Une tour d’ivoire recouverte de givre. Une peau aussi blanche que la neige, plus douce que la soie.  Un regard transparent, grisâtre,  qui vous donnerait l’impression qu’elle lirait la moindre chose en vous. Un regard que certain décrive comme envoûtant, d'autre comme franchement inquiétant.  C'est le genre de prunelles qui vous regarde sans gêne, mais que vous êtes incapable de déchiffrer.  Quant à son expression, cette dernière est très souvent neutre, rare sont ceux qui l'on vu sourire en dehors d'un combat assez intense, activités qui semble l'enjouée au plus haut point. Personne ne semble capable de savoir ce qu'elle pense, certes les gens lui donnent le respect, mais certaines semblent éviter le plus possible la jeune femme au visage de marbre. Quant à ses capacités en combat, ces dernières sont remarquables, surtout pour un corps comme le sien. Menue, effilée, on aurait presque dit qu'on aurait pu la briser comme on brise une brindille. Mais non, la milicienne ne se laisse jamais abattre. Assez grande pour une femme, elle mesure dans les un mètres soixante-dix, malgré sa petite musculature, cela ne l'empêche pas de se faire respecter par son attitude.


De longs cheveux blonds, légèrement bouclés qui caressent son visage de marbre. Souvent libres, ils tombent  en cascade sur ses épaules et effleurent joliment ses reins. Il lui arrive de se coiffer, comme pour se rappeler les douloureux souvenirs de sa précédente vie. Son visage en cœur et son nez légèrement retroussé lui donnent presque une image de jeune fille délicate. Physiquement, disons que l’ancienne noble ne laisse personne indifférent.  Elle se souvient encore de ces soirées où on lui disait qu’elle était élégante. On aurait dit que tout était fait pour lui rappeler son rang. Pour montrer la  perfection de sa famille. Par contre, malgré les airs - presque angélique - de notre milicienne, cette dernière cache une longue cicatrice dans son dos. Un douloureux rappel qu'elle n'est pas la meilleure, qu'il y a toujours une façon de se dépasser. En effet, cette blessure failli lui enlever la vie. Un accident des plus anodins, un entraînement avec un chevalier un peu trop orgueilleux qui se finit pas un coup bien placé. Certes, cela amocha la jeune fille, mais disons que cela lui donna une bonne leçon...

Il y a toujours une histoire derrière chaque personne. Parfois horrible, parfois digne des plus magiques des contes de fées. Il y a toujours une raison pourquoi elles sont comme elles sont. La souffrance modifie notre personnalité. Alors, soyons honnêtes, Maralina a une personnalité légèrement dérangée, mais une chose la guide plus que tout; la passion et sa liberté. Ses jeunes années lui sont gravées en mémoire, comme une douloureuse blessure qui ne guérit jamais.  Elle est très entêtée et cela lui a causé énormément de problèmes tout au long de son existence. Gare à celui qui se met sur son chemin lorsqu’elle a quelques choses en tête. C’était probablement une des plus grandes sources de problèmes avec son père; elle n’a jamais voulu accepter que certaines personnes puissent être supérieures. Après tout ils étaient tous de la même couleur à l’intérieur.  Bon d'accord, il y a peut-être l'exception des Dieux qui l'ont toujours fascinée, mais ces derniers seraient définitivement les seuls. Maralina voue une adoration assez particulière pour Rikni. Elle s'est toujours dit qu'un jour, elle aussi pourrait prouver sa valeur devant la déesse de la guerre.


