Sujet: In Trinitas nos fides [Libre] Dim 15 Mai - 22:51
In Trinitas nos fides
Obsequium amicos, Veritas odium parit. La complaisance crée des amis, la vérité engendre la haine ; c'est ce que leur cortège psalmodiait inlassablement, car toutes ces ombres, ces spectres voilés de capes noires et décharnées qui le composaient, savaient qu'ils se confrontaient, frontalement, à l'autorité des fidèles du Temple de la Trinité. En marche et en quête de leur Colère, d'une Haine des plus démonstratives. Car même si cela sonnait telle une vérité et qu'elle n'était pas tout à fait fausse, elle était de toute façon adressée et retournée à leur encontre. Parce que c'était de cette manière que l'on embrouillait les esprits et que l'on façonnait un semblant de réalité. Certes, le verbe et l'apparence qu'on leur donne, pouvait se manier comme une lame à voir la façon dont ils s'en servaient, et à quelle fin. Puisqu'il fallait que la populace intègre le psaume dans son esprit ; qu'elle doute, se leurre et se trompe comme les Trois les avaient tout autant bernés. Et si l'on cherchait à démentir pour en minimiser les dégâts, alors ils suffisaient de buter face à l'Ignorance, des uns, des autres, pour admettre enfin qu'il y aurait toujours, en ce bas monde, suffisamment d'imbéciles pour en suivre de plus idiots. Exercice démagogique et Apologie du Chaos, leçon I. C'est que ses adeptes étaient comme des loups parmi la volaille, éperdue et perdue ?
Minuit, l'heure du crime. Le son des tambours résonnait en Labourg ; les claves de bois qui s'entrechoquaient ; accompagnés du souffle des flammes des mangeurs de feu balayant de leur haleine embrasée l'obscurité de la nuit ; le tout enrobé des chants ensorceleurs des quelques ribaudes qui s'ondoyaient et faisaient tournoyer leurs corps embués. Ce fut de manière visible, dans un rythme accablant, que treize de ces spectres marchaient dans cette rue les conduisant doucement à la chapelle du bas quartier. Au centre des saltimbanques, qui en cette nuit s'improvisaient enchanteurs -ou chair à canon,- c'est en tandem que les adeptes marchaient en file indienne, se révélant en six rangs de tirailleurs laissés là à l'appréciation des plus tacticiens, tandis que pour des regards plus fins, plus exercés encore, d'autres silhouettes indistinctes semblaient s'écouler, agiles, comme des ombres défilant sur les toits de la cité. A la tête du cortège, par contre, se démarquait un improbable géant. Certes, le treizième homme, haut d'au moins quatre mètres, tenait en équilibre parfait sur des échasses en s'appuyant sur un bâton aussi haut qu'un étage. Ce titan se présentait comme prêtre des Trois, de grande stature, vouté et bossu, le dos amorphe orné par une forêt de brindilles tortueuses tel un esprit sylvestre, un fantôme affublé de draps blancs mais crasseux jusqu'aux hanches, d'une présence tout autant déchiquetée bien que contrastant avec la noirceur de l'escorte. C'est Moi qu'il faut voir, c'est Moi qu'il faut craindre. Quant à son visage, il était masqué par la pâleur d'un crâne de cerf dont les cornes furent remplacées par les branches d'un vieux chênes, ne révélant pour la populace que des yeux perçants, vifs et fous de vigueur comme si ses globes oculaires étaient capable de rugir : Oyez et regardez encore d'un peu plus prêt ; car Nous sommes Prêtre de Serus et Nous faisons autorité. Ainsi convaincus dans leur marche lente et méthodique, leurs sinistres linges ondulaient sur les pavés marbrumiens, le prêtre au faciès macabre levant un doigt qui balaya l'assemblée des passants, figés dans une rue noire de monde, des réfugiés qui soudain se reculaient comme s'ils avaient été repoussés par ce dit doigts, à croire qu'il s’apprêtait à leur cracher un sortilège. Oh certes, l'homme masqué savait capter l'attention en contant toutes ces choses bien étranges, prêt à partager quelques autres vérités pour qui était prêt à les entendre.
Qu'est-ce qu'il y a ? Elle ne plait pas, leur vision de Sérus ? Regardez, regardez, nous ne renions pas votre seigneur. Ah, ce qu’il est beau son chibre, quand il est à l’air libre. Ah, qu'il est beau le chibre fringuant qui pendule sous les boucles de ses poils malséants. Tant et tellement que certaines femmes dans l'assistance s'offusquaient et détournaient le regard, terrifiées ou trop gênées par l'esquisse bien trop saillante d'un tel asticot, le faux prêtre se régalant des hoquets de stupeurs quand à ses paroles il en dépeignait l'image de l'homme-bête, de toute la vaillance de son organe aussi volubile que la glycine lorsqu'il se soulevait aux cieux comme le membre le plus hardi des chevaux de labour. Oui ! OUI ! Toi là-bas, tu peux rire ! RIEZ ! Gloire à la pluie fertile et féconde, bénie soit-elle pour leur faire ainsi don de son foutre tombé du ciel. Gloire à Sérus, l'asticoteur ! Ah, mais il n'en avait pas terminé, la bouche incantatoire et pleine de vers quand il contait ces soirs étranges où ils les aperçurent, ses fidèles, comme des bêtes à cornes qui frappaient aux portes de Ballazuc et ses hameaux ; les sourcils agités, les sourires carnassiers, tels des possédés prêts à épuiser les vierges de leur stupre comme pour les engrosser. Tous devaient le savoir maintenant, la vérité devait être divulguée avant qu'il ne soit trop tard : Sérus était le seigneur des bêtes, il était l’incarnation de la virilité et de la bestialité. Il était appelé à régner aux côtés d'Anür et Rikni, toutes prêtes à s'en prendre les sabots piétinant leur figure, tant que leur divin postérieur pouvait être éternellement culbuté. Il était l'Alpha se goinfrant des récoltes, gargantuesque il en bouffait même les paysans, les déchiquetant entre ses crocs comme on niaque et déchire la chair d'une vulgaire poularde. Il était l'un de ces trois divins qui exilaient Dame Sitry, le fornicateur la condamnant à l'oubli. A elle qu'il revenait de déchainer la Fange ; Vengeance !
Rejette les Trois qu'il te faut cocufier ; Hypocrite, Mensonge et Trompeur. Réconforte plutôt ton amante ; enlace Sitry dont ils t'ont détourné.
Ainsi railleur, le cortège se rendait donc en direction de la chapelle, quand alors, accompagné du flux des bâtons frappant la peau des tambours, le périmètre illuminé par les gerbes de flammes, un chariot fit soudain son apparition. Surgissant d'une ruelle, il s'engageait à présent dans l'avenue pour se joindre enfin à la procession, ayant pour chargement moult jarres au parfum huileux, alors escorté par deux spectres supplémentaires. Les sbires de Sitry étaient à présent quinze dont un archer munit d'un redoutable arc long, posant là fièrement ; une vigie en nid-de-pie à la place d'un cocher. Mais ni mulets, ni bœufs pour en tirer le sombre et miteux attelage... Non. Diaboliques, c'était une poignée de corps faméliques, des fangeux cloués et enchainés à même ce dernier, démembrés de leurs bras, les mâchoires arrachées formaient à leur gueule béante un trou salivaire, exhibant mollement la rangée désordonnée de leurs dents supérieures. A l'odeur ils devaient provenir des égouts, bien que les effluves de putréfaction qui s'en dégageaient en masquaient aisément l'origine, ce qui ne sembla d'ailleurs pas inquiéter cette petite ombre encapuchonnée, et à la démarche si féline, qui guidait les pas de ces éternels affamés, tractant le chariot en marchant simplement à leur tête. Et puis des cris. Des cris épouvantés à la simple vue du cauchemar ambulant. Une partie de la plèbe, cette océan de monde qui cédait à la panique, se reculait plus encore quitte à s'écraser les uns sur les autres et contre la rangée des maisons qui longeait la rue ; soudain bien plus étouffante. Pourtant il n'y eut nulle agression de la part des pèlerins faisant ainsi route implacable vers un lieu de prière. Mais regardez plutôt le Prêtre ! Le Prêtre en échasse affirmait que Rikni était aveugle. C'était de cela qu'elle tenait sa sagesse et sa sérénité, toujours assise, au demeurant passive parce qu'elle ne pouvait faire autrement. Et, justement, si elle ne savait pas juger convenablement de la valeur et de la ruse de ses guerriers, elle qui aimait tant les mettre à l'épreuve, c'était belle et bien parce que sa chevelure de serpent l'affligeait de cécité ! Ainsi mourraient les bougres d'hommes qui pensaient naïvement pouvoir s'en remettre à son jugement, alors qu'elle n'était que flagorneuse schismatique s'appropriant les augures de Sitry.
Domina Sitry, domina Sitry, clavicula noctis, allepe. Dame Sitry, dame Sitry, clef de la nuit, va en paix.
Philippe de Tourres
Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre] Mar 17 Mai - 18:32
- A vot' bon cœur, monsenôr !
Qu'est-ce que ça sentait mauvais de la bouche, un pauvre. Ne croyez pas les clichés. D'habitude, les paysans ont la bouche saine. Ils se la rincent et prennent des concoctions spéciales pour garder leurs chicots propres. Assez normal, quand on sait que si on prend pas soin des dents, on va devoir demander au forgeron de retirer la molaire rance avec d'énormes pinces. Mais là, le grand type qui se tenait devant Philippe, avec sa jambe en moins et ses haillons, son chapeau trouvé sur ses cheveux gras, il sentait très, très mauvais de la bouche. Pour autant, le prêtre, qui avait fait une grimace de dégoût et qui retenait de vomir, avait sorti une pièce d'or pour payer le poivrot, afin qu'il s'éloigne.
