Loterie rp (Raphaël Havresac / Bôdan Mercuro / Alaric le Miraculé)

Situation initale:

En voyant les torches éclairer lugubrement le cimetière, Raphael regretta de s'être laissé attendrir.

Cette vielle folle allait le mettre dans un situation périlleuse à n'en pas douter. Le vieux pécheur n'avait jamais beaucoup aimé les cimentières : ils lui rappelaient qu'il était simplement de passage sur cette terre et qu'il retournerais aussi vite à la poussière qu'il en était venu. Et aujourd'hui il se retrouvait devant ce foutu cimeterre de Marbrume avec des feux qui n'auguraient rien de bon ? Il eut très très envie de faire demi tour pour rendre les quelques pièces à la vielle folle et lui dire d'aller jouer avec les fanatiques elle même...

Alors qu'il tournait les talons, la curiosité le retint malgré tout sur place. Les histoires de fantômes et de voix de la vielle femme semblaient donc s'expliquer plutôt simplement, mais que pouvait-il s'y passer réellement ? Une telle activité était très étrange dans cet endroit de recueillement habituellement si calme. Et toute la folie qui s'était emparée de Marbrume avec l'apparition soudaine des Fangeux dans l'enceinte de la cité inquiétait le pécheur.

Soupirant contre sa propre bêtise et curiosité, Raphael poussa les grilles du cimetière aussi silencieusement que possible.

Il slaloma entre les tombes, veillant à bien rester dans l'ombre pour ne pas alerter la petite foule qui s'était amassée dans ce sombre lieu. Arrivé à quelques dizaines de mètres, il détailla la petite troupe. Il y avait là une quinzaine de personnes disposées en demi cercle autour d'un homme qu'ils écoutaient avec attention. Tous étaient vêtus de noir et de pourpre, le visage encapuchonné. Le discours de l'homme était étrange et décousu : il était à la fois question de la lumière de Trinité, des Forces Sombres et du combat perpétuel entre le bien et le mal. Ses rapides déclamations étaient entrecoupés de chants et prières que le pécheur n'avait jamais entendu. Difficile de savoir de quelle coté de la barrière ils se situaient...

Fidèle à sa réputation d’alcyonien, le pécheur s'accroupit et tendit l'oreille pour savoir ce que ces gens faisaient ici.

Que la vie était pleine d'imprévus. Était-ce par appât du gain, curiosité ou folie qu'il avait accepté la requête de la bonne veille dame ? Le cimetière, ce n'était pas le meilleur lieux du monde, il fallait se l'avouer. Bôdan se doutait qu'il y avait quelque chose de plus rationnel que des morts vivants, quoi que, les fangeux n'étaient pas si rationnels, des morts qui se relèvent pour bouffer des humains, qu'est-ce qu'il y a de logique ? Quoi qu'il en soit après avoir accepté la demande de sa « cliente » il s'en était retourné chez lui s'équiper, elle l'avait déranger alors qu'il flânait avec un livre abîmé. Ce soir, comme les chats sont gris il valait mieux s'équiper tel un voleur. Ainsi en tenue toute noire il pouvait se fondre dans la masse. Il faisait nuit assez tard maintenant, le cadran solaire indiquait plus de vingt heure quand le voleur quitta son domicile pour s’enfoncer dans le Goulot en direction du cimetière.

Il faisait déjà sombre quand le voleur passa le mur en prenant appuis sur la haute murette, bien que fragilisée elle restait de bonne facture. Bôdan se mit sous un arbre, dont les épaisses branches et les feuilles naissantes offraient une bonne planque et une belle vision. Bientôt une troupe bien étrange arriva, une quinzaine de personnes vêtu en noir et en pourpre passa les grilles sans s’apercevoir du voleur. Bôdan semblait surprit, quelle était la raison de ce regroupement, un culte sectaire ? Dans Marbrume ? Le fléau faisait naître dans le cœur de l'homme tant de réactions contraire, entre la cupidité sans bornes de Théodemar, la folie sexuelle des clients de Satine et maintenant ? Des regroupements sectaires, comme si la Trinité telle qu'elle était ne suffisait pas à rassurer les cœurs faibles.

Le voleur resta à sa place, il se doutait que le veille avait demandé de l'aide à d'autres personnes, il était évident qu'il ne serait pas assez par sa seule présence pour assurer le succès de cette expédition. Puis arriva une subtile odeur de mer, de ce genre d'odeur qui amène le printemps et les sardines, une odeur de pêcheur. Les yeux brumeux du voleurs se posèrent sur Raphaël, que faisait le papy ici ? Il le laissa passer alors qu'il faisait légèrement grincer les portes après une certaine hésitation. Le voleur resta encore et vit l'arriver d'un milicien, plutôt petit il le reconnaissait, il l'avait vu, il l'avait remarqué lors de l'invasion de fangeux, lui et sa maîtrise de la dague. Inquiet le voleur disparu entre les tombes pillées et les stèles renversées de peur de se faire attraper et confondre avec les sectaires. Il partit rejoindre Raphaël sans silence.

Il ne pensait pas à mal, mais en arrivant derrière lui il mit une main sur sa bouche avant de souffler à son oreille.

-Ne cris pas papy, ce n'est que moi, calme toi, ne t'en fais pas.

