaient s'approcher des dunes et des digues comme de petits charognards.
Enfin, à condition de rentrer à l'heure. Car voilà, Blaise et Philippe avaient passé un sacré bout de temps sur leur rocher, et la mer était revenue au galop. De gigantesques vagues pouvaient être aperçues à l'horizon, et la courte ligne de sable qui les reliait à la cité commençait à être petit à petit engloutie. Il était temps de partir, et rapidement, autrement ils allaient être bloqués et allaient devoir passer la nuit ici, soumis aux rafales de vent.

La remarque de Blaise avait vite calmée le prêtre. Il faut dire que personne n'aime balayer devant sa porte. Mais voilà, oui, c'était son pêché, sa faute, celle dont il devra répondre une fois à genoux devant Anür. Qu'importe. Personne n'était au courant, personne n'allait le crier sur tous les toits. Il continua la route, d'un pas rapide et vif, portant les cadavres d'oiseau dans une main, rapidement liés par un fil, et l'arbalète dans l'autre. Blaise portait le sac, très allégé car la quasi-totalité des carreaux avaient été tirés.
Oui, ils allaient pouvoir faire un bon repas ce soir.

- T'es un très bon cuisinier, Blaise. Qu'est-ce que tu vas nous préparer avec ces mouettes ?

Alors qu'ils marchaient ensemble, leurs pieds collant à la vase, son jeune frère sembla sourire. Peut-être parce que, pour une fois, Philippe lui reconnaissait un talent. Un talent aussi simple que celui de faire la bouffe, mais un talent quand même.

- J'ai plein d'idées de recettes en tête, avec le peu qu'on a. Je pense que je vais tenter de le faire en croûte. C'est super facile et ça demande pas grand chose. Des pignons de pin, des blettes, quelques pommes. J'ai juste à réunir tout ça comme farce dans du feuilletage, ça sera super bon.
Et puis, je tenterais aussi quelque chose, une sauce. Je ressortirais un œuf, du vin blanc, un peu d'ail, de romarin et beaucoup de beurre. Tu vas voir, ça va fondre en bouche et en même temps avoir une texture croquante... Tu vas adorer.


Philippe lui sourit. En fait, il ricana presque. Son sourire était sardonique, totalement forcé, dans un coin seulement.

- Eh bien, Blaise, tu es une vraie ménagère...

C'était une remarque bien assassine, qui sous-entendait beaucoup. Pendant un moment, le visage de Blaise se décomposa, comme si son dernier espoir d'apprécier son frère avait été anéanti.
Mais, d'un coup, il s'énerva, et revint à la charge.

- Oui. Oui t'as raison Philippe.


Il accéléra le pas, pour dépasser son frère, continuant de marcher en arrière, devant lui, le regardant droit dans les yeux.

- T'as raison. Je suis une gonzesse. Je cuisine et je bouffe comme une femme. Une femme raffinée.
Si tu veux, ta mouette, tu peux aussi la bouffer comme un bon chevalier. En lui arrachant la tête avec les dents, en lui aspirant le cœur et les cartilages. C'est ça que je devrais faire, pour te prouver que j'en ai dans mes bourses ? Si tu veux je le fais, vas-y, passe moi un piaf !
Allez !


Philippe continua de sourire. Il poussa même un rictus assez faux. Mais très vite, lui-même accéléra le pas pour le dépasser. Ils s'approchaient de plus en plus des murailles de l'Esplanade, qui étaient toutes proches. Les vagues accéléraient, aussi, et maintenant un peu d'eau coulait sur la plante de leurs pieds, les rafales de vent faisant lever le long mantel de Philippe, comme une cape.

- C'est bien, mon frère. Tu es fier de ta condition de femme. Il te faut au moins ça, pour continuer dans la vie ; En être fier.
Parce que, ça doit être dur, non ? Enfin, je veux dire... J'espère que t'es bien au courant que t'es une blague ambulante. Que quand tu quittes le manoir d'autres nobles après une jolie soirée, ils pouffent tous de rire dans ton dos.
T'as vu comment tu t'habilles ? Comment tu parles ? Ce que tu fais de tes journées ?
Parfois je me demande même si tu fais pas exprès, pour attirer l'attention.