- Merci padré ! - Va avec les Dieux, mon fils.
Qu'est-ce que les bas-fonds étaient misérables. Avec un petit mouchoir, Philippe se cachait le visage et surtout le nez, de façon à ne pas avoir à renifler les effluves. N'allez pas croire la particule. « De Tourres ». Philippe n'est pas un aristocrate, la saleté ne le gêne pas, il est habitué aux odeurs de merde et de vomi. Mais là, il est tard, et il a mangé il y a pas longtemps, il voudrait conserver son dîner fait de quelques quignons de pain et d'une soupe bien épaisse et chaude au fond de son ventre.
Des hauts-prêtres à Marbrume, il y en a quelques-uns. Mais ils restent au Temple. La petite chapelle du Labourg est tenue par de simples prêtres qui aiment donner des prêches et faire de petites messes jamais très consistantes. On entendait souvent les noms de quelques-uns de ces clercs. Comme Gauvenin, un mec vraiment timbré qui faisait des bûchers de gens qu'il jugeait fautifs. Bah, pouvait-on vraiment se plaindre de ça ? Oui, on pouvait se plaindre de ça. Parce que c'était pour ça que Philippe était là. Qu'on brûle des gens ça empêchait à personne de dormir la nuit, mais il fallait quand même s'assurer que tout allait bien et qu'il n'y ait pas d'abus, d'où la raison pour laquelle, en cette cruelle nuit, Philippe se retrouvait à patauger dans la boue pour visiter la chapelle et parler avec quelques-uns des prêtres présents. Oui c'est un travail de merde ; Mais au moins, on touche un traitement et c'est ça qui permet de pas mourir de faim.
Philippe ne portait pas ses habits flamboyants de cérémonie. Il était emmitouflé dans un long manteau noir, simple, peu onéreux mais qui lui tenait chaud et empêchait le vent de lui chatouiller la peau. Il était suivi par un jeune diacre qui lui collait aux semelles, un gamin de quatorze années qui n'avait pas un poil sur le menton et une peau blanche comme le lait, un fils d'orfèvre il paraît. « Jean », c'était ça son nom.
Bref, toute cette longue introduction pour dire : Philippe de Tourres était dans la chapelle du Labourg. Il n'avait rien trouvé d'anormal ou de suspect ou quoi que ce soit qui puisse justifier d'une enquête ecclésiastique. En réalité il n'avait pas vraiment cherché. Il n'avait pas posé des questions gênantes ou demandé à voir des registres de jugement. Il était venu dans les bas-fonds, c'était bien suffisant. Il avait donné quelques pièces aux ivrognes qui passaient, mais le problème avec les pauvres, c'est comme nourrir les oiseaux ; Dès qu'on donne à l'un, tous les autres se ramènent, alors on doit partir fissa.
Monseigneur de Tourres devait déjà s'imaginer au fond de son lit tout chaud lorsqu'il était reparti par le perron de la chapelle. Et pis il y eut des cris, et des hurlements, et un étrange convoi qui s'approchait. On va pas ré-écrire toute la description. Un convoi tiré par des humanoïdes, difficile de voir avec les flammes, mais de toute façon, Philippe ne regardait pas le chariot, il regardait la masse titanesque qui pardait devant.
Philippe ne pouvait pas laisser une telle insulte aux Dieux se laisser faire ! Du blasphème ! De la provocation ! Il fallait lever l'oriflamme ! Convoquer l'ost ! Embrasser son épée et partir en croisade ! Il avait envie de sortir son épée, de chanter un chant religieux, de lever sa main et de mener ses soldats croisés à l'assaut des hérétiques ! Ah, mais voilà, tout ça c'était dans sa tête. Philippe s'était retourné pour voir les autres curieux, qui, s'approchant, observaient le convoi de l'enfer. Il n'y avait aucun grand chevalier brave et révolté. Oh que non. Les édentés, les ivrognes, les indigents, ils avaient l'air tous consternés, les yeux écarquillés. Certains avaient envie de vomir. D'autres de pleurer. D'autres de fuir. C'était fou, ça. Philippe était moyennement courageux, il avait besoin du soutien des autres pour s'affirmer, et le problème c'est que là il haletait un peu fort et comme les gens voyaient un guide spirituel paniqué, bah eux aussi paniquaient.
- Jean ! Va réveiller le guet ! - Oui ! Oui monseigneur !
Le fils d'orfèvre fui alors comme une fille, les bras branlants. Mais vers où il allait fuir ? Bon sang, Philippe en avait aucune idée. Est-ce qu'il allait juste chercher de l'aide ? Une petite patrouille de miliciens ? Ou alors allait-il carrément aller déranger les gens au quartier de la Milice ? Aucune idée. On pouvait pas compter sur un gamin paniqué de quatorze ans. Alors, Philippe, qui se rendait compte de la légère nécessité de la situation, avait décidé de surmonter un peu sa peur et son incompréhension pour s'approcher de la procession maléfique. Il essayait de les arrêter, pour pas qu'ils s'approchent trop près de la chapelle.
- Hélà ! Eh !
Agitant les bras, sa voix avait été soudainement assez fluette, pas franchement terrifiante. Mais il avait trotté, et c'était approché tout près du blasphémateur de Serus et de son... De sa... Ahem. Du tuyau géant. Bons Dieux que c'était atroce. Je veux dire, faut se rendre compte à quel point c'était atroce : Tout le monde est croyant, et Philippe beaucoup plus que la moyenne, et en plus il est prêtre. C'est comme si quelqu'un avait pris sa mère, mise à quatre pattes, et l'enculait en place publique. On était en train de hurler des vers contre les Dieux, de quoi retourner toute la bile dans son corps. Mais ce qui avait le plus terrifié Philippe, c'était les fangeux. Sur le coup, il avait eut envie de reculer, en voyant leurs yeux injectés de sang qui le regardait, et leurs pattes qui bougeaient vers lui. Encore une fois, Philippe avait envie de se chier dessus. Mais il devait au moins se donner l'apparence d'être brave, pour essayer d'inspirer la plèbe, pour qu'elle se révolte, qu'elle se mette pas à fuir devant ces énergumènes.
- Comment osez-vous ?! De quel droit défiez-vous les Trois ?! Qu'est-il arrivé dans vos vies pour vous détourner à ce point des Cieux ?!
Philippe crut comprendre en écoutant les « prières » que chantaient les fous furieux. « Sitry ». Bon clerc et homme de lettres que Philippe était, il avait une idée plus ou moins fixe de ce qu'était Sitry. Une déesse païenne et dangereuse, reconnue comme « idole hérétique » par décision d'un Concile il y a plusieurs siècles. Il y eut une intervention militaire des grands barons et des monarques du continent, quelques batailles facilement gagnées, nombre de massacres, et au final, ceux qui suivaient ce culte avaient tous été forcés de renier la déesse, ou bien être condamnés au bûcher. Philippe ne savait rien de Sitry, si ce n'est ce que quelques moines avaient écrits dessus. Qu'ils haïssaient les Trois, qu'ils prônaient des déviances, qu'ils étaient des terroristes qui tuaient, et que c'était bien qu'ils aient été détruits. Qu'est-ce que ces fous faisaient à prier cette idole là ? Toutes ces réflexions c'était pour plus tard. Parce que là Monseigneur de Tourres était debout fasse à un géant de 4 mètres de haut qui le fixait. Il fallait garder un air digne et fort.
- Allez ! Mettez-vous à genou devant cette chapelle dédiée aux Trois ! Implorez leur pardon ! Exécutez-vous maintenant ou vous risquez d'attirer le courroux divin !
Plus que les Trois, ils devaient surtout craindre la toute puissante Milice. Nul doute que quand les gens d'armes du guet se ramèneraient, la procession serait vite dispersée. A condition qu'ils se ramènent rapidement.
Dernière édition par Philippe de Tourres le Dim 22 Mai - 21:30, édité 1 fois
InvitéInvité
Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre] Dim 22 Mai - 19:29
Quand on était adepte de Sitry et qu'on marchait dans la lumière -aux yeux de tous,- il y avait deux choses importantes à retenir. D'abord, qu'il fallait être tangible pour y entrer, dans cette lumière, et non pas une ombre qui aurait si tôt fait de s'y dissoudre... Ensuite, pour se confronter directement au Temple, il fallait considérer que ses prêtres n'étaient pas forcément des farfelus qu'il était aisé de tailler en pièce d'une simple rafle verbale. Non, pour les dévots de Sitry il y avait des Hommes authentiques, dévoués et doués d'une rhétorique acérée. Les prêtres, qu'ils se vouaient à Anür, Sérus ou Rikni, étaient donc tout autant armé que la lumière pour les chasser. Les sbires en loques noires quant à eux, ceux-là que les cuisines de Sitry avaient un jour déféqués, n'étaient pas genre à sous estimer leurs adversaires comme l'auraient fait de vulgaires mercenaires, pas bien malins. Non, les loqueteux étaient des professionnels d'un autre genre, jouissant de psychotropes pour éclaircir leurs pensées, se préparant à l'aide de rites et utilisant la drogue, LA drogue adéquate, ayant ainsi recours à la transe pour, justement, se transporter au delà du continuum espace temps et d'y croiser la dame, pour sûr, qui telle une muse leur insufflait l'inspiration !