Il attendit deux ou trois secondes avant d'ôter sa main et se loger derrière une grande stèle, il observa le pêcheur avec un petit sourire.

-Ne me regarde pas comme ça, chuchota-t-il. On est ici pour la même raison. J'ai vu un milicien, présent aussi ce jour « là », petit, l'expert de la dague, mais j'ai filé avant qu'il ne me voit.

Bôdan était activement recherché, peut-être que le pêcheur était au courant avec son portrait dans la ville, quoi qu'il en voyait de moins en moins. Il préta l'oreille pour écouter les dires des sectaires, il prit le train en cours de route.

-Mes très chers frères, fit celui du milieux. Encore ce soir nous nous réunissons pour brûler une vierge pour notre Sainte Trinité, puisse ce sens pur dénudé de perversion sexuelle appaiser les dieux et nous retirer la Fange ! Allez chercher la pucelle !

-Papy, glissa Bôdan, ils font des sacrifices humains ici ! Il faut les arrêter ! Tu n'aurais pas une idée ?

Alaric fixait les grilles en fer forgé qui marquaient l’entrée du cimetière. Le métal s’enroulait en des courbes décoratives qui avaient dues être jolies autrefois. Ce soir en tout cas, le milicien ne voyait que des formes distordues, bizarres et inquiétantes. Mais peut-être était-ce parce que ce genre de lieu n’inspirait que de la crainte ? Soupirant, il poussa la grille dans un demi-silence, un grincement aigu résonnant dans la nuit.

Pour dire vrai, il n’était pas certain de la raison qui l’avait poussé à venir ici. Lorsque la vieille dame lui avait agrippé le coude violemment à la sortie du temple, il avait d’abord cru qu’on l’attaquait. Mais bien vite, il s’était rendu compte qu’il n’y avait là qu’une dame apeurée, et peut-être un peu folle. Ou les deux. Il l’avait écoutée attentivement et lui avait promis qu’il se rendrait sur le lieu indiqué, empochant les quelques pièces en passant. En tant que milicien, il se devait de rassurer la population. Il pouvait bien entendu se contenter de feindre d’y être allé, puisqu’il était certain que les fantômes n’existaient pas, mais il aurait sans aucun doute culpabilisé. Et puis, il voulait lui-même en avoir le cœur net. Les fantômes, il préférait ne pas y croire, mais il était possible qu’autre chose se promène parmi les tombes le soir. Et s’il n’y avait rien, ce ne serait jamais qu’une mauvaise nuit de passé.

Alaric arpenta le chemin de terre, zigzaguant entre les tombes. À la lumière de la Lune, les lettres des noms des défunts luisaient dans l’obscurité. Le milicien ne connaissait aucun d’entre eux. Un instant, il pensa à sa famille, qui jamais ne bénéficierait de tombes telles que celles-là. C’était bien pour cette raison qu’il ne s’était jamais aventuré dans le cimetière de Marbrume… Secouant sa tête de droite à gauche, il continua sa petite promenade, lorsqu’il aperçut des torches au loin. Il se figea un instant et dégaina sa dague fétiche. Il avait préféré ne pas s’encombrer de son arc long pour une telle mission.

Une quinzaine de personnes étaient rassemblées, vêtues d’habits noirs et pourpres. Leurs allures étaient inquiétantes, leurs visages cachés pour la plupart par des capuchons. Une sorte de maître de cérémonie déblatérait tout un tas de choses au sujet de leurs divinités, mais Alaric n’en comprenait même pas la moitié. Profitant d’une tombe monumentale, Alaric s’accroupit derrière pour observer les individus. Une jeune fille venait d’être amenée, dans le but d’être sacrifiée pour apaiser les Trois. Le sang d’Alaric ne fit qu’un tour : les sacrifices humains n’étaient pas recommandés par la Trinité, tout cela n’était que mensonge et blasphème. Il devait sauver cette jeune fille au plus vite. Finalement, la vieille dame ne s’était pas trompée : des gens louches trainaient effectivement dans les parages. Un coup des purificateurs ? Le milicien n’en connaissait que très peu à leur sujet, mais selon les dires de tous, il s’agissait de prêtres fous. Et il semblait bien que ce soit le cas.

Réfléchissant que très brièvement, le jeune homme attrapa une pierre et la lança contre une tombe à sa droite. Celle-ci rebondit avec un « ploc » perceptible, semant le doute parmi les hommes encapuchonnés, qui se retournèrent vers la source du bruit. Profitant de ce moment d’hésitation, Alaric lança une seconde pierre, plus grosse cette fois, vers la tête du chef de la bande. La pierre traça une courbe parfaite, mais se logea malheureusement dans l’épaule de l’homme. Ma foi, ce n’était pas mal non plus.


Hrp : Bôdan, histoire que tu n'aies pas des ennuis dès le début, j'ai fait le choix de ne pas te voir - ni Raph' d'ailleurs. Cependant, je suppose que vous allez voir l'agitation que j'ai causée x) de toute façon Bô, Alaric a d'autres chats à fouetter avec ces prêtres bizarres, tu ne devrais pas risquer grand chose... tant que maintenant ^^

Raphaël porta la main sur son poignard par réflexe lorsqu'une main se plaqua sur sa bouche.