Ils grimpèrent le rocher qui allait les mener aux murs nord de la cité, gardés par à une poignée de miliciens à peine. Philippe avait grimpé le premier, et n'avait donc pas vu comment Blaise avait réagit, comment il avait tiqué, s'il avait rigolé ou au contraire si il était devenu rouge de colère.
Une fois être monté tout en haut, il se retourna pour aider son frère à escalader, mais Blaise l'avait collé aux talons et était déjà parvenu à grimper la pente.
Oui, il avait l'air remonté. Et d'ailleurs il ne le cacha pas.

- Bien sûr ! La famille de Tourres, on doit être une sacrée comédie pour les autres !
Mais tu crois que c'est qui qui fait le plus marrer ? La fiotte ?


Philippe ne l'écoutait plus. Il avait tourné les talons et était déjà reparti vers un endroit dans l'enceinte qui leur permettrait d'accéder au quartier noble, et à leur manoir.

- La fiotte ? Ou alors le mec qui a trahi le paternel ?
Sérieux, tu te rends pas compte ? Ça ferait tellement une bonne pièce de théâtre ! Je verrais trop un nain lubrique dans ton rôle, avec le déguisement de prêtre en plus ça va être génial !


Sire de Tourres s'était arrêté. Il s'était arrêté sec, d'un coup, comme si quelque chose l'avait foudroyé. Il s'était retourné dans un élan rapide. Son visage était rouge. Lui qui était toujours calme, ou au moins plein de sang-froid, ce devait être la première fois depuis des années qu'il avait l'air comme ça. Il avait tellement fermé ses poings sur les cadavres de mouettes commençaient à s'enfoncer entre elles.
Lentement, il fit un pas en avant. Sa voix fut tremblante, lui qui cherchait à contenir sa colère.

- Blaise.
Je vais te donner une chance. Une seule.
Répète. Ce que tu viens de dire.


Blaise s'était rapidement décomposé. Il était blanc, blanc comme un linge. Il semblait suer un peu, ses mains étaient vite devenues moites, et son regard était fuyant, il ne semblait pas vouloir observer Philippe droit devant.
Mais finalement, il déglutit, et ses yeux se verrouillèrent dans les paupières du prêtre.

- Si... Si je te dérange tellement, bah... Vas-y... Vas-y, tu peux me tuer. On est hors des murailles, hein, eh, tu pourras dire que c'est un fangeux qui est venu...
C'est pas comme si c'était la première fois qu'il y avait un meurtre entre nobles...
Après, qu'est-ce que tu vas faire ? Hein ? Est-ce que tu vas voir notre Thomas et l'élever comme ton fils ? Ou bien tu vas... L'ignorer, et l'envoyer se faire foutre, comme tu le fais depuis toujours ?


Philippe ne sembla pas calmé. Il avait fait un pas en avant, son arbalète traînait derrière car son emprise sur l'arme s'était faite plus lâche.
Oui, maintenant, il ne devait y avoir que deux pas qui le séparaient de son frère, et il le regardait de sa haute stature, les yeux baissés vers lui.

- T'entends ce que tu racontes ?
Tu crois que je vous ignores ? Que je fais rien pour vous ?
Je suis prêtre, Blaise ! Est-ce que t'es déjà sorti de l'Esplanade ?!
Je travaille ! J'ai mes ouailles à m'occuper ! Je dois pacifier cette foutue cité qui est en train de s'effondrer ! Moi je ne suis pas un chien égoïste.
Et je ramène un salaire ! C'est moi qui nourrit notre maison ! T'as vu ces mouettes ? C'est même moi qui ramène le repas !