Extrêmement froide pour les personnes qui ne la connaissent pas, elle donne l’impression de ne pas avoir d’âme, et elle exécute les moindres tâches  - même les plus ingrates- sans ronchonner, sans dire un mot. En réalité, elle a bâti ce mur autour d’elle pour tenter de se protéger et pour éloigner qui contre qui tenterait d’être un peu trop amicale. Ambitieuse, peut-être un peu trop, son but ultime est de faire briller le nom de sa famille. Un nom qui est passé si près de disparaître. Pour ce qui est de son métier, rien ne la dérange. Elle a eu l’impression d’être tellement en entouré de violence durant sa vie, que plus rien ne la fait sourciller. Elle est aussi très indépendante, et ne recherche pas la compagnie de personne, ou du moins, c’est ce qu’elle aime prétendre. Discrète, elle déteste attirer trop l’attention ou s’attacher à quelqu’un. Elle a assez perdu de gens autour d’elle qu’elle ne voit pas l’utilité de s’attacher si c’est pour tout perdre encore une fois. Peut-être que vous appelez cela fuir, elle, elle appelle cela se protéger. Se protéger de la douleur, continuer à entretenir ce mur qu’elle a bâti autour d’elle. Mais  cela n’empêche pas qu’elle ressent cruellement le manque d’interaction avec d’autres personnes. Très intelligente, elle a une facilité incroyable pour tout ce qui se rapproche des langues. Après tout, ces parents s’étaient assurés qu’elle ait la meilleure éducation possible. Pour ceux qui réussiront à percer sa carapace un jour, ils découvriront une jeune femme loyale, quelques fois agréable et qui a un sens de l’humour bien trempé.

Ce fut par une sombre nuit de Janvier, à l’an 1147, que le Baron Ulric de Bransat et son épouse, Helena accueillir leur premier et dernier enfant. Malheureusement, cette même nuit, la baronne s’éteignit alors qu’elle venait de mettre au monde une jolie petite blondinette qu’ils appelèrent Maralina. Le Baron était un homme strict, têtu et surtout énormément fier, qui ne démontrait jamais ses émotions. Pour lui, son nom était incroyablement important. Cela représentait non seulement votre histoire, mais aussi qui vous êtes réellement. Jamais un Bransat ne s’était sauvé comme un couillard d’un champ de bataille et jamais on ne les aurait regardés de haut. Car naître un Bransat signifiait que votre simple présence inspirait le respect, qu’il marchait à travers la lumière. Jamais un Bransat n’avait abandonné et ce nom survivrait, peu importe ce qui se passerait. Néanmoins la famille avait toujours eu cette attitude froide envers les autres. Si l’on disait que l’héritière était une tour de givre, le Baron, lui était carrément une tour de glace. Il aimait sa fille, à sa façon, mais n’avait jamais trouvé la bonne façon de s’adresser à elle. Néanmoins, ce dernier avait un but très précis pour sa fille. Il voulait en faire une héritière intelligente, logique et stratégique. Il ne voulait pas que cette dernière dépende de quiconque pour survivre. Après tout, la vie était déjà assez cruelle, au moins elle n’aurait pas à se soucier des loups qui voudraient la Baronnie. C’est ainsi que la jeune fille grandie bien entouré des plus grands professeurs qu’on pouvait lui donner. Monte, géographie, langue, étiquette, rien n’était trop bon ou peu important pour sa fille. Il dépensa une fortune pour sa progéniture et cette dernière devint une jeune femme accomplie.

Baronnie de Bransat, 24 Mai 1157

Maintenant âgée de dix ans, la jeune fille commençait à peine à dévoiler son caractère. Différente des autres jeunes filles de son âge, son père trouvait qu’elle jouait un peu trop avec l’écuyer de Sir David. L’un de ses plus proches amis, et un fidèle chevalier. Ce dernier quant à lui, croyait que cette distraction aidait la jeune fille. Après tout, on pouvait la voir sourire lorsqu’elle était avec le jeune Pierre, chose qui semblait assez rare sans la présence de son écuyer. Il se doutait bien qu’un jour ils devraient mettre un terme à cette relation, mais pour le moment, le chevalier était convaincu que ce n’était qu’une relation anodine. Une simple amitié enfantine, qui se briserait par elle-même. Après tout, leur chemin serait bien différent. Et c’est pendant une matinée fraîche que la jeune fille observa discrètement les manœuvres du chevalier ainsi que de Pierre par la fenêtre de sa chambre. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu’elle les regardait s’entraîner dans la cour, et répliquer le moindre de leurs mouvements dans ses appartements. Une opération frustrante, et elle savait pertinemment qu’elle devrait faire plus pour apprendre à se battre convenablement. Mais que faire? Jamais son ami n’accepterait de lui apprendre. Non, elle se devait d’être convaincante, de prouver à son ami qu’elle méritait cet apprentissage. Ce ne fut que quelques jours plus tard qu’elle russisât à accumuler le courage nécessaire pour aller affronter le jeune écuyer. Elle attendit que son entraînement soit terminé et le suivit discrètement dans l’écurie. Une fois seule, la jeune fille s’approcha doucement du jeune adolescent qui la remarque tout de suite. « Votre honneur » dit-il en s’inclinant bien bas, puis remarquant qu’ils étaient seuls dans la pièce, il se fit beaucoup plus amical, beaucoup plus naturel.  « Tu veux aller te promener? J’ai fini mon entrainement, ne me reste qu’à ranger les armes et je suis à toi! » Maralina le fixa de son regard cendré, interdite, débattant intérieurement à la meilleure façon d’aborder la chose. Puis, décida d’être le plus direct possible. « Je veux que tu m’apprennes à combattre. »