Il suspendit son geste lorsqu’il reconnu le foutu gamin qui l'avait épaulé lors de la guerre putride. Quelques temps après les tristes événements ayant secoué Marbrume, Raphaël avait vu fleurir des affiches à l’effigie de Bôdan Mercuro avec un belle récompense à la clef pour une usurpation d'identité de garde de la milice et trouble à l'ordre public. Le pécheur avait trouvé dommage que la milice ait choisi de retenir uniquement son comportement quelque peu stupide plutôt que la bravoure dont il avait fait preuve et le fait qu'il n'avait pas hésité à foncer au devant des Fangeux pour protéger la ville.

Alors que Bôdan relâchait son emprise et l'informait de la situation, le pécheur fût terriblement tenté par l'envie de lui décrocher une grande droite. Lui faire ravaler son air satisfait et le sobriquet de "papy" aurait procuré un plaisir immense au pécheur. Mais lorsque la petite troupe parla de sacrifice, Raphaël abandonna temporairement ses envies de revanche et réfléchit à toute vitesse à la façon d'aider la jeune fille.

Alors qu'il cherchait une solution, quelque chose attira l'attention des membres de la secte vers une autre portion du cimetière. Alors qu'ils semblaient chercher quelque chose ou quelqu'un, une grosse pierre atteignit l'épaule du maître de cérémonie qui poussa un cri de douleur. L'homme vociféra que quelqu'un se trouvait dans le cimetière et qu'il fallait à tout prix mettre la main dessus. Quelques encapuchonnés sortirent des dagues et de courtes épées, à la recherche de la personne qui avait lancé la pierre.

Il n'était désormais plus question d'attendre, il fallait agir. Le pécheur parla au voleur à toute vitesse, pris sous le coup de l'adrénaline et inquiet du sort des la prisonnière des fanatiques.

Je suppose que le milicien doit être tout seul, sinon les renforts leur auraient déjà sauté dessus. Étant donné tes relations douteuses avec la milice, je vais aller les trouver pour qu'ils nous prêtent main forte.

Ne t'inquiète pas, je prendrais soin d'éviter de citer ton nom pour ne pas que tu te retrouve au fond d'un cellule poisseuse. Essaye de faire en sorte que la situation ne tourne pas vinaigre le temps que je revienne, je suis sur que tu ne manquera pas d'idée...

Raphaël se prépara à partir en catastrophe, mais ne put s'empêcher d'ajouter quelques mots.

Et bordel de nom de dieu, cesse de m’appeler "Papy" foutu gamin ou je te collerais ma main dans la figure pour de bon ! Je m'appelle Raphaël et ce serait pas plus mal que tu t'en rappelle une bonne fois pour toute !

Le marin détala aussi vite que possible pour trouver des miliciens qui pourraient lui prêter main forte.

Des prêtres encapuchonnés se mirent à fouilles les alentours dans une agitation inquiète et nerveuse. Alaric devait absolument profiter de la situation pour sauver la fille. Mais arrêter le chef de la cérémonie était aussi une tâche qui lui incombait également. Malheureusement, seul, il n’était vraiment pas sûr de pouvoir s’occuper de ces deux missions.

Marchand précautionneusement accroupi, le milicien contourna la pierre tombale en observant les mouvements et déplacements de ses nouveaux ennemis. La plupart s’était éparpillée, cherchant ça et là l’origine des lancers de pierre. Deux prêtres étaient restés près du maître, essayant tant bien que mal de soigner la méchante blessure qu’il avait à l’épaule. Quant à la jeune fille, elle demeurait par terre, pieds et poings liés, mais plus personne ne la surveillait. Alaric devait saisir cette chance coûte que coûte.

Le jeune homme fit un bon en avant, profitant de l’obscurité pour passer inaperçu. Lentement, il se redressa en s’appuyant sur une autre tombe faite de marbre. Un des purificateurs s’avançait vers lui, mais ne l’avait pas encore repéré. Alaric s’abaissa furtivement. L’homme finirait sans aucun doute par le voir et il ne pouvait pas prendre le risque de bondir une seconde fois vers une autre cachette. La confrontation était inévitable. Merde, pensa-t-il en dégaina sa précieuse dague. Je vais attirer toute l’attention et ils sont trop nombreux pour moi. Cependant, il n’était pas sûr de connaitre la réaction de ses ennemis : l’attraperaient-ils pour qu’il subisse le même sort que la fille ou bien fuiraient-ils afin d’échapper à la milice ? En voyant que je suis seul, ils préféreront sûrement me tuer… Attendant le dernier moment, Alaric se releva d’un coup et, prenant par surprise le pauvre sacrificateur, l’assomma d’un coup sec sur la tête. L’homme tomba lourdement sur le sol, inerte.

Ne perdant pas de temps, et puisqu’il était à présent découvert, Alaric fonça vers le maître de cérémonie. Sous le coup de la panique, l’un des prêtres se mit à fuir, tandis que son patron vociférait d’attraper « ce satané milicien ». Plusieurs membres de la confrérie accoururent vers eux, mais le mal était déjà fait. Alaric agrippa la tunique de l’homme, déchirant au passage une des manches pourpres et colla sa dague contre sa gorge.

- Faites encore un pas et je tue votre abruti de chef, fit le milicien sur un ton dur et plein de menaces.