Philippe était rentré, et Blaise le collait aux basques. Pendant un moment, les deux frères ne parlèrent pas. Pendant un très long moment. Ils avaient pénétré dans le quartier noble. Les deux frangins devaient donc s'arrêter, bien sûr, il y avait trop de risques qu'ils croisent quelqu'un qu'ils connaissent, et que ça lance toute sorte de rumeur.
Ils allèrent vers le minuscule manoir des Tourres, tout près de la petite cour qui donnait vers les appartements de Blaise. C'est là que le petit frère avait décidé de reprendre le premier, n'ayant pas du tout oublié où en était leur conversation.

- J'en ai marre que tu penses que je fous rien, Philippe. Moi quand je joue je gagne de l'argent, tu sais. Ouais c'est vrai, c'est pas prestigieux, c'est pas énorme, mais on vit très bien, grâce à moi !

Philippe avait ouvert le crochet de la serrure et était rentré à l'intérieur, dans un petit couloir très étroit. Immédiatement à l'intérieur, il avait rit.
Il n'y avait rien d'autre à dire. Il avait rit. Il avait hurlé de rire. Un rire gras et narquois, long, qui compressait sa cage thoracique. Il observait son frère en hurlant de son rire méprisant, alors qu'il tentait de se calmer pour à nouveau parler.

- Ah ah ! Non mais ! Tu te rends pas compte de comment tu parles ?!
T'es sérieux ?
Tu t'es pris pour quoi ?!
Pour un gigolo ? C'est ça que tu veux être ?! Un bouffon !
Le bouffon de la cour, oui ! Amuser les gens avec tes blagues, jouer de la musique, faire le beau avec ton minois, c'est pas une attitude de noble ! C'est une attitude de bateleur !


Soudain son rire s'arrêta, mais il gardait un sourire cruel, affichant bien ses dents blanches et acérées comme un loup.

- Alors c'est ça ta contribution envers notre famille ? C'est pour ça que tu penses que t'es plus proche de Thomas que moi ?
Tu n'es pas un patriarche, Blaise. D'ailleurs, je ne veux même plus que tu t'appelles « baron », tu n'es pas un baron. Tu n'es rien. Tu es un second fils, un rejeton, un comédien, une blague ambulante. Les gens rient, et ils ne rient pas avec toi, ils rient de toi.
Père avait raison à ton sujet.


Ce devait être la remarque qui était la plus blessante.
Philippe avait retiré son mantel et l'avait accroché au porte-manteau. Lorsqu'il observa à nouveau Blaise, qui avait fermé la porte, il vit un garçon enragé. Ses yeux étaient rouges, à la fois de colère et de tristesse.

- Philippe...
T'as raison. Père avait raison à mon sujet.
Par contre, il était bête papa, pour le coup. Parce qu'il avait totalement tort sur le tiens.


Il avait fait un pas en avant, puis deux. Bien qu'il était plus petit que Philippe, sa colère avait pris le dessus sur sa peur, et maintenant, il se montrait menaçant. Il leva son doigt et l'agita juste devant le visage de son frangin, pour appuyer ses propos.

- Je suis la blague de la famille. Mais toi, alors !
T'as raison, je suis un énorme lâche, j'ai quitté nos terres ! Et toi, toi t'es l'aîné. Et au lieu de porter tes couilles, comme t'aimes bien montrer que t'en as plus que moi tout le temps, tu t'es barré comme un lâche !
Je suis tout ce que tu veux. Mais n'ose jamais dire que je suis la honte de la famille. C'est toi la honte ! C'est à cause de toi que Thomas ne sera jamais autre chose dans la vie qu'un bâtard.
C'est à cause de toi que notre nom est mort et enterrée !
C'est toi qui a tué la famille de Tourres !


Philippe ferma son poing, et l'élança dans le visage de Blaise. Ses phalanges s'écrasèrent à une vitesse terrifiante. Son frère eut le nez brisé par l'impact, et chuta en arrière, faisant tomber le tiroir d'une étagère avec lui.
Philippe s'approcha, lui attrapa le collet et se prépara à lui donner un autre coup. Mais il avait entendu quelqu'un derrière lui.