« Quoi?! » Dit-il légèrement ébahie avant de se mettre à rigoler. « Non, mais pourquoi je  ferais ça? T’as pas besoin d’apprendre! Et en plus, je serais toujours là pour te protéger! » Dit- le garçon à peine plus âgé qu’elle, en souriant. La jeune fille quant à elle, serra doucement les poings pendant que son regard prit soudainement une expression bien différente de ce qu’ils avaient été habitué à. Son regard devint colérique, haineux, comme si la plus violente des tempêtes.  « Justement, que ferais-je le jour que tu n’es pas là? Que je meurs? » Pierre cessa rapidement de rire, et revint rapidement sérieux. Il détestait voir cette expression sur le visage de son amie, après ils avaient grandi ensemble, et leur amitié était des plus sincères. Il s’approcha doucement de Maralina et lui prit doucement les mains; « Il ne t’arrivera rien, Maralina. Tu sais que tu es bien entouré, une dame n’a pas besoin d’apprendre à se battre. » La jeune fille retira rapidement ses mains de celles de son ami, avant d’attraper un bâton avant de se mettre en garde. Copiant avec la plus grande application la position que l’écuyer, lui-même, avait prise il y a cela de quelques minutes à peine. Le jeune garçon soupira avant de lever les yeux aux ciels, avant de croiser les bras sur son torse. « Non je t’apprendrais pas ! » L’héritière plissa légèrement les yeux avant de se lancer sur son adversaire, elle put presque entendre le bâton qui fouettait l’air sous la vitesse. Elle voulait lui montrer qu’elle était capable, voulait lui montrer qu’elle méritait qu’il lui accorde du temps et elle avait cette soif insatiable d’apprendre à se servir d’une arme. Le garçon reçut le coup directement sur le bras, avant de lâcher un petit bruit. Il se frictionna le bras, l’air un peu frustré, avant de prendre lui aussi un bâton. « Sa y’est cette fois tu l’as cherché! Je vais te montrer de quel bois je me chauffe! » Le combat s’annonça alors entre la jeune fille et son adversaire, si le tout semblait plutôt banal de l’extérieur, la concentration dont faisait preuve l’héritière était presque impressionnante. Elle répliquait à merveille les mouvements qu’avait faits le chevalier un peu plus tôt, se déplaçant avec une grâce presque innée – du moins pour une enfant. Le combat finit lorsque dans leur fougue, les deux jeunes gens tombèrent dans le foin. L’un rigolant et l’autre avait toujours cet air froid, comme si la frustration s’accumulait sur le visage de la jeune fille. Pierre se redressa et cessa rapidement de rire lorsqu’il vit l’air de son amie. « Mais arrête de faire cette figure! Tu sais ce que l’on ferait si on apprenait que l’on se bat ensemble? » Maralina haussa rapidement des épaules avant de se redresser à son tour. « S'il te plait, Pierre. Personne ne le saurait. On pourrait s’entraîner ici tous les matins à l’aube. Tu pourrais tout m’apprendre ce que Messire de Parnasse t’apprends. »