Il les jaugea tous du regard. La peur était visible dans les yeux de certains membres, tandis que d’autres n’étaient remplis que de lueurs délirantes et hystériques. Mais le pire dans tout ça, c’est que jamais Alaric ne pourrait tuer l’homme qu’il tenait fermement sous sa dague. La carte du bluff devrait marcher, quoiqu’il arrive.

Raphael haletait sous l’effort de sa course effrénée.

Après avoir pris toutes les précautions du monde pour quitter le cimetière le plus discrètement possible, il cavalait désormais à toutes jambes dans le Labourg pour essayer de trouver des Miliciens. Et bien sur c'est toujours quand on en à besoin que ces satanés gardiens ne sont pas là ! Le pécheur poussa quelques portes de taverne au hasard, mais pas l'ombre d'un homme en arme n'était attablé ou accoudé aux comptoirs. Une grande partie de la Milice se trouvait probablement dans ses quartiers proche de Bourg Levant, mais la grande rue des Hytres était trop loin pour que Raphael puisse faire l'aller-retour et sauver la jeune femme.

Il finit par tomber sur deux soldats qui remontaient la rue bras dessus-dessous, visiblement très éméchés. Raphael se précipita vers eux dans de grands gestes et haleta tant bien que mal.

Venez vite ! Au cimetière... Des hommes encagoulés... Ils sont sacrifier une jeune fille... Des fous, ce sont.. Des fous !

L'un des miliciens darda le vieux pécheur d'un œil vitreux, la voix éraillée par l'alcool et entrecoupée par des renvoi de vin bon marché.

On se calme papy... Qui va assassiner quoi ? Et au cimetière...brup... en plus ? Mais les gens au cimetière...hips... ils sont déjà morts, non ? Alors dit-moi pourquoi quelqu'un voudrait...brup... tuer un autre quelqu'un qui est déjà mort ?

Le pécheur agrippa le col de la cuirasse du milicien pour le secouer et essayait de retrouver son souffle.

Messeigneurs, reprenez vos esprits je vous en prie ! Accompagnez moi au plus vite au Cimetierre ou demain matin vous aurez plus qu'une gueule de bois avec un mort sur les bras !!

Le milicien repoussa violemment Raphael et cria de sa voix de crécelle, battant des bras en décrivant de grands cercles dans le vide.

Hé, ho ! Tu commence à me courir papy ! Et tu pues le vieux poisson, c'est une véritable ...hips... infection ! On ne s'attaque pas.. humf... impunément à la loi comme ça ! Je vais te coller une nuit au cachot, ça va... hips... t'apprendre la politesse !

C'était une véritable catastrophe. Raphael se voyait déjà passer la nuit dans un cachot sombre et lugubre tandis que une jeune femme innocente était la victime de la folie de ces hommes. Son sang ne fit qu'un tour à cette idée et il se jeta en avant pour déséquilibrer les miliciens avant de s'enfuir pour trouver une aide plus efficace.

Il devrait faire vite ou sinon il le regretterait toute sa vie.

Alaric n’avait jamais été entraîné pour être confronté à ce genre de situation. Puisqu’il avait été affecté à la milice extérieure et formé dès le début dans ce but, on ne lui avait pas vraiment appris à gérer des situations aussi sensibles. Tuer des monstres, se tapir entre les feuilles et les arbres, se mouvoir en silence dans les marais, être aux aguets en toutes circonstances… Voilà ce qu’il savait faire. Le milicien n’avait jamais pris la vie d’un homme et cette simple idée le répugnait. Et puis, tuer le maître de cérémonie, ce n’était sans doute pas non plus ce que ses chefs lui recommanderaient : le mieux était de le rapporter aux officiers vivant, afin de lui soutirer des informations au sujet de cette mystérieuse et dangereuse secte.

Les fidèles ne bougeaient pas, fixant simplement la scène. Aucun n’osait bouger le petit doigt, effectuer le moindre mouvement de peur de voir le milicien égorger leur patron. Mais c’était ce dernier qui se tenait le moins tranquille, contre toute attente. Il sentit bien vite qu’il ne pouvait pas rivaliser avec la force du milicien, mais il se mit à demander aux membres de sa confrérie de s’occuper du sacrifice, comme convenu. L’homme était tellement dévoué aux Trois – ou plutôt à des démons, vu ses agissements- qu’il ne craignait pas de mourir pour cette cause cruelle.

- Ça suffit, ne bougez pas ! hurla Alaric en voyant trois prêtres agripper fermement la jeune fille qui s’agitait du mieux qu’elle pouvait.

Afin d’accorder plus de crédit à ses paroles, le jeune homme fit glisser la lame contre la gorge de son adversaire et bientôt, un sang chaud et poisseux se mit à dégouliner sur ses robes pourpres et noires. Mais les fidèles n’en avaient cure, ils se comportaient comme s’ils étaient hypnotisés, conditionnés pour un seul et même but : faire plaisir aux Trois.

Merde ! Retirant son poignard, Alaric maîtrisa le haut prêtre et lui porta un violent coup à la tête, afin de le mettre hors d’état de nuire. Il ne savait pas s’il l’avait assommé ou non, mais il n’avait pas le temps de vérifier : les trois prêtres portaient la fille au loin, tandis que d’autres s’étaient amassés autour du milicien pour le retarder. Armé, Alaric les défia, essayant tant bien que mal de ne pas les blesser trop méchamment. Il retenait ses coups sans même s’en rendre compte. Il était pourtant capable de fracasser n’importe quel Fangeux qu’il avait sous la dent, sa rage et sa haine le rendant bien plus puissant. Mais dans ce cas-ci, c’était un autre homme qui luttait. Ses adversaires étaient sur le point d’effectuer un acte abject, mais il n’avait littéralement pas la force de les tuer.