En pivotant sur elle-même, les capuches noires se plièrent donc en direction du vieil homme, pour alors révéler à travers les ombrages de leurs visières : des yeux fixes et frénétiques. Un instant où certains adeptes jouaient ensuite de leur tête, orientant leur regard à gauche, puis à droite, comme si dans l'immédiat ils ne parvenaient pas à y croire, ou plutôt comme pour s'assurer que ce poissard d'infidèle leur arrivait belle et bien esseulé dans les bras... Et puis, à bien y réfléchir, la nature n'était pas genre à offrir de tels yeux. Ceux-là n'étaient pas octroyés au commun des mortels, comme il était vrai que jamais personne n'obtenait un tel regard en sortant du ventre de sa mère. Bien que vifs et puissants, les tréfonds obscurs de leurs pupilles se révélaient en deux cercles miroitant, bien que dépourvus de la moindre essence tels des prédateurs tapis dans la nuit que les langues de flammes semblant rugir de la bouche des cracheurs de feu, spectaculaires, vinrent subitement en faire luire les éclats vitreux. Ces quelques regards là disaient alors au Haut-Prêtre qu'il fallait avoir bu nombre de vies pour s'en voir attribuer de semblables ; qu'ils étaient les témoins des innommables atrocités qu'avaient dû accomplir leurs mains, car si on admettait que les yeux étaient le reflet de l’âme, alors la leur devait être laide.
L'échassier au crâne de cerf ria doucement, avant de lâcher d'une voix rauque et sépulcrale : « Ah mais c'est là où nous allons, vieil homme ; nous allons rendre hommage aux Trois divins. Fit-il, malicieux. Le géant haut de plusieurs mètres, ses mouvements plein d'ampleurs donnaient une impression d'impesanteur, de lenteur quand il se tourna dans la direction de l'importun, pour alors faire tomber sur lui un doigt accusateur en un bruissement de ses draps blancs. Un geste, suite auquel il s'écria aussitôt à l'attention de la foule : Regardez donc, mes frères, mes sœurs. REGARDEZ-LE ! S'il vous fallait encore une preuve : en voila encore un qui se plait à parler comme un prêtre ! C'est pourtant par la faute de leur espèce, et toutes leurs vaines certitudes que SITRY fit déferler les flots de sa colère sur VOS maisons ! On ne piétine pas impunément son amour ; repentez-vous donc, pécheurs, afin de préserver le peu qu'ils vous reste. Car la fin des temps exige de porter le fer encore chaud à l'intérieur de vos Plaies, indignez vous ardemment de votre propre Fange ! Faites pénitence MAINTENANT, ou mourrez demain, broyés sous les crocs de vos propres morts ! » Pour sûr, aussi certain qu'un orfèvre était un fils de rat, de dire que l'important pour un démagogue n'était pas d'exprimer sa logique spécieuse à travers champ. Non, l'important était de savoir couper la parole de ses contradicteurs : des arguments qui n'étaient pas formulés ne pouvaient être relevés par des consciences mal exercées... Ah, si l'on savait le nombre de caractères abstraits qui grouillaient et rampaient derrière les murs marbrumiens, tant, tellement que ça ne pouvait déboucher que sur le conflit de personnalités ingérables. Susceptibles. Narcissiques. Geignardes !
Le désordre et l’incompréhension commençait à agiter la foule ; les plus droits s'insurgeaient, fourrageant dans leur barbe, indignés alors que les plus couards fuyaient, là où d'autres encore, éberlués, libres penseurs, ou sournois infiltrés préféraient se questionner ; laissez-le parler, mais laissez-le donc parler ! Oh oui. Laissez le chaos se mettre en branle tandis que les apologistes de la fin du monde marchaient vers la chapelle -plus qu'une dizaine de mètres à parcourir,- celui qui se présentait lentement mais surement à Marbrume comme le limon germant d'un fond de bourbier. Et si la Fange criait sa faim, c'était pourtant le peuple qui commencerait pernicieusement à s'entredévorer les tripes. Mais ça ! Ça, c'était juste une prédiction, car « dans la lumière » était un endroit où tout vint à se brouiller, il fallait donc savoir quand s'en détourner pour apprendre à voir et marcher dans l'obscurité.
Le peux-tu, Prêtre ? Est-ce que tu peux voir sans tes yeux ?
- « Respire ! Surgit de nulle part, le timbre d'une voix monocorde. En effet, à la gauche du Haut-Prêtre, cette voix lui apparu si soudaine, si surprenante que lorsqu'il se détourna du colosse pour en relever la source, ses narines se confrontèrent à la gerbe nuageuse qui souffla tout à coup le long de ses rides ! L'éblouissant un temps, l'un des adeptes s'étaient approché pour offrir à ses poumons un pollen bien étrange ; une substance psychotrope, un hallucinogène filant de ses particules dans l'air qui aurait si tôt fait de s'insinuer à travers l'olfaction de ses sens. Respire, vieux fou. Respire, détends-toi. Après quoi il le repoussa brutalement de ses mains crochues sur son plastron, comme pour le rejeter au cœur même du cortège où il tituberait. - Tu l'entends, le rugissement spectral des enfants perdus ? En dit un autre qu'il vint à croiser maladroitement sur son passage, cet adepte là lui déposant une couronne tressée de végétaux et de jolies petites fleurs blanches lui ceignant désormais la tête. Oh et puis certes, la question n'avait un sens que lorsqu'on était soi même un dévot de Sitry. Ou subjugué par la drogue... »
Ce pauvre prêtre, qui à cet instant devait en voir des vertes et des pas mûres, fut ainsi balloté dans tous les coins, jusqu'à ce qu'une main baladeuse gifle sa cuisse ; celle d'une ribaude qui, salace, lui malaxait langoureusement une fesse avant qu'une autre, en un geste homologue, plante brutalement ses griffes entre ses jambes, lui torturant sans pitié les escarcelles dans son poing. Et quelle poigne ! Maintenant harcelé par une meute de filles de mauvaise vie dansant autour de lui, tout autant transfigurées par d'inquiétantes substances que les autres, ainsi s'entremêlaient dans leur comportement un curieux cocktail d'hystérie, de démence, comme si elles étaient possédées par Sitry elle-même, semblant alors brûler d'un désir bestial pour le vieil homme sur lequel toutes étaient venue frotter leurs étoffes ensuées. Au bord de la Luxure, un vallon tendancieux de l'abîme où ne régnait plus à ses oreilles que le bruit équivoque des soupirs et des gémissements. Ô ardent défenseur, prend moi, mmmh prends moi. C'était à en perdre la tête, comme si elles jouaient à cola maya, leurs chants le martelaient de chuchotement lubriques l'invitant à succomber au plaisir de la chair, celui qui nourrit l'appétit aux frais de sa raison, lui adressant moult visages marqués, de belles femmes mais fânées par une vie sans scrupule. Repoussé, continuellement, le temps que la drogue fasse effet tandis qu'elles le pressaient encore jusqu'à le conduire devant le chariot. Certes, ce dernier tracté par cette poignée de fangeux démembrés, guidés par une ombre hellequine. Mélusine.
Quand une énième flamme illumina le cortège, elle révéla sous cette capuche les yeux de la jeune femme en deux sinistres braises similaires aux autres, avant qu'elles finissent par s'éteindre à l'arrivée des ombres enveloppant désormais son regard. Un contraste peut-être déroutant, au vue de la juvénilité de l'apparition lorsqu'elle n'offrait plus à sa vision que des lèvres s'étirant en un tendre sourire, le tout accompagné des râles et des grognements de la Fange qui, s'avançant et tirant sur leurs chaines, cherchaient à les rattraper ; se démontrant aussi vivaces que des boiteux que le poids du chariot parvenait, fort heureusement, à en contenir la redoutable célérité. En effet, Mélusine était leur appât, c'était elle qui les faisaient avancer. « Alors ? Est-ce que tu peux voir sans tes yeux ? Mmh j'espère au moins que tu peux imiter la carotte. Fit-elle, révélant une voix ronronnante et un peu cassée, alors qu'elle le tirait par la manche afin de lui éviter de tituber dans les rouages de l'attelage. Nonon, ne meurs pas, j'ai un marché à te proposer... Mais il est important que ce marché reste secret. Est-ce que tu pourras le garder pour toi, messire ? »
GauveninPrêtre
Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre] Dim 22 Mai - 21:29
Gauvenin travaillait.
Cela pourrait paraître étonnant pour un homme comme lui, si prompt à châtier le Mal sous toutes ses formes, des plus humaines aux plus monstrueuses... Pourtant, même le vaillant guerrier qu'il était devait apprendre à se reposer. Ce soir là il écrivait au Temple, dans une des cellules réservées aux prêtres gradés. Sa plume traçait les lettres d'un pamphlet qu'il comptait lire demain matin à la première heure! Il paraissait que -l'auriez-vous deviné?- des badauds l'avaient accusé d'être à l'origine de l'incendie d'une chambre dans un taudis péripatéticien dans les bas-fonds. Pour une fois, Gauvenin n'y était pour rien même si l'envie de châtier par le feu ces pécheresses et les infâmes qui achetaient leurs services était forte. Hors, l'affaire ayant progressivement gonflé, le voilà obligé de faire un démenti public et officiel.