Mathilde...
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MessageSujet: Re: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptySam 9 Avr 2016 - 21:27
Le dragon était immense, ses écailles et son cœur noirs comme la nuit, son souffle ardent et pestilentiel comme un millier de bûchers funèbres. La bête monstrueuse se dressa sur ses pâtes arrières, aspira une longue bouffée d'air, tout son torse s'illumina soudain d'une couleur infernale, préparant à souffler le feu du dragon...
Le petit -mais brave !- chevalier Thomas esquiva la déferlante de flammes ardentes et trancha la bête au cou avant de se précipiter pour sauver la princesse.

La figurine de vouivre en bois tomba du tabouret quand Thomas lui donna un coup de fourchette, avant d'effectuer un ridicule rouler boulet pour aller récupérer la poupée de chiffon au pieds de la table de cuisine.
La poupée et la figurine étaient un des "cadeaux" laissés par les anciens propriétaires du manoir. Thomas ne se posait pas trop la question de savoir qui ils étaient et ce qu'ils avaient pu devenir.
Tout ce qu'il voulait pour l'instant s'était rejouer "Chambert contre l'Aile Noire", un des contes qu'il adorait le plus, et qu'il réclamait à minima une fois par semaine à Blaise.
Blaise qui mettait toujours autant d'énergie et de jeux d'acteur quant il racontait l'histoire, rendant intact tout l'épique du combat contre le dragon.

Thomas avait profité de la sortie de Blaise et de Philippe pour pouvoir jouer à ses jeux. Il savait bien que s'il était surpris à ces enfantillages on lui passerait un savon. Sauf Blaise, qui le laissait jouer, voir qui jouait avec lui (et il adorait ça).
Mathilde elle s'était enfermée dans sa chambre avec une inconnue. Thomas savait que quand ça se produisait il en avait pour une bonne heure facile de tranquillité.

Même si pour le coup, une heure était largement passée, et que l'inconnue soit déjà partie... Mathilde était restée au bureau à ruminer quelque chose.

Les cheveux de Thomas se hérissèrent sur sa tête quand il entendit la porte d'entrée claquer. Il se dépêcha alors de ranger les figurines dans un tiroir de la cuisine.


[...] C'est à cause de toi que notre nom est mort et enterrée !
C'est toi qui a tué la famille de Tourres !


Thomas, regardant la scène, estomaqué, caché dans l'embrasure de la porte menant aux cuisine, se prit une taloche bien sèche derrière le crane. La marque de fabrique de sa grande sœur.
Il se retourna, la larme à l’œil, écrasé par l'ombre de sa sœur.
- Files dans ta chambre.
La petite tête blonde partie immédiatement au galop. Il n'aimait pas Mathilde, elle n'hésitait jamais à le frapper ou à le réprimander... il n'entendit que le début de la phrase que tempêta sa sœur :

- CELA SUFFIT !
Ressaisissez vous !


Elle s'approcha de son petit frère, en lambeau parmi les débris d'une étagère, le nez en sang, et lui tendit sa main. Elle le força brusquement à se relever et à se tenir droit, il gémit de douleur mais obtempéra.

Mathilde fit quelques pas à droite, et quelques autres à gauche. Elle fulminait intérieurement.

- Bande d'abrutis !
Le bateau est en train de prendre la flotte de partout et tout ce que vous trouvez à faire c'est vous foutre sur la gueule ?
Je dois vous rappelez à quel point notre situation pue ?
Vous avez déjà oublié les événements au quartier de la Hanse, bougres de cons ?!
Des putains de rumeurs qui circulent sur nous, notre famille, chez certains nobles ?

C'EST CLAIREMENT PAS LE MOMENT DE DECONNER !


Elle se tourna vers Blaise et siffla un simple :" Assis", puis vers Philippe :
vas donc lui chercher un torchon en cuisine, il va finir par plus saloper la moquette qu'une connasse qui aurait ses premières règles !