Le cri aigu de la victime se fit entendre un peu plus loin. Ce fut pour Alaric une sorte de moteur afin de passer à la vitesse supérieure. Se jetant corps et âme dans la bataille, il bouscula violemment deux prêtres, avant de planter son poignard dans la jambe du troisième. Bon, ça ne devrait pas le tuer.

Raphael avait couru en direction du cimeterre sans même s'en rendre compte.

Ses déconvenues avec les miliciens ivres lui avait mis le moral dans les chaussettes, mais il se rappela la vie de la jeune fille en jeu et lui entra à nouveau dans ce lieu maudit. Alors qu'il allait rejoindre Bôdan là où il l'avait laissé, il tomba nez à nez avec trois prêtres et la jeune fille. Le pécheur laissa libre court à tout sa colère et se jeta contre les deux homme qui la maintenait. Surpris par cet intrusion inattendue, les deux hommes tombèrent au sol sous le poids de Raphael et la jeune fille poussa un cri strident. Raphael était désorienté mais eut le temps de crier à plein poumon avant que les prêtres reprennent leur esprits.

BODAN ! BODAN ! SORS DE TA CACHETTE ET VIENS ICI TOUT DE SUITE !! NOUS AVONS...

La voix de Raphael s'étouffa brusquement lorsqu'un prêtre plaqua sa main sur la bouche du vieil homme. Raphael tenta de se dégager de son emprise, mais le prêtre était plus jeune et plus fort que lui. Il fut rapidement secondé par le deuxième prêtre qui se releva d'une traite pour maîtriser leur assaillant. Le troisième enfin agrippa la jeune fille pour ne pas qu'elle s'enfuit. Les prêtres avaient repris le contrôle de la situation en quelques instants mais semblaient hésiter sur la conduite à tenir. Celui qui tenait la jeune fille pris la parole d'une voix lugubre et étrangement traînante, comme si il agissait sous hypnose.

Le maître nous à dit que le sacrifice était le plus important, il faut suivre ce que dit le maître... Tenez fermement cet impie, je vais réciter les prières avant de sacrifier la pucelle...

C'est alors que la jeune fille profita de ce bref moment d’inattention pour décrocher un coup de pied bien senti, exactement à l'endroit où les hommes sont les plus vulnérables. Le prêtre tomba à genoux, se tenant à pleine main ses partie probablement très endolories. L'un des prêtres qui maintenait Raphael glissa alors une dague sous sa gorge et la mit en garde.

Si tu fais le moindre geste pour t'enfuir, je le saigne comme un porc !

La jeune fille hésitait visiblement sur la conduite à tenir : sauver sa propre vie envers et contre tout ou préserver celle de celui qui l'avait sauvé.

Retirant d’un coup sec son arme de la cuisse d’un des prêtres, Alaric écrasa son coude dans la figure d’un quatrième qui s’apprêtait à le frapper à mains nues. Un crac bien distinct se fit entendre, mais le milicien n’y prêta pas la moindre attention. Tous ses sens étaient en alerte, lui indiquant où parer, où frapper. Ses muscles étaient tendus à l’extrême et lui permettaient de frapper ses adversaires sans retenir ses coups. Il évitait simplement des points trop sensibles et il lui arriva même de frapper plusieurs fois avec le plat de sa lame afin de ne pas provoquer trop d’effusion de sang.

Malgré tout, Alaric avait eu de la chance. Les prêtres n’étaient pas habitués à la bagarre et étaient très peu coordonnés entre eux. S’ils s’étaient jetés sur le milicien en même temps, il n’aurait rien pu faire, ou du moins, aurait essuyé quelques coups non négligeables. Il n’avait reçu qu’une entaille peu profonde à l’arcade sourcilière et son œil gauche fut bientôt aveuglé, un filet de sang dégoulinant depuis la blessure. Mais les adversaires étaient tous au sol et le milicien en profita pour essuyer le liquide rouge qui brouillait sa vue. Murmurant plusieurs injures, il s’avança vers le maître de cérémonie qui gisait toujours sur le sol. L’homme n’était plus complètement évanoui, mais son mal de crâne l’empêchait de bien se rendre compte de la situation actuelle.

- Toi, tu viens avec moi, pesta le milicien en soulevant l’homme pour le forcer à se redresser.

Le laisser seul auprès de ses acolytes était impensable, d’autant plus que tous allaient finir par prendre la fuite une fois réveillés. Alaric avait désespérément besoin de renfort, mais il ne pouvait pas se permettre de laisser la situation telle quelle, alors que la jeune fille était toujours en danger. Les prêtres voulaient terminer leur ignoble sacrifice au plus vite et le milicien n’avait plus une minute à perdre. Il poussa son adversaire devant lui, après avoir immobilisé ses mains d’une corde bien serrée. L’homme tanguait à droite et à gauche et fit mine de tomber plusieurs fois, mais Alaric l’en empêchait à chaque fois, vociférant et grognant des « avance ! » menaçants.