Il soupira et massa sa barbe noire en reposant sa plume et se relisant. Il faudrait faire voir ce texte à son clerc, Geoffroy, qui dormait derrière la porte du sommeil du juste, attendant que son supérieur ait terminé pour aller se coucher. Un instant, se balançant sur sa chaise, le prêtre fit l'inventaire de sa journée: il avait fait une perquisition dans le quartier de la Hanse pour y trouver des traces de sorcellerie, ça n'avait rien donné, il avait fait plusieurs discours près du marché, ralliant quelques âmes à sa cause et enfin il avait fourni la soupe journalière à ses fidèles sectateurs, dont une dizaine dormait aujourd'hui en bas du quartier du Temple et avaient eu double ration, comme toujours. Les autres étaient paisiblement repartis chez eux, emmenant leurs grands habits couleur corbeaux avec eux ainsi que leurs armes, comme toutes les nuits.
Pendant qu'il songeait, le religieux grignotait du bout des lèvres sa plume d'oie... Il était si perdu dans son esprit qu'il manqua de tomber quand on tambourina à sa porte.
-"Père Gauvenin! Père Gauvenin!"
C'était Geoffroy.
Plus intrigué qu'agacé, le prêtre ouvrit la porte, tombant nez à nez avec son aide affolé.
-"Des hérétiques, mon Père! Des hérétiques!"
-"Pardon?"
-"Dans les bas-quartiers! Le Frère Jean, l'aide de Monseigneur De Tourres!... Il a dit qu'une vingtaine d'hérétiques allaient profaner la chapelle de la Trinité et qu'ils blasphémaient! Ils sont armés!"
Le prêtre inspira profondément et tenta de calmer ses pulsions. Après les Purificateurs, des hérétiques d'un nouveau genre, ces premiers ne se montrant jamais au grand jour. Cette ville finirait-elle par retourner sur le droit chemin? Heureusement, les forces de l'ordre devaient être plus actives, depuis l'accident du mois dernier. Des Fangeux avaient pénétrés dans l'enceinte de la ville suite à une brèche et avaient causés des dizaines de morts. Une horreur à laquelle Gauvenin avait participé et qu'il n'était pas près d'oublier. Hors, c'était la nuit qu'ils étaient actifs, qu'ils se levaient de leurs tombes d'eau et qu'ils cherchaient de nouvelles victimes. C'était là que la Milice était la plus vigilante, car un d'entre eux avaient tôt fait de chercher un passage entre les murs de la ville.
-"Et le vieux De Tourres?"
-"On ne sait pas, Jean a juste dit qu'il y était resté. Il est parti réveiller le Temple et prévenir les miliciens qui ne sont pas déjà au courant..."
Cet incapable allait juste se faire tuer.
-"Va chercher mes fidèles en bas et dis leur de se préparer, puis va réveiller les nôtres chez eux et rameute toute la milice sur ton passage. Dis-leur qu'un Grand-Prêtre a été assassiné dans le Labourg."
-"Mais, mon Père, nous ignorons si..."
-"Il est mort."
La voix de Gauvenin claqua comme un fouet tant l'affirmation était nette. Il pointa ensuite du doigt la sortie, laissant son clerc s'y précipiter pendant que lui retournait dans sa chambre récupérer sa hache et son armure. Sur le chemin, il s'époumona à hurler:
-"HERESIE AU LABOURG! DE TOURRES EST MORT! HERESIE AU LABOURG! VENEZ PROTEGER VOTRE FOI!"
Certains religieux sortirent, les yeux ensommeillés, d'autres se penchèrent à leur fenêtre pour voir ce qui provoquait tout se raffut. Gauvenin, lui, entra chez lui et s'empara de son arme lourde et enfila rapidement ses protections métalliques. Ce serait une très longue nuit.
Ses fidèles l'attendaient, une douzaine. Vêtus, armés, sur le pied de guerre. Ils attendaient les ordres. Derrière, la milice ne tarderait pas à arriver, sans parler des diverses prêtres et clercs désireux de défendre leur foi. Peut-être même quelques nobles se joindraient-ils à la sauterie.
-"Mes ordres seront simples. Nous allons nous infiltrer jusqu'à eux. Quand nous les aurons trouvés, nous les attaquerons par surprise. Deux hommes avec moi, le reste... Tuez-les tous, les hérétiques ne méritent pas de vivre. Nous brûlerons ensuite leurs corps pour l'exemple."
Alors ils allèrent, prêts à mener un dernier assaut désespéré. Ils étaient des artisans, des mercenaires, des pêcheurs, un boucher. Des gens qui avaient vu la lumière dans une foi plus radicale et plus pure que celle enseignée dans les Temples. Gauvenin était leur guide, leur messie, leur nouveau Prophète, celui qui les guiderait à la victoire comme il l'avait fait dans la Hanse. Un héros, voilà ce qu'il était.
Ils arrivèrent bien vite à la place qu'on leur avait indiqué, croisant mendiants et traine-savates dans les sombres ruelles des bas-fonds. Le bruit, la musique, les chants blasphématoires les avaient conduits jusqu'à l'antre impie où se déroulait le sortilège maudit. Passant un œil derrière un des murs qui le cachait, Gauvenin s'indigna tant de ce qu'il vit qu'il faillit vomir. Mais ce qu'il vit, surtout, c'était cette charrette et cet arc long. Mais que faisait la milice? De Tourres n'était pas visible... Oui, ces monstres l'avaient tués. Il fallait contre-attaquer sans attendre. Le prêtre chuchota:
-"A mon signal, nous partons. Je vais attaquer l'archer en premier, occupez-vous des autres. Je ne veux pas de survivant, frappez pour tuer et surtout pour survivre. Si vous voyez Monseigneur de Tourres... Vengez-le."
Alors il compta sur ses doigts. Un, deux, trois... Et referma le poing avant de s'élancer derrière disciples. Hache au clair, la bataille commençait. Il fallait les retenir le temps que la milice arrive, ce qui ne tarderait plus, avec tout le brouhaha qui avait été fait.
Philippe de Tourres
Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre] Lun 23 Mai - 1:48
Quelle vision horrible et atroce. « Serus » qui se tenait devant lui, cette chose atroce et immonde, une vision blasphématrice qui faisait ressortir toute la haine, toute la hargne, toute la colère du père de Tourres, répondit aux ordres. Le monstre, l'icône, elle se mettait à faire un prêche, comme Philippe aimait faire les prêches, sur un ton autoritaire, dur, convainquant, surtout auprès d'une masse de gens affamés, apeurés et terrifiés. Pourtant Philippe se refusa à partir, il montrait les crocs comme un loup, plantait ses pieds sur le pavé, et gardait le buste droit et fort. Sa peur avait disparu, pour ne laisser place qu'à sa ire, et quand bien même il n'était pas armé face à ce petit groupe d'hérétiques, il se sentait assez brave -ou peut-être assez débile, mais souvent les deux termes coïncident- pour leur tenir tête. De toute façon, Philippe n'était qu'un symbole. Il était prêtre, le vicaire des Trois sur Terre. Tant qu'il tenait, c'était les Trois qui tenaient. Il avait toujours été inspiré par Rikni, tout chevalier qu'il était, et alors que lui, petit insecte insignifiant devant le monstre de 4 mètres de haut, on pouvait parfaitement imaginer la déesse qui le poussait juste derrière, et ça les gens adoraient. Oui, tant qu'il tiendrait là, debout, seul devant l'allée, la foule resterait forte, et pieuse, ça Philippe en était persuadé tout au fond de lui. Il avait affiché un petit sourire sardonique, le genre qu'un pochtron faisait avant une bagarre, l'air de dire « Donne tout ce que t'as, impie... ».
Sauf que les impies allaient vite montrer ce qu'elles avaient, face au vicaire des Trois.
Il entendit une voix crier juste derrière-lui. Il s'était brusquement retourné, le poing fermé, dans un pur réflexe de combattant, la mâchoire bien en avant. Pourtant, il ne reçut pas de coup de poing, ou de violence physique. À la place, quelqu'un lui souffla dessus. Il avait pris ça pour une agression, agité son bras, décochant une droite dans l'air, sans pour autant faire grand-chose. Il fermait les yeux, parce que ça lui piquait atrocement, et que des larmes commençaient à lui couler des globes. Il s'était mis à tousser, aussi. Au début, une petite quinte de toux comme un chat qui allait gerber, mais après, il s'était carrément mit à recracher ses glaires, en posant les mains sur ses genoux pour s'équilibrer. Mauvaise idée, d'ailleurs, il aurait dû continuer d'agiter les bras comme un fou plutôt que de se tenir : Car le même bâtard qui lui avait soufflé dessus en avait profité pour le pousser, et le prêtre était alors balancé, les yeux toujours piquants, injectés de larmes d'eau, le visage livide, blanchit par le manque d'oxygène. « Tu l'entends, le rugissement spectral des enfants perdus ? ». Ah, on pourrait croire que dans ce genre de situations, Philippe se mette à philosopher sur cette phrase, à tâcher de lier des connaissances théologiques acquises au fur et à mesure de ses nombreuses lectures. Mais les seules pensées qui traversaient son esprit étaient « MERDE ! BORDEL ! CHIASSE ! » entrecoupés de « SAINTE-RIKNI ! GRANDE ANÜR ! SERUS TOUT-PUISSANT ! AIDEZ-MOI PUTAIN ! ».
Il sentait quelque chose sur sa tête, il croyait du moins. Et ce n'était pas un heaume, ce n'était pas son écuyer qui était en train de le préparer à la guerre, à monter sur son cheval, à lui caler sa lance sous l'aisselle pour aller charger les infidèles.