L’écuyer lui lança un air soupçonneux. « Et pourquoi tu veux apprendre à te battre? » Maralina haussa les épaules, « Cela ne regarde que moi. » Le silence s’installa rapidement dans l’écurie, puis voyant que le garçon ne semblait pas acquiescer. Elle poussa un peu plus sa chance. Elle soupira, avant de prendre un air triste, regardant directement devant elle. Son ami eut l’impression que son cœur se fendait. Il détestait lorsqu’elle avait cette expression! C’était son amie après tout. Une amitié improbable certes, qui devrait probablement cesser un jour, mais cela ne voulait pas dire qu’il cesserait de se préoccuper de la jeune fille. « Très bien. » Dit-il en soupirant. Pour la première fois, la jeune fille afficha un sourire avant de se jeter dans les bras du garçon. « Merci » lui souffla-t-elle dans l’oreille. Pierre leva les yeux au ciel avant de la serrer légèrement contre lui. Il sentait son cœur battre la chamade. Mais dans quel pétrin s’était-il encore mis?  Leur amitié particulière continua, une amitié qui avait commencé d’une façon tout à fait anodine, mais qui avait rapidement grandi entre l’écuyer et la jeune noble. Tous les matins pendant les années qui suivirent, ils se rencontrèrent en secret, se pratiqua ensemble. La jeune femme devint une combattante correcte  en même temps que son ami. Certes, elle n’avait pas la même expérience que ce dernier, mais sa soif d’apprendre était sans précédent et elle voulait réussir à tout prix.

Quelques années plus tard…

Ces pas résonnèrent sur la pierre du sol froid de la demeure du Baron. Le messager avait peine à rattraper son souffle. Il pouvait presque sentir les larmes commencer à perler sur le bord de ses yeux. Des gardes se mirent sur son chemin, tentant d’arrêter sa course effrénée. Mais ce dernier les esquiva rapidement pour arriver dans la salle de réception du Baron Ulric de Bransat. « Ils arrivent! » Dit-il d’une voix tremblante. Le messager se laissa tomber sur ses genoux, face au Baron et à sa fille, puis cacha ses yeux de ses mains; « Des créatures horribles, qui tuent tout sur leur passage! Nous avons tenté de les contenir dans les visages, mais nous tombons tous… Nous allons tous mourir… » Le Baron se redressa, bien conscient de la menace qui se préparait. Cela faisait plusieurs pigeons qui lui ramenaient le même message. Les morts se relevaient, et détruisaient tout sur son passage… « Faites entrer les gens. Préparer tous ceux qui peuvent se battre et barricader moi cette maudite porte! » Les soldats répondirent tous en cœur d’un vaillant « Hoy! » Avant d’aller préparer les défenses de la ville. Bransat de tomberait pas aujourd’hui. Ulric tenta de garder un visage de marbre, mais il était très conscient de ce qu’il arrivait et des risques qu’il prenait. Il se retourna vers sa fille, « Va te préparer. Sois prête à fuir si nécessaire.  J’espère que tu te souviens de tes leçons de monte… » Maralina acquiesça silencieusement avant de sortir rapidement de la pièce. Oh oui elle était prête, et elle se souvenait parfaitement bien de toutes ses leçons…  Le baron soupira, il aurait tellement voulu lui dire plus. Lui dire à quel point elle ressemblait à sa mère, à quel point il était fier d’elle. Mais les sentiments devraient attendre. La guerre s’apprêtait à commencer.