Alaric se rappelait plus ou moins d’où venait le cri de tout à l’heure et il espérait tomber sur les trois hommes fous au plus vite.

- Si tu fais le moindre geste pour t'enfuir, je le saigne comme un porc !

Alerté par la menace, le jeune homme pressa le pas. Il passa cette fois devant le maître de cérémonie et se mit à le tirer par sa robe de prêtre qui, depuis le début de la bagarre, avait pris l’aspect d’une loque sale et déchirée.

Le milicien s’accroupit, observant la scène qui se dressait sous ses yeux. La bonne nouvelle, c’est que la fille était libérée. La mauvaise, c’est qu’un autre homme était désormais entre les mains des prêtres fous. Mais ces derniers n’étaient plus que trois. S’il parvenait à libérer l’homme, à eux deux, ils pourraient les maitriser. D’ailleurs, que faisait-il dans le cimetière à une heure pareille ? Peut-être que la vieille dame avait engagé d’autres personnes suffisamment curieuses pour venir enquêter ? Dans tous les cas, l’aide serait précieuse. De plus, le visage de l’homme rappelait quelqu’un à Alaric. Lors de la terrible attaque des Fangeux, il avait été présent. Un marin courageux, à ce qu’on disait.

D’un regard noir, Alaric fit comprendre à son otage qu’il était hors de question qu’il fasse le moindre mouvement. Arrachant un des derniers bouts de tissu encore en bon état, le milicien bâillonna l’homme, jugeant que la situation l’exigeait. Puis, il l fit tomber durement sur le sol d’une lourde frappe dans le dos. Le milicien se rapprocha alors de la scène, en restant le plus discret possible. Les trois prêtres étaient de toute façon bien trop préoccupés avec leurs deux victimes. La fille hésitait à rester pour aider le marin, mais elle aurait mieux fait de fuir, se dit Alaric. Elle risquait de se faire avoir aussi, en restant plantée là. Finalement, le jeune homme prit le risque de bondir sur le prêtre qui était le plus proche de lui, sa dague aiguisée en avant. Il espérait que le marin profiterait de la cacophonie générale pour reprendre le dessus sur son adversaire. Dans le cas contraire, Alaric aurait un mort sur la conscience.

Alors que le prêtre appuyait sa lame sur la gorge de Raphael, quelqu'un bondit sur l'un des assaillants.

Il tombèrent au sol dans un roulé-boulé des plus cacophoniques et le jeune homme maîtrisa le prêtre en quelques secondes. Raphael profita de l'effet de surprise pour écraser le pied du second assaillant, lui arrachant un hurlement de douleur. Le prêtre relâcha un peu son emprise et cela suffit à Raphael pour lui balancer un coup de coude dans les côtes, le pliant littéralement en deux et ajoutant encore de l'intensité à sa douleur. Pour l'achever Raphael le gratifia d'un magistral coup de poing au menton, décollant l'homme de quelques centimètres du sol et l'envoyant valser entre les tombes.

La jeune fille n'avait pas perdu son temps elle aussi. Le prêtre ne s'était toujours pas remis de son coup de pied bien senti et elle en avait profiter pour se saisir d'une grosse branche de bois qu'elle abattit sur sa tête. L'homme s'écroula définitivement sur le sol, assommé ou tué par la violence de l'impact.

Les regard du marin et la jeune fille se croisèrent l'espace d'un instant. La fille ne devait pas avoir plus de 20 ans et avait des traits encore emplis des rondeurs de l'enfance. Elle serait probablement un très belle femme et Raphael se félicita d'avoir participé à son sauvetage. Ils revirent tout deux à la réalité lorsqu'ils posèrent les yeux sur celui qui maintenait l'un des prêtre au sol. C'était un homme plutôt jeune, le visage à demi couvert de sang et les yeux cachés par des mèches de cheveux maculées de terre.

Raphael remarqua les armes de la Milice brodé sur armure de cuir. Le malheureux pêcheur était parti chercher la Milice contre vent et marrées, maquant de se faire jeter en prison alors qu'elle était déjà dans le cimetière ! Le marin remercia silencieusement Anür pour sa bienveillance et allait en faire de même avec le milicien lorsque la jeune femme s'écria :

Il y en à un qui s'enfuit !

La course de l'homme aurait été cocasse si ils n'avaient pas tout trois manqué de se faire tuer. Il titubait davantage qu'il courrait, les mains attachés derrière le dos et l'air visiblement sonné. Raphael poussa un soupir de lassitude qui en disait long sur sa lassitude de toute cette agitation et lâcha ses mots d'un ton blasé.

J'y vais...

Il ne lui fallut que quelques secondes pour rattraper celui qu'il reconnu comme le chef de la secte et quelques secondes de plus pour le maîtriser avec une clef de bras. Il le poussa vers le milicien et le jeune fille, parlant par dessus son épaule.

Merci mon ami, je te dois la vie je crois bien ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande Raphael Havresac sur le port : ma porte te sera toujours grande ouverte !

Raphael balaya les environs du regard.

Où sont les renforts pour mettre ces foutus prêtres sous les verrous ?