Heureusement il avait pu à nouveau ouvrir les yeux, et il ne toussait plus, malgré une grosse douleur au fond de la gorge. Mais c'est bon, il était de nouveau opérationnel, on pouvait sonner le cor. Il avait été balancé dans tous les sens, mais c'est bon, oui, allez Philippe, remettez-vous sur vos jambes, et distribuez des pains à tous ces infidèles. Ah mais soudain c'est une autre sensation qui lui fit place. Quelque chose qui d'un coup le rendit un petit peu dingue. Il avait l'impression, de... Enfin, c'était sacrément difficile à décrire. Il avait l'impression de se détacher de son corps. Il était là, il savait qui il était, c'était Philippe de Tourres, le mec qui avait vécu toute son enfance dans une abbaye, le mec qui avait vécu au milieu des paysans en tant que fils de baron, le mec qui avait couché avec sa belle-mère, le mec qui a abandonné sa famille et qui s'est fait ordonné prêtre. Oui c'était lui, il se souvenait de tout, mais... Il se sentait détaché. Tout autour de lui commençait à trembler un peu, les voix et les cris commençaient à s'entre-mêler. Au départ il entendait comme des acouphènes dans ses oreilles, et puis des échos à la place des vrais voix, mais des fois, il pouvait entendre un fragment de parole qui résonnait plus que les autres, alors il bougeait la tête comme une poule qui regardait à droite, puis à gauche. « Hmmmm. Mon petit Philippe. Il me semble que tu es victime de substances psychotropes. Ne t'inquiète pas, contente-toi de respirer, de te calmer, et tout va bien se passer. »
Philippe se sentait détaché de son corps, au début. Mais le plus paradoxal, c'est qu'en même temps, il se sentait beaucoup plus sensible. Oui, carrément sensible. Il s'était mis à avoir la chair de poule, et même les poils de ses avant-bras qui s'étaient subitement dressés, il pouvait les sentir. Ce n'était pas douloureux, pas plus que c'était agréable. C'était juste... Inhabituel, bizarre. Si ses yeux étaient un peu révulsés jusqu'ici, il avait réussi à retrouver un équilibre un peu tremblant au milieu de la foule. Il cherchait une issue de secours, un moyen de se casser hors de cette marée humaine où il n'arrivait plus à distinguer les visages, les capuches, les étranges masques. Soudain, on le toucha. Il le sentait d'autant plus qu'il avait pris une sacrée dose d'un truc inconnu. On lui avait touché le postérieur, endroit qu'on ne lui avait plus touché depuis... Enfin bref, il s'était soudain retourné, la bouche ouverte, les yeux écarquillés, et pourtant il n'avait même pas trouvé la force de serrer les poings et se montrer menaçant, alors qu'en temps normal il aurait chié une pendule plus grosse que le carcan du Temple de Marbrume. Mais le pire, c'est que maintenant, une autre main, ferme et dressée de griffes comme un mur de piques, lui touchait ses bourses. Il avait râlé, sur le coup, bougeant le fond de sa gorge et de ses glaires. Un mélange d'émotions commençaient à gagner son cerveau inhibé. Son rythme cardiaque s'était accéléré, ses joues avaient rougies, il était pris d'une soudaine panique incontrôlable.
Philippe aurait adoré se retrouver au milieu de dégénérés qui pontaient des couteaux partout. Cela aurait fait honneur à son linéage, à ses ancêtres guerriers, de crever en se battant face à l'ennemi de la Foi. Mais non, il se retrouvait au milieu de son pire ennemi, de la chose qui le mettait le plus mal à l'aise, qui le faisait suer de tous ses pores, qui faisaient ressortir en lui toutes les choses qui l'éloignaient des Trois et de la béatitude : Des femmes. Il faut comprendre un peu le père de Tourres pour savoir à quel point ce type avait un problème. C'est un mec qui a passé son enfance entourée de religieux, et qui a été marié à une truie, dans une terre de paysans zélés et pieux. La première fois de sa vie où il a vu une femme sulfureuse et lubrique, Philippe lui avait sauté dessus. C'était sa belle-mère. Manque de pot, vous me direz, rah là là. Il aurait dû être moine. Il aurait dû finir sa vie cloîtrée dans une putain d'abbaye, parce que là, il y a pas de mots pour décrire le malaise qui ressortait du clerc. Il se laissait ballotter dans tous les sens comme une nef au milieu d'une tempête, il transpirait, il était un peu en transe lorsqu'il écoutait les paroles, les murmures, les chuchotements, comme s'ils venaient d'autre part, comme si toutes ces prostituées étaient la voix divine. Surtout, il avait une énorme érection, mais alors, un truc... Ah, ça, le vicaire des Trois, il se sentait faible et anéanti. Lui qui était zélé, lui qui à chaque instant levait les yeux vers le ciel pour demander leur avis aux Dieux, il se retrouvait comme un vulgaire quidam errant la rue des Hytres. C'était bon, le mur de piques avait fait arrêter sa monture, le chevalier était tombé à terre, et les mercenaires s'étaient jetés sur lui pour lui planter des couteaux au fond des jointures ; Philippe était traversé de pensées toutes plus impures les unes que les autres, du genre qu'on entendait dans une chanson paillarde comme il y en avait à la campagne, et son visage d'habitude froid et inexpressif comme une statue, bah voilà qu'il se mettait à avoir le regard qui plongeaient dans les décolletés, il se rinçait l’œil en même temps qu'il se laissait, totalement dénué de la moindre résistance, être peloté, et emporté quelque part.
Une brusque vision le ramena soudain à la réalité. Des fangeux. Philippe avait tremblé, mais il n'avait même pas fait de pas en arrière. Il était amené vers le chariot. Ses pensées étaient encore un peu confuses... Non. Ses pensées étaient carrément à fond confuses, mais qu'importe. Une voix lui parlait, on continuait de le toucher, et bientôt, il se retrouvait emporté devant ce qui semblait être une jeune fille, au milieu des cadavres vivants. Elle lui avait parlé. Sur le coup, Philippe était resté muet. Il continuait de regarder partout comme une poule, l'air terrifié, avant de fixer ses prunelles bleues directement vers celles de l'hérétique face à lui.
Ah, il se sentait bien être inquisiteur, à lui vociférer des accusations, à lui ordonner d'être mise au bûcher, à lui donner une dernière chance de se repentir, à ce qu'elle pleure à ses genoux pour implorer le pardon des Dieux et de rentrer dans le droit chemin. « Oui, à genoux. D'où elle pourra doucement caresser mon membre et lentement soulever ma soutane. J'imagine déjà sa langue lécher la pointe de ma plume et ses lèvres sceller mon mât avant de... Bordel de merde en fait je suis carrément en train de tripper. »
C'est ainsi que, au lieu d'une voix tonnante comme celle d'un prêtre voulant prêcher, ou douce comme lorsqu'il essayait de rassurer une pauvre victime venue lui trouver de l'aide, la réponse de Philippe se fit à peu près entendre comme ceci :
- Heu, que... Où... Est-ce que... Qu'est-ce... Qu'est-ce que vous me voulez ?
InvitéInvité
Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre] Ven 27 Mai - 23:41
Ab imo pectore ; du fond de la poitrine. De cette façon, déclare Sitry, il faut occulter la lumière et avec elle la contradiction. Ce pourquoi l'initié doit se libérer et rugir. Il doit gronder comme s'il avait la rage, tandis que brutal, il s'avance et claque de son pieds sur le sol pour la repousser de frayeur.
Ab initio. Ab ovo. Ab origine Fidelis.
La bêtise avait une odeur abjecte, mais se lisait surtout dans les yeux. Les sombres écritures disaient même qu'elle pouvait se distinguer par la largesse de l'os frontal du globe crânien ; qu'un pouce de trop méritait qu'on en balance les deux tiers des Hommes du haut d'une falaise, au moins. Peut-être qu'il était possible de la cataloguer, cette bêtise, au goût et à la couleur du sang ; de savoir s'il était Bleu ou non, de savoir si le premier était prédestiné à rendre la vie amer, et le deuxième suffisamment bête pour goûter à ses âcres saveurs. A travers la putréfaction des corps fangeux tractant le chariot, les adeptes de Sitry pouvaient les renifler d'ici, ces effluves de la frivolité propre aux arriérés mentaux. Et même de s'en régaler. Non que la populace était stupide parce qu'elle adorait les Trois divins, ce qui n'avait rien à voir, mais parce qu'elle ne savait pas, qu'elle était incapable de sagesse. Ainsi étaient-il faits. Décérébrés, préférant se sentir fiers d'être nés bipèdes comme on le leur avait appris dès leurs premiers pas, sans réellement savoir pourquoi... C'était une maladie mystérieuse, une épidémie qui ne connaissait pour unique remède que l'Extinction. Oui, les engeances de Sitry pouvaient l'assurer : homo érectus était un mal héréditaire pire encore que la Lèpre, alors qu'il aurait mieux valu naître chat. Lui, au moins, avait l'intelligence de s'étouffer rien qu'en se léchant les poils. Et donc, il était fort à parier que la populace ne trouverait le sommeil de si tôt. Autour d'une table, dans les foyers ou installés au comptoir d'une taverne, et qu'importe les convictions, les chants de Gestes, ou les ragots qui animeraient les conversations : cette nuit, Sitry renaissait à Marbrume. Qu'on l'aimait, ou qu'on lui crachait dessus comme autrefois, entre perspicacité et ignorance, plus tard lorsque tout sera terminé, il fallait y voir ces poignées de cul-terreux rentrer chez eux, à boire un coup et s'écrouler sur leur siège, cherchant à se remettre de la stupeur en formulant à chaud leurs premières impressions : « C'est difficile à comprendre, hein Jacqueline ? » Tous ces mots savants dont « Nombreux » n'en retiendront plus qu'une chose : qu'ils avaient l'air convaincants.