Le soir venu…

Presque tout le monde qui le pouvait se trouvait sur les remparts. Tous armés jusqu’aux dents. Tous tremblaient comme des feuilles. Comment auraient-ils pu faire autrement? Personne n’avait jamais vu un tel fléau, personne n’avait jamais pensé que les dieux pourraient être aussi cruels. Ses bêtes étaient affreuses, terrifiantes et même les doux rayons de la lune ne semblaient pas assouplir leurs visages. Maralina pouvait les voir, des remparts du château. Les archers étaient prêts, le silence était maître dans la ville, seuls les grondements des bêtes semblaient présents, ainsi que le hurlement de ceux qui avaient refusé le refuge des murs de la demeure du Baron. Maralina posa doucement son regard sans émotion vers son père. Elle pouvait voir la frayeur dans ses yeux, l’horreur qui se frayait un chemin pour s’y installer. Il ne fit que lever le bras et la première volée de flèches partie. Puis une deuxième, puis une troisième. Cela semblait inefficace, comme si ces créatures avaient été créées pour leur donner la plus cruelle des morts. Les portes bougèrent dangereusement pendant que les bêtes se jetaient dessus. Elle pouvait voir les gonds réagir à chaque coup, elle pouvait entendre les griffes de ces bêtes dans la porte.


Soudainement son père se retourna, regardant silencieusement sa fille unique. « Va m’attendre dans les tunnels. Aucune discussion! » Le masque impassible de sa fille semblait soudainement se détendre, comme si elle venait de réaliser ce que son père pensait. C’était une bataille perdue. Mais si elle pouvait au moins survivre. La maison tiendrait. « VA! VITE! » Maralina sentit son souffle s’accélérer, et avant même qu’elle ne puisse rétorquer quoi que ce soit, le Baron de Bransat attrapa un de ses soldats. « Toi, accompagne ma fille et ne la lâche pas des yeux! DÉPÊCHEZ-VOUS! » Le soldat approuva du chef avant d’attraper rapidement le bras de la jeune femme pour l’amener. Maralina jeta un dernier regard à son père, ce dernier savait pertinemment ce qui allait se passer, mais il devait combattre, s’il avait une chance de sauver la ville, il donnerait tout pour le faire. Après tout, c’était son domaine, sa fierté.


Cela ne prit que quelques minutes pour que les deux jeunes gens n’atteignent les tunnels et le craquement sinistre qu’elle put entendre alors qu’elle s’engageait dans l’étroit tunnel ne laissait rien au hasard. Ils arrivaient. Ils avaient fait céder la porte. Elle put entendre les cris de rage et le son strident des épées. Le combat semblait d’une violence incroyable, et les cris de terreur et de douleur qui parvenaient à ses oreilles ne rassuraient en aucun point l’héritière. Elle savait qu’elle pouvait se défendre, mais ces créatures étaient d’un tout autre niveau.


Et elle galopa, sans s’arrêter, et ce malgré les cris d’horreur. Elle était bien consciente que les créatures la suivaient. Elle pouvait entendre le son horrible qui sortait de leur gueule. Ces rugissements qui auraient fait frémir le plus grand des hommes et ces grognements qui vous faisaient retourner le sang. Elle ne pouvait pas mourir. Pas maintenant, Maralina avait toujours eu cette soif d’aventure, cette soif de découverte, et elle ne tomberait définitivement pas sous les griffes de ces créatures sorties tout droit des profondeurs! La course effrénée dura de longues minutes… À moins que cela soit des heures? C’était difficile à dire, des heures où elle eut l’impression que sa vie ne tenait qu’à un fil. La détermination  du petit groupe aidant, ils atteignirent finalement son but ultime, au prix de la vie de quelques hommes de main, qui furent violemment fauchés. Personne n’eut le temps de les aider, la Fange s’était jetée dessus. Le groupe arriva finalement dans une petite ville portuaire à la frontière du duché. Maralina ne put s’empêcher d’arrêter son étalon net alors qu’elle aperçut la vision d’horreur devant elle. Plus une trace des habitants. La ville semblait déserte, comme si toute trace de vie elle-même avait disparu. Des éclaboussures de sang ornaient les maisons, des membres déchiquetés pourrissaient dans la boue, comme un glauque tableau du plus sadique des artistes. La jeune fille sentit son cœur se soulever, et elle ne put empêcher la nausée qui l’accablât. Elle devait se ressaisir, elle devait rejoindre Marbrume… Combien de temps avait-elle encore à chevaucher? La nuit approchait et ils devaient se trouver un refuge. Ce qu’ils firent,  trouvant refuge dans une chaumière isolée, où ils dormirent tous d’un demi-sommeil. Sursautant à chaque bruit, à chaque craquement que la nature faisait… Maralina connut non seulement la peur cette nuit-là, mais la haine. Cette haine qui vous pèse et qui vous change. Elle qui avait toujours été très bien entourée, la voilà qu’elle se terrait dans les taudis pour survivre, et tout cela à cause de ses choses immondes… Un jour elle se vengerait, mais pour le moment, ils devaient survivre… Le trajet dura des jours. Des jours à tenter de trouver de quoi survivre, tout en sentant la menace permanente au-dessus de votre tête. Des jours à lutter pour votre vie et lorsque le groupe eut finalement atteint les portes de la ville, le triste spectacle qui se jouait devant elle ne laissait rien au hasard, ils avaient définitivement tout perdu…