Alaric entendit immédiatement l’agitation qu’il venait de créer, mais il était bien trop occupé avec sa propre proie pour parcourir les alentours du regard. Alors que le prêtre se débattait, le milicien lui asséna deux violents coups de poing dans la figure, d’une force telle que ses mains furent éclaboussées de sang. Au moins, son adversaire, bien que toujours conscient, était calmé. Béat, il ne bougeait plus : il avait trouvé bien plus fort que lui et avait perdu tout espoir de s’en sortir.

Entre-temps, le marin avait su tirer profit de la diversion et la jeune fille elle-même avait mis hors d’état de nuire un de ses assaillants religieux. Lorsqu’Alaric se releva péniblement en soulevant l’un des purificateurs, le marin revenait avec le maître de cérémonie qui avait tenté de s’enfuir. Un minable jusqu’au bout des ongles, pensa Alaric en le dévisageant, le regard noir. Enfin, cette folle histoire touchait enfin à sa fin, et le jeune homme n’était pas peu fier d’y mettre un terme plutôt héroïque. Personne n’était mort assassiné, ni sacrifié sur l’autel. Mieux encore, il avait deux prêtres et le chef de la troupe entre ses mains pour les ramener à la caserne. Nul doute que ses supérieurs seraient ravis de leur passer un interrogatoire corsé… Voire plus, si affinité. Le milicien ne serait pas surpris d’apprendre que des prêtres seraient bientôt marqués au fer rouge ou pendus sur la grande place.

Les trois individus se rassemblèrent, leurs proies entre leur mains pour les hommes, tandis que la victime sacrificielle lorgnait sans cesse vers l’homme qu’elle avait assommé d’un bout de bois. Raphaël Havresac était le nom du marin. Oui, Alaric avait déjà entendu ce nom, c’était bien le marin qui avait participé à la grande bataille, dans le quartier Sud de la Hanse, l’hiver dernier. Un allié de confiance, l’homme l’avait encore prouvé cette nuit encore. C’était toujours appréciable de savoir qu’il existait des personnes sur lesquelles on pouvait compter. Les habitants honnêtes, à Marbrume, devenaient une race rare.

- Des renforts ? répéta Alaric. Il n’y en a pas ici. Je n’ai vu que vous. Je ne suis pas venu sur ordre de la milice, mais une vieille dame m’a sonné de me rendre au cimetière la nuit. Je suis venu pour me donner bonne conscience et la rassurer ensuite, c’est mon boulot. Cette dame n’avait pas tort, au final.

Le jeune homme haussa les épaules et traina d’une poigne de fer son adversaire, lui arrachant un gémissement au passage.

- Mademoiselle, vous n’avez rien ? J’ai été lent à agir, pardonnez-moi…

Puis, reportant ses yeux bleus sur le marin, il ajouta :

- Vous êtes capables d’emmener celui-là jusque la caserne ? C’est le chef, faut pas qu’il s’échappe. Mes supérieurs vont les cuisiner un moment.

Lorsqu'il entendit les mots d'Alaric, Raphaël pesta intérieurement.

Il pensait dur comme fer que les miliciens ne se déplaçaient qu'au minium par deux, sa mauvaise rencontre avec les miliciens ivres l'ayant conforté dans son idée. Pour l'instant les fidèles avaient étés dispersés, mais ils étaient beaucoup plus nombreux et pourraient sans mal les maîtriser pour reprendre la jeune femme et délivrer leur chef. Et pour couronner le tout, Bôdan avait disparu dieu savait où en les abandonnant à leur sort. Ceci dit les choses étaient malgré tout à leur avantage pour l'instant : la jeune femme était sauve et le chef entre leurs mains. Il fallait donc profiter de la situation au maximum et fuir vers le quartier de la milice.

Le milicien s'excusa auprès de la jeune femme d'avoir agi aussi tardivement, laissant à penser au marin qu'il était un homme d'honneur. Les hommes capables de reconnaître leurs erreurs même dans la victoire et ne pérorant pas comme un vulgaire coq n'étaient pas si nombreux à Marbrume. La jeune femme répodit d'un sourire signifiant sa gratitude avant qu'il ne se retourne vers Raphaël. A l’énonciation de sa demande, le pêcheur se félicita une nouvelle de la jugeote du milicien. Lui aussi avait comme priorité leur sécurité et ne voulait pas jouer les héros à outre mesure en tentant de capturer plus d'adeptes de la secte. De tout façon avec le chef et l'un des membres, ils faisaient tomber la tête du réseau et pouvaient confronter les informations que ces deux salopards leur donneraient.

Oui pas de problème ! Restons tous ensemble et quittions le cimeterre au plus vite, les autres adeptes ne tarderont pas à nous tomber dessus...

Raphaël se tourna vers la jeune femme.

Mademoiselle je sais que vous avez vécu des moments difficiles et que vous avez déjà beaucoup donné, le simple fait que je sois encore vivant en témoigne. Mais je vais vous demander encore davantage en venant avec nous à la caserne. Je suis sûr que votre témoignage sera précieux pour mettre ces monstres hors d'état de nuire... Acceptez-vous de nous accompagner ?

La jeune femme n'eut même pas l'ombre d'une hésitation en donnant sa réponse.

Bien sûr que je vous accompagne, allons-y sans attendre !

Raphaël empoigna le chef des fanatiques, Alaric releva le fidèle capturé et la petite troupe se mit en marche vers le quartier de la Milice.