Soyez Témoins que désormais ; Nous sommes légions.
Le prêche de l'apocalypse se terminait à l'approche de la chapelle. Après tout, le tumulte touchait à sa fin, leur donnant l'occasion de passer aux choses sérieuses ; ce pourquoi ils étaient là ! Mais avant d'en relater les sévices, il fallait revenir au bon père de Tourres et sa nouvelle amoureuse. Quoique quand il s'agissait de Mélusine, on était jamais sûr de rien car on apprenait bien vite, et cela qu'elle cache de bonnes ou de mauvaises surprises, que la jeune femme, avant « d'être » quelqu'un « semblait l'être » avant toute autre chose ; une nuance qui ne sera relevée qu'une seule et unique fois à travers sa chronique, alors autant la noircir et l'entourer du plus gras des fusains... Si l'on considérait qu'il n'y avait que deux types de femmes sur terre : d'un côté « les garces, » et de l'autre « les encore plus garces, » alors on pouvait dire que Mélusine était un diable à part. Qu'elle était un hellequin... Difficile à croire ? Alors c'est qu'il fallait prendre de la hauteur. De voir et prendre le temps d’observer tout autour ; de faire glisser ses yeux sur le cortège et la masse noire de monde qui l'entourait ; sur ce peuple partagé entre dégout et horreur tandis qu'il toisait le convoi nocturne ; sur les faciès inamicaux ou les bouches béantes des plus abasourdis ; sur les joues rondes et maculées de larmes des petites têtes blondes terrifiées tant par le géant que par les râles des fangeux ; pour enfin, en jauger certains, là-bas, prêt de l'enseigne du cordonnier, les faisant apparaître comme désignant déjà du doigt le Haut-Prêtre de Rikni, ce dernier bras dessus, bras dessous avec la donzelle en sombres loques... Par les cornes de Sérus, voyez-vous cela ?! Le Padre fricote avec les hérétiques ?!
Soyez Témoins !
Croiser un chat noir octroyait la Guigne ; Sitry sachant récompenser les plus poissards de ses élus, car Philippe était des leurs dès lors qu'il fut jeté en leur sein. En tous les cas Mélusine semblait déjà s'y être attaché à celui-là, cet homme d'un certain âge qui semblait éprouver de la peine à camoufler son embarras. De traits sévères si la drogue n'était pas venue en adoucir les traits. Plutôt croquant, lui et ses pupilles dilatées, à croire qu'elle le sentait croustiller sous la pointe de ses canines. Dévorante, damoiselle Cicéro passa discrètement le bout de sa langue pour humidifier ses lèvres gourmandes, avant de les mordiller tandis qu'elle le jaugeait. Prête à répondre, elle se pressa tout contre lui pour enserrer amoureusement son bras dans les siens, attachante, pot-de-colle peut-être, comme l'aurait fait une jeune fille au petit soin pour cet homme qu'elle semblait adorer, pour qui elle n'aurait alors que des mots tendres et qui ne sauraient être nécessairement factices... Un flou vaporeux. Car c'était Mélusine ; et Mélusine on ne la comprenait pas toujours, n'ayant pour l'heure qu'une seule certitude, celle qu'un assassin de Sitry pouvait être à cheval sur les termes d'un marché.
« Je souhaite d'un homme tout ce que l'on peut attendre d'un otage. Oui, l'idéal serait qu'il sache rester humble. Inoffensif. Doux. Il doit être polis. Il doit être délicat, et... Et d'une qualité d'écoute exceptionnelle. Émit-elle de sa voix légèrement eraillée, parlant comme si elle énumérait les qualités que devait posséder son prince charmant. Cette nuit je n'aurai qu'une parole. Si tu es sage, mes frères s'engagent à te laisser la vie saine, et sauve. Mais si tu es vile, l'homme derrière nous m'a dit qu'il voyait pour toi le destin d'un castra, sans pour autant te promettre que le travail sera fait sans bavure... A ces mots, elle laissa échapper un gloussement discret, sombre mais enfantin, à caqueter doucement de sa glotte avant de se reprendre et poursuivre sur son phrasé ronronnant. Hey ne t'inquiète pas. On dit que quand une bourse molle se met à chanter, sa voix est aussi claire et aigüe que celle d'un enfant de chœur. Mh-mh. Confirmait-elle en opinant de la tête, car c'était une information qui pouvait être difficile à croire ! Entre nous, n'as tu jamais souhaité pouvoir chanter comme un chérubin ? Les nobles adorent les phénomènes de foire ; tu aurais beaucoup de succès à la cour ! Conclu Mélusine en ce qui sonnait comme un compliment sincère, comme si elle éprouvait de l'amusement en se confiant enfin à quelqu'un. »
Tandis que tout deux marchaient, l'archer sur le chariot poussa le levier du frein, le cortège faisant enfin halte devant la chapelle. Ce qui n'empêcha guère les fangeux d'être toujours aussi nerveux, tirant comme des damnés sur leurs chaines, avec tant d'énergie que le char sembla se mouvoir, de pivoter de petits angles brusques sur la droite, puis la gauche en dérapant sur les pavés. Bien qu'il était vain de le faire avancer tant il était lourd, ces monstres cadavériques témoignaient toujours d'une rage et d'une force contre-nature loin d'être rassurante. Ce qui ne fit pas sourciller les adeptes de Sitry pour autant, ces créatures à sang-froid d'un autre genre, lorsque sept d'entre eux se hâtèrent plutôt tandis qu'ils débarquaient le chargement, l'escorte gravissant les marches de la chapelle, les vasques d'argile maintenue à bout de bras.
Minuit passé de quelques minutes ; les portes de la bâtisse s'ouvrirent brutalement sous le coup d'une plante de pieds venu en fracasser les battants sur ses revers, pour alors laisser entrer dans son hall un violent courant d'air, et avec lui : les ombres projetées des silhouettes impies.
« Toc. Toc. Prononça froidement Mélusine, celle-ci toujours agrippée au bras de Philippe, l'acoustique de la profonde chapelle résonnant de ses échos. »
L'échassier et ses frasques, ribaudes et cracheurs de feu, ainsi que l'archer sur le chariot, ceux-là restèrent à l'entrée, au bas des marches pour tenir occupé le peuple. Ils étaient donc treize spectres à s’engouffrer, monseigneur de Tourres et sa jolie couronne de fleurs forcés de les accompagner...
Apeurés, les habitants de la chapelle levèrent les yeux sur eux. Certes, habitants parce qu'on y habitait : les lieux n'étaient remplis que de blessés et d'affamés, en un mot des réfugiés entassés les uns sur les autres, ces derniers aidés par les quelques prêtres qui les avaient installés sur nombres de paillasses de fortune, parmi les chaises et les bancs. Pire qu'à l'extérieur où le monde s'était agglutiné, la salle principale était un étouffoir ; d'un air chargé, vicié, d'une chaleur sèche, irrespirable. Les braseros éclairant l'intérieur de la chapelle ne leur procuraient en rien l'espoir d'y recevoir une quelconque fraicheur, si ce n'était l'eau que venaient de temps à autres leur apporter les religieux, et les plus généreux. Sans émettre la moindre pause ni soupirs, les adeptes suivaient leur partition ; mais qui s'inquiétait vraiment de savoir qu'ils répondaient à un programme rigoureusement élaboré ? Ne s'y attardant pas, ils entrèrent, les sbires de Sitry dégainant enfin leurs épées courtes, se faisant plus menaçants, agressifs et provoquants tandis que les Sept portant les vasques se mirent à l'ouvrage en se dispersant parmi les réfugiés. Ils en ouvraient enfin les couvercles, aspergeant de grandes flaques les environs -et accessoirement les malheureux qui s'y trouvaient- d'un étrange fluide noir et visqueux, à l'odeur si forte qu'elle ferait fuir n'importe quel nez. Un liquide poisseux mêlé d'alcool à brûler qui en plus de coller, et s'il fallait vraiment le souligner, ce dernier propageait une fumée toxique une fois enflammé, sans doute plus dangereux que la kerdane des cracheurs de feu, mais uniquement si on venait à se brûler... Évidemment, une fois aspergé de la poisseuse mixture, les êtres se soulevaient de leur sommeil ; les regards interloqués, les visages rendu faméliques par la faim étant tout aussi éberlués que la populace qui se tassait non loin des portes.