Et Philippe... s'exécuta.
Mathilde avait tout de sa mère. La même rage dans les entrailles, la même hargne dans son cœur, la même flamme derrières ses yeux. Le même physique.
Et le même surnom qu'Isabelle : la Louve.

C'est derrière une poupée de chiffon et une effigie en bois que Philippe dénicha un torchon pour son frère, il le prit et repartis retrouver tout se beau monde assis autour d'une petite table.

- Vous allez m'écoutez attentivement bande de rigolos.
Et toi, Philippe, taches donc de faire abstraction du fait que je sois une femme, je ne voudrais pas que tu dévalues l'importance des propos que je vais tenir.


- ... I'ma pété l'nez ...

- Qu'est ce que nous sommes ? Qu'est ce que nous sommes les uns pour les autres ici ?

Une FAMILLE.
Apprenez l'importance de ce mot, prenez le temps de le digérez, qu'il face parti de vous bordel de merde.
Famille signifie unité, soutien, protection.


Se tournant vers Philippe :

- Un homme qui ne passe pas de temps avec sa famille n’est pas vraiment un homme.

Et foutez vous dans le crane, ou ailleurs, qu'on ne va pouvoir se tirer de ce "naufrage général" qu'en restant soudé. Seul, on va couler, ensemble on va regagner le rivage et faire en sorte que le nom de notre famille nous survive.

C'est pas ce que vous voulez ?!


-... mff... Si...

- Et bien on a déjà un problème.
On m'a rapportée que l'ancienne nourrice de Thomas, vous vous souvenez d'elle ? Bref, elle bosserait dans une maison de passe depuis peu, et elle serait un peu trop bavarde. Elle aurait parlé de Thomas... et de sa véritable paternité.

- Q... Quoi ?

- Qu'est ce que t'arrives pas à biter Blaise ? T'as déjà perdu trop de sang, t'as du mal à te concentrer ?

- Hey... tu vas te calmer ouais.
D'ailleurs d'où tu tiens une telle information ?

Mathilde se recula plus en arrière dans son siège grinçant, mettant le peu de distance qu'elle pouvait entre elle et cette question épineuse.
- J'ai une amie qui bosse dans le quartier...
- Ah ! Tiens donc... une amie qui travaille dans une maison de passe ?
C'est carrément nouveau ça, te voir t'acoquiner avec des tapins.

La voix de Blaise était encore plus comique que sarcastique avec son nez cassé.
Sa sœur compris immédiatement le sous entendu... elle s'était toujours doutée que Blaise savait pour ses... penchants.
Elle frappa la table de son poing.
- L'information est sure.
Quoi ? Vous voudriez rester là sans rien faire ?? Prendre le risque que la rumeur se répande ?? C'est inconcevable !

Qu'est ce que tu préconiserais, Philippe ?
Après tout ces histoires te concerne avant nous.



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Philippe de Tourres
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MessageSujet: Re: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptyDim 10 Avr 2016 - 14:23
Mathilde était, en privé, une femme particulièrement grossière et enragée. Cela déplaisait très fortement à Philippe, qui rentrait très souvent en conflit avec elle.
Pourtant, quand il l'entendit hurler derrière lui, il lâcha Blaise. C'était peut-être parce qu'il venait de se réveiller, de se rendre compte de ce qu'il était en train de faire. Il le laissa tomber comme un sac de farine et alla chercher de quoi nettoyer son sang. Sur le coup, il ne dit rien, il ne protesta pas, il n'osa pas ouvrir sa gueule. Il avait le regard noir, ce regard que les gens ont quelques fois quand ils sont enragés. Il avait la mâchoire en avant, la bouche un peu ouverte, les poings fermés. Il lui fallait se calmer.