Spoiler:

- Très bien, alors en route, clama le milicien en relevant d’une vive poigne l’un des fidèles.

Tous pressèrent le pas afin de ne pas faire une énième mauvaise rencontre devenu encore bien plus lugubre pour Alaric. La victime les suivit avec enthousiasme, soulagée d’avoir été secourue à temps. Les larmes avaient terminé de rouler sur ses joues et ces dernières avaient repris quelques couleurs. Histoire de rendre le trajet un peu moins maussade, le milicien interrogea la demoiselle.

- Quel est votre nom ? lui demanda-t-il gentiment.

Lui-même s’en voulait un peu de ne pas y avoir pensé plus tôt. Certes, la situation ne s’y était pas beaucoup prêtée, mais c’était la moindre des choses lorsqu’on sauvait la vie de quelqu’un, non ?

- Gisèle, répondit la victime dans un pâle sourire. Messieurs Alaric et Raphaël, merci de tout cœur de m’avoir sauvée.

Le milicien haussa les épaules. Ce n’était pas comme s’il aurait été capable de regarder la scène sans agir. Il repensa à la vieille dame qui l’avait « engagé » et fronça les sourcils. C’était quand même étrange qu’un sacrifice ait eu lieu cette nuit. Juste après avoir été prévenu. De plus, Alaric n’imaginait pas un seul instant que ce genre de rituels se déroulait toutes les nuits au cimetière. Des rumeurs – voire même des faits- seraient parvenues aux oreilles de la caserne bien plus tôt. Et puis, tout Marbrume serait au courant : les murailles de pierre avaient des oreilles attentives. Qui était cette vieille dame ? Était-elle mêlée à cette histoire ? Dans ce cas, quel intérêt pour elle de leur dévoiler ces lugubres secrets. Avait-elle vu l’enlèvement ? D’ailleurs, comment cela s’était-il passé ?

- Comme Raphaël vous l’a dit, vous devrez parler à mes supérieurs. Pouvez-vous déjà me dire comment cet enlèvement s’est passé ? Connaissez-vous une vieille dame qui pourrait être mêlée à ça ? Petite, cheveux noirs bouclés… L’air dérangé ?

Marquant une pause, Alaric croisa le regard du marin avec anxiété.

- Vous ne trouvez pas ça étrange vous, qu’une vieille m’envoie la nuit-même d’un rituel ? Je ne peux pas croire qu’il y en ait un chaque nuit !

Après quelques secondes de réflexion, la jeune fille secoua négativement la tête.

- Cela ne me dit rien… Quant à mon enlèvement, je ne me souviens pas bien… Je travaille pour une couturière, je rentrais chez moi le soir et deux hommes m’ont attaquée. Je ne les connais pas…

Sa voix se remit à trembler et le milicien comprit qu’il ne devrait pas la questionner plus longtemps. De toute façon, ce n’était pas à lui de mener ces interrogatoires. Il n’était en rien qualifier dans ce domaine. Ce qu’il aimait, lui, c’était chasser dans les marais.

- Après avoir déposé ceux-là à la caserne, vous y resterez, mademoiselle. Des sergents s’occuperont de vous. Raphaël, j’irai ensuite retrouver la vieille dame. Lorsque je l’ai rencontrée, elle trainait du côté du temple. Voulez-vous m’accompagner ?

Pour dire vrai, le milicien préférait avoir un homme de la trempe de Raphaël pour l’épauler. L’homme était bon et robuste, bien plus que certains de ses collègues qui pavanaient dans les ruelles en semant la terreur auprès de pauvres habitants.

Victorieux, Alaric et Rapahaël ramenèrent à la caserne deux des prêtres fous dans un piteux état. Après un bref entretien avec le sergent qui était en fonction, la situation fut réglée pour le jeune milicien. Il adressa une dernière fois un sourire à Gisèle, la pauvre victime, et la laissa entre les mains de ses collègues. Puisque le marin avait à faire, Alaric prit la décision de se rendre auprès du temple dans l’espoir d’y retrouver la vieille dame. Il aurait voulu l’interroger une dernière fois. Cette histoire n’était pas claire dans son esprit, des données manquaient. Gisèle était certainement une cible au hasard, il n’y avait pas à creuser plus loin, mais il avait du mal à croire à cette mystérieuse coïncidence : une nuit de sacrifice, être averti par une vieille folle dans une taverne.

D’un pas déterminé, il franchit les portes de la même taverne et balaya la grande salle du regard. Aucune trace de la dame. Il fit un bref petit tour du propriétaire avant de ressortir, les mains vides. Il décida tout de même de jeter un coup d’œil dans le quartier. Après tout, elle devait rester dans le coin pour lui confier quelques pièces supplémentaires, d’après ses derniers dires. Cependant, après une bonne heure de recherche, il dût se rendre à l’évidence : cette vieille femme avait disparu. Pire : il demanda au tavernier si elle était repassée récemment et ce dernier lui affirma qu’il ne savait pas du tout de qui Alaric pouvait bien parler. Haussant les épaules, il sortit, penaud. Une étrange idée lui traversa l’esprit et il sourit. Serait-ce possible que la Trinité ait envoyé cette dame pour les prévenir et empêcher les prêtres de commettre un tel acte ? Dans un soupir, il décida d’aller prier au Temple. Tout était possible, après tout.