« Mais qu'est-ce que vous faites ?! Non, non et non, voulez vous bien cesser je vous prie ! S'agita le responsable des lieux, le prêtre Gilbert qui ne parvenait pas à en croire ses yeux. - Écarte-toi, prêtre. Lui répondit la voix grave d'un loqueteux en le repoussant violemment d'un coude, forçant le dit prêtre à filer en arrière tandis qu'il moulinait des bras, pour aussitôt se figer droit devant Philippe et Mélusine dès qu'il parvint à reprendre son équilibre. - Philippe de Tourres, vous revoici ?! Mais qu'est-ce que cela signifie ?! Qui sont ces gens ?! Et que fait donc cette couronne sur votre tête ?! Avec tout le respect que je vous dois, si c'est une plaisanterie, monseigneur, permettez moi de vous dire que je la trouve d'un goût douteux ! Des paroles qui, soudain, semblèrent émerveiller Mélusine, levant son menton pour mirer Philippe d'un nouveau regard, les lèvres s'entrouvrant de surprise. Ce nom lui était familier, à elle et ses frères qui depuis des semaines étudiaient le Temple et ses hauts dignitaires. Quel petit cachotier. - Tu es haut-prêtre ? S'amusa discrètement la jeune femme, sachant savourer cette chance. - Nous avons les faveurs de la déesse. Fit remarquer un énième spectre. - Gloria Domina. Psalmodia son homologue. - Gloria Sitry. Répondirent-ils tous à l'unisson, monocordes, faisant progressivement écarquiller les yeux du Père Gilbert qui se reculait de pas maladroits ; soudain très -très- mal à l'aise. »
Les gens commençaient à fuir, l'instinct de survie étant le plus fort, les adeptes leur ouvrant le passage, à leur guise, les laissant sillonner à travers eux comme s'il s'agissait d'une brise. Enfin, ils ne fuyaient pas tant parce que la détermination des engeances de Sitry pouvait être palpable, plutôt parce que les vasques furent vidées, la salle ainsi que ses meubles noyés du liquide goudronneux ; en notant que même l'entrée et les vitraux n'en furent épargnés. A parier qu'en ces lieux existait une autre sortie, mais où ? Peut-être du côté de la tour, dans le fond de la salle, cet endroit dépourvu de la moindre flaque poisseuse et seulement obstrué par une grille ? En tous les cas, deux loqueteux décrochèrent chacun une torche d'une alcôve, longeant religieusement les murs comme s'il s'agissait d'un rite conduisant leurs sombres loques vers l'autel.
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Mais comment trouver une nouvelle place dans un monde au bord de l'effondrement, où les croyances partaient avec le sang des cadavres et où le traître, l'hérétique et le lâche cohabitaient aisément avec le fidèle, le pieux et le brave ?
Gauvenin, alias Le Noir.
Puisse-t-il un jour pardonner l'euphorie qu'ils éprouvaient en cet instant tragique ; car pauvre de lui. Pauvre Gauvenin. Ce prêtre, et par ces mots, était sans doute le plus à même de comprendre -peut-être- le danger que représentait les loqueteux de Sitry si leur langue de vipère parvenait à contaminer cette masse purulente, où chacun, ainsi rassemblé par la Fange, y allait de ses interprétations diverses et vaseuses. Sans consistance. C'était un peu comme cette histoire, ce comble de l'incroyant qui accusait le religieux de fanatisme, tandis que l'homme pieux lui indiquait simplement que le ciel était bleu ; l'athée n'aspirant qu'à le contredire, coûte que coûte. De quoi foutre la pétoche. Après tout qui a Marbrume n'avait jamais entendu tous ces gens déclarer, l'exaspération dans la voix : "Diantre, nous sommes donc cernés par les nigauds ?" Ces gens-là, les nigauds, étaient les plus vulnérables face à la déesse. Alors forcément, on ne pouvait que saluer la charge des disciples du Prêtre Noir ; eux, semblaient déjà avoir tout compris.
Mais...
Veritas odium parit ; la vérité engendre la haine ! Cette nuit, le monde n'était pas devenu fou ; il l'était déjà bien avant cela. Avec toute cette fange qui leur arrivait jusqu'au cou ; toutes ces maisons vidées de leurs gens ; tous ces villages laissés à l'abandon ; toutes ces disparitions ; tous ce sang coulant à flot ; tous ces cadavres livrés aux flammes, aux corbeaux ; et caetera, et caetera. Gauvenin le savait mieux que quiconque, hin-hin. Mais il ne fallait pas s'égarer. Non, car le monde tournait à l'envers, comme formulé au prémisse du sortilège : il y avait des choses, sur cette basse terre qui suscitaient beaucoup de colère. Et parmi elle, la vérité sur la sentence que prononçait Sitry. On pouvait même aller plus loin en ce qui concernait la démagogie de ses adeptes, en disant, par l'exemple, que si la vérité dérangeait le Temple, au point que ses membres pourchassaient et brûlaient autrefois ceux qui adhéraient aux paroles impies, c'était parce qu'il avait peur de s'effondrer sur lui-même. C'était donc culotté. Tellement, qu'on pouvait comprendre pourquoi Gauvenin faillit vomir sur ses bottes et qu'il s'était mis à charger au moment le plus propice. Et donc, tout cela pour dire que les coupables de la Fange étaient tout désignés : les Trois et leurs dévots, dont Le Noir et ses disciples, ainsi venu en cette funeste nuit pour leur donner raison. Veritas odium parit !
Depuis le coin du mur, Gauvenin et ses hommes sortaient des ombres, le crâne de cerf se tournant vivement dans leur direction, car un sifflement surgit depuis les toits en alertait la soudaine approche.
« Voyez-les brandir la hache et l'épée. Dit-il pour la foule stagnant devant l'édifice sacré, d'une voix vibrante et caverneuse. Ceux-là qui ne savent parler que de mystères et de peurs, à distribuer la mort pour quelques mots véritables. Vous sentez-vous bousculés ? Vous sentez-vous tant menacé ? Ils viennent porter le fer et l'acier, pour le faire glisser sous la gorge des pauvres êtres qui ne font qu'implorer Sitry d’apaiser sa rancœur ! J'en appelle aux plus braves ! Empêchez les dignitaires du Temple de brûler notre humble chapelle ! »
Oui. C'était plus ou moins de cette manière qu'on inversait les rôles et qu'on se foutait du monde... Bien qu'à présent, le temps n'était plus au cynisme ; l'heure était à l'éclipse ! Totale !
Dispersion !
Ça allait très vite à l'extérieur de la chapelle ; comme un seul homme les adeptes de Sitry se mirent à réagir. Un ; le faux prêtre, ce géant, marchait de pas rigides, lourds et lents du haut de ces longs bâtons dont il s'était chaussé. Mais ses mouvements étaient si amples qu'il semblait filer à toute allure dans le sens opposé à Gauvenin, tandis qu'il fit pleuvoir derrière lui moult chausse-trappes en ouvrant ce sac formant une bosse à son dos. Arrivé auprès des hautes maisons, il en posa ses mains sur la façade, abandonnant ses échasses, afin de pouvoir ensuite escalader agilement la bâtisse tout en trainant derrière lui ses draps crasseux, si longs qu'on penserait à une véritable anguille ondulant sur fenêtres, poutres et balcons.
Deux ; avant de prendre la poudre d'escampette, du moins c'était ce qu'il tâcherait de faire, l'archer en nid-de-pie sur le chariot s'accroupit pour refermer ses doigts sur l'attache de l'attelage, avec pour finalité de libérer les chaines des fangeux qui le tractaient, déversant alors une poignée de monstres démembrés dans la rue, faisant ainsi fuir la foule, ribaudes et cracheurs de feu dans tous les sens ! C'était la panique, l'hystérie générale ! Les hurlements d'épouvantes déferlèrent dans le quartier, tous s'écriant d'effroi tandis que les plus proches et malchanceux étaient harcelés par les monstruosités qui se buttaient contre eux, tâchant de ratisser la chair avec ce qui leur restait de crocs. C'était le chaos dans Le Labourg, il y avait tant de monde ainsi rassemblé et compacté que certains en écrasaient ceux qui trébuchaient puis roulaient sous leurs pieds !
Trois ; quatre projectiles surgissaient des toits, trahissant les quatre vigilants qui s'y étaient perchés. Des pointes de flèches sifflèrent dans l'air pour s'abattre violemment dans les rangs des disciples de Gauvenin ! L'un s'en prit une première lui traversant le cou de part et d'autre, aspergeant le visage du prêtre Noir d'une giclée de sang. Un autre encaissa une semblable, lui perforant douloureusement l'abdomen, le faisant s'écrouler à genou en un râle dolent, toisant avec horreur la tige de bois dont la pointe lui labourait les tripes. Une autre, encore, la troisième vint se frayer un passage dans la fesse d'un malheureux, stoppant net sa course, avant qu'il ne finisse par s'écrouler puis ramper ventre à terre. Quant à la quatrième et dernière, elle émit un son brute et sec quand elle se figea tel le trait d'un éclair dans le bois d'un bouclier. Par Sitry, loupé !
♣ Lancement de dés :
♣ Les quatre tireurs sont du même rang que Mélu ; TIR 8. ♣ Ils sont chacun armés d'un arc long et d'une épée courte. ♣ Ils n'ont aucune protection.
♣ Résultat sur 4d20 : 5, 13, 3, 5. Tir A : 5 + 2 (+30m) = 7 [Réussite]. Tir B : 13 + 2 (+30m) = 15 [Raté]. Tir C : 3 + 2 (+30m) = 5 [Réussite]. Tir D : 5 +2 (+30m) = 7 [Réussite].
♣ J'ai pas fait les dégâts, ce sont des PNJ après tout. Donc si Gau le souhaite, il peut faire de même pour se débarrasser des tireurs.
♣ Récapitulatif :
A l'intérieur de la chapelle : ♣ 13 loqueteux de Sitry (dont Mélu). ♣ Philippe de Tourres (otage).
A l'extérieur de la chapelle : ♣ 4 archers sur les toits font feu, au minimum à 30m. ♣ 1 archer sur le chariot prépare sa fuite, il déchaine les fangeux. ♣ 1 faux-prêtre (crâne de cerf) s’échappe en direction des toits ; largue des chausse-trappes derrière lui.