Heureusement, sa sœur, en arrêtant pas de parler, avait empêché Philippe de reprendre la discussion avec Blaise. Il s'était assis à table et dévisageait le frangin, son regard traînait un peu dans le vide en fait. Il tapotait lentement le bois de la table avec son index.
Soudain, Mathilde lui posa une question, directement. Le prêtre souffla, avant de lever les yeux et de jeter son regard de pierre directement vers les yeux de la fille.

- Que cette pute parle autant qu'elle veut. On a déjà dû subir des ragots avant. Qu'est-ce que les gens iraient écouter une pierreuse des bas-fonds ?
Si elle voulait nous faire chanter, elle se serait déjà manifestée. Si elle se contente de raconter ça à je ne sais qui, ce ne sont que des blagues, comme beaucoup de nobles venant des Terres du sang en font.
Nous n'avons pas à nous inquiéter.
Mais si jamais elle détenait quelque chose, un semblant de preuves quelconques... Alors oui, je m'occuperais de gérer cette affaire.


Il tourna son regard vers Blaise. Il ne lui fit pas un sourire, il avait toujours les mêmes yeux avec lesquels il crucifiait le frangin.

- J'ai mis les mouettes dans la cuisine. Va donc préparer à manger.

Il baissa les yeux un moment, la mâchoire toujours en avant, les sourcils froncés. Mais, alors que son frère partait, il releva à nouveau son regard vers Mathilde.

- Où est Thomas ?
Est-ce que je peux le voir ?


C'était marrant comment il avait, instinctivement, demandé la permission, au lieu d'exiger qu'il descende.
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MessageSujet: Re: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptySam 16 Avr 2016 - 22:07
Thomas avait trouvé refuge à cette dispute en s'enfuyant dans sa chambre, sous sa couette, n'entendant que des paroles étouffées. Mais on ne tarda pas à le soustraite à la sécurité de sa piaule pour le relancer au milieu de l'ambiance froide et tendu qui régnait en bas.

- Alors mon grand, qu'est-ce que t'as fais de beau avec ton précepteur ?
Philippe avait posé le frêle bout d'homme sur ses genoux, celui ci ne décrochant pas son regard de la table il se crispa encore plus quand son père lui posa une main sur l'épaule. Il balbutia péniblement :
- Cette semaine on a appris les trois cantiques d'Anür.
- Les dieux sont justes, il est bon de leur rendre hommages.
Le mestre chantre de l'église m'a affirmé que tu t'en sortais très bien.

- Oui.
- Et en calcul ? Tu aurais des difficultés de ce que j'ai entendu ?
- ... Oui.

Et l'échange continua comme cela, une question posée sur un ton paternel et avec une étrange bienveillance auxquelles le petit répondais avec concision, parfois avec mutisme, voir par un silence aussi gêné que gênant.
Mathilde tenta bien de pousser le petit à aller plus en avant dans ses réponses, à regarder Philippe dans les yeux quand il lui répondait, mais ce n'en fut que plus dérangeant. Ce gosse semblait triste à en faire pleurer un oignon.

La situation ne se désamorça que quand Blaise revint des cuisines avec la volailles préparée.
- C'est bon.
Hé bien, Blaise n'imaginait meme pas l'effort monstrueux qu'avait du fournir son Philippe de frère pour parvenir à s'arracher un compliment, bien que réduit à sa plus simple expression, sur sa cuisine.
- Très bon même !
- Manque de sel, comme toujours.
- Tout les plats de toutes la ville manquent de sel ma sœur. Même ceux du Duc je pari. Triste époque pour la gastronomie.
Philippe ne pu s’empêcher d'aller de sa remarque, presque médisante :
- Une touche de gingembre permet de pallier simplement à l'absence de sel. Dis plutôt que tu n'as pas voulu faire d'effort.
Salop !
C'était trop, cet enfoiré ne la fermera donc jamais ?
Blaise jeta bruyamment ses couverts sur son assiette.
- Me péter le nez ne t'as vraiment pas suffit ? Tu dois aussi me faire saigner dans l'égo ?
C'est quoi ton problème à la fin ?