***

Cela faisait déjà quelques mois que le baron, sa fille et quelques-uns de ses plus proches hommes de main étaient arrivés à Marbrume. La jeune femme avait été étonnée du chaos qui se trouvait dans la ville. Les gens avaient faim, le chaos planait dans la ville. Les gens se disputaient pour des miettes de pain la jeune noble descendit de son cheval, avant d’observer le spectacle autour d’elle. Son regard grisâtre se déplaçait lentement ‘un côté à l’autre, observant les gens pleurer, observant les gens se chamailler. Avait-elle réellement abandonné  son monde pour cela? Par chance, dans sa grande générosité, le Duc leur avait octroyé une résidence sur l’esplanade. Une toute petite demeure confortable, mais qui était bien loin de ce qu’ils avaient pu avoir dans le passé, mais c’était beaucoup mieux que l’enfer qui se dévoilait en dehors des murs. Maralina se souvenait que trop bien des villages fantômes qu’ils avaient traversés. Des traces de sang peintes sur les murs…  Elle voulait aider. Elle voulait sauver le monde et se débarrasser des créatures et lorsqu’elle entendit dire que les femmes pouvaient maintenant se joindre à la milice, elle ne perdit pas une seconde et alla s’enrôler. Les tests furent rigoureux. Les insultes,  les menaces et les tentatives d’humiliation furent énormément nombreuses, mais jamais elle ne céda à quoi que ce soit, jamais elle ne laissa l’atteindre. Elle avait un but précis en tête, une vengeance à accomplir. Ses efforts semblèrent porter fruit, car elle put s’enrôler dans la milice. Certes, elle devrait passer par un entraînement rigoureux, mais cela ne lui faisait aucunement peur. Il n’y avait qu’une dernière tâche à accomplir, celle d’avertir le Baron. Maralina savait pertinemment qu’il n’accepterait jamais cet affront, qu’il verrait son but comme une humiliation, mais elle se disait qu’un jour, il comprendrait.


Le soir même, le père et la fille partagèrent un repas en silence avant de se diriger vers le petit salon. Son père se versa une coupe de vin avant de commencer à déguster le liquide rougeâtre. Elle savait qu’elle devait lui dire ce soir. Sinon la rumeur viendrait bien assez vite à ses oreilles. C’était le moment.


« Je me suis enrôlé dans la milice. »