Philippe de Tourres
Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre] Sam 28 Mai - 21:14
Philippe de Tourres adorait une science en particulier : l'Histoire. L'Histoire le passionnait, c'était quelque chose qu'il adorait, qui l'obsédait même. Il aimait voir comment ses ancêtres, comment les gens d'avant, d'autres contrées très éloignées même, vivaient, aimaient, se battaient, s'organisaient. Et ce qui était marrant, c'est qu'on découvrait vite qu'en réalité, les gens ne changeaient presque jamais. Même si, bien sûr, l'Histoire évolue, elle marche lentement tel un glacier, impossible à arrêter, eh bien on voit que les êtres humains ont toujours eut les mêmes préoccupations, les mêmes dangers, les mêmes soucis à régler. Une chose qui a vite été découverte, aussi, c'est à quel point les gens sont influençables.
Encore complètement drogué, entouré de gens qui le mettaient mal à l'aise, le haut-prêtre éprouvait tout à la fois un sacré mélange d'émotions qui, réunies, étaient vraiment pas saines. Il avait de la haine, de la rage, et en temps normal, poussé dos au mur, il aurait envie de hurler et de s'attaquer à tous ceux qui l'entouraient. Mais la sorte de poudre qui était rentrée dans ses canaux l'avait subitement calmé, le rendant un peu mou et faible, lui qui se voulait être rigide et fort. Il éprouvait de la peur, une sacrée peur, surtout envers la femme qui se collait à lui, qui lui monopolisait le bras, et qui commençait à menacer ses bourses, la possession la plus importante d'un homme ; Elle n'avait pas eut à en dire plus, avec son ton décontracté, pour calmer la moindre ardeur belliqueuse du père de Tourres. Et puis, en même temps, tout secrètement, Philippe cherchait à renier une sorte d'excitation, enfouie tout au fond de ses entrailles.
Mais nous disions, l'Histoire, bref. Philippe se rappelait à cet instant avoir lu une chronique médiévale sur une ville étrangère, perdue dans une période de peste et de guerre. Le haut-prêtre de la ville se retrouvait embourbé face à une bande de religieux d'un culte étrange et déviant de la Trinité, et si au départ il les avaient ignorés en imaginant qu'ils n'étaient que de petits illuminés inoffensifs, il se retrouva bien dépourvu quand ces hérétiques avaient réussis à convaincre une grande partie de la ville de les rejoindre. Le haut-prêtre fuit, et voilà que les fous avaient le contrôle de la cité, cité qu'ils allaient garder à eux pendant près de 8 mois. 8 mois d'un chaos infernal et indescriptible. Les hérétiques avaient instauré la polygamie, et s'amusaient à tuer des hommes pour épouser leurs veuves de force. Ils avaient saisis tous les biens, et faisaient des orgies gigantesques dans les églises, les palais et les cimetières. Pendant 8 mois, seul la luxure et l'hédonisme le plus crasseux régnaient dans la cité. Heureusement tout s'est très bien fini. Le haut-prêtre a finalement obtenu le soutien d'une compagnie de mercenaires et d'un prince local. Ils ont envahi la cité, mis au bûcher presque tous les coupables, et quant aux trois meneurs, ils furent enfermés dans des cages de fer, élevées au-dessus du plus haut clocher de la ville, et laissés là, pour mourir de soif, avant de pourrir jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de leurs corps.
Pourquoi est-ce que c'était cette histoire qui rentrait dans l'esprit de Philippe à ce moment-là ? Peut-être que c'était un moyen de se rassurer, de se dire qu'au fond, les adeptes de Sitry n'étaient qu'une bande d'hurluberlus sans pouvoir, avec leurs danses, leurs cracheurs de feu et leur prêtre à échasses. Peut-être que, dans son cerveau, Philippe voyait déjà la femme à ses côtés hurlant et se débattant tandis que des hommes vêtus de longs manteaux et de grosses capuches mettaient le feu à un bûcher de paille. Ou peut-être... Peut-être que c'était tout l'inverse. Le haut-prêtre de la ville n'avait pu gagner que parce qu'il a eut du renfort. Marbrume n'aura jamais de renfort. Voyant les gens, les « fidèles », son « troupeau » s'échapper devant le cortège fou qui venait d'atteindre la chapelle des Trois, Philippe ne pouvait s'empêcher d'être terrifié. De s'imaginer, même un bref instant, que tout était perdu, et que si on ne réagissait pas rapidement, c'était toute la ville qui allait s'effondrer.
On était entré dans la chapelle, donc. Sans dire un seul mot, le clerc restait totalement obéissant, silencieux, les lèvres pincées, les sourcils arqués, avec un pas qu'il voulait droit et martial. C'est qu'il voulait surtout éviter de montrer à quel point il n'allait pas bien ; Le monde autour de lui était étrange, il entendait les bruits tout proches de lui comme s'ils étaient éloignés, à l'exception de la voix de Mélusine qui était parfaitement audible, et qui faisait même écho dans sa cervelle, comme si son crâne était un grand temple vide. Les formes semblaient trembler, les murs se tordaient légèrement. Ah, mais heureusement, il y avait un obstacle pour bloquer les fous de Sitry. Le prêtre Gilbert ; Un vieil homme de quarante ans, le crâne tonsuré, vêtu d'une vieille robe de bure, petit, maigre, la peau blanche. Et malheureusement, sans le vouloir, Gilbert venait peut-être de mettre Philippe dans encore plus d'embarras lorsqu'il dit son nom à voix haute. Voilà que les fous se mettaient à chanter comme s'ils étaient en transe, et que Mélusine le regardait d'une façon qui le mettait très, très mal à l'aise.
- Oui... Oui, effectivement... Je suis Philippe de Tourres... Haut-prêtre du Temple de la Trinité, vicaire et serviteur des Trois.
Bon sang c'était dur de parler. Il avait eut envie de faire résonner ces mots, comme pour faire peur à la jeune femme, comme pour lui rappeler que les Trois ils étaient là, ils l'observaient à travers les vitraux de l'édifice, et qu'à un moment ou à un autre, Rikni toute-puissante viendrait jeter son courroux sur elle. Le problème c'est que l'effet n'était pas du tout le même. Il avait balbutié ces mots. Il avait soif, très soif, la gorge un peu serrée et sèche.
- Qui... Qui sont ces gens ?! Je.. Je vous demande de sortir ! Sortez ! Vous n'avez pas honte ?! Vite, partez ! Maintenant ! Avant que la milice n'arrive ! Avant qu'elle ne vous fasse tous pendre !
Gilbert avait une poussée d'adrénaline. Voyant qu'on était en train de saccager son église, de s'en prendre à ses fidèles, il avait bondit. Il avait l'air un peu ridicule, vu sa petite taille et son corps tout sauf athlétique, à hurler d'une voix fluette au milieu de la chapelle. Mais jamais, ô grand jamais il ne laisserait des fous s'en prendre à un bâtiment des Trois, lui qui avait vécu toute sa vie à Marbrume. Philippe avait soupiré et levé les yeux au ciel, discrètement. Il maudissait Gilbert, il maudissait cet abruti qui avait choisi la pire situation possible pour se mettre à péter une durite.
- Frère Gilbert ! Je... Eh eh... Je... Je pense qu'il est tard, pourquoi n'essayeriez vous pas de rentrer chez vous, de vous reposer ? - Non ! Il est hors de question !
Le vieux prêtre vit alors deux des puants s'approcher de l'autel avec des torches. Apeuré, pour sa vie et pour le bâtiment, il décida d'attraper la première arme qui lui passait sous la main ; Il brandit un chandelier en l'air comme s'il s'agissait d'une massue, et la souleva pour menacer les intrus, dans une vaine tentative de les faire reculer.
- Gilbert ! Bon sang ! Calmez-vous et sortez ! Ces gens sont... Ils sont...
En fait Philippe ne savait pas vraiment ce qu'ils étaient. « Sitry », il avait déjà lu le nom dans les livres. Mais aucun prêtre de la Trinité n'avait jamais rédigé autre chose sur Sitry que des descriptions abjectes de crimes et de délits, justifiant les punitions et les bûchers de croisés venus les remettre dans le droit chemin. Pourtant, les histoires étaient très contradictoires, sur cette « Sitry ». Un moine du nom de Guillaume le Roux avait écrit que ses adeptes reniaient les Trois, qu'ils se masturbaient sur des statues d'Anür et décapitaient des cerfs pour blasphémer Serus. Un prêtre envoyé en mission de prélat avait lui décrit des messes noires, où ils imploraient la déesse pour de la chance aux jeux ou la mort d'un ennemi, mais sans pour autant aller à l'encontre des trois autres...
- Ils sont... Gilbert... Partez.
Dehors, on entendit des hurlements, des cris, des bruits de fer ou de bataille. Philippe s'était retourné pour regarder en direction des portes. Malheureusement, le prêtre Gilbert pensa immédiatement que la milice était déjà arrivée, que son salut était tout proche.
- SORTEZ, MAINTENANT !
Dans un réflexe purement humain, Philippe s'accrocha à la jeune fille à son bras, et recula en l'emportant, ce qui, pendant une fraction de seconde, fini de convaincre Gilbert dans sa folie passagère que le haut-prêtre se devait d'être de mèche avec elle. Et alors, mué par un devoir divin, il souleva le chandelier, et frappa en direction de Mélusine en hurlant.
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Sujet: Re: In Trinitas nos fides [Libre]
In Trinitas nos fides [Libre]
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