- Du calmes frérot, ce n'était que pour ri..
Il enleva sa serviette et recula sa chaise, rageur :
- Non y en a assez Philippe !
Tu n'es ni blessant, ni même méchant, mais carrément salop !
Des fois j'ai l'impression... J'ai l'impression que tu n'as aucunes considération pour moi... Et même pour nous !
Que tu ne nous vois même pas comme ta famille bon sang !
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Philippe de Tourres
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MessageSujet: Re: L'enfant de la Louve, et son amant   L'enfant de la Louve, et son amant EmptyDim 17 Avr 2016 - 23:03
Philippe n'avait jamais été un homme très expressif. Toute sa vie, il avait été froid et rigide. Même enfant, on ne le voyait pas rire. Même étudiant dans une abbaye, on ne le voyait pas sourire suite à un compliment d'un professeur. Même lorsqu'il était un chevalier jouteur, il ne poussait pas des cris de colère après avoir été désarçonné. Même au lit, lorsqu'il était au lit avec la mère de Blaise, il s'était efforcé de serrer les dents, pour ne surtout pas laisser penser à un seul instant qu'il pouvait aimer ça. C'était donc totalement normal que son fils, envers lequel il n'avait jamais montré le moindre signe de sentiment, se décide à rester muet et gêné, fuyant le regard de pierre du prêtre.
Pourtant, il n'était pas satisfait de cette situation. Non, en fait, au fond de lui, ça le torturait. Il avait une impression nauséabonde, c'était assez inexplicable. Oui, bien sûr, Philippe se rendait compte qu'il était fautif de cette situation, que tout ça n'était qu'à cause de lui, qu'il n'avait personne d'autre à blâmer que lui-même... Mais quand même, il aurait tellement aimé que Thomas s'ouvre un peu, se sente bien à ses côtés, comme un fils se sentirait bien aux côtés de son père. Parfois, lorsqu'il était en manque de sommeil et qu'il avait des délires paranoïaques, il s'imaginait que c'était Blaise qui parlait dans son dos, que sa famille montait Thomas contre lui, et il pouvait entrer dans des périodes de rage rien qu'à imaginer ça. Mais non. Là, tout ce qu'il ressentait, c'était de la tristesse.
Heureusement il savait bien déguiser la tristesse. C'était le sentiment le plus facile à cacher.

Le voilà donc à table, en train de manger ce que Blaise avait préparé. Il fit alors une petite remarque innocente, mais comme d'habitude, Blaise la prit mal et commença à s'énerver tel une faible femme. Lorsqu'il avait jeté les couverts, Philippe n'avait même pas détourné les yeux, et continué à manger. Mais lorsque Blaise fit crisser sa chaise, et qu'il put sentir Thomas tressaillir -vous connaissez tous ce sentiment si vous avez été un enfant qui a assisté à une scène de ménage à table. Votre appétit disparaît subitement mais vous vous forcez à manger pour ignorer l'engueulade juste à côté-, Philippe osa soulever son regard et arrêter de manger.

- Blaise. Assied-toi et mange...

Il avait dit cette phrase sur un ton détaché. Ce n'était pas un ordre, ce n'était pas quelque chose qu'il avait aboyé. Non, il l'avait dit d'un ton ennuyé, il aurait presque put bailler ensuite.
Mais son frère était énervé. Le pauvre, on aurait dit qu'il allait chialer. Sans même bouger sa tête, il souleva son regard, juste ses yeux qui bougeaient, pour voir son frangin.

- Je t'ai fais une remarque, c'est tout. Pourquoi il faut toujours que tu t'acharnes à te faire passer pour la victime ?
- Philippe.
- Non, mais il faut arrêter, je ne le pensais pas à mal, je lui disais juste qu'un peu de gingembre ça suffirait.
- Philippe...

Blaise voulu hurler, ou crier, casser des trucs. Mais il savait comment ça se finirait. Thomas serait terrifié, Mathilde serait énervée, et Philippe se contenterait d'agiter la tête avec un air de dire : « Je te l'avais bien dit ». Alors, il se contenta de souffler, de tourner les talons et de partir en claquant la porte, pour aller faire la gueule.
Il y eut un silence gênant pendant quelques instants.