Son père s’arrêta net, avant de se retourner  vers sa fille. Les yeux écarquillés. « Qu’est-ce que tu viens de dire? » Maralina, soutenant le regard de son père,  redressa son menton, fière, en répétant sa phrase sur le même ton glaciale; « Je me suis enrôlée dans la milice. » Un silence pesant s’installa dans la pièce, l’atmosphère devint lourde et personne ne prononça un mot. Puis soudainement, son père laissa tomber sa coupe qui s’écrasa contre la pierre du sol de leur salon. Toujours sur le choc, ce dernier sembla avoir retrouvé l’usage de ses cordes vocales; «  Non tu ne peux pas faire ça! » Rugit-il d’un ton colérique. Son visage généralement si impassible semblait avoir  retrouvé un semblant de couleur. Il soupira avant de lever les yeux au ciel, puis; « Comment oses-tu accabler notre famille ainsi? Nous sommes des Bransat! Notre lignée est droite et fière! Et tu viens de détruire tout cela avec tes enfantillages! » Le Baron s’approcha rapidement de sa fille, d’un pas lourd avant de lever sa main pour la gifler. Rapidement, la jeune femme attrapa le poignet de son père, et le retint avant de prendre la parole; «  Non, au contraire. » Son père retira brutalement sa main de la poigne de sa fille pendant que cette dernière continuait; « Je vais être la première Bransat à prouver qui est notre famille, père. Vous m’avez toujours raconté les histoires de notre famille, m’avez vanté les triomphes des hommes de notre famille. C’est à mon tour d’écrire l’histoire… » Son père avait le visage déformé de colère, mais elle pouvait bien voir aux creux de ses yeux que ce n’était pas seulement de l’humiliation… Non… Le baron semblait inquiet. Inquiet de perdre sa fille unique. Le seul rappel qu’il avait de feu son épouse. Il n’en avait que cure des gens qui riraient de lui, il avait toujours voulu la protéger et lui donner une vie extraordinaire, et voilà que la Fange était apparue et lui avait pris tous ses  rêves…


Ulric soupira, dévisageant toujours le visage sans expression de sa fille. Il savait pertinemment qu’il était trop tard. Que tout le monde saurait qu’elle s’était engagée, et les Bransat deviendront encore plus la risée du Royaume. Dépouillé, pauvre et maintenant voilà que la seule héritière décidait de briser toute les règles et d’humilié encore plus leur famille. Est-ce qu’il pourrait réellement tomber plus bas? « Je vais aller voir le sergent, et annuler tout cela. On va prendre un arrangement et te libérer de ce stupide engagement. Tu deviendras Baronne ou je sais pas quoi, te mariera et vivra une belle vie tranquille. » Son ton était froid, glacial, il se voulait convaincant, mais lui-même n’y croyait pas. Il savait que Maralina était têtue, il savait qu’il la perdrait s’il forçait à faire cela. Le baron avait toujours eu des doutes sur sa fille. Jamais elle n’avait joué avec les autres jeunes filles, non, elle était celle qui jouait dans la boue ou qui regardait les chevaliers avec admiration. Il avait osé penser que ce n’était qu’une passe, qu’elle deviendrait une jeune femme gracieuse, mais il l’avait toujours su au fond de lui que sa fille ne ferait jamais cela. « Non. » Le Baron sortit de ses pensées et releva la tête vers sa fille. « Vous ne prendrez aucun arrangement. Si vous osez, je partirais dès ce soir et vous ne me verrez plus jamais. » Le Baron se crispa, puis sa fille s’approcha de ce dernier avant de prendre sa main. « Je sais que je peux le faire, père. Je sais que je peux montrer ma valeur, et je sais que vous serez fier de moi un jour. Notre famille a assez souffert. Il est temps de retrouver  notre gloire et je sais comment le faire. » Le baron retira rapidement sa main, furieux, et lui tourna le dos sans dire un mot pour sortir rapidement de la pièce d’un pas lourd. Maralina savait qu’il n’était pas d’accord, mais elle connaissait assez son père pour savoir qu’il ne ferait rien de plus. Elle était milicienne maintenant, qu’il le veuille ou non.


Et c’est ainsi que l’héritière de Bransat devint une milicienne, abandonnant son titre, mais n’abandonnant pas l’espoir de mettre en valeur sa maison. De prouver qu’elle était faite pour se battre, pour repousser les limites… Qu’elle existait pour prouver au monde que les Bransat n’avaient pas froid aux yeux, qu'ils étaient toujours là, peu importe ce qui se passait ! On disait que tout à l’extérieur était tombé, et Maralina avait l’impression de revivre chaque nuit leur fuite. De revivre chaque nuit ce cauchemar dans lequel elle vivait. Mais, mieux valait ne pas y penser, elle avait une tâche à accomplir, une vengeance à remplir. La route serait longue certes, mais les batailles ne sont pas gagnées par les plus forts ni par les plus rapides, mais par ceux qui n'abandonnent jamais.