- Il faut qu'il revienne, sinon ça va être froid...
- Va lui parler.
- Mathilde, j'en ai marre qu'il me fasse des scènes. On sait tous qu'il va bouder, puis il va revenir manger et oublier.
- Phil', s'il te plaît...
- Non mais ! Je lui ai juste fait une remarque, c'est fou ça !

Il arrêta de regarder sa sœur et continua à manger. C'était incroyable, mais il avait l'impression de parler à sa mère, pas à la petite sœur, qui osait même utiliser des diminutifs à la place de son prénom.

- Bon, il y en a marre maintenant. Tu vas le voir, lui demander de t'excuser et le ramener.
- J'ai pas à lui demander pardon ! Non mais je lui ai juste dit de mettre du gingembre, il a pas à faire sa victime ! Il y a des gens à Marbrume ils vivent des situations pires que lui !
- Philippe. Va le voir, maintenant.
- Je vais le secouer, oui.

Il s'était soulevé de sa chaise et avait jeté sa serviette juste à côté de l'assiette. Puis il était parti, mais n'avait pas claqué la porte de la salle à manger comme Blaise l'avait fait. Il regarda à droite, puis à gauche, et décida de s'engouffrer dans la cuisine. Juste derrière, il y avait une sorte de minuscule jardin plutôt pas mal. Blaise était en train de bouffer. Quand il était contrarié, il prenait des dragées, des amandes enrobées de miel. Dès qu'il vu Philippe, il s'était un peu éloigné, mais le prêtre posa sa main froide sur son épaule.

- Ça va être froid, vient manger.

- J'ai pas faim.
- Ah commence pas, Blaise. Faut pas te contrarier quand je dis un truc.
- Ouais, mais le problème c'est que tu dis toujours des trucs. Toujours tu es sur mon dos à me faire des remarques. Tu-
- Blaise. Je t'aime. Tu es mon frère. Je ne t'ai jamais considéré comme autre chose que mon frère.
Le problème, c'est que l'amour fraternel, c'est pas que tu crois. Toi et moi, on va jamais se faire des papouilles, ou gentiment se raconter nos journées, ou jouer au théâtre, ou discuter musique. Non.
Lorsque j'ai quitté nos terres, tu étais censé t'occuper de papa. Tu étais censé prendre la relève. Devenir un chevalier digne de notre lignée, être un homme fort, grand, juste, quelqu'un digne de succéder à des siècles de chevalerie. Tu étais censé te marier, effectuer un pèlerinage pour les Trois, dédier ta vie à ton fief, à ta famille, et à ta Foi.
Je ne te déteste pas Blaise. Je ne t'ai jamais détesté. Je n'ai jamais éprouvé la moindre haine pour toi. Tout ce que j'éprouve, c'est un mépris. Un profond mépris.
Tu aurais dû rester dans notre château. Peut-être serais-tu mort, mais au moins je t'aurai pleuré. A la place, tout ce qu'il me restera de toi, c'est l'image d'une pleureuse qui couve au fond de son lit.
Si tu avais un vagin, Blaise, je t'adorerais. Tu serais une merveilleuse petite sœur. Mais tu es un homme, et à cause de ça, je ne te le pardonnerais jamais.


Il avait dit ça, d'un coup, d'une manière froide et sans émotion. C'était sorti. Après des années à le garder sur son cœur, c'était sorti.
Il soupira. Les deux hommes restèrent silencieux, ils n'osèrent même plus se battre ou s'engueuler, Philippe était à bout.

- Mathilde a envie de te marier. De te responsabiliser. Après tout, tu oses encore t'appeler « baron » auprès de tes compères.
Je ne sais quoi penser de ça. Ai-je encore une raison de croire en toi ?
Pffft...
Vient. Allons manger.
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